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Document de référence

 

Consultation de la CODP sur la pauvreté et la discrimination systémique dans les domaines du logement accessible, adéquat et abordable, des troubles mentaux et des dépendances

 

Table des matières

Survol
La COVID-19, la pauvreté, le logement, les troubles mentaux et les dépendances
Le manque de logements adéquats, abordables et accessibles, et de mesures de soutien en lien avec les troubles mentaux et les dépendances.
La pauvreté en chiffres
La voix de l’expérience
La pauvreté et le cadre juridique canadien relatif aux droits de la personne
Obligations découlant de traités internationaux
Droits des peuples métis et inuits et des Premières Nations
Charte canadienne des droits et libertés
Lois anti‑discrimination des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux
Condition sociale
Motifs nombreux
Lois et stratégies de lutte contre la pauvreté, et programmes connexes
Le défi de l’accès à la justice pour le règlement de requêtes liées à la pauvreté
Annexe A
Définition de travail de la pauvreté

 

Survol

La CODP entame une consultation sur la pauvreté et la discrimination systémique et intersectionnelle dans les domaines du logement adéquat, accessible et abordable, des troubles mentaux et des dépendances. Le but de la CODP est d’élaborer un rapport de consultation contenant des recommandations. Le fait de comprendre comment le Code s’applique au domaine de la pauvreté aidera à résoudre les questions de droits de la personne pouvant être exacerbées par des situations systémiques comme la pandémie de COVID-19 et auxquelles se heurtent de façon disproportionnée les groupes protégés aux termes du Code.

La CODP veut obtenir le point de vue des organismes communautaires, des chercheurs et des personnes qui savent d’expérience comment la discrimination systémique et intersectionnelle sur le plan du logement, des troubles mentaux et des dépendances engendre et perpétue la pauvreté.

Perçue comme un désavantage économique et social (voir la « définition de travail » à l’Annexe A), la pauvreté est une question de droits de la personne qui peut être exacerbée par des situations systémiques comme la pandémie de COVID-19 et à laquelle se heurtent de façon disproportionnée les groupes protégés aux termes du Code des droits de la personne (Code).

Dans son Plan stratégique de 2017–2022, la Commission ontarienne des droits de la personne (CODP) s’est engagée à traiter de la question de la pauvreté et à faire progresser le droit relatif aux droits de la personne, entre autres des façons suivantes :

  • mettre en lumière le vécu des personnes en situation de pauvreté, qui sont sans abri et qui souffrent de la faim, et favoriser un débat public sur les liens entre la pauvreté et la discrimination systémique
  • utiliser son expertise en matière de recherche stratégique et d’élaboration de politiques pour approfondir les politiques, l’analyse juridique et la compréhension des droits de la personne, et ce, en établissant des liens entre le cadre d’action en matière de droits de la personne de l’Ontario et les conventions et traités internationaux relatifs aux droits de la personne, comme le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels
  • faire en sorte que les droits de la personne soient pris en compte dans les stratégies gouvernementales et communautaires de lutte contre la pauvreté, l’itinérance et l’insécurité alimentaire.

En 2019, pour guider ce travail, la CODP a créé un Groupe consultatif en matière de pauvreté (GCP) aux termes de l’article 31.5 du Code. Les membres du GCP ont fait part de points de vue variés qui ont orienté le processus de consultation sur la pauvreté. Les membres continueront de guider les travaux de la CODP tout au long de sa consultation sur la pauvreté et du processus d’élaboration d’une politique.

 

La COVID-19, la pauvreté, le logement, les troubles mentaux et les dépendances

Depuis mars 2020, la pandémie de COVID-19 a eu d’importantes répercussions sur la santé et la situation sociale et économique de collectivités du monde entier. En Ontario, des recherches ont démontré que la pandémie avait eu pour effet d’enraciner davantage et d’exacerber la pauvreté, surtout chez les groupes protégés aux termes du Code[1]. Les personnes et les groupes qui peinaient à conserver leur logement ou à nourrir leur famille, et qui n’avaient pas les moyens de rester à la maison durant les confinements, ont été plus nombreux à perdre la vie et ont subi de façon disproportionnée les répercussions de la pandémie sur leur santé mentale[2] et leurs droits d’accès à l’éducation, à la santé, au logement et à d’autres mesures de soutien.

La pandémie a aussi jeté une lumière crue sur la vulnérabilité particulière des personnes et des familles qui n’ont pas accès à un logement adéquat, accessible et abordable. Les personnes qui ont perdu leur emploi ou craint l’expulsion[3], et les personnes en situation d’itinérance ont souvent manqué d’options sécuritaires en matière d’hébergement. Même avant le début de la pandémie, les groupes protégés aux termes du Code se heurtaient de façon disproportionnée à des difficultés d’accès à un logement répondant à leurs besoins. L’organisme Colour of Poverty-Colour of Change a rapporté qu’en 2019, un peu plus de 50 % des ménages racialisés au Canada habitaient un logement qui n’était pas abordable (ce qui mène à l’itinérance), adéquat (il avait besoin de réparations ou d’entretien) ou convenable (il était surpeuplé, entre autres), comparativement à 28 % des ménages non racialisés[4]. De façon semblable, selon les données de recensement, le quart (26,2 %) des personnes inuites, 24,2 % des membres des Premières Nations et 11,3 % des personnes métisses vivent dans des logements surpeuplés et (ou) nécessitant des réparations importantes[5].

Les personnes ayant un handicap, c’est-à-dire une Ontarienne ou un Ontarien sur sept, peuvent avoir des difficultés extrêmes à trouver un logement adéquat, accessible et abordable. Les personnes handicapées doivent souvent composer avec les pratiques discriminatoires de filtrage de locateurs et leur refus complet de modifier les mesures d’accessibilité en cas de besoins en matière d’accommodement. Quatre personnes handicapées sur 10 vivent en situation de pauvreté[6], et les Nations Unies ont rapporté que la pandémie n’avait fait qu’accroître ce désavantage[7].

La pandémie a également eu un impact considérable sur les troubles mentaux et les dépendances. Le Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances (CCDUS) et la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC) ont sondé la population tout au long de la pandémie et ont conclu que les préoccupations liées à la santé mentale et à la consommation d’alcool et d’autres drogues étaient le plus prononcées chez les personnes à faible revenu ou sans emploi, et que malgré la hausse du nombre de personnes ayant recours à des services virtuels de traitement des troubles mentaux et des dépendances, les taux d’accès à ces services demeuraient faibles. Vingt pour cent des personnes ayant des préoccupations liées à la santé mentale qui ont répondu aux sondages ont rapporté avoir fait appel à des services virtuels, comparativement à 10 % des répondants ayant des préoccupations liées aux dépendances[8].

Des recherches démontrent également que la violence fondée sur le sexe « est un effet secondaire systématique et prévisible des crises économiques, épidémiologiques et environnementales comme la COVID-19 »[9]. Pendant la pandémie de COVID-19, les Nations Unies ont qualifié la violence fondée sur le sexe de « pandémie fantôme » ayant des effets considérables sur la santé mentale et physique des femmes et des filles partout dans le monde[10].

À la façon d’un rayon X, la pandémie a levé le voile sur un système de logement brisé qui arrive de moins en moins à répondre aux besoins des groupes protégés aux termes du Code, ainsi que sur l’urgente nécessité d’offrir des mesures de soutien dans le domaine des troubles mentaux et des dépendances, aux personnes les plus vulnérables surtout. Les recherches ont démontré que le manque de logements adéquats, abordables et accessibles, et la présence de troubles mentaux et dépendances sont intimement liés à la pauvreté.

 

Le manque de logements adéquats, abordables et accessibles, et de mesures de soutien en lien avec les troubles mentaux et les dépendances

Le coût élevé des logements du marché, jumelé aux longues listes d’attente de logements communautaires[11] a mené à une pénurie extrême de logements abordables, stables et sécuritaires, et est un des principaux facteurs déterminants de la pauvreté en Ontario[12]. Avant la COVID-19, la crise du logement et de l’itinérance était grave et généralisée. Par exemple, la CODP reconnaît depuis longtemps la discrimination systémique en matière de logement, et a soulevé des préoccupations à propos de questions de zonage et d’autres barrières[13] à l’aménagement de logements locatifs, de foyers de groupe, de logements avec services de soutien et de logements de transition à coûts moindres. La pandémie a exacerbé la précarité du logement dans la plupart des collectivités de l’Ontario. L’instabilité du logement et l’itinérance augmentent en raison de l’incapacité de nombreuses personnes de payer le loyer des suites de la perte d’emplois ou de la baisse de leurs revenus. En outre, les logements à la disposition des personnes en situation de handicap sont très limités, chroniquement inaccessibles et souvent insalubres et peu sécuritaires.

De nombreuses personnes ayant des troubles mentaux et des dépendances dépendent de l’aide sociale, et la majorité d’entre elles n’ont pas accès à un logement abordable[14]. Les personnes qui ont des troubles mentaux et des dépendances se retrouvent de façon disproportionnée en situation de pauvreté et d’itinérance[15]. Bien que les facteurs pouvant mener à l’itinérance, dont la discrimination systémique, soient nombreux, les troubles mentaux y jouent un rôle important; on estime à entre 25 % et 50 % le pourcentage de sans-abri ayant des troubles mentaux[16].

La pandémie a occasionné une hausse importante des problèmes de santé mentale comme l’anxiété, la dépression et l’ennui[17]. La crise de l’itinérance, des dépendances et des troubles mentaux se fait particulièrement sentir dans le Nord de l’Ontario, où les recherches démontrent que les services et programmes actuels ne répondent pas adéquatement aux besoins des collectivités du Nord[18].

 

La pauvreté en chiffres

Les données du Recensement de 2016[19] de Statistique Canada montrent que 14,1 % des résidents de l’Ontario ont un revenu faible (soit la moitié ou moins du revenu médian rajusté après impôt des ménages). Les groupes typiquement susceptibles de faire l’objet de discrimination affichent des taux de pauvreté encore plus élevés. C’est le cas des personnes handicapées (23,5 %), des membres des peuples métis, inuits et des Premières Nations (23,7 %), des personnes noires (24,1 %), des familles dirigées par une femme (29,8 %), des immigrants arrivés entre 2001 et 2016 (35,6 %) et des personnes arabes (40,6 %)[20].

Le manque d’équité ne se limite pas à cela. Les groupes qui sont vulnérables à la pauvreté et à la discrimination sont plus susceptibles d’afficher des taux de scolarisation faibles, de vivre dans des logements non convenables ou inabordables, d’être sans abri, de ne pas participer pleinement à la main-d’œuvre active, d’occuper des emplois instables, d’être sans emploi et d’avoir des démêlés avec la justice.

La pauvreté entretient un lien direct avec des taux élevés de violence fondée sur le sexe. À tout moment au Canada, plus de 6 000 femmes et enfants dorment dans des refuges en raison de situations de vie dangereuses à la maison et d’un manque d’accès à d’autres possibilités adéquates en matière de logement[21]. Les effets combinés de la pauvreté et de la violence créent de nombreux obstacles à l’égalité, à la santé et au bien-être des femmes, qui ont des répercussions spécifiques et différentielles chez les femmes autochtones et autrement racialisées.

Les personnes en situation de pauvreté se heurtent à une variété d’attitudes sociales négatives qui jouent un rôle sur le plan de la discrimination et de l’iniquité. Par exemple, dans son rapport de 2017 intitulé Prendre le pouls : Opinions des gens à l’égard des droits de la personne en Ontario, la CODP a constaté qu’au sein d’un échantillon représentatif d’Ontariennes et d’Ontariens, une minorité de personnes (39 %) seulement ont dit éprouver des sentiments positifs à l’égard des bénéficiaires de l’aide sociale. Les répondants avaient des sentiments moins positifs envers ces personnes qu’envers d’autres groupes.

Le fait de ne pas s’attaquer à la pauvreté a aussi des coûts économiques importants. Selon un rapport de l’organisme Feed Ontario, ces coûts se chiffreraient en Ontario en dizaines de milliards de dollars par année. Le rapport de 2018 intitulé Sécurité du revenu : Feuille de route pour le changement reconnaît également que tout le monde paie le prix de la pauvreté, qui fait augmenter les coûts de l’ensemble des soins de santé, services sociaux et services liés à la justice. On constate également une corrélation entre la pauvreté et l’insécurité alimentaire, la précarité d’emploi, l’exposition à des dangers environnementaux et le fait de toucher différentes formes d’aide sociale.

 

La voix de l’expérience

Le point de vue des personnes en situation de pauvreté contribue grandement à cerner les effets de la pauvreté sur de nombreux aspects de la vie quotidienne, particulièrement au sein de certains groupes et communautés.

Un homme qui a reçu des contraventions totalisant environ 10 000 $ aux termes de la Loi de 1999 sur la sécurité dans les rues pour avoir mendié a affirmé à la CODP : « J’étais coincé dans un […] cycle d’itinérance, d’alcoolisme et de stress post-traumatique non traité. Mes contraventions m’empêchaient d’obtenir un permis de conduire et auraient compliqué la tâche d’obtenir un logement de qualité, du crédit et même un bon emploi un jour. »

Une personne ayant obtenu des services de psychiatrie a fait le commentaire suivant : « Je suis responsable de rétablir mon image de moi-même, ma vie, etc., mais je n’ai pas choisi de vivre dans des conditions déplorables et je sais très bien que les personnes payées pour défendre mes intérêts/aider les personnes dans ma situation m’ont mal traité en raison de mes handicaps et de mon faible revenu. »

Un homme inscrit au programme Ontario au travail a raconté à la CODP comment il était devenu itinérant. Alors qu’il habitait dans un logement de transition à durée limitée, il a terminé un programme de reconversion offert dans le cadre d’Ontario au travail et s’était trouvé un emploi et un logement. Mais son gestionnaire de cas a décidé que le loyer du logement était trop élevé et a refusé de lui accorder une allocation de logement. L’homme a perdu le logement et s’est retrouvé à la rue. Puisqu’il n’avait plus de domicile fixe, il a perdu ses prestations. À propos de la crypte de cimetière où il avait trouvé refuge, l’homme a affirmé : « C’est un peu humide, mais la police ne me dérange pas; c’est tranquille et gratuit. »

Un membre des Premières Nations de la zone du Traité de la Baie James (Traité n9) a fait part de ce qui suit lors du dialogue de la CODP de 2018 avec les Premières Nations et communautés métisses et inuites :  

[N]ous n’avons pas d’écoles et de toutes ces choses : des logements, de l’eau potable [...] Des compagnies minières et d’hydroélectricité cognent à nos portes et nous disent « nous voulons vous consulter, former des partenariats, créer des barrages, nous voulons votre appui ». Nos enfants se font traîner à des centaines de miles, en bloc, pour aller à l’école. Nous manquons de ressources dans nos écoles et services de santé. Quel rôle peuvent jouer à ce chapitre la CODP, le TDPO et le système des droits de la personne? Comment obtenons-nous la construction de logements, la purification de l’eau? Cela fait partie du racisme systémique.

Une participante transgenre à un groupe de discussion nous a livré le témoignage suivant : « Je ne gagne pas assez d’argent pour vivre en ce moment, et le stress que cela comporte pèse lourd sur ma santé mentale […] Le découragement de chercher un emploi pour lequel on est qualifié, et pour lequel on sait que l’on a les compétences, et de voir sa candidature rejetée à répétition, est vraiment dommageable. »

Une autre personne ayant participé au groupe de discussion a affirmé ce qui suit : « Avec le faible niveau de revenu que fournit le système d'aide sociale, on ne peut pas manger correctement. »

Récemment, l’Accessible Housing Network a affirmé : « La situation du logement accessible est d’autant plus discriminatoire en raison du fait que la moitié des personnes handicapées vivent dans la pauvreté. »

Dans Réclamer notre pouvoir et notre place : le rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, de nombreux membres de familles et survivants ont indiqué que « la marginalisation sociale et économique en général contribue – ou est directement liée – à la violence dont leur proche ou eux-mêmes ont été victimes »[22].

 

La pauvreté et le cadre juridique canadien relatif aux droits de la personne

 

Obligations découlant de traités internationaux

Les Nations Unies disent de la pauvreté qu’elle ne se limite pas au seul manque de revenu et de ressources nécessaires pour s’assurer des moyens de subsistance durables. Ses manifestations incluent la faim et la malnutrition, l’accès limité à l’éducation et à d’autres services de base, la discrimination sociale et l’exclusion, ainsi que le manque de participation dans la prise de décisions. 

Depuis l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l'homme en 1948, le droit à un niveau de vie suffisant, notamment pour l’alimentation, l’habillement et le logement, est reconnu à l’échelle internationale comme un droit de la personne fondamental.

Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC), que le Canada a ratifié en 1976, reconnaît plus spécifiquement le droit de toute personne à un niveau de vie suffisant et à une amélioration constante de ses conditions d’existence, sans discrimination. Il établit les droits associés à la sécurité sociale, à l’éducation, au travail et aux soins de santé, entre autres droits. Le Pacte reconnaît que tous les droits de la personne sont interdépendants et indissociables[23].

Entre autres obligations, le PIDESC exige qu’un pays concrétise les droits qu’il confère « par tous les moyens appropriés ». L’organe d’experts indépendants des Nations Unies responsable du suivi de la mise en œuvre du PIDESC a préparé l’Observation générale n9 sur l’application du Pacte au niveau national, qui affirme ce qui suit :

D'une manière générale, les normes internationales contraignantes relatives aux droits de l'homme [comme le PIDESC] devraient s'appliquer directement et immédiatement dans le cadre du système juridique interne de chaque État partie et permettre ainsi aux personnes de demander aux tribunaux nationaux d'assurer le respect de leurs droits.

De plus, le PIDESC s’applique à tous les paliers de gouvernement dans un état fédéral. Le Canada, ses provinces et ses territoires, y compris l’Ontario, sont donc tenus d’aborder la pauvreté comme une question de droits de la personne aux termes du PIDESC et d’autres traités de droits de la personne.

En même temps, les obligations découlant de traités internationaux ne sont pas contraignantes au Canada à moins d’avoir été incorporées à la législation canadienne[24]. Bien que l’Ontario n’ait pas inclus directement le PIDESC dans ses mesures législatives, la Cour suprême du Canada a indiqué qu’une loi nationale est présumée conforme aux obligations du Canada en vertu de traités internationaux à moins que la loi ne contienne de dispositions expresses indiquant le contraire[25].

 

Droits des peuples métis et inuits et des Premières Nations

Aux termes du PIDESC, les peuples métis, inuits et des Premières Nations ont le droit de vivre à l’abri de la pauvreté et d’obtenir le respect d’autres droits économiques, sociaux et culturels connexes, et ce, sans discrimination. Ces droits ont été reconnus dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (Déclaration de l’ONU).

Après un long refus de signer la Déclaration de l’ONU, le Canada y a adhéré sans réserve en 2015.

La Déclaration de l’ONU prévoit que les gouvernements prennent des mesures efficaces pour veiller à l’amélioration constante des conditions économiques et sociales des peuples métis et inuits et des Premières Nations, notamment dans les domaines de l’éducation, de l’emploi, de la formation et de la reconversion professionnelles, du logement, de l’assainissement, de la santé et de la sécurité sociale. La Déclaration de l’ONU prévoit aussi qu’une attention particulière soit accordée aux droits et aux besoins spéciaux des anciens, des femmes, des jeunes, des enfants et des personnes handicapées métis, inuits et des Premières Nations.

Elle affirme également que les peuples métis et inuits et des Premières Nations ont le droit d’accès à une assistance financière et technique de la part des gouvernements pour garantir leur jouissance des droits énoncés. Ils ont aussi le droit de s’autodéterminer et d’assurer librement leur développement économique, social et culturel.

Depuis 1980, le Canada est partie à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF). En 2015, le Canada a fait pour la première fois l’objet d’une enquête en vertu de l’article 8 du Protocole facultatif se rapportant à la CEDEF. L’enquête a révélé des violations graves et systématiques par le Canada des droits prévus dans la CEDEF, et notamment que les femmes et filles autochtones faisaient l’objet de taux extrêmement élevés de violence, et plus particulièrement de grands nombres de disparitions et de meurtres, et de taux de violence et d’agressions sexuelles 3,5 fois plus élevés que les femmes non autochtones. En plus de ses nombreuses autres recommandations, le rapport d’enquête encourageait vivement le Canada à lancer une enquête publique nationale et à adopter un plan d’action.

Les peuples métis, inuits et des Premières Nations du Canada jouissent également d’autres droits légaux spécifiques, y compris des droits aux termes de l’article 25 de la Charte et de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. L’article 25 garantit qu’aucun droit protégé aux termes de la Charte ne sera invoqué pour bloquer ou retirer un droit appartenant aux peuples métis et inuits, et des Premières Nations.

L’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 reconnaît et affirme les droits des peuples autochtones et droits issus de traités existants. Ces droits s’étendent aux peuples métis, inuits et des Premières Nations, et ne peuvent pas leur être retirés. Ils incluent sans s’y limiter le droit à l’application des ententes territoriales et traités intervenus entre ces peuples et les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. Ce droit peut faire intervenir des droits économiques, sociaux et culturels. La Cour suprême du Canada a établi que le gouvernement avait l’obligation de consulter les peuples métis, inuits et des Premières Nations au moment d’envisager des mesures ou des décisions pouvant se répercuter sur les revendications ou droits reconnus ou potentiels aux termes de la Constitution ou découlant de traités des peuples métis, inuits et des Premières Nations[26].

Les peuples métis, inuits et des Premières Nations ont tous les mêmes droits légaux que les autres Canadiennes et Canadiens aux termes de la Loi constitutionnelle et de la Charte, y compris le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne et le droit de tous à la même protection et au même bénéfice de la loi, sans discrimination. Les peuples métis, inuits et des Premières Nations, y compris les membres des Premières Nations vivant dans des réserves ou hors réserve, ont également les mêmes droits que toute autre personne aux termes des lois anti-discrimination fédérales, provinciales et territoriales, dont le Code de l’Ontario.

Les compétences fédérales, provinciales et territoriales peuvent parfois se chevaucher, et l’attribution de la responsabilité en matière de droits de la personne et de droits des peuples métis, inuits et des Premières Nations aux termes des différents cadres juridiques fait intervenir des questions de compétence. Bien que la Constitution confère au gouvernement fédéral la compétence législative relative aux « Indiens et aux terres réservées aux Indiens », la Cour suprême du Canada a insisté sur le fait que les réserves des Premières Nations et réserves en vertu de la Loi sur les Indiens ne sont pas des « enclaves du pouvoir fédéral » échappant aux lois provinciales d’application générale[27]. De plus, des décisions récentes de tribunaux judiciaires ont insisté sur le principe du fédéralisme coopératif et ont restreint la portée des sphères de compétence strictement fédérale[28].

Il est important de noter qu’environ 85,5 % des Ontariennes et des Ontariens autochtones vivent à l’extérieur des réserves et, par conséquent, dépendent de l’accès aux services de la province, notamment en matière de logement, de santé mentale et de lutte contre les dépendances. Les données de recensement indiquent également que la population autochtone hors réserve continue de croître en Ontario[29].

 

Charte canadienne des droits et libertés

La Charte canadienne des droits et libertés (Charte) précise les droits et libertés que le gouvernement doit garantir, y compris les droits à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne aux termes de l’article 7 et le droit à l’égalité aux termes de l’article 15.

La Charte ne crée pas explicitement de droit distinct à un niveau de vie adéquat ou à une vie vécue à l’abri de la pauvreté. Cependant, elle devrait être généralement présumée offrir une protection au moins aussi grande que les protections que le Canada a convenu d’accorder aux termes de traités internationaux[30]. Les tribunaux judiciaires et administratifs du Canada ont interprété l’intention et la portée des droits conférés aux termes des instruments législatifs du pays, comme la Charte, à la lumière des obligations du Canada découlant de traités internationaux (y compris ses obligations relatives aux droits économiques et sociaux)[31].

Les tribunaux judiciaires et administratifs se sont aussi fondés sur les observations et rapports sur le pays des Nations Unies, les recommandations d’organes de surveillance et les déclarations du Canada lors de forums internationaux pour évaluer la portée des obligations du Canada envers la protection des droits de ses citoyens[32].

Tout comme la Charte, le Code doit être interprété d’une manière conforme aux obligations internationales du Canada. En effet, le Préambule du Code fait explicitement le lien entre ses protections et « la Déclaration universelle des droits de l’homme proclamée par les Nations Unies ».

 

Lois anti‑discrimination des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux

Condition sociale

Au Canada, la législation relative aux droits de la personne, y compris le Code de l’Ontario, traite de la discrimination en lien avec les droits économiques, sociaux et culturels subie dans des domaines comme l’emploi, le logement et l’éducation en raison d’une grande variété de motifs comme l’ethnicité, l’ascendance, la race, le sexe, l’identité sexuelle, le handicap, l’état familial et l’orientation sexuelle.

Cinq territoires de compétences canadiens incluent aussi la « condition sociale » ou un motif protégé semblable à leur législation relative aux droits de la personne : Québec, Nouveau-Brunswick, Territoires du Nord-Ouest, Manitoba (« appartenance à un milieu social défavorisé » et « source de revenus ») et Terre-Neuve et labrador (« origine sociale » et « source de revenus »). La « source de revenus » est un motif reconnu dans les lois du Yukon, du Nunavut, de l’Alberta et de l’Île-du-Prince-Édouard. Le code de la Saskatchewan étend ses protections à l’« état d’assisté social ». En Ontario, l’état d’assisté social est un motif interdit de discrimination dans le domaine du logement seulement.

L’organe responsable du suivi du PIDESC a réclamé l’inclusion de la condition sociale aux motifs protégés par tous les territoires de compétences canadiens.

La CODP a prié le gouvernement de l’Ontario de modifier le Code des droits de la personne pour y ajouter des protections en matière de discrimination liée à la pauvreté. L’apport de modifications au Code de l’Ontario démontrerait que la province pose des gestes concrets pour satisfaire à ses obligations aux termes du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Voir la définition de la pauvreté utilisée par la CODP dans le cadre de cette demande, à l’Annexe A.

 

Motifs nombreux

Dans de nombreuses communautés et sphères de la vie, la pauvreté et la discrimination systémique entretiennent un lien étroit. Les lois anti-discrimination comme le Code de l’Ontario peuvent être utilisées pour trancher les allégations de discrimination dans les domaines liés aux droits économiques, sociaux et culturels qui recoupent la pauvreté, y compris l’emploi, les associations professionnelles, le logement, l’aide sociale et les autres programmes de soutien, l’éducation, les soins de santé, le système de justice et les autres services. Les groupes associés aux motifs du Code qui se retrouvent de façon disproportionnée en situation de pauvreté font aussi de façon disproportionnée l’objet de traitements inéquitables dans ces domaines.

Les tribunaux judiciaires et administratifs ont reconnu les répercussions disproportionnées de la pauvreté sur les femmes et les mères célibataires[33], les enfants de mères célibataires[34], les mères racialisées[35] les peuples métis, inuits et des Premières Nations[36], les personnes handicapées[37], les personnes noires[38] et les autres groupes protégés aux termes du Code, et ont affirmé que ces groupes affichaient des taux élevés de pauvreté[39].

Le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario a indiqué en termes généraux dans Kearney v Bramalea Ltd[40] que le Code pouvait être applicable lorsque le faible revenu est lié à des motifs tels que la race, l’état familial, l’âge, un handicap (y compris la maladie mentale) ou l’état d’assisté social, comme le fait d’être inscrit au programme Ontario au travail ou au Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées. La CODP a eu gain de cause dans l’affaire Kearney et s’est depuis prononcée sur ces liens avec les lois et stratégies relatives à la pauvreté.

 

Lois et stratégies de lutte contre la pauvreté, et programmes connexes

Certains territoires de compétences canadiens ont adopté des lois visant à réduire la pauvreté, et la plupart disposent de stratégies de réduction de la pauvreté et de programmes connexes. La Colombie-Britannique, le Québec, le Nouveau-Brunswick, le Manitoba, le Nunavut et l’Ontario ont tous adopté des lois et stratégies de lutte contre la pauvreté. La Saskatchewan, Terre-Neuve et Labrador, la Nouvelle-Écosse et l’Île-du-Prince-Édouard, le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest ont des stratégies de réduction de la pauvreté, mais aucune loi visant à réduire la pauvreté. L’Alberta n’a aucune loi ni aucun plan.

Une étude menée en 2018 a examiné les stratégies de réduction de la pauvreté des provinces canadiennes et laissé entendre qu’elles pourraient n’être que de la poudre aux yeux.

Le  gouvernement fédéral a publié sa première stratégie de réduction de la pauvreté en 2018 puis, en 2019, a adopté la Loi sur la réduction de la pauvreté. La loi prévoit l’adoption d’une mesure officielle de la pauvreté, fixe des cibles de réduction de la pauvreté et établit le Conseil consultatif national sur la pauvreté.

Également en 2019, le gouvernement fédéral a adopté la Loi sur la stratégie nationale sur le logement (LSNL) qui s’engage à assurer progressivement la réalisation du droit à un logement suffisant, tel que le reconnaît le PIDESC. La réalisation progressive fait référence à l’obligation prévue au par. 2(1) du PIDESC d’« agir […] au maximum de ses ressources disponibles, en vue d'assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus dans le présent Pacte par tous les moyens appropriés, y compris en particulier l'adoption de mesures législatives ».

Dans la LSNL, le droit à un logement suffisant est présenté comme un mécanisme de mise en œuvre à l’échelle nationale des obligations prévues dans le PIDESC. L’Observation générale n4, élaborée par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, offre un cadre de prise en compte des sept aspects essentiels du droit au logement, dont :

  1. la sécurité légale de l’occupation (qui renvoie à la protection légale des locataires contre l’expulsion et d’autres menaces)
  2. l’existence de services, matériaux, équipements et infrastructures
  3. la capacité de paiement
  4. l’habitabilité
  5. la facilité d’accès
  6. l’emplacement
  7. le respect du milieu culturel[41].

L’Ontario dispose de sa propre Loi sur la réduction de la pauvreté depuis 2009. La loi exige que le gouvernement fixe une cible de réduction de la pauvreté tous les cinq ans et maintienne une stratégie de réduction de la pauvreté, accompagnée d’indicateurs de réussite.

La loi reconnaît que « [t]ous les groupes sociaux ne courent pas le même risque face à la pauvreté. La stratégie de réduction de la pauvreté doit reconnaître le risque accru couru par des groupes tels que les immigrants, les femmes, les mères célibataires, les personnes handicapées, les peuples autochtones et les groupes victimes de racisme ». Elle stipule aussi que les personnes en situation de pauvreté doivent participer à la conception et à la mise en œuvre de la stratégie, et que le succès de la stratégie nécessitera la participation d’organisations caritatives, bénévoles et sans but lucratif, l’engagement soutenu de tous les paliers de gouvernement et secteurs de la société ontarienne, ainsi que la croissance économique.

La première stratégie de réduction de la pauvreté de l’Ontario, publiée en 2009, s’employait à rompre le cycle intergénérationnel de la pauvreté pour le bien-être des enfants et des familles. Sa deuxième stratégie de réduction de la pauvreté, rendue publique en 2014, dirigeait également ses efforts sur l’itinérance. Ces stratégies ont inclus des mesures sociales et économiques en lien, entre autres, avec les taux de pauvreté des populations vulnérables, le poids à la naissance, les progrès en matière d’éducation, le logement abordable et le chômage.

La plus récente stratégie de réduction de la pauvreté de l’Ontario, Établir une base solide pour la réussite : Réduire la pauvreté en Ontario (2020–2025) fixe une cible plus précise soit « obtenir qu’un plus grand nombre de bénéficiaires de l’aide sociale trouvent un bon emploi et atteignent la stabilité financière ». La CODP a transmis ses observations sur la stratégie actuelle de l’Ontario et fait part de graves préoccupations à l’égard du fait que la stratégie fait fi de certains des motifs croisés complexes qui poussent certaines personnes à dépendre de l’aide sociale. La CODP a recommandé au gouvernement de :

  • s’engager à offrir des mesures de soutien aux travailleurs à faible revenu comme des prestations de soins de santé, des congés de maladie payés et des soutiens au logement transférables
  • fixer un objectif spécifique en matière de réduction de la pauvreté qui est équivalent ou supérieur à l’objectif fédéral de réduction de la pauvreté de 20 % d’ici 2020 et de 50 % d’ici 2030
  • fixer un objectif supplémentaire consistant à éliminer la pauvreté extrême d’ici cinq ans
  • transmettre tous les ans des données sur la proportion de la population se heurtant à l’itinérance chronique, à des besoins médicaux non satisfaits, à l’insécurité alimentaire, à l’analphabétisme et à des emplois au salaire minimum ou peu rémunérés, ventilées selon le groupe défavorisé
  • consulter régulièrement des personnes ayant des antécédents ou un risque accru de pauvreté, afin d’orienter la mise en œuvre de la stratégie.

Comme d’autres territoires de compétences du Canada, l’Ontario a également inscrit dans des lois d’autres programmes et plans offrant des prestations d’aide sociale aux personnes à faible revenu, y compris les personnes en situation de handicap. L’Ontario dispose aussi d’une variété de programmes dans le domaine du logement abordable et de la lutte contre l’itinérance. En 2019, le gouvernement a publié un nouveau Plan d'action pour l'offre de logements et une Stratégie de renouvellement du secteur du logement communautaire, et a adopté le projet de loi 108, la Loi de 2019 pour plus de logements et plus de choix.

Cependant, beaucoup de groupes et de données laissent entendre que l’Ontario fait peu de progrès en matière de réalisation du droit de vivre à l’abri de la pauvreté. Dans les Observations finales concernant le sixième rapport périodique du Canada de 2016, l’organe de surveillance des traités de l’ONU se disait « préoccupé par le nombre important de personnes vivant dans la pauvreté ». Il notait aussi avec inquiétude « que les peuples autochtones, les personnes handicapées, les mères célibataires et les groupes minoritaires ont toujours des taux plus élevés de pauvreté », et s’inquiétait « de l’efficacité limitée des mesures prises pour remédier au problème ». L’organe de surveillance des traités de l’ONU a aussi soulevé des préoccupations à l’égard de l’inadéquation des prestations d’aide sociale dans toutes les provinces et recommandé que les gouvernements majorent ces prestations afin qu’elles atteignent des niveaux permettant des conditions de vie décentes et un filet de sécurité efficace en matière
de revenus.

 

Le défi de l’accès à la justice pour le règlement de requêtes liées à la pauvreté

Les Nations Unies reconnaissent depuis longtemps le niveau croissant d’acceptation par les pays de la capacité d’obtenir la réalisation de ses droits économiques, sociaux et culturels par l’entremise des tribunaux judiciaires ou administratifs.

Cependant, dans ses Observations finales de 2016 concernant le sixième rapport périodique du Canada sur la mise en œuvre du PIDESC, l’organe de surveillance du traité maintient que : « [m]algré certaines évolutions prometteuses et le fait que le Gouvernement se soit engagé à revoir les positions qu’il adopte dans le cadre de procédures judiciaires, [il] est préoccupé par le fait que les droits économiques, sociaux et culturels ne sont généralement pas justiciables devant les tribunaux internes »[42]. D’ajouter l’organe « les recours légaux ouverts aux victimes de violations des droits consacrés par le Pacte sont limités, ce qui affecte de manière disproportionnée les groupes et les individus défavorisés et marginalisés, notamment les sans-abri, les autochtones et les personnes handicapées ».

Au Canada, les tribunaux se sont constamment gardés de reconnaître de droits sociaux ou économiques positifs à part entière. Cependant, il a été déterminé dans plusieurs situations que le gouvernement avait l’obligation de prendre des mesures afin de résoudre les inégalités socioéconomiques. Ces situations incluent celles qui suivent :

  • un programme social créé par le gouvernement perpétue de la discrimination[43]
  • le gouvernement doit tenir compte des besoins en lien avec l’un de ses services[44]
  • les compressions ou fermetures de programmes de services gouvernementaux ont un effet disproportionné sur des groupes défavorisés[45].

Une série de décisions ont aussi établi qu’en l’absence de programmes sociaux suffisants, le gouvernement ne pouvait pas faire exécuter de loi empêchant une personne de protéger sa propre santé et son propre logement[46]. Ces décisions n’ordonnent pas explicitement au gouvernement d’investir dans des programmes sociaux. Par contre, si un gouvernement désire pouvoir faire exécuter une loi, il peut devoir dans certains cas investir préalablement des ressources additionnelles dans des programmes sociaux.

 

Annexe A

Définition de travail de la pauvreté

La pauvreté peut être interprétée comme la situation de personnes se heurtant à une ou plusieurs formes de désavantage social ou économique découlant de leur : 

  • situation d’emploi (y compris sa précarité d’emploi)
  • source et niveau de revenus
  • situation de logement, y compris l’itinérance (ce qui inclut le fait de dormir dans un refuge, chez des amis ou à la dure, et toute autre situation de logement précaire)
  • niveau de scolarité ou :
  • toute autre circonstance semblable, [comme :
    • le niveau de santé, y compris les troubles mentaux et dépendances, le manque d’accès aux soins, aux soutiens et aux mesures de prévention de la maladie, y compris durant la pandémie de COVID-19
    • la pauvreté/les traumatismes intergénérationnels
    • la surreprésentation au sein du système de bien-être de l’enfance et de la famille
    • la difficulté de s’y retrouver au sein des programmes de services sociaux
    • les règlements municipaux qui touchent de façon disproportionnée certaines personnes en raison de leur condition sociale ou de motifs protégés au termes du Code
    • les conflits de compétence
    • l’exposition à des risques environnementaux au travail ou à son logement
    • les démêlés avec la justice et la planification insuffisante des congés d’établissement
    • l’insécurité alimentaire].

 

 

Notes de fin de texte

[1] Voir ville de Toronto. COVID-19: Ethno-racial identity & income, 2021. Et gouvernement du Canada. Aperçu de l’expérience des Canadiens noirs sur le marché du travail pendant la pandémie, 2021.

[2] Wellesley Institute et Commission de la santé mentale du Canada. The Impact of COVID-19 on Mental Health and Well-Being: A Focus on Racialized Communities in the GTA, 2022.

[3] La Commission de la location immobilière (CLI), l’organe provincial chargé de résoudre les différends entre les propriétaires et les locataires, accuse des retards importants. Or, depuis la levée du moratoire sur les expulsions, elle « s’est transformée en machine à expulsion », opine l’Association of Community Organizations for Reform Now (ACORN).

[5] Statistique Canada. Les peuples autochtones au Canada : faits saillants du Recensement de 2016, 2017.

[7] Nations Unies, Département des affaires économiques et sociales : Handicap. COVID-19 and Persons with Disabilities: New UN report calls for disability-inclusive recovery, 2020.

[8] Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances. Santé mentale et usage de substances pendant la pandémie de COVID-19, 2021.

[9] Peterman, A., Potts, A., O’Donnell, M., Thompson, K., Nyati, S. Oertelt-Prigione, S. et van Gender, N. Pandemics and violence against women and children: Working paper 528. Centre for Global Development, 2020.

[10] ONU Femmes. La pandémie fantôme : la violence contre les femmes pendant la COVID-19, 2021.

[11] Le logement communautaire inclut le logement social et le logement abordable.

[12] Association canadienne pour la santé mentale. Housing and mental health fact sheet, 2021.

[13] La CODP a adopté cette position dans sa correspondance avec plusieurs municipalités, dans ses enquêtes sur l’octroi de permis autorisant les logements locatifs à North Bay et à Waterloo, et dans le cadre d’interventions effectuées auprès du Tribunal des droits de la personne de l’Ontario, qui ont finalement mené à la détermination selon laquelle les restrictions relatives au zonage et à l’émission de permis qui limitent l’accès à des logements peu coûteux ont un impact disproportionné sur les groupes protégés par le Code et sont couvertes par le Code dans les domaines sociaux du logement et des services. La jurisprudence est extrêmement limitée à ce chapitre. Dans Dream Team v Toronto (City), 2012 TDPO 25 (CanLII), une coalition de personnes handicapées a déposé une requête auprès du TDPO dans laquelle elle alléguait que l’imposition par la ville de distances de séparation minimales aux foyers de groupe entraînait à leur endroit de la discrimination indirecte dans les domaines sociaux des services et (indirectement) du logement. La ville a déposé une demande de rejet rapide de la demande pour plusieurs motifs, y compris l’incapacité de Dream Team d’établir le bien-fondé à première vue des accusations. Quand le TDPO a rejeté sa demande, la ville a déposé une demande d’examen judiciaire, afin de faire annuler la décision du TDPO. La CODP est intervenue dans le but de contester la demande de la ville. Dans ville de Toronto v The Dream Team, 2012 ONSC 3904 (CanLII), la Cour supérieure de justice de l’Ontario a rejeté la demande de la ville d’examen judiciaire de la décision du TDPO. Le tribunal a fait remarquer que les questions de savoir si les règlements municipaux de zonage pouvaient causer de la discrimination indirecte en matière d’occupation de logement aux termes du Code, et s’ils constituaient même un service aux termes du Code, n’avaient pas été réglées (selon Lee v ville de Toronto, 2012 TDPO 412, dans lequel le TDPO « a choisi expressément de ne pas se prononcer sur » la question de savoir si les règlements municipaux de zonage pouvaient constituer un service). L’affaire Dream Team a été résolue avant que le TDPO ne rende de décision.

[14] Ibid.

[15] Homeless Hub. Mental health and addictions, 2020.

[16] Ibid.

[17] Ibid.

[18] « Northern Ontario’s municipalities call for ‘made-in-North’ solution to addictions, mental health and homelessness crisis », The Star, le 4 février 2022.

[19] Des données exhaustives sur le Recensement de 2021 de Statistique Canada, y compris des données relatives au revenu, au logement et aux personnes autochtones, n’avaient pas encore été publiées au moment de l’élaboration du présent document d’information.

[20] Le droit de lire, le rapport d’enquête publique de 2022 de la CODP sur les troubles de lecture dans le système d’éducation publique de l’Ontario, fait remarquer que les élèves ayant des troubles de lecture sont plus susceptibles d’abandonner l’école et moins susceptibles de fréquenter un établissement postsecondaire, et ont tendance à prendre plus de temps pour compléter les programmes auxquels ils s’inscrivent. Les effets des troubles de lecture peuvent durer bien après la fin des études, nuire à l’emploi et mener à des revenus plus faibles, à la pauvreté, à l’itinérance, à des taux de criminalité plus élevés et à la prison. Dans le cadre de l’enquête, des adultes aux prises avec la dyslexie ont fait part des conséquences à long terme du fait de ne pas avoir appris à lire, comme des problèmes de santé mentale et de toxicomanie, et des difficultés sur le plan de l’emploi.

[21] Zannis, Alexandra. Tackling poverty, Gender Based Violence and human rights. Université Carleton, 2018.

[22] Réclamer notre pouvoir et notre place : le rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, Volume 1a, p. 570.

[23] Des dispositions relatives à la pauvreté sont incluses à trois instruments internationaux de droits de la personne : la Déclaration universelle des droits de l’homme, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Des dispositions relatives à la pauvreté ont aussi été incluses à d’autres instruments internationaux de droits de la personne, comme la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

[24] Voir, par exemple, Capital Cities Comm. c. C.R.T.C., 1977 CanLII 12 (CSC); Slaight communications inc. c. Davidson, 1989 CanLII 92 (CSC) [Slaight Communications]; Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 1999 CanLII 699 (CSC); Gosselin c. Québec (Procureur général), 2002 CSC 84 (CanLII); R. c. Hape, 2007 CSC 26 [Hape].

[25] Voir R c. Appulonappa, 2015 CSC 59 (CanLII), dans laquelle la Cour indique ce qui suit au par. 40 : Suivant les règles d’interprétation des lois, la loi est présumée respecter les obligations internationales du Canada, et les tribunaux devraient éviter les interprétations inconciliables avec celles‑ci. Les tribunaux doivent également interpréter la loi d’une manière qui reflète les valeurs et les principes du droit international coutumier et conventionnel (R. c. Hape2007 CSC 26, [2007] 2 R.C.S. 292, par. 53Németh c. Canada (Justice)2010 CSC 56, [2010] 3 R.C.S. 281, par. 34. »

Voir aussi Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65 (CanLII), à 114 :

« Nous tenons également à faire remarquer que le droit international représentera une contrainte importante pour un décideur administratif dans certains domaines du processus décisionnel administratif. Il est bien établi que la législation est réputée s’appliquer conformément aux obligations internationales du Canada et que l’organe législatif est « présumé respecter les valeurs et les principes du droit international coutumier et conventionnel. »

Notez tout de même Québec (Procureure générale) c. 9147-0732 Québec inc., 2020 CSC 32 (CanLII), qui affirme, à 38 : « les instruments contraignants ont nécessairement plus de poids dans l’analyse que les instruments non contraignants. Bien qu’il soit possible de recourir aux deux types d’instruments, les tribunaux qui se fondent sur les instruments non contraignants doivent veiller à expliquer pourquoi ils le font et comment ils utilisent ces instruments. » (La juge Abella, dans sa décision concurrente, a exprimé une opinion dissidente à ce chapitre, affirmant à 102–103 que le fait de restreindre, a priori, l’importance de sources non exécutoires de droit international nuisait à la capacité de la Cour de tenir compte de ces sources.)   

[26] Par exemple, voir les décisions de la Cour suprême dans Nation Haïda c. Colombie-Britannique (Ministre des Forêts), 2004 CSC 73 (CanLII); R. c. Sparrow, 1990 CanLII 104 (CSC); Première nation Tlingit de Taku River c. Colombie-Britannique (Directeur d’évaluation de projet); Première nation crie Mikisew c. Canada (Ministre du Patrimoine canadien), 2005 CSC 69 (CanLII).Voir aussi les décisions plus récentes suivantes de la CSC : Rio Tinto Alcan Inc. c. Conseil tribal Carrier Sekani, 2010 CSC 43 (CanLII) et Beckman c. Première nation de Little Salmon/Carmacks, 2010 CSC 53 (CanLII), dans lesquelles la Cour suprême a expliqué que l’obligation de consulter était une obligation constitutionnelle qui relevait de l’honneur de la Couronne et devait être satisfaite.

[27] Bande Kitkatla c. Colombie-Britannique (Ministre des Petites et moyennes entreprises, du Tourisme et de la Culture), 2002 CSC 31 (CanLII), à 66, citant Cardinal c. Procureur général de l’Alberta, 1973 CanLII 980 (CSC).

[28] Banque canadienne de l'Ouest c. Alberta, 2007 CSC 22 (CanLII), à 24, 37; Nation Tsilhqot’in c. ColombieBritannique, 2014 CSC 44, à 147–148.

[29] Statistique Canada. Les peuples autochtones au Canada : faits saillants du Recensement de 2016, 2017.

[30] Slaight Communications, supra, note, à 23. Voir aussi Québec (Procureure générale) c 9147-0732 Québec inc., 2020 CSC 32, à 31–34.

[31] Victoria (City) v Adams, 2009 BCCA 563 (CanLII), à 35 [Victoria].

[32] Burns, supra, note; Canada (Prime Minister) c. Khadr, 2010 CSC 3 (CanLII) [Khadr]; Divito c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 47 (CanLII).) Voir aussi, First Nations Child and Family Caring Society of Canada v Attorney General of Canada (for the Minister of Indian and Northern Affairs Canada), 2016 TCDP 2 (CanLII), à 454 [First Nations CFC].

[33] Pour une discussion sur la féminisation de la pauvreté, voir Moge c. Moge, 1992 CanLII 25 (CSC). Pour une discussion sur les barrières économiques et autres auxquelles se heurtent les femmes racialisées, voir R c. Hamilton, 2003 CanLII 2862 (ON SC) (décision affirmée dans 2004 CanLII 5549 (ON CA)). Pour une confirmation « du fort taux de pauvreté chez les enfants de familles monoparentales »
 et du fait que « [l]es rôles associés aux personnes selon leur genre, le divorce, la séparation et la monoparentalité contribuent à la pauvreté infantile et imposent aux femmes un fardeau disproportionné »,

voir Willick c. Willick, 1994 CanLII 28 (CSC), Thibaudeau c. R., 1995 CanLII 99 (CSC), à 723 et Michel v Graydon, 2020 CSC 24 (CanLII), à 89-90. Pour une confirmation de « l’insécurité et des difficultés économiques » particulières auxquels font face les enfants handicapés de parents non mariés, et le parent cohabitant, la plupart du temps une femme », voir Coates c. Watson, 2017 ONCJ 454 (CanLII).

[34] Voir Willick c. Willick, 1994 CanLII 28 (CSC), Thibaudeau c. R., 1995 CanLII 99 (CSC), à 723 et Michel v Graydon, 2020 CSC 24 (CanLII), à 89-90, supra, note.

[35]R v Hamilton, supra, note.

[36] Pour une discussion sur le « seuil de faible revenu » et « la triste litanie de l’expérience disproportionnée de la pauvreté chez les personnes et locataires possédant des caractéristiques traditionnellement stéréotypées ou issus de groupes désavantagés », y compris « les groupes désavantagés en raison du sexe, du handicap ou de l’ethnicité, les groupes autochtones et les mères monoparentales », voir Clark v Peterborough Utilities Commission, 1995 CanLII 7090 (ON SC). Pour une discussion du fait que « [l]es peuples autochtones sont aux prises avec des taux élevés de chômage et de pauvreté, et […] font face à d’importants désavantages dans les domaines de l’éducation, de la santé et du logement », voir Lovelace c. Ontario, 2000 CSC 37 (CanLII), à 69, et R. c. Kapp, 2008 CSC 41 (CanLII), à 59. Pour une discussion sur « le déséquilibre sur le plan du taux d’incarcération des contrevenants autochtones découle de plusieurs facteurs, dont la pauvreté, la surconsommation d’alcool et de drogues, le manque d’éducation et l’absence d’occasions d’emploi offertes aux personnes autochtones », voir R. c. Gladue, 1999 CanLII 679 (CSC) et McKay v Toronto Police Services Board, 2011 TDPO 400 (CanLII). Pour une confirmation du fait que « les tribunaux doivent prendre connaissance d’office de questions telles que l’histoire de la colonisation, des  déplacements de populations et des  pensionnats et la façon dont ces événements  se traduisent encore aujourd’hui chez les  peuples autochtones par un faible niveau  de scolarisation, des revenus peu élevés, un  taux de chômage important, des abus graves  d’alcool ou d’autres drogues, un taux élevé  de suicide et, bien entendu, un taux élevé  d’incarcération », voir Anderson c. Alberta, 2022 CSC 6, à 36, citant R. c. Ipeelee, 2012 SCC 13, à 60.

[37] Dans Eldridge c. Colombie-Britannique (Procureur général), 1997 CanLII 327 (CSC), la Cour suprême du Canada a déterminé qu’« [i]l est malheureusement vrai que l’histoire des personnes handicapées au Canada a été largement marquée par l’exclusion et la marginalisation […] Une conséquence de ces attitudes est le désavantage social et économique persistant dont souffrent les personnes handicapées. Les statistiques indiquent que ces personnes, si on les compare aux personnes physiquement aptes, sont moins instruites, sont davantage susceptibles de ne pas faire partie de la population active, ont un taux de chômage beaucoup plus élevé et se retrouvent en nombre disproportionné dans les rangs des salariés les moins bien rémunérés » (56).

Dans R v Madeley, 2016 ONCJ 108 (CanLII), le tribunal a reconnu que « la relation entre le handicap mental et la pauvreté est notoire et incontestable, et peut être tout à fait admise d’office » (98). Cette décision a été renversée par R. v Madeley 2018 ONSC 291 (CanLII); la Cour supérieure de justice de l’Ontario a établi que la connaissance judiciaire admise par le tribunal de première instance ne suffisait pas à établir que la disposition de suramende compensatoire du Code criminel créait une distinction fondée sur un motif analogue ou énoncé.

[38] Dans R. v Morris, 2021 ONCA 680 (CanLII), le tribunal a admis que « la discrimination systémique dans bien des institutions sociales a marginalisé les membres noirs de communautés affichant une pauvreté élevée et des possibilités économiques et d’emploi limitées, et une présence policière forte et vigoureuse » (39).

Pour une affirmation du fait que « la discrimination raciale systémique limite les possibilités d’emploi et d’éducation et augmente les taux de pauvreté, ce qui fait baisser les taux d’accès à la propriété chez les personnes autochtones, noires et racialisées », voir R v Smith, 2021 ONSC 8405 (CanLII), à 83.

Voir R v Parks 1993 CanLII 3383 (ON CA): « Le racisme, et plus particulièrement le racisme antinoir, fait partie de la psyché de notre communauté [et] nos institutions, y compris le système de justice criminelle, reflète ces stéréotypes négatifs et les perpétuent. Ensemble, ces éléments imprègnent notre société du fléau du racisme. Les personnes noires sont les principales victimes de ce fléau. » Et voir R c. Spence, 2005 SCC 71 (CanLII) : « L’administration de la justice a dû se rendre à l’évidence : préjugés raciaux et discrimination sont tenaces dans notre société […] » (1).

[39] Kearney v Bramalea Ltd. (No. 2), 1998 CanLII 29852 (ON HRT) [Kearney]; Shelter Corp. v Ontario (Human Rights Comm.), 2001 CanLII 28414 (ON SCDC); demande d’autorisation de pourvoi à la Cour d’appel refusée.

[40] Ibid.

[41] Pour composer avec le manque de logements adéquats, les personnes en situation de précarité de logement ou d’itinérance, et les groupes de défense, réclament depuis longtemps des stratégies provinciales ou nationales efficaces qui sont conçues et mises en œuvre en consultation avec les groupes touchés, et soumises à un suivi et à une évaluation véritables. Le 15 novembre 2011, Jennifer Tanudjaja, Janice Arsenault, Ansar Mahmood, Brian Dubourdiue et le Centre pour les droits à l’égalité au logement ont déposé un avis de requête modifié auprès de la Cour supérieure de justice de l’Ontario qui alléguait que « les décisions, les programmes, les mesures et l’inaction des [gouvernements du Canada et de l’Ontario] avaient créé les conditions propices à l’itinérance et à l’inadéquation du logement », ce qui avait eu un effet préjudiciable sur les groupes protégés par le Code, qui sont surreprésentés parmi les groupes en situation de précarité de logement ou en situation de vulnérabilité par rapport aux effets de la précarité du logement, dont les femmes qui subissent de la violence conjugale, les parents et, surtout, les mères monoparentales, les personnes handicapées, les membres des peuples métis, inuits et des Premières Nations, les nouveaux arrivants, les communautés racialisées, les personnes âgées et les jeunes. La Cour supérieure a rejeté la requête, qu’elle a qualifiée de « tentative de "regrouper des groupes disparates et hétérogènes" sous un motif analogue aux termes du par.15(1) de la Charte. Les requérants ont porté appel de la décision et la CODP est intervenue pour plaider que :

  • Même si l’itinérance n’est pas un motif analogue, les actions qui ont un effet préjudiciable sur les personnes en situation d’itinérance peuvent s’avérer discriminatoires si elles ont soit un effet disproportionné sur un ou des groupes énumérés (par exemple si elles touchent un grand nombre de membres de ce ou ces groupes) soit un impact disproportionné sur un ou des groupes énumérés (par exemple si elles portent une atteinte particulière ou grave sur les membres de ce ou de ces groupes) (Sauvé c. Canada (Directeur général des élections), 2002 CSC 68 (CanLII), [2002] 3 RCS 519, à 60; Radek v Henderson Development (Canada) Ltd., 2005 BCHRT 302 (CanLII), à 512); Downtown Vancouver Business Improvement Assn. v Pivot Legal Society, 2012 BCHRT 23 (CanLII), à 595, 645–661.
  • Les mesures susceptibles d’avoir un effet préjudiciable sur les personnes qui se définissent selon une variété de motifs énumérés, qui sont prises par le gouvernement, peuvent s’avérer discriminatoires (Kearney, supra, note).
  • Les tribunaux devraient adopter une approche intersectionnelle en vue de déterminer s’il s’est produit de la discrimination fondée sur une combinaison de motifs énumérés (Sparks v Dartmouth/Halifax Regional Housing Authority, 1993 CanLII 3176 (NS CA); Frank v A.J.R. Enterprises Ltd., 1993 CanLII 16482 (BC HRT), à 35); Corbiere c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord), 1999 CanLII 687 (CSC), à 61; James v Silver Campsites Ltd (No. 2), 2011 BCHRT 370 (CanLII), à 171, 184.
  • Même si l’itinérance n’est pas un motif analogue, il s’agit d’un facteur contextuel pertinent pour déterminer s’il s’est produit de la discrimination fondée sur des motifs énumérés. (Symes c. Canada, 1993 CanLII 55 (CSC) (dissidence), à 186, 241; Québec (Procureur général) c. A, 2013 CSC 5 (CanLII), à 324, 325, 331).

Au final, la Cour d’appel de l’Ontario a confirmé la décision de la Cour supérieure. Cependant, dans son opinion dissidente, la juge Feldman a établi que le juge saisi de la motion avait commis une erreur de droit en rejetant la requête à l’étape des plaidoiries. Selon elle, l’approche adoptée par les requérants au regard des arguments fondés sur la Charte était novatrice, mais vue l’évolution jurisprudentielle de la Charte jusqu’ici, il n’était ni clair ou évident que les allégations des requérants étaient vouées à l’échec (Tanudjaja v Canada (Attorney General), 2014 ONCA 852 (CanLII), à 43).

[42] Voir aussi la discussion dans Tracy Heffernan, Fay Faraday et Peter Rosenthal, « Fighting for the Right to Housing in Canada », J Law & Soc Pol’y, vol. 24, n1 (2015), à 58.

[43] First Nations CFC, supra, note : Le Tribunal canadien des droits de la personne a déterminé que l’octroi aux membres des Premières Nations vivant dans des réserves d’un financement gouvernemental inférieur des services à l’enfance et à la famille, lequel a occasionné des lacunes sur le plan des services, des retards et des dénis de services, constituait de la discrimination aux termes de la Loi canadienne sur les droits de la personne Voir aussi Canadian Doctors for Refugee Care v Canada (Attorney General), 2014 FC 651 (CanLII) (dans laquelle la Cour fédérale du Canada a établi que la couverture médicale inférieure offerte par le gouvernement aux demandeurs du statut de réfugié provenant de certains pays constituait une violation de l’article 15 de la Charte qui ne pouvait pas être justifiée au moyen de l’article 1. Le tribunal a expliqué à 742 : « Le gouverneur en conseil n’a pas l’obligation d’offrir une couverture médicale aux personnes cherchant à obtenir la protection du Canada, mais s’il choisit de leur en offrir une, il a l’obligation de le faire de façon non discriminatoire. »), Québec (Procureure générale) c. Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux, 2018 CSC 17 (CanLII), Fraser v Canada (Attorney General), 2020 CSC 28 (CanLII) et Stadler v Director St. Boniface/St. Vital, 2020 MBCA 46 (CanLII).

[44] Par exemple, voir Moore c. ColombieBritannique (Éducation), 2012 CSC 61 (CanLII) [Moore].

[45] Canada (Procureur général) c. PHS Community Services Society, 2011 CSC 44; Moore, supra, note; Inglis v British Columbia (Minister of Public Safety), 2013 BCSC 2309 (CanLII) [Inglis]. Voir aussi Single Mothers’ Alliance of BC Society v British Columbia, 2019 BCSC 1427 (CanLII) et AC and JF v Alberta, 2021 ABCA 24 (CanLII), dans lesquelles la cour supérieure de la Colombie-Britannique et la cour d’appel de l’Alberta ont déterminé que le retrait de l’aide financière pourrait contrevenir aux articles 7 et (ou) 15 de la Charte. Voir, cependant, ETFO et al. v Her Majesty the Queen, 2019 ONSC 1308 (CanLII) et Bowman v Ontario 2020 ONSC 7374 (CanLII), dans lesquelles le tribunal a déterminé que les modifications apportées au curriculum de l’Ontario relatif à l’éducation sexuelle et l’abandon du projet pilote de revenu minimum garanti ne contrevenaient pas aux articles 7 et (ou) 15 de la Charte. De façon similaire, dans Leroux v Ontario, 2021 ONSC 2269 (CanLII), la Cour supérieure de l’Ontario a établi à 111 que « (i) le gouvernement n’a pas d’obligation positive de garantir à chacun la vie, la liberté
et la sécurité de sa personne; (ii) l’aide sociale est une question d’ordre économique qui ne s’inscrit généralement pas dans la portée de l’art. 7. Cela est particulièrement le cas lorsqu’on parle d’admissibilité plutôt que de droit; (iii) si le gouvernement n’a pas d’obligation aux termes de l’art. 7 de fournir des prestations d’aide sociale, le fait de se voir refuser ou de devoir attendre ces prestations ne peut pas constituer une atteinte à l’art. 7 ». C 44xx (CanLII)

[46] Chaoulli c. Québec (Procureur général), 2005 CSC 35 (CanLII) Victoria, supra, note; Abbotsford (City) v Shantz, 2015 BCSC 1909 (CanLII); British Columbia v Adamson, 2016 BCSC 584 (CanLII).