3.1 Code des droits de la personne de l’Ontario
3.1.1 Mesures de protection
Le Code protège les personnes handicapées contre la discrimination et le harcèlement dans cinq domaines sociaux :
- L’obtention de biens et de services, et l’utilisation d’installations (article 1). La catégorie « service » est très vaste et peut inclure des services qui appartiennent à des entreprises privées ou des organismes publics, ou sont administrés par de tels entreprises ou organismes, notamment dans les secteurs de l’assurance, de l’éducation, de la restauration, du maintien de l’ordre, des soins de santé et des centres commerciaux. Le harcèlement fondé sur le handicap est une forme de discrimination et est donc interdit en contexte de services[60].
- L’accès au logement (article 2). Cela s’applique au logement locatif privé, au logement coopératif, au logement social, au logement subventionné, au logement avec services de soutien, et aux copropriétés.
- La conclusion de contrats (article 3). Cela inclut l’offre, l’acceptation, le prix et même le rejet d’un contrat.
- L’emploi (article 5). Cela inclut le travail à temps plein et partiel, le bénévolat, les stages étudiants, les programmes d’emploi spéciaux, le travail avec période d’essai[61] et le travail temporaire ou à forfait.
- L’association ou l’appartenance à un syndicat, à une association professionnelle ou autre (article 6). Cela s’applique à l’adhésion aux syndicats et à l’inscription aux professions autoréglementées, y compris aux modalités d’adhésion et autres.
L’article 9 du Code interdit la discrimination directe ou indirecte. L’article 11 indique que la discrimination inclut la discrimination indirecte ou par suite d’un effet préjudiciable, laquelle survient quand une exigence, une politique, une norme, une qualité requise ou un critère semble « neutre », mais exclut ou désavantage les membres d'un groupe protégé par le Code[62].
Les personnes handicapées sont aussi protégées aux termes de l’article 8 du Code si elles subissent des représailles ou des menaces de représailles pour avoir revendiqué leurs droits de la personne[63].
Les membres de la collectivité sont également protégés contre toute discrimination fondée sur leur association avec une personne handicapée (article 12). Cela peut s’appliquer aux amis, membres de la famille ou autres, comme ceux et celles qui interviennent au nom de personnes handicapées[64].
Un des aspects fondamentaux du Code réside dans le fait qu’il a primauté sur toute autre loi provinciale de l’Ontario, à moins que la loi n’énonce expressément qu’elle s’applique malgré le Code. S’il y a conflit entre le Code et d’autres lois, cela signifie que le Code a préséance à moins que la loi n’indique autrement (article 47)[65].
3.1.2 Défenses et exceptions
Le Code comprend des défenses et exceptions spécifiques qui permettent d’adopter des conduites qui autrement seraient discriminatoires. L’organisation qui souhaite invoquer les défenses ou exceptions prévues au Code doit démontrer qu’elle répond à toutes les exigences de l’article pertinent.
Dans le cas de discrimination résultant d’exigences, de qualités requises ou de critères qui peuvent sembler neutres, mais qui portent atteinte aux droits des personnes désignées par des motifs prévus au Code, l’article 11 du Code permet à la personne ou à l’organisation responsable de démontrer que l’exigence, la qualité requise ou le critère est raisonnable et de bonne foi. L’organisation doit aussi démontrer qu’il est impossible de tenir compte des besoins de la personne ou du groupe sans causer de préjudice injustifié[66].
L’article 14 du Code protège les « programmes spéciaux » conçus pour pallier les désavantages historiques auxquels se heurtent les personnes visées par le Code. Par conséquent, les programmes conçus tout spécialement pour venir en aide aux personnes handicapées ne sont probablement pas discriminatoires si l’organisation peut démontrer qu’ils :
- sont destinés à alléger le préjudice ou le désavantage économique
- ont pour but d’aider les groupes défavorisés à bénéficier de chances égales
- sont susceptibles de contribuer à supprimer la discrimination.
L’article 17 établit l’obligation d’accommodement des besoins des personnes handicapées. Il n’est pas discriminatoire de refuser d’accorder un service, un emploi ou un logement parce que la personne handicapée ne peut satisfaire aux exigences fondamentales de celui-ci. Toutefois, une personne ne sera considérée inapte que si les besoins relatifs à son handicap ne peuvent faire l’objet de mesures d’adaptation sans préjudice injustifié.
Aux termes de l’article 18 du Code, les organisations comme les organismes de bienfaisance, les écoles, les clubs sociaux et les confréries universitaires d’étudiants ou d’étudiantes qui désirent limiter l’adhésion et la participation aux personnes handicapées peuvent le faire tant que leurs membres ou clientèles sont composés en majorité de membres de ce groupe.
Exemple : Les clients d’un centre communautaire créent un club qui offre des possibilités sociales et éducatives, ainsi que des occasions de réseautage à des jeunes personnes handicapées. Conformément à l’article 18 du Code, ils peuvent restreindre l’adhésion au club aux jeunes personnes handicapées.
L’alinéa 24(1)a) indique qu’un organisme ou un groupement religieux, philanthropique, éducatif, de secours mutuel ou social dont le principal objectif est de servir les intérêts de personnes identifiées par un motif du Code peut, au moment de l’embauche, accorder la préférence à ces personnes si la qualité requise est exigée de façon raisonnable et de bonne foi, compte tenu de la nature de l’emploi.
Le Code interdit aussi l’offre de services d’assurance et de régimes d’avantages sociaux qui s’avèrent discriminatoires au motif du handicap, à moins que les exceptions prévues aux articles 22 et 25 ne s’appliquent[67].
3.2 Charte canadienne des droits et libertés
La Charte canadienne des droits et libertés (Charte) garantit que les politiques, pratiques et lois de tous les paliers de gouvernement respectent les droits civils, droits politiques et droits à l’égalité des membres de la collectivité. Dans certaines circonstances, certains droits peuvent s’appliquer tout particulièrement aux personnes handicapées en raison de mesures législatives et de politiques axées sur ces groupes. Les lois canadiennes relatives aux droits de la personne sont assujetties à la Charte et doivent être considérées à la lumière de celle-ci[68].
L’article 15 garantit que tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, sans discrimination fondée sur le handicap, entre autres motifs.
Exemple : Une femme ayant un handicap visuel ne peut pas consulter divers sites Web gouvernementaux au moyen d’un dispositif de lecture d’écran et ne peut donc pas obtenir de l’information gouvernementale et présenter sa candidature à des postes. La Cour d’appel fédérale conclut que le manque d’accessibilité de ces sites Web contrevient aux droits à l’égalité de la femme aux termes de l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés[69].
La garantie à l’égalité prévue à l’article 15 de la Charte s’apparente à l’objet du Code. Aucun gouvernement ne peut enfreindre les droits prévus par la Charte, à moins que leur violation soit justifiée aux termes de l’article 1, qui vise à déterminer si la contravention des droits prévus à la Charte est raisonnable dans les circonstances.
3.3 Loi sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario
La Loi de 2005 sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario (LAPHO)[70] traite du droit à l’égalité des chances et de l’inclusion des personnes handicapées. L’objectif de la LAPHO est de faire en sorte que l’Ontario soit pleinement accessible d’ici 2025. Elle met en place une série de normes (service à la clientèle, transports, milieu bâti, emploi et information et communications) que les organisations publiques et privées doivent mettre en place dans un délai donné.
La LAPHO est une loi importante qui améliore l’accès des personnes handicapées. Elle complète le Code des droits de la personne de l’Ontario, qui a la primauté sur la LAPHO. L’élaboration et la mise en œuvre de normes aux termes de la LAPHO doivent prendre en compte le Code, les principes de droits de la personne connexes et la jurisprudence[71]. La conformité à la LAPHO ne garantit pas la conformité au Code. Les organisations responsables doivent se conformer aux deux instruments. Par exemple, même quand une organisation remplit toutes ses obligations aux termes de la LAPHO, elle demeure responsable de mener ses activités sans discrimination ou harcèlement quelconque fondé sur le handicap, de donner suite aux demandes d’accommodement individuelles et autres.
3.4 Convention relative aux droits des personnes handicapées
En 2010, le Canada a ratifié la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées (CRDPH), un traité international ayant pour objectif de « promouvoir, protéger et assurer la pleine et égale jouissance de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales par les personnes handicapées et de promouvoir le respect de leur dignité intrinsèque »[72].
Au lieu de considérer les personnes handicapées comme des bénéficiaires de charité, la CRDPH vise plutôt à les considérer comme des titulaires de droits. Elle insiste sur la non-discrimination, l’égalité juridique et l’inclusion. Les pays qui ont ratifié ou signé la CRDPH portent le nom d’États Parties.
Les conventions et traités internationaux qui n’ont pas été mis en œuvre par voie législative au Canada ne font pas partie de la législation canadienne[73]. Toutefois, la Cour suprême du Canada a statué que le droit international aide à donner un sens et un contexte à la législation canadienne. La Cour a déclaré que la législation du Canada (qui englobe le Code et la Charte) doit être interprétée d’une manière conforme aux engagements internationaux du pays[74].
La CRDPH est un important outil de droits de la personne qui impose au Canada l’obligation positive d’assurer que les personnes handicapées ont des chances égales dans toutes les sphères de la vie. Pour s’acquitter de leurs obligations aux termes de la CRDPH, le Canada et l’Ontario devraient mettre en place des mesures communautaires appropriées de soutien et d’adaptation qui accordent des chances égales aux personnes handicapées, en plus d’évaluer les lois, les normes, les programmes et les pratiques pour s’assurer du respect des droits.
La CRDPH englobe les droits ci-après :
- égalité et non-discrimination (article 5)
- accessibilité (article 9)
- reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d’égalité (article 12)
- accès à la justice (article 13)
- liberté et sécurité de la personne (article 14)
- protection de l’intégrité de la personne (article 17)
- autonomie de vie et inclusion dans la société (article 19)
- accès à l’information (article 21)
- respect de la vie privée (article 22)
- éducation (article 24)
- santé, adaptation et réadaptation (articles 25 et 26)
- travail et emploi (article 27)
- niveau de vie adéquat et protection sociale (article 28)
- participation à la vie politique et à la vie publique (article 29)
- participation à la vie culturelle et récréative, aux loisirs et aux sports (article 30).
Le Canada n’a pas signé le protocole facultatif se rapportant à la CRDPH, ce qui signifie que les membres de la collectivité ne peuvent pas déposer de plainte directement au Comité des droits des personnes handicapées de l’ONU. Toutefois, la CRDPH prévoit des exigences de reddition de comptes. L’Association canadienne des commissions et conseils des droits de la personne (ACCCDP) a demandé à tous les paliers de gouvernement de s’acquitter de leurs obligations[75]. Cela inclut le fait de consulter les personnes handicapées et les organisations qui les représentent, de les inclure aux activités de surveillance de la mise en œuvre de la CRDPH, de cerner des initiatives et d’élaborer des plans pour démontrer comment elles traiteront des droits et obligations prévus dans la CRDPH.
[60] Voir Haykin v. Roth, 2009 HRTO 2017 (CanLII) [Haykin].
[61] Voir Lane, supra, note 6; ADGA, supra, note 6; Osvald v. Videocomm Technologies, 2010 HRTO 770 (CanLII), aux par. 34 et 54.
[62] Voir la section 8.4 de la présente politique intitulée Critère juridique pour obtenir plus de renseignements.
[63] Voir la section 7 de la présente politique intitulée Représailles pour obtenir plus de renseignements.
[64] Voir par exemple Knibbs v. Brant Artillery Gunners Club, 2011 HRTO 1032 (CanLII) [Knibbs] (discrimination fondée sur l’association à une personne ayant déposé une requête pour discrimination fondée sur le handicap); Giguere v. Popeye Restaurant, 2008 HRTO 2 (CanLII) (licenciement d’une employée parce que son mari avait le VIH); Barclay v. Royal Canadian Legion, Branch 12, (1997) 31 C.H.R.R. D/486 (Ont. Bd. Inq.) (sanction imposée à un membre parce qu’elle s’était opposée à des commentaires raciaux à l’endroit des personnes noires et autochtones); Jahn v. Johnstone (September 16, 1977), No. 82, Eberts (Ont. Bd. Inq.) (expulsion d’un locataire en raison de la race de personnes invitées à dîner chez lui).
[65] Voir Torrejon v. 114735 Ontario, 2010 HRTO 934 (CanLII), confirmée sur réexamen judiciaire dans 1147335 Ontario Inc., o/a Weston Property Management v. Torrejon, 2012 ONSC 1978 (CanLII).
[66] Voir la section 9 de la présente politique intitulée Préjudice injustifié pour obtenir plus de renseignements. Voir aussi Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU, [1999] 3 R.C.S. 3, 1999 CanLII 652 (CSC) [Meiorin].
[67] Vous trouverez le texte complet de ces exceptions dans le Code : www.ontario.ca/fr/lois/loi/90h19.
[68] L’article 52 de la Charte rend inopérantes les dispositions incompatibles de toute autre règle de droit.
[69] Canada (Attorney General) v. Jodhan, 2012 FCA 161 (CanLII) [Jodhan].
[70] LAPHO, supra, note 6.
[71] Lettre de l’ancienne commissaire en chef de la CODP Barbara Hall à Mayo Moran à propos du mémoire de la CODP concernant le second examen législatif indépendant de la LAPHO (30 juin 2014). Accessible en ligne : Commission ontarienne des droits de la personne www.ohrc.on.ca/fr/centre_des_nouvelles/m%C3%A9moire-de-la-codp-concernant-l%E2%80%99examen-l%C3%A9gislatif-de-la-lapho-2013-2014. L’examinatrice indépendante a formulé des recommandations au gouvernement sur, entre autres : le renouvellement du leadership gouvernemental, l’application de la LAPHO, la sensibilisation du public à la relation entre le Code et la LAPHO et d’autres questions, la planification de nouvelles normes relatives à la santé, à l’éducation, à la modification d’immeubles et autres, de planification de l’élimination des obstacles et d’amélioration des processus d’élaboration et d’examen des normes. Mayo Moran, Deuxième examen législatif de la Loi de 2005 sur l'accessibilité pour les personnes handicapées de l'Ontario, 2014. En ligne : Gouvernement de l’Ontario https://dr6j45jk9xcmk.cloudfront.net/documents/4020/final-report-second-legislative-review-of-the.pdf. La CODP a élaboré une vidéo de formation en ligne pour aider les organisations à comprendre la relation entre la LAPHO et le Code des droits de la personne : Travailler ensemble : Le Code des droits de la personne de l'Ontario et la LAPHO. Accessible à l’adresse : www.ohrc.on.ca/fr/apprentissage/travailler-ensemble%C2%A0-le-code-des-droits-de-la-personne-de-lontario-et-la-lapho.
[72] CRDPH, supra, note 6, article 1.
[73] Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817 [Baker], au par. 69.
[74] Baker, idem, au par. 70. Les Nations Unies ont indiqué que la ratification de la CRDPH crée « une nette préférence en faveur de la Convention. Cela signifie que la magistrature appliquera le droit interne et l’interprétera d’une manière correspondant d’aussi près que possible à la Convention. » Nations Unies, De l’exclusion à l’égalité : Réalisation des droits des personnes handicapées : Guide à l’usage des parlementaires : la Convention relative aux droits des personnes handicapées et son Protocole facultatif, Genève, Nations Unies, 2007, p. 121.
[75] En juin 2016, L’ACCCDP a émis une déclaration publique appelant tous les paliers de gouvernement à adopter des lois qui mettent pleinement à exécution la CRDPH, y compris en ce qui concerne le droit à un logement, un revenu, une éducation et un emploi adéquats, et à des installations et services accessibles. L’ACCCDP a aussi sommé le Canada de signer le Protocole facultatif de la CRDPH, qui permettrait aux Nations Unies d’examiner les communications reçues de Canadiennes et de Canadiens ou de groupes de Canadiennes ou de Canadiens alléguant avoir été empêchés d’exercer leurs droits. Enfin, l’ACCCDP a sommé le gouvernement fédéral de désigner un mécanisme indépendant pour surveiller la mise en œuvre de la CRDPH et veiller à ce que les personnes handicapées et leurs organisations représentatives puissent participer pleinement au processus.