Les familles canadiennes ont changé rapidement au cours des deux dernières décennies, ces changements étant notamment caractérisés par une plus grande diversité des structures familiales. La famille « traditionnelle », composée du père, qui occupe un emploi rémunéré et qui est marié à une femme qui s’occupe à plein temps des enfants du couple, ne constitue qu’un type de familles parmi tant d’autres. Certaines formes de familles sont souvent ignorées. Par exemple, les familles formées par les gais, les lesbiennes et les bisexuels ne sont parfois pas reconnues. Jadis, les familles adoptives et les familles d’accueil étaient parfois considérées comme des familles moins valables que d’autres types de familles[5]. On oublie par ailleurs parfois que la définition de la famille comporte un volet culturel important. En raison de la diversité de plus en plus grande de la population canadienne, il existe plusieurs définitions de la famille en sus de celle de la famille nucléaire. Par exemple, un nombre croissant de familles canadiennes forment un ménage à trois générations, une tendance fortement liée au profil de l’immigration contemporaine[6].
Nous relevons ci-après certaines des plus importantes tendances de la structure familiale.
Couples vivant en union libre : Le nombre de couples vivant en union libre ayant considérablement augmenté au cours des 20 dernières années, et aujourd’hui, ces couples constituent aujourd’hui une dimension importante des rapports conjugaux au Canada. En 1981, six pour cent de tous les couples vivaient en union libre. En 2001, ces couples formaient 16 pour cent de tous les couples[7]. Quarante-six pour cent des couples vivant en union libre avaient des enfants, qu’ils soient nés dans le cadre de cette union ou d’une relation antérieure.
Divorce : En 1997, on comptait 2,4 mariages pour chaque divorce. Le taux de divorce a atteint un sommet à la fin des années 1980, puis a diminué graduellement au cours des années 1990. On estime que, parmi les couples qui se sont mariés en 1996, 37 pour cent divorceront. Les taux plus élevés de remariage sont associés aux plus hauts taux de divorce : en 1996, plus d’un tiers des couples qui se sont mariés comptaient au moins un conjoint ayant déjà été marié[8]. Ce qui signifie qu’un nombre croissant d’enfants sont élevés au sein de familles reconstituées. En 1994, neuf pour cent des enfants canadiens de moins de 12 ans vivaient dans une famille reconstituée[9].
Familles monoparentales : On compte également de plus en plus de familles monoparentales : en 2001, près du quart des familles avec enfants étaient des familles monoparentales, comparativement à 16,6 pour cent en 1981[10]. Ces familles sont pour la plupart dirigées par des femmes : en 1996, le chef de famille de 83 pour cent des familles monoparentales était une femme[11]. Les familles monoparentales dirigées par une femme sont souvent les familles les plus vulnérables sur le plan économique : en 1997, 56 pour cent de ces familles étaient pauvres, comparativement à 14 pour cent de toutes les familles[12]. En outre, bien que les familles très jeunes soient en général relativement vulnérables financièrement, la plupart éprouveront des difficultés financières pendant une période relativement courte. Par contre, les familles monoparentales dirigées par une femme sont les familles les plus susceptibles de gagner de faibles revenus pendant une longue période[13]. Celles de ces familles qui appartiennent à des communautés racialisées sont souvent plus désavantagées que les autres pour ce qui est des perspectives d’emploi et de l’accès au logement et aux services.
Couples homosexuels : Le recensement de 2001 permettait pour la première fois d’obtenir des renseignements sur les couples homosexuels. D’après les chiffres obtenus, environ 0,5 pour cent de tous les couples vivant ensemble étaient formés de partenaires du même sexe. Quinze pour cent des ménages dirigés par des couples lesbiennes comptaient des enfants, tandis que trois pour cent des couples d’homosexuels masculins déclaraient avoir des enfants[14]. Compte tenu du fait que c’était la première fois que des renseignements sur les couples homosexuels étaient recueillis, il est probable que ces chiffres sont plus bas que la réalité.
Les femmes sur le marché du travail rémunéré : Près de 70 pour cent des mères d’enfants d’âge préscolaire et plus des trois quarts des mères de jeunes d’âge scolaire occupent ou cherchent activement un emploi; la plupart de ces mères travaillent à plein temps[15]. Cette augmentation de l’emploi a entraîné une augmentation du niveau de stress, les parents devant tenter de concilier leurs nombreuses responsabilités. Cinquante pour cent des mères qui travaillent et 36 pour cent des pères qui travaillent ont affirmé avoir de la difficulté à concilier leurs responsabilités professionnelles et leurs responsabilités familiales[16].
Même si elles doivent de plus en plus assumer des responsabilités dans le cadre de leur emploi rémunéré, la plupart du temps, les femmes sont encore celles qui assument la responsabilité des soins aux enfants et aux personnes âgées, malades ou handicapées. En 1998, près des deux tiers (64 pour cent) des heures consacrées aux soins informels et non rémunérés par les membres de la famille l’étaient par des femmes. Cela est essentiellement attribuable au fait que les femmes s’occupent davantage des enfants que leur conjoint[17]. Même en ce qui a trait aux soins aux personnes âgées, non seulement les femmes représentent plus de 60 pour cent des aidants naturels, mais elles consacrent en outre plus de temps aux tâches reliées aux soins.[18] Ce sont également les femmes qui, pour l’essentiel, exécutent les tâches ménagères. Les mères mariées qui ont des enfants ont déclaré qu’elles consacraient en moyenne 10,1 heures par jour au travail rémunéré et au travail non rémunéré, davantage que tout autre groupe. Près du tiers de ces femmes ont indiqué qu’elles faisaient face à un stress énorme causé par le manque de temps, soit environ deux fois plus que les hommes[19].
Comme nous le verrons plus loin dans le présent document, ces responsabilités ont des répercussions sur le statut des femmes au sein du marché du travail. Par exemple, les femmes sont davantage susceptibles d’occuper un emploi à temps partiel ou un emploi occasionnel, de manière à être en mesure de concilier leurs responsabilités professionnelles et leurs responsabilités familiales. Selon des études faites aux États-Unis, les femmes qui fournissaient des soins à des parents réduisaient systématiquement leurs heures de travail. Il en résulte cependant que les femmes sont plus susceptibles d’occuper un emploi précaire ou sans avenir. Les femmes sont par ailleurs davantage susceptibles que les hommes de demander un congé à leur employeur afin de s’acquitter d’obligations familiales : en moyenne, les femmes perdent 6,9 journées de travail par année au titre des responsabilités familiales, comparativement à 0,9 journée pour les hommes[20].
Vieillissement de la population : En 1999, 12,5 pour cent des Ontariens et Ontariennes étaient âgés de 65 ans ou plus. On estime que, au cours des quatre prochaines décennies, le nombre d’Ontariens et d’Ontariennes âgés de 65 ans ou plus doublera. On s’attend à ce que la proportion de personnes âgées par rapport aux Canadiens et Canadiennes en âge de travailler augmente rapidement après 2005, étant donné que les membres de la génération du baby-boom (soit les personnes nées entre 1945 et 1965) commenceront à atteindre l’âge de 65 ans[21]. Cette situation aura d’importantes répercussions en ce qui a trait aux soins aux personnes âgées, lesquelles sont déjà considérées comme formant un groupe dont les besoins sont croissants. Quarante-et-un pour cent des Canadiens et Canadiennes de plus de 65 ans reçoivent des soins non officiels relativement à des problèmes de santé à long terme[22]. Selon des données sur les soins aux aînés obtenues en 1996, plus que deux tiers des aidants naturels sont âgés de 30 à 59 ans, et plus que deux tiers travaillent à l’extérieur du foyer. Un quart des aidants naturels s’occupe en outre d’enfants de moins de 15 ans[23].
[5] En 1994, environ un pour cent des enfants canadiens vivaient dans une famille d’adoption ou d’accueil : Statistique Canada, « Les enfants du Canada durant les années 90 : certains résultats de l'Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes », Tendances sociales canadiennes (printemps 1997).
[6] Janet Che-Alford et Brian Hamm, « Trois générations sous un même toit », Tendances sociales canadiennes (été 1999) 6. Le nombre de ménages à trois générations a augmenté de 39 % entre 1986 et 1996. Près de la moitié de ces ménages sont dirigés par des immigrants.
[7] Statistique Canada, « Le point sur les familles », Tendances sociales canadiennes (été 2003) 11.
[8] Institut Vanier de la famille, Profil des familles canadiennes III, en ligne : Institut Vanier de la famille, <www.vifamily.ca>.
[9] Statistique Canada, « Les enfants du Canada durant les années 90 : certains résultats de l'Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes », Tendances sociales canadiennes (printemps 1997).
[10] J. Jenson, A Decade of Challenges; A Decade of Choices: Consequences for Canadian Women (Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques, Réseau de la famille, 16 février 2004), en ligne : Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques, <www.cprn.org>.
[11] Institut Vanier de la famille, Données sur la famille (2004), en ligne : Institut Vanier de la famille, <www.vifamily.ca>.
[12] Ibid.
[13] R. Morrissette, « Précarité : familles vulnérables sur le plan financier », Tendances sociales canadiennes (hiver 2002) 13.
[14] Institut Vanier de la famille, Les couples de même sexe et les familles homoparentales : relations, parentage et questions relatives au mariage (2004), en ligne : Institut Vanier de la famille, <www.vifamily.ca>.
[15] Supra, note 8.
[16] . Jenson, Catching Up to Reality: Building the Case for a New Social Model (Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques, janvier 2004), en ligne : Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques, <www.cprn.org>.
[17] N. Zukewich, « Soins informels non rémunérés », Tendances sociales canadiennes (automne 2003) 14.
[18] J.A. Frederick et J.E. Fast, « Le profil des personnes qui prodiguent des soins aux aînés »,Tendances sociales canadiennes (automne 1999) 26.
[19] D. Cheal, M. Luxton et F. Woolley, How Families Cope and Why Policy-Makers Need to Know (Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques, 1998), p. 30.
[20] Ibid, p. 34.
[21] Commission ontarienne des droits de la personne, Discrimination et l’âge : problèmes relatifs aux droits de la personne vécus par les personnes âgées en Ontario (2000), p. 10; en ligne : Commission ontarienne des droits de la personne, <www.ohrc.on.ca>.
[22] Supra, note 16.
[23] Supra, note 18.