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5.1 Code des droits de la personne

La Partie 1 du Code protège les personnes contre la discrimination et le harcèlement fondés sur la croyance dans cinq « domaines sociaux » :

  • Biens, services et installations (article 1). La catégorie « service » est très vaste et peut inclure des services qui appartiennent à des entreprises privées ou des organismes publics, ou sont administrés par de tels entreprises ou organismes, notamment dans les secteurs de l’éducation, de la restauration, du maintien de l’ordre, des soins de santé, des centres commerciaux et de l’assurance. Le harcèlement fondé sur la croyance est une forme de discrimination et est donc interdit en contexte de services (voir la section 8.2 ci-après pour un complément d’information sur le harcèlement)[92].
  • Accès au logement (article 2). Cela inclut l’accès à un logement locatif privé, logement coopératif, logement social, logement subventionné et logement avec services de soutien, ainsi qu’aux traitements qui y sont offerts.
  • Établissement de contrats avec autrui (article 3). Cela inclut le fait de conclure un contrat ou d’y mettre fin, d’établir des prix ou des modalités, et de faire de la discrimination durant la vie du contrat.
  • Emploi (article 5). L’emploi inclut le travail à temps plein et partiel, le bénévolat, les stages étudiants, les programmes d’emploi spéciaux, le travail avec période d’essai [93] et le travail temporaire ou à contrat.
  • L’association ou l’appartenance à un syndicat, à une association professionnelle ou autre (article 6). Cela s’applique à l’adhésion aux syndicats et à l’inscription aux professions autonomes, y compris aux modalités d’adhésion et au traitement des membres.

Un des aspects fondamentaux du Code est sa primauté sur toutes les autres lois de l’Ontario, sauf celles qui indiquent expressément qu’elles s’appliquent malgré le Code. Donc, en cas de conflit entre le Code et une autre loi provinciale, le Code a préséance à moins que l’autre loi n’indique le contraire[94].

Aux termes du Code, le droit à un traitement égal en matière de croyance inclut le droit à un traitement égal, quelle que soit la croyance, sans accorder de privilège ou causer de désavantage à quiconque, ou prévenir quiconque de participer à un domaine social protégé par le Code au motif de sa croyance (ou absence de croyance particulière). Le droit à un traitement égal peut parfois obliger les personnes et organisations à prendre des mesures d’adaptation positives pour tenir compte des observances relatives à la croyance des personnes.

Le motif de la croyance, comme la religion, a des caractéristiques distinctes. Premièrement, la croyance a généralement une importante dimension d’association. Autrement dit, elle peut nécessiter la participation à des activités de groupe et groupements collectifs, ou s’exprimer par l’entremise de tels groupements ou activités[95]. Deuxièmement, une croyance peut prendre des formes multiples et variées, compte tenu de son fondement subjectif et de son enracinement dans des « convictions sincères ». De nombreuses personnes pensent que la croyance devrait céder la place à d’autres besoins ou droits soi-disant plus importants en raison du fait que les convictions rattachées à la croyance peuvent changer. Bien qu’on puisse penser qu’il soit facile pour une personne de modifier ses convictions rattachées à la croyance, la Cour suprême a indiqué que la religion était « modifiable uniquement à un prix inacceptable du point de vue de l’identité personnelle » et n’est pas moins digne de protection que tout autre droit[96].

« [L]a croyance ou l’engagement religieux [est] profondément enraciné […] comme un élément de l’identité de l’individu plutôt que comme une simple question de choix ou de jugement personnel ». - Richard Moon, tel que cité par la Cour suprême du Canada[97]

Même si la Cour suprême parlait de religion, on peut en dire autant de la croyance.

Enfin, selon les circonstances, le droit à un traitement égal en matière de croyance peut être revendiqué non seulement aux termes des dispositions relatives à l’égalité de l’article 15 de la Charte (comme les autres motifs du Code) mais aussi des dispositions relatives aux « libertés fondamentales » de la Constitution (liberté de conscience et de religion à l’al. 2a) de la Charte).

Malgré certains aspects particuliers des droits religieux ou relatifs à la croyance, la Cour suprême du Canada a confirmé qu’il n’y a pas de hiérarchie de droits et que la croyance mérite la même considération, la même protection et le même respect que tous les autres droits de la personne (voir la Politique sur les droits de la personne contradictoires de la CODP)[98].

L’article 9 du Code interdit la discrimination directe ou indirecte. L’article 11 indique que la discrimination inclut la discrimination indirecte ou par suite d’un effet préjudiciable, laquelle survient quand une exigence, une politique, une norme, une qualité requise ou un critère semble « neutre », mais exclut ou désavantage les membres d'un groupe protégé par le Code [99].

Les personnes qui adhèrent à une croyance ou qui font l’objet de discrimination en raison de leur croyance ou de l’absence de croyance spécifique sont aussi protégées aux termes de l’article 8 du Code si elles subissent des représailles ou des menaces de représailles pour avoir revendiqué leurs droits de la personne[100].

Les membres de la collectivité sont également protégés contre toute discrimination fondée sur leur association à une personne qui adhère à une croyance ou n’adhère à aucune croyance (article 12). Cela peut s’appliquer aux amis, membres de la famille[101] ou autres, comme ceux et celles qui interviennent au nom de personnes ayant des antécédents religieux ou rattachés à une croyance.

Le Code comprend des défenses et exceptions spécifiques qui permettent d’adopter des conduites qui autrement seraient discriminatoires. Les défenses prévues au Code s’appliquent, sans s’y limiter, aux programmes spéciaux (art. 14), aux groupements sélectifs (art. 18), à la célébration du mariage par les autorités religieuses (art. 18.1), aux droits des écoles séparées (art. 19), à l’utilisation restreinte d’installations pour des raisons fondées sur le sexe (art. 20) et aux emplois particuliers (art. 24). Pour en savoir davantage sur ces défenses, voir la section 8.

L’organisation qui souhaite invoquer les défenses ou exceptions prévues doit démontrer qu’elle répond à toutes les exigences de la disposition pertinente.

5.2 Charte des droits et libertés

La Charte canadienne des droits et libertés garantit que les politiques, pratiques et lois de tous les paliers de gouvernement respectent les droits civils, droits politiques et droits à l’égalité de chacun[102]. Contrairement au Code, qui s’applique au secteur public et aux entités privées, la Charte ne s’applique qu’au gouvernement, mais touche les politiques, les programmes et les lois du gouvernement. Aucun gouvernement ne peut enfreindre les droits prévus par la Charte, à moins que leur violation soit justifiée aux termes de l’article 1, qui vise à déterminer si la contravention des droits prévus à la Charte est justifiée dans les circonstances.

Dans certains cas, la Charte peut aider à interpréter la portée des protections relatives aux droits de la personne en matière de croyance.

L’article 15 de la Charte garantit que tous ont droit à la même protection et au même bénéfice aux termes de la loi, sans discrimination fondée sur la religion, entre autres motifs. Cette garantie d’égalité s’apparente à l’objet du Code[103].

L’alinéa 2(a) de la Charte protège la « liberté de conscience et de religion » en tant que liberté fondamentale au Canada. La Cour suprême du Canada a défini la « liberté de religion » aux termes de la Charte dans la cause R. c. Big M Drug Mart Ltd. :

Le concept de la liberté de religion se définit essentiellement comme le droit de croire ce que l’on veut en matière religieuse, le droit de professer ouvertement des croyances religieuses sans crainte d’empêchement ou de représailles et le droit de manifester ses croyances religieuses par leur mise en pratique et par le culte ou par leur enseignement et leur propagation. Toutefois, ce concept signifie beaucoup plus que cela. […] La liberté au sens large comporte l’absence de coercition et de contrainte et le droit de manifester ses croyances et pratiques. La liberté signifie que […] nul ne peut être forcé d'agir contrairement à ses croyances ou à sa conscience[104].

Bien des décisions de la Cour suprême du Canada ont confirmé l’objet essentiel de la liberté de religion ainsi que son importance fondamentale au sein d’une société démocratique[105].

L’alinéa 2(a) de la Charte protège également la liberté de conscience, qui a des objets sous-jacents similaires[106].

Le Code et la Charte ont des objectifs en commun, et on interprète souvent l’un à la lumière de l’autre. Cependant, ces lois diffèrent considérablement sur le plan de leur objet, et le rapport qu’elles devraient entretenir entre elles continue de susciter de grands débats[107]. Par exemple, la protection de la liberté de religion aux termes de l’al. 2(a) de la Charte a pour principal objectif de préserver la liberté individuelle. Le Code a pour objectif principal de préserver et de promouvoir l’égalité et la non-discrimination entre les personnes, en leur qualité de membres de groupes définis par le Code[108]. Toute analyse menée aux termes du Code doit déterminer non seulement si les personnes sont ultimement libres de mettre en pratique leur croyance, mais également si elles bénéficient d’un accès, d’un traitement et d’avantages égaux dans les domaines de l’emploi, du logement, des contrats et des services. Par conséquent, il ne serait pas approprié ou suffisant d’assimiler de façon réductrice les droits relatifs à l’égalité en matière de croyance protégés par le Code aux droits à la liberté consentis par la Charte.

5.3 Droits de la personne sur la scène internationale

Les lois et instruments internationaux relatifs aux droits de la personne établissent les normes et obligations que doivent inclure les lois et politiques internes en matière de droits de la personne. Les tribunaux canadiens peuvent citer explicitement ces lois et instruments internationaux au moment de rendre des décisions judiciaires, ce qu’ils ont d’ailleurs fait par le passé, particulièrement en cas d’ambiguïté quant à l’interprétation des lois canadiennes en matière de droits de la personne[109].

« Il faut présumer que la Charte accorde une protection au moins aussi grande que les instruments internationaux ratifiés par le Canada en matière de droits de la personne ». - Cour suprême du Canada[110]

L’article 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) indique ce qui suit :

Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites.

Les articles 2 et 7 of la DUDH garantie également à toute personne des protections égales devant la loi, sans distinction aucune, y compris en matière de religion[111].

L’article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) de 1966 inclut les dispositions suivantes :

  1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Ce droit implique la liberté d’avoir ou d’adopter une religion ou n’importe quelle conviction de son choix, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, individuellement ou en commun, tant en public qu’en privé, par le culte et l’accomplissement des rites, les pratiques et l’enseignement.
  2. Nul ne subira de contrainte pouvant porter atteinte à sa liberté d'avoir ou d'adopter une religion ou une conviction de son choix.
  3. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet que des seules restrictions prévues par la loi et qui sont nécessaires à la protection de la sécurité, de l’ordre et de la santé publique, ou de la morale ou des libertés et droits fondamentaux d’autrui.
  4. Les États parties au présent Pacte s'engagent à respecter la liberté des parents et, le cas échéant, des tuteurs légaux de faire assurer l'éducation religieuse et morale de leurs enfants conformément à leurs propres convictions[112].

L’article 2.2. du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) de 1966 indique ce qui suit :

Les États parties au présent Pacte s’engagent à garantir que les droits qui y sont énoncés seront exercés sans discrimination aucune fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l'opinion politique ou toute autre opinion, l'origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre situation.

La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DDPA) fixe des normes minimales, ainsi qu’un cadre d’évaluation des droits des personnes autochtones partout dans le monde qui est reconnu à l’échelle internationale. Elle inclut aussi des dispositions visant à protéger le droit des peuples autochtones de mettre en pratique leurs convictions religieuses et spirituelles[113]. Par exemple, le par. 12(1) indique ce qui suit :

Les peuples autochtones ont le droit de manifester, de pratiquer, de promouvoir et d’enseigner leurs traditions, coutumes et rites religieux et spirituels; le droit d’entretenir et de protéger leurs sites religieux et culturels et d’y avoir accès en privé; le droit d’utiliser leurs objets rituels et d’en disposer; et le droit au rapatriement de leurs restes humains[114].

Le Canada a ratifié la DUDH, le PIDCP, le PIDESC et la DDPA, et est également signataire de la Déclaration sur l’élimination de toutes les formes d’intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction de 1981, qui appelle à l‘inclusion de l’ensemble de ces droits dans la législation nationale (et, par le fait même, dans la législation provinciale)[115].


[92] Voir Haykin v. Roth, 2009 HRTO 2017 (CanLII), [Haykin], qui confirme que le Code peut interdire le harcèlement en matière de services, qu’il considère comme de la discrimination.

[93] Voir Lane v. ADGA Group Consultants Inc., 2007 HRTO 34 (CanLII); ADGA Group Consultants Inc. v. Lane (2008), 91 O.R. (3d) 649 (Ont. Div. Ct.) [ADGA v. Lane] et Osvald v. Videocomm Technologies, 2010 HRTO 770 (CanLII), aux par. 34 et 54.

[94] L’article 47 du Code indique ce qui suit : (1) La présente loi lie la Couronne et tous ses organismes; (2) Lorsqu’une disposition d’une loi ou d’un règlement se présente comme exigeant ou autorisant une conduite qui constitue une infraction à la partie I, la présente loi s’applique et prévaut, à moins que la loi ou le règlement visé ne précise expressément qu’il s’applique malgré la présente loi. L.R.O. 1990, chap. H.19, par. 47(2).

[95] Voir p. ex. Loyolasupra, note 8, aux par. 59-60. La dimension des droits relatifs à la croyance portant sur l’association est aussi abordée à la section 8, qui traite entre autres des défenses et exceptions consenties par le Code aux organisations religieuses en reconnaissance de cette dimension collective des droits relatifs à la croyance et de l’expression de la croyance.

[96] En reconnaissance du rôle déterminant que joue la religion dans la vie des gens, leur vision du monde et leur identité, la Cour suprême du Canada a affirmé que la religion était « immuable » parce qu’elle était « modifiable uniquement à un prix personnel inacceptable ». Corbiere c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), [1999] 2 R.C.S. 203, au par. 13.

[97] Moonsupra, note 70, cité dans Loyola, Cour suprême du Canada, supra, note 8, au par. 44. Voir aussi Saguenaysupra, note 41, au par. 73, citant Moon : « Le professeur R. Moon fait observer qu’une conviction religieuse est plus qu’une opinion. Elle est le prisme à travers lequel une personne perçoit et explique la réalité qui l’entoure. Elle définit le cadre moral qui guide sa conduite. La religion est partie intégrante de l’identité de chacun ».

[98] La loi établit clairement que les personnes protégées au motif de la croyance ont le droit au même niveau de protection que celles qui sont protégées aux termes d’autres motifs du Code. Il est important de noter que les tribunaux ont rejeté, comme justification des comportements discriminatoires, l’argument selon lequel une personne peut éviter de faire l’objet de discrimination ou d’intolérance en modifiant ses comportements ou convictions et en effectuant des choix différents (voir p. ex. la décision de la Cour suprême du Canada dans Québec (Procureur général) c. Asupra, note 33, aux par. 336-337).

[99] Voir la section 7.8 pour obtenir plus de renseignements.

[100] Voir la section 7.10 sur les représailles pour obtenir plus de renseignements.

[101] Voir Knibbs v. Brant Artillery Gunners Club, 2011 HRTO 1032 (CanLII) [Knibbs], et Petterson and Poirier v. Gorcak (No. 3), 2009 BCHRT 439 (CanLII) [Petterson].

[102] Contrairement à cela, le Code s’applique au secteur public et aux entités privées.

[103] Les dispositions de l’article 15 de la Charte sur les droits à l’égalité indiquent ce qui suit :

15(1) La loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou physiques.

15(2) Le paragraphe (1) n’a pas pour effet d’interdire les lois, programmes ou activités destinés à améliorer la situation d’individus ou de groupes défavorisés, notamment du fait de leur race, de leur origine nationale ou ethnique, de leur couleur, de leur religion, de leur sexe, de leur âge ou de leurs déficiences mentales ou physiques [nous soulignons].

[104] Big Msupra, note 5, aux par. 94-95.

[105] Dans Big M, idem, la Cour suprême du Canada a affirmé (aux par. 122-123) :

[Et] l’insistance sur la conscience et le jugement individuels est […] au cœur de notre tradition politique démocratique. La possibilité qu'à chaque citoyen de prendre des décisions libres et éclairées constitue la condition sine qua non de la légitimité, de l'acceptabilité et de l'efficacité de notre système d'auto-détermination. C'est précisément parce que les droits qui se rattachent à la liberté de conscience individuelle se situent au cœur non seulement des convictions fondamentales quant à la valeur et à la dignité de l'être humain, mais aussi de tout système politique libre et démocratique, que la jurisprudence américaine a insisté sur la primauté ou la prééminence du Premier amendement. À mon avis, c'est pour cette même raison que la Charte canadienne des droits et libertés parle de libertés « fondamentales ». Celles‑ci constituent le fondement même de la tradition politique dans laquelle s'insère la Charte.

Vu sous cet angle, l’objet de la liberté de conscience et de religion devient évident. Les valeurs qui sous-tendent nos traditions politiques et philosophiques exigent que chacun soit libre d’avoir et de manifester les croyances et les opinions que lui dicte sa conscience, à la condition notamment que ces manifestations ne lèsent pas ses semblables ou leur propre droit d’avoir et de manifester leurs croyances et opinions personnelles.

Voir aussi Amselem, supra, note 5, au par. 1; Edwards Bookssupra, note 5, au par. 759.

[106] Big Midem, aux par. 122-123. Voir aussi R. c. Little, 2009 NBCA 53 (CanLII), au par. 6, indiquant de façon incidente : « Bien sûr, le paragraphe 2(a) ne se limite pas à protéger les convictions religieuses. Cette décision ouvre la porte aux objecteurs de conscience dont le jugement s’inspire d’autres sources ». Bien qu’aucune des décisions de la Cour suprême établissant une distinction entre la « liberté de conscience » et la « liberté de religion » n’ait été adoptée à la majorité, les tribunaux accordent généralement au terme conscience un sens qui englobe les convictions non religieuses dictées par la conscience, qu’elles puisent leur source dans une « morale laïque » (R. c. Morgentaler, [1988] 1 SCR 30, au par. 179, Wilson J), des positions « d’athées, d’agnostiques, de sceptiques ou d’indifférents » (Alberta c. Hutterian Brethren of Wilson Colony, 2009 CSC 37 [Hutterian Brethren], au par. 90; voir aussi Simoneau c. Tremblay, 2011 QCTDP 1 (CanLII), aux par. 208 et 209) ou des « convictions intimes profondes qui régissent la perception qu’on a de soi, de l’humanité, de la nature et, dans certains cas, d’un être supérieur ou différent » (Edwards Bookssupra, note 5, par. 759).

[107]Dans Freitag v.Penetanguishene (Town), la décision du TDPO établit une distinction claire entre la liberté de religion aux termes de la Charte et la protection de la croyance aux termes du Code (2013 HRTO 893 (CanLII), aux par. 27 et 42) [Freitag HRTO] :

 [… ] La Charte et le Code sont des instruments législatifs distincts et l’établissement de la contravention du par. 2(a) de la Charte ne permet pas de conclure à la discrimination dans la cause portée devant moi en application du Code [...][D]ans la mesure où l’on reprend dans les analyses relatives au Code des observations faites dans le cadre d’affaires relatives au [paragraphe 2(a) de la Charte], on doit prendre ces observations en compte d’une manière qui est conforme aux principes d’interprétation législative de longue date qui régissent l’analyse de la discrimination menée aux termes du Code. Et bien qu’il existe des liens évidents entre le paragraphe 2(a) de la Charte et le concept de discrimination, les différentes méthodes d’interprétation de la Charte et du Code soulèvent la possibilité que l’on obtienne deux conclusions différentes, même quand les questions et éléments de preuve à l’étude sont de nature semblable.

Moon (2012) souligne également ce qu’il soutient sont des différences nécessaires entre les analyses aux termes du Code et de la Charte, en partie parce que la Charte, contrairement au Code, s’intéresse principalement aux actions et prérogatives législatives de l’État, et doit donc tenir compte de questions connexes particulières, comme le fait de ne pas surcharger l’État ou le rendre incapable d’assumer de telles fonctions. Voir Moon, R. Accommodation and compromise under s. 2(a) of the Charter, document présenté durant l’atelier juridique de la Commission ontarienne des droits de la personne/Université York sur les droits de la personne, la croyance et la liberté de religion, Osgoode Hall, Université York, 29 et 30 mars 2012. Extrait de https://docs.google.com/file/d/0BwFvhg37TTCjQVN4WkhqS2pTdm8/preview

Voir aussi le Rapport de recherche et de consultation sur les droits de la personne et la croyance pour en savoir davantage sur la relation entre les droits relatifs à la croyance et à la religion aux termes du Code et de la Charte.

[108] Dans ce contexte, l’interdiction de la discrimination fondée sur la croyance aux termes du Code s’apparente davantage au droit à « à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur […] la religion […] » prévu au par. 15 de la Charte. Même là, les tribunaux judiciaires et administratifs ont fait part de différences considérables entre les analyses en matière de discrimination relevant du Code et de l’article 15 de la Charte, et le contexte de leur application, ce qu’il importe de garder à l’esprit au moment d’effectuer un renvoi à des analyses de jurisprudence de la Charte dans le contexte du Code. Pour en savoir davantage sur la relation entre la jurisprudence liée à l’égalité de la Charte et du Code, voir Canada (Procureur général) c. Commission canadienne des droits de la personne, 2013 CAF 75 (CanLII), au par. 19; voir aussi Freitag HRTO, supra, note 107, au par. 41.

[109] Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, aux par. 69-71. Le TDPO a explicitement affirmé la pertinence de la jurisprudence et du droit internationaux en matière de droits de la personne, surtout lorsqu’il s’agissait d’interpréter le motif de la croyance aux termes du Code : R.C., supra, note 67, aux par. 40-41.

[110] 125; voir aussi Health Services and Support — Facilities Subsector Bargaining Assn. c. ColombieBritannique, 2007 CSC 27, [2007] 2 R.C.S. 391, au par. 70.

[111] L’article 2 se lit ainsi :

Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation. De plus, il ne sera fait aucune distinction fondée sur le statut politique, juridique ou international du pays ou du territoire dont une personne est ressortissante, que ce pays ou territoire soit indépendant, sous tutelle, non autonome ou soumis à une limitation quelconque de souveraineté.

L’article 7 se lit ainsi :

Tous sont égaux devant la loi et ont droit sans distinction à une égale protection de la loi. Tous ont droit à une protection égale contre toute discrimination qui violerait la présente Déclaration et contre toute provocation à une telle discrimination.

[112] Le paragraphe 13(3) du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC), que le Canada a ratifié, indique ce qui suit :

Les États parties au présent Pacte s’engagent à respecter la liberté des parents et, le cas échéant, des tuteurs légaux, de faire assurer l’éducation religieuse et morale de leurs enfants conformément à leurs propres convictions.

[113] La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DDPA) a été adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies en 2007 et ratifiée par le gouvernement du Canada en 2010. Les déclarations des Nations-Unies fournisseurs des « normes » reconnues à l’échelle internationale en vue de mesurer la conformité des États au droit international en matière de droits de la personne (y compris ses normes, pactes et conventions). Bien que cette déclaration ne soit pas aussi contraignante sur le plan juridique que l’est une convention, elle reflète des engagements juridiques déjà inscrits dans les traités internationaux et peut être considérée comme faisant partie du « droit coutumier » international et donc comme ayant un effet juridique.

[114] Voir également les articles 8, 11, 13, 18, 25, 31 et 34, et le par. 12(2), pour connaître les mesures plus spécifiques se rapportant aux droits des peuples autochtones en matière de pratique de leurs traditions religieuses et spirituelles.

[115] L’Article 28 du PIDESC et l’article 50 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) stipulent que les dispositions de ces pactes (y compris l’article 18 du PIDCP) s’appliqueront à toutes les unités constitutives des États fédératifs sans limitation ni exception aucunes. Pour en savoir davantage, voir le document de recherche de la CODP intitulé Les commissions des droits de la personne et les droits écomomiques et sociaux (www.ohrc.on.ca/fr/les-commissions-des-droits-de-la-personne-et-les-droits-%C3%A9comomiques-et-sociaux).