Le Code n’offre aucune définition de la discrimination. Notre compréhension de cette notion évolue plutôt à la lumière des décisions des tribunaux administratifs et judiciaires. Pour établir à première vue l’existence de discrimination aux termes du Code, les plaignants doivent démontrer :
- qu’ils possèdent une caractéristique protégée par le Code contre la discrimination
- qu’ils ont subi un effet préjudiciable dans un domaine social auquel s’applique le Code
- que la caractéristique protégée a constitué un facteur dans la manifestation de l’effet préjudiciable[94].
Le requérant doit démontrer qu’il y a eu discrimination « selon la prépondérance des probabilités », c’est-à-dire qu’il est raisonnable de croire que de la discrimination ait eu lieu. Une fois la discrimination établie à première vue, il revient à l’intimé de justifier la conduite au moyen du régime d’exemptions prévu par le Code (p. ex. défense fondée sur des exigences de bonne foi). Si l’intimé ne peut justifier ainsi la conduite, le tribunal conclura à l’existence de discrimination.
Comme nous l’avons mentionné précédemment, il n’est pas nécessaire qu’il y ait eu intention d’exercer de la discrimination. L’intention n’entre pas en ligne de compte dans la détermination de l’existence de discrimination.
La discrimination est souvent difficile à cerner. Il pourrait n’exister aucune preuve directe d’un motif discriminatoire. Les décideurs du secteur des droits de la personne ont reconnu qu’il est possible de faire la démonstration de discrimination au moyen de l’analyse de tous les facteurs pertinents, y compris des éléments de preuve circonstanciels. De plus, selon la jurisprudence relative aux droits de la personne, il suffit qu’un motif protégé par le Code figure parmi les facteurs ayant mené à une décision ou à un traitement discriminatoire pour que soit rendu un jugement de discrimination[95].
La méthode visant à déterminer l’existence de discrimination réelle devrait être flexible et prendre en compte le plein impact de la distinction sur la personne ou le groupe touché. Les facteurs contextuels et considérations pertinentes peuvent varier légèrement selon le type de discrimination (p. ex. directe, par suite d’un effet préjudiciable ou systémique; profilage) ou le motif allégué. Cependant, le critère juridique et le seuil de tolérance demeurent les mêmes.
Pour démontrer qu’il y a eu discrimination, il n’est pas nécessaire que l’interaction entre les parties ait inclus des paroles ou commentaires liés au handicap psychosocial. Toutefois, si de tels commentaires ont été formulés, ils constituent une preuve de plus du fait que le handicap psychosocial a joué un rôle dans le traitement réservé à une personne.
[94] Ces critères d’établissement de l’existence de discrimination sont tirés de Moore c. Colombie-Britannique (Éducation), 2012 C.S.C. 61; R.B. v. Keewatin-Patricia District School Board, 2013 HRTO 1436, au par. 204. Il est à noter que dans quelques cas, qui pour la plupart mettaient en cause des services gouvernementaux ou laissaient entendre qu’un traitement différentiel pourrait ne pas produire d’effet réellement discriminatoire, les circonstances de l’affaire ne permettaient pas de présumer ou de conclure qu’il y avait eu discrimination. Dans de tels cas, la partie plaignante peut devoir faire la démonstration du traitement ou de l’effet préjudiciable. Voir, par exemple, Ontario (Disability Support Program) v. Tranchemontagne, 2010, supra, note 39; Ivancicevic v. Ontario (Consumer Services), 2011 HRTO 1714 (CanLII); Klonowski v. Ontario (Community Safety and Correctional Services), 2012 HRTO 1568 (CanLII). Cependant, selon la Cour d’appel de l’Ontario et le TDPO, il est possible dans la plupart des affaires prises en application du Code de présumer l’existence d’un désavantage lorsqu’on est en présence d’un traitement préjudiciable fondé sur un motif de discrimination interdit. D’après ces tribunaux, il ne sera pas nécessaire, dans la plupart des causes relatives aux droits de la personne, de mener un processus de démonstration de la nature spécifique du désavantage. Voir Hendershott v. Ontario (Community and Social Services), 2011 HRTO 482, au par. 45 (CanLII).
[95] Gray v. A&W Food Service of Canada Ltd. (1994), CHRR Doc 94-146 (Ont. Bd. Inq.); Dominion Management v. Velenosi, [1977] O.J. No. 1277 au par. 1 (C.A.); Smith v.Mardana Ltd. (No. 1) (2005), 52 C.H.R.R. D/89 au par. 22 (Ont. Div. Ct.); King v. CDI Career Development Institutes Ltd. (2001), 39 C.H.R.R. D/322 (Sask. Bd. Inq.).