Skip to main content

Nouvelle lettre à la ministre de la Santé au sujet du protocole de triage des malades en phase critique

Motifs du Code
L’âge
handicap
autochtone
motifs multiples
race
Social Areas
Services, biens et installations
Type de ressource
lettre
Activity Type
COVID-19
recommandations
Discrimination Type
incapacité à s'adapter
subtile
Organizational Responsibility
accessibilité
obligation d’accommodement
Questions clés
Indigenous Reconciliation
March 1, 2021

 

L’honorable Christine Elliott
Ministre de la Santé
College Park, 777, rue Bay, 5e étage
Toronto (Ontario)  M7A 2J3

 

Objet : Suivi au sujet du triage des malades en phase critique – Préoccupations persistantes liées aux droits de la personne et nécessité de tenir une consultation publique

Madame la Ministre,

J’espère que vous vous portez bien. Je vous remercie de vous être entretenue avec moi en décembre 2020 et d’avoir confirmé votre attachement aux droits de la personne et votre souci de veiller à ce que les préoccupations des parties prenantes soient entendues comme il se doit. Comme vous le savez, depuis le mois d’avril 2020, la Commission ontarienne des droits de la personne (CODP) exprime à quel point il importe de respecter les droits de la personne en procédant au triage des malades en phase critique pendant la pandémie. La CODP cherche à promouvoir une approche équitable, juste et transparente qui repose sur les principes des droits de la personne.

Depuis l’année dernière, la CODP prie le gouvernement de publier les différentes moutures du protocole et du cadre de triage des malades en phase critique, et de consulter les parties prenantes à la défense des droits de la personne sur ce sujet. Durant toute cette période, la CODP a fait de son mieux pour appuyer la COVID-19 Bioethics Table (ci-après la « table de bioéthique sur la COVID-19 ») dans son travail de révision du cadre de triage, afin qu’il respecte les droits de la personne.

Nous vous écrivons pour signaler certains problèmes concernant les documents les plus récents liés au triage, diffusés par l’Ontario Critical Care COVID-19 Command Centre (centre de commandement ontarien des soins aux malades de la COVID-19 en phase critique) auprès des administrateurs des soins de santé, et pour offrir une nouvelle fois notre aide à votre ministère dans l’espoir que les préoccupations et les intérêts des parties prenantes à la défense des droits de la personne soient pris en compte.

En décembre dernier, comme vous le savez, la CODP a travaillé en collaboration avec la table de bioéthique sur la COVID-19 en vue d’organiser une consultation des parties prenantes à la défense des droits de la personne au sujet de la version du cadre de triage proposé datant du 11 septembre. La table de bioéthique a rédigé un sommaire de la réunion et l’a fait circuler parmi les participants. Il incluait aussi une annexe rédigée par la CODP pour résumer les recommandations qu’elle souhaitait que la table de bioéthique et votre ministère prennent en considération. 

Au début de l’année, la CODP s’est procuré une copie de la norme de soins en situation d’urgence datée du 13 janvier 2021. Nous avons également obtenu des copies de documents complémentaires :

  • des lettres modèles à envoyer aux patients pour les informer qu’ils ne recevront pas de soins aux malades en phase critique et/ou que ces soins s’arrêteront sans leur consentement;
  • une calculatrice en ligne du risque de mortalité à court terme accompagnée d’outils cliniques numérisés pour évaluer la mortalité;
  • le webinaire et le jeu de diapositives utilisés le 23 janvier 2021 par les Services ontariens des soins aux malades en phase critique pour faciliter la diffusion de la norme de soins en situation d’urgence au sein du secteur.

Bien que la CODP apprécie que cette norme de soins en situation d’urgence fasse référence aux principes et obligations liés aux droits de la personne dans son introduction, elle reste préoccupée par les problèmes suivants, qu’elle a déjà soulevés :

  • Le fait de tabler sur une mortalité prévue au cours d’une période de 12 mois est excessif et risque d’engendrer des partis pris discriminatoires.
  • Le recours à des outils d’évaluation clinique non validés pour le triage des malades en phase critique risque aussi d’engendrer des partis pris discriminatoires.
  • La nécessité de tenir compte de l’obligation d’accommodement en matière de droits de la personne tout au long du processus de décision, notamment en évaluant la mortalité prévue d’un patient.
  • La nécessité sur le plan juridique de veiller à l’application régulière de la loi et de faire preuve de transparence en prenant les décisions de triage, en incluant notamment un mécanisme efficace quant au droit d’interjeter appel d’une décision qui a un impact disproportionné sur le droit à la vie des groupes vulnérables.
  • La nécessité de faire en sorte que les fournisseurs de services de santé bénéficient d’une formation et de directives appropriées relatives aux droits de la personne, afin qu’ils puissent mettre en œuvre la norme avec équité et efficacité.

Par ailleurs, même si la CODP apprécie que la norme de soins en situation d’urgence soit voulue comme un document « évolutif », nous craignons qu’elle soit communiquée au secteur des soins de santé, de même que les documents complémentaires (y compris la calculatrice en ligne du risque de mortalité à court terme), avec un contenu potentiellement discriminatoire, et ce, sans consultation et apport suffisants de l’opinion publique. Nous sommes également inquiets à l’idée que la précédente version du protocole, datant de mars 2020 et prévue pour être révoquée en octobre 2020, puisse toujours circuler et être utilisée par les partenaires du secteur des soins de santé, tout particulièrement compte tenu du fait que le webinaire du 23 janvier 2021 susmentionné contenait une remarque en ce sens concernant les services d’urgence/d’ambulance.

Les parties prenantes, notamment l’ARCH Disability Law Centre et l’AODA Alliance, ont exprimé leur crainte sérieuse que le gouvernement puisse donner suite aux demandes d’arrêté d’urgence pour exclure temporairement certaines dispositions de la Loi sur le consentement aux soins de santé, autorisant les médecins à retirer des patients des services de soins aux malades en phase critique sans leur consentement ni celui de leur mandataire spécial, et sans surveillance indépendante.

La CODP conçoit qu’accorder un tel pouvoir décisionnel aux médecins est une mesure extraordinaire que le gouvernement ne prendra pas à la légère. La CODP comprend en outre que votre ministère souhaite veiller à ce que les préoccupations des parties prenantes à la défense des droits de la personne soient bien comprises et prises en considération. Par conséquent, nous ne saurions trop insister sur le fait que même si le gouvernement ne prend pas d’arrêté d’urgence, le manque de transparence quant à l’état de la norme de soins en situation d’urgence, aux plans relatifs aux prochaines étapes et aux questions liées à l’application régulière de la loi soulève de graves préoccupations au sein des groupes vulnérables. Nous pensons que ces préoccupations doivent être levées immédiatement, compte tenu en particulier de l’existence de nouveaux variants de la COVID-19 hautement transmissibles.

La CODP estime que le moment est venu d’agir pour s’assurer que des cadres et protocoles de prise de décisions de triage conformes au Code des droits de la personne de l’Ontario sont mis en place avant qu’une potentielle troisième vague submerge le système de santé.

Nous prions le gouvernement de publier les dernières versions du cadre de triage proposé et de la norme de soins en situation d’urgence, et de consulter les parties prenantes à la défense des droits de la personne, y compris la CODP. Il faut absolument veiller à ce que les groupes vulnérables, susceptibles d’être touchés de façon disproportionnée, aient l’occasion de faire part de leurs points de vue pendant qu’il est encore temps, et ce, avant de mettre la dernière main au cadre de triage proposé et/ou à la norme de soins en situation d’urgence et aux documents connexes.

Veuillez agréer, Madame la Ministre, mes sincères salutations.

 

Ena Chadha, LL. B., LL. M.
Commissaire en chef

 

c. c.     Helen Angus, sous-ministre, ministère de la Santé
           Matthew Anderson, président-directeur général de Santé Ontario           
           Jennifer Gibson, coprésidente, COVID-19 Bioethics Table
           Dr Andrew Baker, commandant des opérations sur le lieu de l’incident, Ontario Critical Care COVID-19 Command Centre
           L’honorable Doug Downey, procureur général
           David Corbett, sous-procureur général, ministère du Procureur général
           Commissaires de la CODP