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2. En quoi consiste la mutilation génitale féminine?

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2.1 La pratique de la mutilation génitale féminine

L'expression « mutilation génitale féminine » (MGF) a été adoptée lors de la conférence régionale du comité inter-africain sur les pratiques traditionnelles affectant la santé des femmes et des enfants tenue au Burkina-Faso.[2] Cette expression désigne plusieurs procédés consistant à faire l'ablation de certaines parties de l'appareil génital féminin et à mutiler les organes sexuels des jeunes femmes de façon permanente sans aucune raison médicale. Pour les besoins du présent document, la mutilation génitale féminine désigne les mutilations rituelles ou traditionnelles consistant à lacérer les organes sexuels d'une enfant ou d'une femme ou à procéder à leur ablation.

La mutilation génitale féminine existe depuis des siècles à titre de rituel destiné à préparer les jeunes filles à la vie de femme. Elle est généralement pratiquée sur des petites filles entre 4 et 8 ans.

La MGF est une pratique courante dans certains milieux islamiques traditionnels, bien que des experts des questions religieuses aient fait remarquer qu'elle n'est pas prescrite par le Coran.[3] S'il est vrai que cette coutume est surtout répandue dans certains pays d'Afrique, de la Péninsule arabe, d'Asie et d'Amérique du Sud, les migrations mondiales l'ont amenée jusqu'au Canada.

Les femmes et les jeunes filles soumises à la mutilation génitale féminine (MGF) doivent systématiquement endurer des souffrances physiques auxquelles s'ajoutent souvent un traumatisme émotionnel et des complications médicales ultérieures, suite à l'infection de leurs organes génitaux ou d'autres organes de la reproduction. Il arrive qu'une infection et des saignements majeurs provoquent une déficience chronique, voire la mort.[4] Nombre de documents font état des retombées psychologiques majeures de cette pratique sur la vie sexuelle des femmes et l'image qu'elles se font d'elles-mêmes. Le procédé de MGF le plus complexe, l'infibulation, doit être répété après chaque accouchement.

Vu que la seule fonction du clitoris est la stimulation sexuelle, la MGF vise essentiellement à freiner les pulsions sexuelles des femmes, à préserver la virginité des jeunes filles jusqu'au mariage et à les rendre plus désirables comme épouses. Les informations recueillies par la Commission à l'issue de sa participation au Groupe de travail sur la prévention des mutilations génitales de l'Ontario permettent de dégager différentes explications pour cette pratique, à savoir : a) la préservation de la virginité; b) la répression de la sexualité féminine; c) des raisons esthétiques; d) des facteurs d'appartenance sociale; e) des facteurs d'identité culturelle. Des raisons « hygiéniques » ont également été évoquées pour légitimer cette pratique.

En 1996, l'Organisation mondiale de la santé estimait qu'entre 100 et 132 millions de femmes et de petites filles avaient été mutilées de la sorte et qu'environ 2 millions de leurs semblables étaient exposées au risque de mutilation dans le monde.[5] Du fait de la nature de la MGF, on ne dispose pas de statistiques fiables sur l'incidence de la pratique ici au Canada.Toutefois, suffisamment d'informations ont été rassemblées à l'issue de discussions avec des membres des communautés à risque pour indiquer qu'il existe une population notable de femmes en Ontario et dans d'autres provinces du Canada qui ont été soumises à la MGF et dont les filles risquent de l'être. Bien que la MGF soit souvent qualifiée de « circoncision féminine », cette expression est loin de refléter l'étendue des mutilations effectuées.

2.2 Les différentes formes de mutilation génitale féminine

La mutilation génitale féminine peut comprendre l'une ou plusieurs des opérations suivantes : ablation du capuchon du clitoris; ablation totale du clitoris, y compris l'excision des petites lèvres de la vulve; ablation totale du clitoris et des tissus adjacents et suture de l'orifice vaginal (infibulation). Une ouverture pouvant aller de 3 ou 4 mm à 1,8 cm est préservée pour permettre l'écoulement de l'urine et du sang de la menstruation et les rapports sexuels. Les instruments utilisés sont souvent des ciseaux, des éclats de verre, des lames de rasoir, des épines de cactus ou d'autres matières végétales rigides . La plupart du temps, ces mutilations sont effectuées en dehors des établissements de santé et sans anesthésie.[6]

Les procédés de MGF sont essentiellement de deux types :

La clitoridectomie (parfois appelée « Sunna »[7]) : cette série d'opérations consiste à enlever une ou plusieurs parties de l'appareil génital externe. Le capuchon du clitoris est coupé et il y a ablation partielle ou totale du clitoris. Ce procédé touche environ 85% des femmes qui subissent une MGF.

L'infibulation (ou « mutilation pharaonique ») : il s'agit là du procédé de MGF le plus radical, très répandu dans les pays de la Corne de l'Afrique. Le clitoris est excisé, les petites lèvres sont tranchées en totalité ou en partie et des incisions sont pratiquées sur les grandes lèvres pour créer des aspérités. Les grandes lèvres sont ensuite soit cousues ensemble, soit maintenues en contact jusqu'à la « prise » de la suture ou la guérison des aspérités qui forment alors une peau recouvrant l'urètre et la majeure partie du vagin, ne laissant qu'un tout petit orifice. Cette obstruction peut causer la rétention de l'urine ou du sang de la menstruation, la dysménorrhée et des infections de l'appareil urinaire et génital. Ce procédé touche environ 15% des femmes qui subissent une MGF, mais cette proportion passe à 80 ou 90% dans certains pays.[8]

2.3 La mutilation génitale féminine et la circoncision masculine

La mutilation génitale féminine est souvent qualifiée de « circoncision féminine », ce qui donne à penser que le procédé est comparable à la circoncision masculine. Cependant, la mutilation génitale féminine consiste en une excision beaucoup plus importante et entraîne un traumatisme beaucoup plus grave, vu qu'elle consiste littéralement à faire l'ablation d'organes sexuels.

La circoncision masculine consiste à exciser le prépuce à la pointe du pénis. La Société canadienne de pédiatrie a procédé à un examen des publications et conclu que les données générales indiquent que les avantages et les inconvénients de la circoncision masculine sont si équilibrés qu'il n'est pas prouvé que les avantages l'emportent clairement sur les risques et les coûts, et qu'il ne faut pas procéder automatiquement à la circoncision des nouveau-nés de sexe masculin.[9] La Société canadienne de pédiatrie conseille d'informer les parents de l'état présent des connaissances médicales sur les avantages et les inconvénients de la circoncision avant toute prise de décision à cet égard.


[2] UN Doc.E/CN.4/Sub.2/1991/48 para. 136 (5)(1001).
[3] Gloria Jacobs, Female Genital Mutilation: A Call for Global Action (New York: Women, Ink., 1993) à la page 5.
[4] Cette pratique, qui peut s'avérer mortelle, entraîne des complicatons immédiates, telle des hémorragies, des infections aiguës, des saignements au niveau des organes adjacents et de violentes douleurs. Les complications ultérieures comprennent des cicatrices chéloïdiennes qui rétrécissent considérablement les orifices génitaux, avec toutes les conséquences attenantes; des infections chroniques pouvant mener à la stérilité; des problèmes hématiques (rétention du flux menstruel) et des complications au moment de l'accouchement. Les réincisions et les nouvelles sutures effectuées sur les femmes infibulées peuvent aussi provoquer de nouvelles complications. Par ailleurs, cette pratique a souvent des effets psychologiques néfastes, pouvant aller jusqu'à des troubles psychiatriques fonctionnels.
[5]Female Genital Mutilation: PREVALENCE AND DISTRIBUTION, Organisation mondiale de la santé, août 1996, http://www.who.int/frhwhd/FGM/infopack/English/fgm_infopack.htm#PREVALENCE AND DISTRIBUTION (8 décembre 2000).
[6] Voir aussi le rapport du Groupe de travail sur les pratiques traditionnelles affectant la santé des femmes et des enfants présenté à la Commission des droits de l'homme du Conseil économique et social de l'O.N.U. lors de sa première session, du 18 au 22 mars 1985; Female Genital Mutilation: Information Kit, Organisation mondiale de la santé, Division de la santé familiale, Genève, 31 juillet 1994; Human Rights are Women's Rights (Londres: Amnesty International), 1995.
[7] Dans les milieux musulmans, le terme « Sunna » désigne les enseignements du Prophète. Toutefois, le Coran ne fait pas directement allusion à la MGF et les chefs religieux passent généralement la pratique sous silence. Voir aussi la note 32. 
[8] Nahid Toubia, Female Genital Mutilation dans Julie Peters et Andrea Wolper, eds., Women's Rights Human Rights (New York: Routledge, 1995) à la page 227.
[9] Neonatal Circumcision Revisited. Comité sur le fétus et le nouveau-né, Société canadienne de pédiatrie. Approuvé par le conseil d'administration de la Société en 1996, Canadian Medical Association Journal 1996; 154(6): 769-780. No de référence : FN96-01.  

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