Monsieur le Maire John Grant
Canton de Brock
Membres du conseil municipal de Brock
Monsieur le Maire et Mesdames et Messieurs les membres du conseil municipal,
La Commission ontarienne des droits de la personne (CODP) constate que le 23 novembre 2020, le conseil municipal de Brock (le conseil) a adopté le règlement de restriction provisoire 2994-2020 visant à « interdire la mise en place de logements avec services de soutien et de constructions modulaires, y compris les maisons d’habitation préfabriquées », afin de suspendre un projet de logement avec services de soutien à Beaverton. Le conseil a également décidé que ce règlement pouvait « être prolongé par le conseil pour une durée d’un an, conformément à l’article 38 de la Loi sur l’aménagement du territoire, ou abrogé par le conseil à une date antérieure ».
La CODP souhaite vous exprimer sa préoccupation concernant le fait que ce règlement crée des obstacles à la mise en place et à l’accès au logement avec services de soutien, ce qui peut être discriminatoire en vertu du Code des droits de la personne (le Code). Les obligations légales du canton en vertu du Code sont par ailleurs encadrées par la loi provinciale sur l’aménagement du territoire, ainsi que par le droit fédéral et international.
Compte tenu des obligations en matière de droits de la personne décrites ci-après, la CODP demande au conseil de supprimer, dès que possible, tout obstacle ayant un effet discriminatoire et de permettre la réalisation de ces projets de logement avec services de soutien.
Code des droits de la personne de l’Ontario
Le Code est une loi quasi constitutionnelle qui prime sur toutes les autres lois de l’Ontario, y compris la Loi sur les municipalités et la Loi sur l’aménagement du territoire. Le Code interdit la discrimination fondée sur certains motifs (comme le handicap) dans l’offre de logements et de services.
Le canton de Brock a l’obligation légale de s’assurer qu’il n’impose pas de restrictions injustifiées au logement avec services de soutien, qui pourraient enfreindre le Code. Par conséquent, le canton doit s’assurer que toute décision de planification ou tout règlement municipal sur le logement avec services de soutien n’a pas d’effet discriminatoire sur les groupes de personnes protégés par le Code.
En effet, certains groupes protégés en vertu du Code peuvent, plus que d’autres, avoir besoin de logement avec services de soutien. Ceci est particulièrement vrai pour les personnes bénéficiant de l’aide sociale, les personnes handicapées, notamment celles ayant des problèmes de santé mentale ou des problèmes de dépendance, ainsi que les personnes racisées. Souvent, les personnes identifiées notamment pour ces motifs sont durement pénalisées si l’accès au logement avec services de soutien est restreint.
C’est la loi, mais c’est aussi une question de bon sens. Les personnes qui ont besoin de logement avec services de soutien sont confrontées à de nombreux obstacles, tant au niveau personnel qu’institutionnel, qui les empêchent de participer pleinement à la vie de la société. L’épidémie de COVID-19 a exacerbé ce contexte et a causé un préjudice disproportionné aux groupes vulnérables, dont les personnes qui ont besoin de logement avec services de soutien. La discrimination aggrave leurs difficultés quotidiennes et constitue une nouvelle atteinte à leur dignité.
Zonage de personnes
Depuis plus de dix ans, la CODP a mobilisé diverses municipalités sur les questions relatives aux droits de la personne et à la planification municipale par le biais de l’élaboration de politiques pertinentes, de la défense des droits et de litiges. La CODP collabore avec des personnes et des collectivités de tout l’Ontario pour mettre fin à la discrimination et éliminer les obstacles auxquels sont confrontés les groupes vulnérables. L’un de ces obstacles est le « zonage de personnes ».
Le « zonage de personnes », ou la tentative de réglementer les questions de logement en fonction des personnes qui vivront dans ces logements, résulte souvent d’une opposition aux projets de logement fondée sur des stéréotypes ou des préjugés. Cela peut constituer une violation du droit de la personne à ne pas subir de discrimination en matière de logement, ce qui va donc à l’encontre de la loi.
On n’a pas le droit de choisir ses voisins
Le canton doit s’assurer que ses règlements municipaux et réglementations ne définissent pas de zones de personnes. Les outils de planification ne doivent pas cibler les groupes protégés par le Code ou exercer sur eux un effet discriminatoire. Le canton doit s’assurer que les besoins de ces groupes sont pris en compte dans toutes ses décisions d’aménagement. Ceci est clairement indiqué dans le guide de la CODP Dans la zone : logement, droits de la personne et planification municipale.
Déclaration de principes provinciale
D’après les informations dont dispose la CODP, la région de Durham a un besoin urgent de logements abordables et avec services de soutien et, dans son plan décennal sur le logement et l’itinérance, elle s’est engagée à mettre fin à l’itinérance d’ici 2024.
La Déclaration de principes provinciale de 2020 (la DPP) soutient cet engagement, comme le stipule l’article 1.4.3 :
Les offices d’aménagement doivent fournir la diversité et l’éventail d’options de logement nécessaires pour répondre aux besoins prévus de logements abordables, fondés sur le marché, des résidents actuels et futurs de la zone de marché régionale en prenant les mesures suivantes : a) établir et mettre en œuvre des objectifs minimaux pour la fourniture de logements abordables aux ménages à revenu faible et modéré et qui respectent les plans de logement et de lutte contre l’itinérance pertinents.
Par ailleurs, l’article 4.4 de la DPP souligne que cette dernière « est mise en œuvre dans le respect du Code des droits de la personne de l’Ontario et de la Charte canadienne des droits et libertés ».
Le droit de la personne au logement
La communauté internationale reconnaît depuis longtemps que le droit au logement est un droit fondamental et universel de la personne, qui doit être protégé par la loi. Depuis la proclamation de la Déclaration universelle des droits de l’homme en 1948, les Nations Unies ont reconnu le droit au logement dans de nombreux documents.
En 2019, le gouvernement du Canada a adopté la Loi sur la stratégie nationale sur le logement. Le gouvernement du Canada s’engage ainsi à favoriser la réalisation progressive du droit à un logement suffisant lequel est reconnu par le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels auquel le Canada est partie.
Conclusion
Au moment où le conseil poursuit son étude du projet de logement avec services de soutien à Beaverton, la CODP l’appelle à prendre des décisions dans le respect du Code, de la DPP et du droit de la personne à un logement suffisant, afin de promouvoir la dignité et le bien-être de tous les membres de la communauté.
La CODP se réjouit de la possibilité de collaborer avec le canton de Brock à cette question cruciale et reste à votre disposition si vous ou votre équipe souhaitez communiquer avec nous.
Sincères salutations,
Patricia DeGuire
Commissaire en chef
c. c. : L’honorable Doug Downey, procureur général
Commissaires de la CODP