A. L’ancien régime
Avant l’adoption de la Loi sur la sécurité dans les écoles, l’article 23 de la Loi sur l'éducation régissait la suspension et le renvoi des élèves[35]. Le pouvoir de suspendre un élève était réservé au directeur[36], tandis que seul le conseil scolaire pouvait renvoyer un élève[37]. Dans les deux cas, l’exercice du pouvoir était discrétionnaire. La suspension ne pouvait dépasser vingt jours[38]. Quant au renvoi, même s’il pouvait être d’une durée indéterminée, le conseil scolaire avait le pouvoir discrétionnaire de réadmettre un élève en tout temps[39]. Les motifs de suspension étaient les suivants : absences répétées, opposition constante à l'autorité, manquement habituel au devoir, destruction volontaire des biens de l'école, usage d'un langage blasphématoire ou inconvenant, conduite préjudiciable à l'ambiance morale de l'école ou au bien-être physique ou mental des autres personnes à l'école[40]. L’élève pouvait être renvoyé de toutes les écoles du conseil en raison d'une « indocilité » telle que sa présence était « préjudiciable aux autres élèves »[41].
B. Le nouveau régime
Le nouveau régime, qui fait maintenant partie de la partie XIII de la Loi sur l'éducation, est plus complexe et, pour tenir compte de la philosophie de tolérance zéro de ses adeptes, adopte une approche plus sévère quant aux problèmes de comportement, de discipline et de sécurité[42].
1. Pouvoir de suspension et de renvoi
Tant les directeurs que les enseignants peuvent suspendre un élève. Le directeur peut suspendre l’élève pendant une période maximale de vingt jours de classe[43], tandis que l’enseignant peut soit suspendre l’élève pendant un jour, soit soumettre la question au directeur[44]. Le pouvoir de renvoi a également été élargi et il est partagé entre les conseils scolaires et les directeurs. Il existe désormais deux genres de renvoi : (1) le renvoi partiel de l’école que fréquentait l’élève, jusqu’au dernier en date des jours suivants : a) le jour précisé par le directeur ou le conseil (de vingt et un jours à un an); b) le jour où l’élève satisfait aux conditions que fixe le conseil[45]; et (2) le renvoi complet de toutes les écoles (publiques) de la province jusqu’à ce que l’élève ait terminé avec succès un programme de discipline rigide[46]. Avant la tenue d’une enquête sur un incident, le directeur qui croit qu’un élève a peut-être commis une infraction punissable d’un renvoi obligatoire doit le suspendre[47], tandis que le directeur qui croit qu’un élève s’est peut-être livré à une activité punissable d’un renvoi discrétionnaire peut le suspendre[48]. Le directeur peut imposer un renvoi partiel ou soumettre la question au conseil scolaire[49], tandis que le conseil scolaire peut imposer un renvoi partiel ou complet[50].
2. Suspension et renvoi obligatoires
Le changement le plus important au sein du nouveau régime est sans doute la disposition prévoyant la suspension obligatoire, le renvoi obligatoire ainsi que l’intervention de la police. Il est obligatoire de suspendre l'élève qui commet une des infractions suivantes :
- Menacer verbalement d'infliger des dommages corporels graves à autrui.
- Être en possession d'alcool ou de drogues illicites.
- Être en état d'ébriété.
- Dire des grossièretés à un enseignant ou à une autre personne en situation d'autorité.
- Commettre un acte de vandalisme qui cause des dommages importants aux biens scolaires de son école ou aux biens situés sur les lieux de celle-ci.
- Se livrer à une autre activité punissable d'une suspension obligatoire aux termes d'une politique du conseil.[51]
Il est obligatoire de renvoyer l'élève qui commet une des infractions suivantes :
- Être en possession d'une arme, notamment une arme à feu.
- Se servir d'une arme pour infliger ou menacer d'infliger des dommages corporels à autrui.
- Faire subir à autrui une agression physique qui cause des dommages corporels nécessitant les soins d'un professionnel de la santé.
- Commettre une agression sexuelle.
- Faire le trafic d'armes ou de drogues illicites.
- Commettre un vol qualifié.
- Donner de l'alcool à un mineur.
- Se livrer à une autre activité punissable d'un renvoi obligatoire aux termes d'une politique du conseil.[52]
3. Intervention de la police
Le Code de conduite provincial exige également l’intervention de la police, selon le protocole entre la police et l’école, dans le cas de toutes les infractions énumérées ci-haut, sauf celles qui suivent : proférer des menaces, être en possession de drogues et commettre un acte de vandalisme (dans ces cas, la police intervient « au besoin »); dire des grossièretés et être en possession d’alcool ou en état d'ébriété (dans ces cas, l’intervention de la police n’est pas obligatoire)[53].
4. Facteurs atténuants
Toutefois, la Loi et ses règlements prévoient des facteurs atténuants. La suspension ou le renvoi d'un élève n'est pas obligatoire dans l'un ou l'autre des cas suivants :
- l'élève est incapable de contrôler son comportement;
- l'élève est incapable de comprendre les conséquences prévisibles de son comportement;
- la présence continue de l'élève dans l'école ne pose pas de risque inacceptable pour la sécurité de qui que ce soit.[54]
En outre, pour décider de la durée d’une suspension, du genre de renvoi ou de la durée d’un renvoi, le directeur ou le conseil doit tenir compte des antécédents de l’élève et des autres facteurs que prescrivent les règlements (aucun à l’heure actuelle) et peut tenir compte des autres éléments qu’il estime appropriés[55]. La durée minimale d’un renvoi obligatoire est de vingt et un jours[56].
5. Suspension et renvoi discrétionnaires
La suspension ou le renvoi discrétionnaire de l’élève dépend de la politique du conseil scolaire[57]. Autrement dit, on a délégué aux conseils scolaires le pouvoir d’énumérer les infractions punissables d’une suspension discrétionnaire par un enseignant ou le directeur ou d’un renvoi discrétionnaire par le directeur ou le conseil. Par conséquent, la politique du conseil scolaire doit indiquer les infractions énumérées dans la Loi qui sont punissables d’une suspension ou d’un renvoi obligatoire, mais elle peut aussi (1) ajouter des infractions à la catégorie des infractions punissables d’une suspension ou d’un renvoi obligatoire et (2) établir une liste d’infractions punissables d’une suspension ou d’un renvoi discrétionnaire.
6. Avis, réexamen et appel
L’avis écrit de la suspension ou du renvoi doit être remis promptement à l’élève et, s’il est mineur, à son père, à sa mère ou à son tuteur[58]. Une suspension d’un jour n’est pas susceptible d’appel[59]. Une suspension de deux à vingt jours peut faire l’objet d’un réexamen par la personne que précise la politique du conseil et d’un appel subséquent au conseil, dont la décision est définitive[60]. Le conseil scolaire entend et tranche l’appel de la décision d’imposer un renvoi partiel que prend le directeur et la décision du conseil est définitive[61]. La Commission de révision des services à l'enfance et à la famille est désignée pour entendre et trancher l'appel de la décision de renvoyer un élève que prend un conseil scolaire[62]. L’appel de la suspension ou du renvoi se conduit conformément aux exigences que précise la politique du conseil scolaire[63].
7. Programmes parallèles
La Loi prévoit que le ministre peut exiger des conseils scolaires qu’ils créent et maintiennent des cours et des services précisés à l’intention des élèves qui sont suspendus ou renvoyés[64]. À ce jour, malgré la promesse faite par la ministre pendant les débats de la Chambre sur la Loi sur la sécurité dans les écoles[65], aucun cours ou service de ce genre n’a été créé. La Loi précise également que le ministre peut créer un ou plusieurs programmes à l’intention des élèves renvoyés pour les préparer à retourner à l’école. De tels programmes ont été créés. Le Règlement de l’Ontario 37/01 prévoit que l'élève qui fait l'objet d'un renvoi complet peut fréquenter une école de l'Ontario s'il termine avec succès un programme de discipline rigide ou atteint les objectifs nécessaires à cette fin[66].
Dans la pratique, cela signifie que les conseils scolaires et écoles ne sont présentement pas tenus par la loi d’offrir des programmes d'aide aux devoirs ou des programmes parallèles aux élèves qui font l’objet d’une suspension ou d’un renvoi partiel. Toutefois, les élèves qui font l’objet d’un renvoi complet ont le choix de terminer avec succès un programme de discipline rigide s’ils souhaitent retourner à l’école en Ontario. Lorsque la Loi sur la sécurité dans les écoles est entrée en vigueur en septembre 2001, sept programmes de discipline rigide avaient déjà été mis en oeuvre en Ontario[67]. Le ministère de l’Éducation a approuvé quinze fournisseurs de programmes de discipline rigide[68].
[35] Loi sur l’éducation, L.R.O. 1990, ch. E.2, modifiée par L.O. 1993, ch. 11.
[36] Ibid., par. 23(1).
[37] Ibid., par. 23(3).
[38] Ibid., par. 23(1.1).
[39] Ibid., par. 23(5).
[40] Ibid., par. 23(1).
[41] Ibid., par. 23(3).
[42] Loi sur l’éducation, L.R.O. 1990, ch. E.2, modifiée par L.O. 2000, ch. 12. Voir l’annexe I, onglet 14.
[43] Ibid., par. 306(2) et (4).
[44] Ibid., par. 306(2), (3) et (6).
[45] Ibid., par. 309(14) et (18).
[46] Ibid., par. 309(16); Règl. de l’Ont. 37/01, art. 3. Voir le Règlement 37/01 à l’annexe I, onglet 15.
[47] Loi sur l’éducation, ibid., par. 309(2).
[48] Ibid., par. 310(2).
[49] Ibid., par. 309(7) et 310(3).
[50] Ibid., par. 309(11).
[51] Ibid., par. 306(1). Voir le tableau sur les renvois obligatoires à l’annexe I, onglet 13.
[52] Ibid., par. 309(1). Voir le tableau sur les renvois obligatoires à l’annexe I, onglet 13.
[53] Écoles de l’Ontario : Code de conduite, entré en vigueur par proclamation le 1er septembre 2001, aux pp. 10 et 11. Voir l’annexe I, onglet 16.
[54] Loi sur l’éducation, précitée, note 42, par. 306(5) et 309(3); Règl. de l’Ont. 106/01, art. 1; Règl. de l’Ont. 37/01, art. 2. Voir les Règlements 106/01 et 37/01 à l’annexe I, onglet 15.
[55] Loi sur l’éducation, ibid., par. 306(9) et 309(19).
[56] Ibid., par. 309(18).
[57] Ibid., par. 307(1) et 310(1).
[58] Ibid., par. 306(10), 309(5) et 309(20).
[59] Ibid., par. 308(4).
[60] Ibid., par. 308(3) et (6).
[61] Ibid., par. 311(3).
[62] Ibid., par. 311(5); Règl. de l’Ont. 37/01, par. 4(1).
[63] Loi sur l’éducation, ibid., par. 308(5) et 311(2).
[64] Ibid., par. 312(1) et (2).
[65] Précité, note 28.
[66] Règl. de l’Ont. 37/01, par. 3(1).
[67] Précité, note 27.
[68] Ministère de l’Éducation, Politique/Programmes Note no 130, Programmes des conseils scolaires à l’intention des élèves ayant fait l’objet d’un renvoi complet, 19 septembre 2001, annexe B. Voir Politique/Programmes Note no 130 à l’annexe I, onglet 17 du présent rapport.