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VII. Effet disproportionné en Ontario

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Les conseils scolaires en Ontario ne recueillent pas de statistiques sur la race des élèves qui sont suspendus et renvoyés et ne comptent pas le faire. Un représentant supérieur d’un conseil scolaire de la RGT a déclaré qu’il n’était [TRADUCTION] « pas au courant d’un débat quelconque sur l’adoption d’une telle pratique à l’heure actuelle » et a dit craindre que les statistiques [TRADUCTION] « soient mal utilisées et que les gens les prennent isolément et les interprètent pour leurs propres fins[113] ». Un représentant supérieur d’un autre conseil scolaire de la RGT a exprimé un point de vue similaire : [TRADUCTION] « Je ne crois pas que cela soit approprié. Au sein de notre conseil scolaire, il n’y a eu aucun débat sur une tentative quelconque de recueillir des statistiques fondées sur la race et l’origine ethnique[114] ». Des statistiques sur le nombre d’élèves ayant des anomalies et faisant l’objet d’une suspension sont recueillies, mais elles n’ont pas encore été mises à la disposition du public[115].

En raison de l’absence complète de statistiques sur la race et de l’inaccessibilité des statistiques sur les incapacités, il est impossible de déterminer avec certitude si l’application des mesures disciplinaires dans les écoles a un effet disproportionné sur les élèves issus de minorités raciales et les élèves handicapés. Toutefois, d’autres sources contiennent des renseignements non scientifiques et une certaine preuve empirique qui vont dans ce sens. La section suivante du rapport examine une partie de cette preuve conjointement avec les points de vue des responsables des conseils scolaires.

A. Étude sur les perceptions des élèves issus de minorités raciales

Contrairement à ce qui se passe aux États-Unis et au Royaume-Uni, les conseils scolaires et écoles au Canada ne recueillent que rarement, voire jamais, des statistiques sur la race des élèves qui sont suspendus et renvoyés (du moins pas de façon systématique). En l’absence de telles données, il est impossible de déterminer avec certitude si les suspensions et renvois ont un effet disproportionné sur les élèves issus de minorités raciales. Cependant, une étude relativement récente, intitulée Racial and Ethnic Minority High School Students’ Perceptions of School Disciplinary Practices: A Look at Some Canadian Findings, présente une preuve importante fondée sur les perceptions[116].

L’étude s’est penchée sur les perceptions des élèves du secondaire à Toronto au sujet de la différence de traitement concernant les pratiques disciplinaires dans les écoles. Les élèves appartenaient aux groupes raciaux suivants : Noirs, Asiatiques du sud, Asiatiques, Blancs et « autres » (Autochtones, Latino-Américains et de sang mêlé). Selon les résultats de l’étude, les élèves issus de minorités raciales, notamment les élèves de race noire, sont beaucoup plus susceptibles que les élèves de race blanche de percevoir de la discrimination au niveau du traitement par les enseignants, des pratiques de suspension de l’école, du recours à la police par les autorités scolaires et du traitement par la police à l’école. Voici les résultats précis :

  • Traitement par les enseignants. Les élèves de race noire étaient beaucoup plus susceptibles que les élèves d’origine sud-asiatique et asiatique, les élèves de race blanche et les élèves issus d’« autres » minorités raciales de croire que les élèves de leur groupe racial font l'objet d'un traitement plus dur ou beaucoup plus dur de la part des enseignants de leur école. Les élèves d’origine sud-asiatique étaient aussi plus susceptibles que les élèves de race blanche de croire qu’ils feraient l'objet d'un traitement plus dur ou beaucoup plus dur.
  • Pratiques de suspension de l’école. Les élèves de race noire étaient plus susceptibles que les élèves d’origine sud-asiatique et asiatique, les élèves de race blanche et les élèves appartenant à d’« autres » groupes raciaux de croire que les membres de leur propre groupe racial étaient plus susceptibles d’être suspendus. Les élèves d’origine sud-asiatique étaient beaucoup plus susceptibles que les élèves d’origine asiatique et les élèves de race blanche de percevoir un traitement discriminatoire, tandis que les élèves appartenant à d’« autres » groupes raciaux étaient beaucoup plus susceptibles que les élèves de race blanche de percevoir un traitement discriminatoire.
  • Recours à la police par les autorités scolaires. Les élèves de race noire étaient beaucoup plus susceptibles que les élèves d’origine sud-asiatique et asiatique, les élèves de race blanche et les élèves appartenant à d’« autres » groupes raciaux de croire que les élèves membres de leur propre groupe racial étaient plus susceptibles de faire l’objet d’une intervention policière. Les élèves d’origine sud-asiatique étaient plus susceptibles que les élèves de race blanche et les élèves d’origine asiatique de percevoir un traitement discriminatoire, tandis que les élèves appartenant à d’« autres » groupes raciaux étaient beaucoup plus susceptibles que les élèves de race blanche de percevoir un traitement discriminatoire.
  • Traitement par la police à l’école. Les élèves de race noire étaient beaucoup plus susceptibles que les élèves d’origine sud-asiatique et asiatique, les élèves de race blanche et les élèves appartenant à d’« autres » groupes raciaux de croire qu’ils feraient l'objet d'un traitement plus dur ou beaucoup plus dur de la part de la police à l’école. De plus, les élèves d’origine sud-asiatique et asiatique et les élèves appartenant à d’« autres » groupes raciaux étaient tous beaucoup plus susceptibles que les élèves de race blanche de percevoir un traitement discriminatoire[117].

La probabilité que les élèves de race noire perçoivent un traitement discriminatoire est particulièrement forte. Par exemple, si on les compare aux élèves de race blanche, les élèves de race noire étaient 7,41 fois plus susceptibles de percevoir un traitement discriminatoire de la part des enseignants, 17,5 fois plus susceptibles de percevoir un traitement discriminatoire au niveau de l’application des pratiques de suspension, 31,6 fois plus susceptibles de percevoir un traitement discriminatoire concernant le recours à la police par l’école et 26,9 fois plus susceptibles de percevoir un traitement discriminatoire de la part de la police à l’école. L’écart entre les élèves de race noire et les élèves d’origine sud-asiatique, lesquels arrivent au deuxième rang des élèves plus susceptibles de percevoir de la discrimination, est très important (si on les compare aux élèves de race blanche, les élèves d’origine sud-asiatique sont 2,86, 4,38, 7,25 et 8,28 fois plus susceptibles de percevoir un traitement discriminatoire dans les catégories mentionnées ci-haut)[118].

Bien qu’il y ait peu de preuves quantitatives permettant de déterminer si les perceptions des élèves dans l’étude correspondent exactement à la réalité, les auteurs soulignent qu’il faut se pencher sur le fait même que les élèves issus de minorités raciales ont ces perceptions, parce qu'il s'agit d'« une réalité psychologique qui influe sans aucun doute sur l'apprentissage et le rendement des élèves » et [TRADUCTION] « dont les conséquences importantes doivent être examinées afin que les écoles puissent élaborer des mesures pour s’assurer que les élèves de tous les groupes raciaux et ethniques aient l’impression d’avoir des chances d'accès égales à l'enseignement[119] ».

B. Monographie sur l’éducation de l’enfance en difficulté no 5

Depuis plus de cinq ans, le gouvernement de l’Ontario sait que le recours aux suspensions et renvois dans les écoles peut avoir un effet disproportionné sur les élèves handicapés et être considéré comme de la discrimination si des mesures d’adaptation ne sont pas prises à leur égard. En 1997, le ministère de l’Éducation a fait circuler une ébauche interne de la Monographie sur l’éducation de l’enfance en difficulté no 5, intitulée Guidelines for the Implementation of the Ministry of Education and Training’s Violence-Free Schools Policy with respect to Exceptional Pupils and Others with Special Needs. Il vaut la peine d’en citer l’extrait clé dans son intégralité :

[TRADUCTION]

3.0 EFFET DISPROPORTIONNÉ POSSIBLE DE LA VFSP

Au départ, les politiques sur la prévention de la violence mettent habituellement l’accent sur les élèves qui commettent des actes de violence intentionnels. On se sert de stratégies telles que l’imposition de suspensions et de renvois pour protéger d’autres personnes à l’école contre les comportements dangereux et pour signaler clairement à l’élève ayant commis un acte de violence que la violence est inacceptable.

Toutefois, certains élèves qui ont des réactions violentes ne sont pas entièrement responsables de leur comportement. Certains élèves gravement handicapés affichent divers niveaux de compréhension et de contrôle en ce qui a trait au comportement acceptable. Il se peut que ces élèves aient besoin d’un soutien supplémentaire pour comprendre en quoi consiste un comportement acceptable, modifier leur comportement et manifester un comportement acceptable de façon constante au fil du temps.

D’habitude, les élèves ayant de graves problèmes de comportement auront été officiellement identifiés par un comité d’identification, de placement et de révision. En vertu du règlement 305, tous les élèves ayant une anomalie doivent avoir un plan d’enseignement individualisé (PEI) qui énonce les programmes et services destinés à l'enfance en difficulté dont ils ont besoin pour réaliser leurs objectifs sur le plan des études. Le PEI indiquera notamment les besoins de l’élève qui ont été identifiés par le comité d’identification, de placement et de révision et énoncera les objectifs d’ordre scolaire et éducatif de l’élève. Le PEI énoncera les objectifs d’ordre social ou de comportement pour les élèves ayant des problèmes de comportement.

Le ministère craint que de tels élèves n’aient jamais accès à l’éducation dont ils ont besoin pour réussir s’ils sont suspendus ou renvoyés lorsqu’ils ont des problèmes de comportement. Si on impose des suspensions et des renvois avant de faire appel, conformément au PEI, à d’autres stratégies éducatives, l’élève n’aura pas accès au type de programme d’éducation susceptible de réduire, voire d’éliminer, son comportement inacceptable.

De la même manière que nous offrons des mesures de rattrapage à l’élève qui échoue un test en mathématiques ou un test de langue, nous devons, plutôt que de faire appel aux suspensions ou renvois, examiner les stratégies de rattrapage qui peuvent être utilisées lorsque l’élève ne répond pas aux objectifs de comportement prévus dans son PEI. Agir autrement pourrait être considéré comme de la discrimination à l’égard d’un enfant du fait de son handicap[120]. [C’est moi qui souligne.]

La monographie no 5 n’a jamais été officiellement adoptée, mais les facteurs atténuants prévus par la Loi sur la sécurité dans les écoles et ses règlements d’application tiennent compte du principe selon lequel certains élèves ne sont pas entièrement responsables de leur comportement. Toutefois, la nouvelle législation ne tient nullement compte du principe (énoncé par ailleurs dans l’Individuals with Disabilities Education Act, une loi américaine) selon lequel il faut tenter de fournir des mesures d’adaptation à l’élève handicapé avant de recourir à la suspension ou au renvoi.

C. Perceptions générales

1. Élèves de race noire

Si l’on se fie aux entrevues menées auprès d’avocats, d’un conseiller scolaire, de travailleurs communautaires, de jeunes, de parents et de professeurs d’université de la communauté noire dans la RGT, il semble exister une forte perception selon laquelle la Loi sur la sécurité dans les écoles et les nouvelles politiques des conseils scolaires en matière de discipline ont un effet disproportionné sur les élèves de race noire. On semble d’avis que les politiques disciplinaires ont toujours eu un effet disproportionné sur les élèves de race noire, mais que la Loi et les politiques de « tolérance zéro » ont beaucoup aggravé le problème, de sorte qu’un nombre considérablement plus élevé d’élèves de race noire sont suspendus et renvoyés.

Selon la présidente d’une organisation de parents d’enfants de race noire, lorsque l’organisation a été fondée en 1980, les parents étaient d’avis que la question des suspensions et du traitement inéquitable des élèves de race noire était « grave ». Cependant, depuis l’entrée en vigueur de la Loi sur la sécurité dans les écoles, elle remarque que l’organisation reçoit plus d’appels au sujet des renvois et de la présence accrue de la police dans les écoles. Elle souligne également que [TRADUCTION] « [t]ous les groupes [de revendication et d’éducation] importants de la communauté afro-canadienne [...] sont conscients du problème. Certains lui donnent le nom de profilage racial[121] ».

D’après une conseillère scolaire qui a également travaillé pendant trente-cinq ans au sein d’une collectivité multiraciale à faible revenu ayant une population noire importante, notamment pour défendre ses intérêts, l’effet des politiques disciplinaires dans les écoles sur les élèves de race noire a toujours constitué un problème, mais [TRADUCTION] « [il] s’agit maintenant d’un problème de premier plan parce que les chiffres ont augmenté[122] ». Elle a précisé ce qui suit au sujet des écoles de son quartier :

[TRADUCTION]

Au cours de l’année scolaire 2002-2003, qui n’est pas encore terminée, la situation dans les trois écoles secondaires que je représente à titre de conseiller scolaire est la suivante : [à la première école], 131 suspensions ont été imposées; [la deuxième école] affiche 145 suspensions; [la troisième école] en a imposé 65. Ce ne sont là que les suspensions enregistrées. Presque toutes visent des élèves de race noire ou issus de minorités visibles[123].

Un avocat d’une clinique juridique qui dessert la communauté noire souligne qu’il y a eu une [TRADUCTION] « rétroaction accrue de la part de la communauté noire » sur la question et que l’effet sur les élèves de race noire est [TRADUCTION] « certainement devenu plus important » depuis l’entrée en vigueur de la Loi sur la sécurité dans les écoles[124]. La clinique, qui offre aux Afro-Canadiens des services de représentation juridique relativement à diverses questions, a donc fait de la représentation des élèves de race noire en matière de suspension et de renvoi l’un de ses domaines de travail prioritaires[125].

Selon le directeur exécutif d’un organisme de services sociaux somalien, l’effet sur les élèves d’origine somalienne n’est devenu problématique que lorsque les politiques de tolérance zéro ont fait leur apparition : [TRADUCTION] « Nous avons constaté une augmentation du nombre de suspensions et de renvois chez les élèves d’origine somalienne depuis que ces politiques sont entrées en vigueur, mais pas pour les bonnes raisons[126] ». D’après un travailleur des services à la famille d’un organisme de services sociaux qui dessert les communautés noire et antillaise, les nouvelles politiques ont [TRADUCTION] « eu un effet sur l’ensemble des élèves, mais surtout sur les enfants de race noire[127] ».

Un spécialiste en matière de race et de relations ethniques d’un conseil scolaire de la RGT souligne ce qui suit : [TRADUCTION] « D’après mes observations et mes entretiens avec des parents membres de minorités visibles, ces derniers se sont plaints de l’interprétation des politiques relatives à la sécurité dans les écoles qui ont eu des effets préjudiciables sur leurs enfants[128] ».

La perception selon laquelle les politiques disciplinaires ont un effet disproportionné sur les élèves de race noire n’existe pas seulement dans la communauté noire. La directrice exécutive d’une clinique juridique au service des enfants et des jeunes a précisé ce qui suit : [TRADUCTION] « Les écoles ayant d’importantes communautés racialisées, notamment celles dans le secteur Jane et Finch, ont toujours affiché un nombre élevé de suspensions, de renvois et d’élèves qui ne retournent pas à l’école[129] ». Le directeur de cours de la faculté d’éducation d’une université ontarienne a sans doute émis le commentaire le plus franc :

[TRADUCTION]

À mon avis, quiconque se penche honnêtement sur le problème doit reconnaître l’effet disproportionné [sur les élèves de race noire]. Beaucoup de gens croient réellement ne pas tenir compte de la race. C’est aussi pour cette raison qu’ils ne recueillent pas de statistiques. Ainsi, on garde l’impression que tout le monde est traité de la même manière, de sorte qu’il ne peut y avoir de discrimination. Je ne puis dire si la plupart des gens dans le système [scolaire] sont au courant de l’effet disproportionné, mais je crois que quiconque se penche sur le problème est conscient de cet effet et que beaucoup de gens savent qu’il existe mais ne voudront jamais l’admettre[130].

2. Élèves d’origine autochtone et latino-américaine et élèves originaires de l’Asie du Sud, de l’Asie de l’Est et de l’Asie du Sud-Est

La perception d’un effet disproportionné existe aussi dans d’autres communautés raciales minoritaires. Selon le coordonnateur d’un centre de jeunesse tamoul, les élèves d’origine tamoule étaient suspendus en assez grand nombre par le passé, mais la Loi sur la sécurité dans les écoles et les nouvelles politiques des conseils scolaires ont beaucoup aggravé le problème[131]. Un avocat d’une clinique juridique desservant la communauté autochtone précise qu’il ne considérait pas les politiques disciplinaires comme un problème particulièrement important avant l’entrée en vigueur de la Loi, mais que les élèves autochtones sont maintenant touchés de façon disproportionnée[132]. Un travailleur communautaire dans une clinique juridique desservant la communauté latino-américaine a émis des propos similaires au sujet de celle-ci[133]. Le directeur exécutif d’une clinique juridique qui dessert les communautés chinoise et asiatique du Sud-Est a constaté une augmentation du nombre de cas mais ne sait pas si celle-ci témoigne d’un effet disproportionné sur les élèves d’origine chinoise ou vietnamienne[134].

Un représentant supérieur d’un conseil scolaire de la RGT n’a pas voulu confirmer ni nier que les élèves de race noire ou issus d’autres minorités raciales sont touchés de façon disproportionnée. Il semble plutôt croire que les élèves à risque sont touchés de façon disproportionnée et qu’il est nécessaire d’examiner tous les facteurs (pas seulement le racisme) qui créent un risque pour les enfants :

[TRADUCTION]

Les enfants qui ne vont pas régulièrement à l’école ne réussissent pas à l’école. Si vous ne réussissez pas à l’école, vous ne vous sentez pas aussi bien dans votre peau. Si vous ne vous sentez pas aussi bien dans votre peau, vous avez tendance à mal vous comporter. Si vous avez tendance à mal vous comporter, votre comportement n’est pas acceptable, et ainsi de suite. Nous savons certaines choses. Nous savons qui habite dans les régions ayant différents groupes socio-économiques. Nous savons que les enfants vivant au sein d'une famille biparentale réussissent habituellement mieux à l’école que les enfants vivant au sein d'une famille monoparentale. Nous savons que les garçons n’obtiennent pas d’aussi bons résultats lors des évaluations provinciales en lecture et en mathématiques. Nous savons aussi que les garçons apprennent différemment des filles. Nous savons également que beaucoup plus de garçons que de filles sont suspendus [...] Suis-je inquiet au sujet du nombre de garçons de race noire qui éprouvent des difficultés? Oui, je le suis. Cependant, je m’inquiète tout autant des élèves appartenant à d’autres groupes qui éprouvent des difficultés [...] Il y a une multitude de facteurs qui peuvent avoir un rôle à jouer à plusieurs égards lorsque vous avez des enfants à risque. Je pense que [le racisme] est un des facteurs, mais pas le seul. Par conséquent, j’aimerais avoir une discussion qui traiterait des nombreux facteurs et tenter de les aborder sous toutes leurs facettes[135].

Il soutient également que les perceptions au sujet de l’effet disproportionné ne correspondent pas toujours à la réalité. Il cite l’exemple d’une communauté à faible revenu du centre-ville de Toronto où la question a été soulevée : [TRADUCTION] « La communauté a soulevé la question et, avec d’autres personnes, j’ai rencontré les membres de la communauté en vue d’élaborer des programmes d’intervention et de soutien destinés notamment aux élèves de première, deuxième et troisième années faisant l’objet d’une suspension. Mais lorsque nous avons enfin examiné les statistiques, les taux de suspension étaient moins élevés qu’ailleurs[136] ».

Un représentant supérieur d’un autre conseil scolaire de la RGT ne croit pas que les élèves de race noire ou issus d’autres minorités raciales soient touchés de façon disproportionnée, parce que les directeurs appliquent les mesures disciplinaires objectivement :

[TRADUCTION]

En ce qui concerne la race, non, je ne suis pas d’accord, bien que je sois conscient de la perception qui existe dans certaines collectivités. Puisque je m’occupe des suspensions et des réexamens, je puis affirmer qu’ils sont fondés sur le comportement objectif de l’élève, quelle que soit son origine raciale [...] D’après mon expérience, dans le processus décisionnel, le directeur recueille les renseignements, décide si le comportement en cause a eu lieu ou non et identifie les gestes de chacun. Il n’est pas tenu compte de l’origine ethnique de l’élève dans le processus décisionnel. Nos directeurs nous disent qu’ils ne font qu’examiner les faits de l’incident, l’âge et le sexe de l’élève, la gravité de la blessure ou de l’incident, la question de savoir si le comportement a déjà eu lieu, ainsi que les mesures, s’il en est, ayant été prises dans le passé pour que l’enfant modifie son comportement[137].

Il prétend aussi que la perception erronée d’un effet disproportionné pourrait découler du fait que la population scolaire dans certains établissements est constituée en grande partie d’un groupe racial ou ethnique :

[TRADUCTION]

Certaines écoles représentent les communautés latino-américaines, certaines représentent les communautés philippines, d’autres représentent les communautés chinoises et d’autres encore les communautés afro-canadiennes. La population de l’école est constituée principalement des membres de ce groupe et il peut y avoir divers autres groupes minoritaires. Je ne serais pas étonné d’apprendre que les enfants faisant partie du groupe majoritaire à l’école se voient imposer le plus grand nombre de suspensions parce qu’ils sont les plus nombreux et non en raison d’un préjugé quelconque dans le processus décisionnel[138].

3. Élèves handicapés

Des entrevues menées auprès d’un travailleur social, d’un travailleur communautaire, d’avocats, d’experts en santé mentale, de groupes qui défendent les gens handicapés et d’autres personnes révèlent qu’il existe une forte perception selon laquelle la Loi sur la sécurité dans les écoles et les nouvelles politiques des conseils scolaires ont un effet disproportionné sur les élèves handicapés, notamment les élèves souffrant de troubles affectifs ou de comportement, d’une déficience intellectuelle ou d’un problème d’apprentissage, d’autisme, ou du syndrome de la Tourette (y compris les troubles associés tels que l’hyperactivité avec déficit de l'attention, le trouble obsessivo-compulsif et le trouble du contrôle des impulsions).

Le directeur exécutif d’un centre de santé mentale pour enfants est d’avis que les politiques en matière de suspension et de renvoi constituaient, avant que la Loi entre en vigueur, un problème important pour les élèves souffrant de troubles affectifs ou d’un problème d’apprentissage, mais qu’[TRADUCTION] « il s’agit maintenant d’un plus grand problème[139] ». Un conseiller en comportement d’un conseil scolaire du nord de l’Ontario précise qu’il constate désormais la suspension et le renvoi d’élèves souffrant de troubles affectifs ou de comportement [TRADUCTION] « tout le temps [...] [I]l y a eu une augmentation importante du nombre de suspensions et de renvois[140] ».

Le directeur exécutif d’un organisme qui dessert les personnes ayant le syndrome de la Tourette indique qu’il y a eu une [TRADUCTION] « augmentation en chiffres absolus » du nombre de suspensions et de renvois chez les élèves ayant le syndrome de la Tourette : [TRADUCTION] « On s’en inquiétait auparavant, mais il y a certainement eu une augmentation depuis l’entrée en vigueur de la Loi[141] ». Le coordonnateur d’un groupe qui défend les intérêts des élèves handicapés précise qu’il y a certainement eu [TRADUCTION] « plus de suspensions » chez les élèves handicapés depuis l’entrée en vigueur des politiques de zéro tolérance[142]. La directrice exécutive d’une clinique juridique au service des enfants et des jeunes a aussi remarqué que, depuis l’entrée en vigueur des nouvelles politiques des conseils scolaires, [TRADUCTION] « [l]’attente du public concernant les mesures obligatoires a poussé les écoles à agir plus agressivement envers les élèves ayant des problèmes d’apprentissage[143] ».

Un représentant supérieur d’un conseil scolaire de la RGT n’a pas voulu confirmer ni nier que les élèves handicapés sont touchés de façon disproportionnée, mais il a souligné que les directeurs appliquent les facteurs atténuants pour s’assurer que les élèves handicapés sont traités équitablement :

[TRADUCTION]

La Loi sur la sécurité dans les écoles prévoit des facteurs atténuants. Il y en a trois. Nous cherchons à nous servir en tout temps des facteurs atténuants. Dans le cas des élèves en difficulté (un sujet dont nous discutons présentement et que nous sommes en train d’examiner), quels sont les besoins des élèves et quel est leur rôle? Nous faisons tout notre possible pour ne pas suivre une ligne droite du point A au point B. Certaines personnes regardent le tableau des conséquences et choisissent de s’en servir comme d’un menu déroulant. Je peux vous dire que les directeurs et les membres du conseil qui travaillent avec moi dans les écoles ne s’en servent pas comme d’un menu déroulant. Il peut être prescriptif et exigé par la loi, mais nous ne nous en servons pas comme d’un menu déroulant et faisons tout notre possible pour tenir compte de tous les facteurs et de toutes les circonstances[144].

Un représentant supérieur d’un autre conseil scolaire de la RGT a précisé que le conseil n’avait pas encore procédé à l’analyse de ses statistiques pour déterminer si les élèves handicapés étaient touchés de façon disproportionnée, mais que des mesures seraient prises pour redresser la situation si l’analyse indiquait un effet disproportionné :

[TRADUCTION]

On a présenté [à notre comité de l’enfance en difficulté] un rapport identifiant, dans l’ensemble de notre système, le nombre d’élèves ayant été suspendus qui avaient une anomalie, le genre d’anomalie, ainsi que d’autres données. Nous n’avons pas encore analysé ces renseignements. À la fin de l’année scolaire, nous pourrions donner la base de données à notre service de recherche et nous poser les questions suivantes : que pouvons-nous apprendre de tout cela? Pouvons-nous cibler des ressources supplémentaires? Pouvons-nous identifier un groupe qui semble représenté de façon disproportionnée? Pouvons-nous analyser les raisons qui expliquent ce qui s’est passé? Pourquoi ces élèves éprouvent-ils des difficultés? Pouvons-nous lancer des programmes et des stratégies d’intervention positives pour remédier au problème? Cependant, nous n’en sommes pas encore arrivés au point où je pourrais dire qu’ils sont représentés de façon disproportionnée[145].

D. Audition de l’appel du renvoi ou de la suspension

1. Élèves de race noire

Plusieurs conseillers scolaires d’un conseil scolaire de la RGT qui tranchent les appels interjetés à l’encontre des suspensions et des renvois ont indiqué qu’ils voyaient un nombre disproportionné d’élèves de race noire lors des audiences. Un conseiller scolaire ayant tranché de 15 à 20 appels depuis novembre 2000 a déclaré ce qui suit : [TRADUCTION] « D’après mon expérience et mes entretiens avec des collègues, je crois que notre conseil renvoie beaucoup plus de garçons de couleur, qu’ils soient de race noire ou indienne ou issus de minorités visibles, que de jeunes de race blanche [...] Toujours d’après mon expérience, les garçons de race noire sont les plus susceptibles de se retrouver à une audience de renvoi »[146]. Un autre conseiller scolaire ayant siégé à « plusieurs » audiences de renvoi avant l’entrée en vigueur de la Loi sur la sécurité dans les écoles, ainsi qu’à deux audiences depuis lors, a indiqué ce qui suit : [TRADUCTION] « Lors des audiences de renvoi, on constate un nombre disproportionné de garçons de race noire [...] Si je siège à six audiences de renvoi, cinq visent des Noirs ou des membres de minorités visibles. La [nouvelle] politique n’a rien changé. Elle a empiré les choses[147] ».

Une récente émission radiophonique de la SRC sur la discipline dans les écoles et le profilage racial a fait état de conclusions similaires à la suite d’entrevues menées auprès de onze conseillers scolaires du TDSB : [TRADUCTION] « Chaque conseiller scolaire avec qui nous avons communiqué et ayant siégé à une audience de renvoi a indiqué [avoir constaté un nombre disproportionné de minorités visibles]. Lors des audiences, au moins 80 % des élèves sont membres de minorités visibles. La grande majorité sont de race noire[148] ».

Par contre, un représentant supérieur d’un conseil scolaire de la RGT soutient que les observations de chaque conseiller scolaire devraient être considérées avec prudence : [TRADUCTION] « À mon avis, il n’est pas tout à fait juste que les conseillers fassent des déclarations de ce genre alors qu’ils ne siègent pas à toutes les audiences[149] ».

E. Avocats

Les avocats qui donnent des conseils sommaires à des élèves ayant été suspendus ou renvoyés de l’école, ou qui les représentent, indiquent qu’ils constatent un nombre disproportionné d’élèves de race noire et d’élèves handicapés. De plus, les cliniques juridiques communautaires qui desservent les communautés autochtones, latino-américaines et asiatiques du Sud et du Sud-Est, ainsi que les personnes handicapées, font face à une plus forte demande de services à cet égard.

1. Élèves de race noire

Un avocat ayant représenté des élèves lors de cinq audiences de renvoi au cours des dix dernières années précise que ces clients étaient tous de race noire. Par ailleurs, sur environ cent clients recommandés ou contacts faisant l’objet d’une suspension, tous sauf deux étaient des élèves de race noire[150]. Deux avocats exerçant ensemble au sein du même cabinet et ayant représenté environ cinq élèves lors d’audiences de renvoi soulignent que tous sauf un étaient afro-canadiens ou d’origine somalienne[151]. La directrice exécutive d’une clinique juridique au service des enfants et des jeunes précise qu’environ la moitié des clients représentés par la clinique lors d’audiences sont des élèves membres de minorités visibles et que les deux tiers de ces élèves sont de race noire. De plus, 75 % des élèves auxquels la clinique fournit de brefs services ou des conseils sommaires sont membres de minorités visibles[152].

2. Élèves d’origine autochtone et latino-américaine et élèves originaires de l’Asie de l’Est et de l’Asie du Sud-Est

Les cliniques juridiques desservant les communautés autochtone, latino-américaine et asiatiques de l’Est et du Sud-Est, qui ne faisaient aucun travail dans le domaine de la discipline dans les écoles avant l’adoption de la Loi sur la sécurité dans les écoles, communiquent désormais avec les parents et élèves au sujet de questions disciplinaires au moins une fois par mois. Une clinique juridique qui dessert la communauté autochtone reçoit la visite d’environ un élève à toutes les trois semaines[153], tandis qu’une clinique juridique qui dessert la communauté latino-américaine reçoit un appel environ une fois par mois[154]. Enfin, une clinique juridique desservant les communautés asiatiques de l’Est et du Sud-Est a reçu presque vingt appels au cours des 12 à 24 derniers mois[155].

3. Élèves handicapés

Un avocat d’une clinique juridique communautaire située au nord-est de la RGT indique qu’au cours de la dernière année, sa clinique a traité des « retombées » de la Loi sur la sécurité dans les écoles : [TRADUCTION] « Les appels que nous recevons de la part de clients et qui concernent une suspension, un renvoi, une exclusion, ou toute autre forme de mesure disciplinaire, ne portent pas tant sur l’application de cette loi aux enfants non handicapés que sur son application aux enfants handicapés[156] ». La directrice exécutive d’une clinique juridique au service des enfants et des jeunes précise que 95 % des élèves auxquels sa clinique fournit de brefs services ou des conseils sommaires et 85 % des élèves représentés lors d’audiences sont des élèves en difficulté[157].

F. Programmes parallèles

L’auteur du présent rapport n’a pas réussi à interviewer le personnel des programmes parallèles et des programmes de discipline rigide de la RGT. Les appels téléphoniques sont demeurés sans réponse; une demande d’entrevue a été rejetée et renvoyée à un représentant supérieur d’un conseil scolaire de la RGT[158]. Selon ce représentant, les élèves inscrits à de tels programmes [TRADUCTION] « ont sensiblement le même profil racial et culturel que les élèves dans nos écoles, sauf qu’il y a beaucoup plus de garçons que de filles[159] ». Toutefois, certains autres sujets interrogés sont d’avis qu’il y a, dans ces programmes, un nombre disproportionné d’élèves handicapés et d’élèves issus de minorités raciales, notamment des élèves de race noire.

Un travailleur communautaire d’un organisme de services sociaux desservant des jeunes d’origine antillaise et de race noire a vu les élèves inscrits à des programmes parallèles pour élèves faisant l’objet d’une exclusion ou d’une suspension, tels que le programme ACE, et a indiqué ce qui suit : [TRADUCTION] « [S]i vous prenez [...] les élèves qui sont envoyés à des écoles [pour élèves en difficulté], là où les enfants faisant l’objet d’une exclusion sont envoyés, vous constatez qu’il y a un nombre disproportionné d’enfants de race noire[160] ». Un conseiller scolaire ayant siégé à des comités sur l'apprentissage parallèle dirigé pour élèves dispensés de fréquentation scolaire (SALEP) précise ce qui suit : [TRADUCTION] « Je dois vous avouer que je suis atterré et horrifié par le nombre d’élèves de race noire inscrits à ces programmes. Si je vois un élève qui n’est pas de race noire, je me pose des questions. Je me demande ce qui se passe. Avez-vous le bon élève[161] »?

La directrice exécutive d’une clinique juridique au service des enfants et des jeunes souligne qu’elle a parlé à une personne qui travaille dans un programme destiné aux élèves renvoyés et qu’on lui a dit que, sur les trente élèves inscrits au programme, un seul était de race blanche et tous avaient des troubles d’apprentissage[162]. Un avocat d’une clinique juridique qui dessert la communauté noire s’est fait dire par les directeurs des programmes de discipline rigide ainsi que par des élèves y ayant participé qu’il y a un nombre disproportionné d’élèves de race noire dans ces programmes[163].

G. Personnel de première ligne

Les jeunes, les travailleurs communautaires et sociaux, ainsi que les enseignants et conseillers en comportement qui offrent des services de première ligne aux élèves ayant été suspendus ou renvoyés, indiquent qu’ils constatent un nombre disproportionné d’élèves handicapés et d’élèves issus de minorités raciales, notamment des élèves de race noire.

1. Élèves de race noire

Une conseillère au sein d’un programme d’emploi pour les jeunes d’une collectivité multiraciale à faible revenu ayant une population noire importante a indiqué ce qui suit :

[TRADUCTION]

Je vois surtout des élèves de race noire [...] Plusieurs d’entre eux subissent les effets négatifs de la tolérance zéro. À ce jour, je n’ai rencontré aucun élève de race blanche. J’ai rencontré quelques élèves d’origine latino-américaine et hispaniques, mais pas un seul élève de race blanche [...] [N]ous avons conclu que nous avions auparavant une liste d’attente de trente élèves, mais qu’il y a maintenant de cinquante à cinquante-sept élèves qui tentent d’obtenir une place dans notre programme, parce qu’ils veulent avoir quelque chose à faire pendant leur suspension [...] Je leur demande maintenant pourquoi ils ne sont pas à l’école, surtout les élèves de race noire. Ils disent avoir été suspendus ou renvoyés en raison de la tolérance zéro [...][164].

Elle s’est également souvenue d’avoir assisté, à Metro Hall, à un atelier contre la violence auquel étaient présents de nombreux élèves ayant été suspendus ou renvoyés de l’école. Elle a indiqué qu’ [TRADUCTION] « [i]l y avait surtout des enfants de race noire et quelques jeunes d’origine indienne orientale[165] ».

Un travailleur communautaire d’un organisme de services sociaux desservant des jeunes d’origine antillaise et de race noire a ajouté ce qui suit : [TRADUCTION] « [D]ans certaines écoles, il y a beaucoup moins d’élèves de race noire, mais ils sont plus nombreux à être suspendus. C’est notamment le cas [d’une école secondaire de la RGT ayant de nombreux élèves d’origine asiatique et peu d’élèves de race noire]. Seulement 10 % environ des élèves de cette école sont de race noire, mais plusieurs élèves vous diront qu’ils se voient imposer des suspensions à un rythme alarmant, beaucoup plus rapidement que d’autres groupes[166] ».

Un travailleur social auprès des jeunes à risque d’une école secondaire située dans une collectivité multiraciale à faible revenu a déclaré ce qui suit : [TRADUCTION] « [L]a grande majorité des suspensions auront un effet sur les élèves membres de minorités visibles, en raison du profil démographique de l’école. Toutefois, au sein de cette école où règne la diversité, certains groupes défavorisés sont plus touchés que d’autres. À mon avis, les groupes les plus touchés sont les jeunes garçons de race noire, les garçons d’origine tamoule et, dans une certaine mesure, les garçons d’origine afghane[167] ».

Le président d’un organisme de services sociaux musulman, qui s’occupe de la mise en œuvre d’un programme communautaire destiné aux élèves du primaire qui sont suspendus, a déclaré ce qui suit : [TRADUCTION] « Il ne fait aucun doute que les élèves de race noire sont suspendus plus souvent que les élèves de race blanche [...] En ce qui concerne l’application de la loi, j’ai remarqué que l’élève de race blanche peut être suspendu pendant un jour ou deux, mais que l’élève de race noire est suspendu pendant cinq jours[168] ».

2. Élèves d’origine latino-américaine

Une travailleuse communautaire d’une clinique juridique desservant la communauté latino-américaine a indiqué que tous les parents qui avaient communiqué avec elle étaient des membres « visibles » de la communauté latino-américaine : [TRADUCTION] « D’après mon expérience, chez les élèves d’origine latino-américaine, ce sont ceux de race noire, d’origine autochtone et de sang mêlé qui sont suspendus et renvoyés, pas ceux de race blanche[169] ».

3. Élèves handicapés

Selon un enseignant d’une école élémentaire située dans une collectivité à faible revenu, la plupart des élèves ayant certains types de handicaps mentaux sont plus durement touchés par les politiques de tolérance zéro :

[TRADUCTION]

Si vous examinez les chiffres pour savoir quels élèves sont les plus touchés par la politique de tolérance zéro, vous constatez que la majorité ont un type d’incapacité quelconque, comme une déficience intellectuelle légère, un trouble d’apprentissage ou un problème de comportement. Voilà les trois catégories dans lesquelles sont classés les enfants en difficulté [...] Je dirais qu’un grand nombre d’élèves suspendus et renvoyés se trouvent dans l’une quelconque de ces trois catégories. Ils sont les plus touchés parce qu’ils sont plus susceptibles de se retrouver dans une situation où la tolérance zéro doit être appliquée[170].

Par ailleurs, un travailleur social auprès des jeunes à risque d’une école secondaire située dans une collectivité à faible revenu a indiqué que les suspensions étaient imposées [TRADUCTION] « assez librement » aux élèves ayant des difficultés à contrôler leurs pulsions et que le pouvoir discrétionnaire de ne pas imposer de suspension n’était pas exercé : [TRADUCTION] « Il y a moins de ressources en milieu scolaire pour aider les enfants en difficulté, de sorte que l’école a peut-être les mains liées. L’école n’a pas de choix. Il y a un pouvoir discrétionnaire, mais aussi beaucoup de pression de la part des enseignants qui ne veulent pas que la salle de classe soit un milieu dangereux[171] ». Un conseiller en comportement d’un conseil scolaire du nord de l’Ontario a constaté des tendances similaires dans les écoles où il travaille :

[TRADUCTION]

La Loi sur la sécurité dans les écoles vise en fait les enfants ayant des troubles affectifs ou de comportement. Elle les exclut effectivement des programmes ordinaires [...] Je vois plusieurs directeurs qui ont l’impression d’avoir les mains liées et qui se sentent obligés de suspendre l’enfant si celui-ci commet un certain acte. Même s’il y a des circonstances atténuantes, elles ne sont généralement pas appliquées[172].

H. Classes pour enfants en difficulté et enfants ayant des problèmes de comportement

Le directeur de cours de la faculté d’éducation d’une université ontarienne fait remarquer que les politiques disciplinaires doivent avoir un effet disproportionné sur les élèves de race noire parce que la preuve démontre que les classes pour enfants en difficulté et enfants ayant des problèmes de comportement ont un nombre disproportionné d’élèves de race noire et que les élèves inscrits dans ces classes font l’objet d’un nombre disproportionné de mesures disciplinaires :

[TRADUCTION]

Il en est de même des classes pour enfants ayant des problèmes de comportement et enfants en difficulté : il y a un nombre disproportionné d’élèves de race noire. Les enfants qui ne réussissent pas à l’école sur le plan académique seraient logiquement ceux qui passent ensuite à l’acte de différentes manières et pour différentes raisons, dissimulant ainsi leurs problèmes académiques ou autres. Cela les porte à commettre des actes qui mènent à une suspension. Lorsque je donnais des cours pour enfants ayant des problèmes de comportement dans [un conseil scolaire de la RGT], il y avait un groupe de travail appelé le groupe de travail sur le comportement. Plusieurs personnes de [la ville] ont travaillé au sein de ce groupe pendant deux ans. Le groupe de travail a publié un rapport sur [un quartier à faible revenu avec sept écoles]. Nous avons effectué une étude sur les enfants de ces sept écoles qui suivaient des cours pour enfants ayant des problèmes de comportement. Les statistiques ont démontré qu’une écrasante majorité étaient de race noire. Je ne mentionne pas pour rien les classes pour enfants ayant des problèmes de comportement, car lorsque vous prenez les élèves qui finissent par être suspendus, une écrasante majorité sont des enfants de race noire[173].

I. Enfants à risque

Selon un expert sur les enfants à risque d’une université ontarienne, si les enfants de race noire et les enfants handicapés [TRADUCTION] « manifestent un comportement antisocial plus accentué que d’autres enfants ou risquent de manifester un tel comportement, [les politiques disciplinaires] sont susceptibles d’avoir un effet disproportionné sur eux[174] ».

1. Élèves de race noire

Selon l’expert, étant donné la preuve disponible concernant la probabilité qu’un enfant pauvre soit désigné comme ayant des problèmes de comportement, et vu le lien entre la pauvreté et la race, les politiques disciplinaires doivent avoir un effet disproportionné sur les enfants de race noire :

[TRADUCTION]

Si vous grandissez dans la pauvreté en Ontario, vous êtes dix fois plus susceptible d’être désigné par votre enseignant comme élève ayant de multiples problèmes de comportement qu’un enfant de la classe moyenne [...] [I]l est évident que ces enfants éprouvent de plus grandes difficultés à l’école et que la Loi [sur la sécurité dans les écoles] aura un plus grand effet sur eux [...] [I]l se peut que les enfants de race noire affichent des niveaux de comportement antisocial plus élevés et ce, du seul fait qu’ils sont défavorisés sur le plan économique. Selon une étude britannique, si l’on tient compte du désavantage économique, les effets de la race et de l’origine ethnique sur l’ampleur des troubles affectifs et de comportement des enfants disparaissent. Il semble que la différence soit attribuable au fait que les enfants de race noire sont infiniment plus nombreux à vivre dans la pauvreté[175].

Il ajoute que la question qu’il reste à régler est celle de savoir si la discrimination aggrave l’effet disproportionné : [TRADUCTION] « La deuxième [question] est celle de savoir s’il y a distorsion de leur comportement et s’ils sont traités inéquitablement par rapport à d’autres enfants, compte tenu des niveaux de comportement antisocial. Nous n’avons pas de données solides à cet égard[176] ».

2. Élèves handicapés

L’expert présente des observations similaires au sujet des élèves ayant des troubles d’apprentissage : [TRADUCTION] « Il faut tenir compte de deux choses. Premièrement, les enfants ayant des troubles d’apprentissage risquent davantage d’avoir des problèmes de comportement. Ils sont davantage visés par la Loi que d’autres enfants, en raison de leur comportement antisocial plus accentué. Deuxièmement, compte tenu du comportement antisocial accentué, nous ne savons pas s’ils subissent un traitement inéquitable par rapport aux autres enfants[177] ».


[113] Précité, note 2, 14 mai 2003, aux pp. 10 et 12.
[114] Ibid., 16 mai 2003, à la p. 5.
[115] Le représentant du conseil scolaire a indiqué qu’une demande d’accès à l’information devait être faite parce que les renseignements n’avaient pas encore été présentés aux conseillers et qu’ils ne sont généralement pas rendus publics avant d’être présentés aux conseillers. Ibid.
[116] M.D. Ruck et S. Wortley, « Racial and Ethnic Minority High School Perceptions of School Disciplinary Practices: A Look at Some Canadian Findings » (2002), 31(3) Journal of Youth and Adolescence, aux pp. 185-195. Voir l’annexe I, onglet 43.
[117] Ibid. à la p. 190.
[118] Ibid. à la p. 192.
[119] Ibid. aux pp. 186 et 194.
[120] Ministère de l’Éducation et de la Formation, Monographie sur l’éducation de l’enfance en difficulté no 5, intitulée Guidelines for the Implementation of the Ministry of Education and Training’s Violence-Free Schools Policy with respect to Exceptional Pupils and Others with Special Needs, révisée le 2 octobre 1997, aux pp. 2 et 3. Voir l’annexe I, onglet 44.
[121] Précité, note 30 aux pp. 1 et 2.
[122] Précité, note 12 à la p. 4.
[123] Ibid., à la p. 1.
[124] Précité, note 13 aux pp. 1 et 3.
[125] Le directeur exécutif de la clinique a récemment déclaré ce qui suit : [TRADUCTION] « Ces questions ont pris toute la place dans notre charge de travail [...] Il s’agit vraiment d’un énorme problème ». Christian Cotroneo, « Schools target blacks: Lawyer », Toronto Star, 6 décembre 2002.
[126] Entrevue, 17 mars 2003, pp. 1 et 2.
[127] Entrevue, 18 mars 2003, p. 1.
[128] Entrevue, 15 mai 2003, p. 1.
[129] Entrevue, 5 mars et 28 mai 2003, p. 1.
[130] Entrevue, 23 mai 2003, p. 3.
[131] Précité, note 17 aux pp. 2, 6 et 7.
[132] Entrevue, 3 avril 2003, aux pp. 1 et 3.
[133] Entrevue, 26 mars 2003, aux pp. 1 et 3.
[134] Précité, note 16 aux pp. 1 et 3.
[135] Précité, note 2, 14 mai 2003, aux pp. 8-10.
[136] Ibid., à la p. 11.
[137] Ibid., 16 mai 2003, à la p. 4.
[138] Ibid. à la p.  5.
[139] Précité, note 29 à la p. 4.
[140] Précité, note 19, 13 mai 2003, à la p. 3.
[141] Précité, note 19, 14 mai 2003, à la p. 4.
[142] Entrevue, 8 mai 2003, p. 11.
[143] Précité, note 129 à la p. 1.
[144] Précité, note 2, 14 mai 2003, à la p. 8.
[145] Ibid., 16 mai 2003, aux pp. 4 et 5.
[146] Entrevue, 7 avril 2003, pp. 1 et 2.
[147] Précité, note 12 à la p. 6.
[148] « The Colour of Zero Tolerance », The Current, CBC Radio One, 20 novembre 2002. La SRC a demandé à chaque conseiller scolaire d’indiquer le nombre d’audiences de renvoi auxquelles il avait siégé et le nombre d’élèves qui semblaient être membres de minorités visibles. Le tableau brut donnait 56 audiences et 52 élèves membres de minorités visibles. (La SRC n’a pas croisé les données pour tenir compte du chevauchement des nombreux conseillers scolaires siégeant à une audience, mais précise que les chiffres représentés par l’expression « au moins 80 % » sont justes.) Entrevue du réalisateur, CBC Radio One, 20 mai 2003, p. 1.
[149] Précité, note 2, 14 mai 2003 aux pp. 11 et 12.
[150] Entrevue, 14 mai et 28 mai 2003, p. 2.
[151] Entrevue, 24 avril 2003, p. 1; entrevue, 11 avril 2003, p. 1.
[152] Précité, note 129 à la p. 2.
[153] Précité, note 132.
[154] Précité, note 133.
[155] Précité, note 16.
[156] Précité, note 18 à la p. 1.
[157] Précité, note 129 à la p. 2.
[158] Par exemple, l’auteur du présent rapport a communiqué avec la directrice d’un des programmes parallèles de la RGT. Celle-ci a refusé d’être interviewée et a renvoyé l’auteur à un représentant supérieur du conseil scolaire. L’auteur a aussi obtenu de façon indépendante, par l’entremise d’un réseau de courriel à l’intention des travailleurs communautaires, une entrevue avec des travailleurs auprès des jeunes dans un centre communautaire qui gère un programme ACE destiné aux élèves suspendus ou renvoyés. Juste avant le début de l’entrevue, une travailleuse auprès des jeunes a appelé le directeur du programme pour s’assurer que la question de l’effet disproportionné puisse être abordée. Le directeur lui a dit de ne répondre à aucune question, d’annuler l’entrevue et de renvoyer l’auteur au même représentant supérieur.
[159] Précité, note 2, 14 mai 2003, à la p. 9.
[160] Entrevue, 16 avril 2003, p. 2.
[161] Précité, note 12 à la p. 1.
[162] Précité, note 129 à la p. 1.
[163] Précité, note 103 à la p. 1.
[164] Précité, note 11 aux pp. 1 et 2.
[165] Ibid. à la p. 3.
[166] Précité, note 160 à la p. 1.
[167] Entrevue, 15 avril 2003, p. 1.
[168] Précité, note 14 aux pp. 2 et 3.
[169] Précité, note 133 à la p. 2.
[170] Entrevue, 11 avril 2003, p. 2.
[171] Précité, note 167 à la p. 2.
[172] Précité, note 19, 13 mai 2003, à la p. 1.
[173] Précité, note 130 à la p. 2.
[174] Entrevue, 6 mai 2003, p. 1.
[175] Ibid., pp. 1 et 2.
[176] Ibid., p. 2.
[177] Ibid.

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