La croyance est l’un des motifs de discrimination interdits aux termes du Code des droits de la personne de l’Ontario. Au moment d’interpréter le sens du mot « croyance », il est important de tenir compte du fait que la province a adopté ce terme (« creed » en anglais) dans ses mesures législatives touchant les droits de la personne, et non un terme différent (comme religion, convictions religieuses ou croyance religieuse, utilisées par d’autres compétences dans leurs lois relatives aux droits de la personne). Le choix du terme laisse entendre que la croyance pourrait avoir un sens distinct de celui de ces autres termes étroitement liés[65].
Le Code ne définit pas le concept de discrimination. L’interprétation du terme croyance et des convictions et pratiques rattachées à la croyance évolue au fil du temps, tout comme les formes de discrimination fondée sur la croyance.
La signification accordée au terme « croyance » diffère d’une personne à l’autre. La consultation de la CODP a permis aux participants de faire part de certaines des limites de ce terme.
Certaines personnes, y compris certains peuples autochtones et autres groupes adhérant à des traditions culturelles et spirituelles minoritaires n’utiliseraient pas les termes « religion » ou « croyance » pour décrire leurs convictions, malgré le fait qu’elles bénéficient de protection dans le contexte de ce motif de discrimination interdit aux termes du Code[66].
Au fil du temps, les protections des droits relatifs à la croyance consenties aux termes du Code ont été étendues à un éventail croissant de convictions et de pratiques, y compris certaines qui n’ont aucun lien à une religion organisée officielle, à des textes sacrés, à des doctrines officielles ou à des autorités institutionnelles.
La présente politique interprète les protections consenties aux termes du Code de façon libérale et téléologique (autrement dit, d’une façon qui reflète l’esprit et l’objet du Code). Cette façon de procéder concorde avec le principe que, vu son statut quasi constitutionnel, on doit donner au Code l’interprétation libérale qui est la plus susceptible de mener à la réalisation de ses objectifs de lutte contre la discrimination.
4.1 Qu’est-ce que la croyance?
Aux termes du Code, la croyance inclut sans si limiter nécessairement la « croyance religieuse » ou la « religion »[67]. Compte tenu de la nature évolutive des systèmes de convictions au fil du temps et de la nécessité de donner une interprétation libérale et téléologique aux protection consenties à la croyance aux termes du Code, la présente politique n’offre pas de définition universelle et définitive de la croyance[68]. Cependant, les caractéristiques suivantes sont pertinentes lorsqu’il s’agit de déterminer si un système de convictions constitue une croyance aux termes du Code. Une croyance :
- est sincère, profonde et adoptée de façon volontaire[69]
- est intégralement liée à la façon dont la personne se définit et s’épanouit sur le plan spirituel[70]
- constitue un système particulier de convictions qui est à la fois exhaustif et fondamental, et régit la conduite et les pratiques de la personne[71]
- aborde les questions ultimes de l’existence humaine, dont les idées sur la vie, son sens, la mort et l’existence ou non d’un Créateur et (ou) d’un ordre d’existence supérieur ou différent[72]
- a un lien quelconque avec une organisation ou une communauté professant un système commun de convictions, ou une connexion à une telle communauté[73].
Si de l’incertitude demeure à la suite de la prise en compte des critères susmentionnés, il devrait être tenu compte de l’objectif d’ensemble du Code et plus généralement des autres lois relatives aux droits de la personne[74].
La religion offre un exemple typique des types de convictions ou de pratiques protégées par le Code au motif de la croyance[75]. Selon la Cour suprême du Canada, bien qu’on ne puisse définir précisément la religion, il est possible de la distinguer des convictions et pratiques rattachées à la croyance « qui possèdent une source laïque ou sociale ou sont dictées par la conscience »[76]. Dans l’arrêt Amselem[77], la Cour suprême définit la religion de façon libérale et y incluant typiquement : « un système particulier et complet de dogmes et de pratiques », « une croyance dans l’existence d’une puissance divine, surhumaine ou dominante » et « de profondes croyances ou convictions volontaires » qui « se rattachent à la foi spirituelle de l’individu et qui sont intégralement liées à la façon dont celui-ci se définit et s’épanouit spirituellement ». Le fait de se soumettre à de telles convictions permet à la personne « de communiquer avec l’être divin ou avec le sujet ou l’objet de cette foi spirituelle »[78].
Pour être reconnu comme une religion ou une croyance aux termes du Code, un système de convictions n’a pas besoin de faire intervenir un ou plusieurs dieux ou un être suprême quelconque. La religion ou la croyance inclut les convictions ou pratiques spirituelles des cultures autochtones. Elle peut inclure également de nouvelles religions ou croyances (évaluées au cas par cas en tenant compte des facteurs susmentionnés)[79].
Exemple : Un arbitre du travail a conclu qu’un employeur aurait dû tenir compte des besoins d’un employé qui adhérait au système de convictions de la Rocky Mountain Mystery School en lui permettant de prendre congé pour participer à un pèlerinage aux montagnes Rocheuses. En déterminant que l’employeur aurait dû prendre de telles mesures d’adaptation, l’arbitre a implicitement admis que l’affaire faisait intervenir le motif de la croyance.[80]
Les organisations devraient accepter de bonne foi qu’une personne pratique une croyance, à moins d’avoir de bonnes raisons de croire le contraire. Les tribunaux administratifs et judiciaires ont généralement hésité à exclure des convictions du motif de la croyance aux premières étapes d’instances de revendication de droits de la personne relatifs à la croyance.
En même temps, la croyance au sens du Code ne s’étend pas à toutes les convictions, opinions, expressions, pratiques ou questions de conscience. Contrairement aux lois d’autres autorités législatives, le Code de l’Ontario n’inclut pas les convictions politiques à ses motifs de discrimination interdits. Jusqu’à présent, aucun tribunal administratif ou judiciaire n’a déterminé qu’une opinion ou conviction politique quelconque constituait une croyance aux termes du Code de l’Ontario. Cependant, certaines décisions ont ouvert la porte à la reconnaissance d’un système exhaustif de convictions politiques ou philosophiques à titre de croyance aux termes du Code[81]. Les personnes adhérant à des convictions politiques qui chevauchent considérablement leurs convictions rattachées à la croyance peuvent aussi bénéficier de protection aux termes du Code, si la croyance est un facteur dans leur traitement discriminatoire[82].
Exemple : La Cour divisionnaire de l’Ontario a conclu que les points de vue d’une personne à l’égard du conflit israélo-palestinien n’équivalaient pas à une croyance aux termes du Code, mais plutôt à une opinion politique sur une question précise, ce qu’a confirmé la Cour d’appel de l’Ontario. La Cour a reconnu que la définition de la croyance variait d’un dictionnaire à l’autre, et que certains dictionnaires incluaient à la définition les systèmes de convictions laïques. Elle a ajouté que le terme pourrait inclure un ensemble exhaustif de principes, mais que son sens comprend d’ordinaire une dimension religieuse. La Cour a ensuite explicitement affirmé la possibilité qu’une « perspective politique comme le communisme, composée d’une structure ou d’un système cohésif et reconnu de convictions » puisse constituer une croyance, mais qu’il n’était pas nécessaire de résoudre cette question dans le cadre de cette affaire.[83]
Lorsqu’il existe des raisons suffisantes d’en douter, il peut parfois être nécessaire de procéder à une investigation objective de l’existence d’une croyance[84]. Habituellement, cela ne concerne que de cas rares. Dans de tels cas, il faudrait aussi tenir compte des critères susmentionnés. Il peut parfois ne pas être suffisant que la croyance soit sincère pour établir qu’elle constitue bien une croyance digne de protection au sens du Code[85].
Au moment d’établir l’existence d’une croyance, il n’est habituellement pas pertinent d’évaluer la « qualité » du système de convictions, son caractère « raisonnable » ou sa capacité de résister à un examen scientifique[86].
Exemple : Une association de personnes âgées d’origine chinoise a été reconnue coupable de discrimination fondée sur la croyance pour avoir révoqué le statut de membre d’une femme parce qu’elle pratiquait le Falun Gong. Le TDPO a rejeté l’argument de l’association selon lequel Falun Gong est assimilable à un « culte » et ne devrait pas être inclus aux croyances protégées par le Code. Le TDPO a affirmé ce qui suit : « Il ne revient pas au tribunal de déterminer si un système de convictions est raisonnable, s’il résisterait à un examen scientifique ou s’il épouse des convictions correspondant aux valeurs de la Charte »[87].
Les tribunaux judiciaires et le TDPO ont aussi mis en garde contre l’utilisation de normes et de conceptions « occidentales » ou « dominantes » de ce que constitue une religion ou une croyance au moment d’évaluer si un système de convictions équivaut à une religion ou à une croyance aux termes du Code ou de la Charte[88].
Exemple : Il a été déterminé que le Falun Gong s’inscrivait dans la notion de « croyance » au sens du Code à titre de système de convictions, de culte et d’observance des rites, malgré le fait que ses adeptes le décrivent comme une « pratique de développement spirituel » par opposition à une « religion ». Le TDPO a fondé sa décision en partie sur des éléments de preuve d’experts qui expliquaient que la notion de « religion » est considérablement différente en Chine, par rapport à l’Occident, et que selon la terminologie occidentale, le Falun Gong serait considéré comme une croyance[89].
4.2 Pratiques exclues
Les protections des droits de la personne relatifs à la croyance ne s’étendent pas aux pratiques et observances qui sont haineuses[90], qui incitent à la haine ou à la violence contre d’autres groupes ou personnes, ou qui contreviennent au droit criminel.
Exemple : Une école permet aux élèves de créer des clubs parascolaires fondés sur des intérêts communs, moyennant une approbation préalable. L’école reçoit de plusieurs élèves une demande de création d’un club pour adeptes de convictions chrétiennes extrêmes en lien avec le suprématisme blanc. L’école refuse la demande, en affirmant qu’elle n’a pas d’obligation de permettre aux adeptes d’une telle croyance de former un club en milieu scolaire et qu’un tel club empoisonnerait l’environnement scolaire des autres élèves.
Exemple : Un groupe religieux croit en les châtiments corporels pour motifs religieux. Les membres des familles de la communauté religieuse ne peuvent pas revendiquer de protection aux termes du Code afin de commettre des gestes qui exposeraient leurs enfants à des formes extrêmes de négligence et de violence physique qui contreviennent au droit criminel.
Le droit de mettre en pratique et d’exprimer des convictions rattachées à la croyance peut également être limité s’il nuit à l’exercice d’autres droits protégés par le Code ou la Charte, ou s’il annonce l’intention de faire de la discrimination dans un domaine social protégé aux termes de l’article 13 du Code[91].
[65] Pour un examen de la terminologie utilisée par d’autres compétences et les répercussions fondées sur les principes applicables d’interprétation des lois, voir le Rapport de recherche et de consultation sur les droits de la personne et la croyance (section IV, 2.1).
[66] Durant la consultation sur la croyance de la CODP, des participants ont indiqué que le terme anglais « creed » pouvait dénoter et refléter une interprétation historique, chrétienne et occidentale, particulière de la religion et de la conviction, en raison de l’attention portée à une doctrine officielle et des énoncés écrits de convictions (voir le Rapport de recherche et de consultation sur les droits de la personne et la croyance). D’autres ont fait remarquer que, du point de vue d’une variété de peuples autochtones en particulier, ce terme a tendance à compartimenter ou à isoler ce qui, pour de nombreuses personnes, est vécu comme une mode de vie global.
[67] Plusieurs décisions ont reconnu la possibilité que le terme croyance ait une portée plus large que le terme religion. Par exemple, dans l’affaire R.C. v. District School Board of Niagara, le TDPO a affirmé : « Je me fis à la traduction française “croyance” que l’on retrouve dans le Code, laquelle reflète une conception plus large de la croyance qui tient compte des convictions plutôt que de la seule identification à un ensemble structuré d’opinions religieuses », 2013 HRTO 1382, au par. 42, [R.C.]. Voir aussi Singh v. Security and Investigation Services Ltd. (31 May, 1977), Toronto (Ont. Bd. Inq., Cumming) [non publié], cité dans Rand v. Sealy Eastern Ltd. (1982), 3 C.H.R.R. D/938 (Ont. Bd. Inq.), au par. 8373. Dans l’arrêt Singh, l’une des premières décisions sur la croyance de l’Ontario, la commission, qui entendait la plainte d’un homme sikh à qui on avait refusé un emploi parce qu’il portait la barbe et le turban, a décrit la croyance comme étant dérivée du mot latin « credo » qui signifie « je crois », et s’est reportée aux définitions du terme anglais « creed » des dictionnaires Oxford et Webster :
Dans l’Oxford : « Un système accepté ou professé de convictions religieuses : la foi d’un individu ou d’une collectivité, en particulier de la façon dont elle s’exprime ou est susceptible d’expression dans une formule définie ».
Dans le Webster : « Toute formule de confession d’une foi religieuse; un système de convictions religieuses, en particulier de la façon dont il est exprimé ou exprimable dans un énoncé défini; parfois, un sommaire des principes ou d’un ensemble d’opinions professés ou acceptés en sciences, en politique, ou autres domaines semblables; en tant que croyance d’espoir ». [Souligné dans l’original.]
[68] Comme on l’indiquait plus tôt, l’interprétation de la croyance et de ce qui est considéré comme des convictions et pratiques rattachées à la croyance évolue au fil du temps et diffère d’une culture à l’autre, comme le font les formes de discrimination fondées sur la croyance. On a adopté ici une approche de description de la croyance qui est à la fois flexible et fondée sur des principes afin de permettre une interprétation large, libérale, téléologique et contextuelle du Code. Pour une analyse des difficultés et limites de toute tentative d’adoption d’une définition universelle et précise de termes comme religion et croyance, voir Sullivan, W., supra, note 42; Kislowicz, K. « Tenter de verser un océan dans un gobelet en carton : Un argument pour la “dé-définition de la religion” », Canadian Diversity, vol. 9, no 3 (2012), p. 29-32. Extrait de www.ohrc.on.ca/fr/la-croyance-la-libert%C3%A9-de-religion-et-les-droits…; Sztybel, D. Giving credence to philosophical creeds: The cases of Buddhism and veganism, document présenté durant l’atelier juridique de la Commission ontarienne des droits de la personne/Université York sur les droits de la personne, la croyance et la liberté de religion, Osgoode Hall, Université York, 29-30 mars 2012. Extrait de https://docs.google.com/file/d/0BwFvhg37TTCjS1Awa1JSNkJZNWM/preview?pli….
[69] Amselem, supra, note 5, aux par. 39, 46.
[70] Idem, par. 39. Voir aussi Richard Moon. « Freedom of Religion Under the Charter of Rights: The Limits of State Neutrality », U.B.C. L. Rev., vol. 45, 497, 2012, p. 498-499 [Moon], cité dans Loyola, supra, note 8, au par. 44 :
À la base de l’exigence de cette neutralité [de l’État] et du principe du cloisonnement entre, d’une part, les convictions et les pratiques religieuses et, d’autre part, les décisions politiques, se trouve une conception de la croyance et de l’engagement religieux qui sont profondément enracinés, ou de l’engagement envisagé comme un élément de l’identité de l’individu plutôt que comme une simple question de choix ou de jugement personnels […] Si la religion constitue un aspect de l’identité d’une personne, l’État qui considère les pratiques ou les convictions religieuses de cette personne comme étant moins importantes ou moins véridiques que celles d’une autre ou qui marginalise d’une manière ou d’une autre sa communauté religieuse ne fait pas que rejeter les opinions et les valeurs de cette personne; il nie que cette personne a la même valeur que les autres êtres humains. [Note de bas de page omise; p. 507.]
[71] Cette caractéristique s’inspire de l’arrêt Amselem, supra, note 5, au par. 39, dans le cadre duquel la Cour a affirmé que la religion « s’entend typiquement d’un système particulier et complet de croyances et de pratiques ». Elle s’inspire aussi des descriptions de la religion, aux fins de sa protection aux termes du par. 2(a) de la Charte, dans Edward Books, supra, note 5, au par. 97 (« Ces croyances […] régissent notre comportement et nos pratiques »), ainsi que dans Bennett c. Canada (Procureur général), 2011 CF 1310 (CanLII), au par. 55 (« qui est complet, créant un telos, un groupe universel de croyances [Bennett] »).
[72] Cette caractéristique s’inspire d’énoncés faits dans Edwards Books, supra, note 5 et dans R.C., supra, note 67. Dans Edwards Books, la Cour suprême du Canada fait allusion à la nature des convictions protégées aux termes du par. 2(a) de la Chartre (au par. 97) :
L’alinéa 2(a) a pour objet d’assurer que la société ne s’ingérera pas dans les croyances intimes profondes qui régissent la perception qu’on a de soi, de l’humanité, de la nature et, dans certains cas, d’un être supérieur ou différent. Ces croyances, à leur tour, régissent notre comportement et nos pratiques.
Elle s’inspire aussi des indicateurs de la religion abordés dans Bennett, ibid, au p. 55 et inf. pour d’autres motifs 2013 FCA 161, comme :
- qui s’intéresse à des idées fondamentales […] au sujet de la vie, de la raison d’être et de la mort;
- qui renferme des croyances métaphysiques transcendant le monde physique et apparent;
- qui contient un système moral et éthique;
- qui est complet, créant un telos, un groupe universel de croyances qui se fondent pour apporter au croyant les réponses à un grand nombre des problèmes auxquels les êtres humains sont confrontés, si ce n’est à tous ces problèmes.
Bien que la présente politique établisse une distinction entre les convictions religieuses et les autres types de convictions, ces critères n’excluent pas la possibilité qu’un système exhaustif de convictions non religieuses constitue une croyance aux termes du Code.
[73] Des décisions judiciaires ont abordé la dimension collective de la religion et de la croyance. Voir, plus récemment, la décision de la Cour suprême du Canada dans Loyola, supra, note 8, par. 60. Cependant, cela ne signifie pas qu’il ne puisse pas y avoir de différences dans la manière que les gens interprètent ou observent un système professé de convictions (voir la section 9.3.2). De plus, le fait d’avoir un système de convictions unique ou hybride n’empêche quiconque de bénéficier de protections relatives aux droits de la personne.
[74] Selon la Cour suprême dans Montréal (Ville) c. Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse), en raison de leur nature quasi-constitutionnelle, le Code et les autres lois relatives aux droits de la personne doivent être interprétés de façon large et libérale à la lumière de leur contexte et de leurs objectifs : [2000] 1 R.C.S. 665, aux par. 27-29, [Montréal (Ville)]; voir aussi Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons-Sears Ltd., [1985] 2 R.C.S. 536, p. 546-547 [O’Malley].
Selon O’Malley, le préambule du Code offre des indications sur sa nature et son objet. Voici un extrait de ce préambule :
Attendu que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde et est conforme à la Déclaration universelle des droits de l’homme proclamée par les Nations Unies;
Attendu que l’Ontario a pour principe de reconnaître la dignité et la valeur de toute personne et d’assurer à tous les mêmes droits et les mêmes chances, sans discrimination contraire à la loi, et que la province vise à créer un climat de compréhension et de respect mutuel de la dignité et de la valeur de toute personne de façon que chacun se sente partie intégrante de la collectivité et apte à contribuer pleinement à l’avancement et au bien-être de la collectivité et de la province […]
[75] La Cour suprême du Canada a affirmé ce qui suit : « Historiquement, la foi et la pratique religieuses sont, à bien des égards, des archétypes des croyances et manifestations dictées par la conscience et elles sont donc protégées par la Charte »; Big M, supra, note 5, au par. 123.
[76] Amselem, supra, note 5, au par. 39.
[77] Idem.
[78] Idem.
[79] Les tribunaux judiciaires et administratifs ont reconnu une grande variété de convictions religieuses et spirituelles aux termes des lois relatives aux droits de la personne et la Charte, y compris les pratiques spirituelles autochtones (voir Kelly v. British Columbia (Public Safety and Solicitor General) (No. 3), 2011 BCHRT 183 (CanLII) [Kelly]), wiccannes (voir Re O.P.S.E.U. and Forer (1985), 52 O.R. (2d) 705 (C.A.) [Forer]), raéliennes (voir Chabot c. Conseil scolaire catholique Franco-Nord, 2010 HRTO 2460 (CanLII)) et des adeptes du Falun Gong (voir Huang v. 1233065 Ontario, 2011 HRTO 825 (CanLII) [Huang]).
[80] Communications, Energy and Paperworkers Union of Canada Local 722-M v. Global Communications, 195 L.A.C. (4th) 217, [2010] C.L.A.D. No. 298 (QL).
[81] Voir, par exemple, Jazairi v. Ontario (Human Rights Commission), 1999 CanLII 3744 (Ont. CA) [Jazairi ONCA], et Al-Dandachi v. SNC-Lavalin Inc., 2012 ONSC 6534 (CanLII).
[82] Dans Al-Dandachi v. SNC-Lavalin Inc., idem, la Cour supérieure de justice de l’Ontario a rejeté la demande d’un intimé d’annuler une requête relative aux droits de la personne afférente à une poursuite au civil. Le requérant alléguait qu’il avait été licencié pour avoir fait part de ses opinions sur le conflit armé en Syrie, lesquelles étaient inextricablement liées à son identité en tant que musulman et Canadien d’origine syrienne. L’intimé soutenait que la requête reposait sur de la discrimination fondée sur les opinions politiques du requérant, auxquelles le Code ne s’applique pas. La Cour supérieure a cité la décision Jazairi de la Cour d’appel de l’Ontario, idem, et conclu que le tribunal avait expressément laissé le champ libre à l’inclusion d’autres systèmes d’opinions politiques aux croyances reconnues. Elle a aussi noté que la requête faisait un lien entre le licenciement et les points de vue de l’homme, en tant que personne d’origine syrienne dont les convictions religieuses s’opposent à l’extrémisme. Par conséquent, la Cour n’a pas pu conclure qu’il était évident que la requête n’aurait pas pu porter des fruits.
[83] Jazairi v. Ontario (Human Rights Commission), [1997] CanLII 12445 (Ont. S.C.), aux par. 34, 39 et 40. [Jazairi ONSC]; confirmé dans Jazairi ONCA, supra, note 81. La Cour d’appel de l’Ontario a confirmé la décision originale, ainsi que l’importance d’évaluer chaque affaire relative à la croyance sur les faits qui lui sont propres. Le tribunal a souligné qu’il ne lui incombait pas en l’instance de résoudre la question de savoir si une autre perspective politique donnée, fondée sur un système cohérent de convictions, pouvait ou non constituer une « croyance ». Le tribunal a observé que ce serait une erreur de traiter de questions aussi importantes dans l’abstrait. Voir Jazairi ONCA, au par. 28.
[84] Voir la section 9.6 pour en savoir davantage sur les renseignements à fournir, y compris la nature et la portée appropriées des demandes d’information.
[85] Bien que l’approche subjective adoptée en matière de liberté de religion confirmée dans Amselem laisse entendre qu’on doit s’en tenir à la façon dont la personne interprète sa religion ou sa croyance, sans égard à ce que font ou croient les autres, pourvu que ses convictions soient sincères, cette approche n’exclut pas l’investigation objective de la conviction ou pratique d’une personne pour déterminer si elle suffisamment liée à une religion ou une croyance (voir les sections 9.5. et 9.6). Voir aussi Bennett, supra, aux par. 7-8, citant Amselem, supra, note 5, aux par. 50, 42, 39.
[86] Dans Huang, supra, note 79, l’intimé a contesté en vain, sur cette base, le fait que le Falun Gong était une croyance.
[87] Idem, par. 34. Le TDPO a clarifié sa position, aux par. 32-34 :
À mes yeux, il existe une différence entre l’établissement de limites sur l’exercice d’une liberté de religion parce qu’elle porte atteinte aux droits d’autrui et le refus d’étendre la notion de « croyance » à un mouvement religieux parce que certaines des convictions qu’il véhicule peuvent ne pas cadrer avec les valeurs exprimées dans la Charte. Comme le fait remarquer la Commission, les tribunaux judiciaires et des droits de la personne se sont généralement gardés de juger la validité de convictions sincères […] Ce n’est pas au tribunal de déterminer si un système de convictions est raisonnable, pourrait résister au moindre examen scientifique ou épouse des valeurs qui sont compatibles avec les valeurs de la Charte.
[88] Voir Huang, idem. Cela pourrait mener à l’exclusion de nombreuses religions et pratiques fondées sur la croyance valides, comme celles qui ne sont pas « monothéistes », ne reposent pas sur de textes sacrés faisant authorité ou sont considérées comme des religions « païennes » ou « nouvelles ». Par exemple, dans l’arrêt Re O.P.S.E.U. and Forer, supra, note 79, le tribunal a conclu que la Wicca correspondait à la notion de « religion » au sens de la convention collective. Cette décision d’un conseil d’arbitrage en matière de travail abordait la question de l’observance religieuse de la perspective « large, libérale et essentiellement subjective » établie dans une décision antérieure de la Cour d’appel de l’Ontario. Dans cette affaire, la Cour d’appel avait souligné la diversité des religions et des pratiques religieuses au Canada et avait insisté sur le fait que ce qui constitue une conviction ou une pratique religieuse pour certains peut être considéré comme laïque par d’autres. La notion de religion ne doit pas être interprétée selon le point de vue de la « majorité » ou du « courant dominant » d’une société.
[89] Huang, supra, note 79.
[90] La Cour suprême a établi un seuil élevé en vue de la détermination de ce qui peut être considéré comme de la « haine » dans le contexte des lois relatives aux droits de la personne qui interdisent les propos haineux. Saskatchewan (Human Rights Commission) c. Whatcott, [2013] 1 SCR 467, au par. 59, établit une définition de la haine dans le contexte des mesures législatives interdisant les propos haineux. La Cour a résumé les exigences dans ce domaine, en stipulant ce qui suit :
À la lumière de ces trois principes, lorsque le mot « haine » est employé dans une loi sur les droits de la personne pour interdire certains propos, il faudrait l’appliquer de façon objective pour déterminer si une personne raisonnable, informée du contexte et des circonstances, estimerait que les propos sont susceptibles d’exposer autrui à la détestation et à la diffamation pour un motif de discrimination illicite.
Les pratiques haineuses pourraient également être sujettes à des poursuites aux termes du Code criminel.
[91] Le par. 13(1) du Code interdit le fait de publier ou d’exposer en public un avis, un écriteau, un symbole, un emblème ou une autre représentation analogue qui indique l’intention de porter atteinte à un droit (discrimination) dans un domaine social (par exemple, la publication d’une intention de refuser un logement, un emploi ou des services, comme l’accès à un restaurant ou à un magasin, à une personne en raison de sa race, de sa religion ou d’un autre motif énuméré). Cependant, cette mesure ne doit pas porter entrave à la liberté d’expression d’opinions (comme l’indique le par. 13(2)).