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5. Situations de dépistage des drogues et de l’alcool

5.1. Dépistage avant l’obtention du poste

Certains employeurs procèdent au dépistage des drogues et de l’alcool avant d’embaucher une personne (dépistage préalable à l’emploi), de la muter ou de lui offrir une promotion (dépistage de certification), ou de lui permettre, en tant qu’employé contractuel, de commencer à travailler sur le chantier d’un client (dépistage préalable à l’accès)[35]. Ces différents types de dépistage s’articulent autour de principes semblables.

La CODP est d’avis que le paragraphe 23(2) du Code interdit le dépistage des drogues et de l’alcool dans le cadre du processus initial de sélection du personnel.

Bien que la jurisprudence n’exclue pas le dépistage des drogues et de l’alcool après l’offre conditionnelle d’un emploi critique sur le plan de la sécurité, la CODP recommande de ne pas adopter de telles pratiques.

Si le dépistage mène au refus d’embaucher une personne au motif de sa dépendance actuelle ou perçue, il pourrait s’agir de discrimination à première vue. L’imposition de conséquences négatives à la suite de l’obtention d’un résultat positif pourrait amener un tribunal à conclure qu’il y a perception d’un handicap, même si le candidat ou la candidate n’a pas de dépendance[36].

Les employeurs qui procèdent au dépistage des drogues et de l’alcool avant de remplir un poste critique sur le plan de la sécurité devraient s’assurer que l’obtention d’un résultat positif ne mène pas automatiquement au retrait de l’offre conditionnelle ou à d’autres conséquences négatives. Le dépistage devrait s’inscrire dans un processus de sélection plus exhaustif pouvant inclure l’examen des autres qualités légitimement requises sur le plan de la certification et autres. L’employeur doit également remplir son obligation d’accommodement des personnes ayant des dépendances.

Tout examen médical effectué devrait fournir une évaluation efficace de la capacité du candidat ou de la candidate d’exécuter les fonctions essentielles du poste. Il a été déterminé que les tests de dépistage préalable à l’emploi ou à l’accès ne suffisent pas à démontrer qu’une personne se présentera au travail avec les facultés affaiblies par l’alcool ou les drogues[37]. Par conséquent, si le dépistage entraîne des conséquences négatives au motif de la dépendance d’une personne ou de la perception d’une dépendance chez elle, il peut être difficile de justifier qu’il s’agit d’une exigence de bonne foi[38].

5.2. Dépistage pour motifs raisonnables ou à la suite d’un incident

Le dépistage de l’alcool ou des drogues pour « motifs raisonnables » (pour « cause » ou « cause  raisonnable ») et « à la suite d’un incident » peut être acceptable dans certaines circonstances spécifiques[39], comme lorsqu’on a pu établir un lien entre l’affaiblissement des facultés et l’exécution des fonctions critiques sur le plan de la sécurité. Les « motifs raisonnables » devraient être fondés sur des preuves objectives, comme l’observation de conduites spécifiques ou d’autres indicateurs, y compris :

  • voir un employé ou une employée prendre de l’alcool ou des drogues au travail
  • reconnaître chez un employé ou une employée des caractéristiques ou conduites qui correspondent à des caractéristique ou conduites de personnes ayant les facultés affaiblies par l’alcool ou les drogues (comme l’odeur de l’alcool ou de drogues)
  •  trouver du matériel associé à la consommation d’alcool ou de drogues à proximité de la personne ou de son poste de travail (p. ex. bouteilles vides)[40].

Il n’est pas nécessairement obligatoire de soumettre les employés qui semblent avoir pris des drogues ou de l’alcool à un test de dépistage. On pourrait résoudre la situation au moyen d’autres méthodes, comme le fait de permettre à la personne d’expliquer sa conduite, de la démettre temporairement de ses fonctions critiques pour la sécurité dans le but d’assurer sa sécurité immédiate, de lui offrir des mesures d’adaptation jusqu’au point de préjudice injustifié (comme son aiguillage vers un programme d’aide aux employés ou la prestation du soutien requis à son admission à un programme de rétablissement), d’effectuer la gestion progressive de son rendement et, s’il y a des raisons légitimes de se préoccuper de la situation, de demander à la personne de se soumettre à une évaluation médicale. La Politique sur la prévention de la discrimination fondée sur les troubles mentaux et les dépendances de la CODP offre des renseignements additionnels sur ces méthodes[41].

Un employeur aura un intérêt légitime à procéder au dépistage des drogues et de l’alcool à la suite d’un incident ou de rapports de conduites dangereuses ayant presque causé un incident, lorsque l’évaluation de l’état de l’employé ou de l’employée fait raisonnablement partie de l’enquête[42]. Cela peut inclure le fait de déterminer si la personne a pris des substances qui agissent sur l’activité physique ou mentale et pourraient avoir contribué à l’incident. L’enquête pourrait aussi porter sur les autres facteurs pouvant avoir contribué à l’incident, comme le manque de formation, la fatigue et d’autres circonstances susceptibles d’accroître le risque.

On ne devrait pas procéder au dépistage des drogues et de l’alcool à la suite d’incidents semblant avoir été causés par des facteurs externes comme une défaillance mécanique ou structurale, ou des facteurs environnementaux.

Les employeurs devraient uniquement procéder au dépistage pour motifs raisonnables ou à la suite d’un incident si ce dépistage est nécessaire dans le cadre d’un processus plus global d’évaluation de la dépendance à l’alcool ou aux drogues. Ce processus inclut une évaluation médicale plus complète, effectuée par un ou une spécialiste des troubles d’utilisation de substance ou sous la supervision d’un médecin. L’évaluation globale pourrait comprendre d’autres composantes, comme un programme d’aide aux employés (PAE) ou des contrôles effectués par des pairs ou des superviseurs.

5.3. Dépistage aléatoire des drogues et de l’alcool

Des tests de dépistage en cours d’emploi ne devraient être administrés que si l’on peut établir un lien entre l’affaiblissement des facultés et l’exécution des fonctions du poste, par exemple dans le cas où l’employé ou l’employée occupe un poste critique sur le plan de la sécurité dont le risque en milieu de travail est démontrable[43]

Comme nous l’avons indiqué précédemment, le dépistage des drogues et de l’alcool devrait avoir pour objectif de déterminer l’affaiblissement réel de la capacité de l’employé ou de l’employée d’exécuter les fonctions essentielles du poste ou de satisfaire à ses exigences dans l’immédiat[44]. En contexte de dépistage aléatoire des drogues et de l’alcool, il a été déterminé que l’utilisation d’alcootests était permissible aux termes du Code[45]. Le dépistage de l’alcool au moyen d’alcootests est jugé minimalement intrusif (comparativement aux prélèvements sanguins par exemple) et hautement fiable lorsqu’il s’agit de mesurer à la fois le niveau de consommation et le niveau réel d’affaiblissement des facultés. Par conséquent, l’administration de tests aléatoires de dépistage de l’alcool est acceptable s’il s’agit de postes critiques sur le plan de la sécurité, mais uniquement si la supervision du personnel est minime ou non existante, si on dispose de preuves de risque dans le milieu de travail particulier et si l’employeur s’acquitte de son devoir de tenir compte des besoins des personnes dont les résultats de tests se révèlent positifs (voir ci dessous)[46].

Malgré les grandes percées technologiques des dernières années, la recherche scientifique n’a pas encore pu confirmer l’existence d’une méthode de dépistage des drogues qui se compare à l’alcootest pour l’alcool[47] en ce qui a trait à :

  • sa capacité de mesurer l’affaiblissement des facultés[48]
  • son degré élevé de fiabilité
  • son niveau d’intrusion minimal
  • sa rapidité de production de résultats[49].

Les employeurs qui utilisent des méthodes de dépistage des drogues répondant à ces critères pourraient avoir plus de facilité à établir que le dépistage aléatoire des drogues chez les employés occupants des postes critiques sur le plan de la sécurité constitue une exigence de bonne foi, mais uniquement si la supervision du personnel est minime ou non existante, si le milieu de travail particulier comporte des risques dont la démonstration a été faite et si l’employeur s’acquitte de son obligation d’accommodement des besoins des personnes qui ont obtenu des résultats de tests positifs[50].

Cependant, même les politiques de dépistage des drogues et de l’alcool qui répondent aux exigences du Code peuvent être contestées par les employés, au motif de la protection de leur vie privée.

Dans l’affaire Irving[51], la Cour suprême du Canada s’est demandée si la mise en œuvre d’une politique de dépistage aléatoire de l’alcool dans un milieu de travail comportant des risques sur le plan de la sécurité constituait un exercice valide des droits de la direction de l’employeur prévus par une convention collective.

La Cour a confirmé que le dépistage aléatoire n’était pas automatiquement justifié parce que le milieu de travail était dangereux et que les employés occupaient des postes critiques sur le plan de la sécurité. Elle a conclu que la dangerosité du milieu de travail était un facteur très pertinent, mais que l’employeur devait aussi posséder des éléments de preuve d’un risque accru pour la sécurité, comme un problème généralisé d’alcoolisme ou de toxicomanie au travail[52].

Dans cette affaire, la majorité de la Cour était d’avis que la mise en œuvre d’une politique de dépistage aléatoire de l’alcool ne constituait pas un exercice valide des droits de l’employeur[53]. La politique de dépistage n’était pas justifiée parce que le risque pour la sécurité au lieu de travail ne l’emportait pas sur l’atteinte importante à la vie privée des employés.

L’affaire portait sur les droits des employés aux termes d’une convention collective. Cependant, la Cour suprême a indiqué que « même dans un milieu non syndiqué, l’employeur est tenu de justifier l’atteinte à la vie privée qui découle de l’imposition de tests aléatoires en précisant les risques qui surviennent dans le lieu de travail donné. L’analyse comporte différentes étapes, mais toutes deux exigent essentiellement un examen attentif et la mise en balance des intérêts liés à la sécurité d’une part et à la vie privée d’autre part[54] ».

5.4. Dépistage effectué dans le cadre d’un plan de rétablissement

Quand un employé ou une employée réintègre un poste critique sur le plan de la sécurité après avoir suivi un traitement de l’alcoolisme ou de la toxicomanie, le dépistage des drogues et de l’alcool peut être justifiable[55]. La personne peut devoir remplir certaines conditions pour réintégrer son poste, comme se soumettre à des tests de dépistage à l’improviste. Toute condition imposée doit être adaptée à la situation particulière de l’employé ou de l’employée, de façon à respecter l’obligation d’accommodement de l’employeur. Dans de tels cas, la durée déterminée de dépistage de l’alcool ou des drogues devrait être raisonnable et la fréquence des tests ne devrait pas être onéreuse ou intrusive.

Le dépistage effectué à la suite de la réintégration de l’employé ou de l’employée peut faire partie de l’entente de retour au travail (p. ex. a entente de dernière chance ou de comportement), dont le non-respect pourrait mener au licenciement de la personne. Cependant, à l’instar des personnes aux prises avec d’autres handicaps chroniques, les personnes ayant une dépendance peuvent faire des rechutes après le traitement[56]. La conclusion d’une entente n’élimine pas l’obligation qu’a l’employeur de tenir compte des besoins de la personne en cas de rechute[57].

Exemple : Une travailleuse d’usine occupant un poste critique sur le plan de la sécurité divulgue une dépendance à la drogue à la suite d’un incident en milieu de travail et participe à un programme de traitement. Son retour au travail est conditionnel au fait qu’elle se soumette à des tests aléatoires de dépistage des drogues. L’employée réussi son premier test de dépistage, mais elle a bientôt un accident de voiture et se remet à consommer des drogues. Elle échoue son deuxième test. L’employeur prend en compte toutes les circonstances de l’affaire, y compris son pronostic, son plan d’accommodement et son rétablissement jusqu’à présent, et tient compte de sa rechute en donnant à l’employée le congé dont elle a besoin pour suivre un second traitement. Il profite également de cette période pour élaborer un second plan de retour au travail.

En même temps, l’obligation d’accommodement de l’employeur n’est pas illimitée[58]. Un employeur a l’obligation de tenir compte des besoins des personnes ayant une dépendance jusqu’au point de préjudice injustifié.  De plus, dans certaines circonstances limitées, une mesure d’adaptation qui normalement ne constituerait pas un préjudice injustifié peut ne pas être requise parce qu’elle altérerait fondamentalement la nature de l’emploi ou parce qu’elle ne permettrait encore pas à la personne « de s’acquitter des obligations […] essentielles inhérentes à l’exercice de ce droit[59] ».

Exemple : Un employé occupant un poste critique pour la sécurité a une dépendance aux drogues et a suivi des traitements à répétition. Malgré plusieurs tentatives de retour au travail, il n’arrive pas à réussir un test de dépistage à la suite de sa réintégration. Selon son médecin, il ne sera pas en mesure de travailler dans un avenir prévisible et doit prendre un congé sans solde à durée  indéterminée pour suivre un programme de rétablissement.

Pour l’employeur, l’accommodement continu des besoins de l’employé ne causerait pas de préjudice injustifié sur le plan des coûts ou de la santé/sécurité. Cependant, étant donné les circonstances particulières de l’employé et malgré les tentatives d’accommodement répétées de l’employeur, la personne n’est toujours pas en mesure d’exécuter les fonctions essentielles de son emploi ou d’assumer des fonctions de remplacement. Par conséquent, il se peut que l’obligation d’accommodement de l’employeur prenne fin.

Parfois, après avoir mis à l’essai sans succès toutes les mesures d’adaptation possibles, il peut ne rester aucun moyen d’aider la personne à combler les exigences essentielles du poste. Il peut aussi arriver qu’un employé ou qu’une employée soit perpétuellement incapable de prendre part au processus d’accommodement, ou non disposé à le faire, malgré les tentatives de l’employeur. Là aussi, l’obligation d’accommodement de l’employeur pourrait prendre fin.


[35] Mechanical Contractors Assn Sarnia, 2013supra, note 29.

[36] Dans Weyerhaeuser Company Limited v Ontario (Human Rights Commission) ex rel Chornyj, 2007 CanLII 65618 (Ont Div Ct) [« Chornyj »], une politique de dépistage des drogues préalable à l’emploi a été jugée non discriminatoire à première vue au motif de la perception d’un handicap. Le requérant, qui a admis consommer occasionnellement des drogues, n’a pas fait l’objet d’un congédiement ou d’une perte d’emploi automatique, et l’entreprise ne jugeait pas qu’il avait un handicap. Par conséquent, sa requête pour discrimination au motif de la perception de handicap n’était pas défendable.

[37] Dans l’affaire Entropsupra, note 9, il a été établi que le dépistage des drogues préalable à l’emploi au moyen d’analyses d’urine contrevenait au Code. Selon le tribunal, « […] l’obtention d’un résultat positif n’est pas gage d’affaiblissement futur, ni même d’affaiblissement probable futur des facultés au travail, et pourtant les candidats qui obtiennent un seul résultat positif ne sont pas embauchés (par. 103). La Cour d’appel de l’Ontario ne s’est pas prononcée sur le dépistage de l’alcool préalable à l’emploi étant donné qu’il n’en était pas question dans la politique relative à l’alcool et aux drogues d’Imperial Oil. Voir également Mechanical Contractors Assn Sarnia, 2013, supra, note 29 aux par. 183, 217 et 218. Dans l’affaire Mechanical Contractors Assn Sarnia, 2014supra, note 29, la Cour divisionnaire de l’Ontario a confirmé l’analyse de la question de convention collective effectuée par l’arbitre, mais n’a pas cru nécessaire d’aborder la question relative au Code des droits de la personne.

[38] Les employeurs peuvent également être tenus de démontrer les risques particuliers pour la sécurité que compte le milieu de travail. Voir Mechanical Contractors Assn Sarnia, 2014supra, note 29; Irvingsupra, note 7 au par. 20.

[39]Irving, supra, note 7 aux par. 30 et 45.

[40] Adapté d’ENFORM, Alcohol and Drug Policy Model for the Canadian Upstream Petroleum Industry, édition 1.0. (2007). En ligne : ENFORM (association canadienne pour la sécurité dans le secteur amont de l’industrie pétrolière et gazière) www.enform.ca/resources/detail/70/alcohol-and-drugs-policy-model-for-the-upstream-petroleum-industry par. 18 (consulté le 4 août 2015).

[41] Commission ontarienne des droits de la personne, Politique sur la prévention de la discrimination fondée sur les troubles mentaux et les dépendances (Toronto, Imprimeur de la Reine pour l’Ontario, 2014). En ligne : Commission ontarienne des droits de la personne www.ohrc.on.ca/fr/politique-sur-la-pr%C3%A9vention-de-la-discrimination-fond%C3%A9e-sur-les-troubles-mentaux-et-les-d%C3%A9pendances.

[42] Entropsupra, note 9, au par. 114. Voir également Sterling Crane, [2009] OLRD No 4623 (QL) [« Sterling Crane »], dans laquelle la Commission des relations de travail de l’Ontario affirme : « Il est manifeste que la jurisprudence accepte maintenant que la conduite d’analyses d’urine à la suite d’un incident survenu dans un milieu de travail critique sur le plan de la sécurité corresponde à un exercice valide des droits de la direction d’un employeur et à une exigences professionnelle de bonne foi aux termes des lois relatives aux droits de la personne, pourvu que ce dépistage fasse partie d’une enquête visant à déterminer la cause de l’incident. Je suis d’accord que l’adoption d’une politique prévoyant ce type de dépistage constitue un exercice légitime des droits de la direction tant qu’on ne commence pas à effectuer le dépistage de façon aléatoire » (par. 74).

[43] Irving, supra, note 7, aux par. 20 et 45.

[44] Voir Entropsupra, note 9, au par. 99; Imperial Oil Ltd v Communications, Energy and Paperworkers Union of Canada, Local 900 [2006] OLAA No. 721 (QL), au par. 124, [« Imperial Oil Ltd, 2006 »]Imperial Oil Limited v Communications, Energy & Paperworkers Union of Canada, Local 900, 2008 CanLII 6874 (Ont Div Ct), [« Imperial Oil Ltd, 2008 »]; Imperial Oil Ltdv Communications, Energy & Paperworkers Union of Canada, Local 900, 2009 ONCA 420 (CanLII) [« Imperial Oil Ltd, 2009 »].

[45] Entrop, supra, note 9.

[46] Voir la section 7.1 sur l’obligation d’accommodement pour obtenir plus de renseignements.

[47] Par exemple, les analyses d’urine peuvent détecter une consommation passée mais ne peuvent pas déterminer la quantité consommée ou si la personne a actuellement les facultés affaiblies. Voir Frone, supra, note 3; Leo J. Kadehjian, « Specimens for Drugs-of-Abuse Testing », dans Forensic Science and Medicine: Drugs of Abuse: Body Fluid Testing, R.C.Wong et H.Y. Tse (éd.), Totawa, NJ, Humana Press, 2005. Voir aussi Entrop, supra, note 9. Les techniques d’analyse de salive s’améliorent rapidement [voir par exemple Nathalie A. Desrosiers et coll., « On-Site Test for Cannabinoids in Oral Fluid », Clinical Chemistry, vol. 58, no 10 (2012), p. 1418]. Cependant, en raison d’une variété de facteurs, la détermination de l’affaiblissement des facultés au moyen d’une analyse de la salive comporte encore des limites. Voir Marilyn A. Huestis, et coll., « Oral Fluid Testing: Promises and Pitfalls », Clinical Chemistry, vol. 57, no 6 (2011), p. 805; V. Vindenes, et coll., « Detection of Drugs of Abuse in Simultaneously Collected Oral Fluid, Urine and Blood from Norwegian Drug Drivers », Forensic Science International, vol. 219 (2012), p. 165; Frone, supra, note 3; Alain Verstraete, « Detection Times of Drugs of Abuse in Blood, Urine, and Oral Fluid »,Ther Drug Monit, vol. 26, no 2 (2004), p. 200; Scott Macdonald, « Submission to the Society of Energy Professionals and the Power Workers’ Union Comment on the Canadian Nuclear Safety Commission Discussion Paper Fitness for Duty: Proposals for Strengthening Alcohol and Drug Policy, Programs and Testing », 2012. En ligne : www.suretenucleaire.gc.ca.eng/pdfs/Discussion-Papers/12-03/20120919-DIS-12-03-Scott_Macdonald.pdf. Les analyses sanguines peuvent s’avérer plus efficaces que d’autres méthodes pour détecter les niveaux de drogues associés à l’affaiblissement des facultés, mais sont très intrusives. Voir Leo J. Kadehjian, ibid.; Macdonald, 2010, supra, note 5. Un analyseur d’haleine pour la détection des drogues est en cours d’élaboration. Voir Olof Beck, « Exhaled Breath for Drugs of Abuse Testing – Evaluation in Criminal Justice Settings », Science and Justice, vol. 54 (2014), p. 57; Sarah K. Himes et coll., « Cannabinoids in Exhaled Breath following Controlled Administration of Smoked Cannabis », Clinical Chemistry, vol. 59, n12 (2013), p. 1780. Cependant, peu de documentation scientifique en valide l’usage.

[48] Dans l’affaire Imperial Oil Ltd, 2008, supra, note 44, la Cour divisionnaire de l’Ontario a affirmé : « Nul ne conteste que la méthode actuelle de dépistage des drogues [salive] puisse détecter l’affaiblissement par le cannabis, bien que le résultat du test ne soit pas disponible au moment de l’administration » (par. 10). Cependant, les limites de cette méthode sont manifestes dans la documentation scientifique (voir la note de fin de texte 47, ci-haut).

[49] Dans Imperial Oil Ltd, 2006 supra, note 44, le dépistage des drogues dans la salive par la méthode de l’écouvillonnage buccal a été jugé non valide aux termes de la convention collective, en partie parce que les résultats ne pouvaient pas être obtenus immédiatement. Le test devait être soumis à un laboratoire à des fins d’analyse. Les employés qui obtenaient éventuellement un résultat positif reprenaient leurs fonctions critiques sur le plan de la sécurité immédiatement après le dépistage. Par conséquent, cette méthode ne pouvait pas assurer la sécurité immédiate dans le lieu de travail, et ne s’apparentait donc pas à l’alcootest, dont la validité a été confirmée par la Cour d’appel de l’Ontario dans la décision Entrop (aux par. 112-113). Cette décision a été confirmée dans Imperial Oil Ltd, 2008, supra, note 44, et dans Imperial Oil Ltd, 2009, supra, note 44. Les directives en matière de dépistage des drogues conseillent de soumettre les tests d’analyse de salive initiaux à un laboratoire pour qu’ils soient analysés à l’aide de techniques de laboratoire de qualité élevée et vérifiés par un médecin examinateur. Voir European Workplace Drug Testing Society, European Guidelines for Workplace Drug Testing in Oral Fluid, 2011. En ligne : EWDTS www.ewdts.org/ewdts-guidelines.html (consulté le 21 juillet 2015), par. 6; Substance Abuse and Mental Health Services Administration, « Mandatory Guidelines for Federal Workplace Drug Testing Programs – Oral Fluid » (proposition), Federal Register, vol. 80, no 94 (2015). En ligne : Department of Health and Human Services www.samhsa.gov/workplace/drug-testing#proposed-mandatory-guidelines (consulté le 22 juillet 2015), par. 28086.

[50] La jurisprudence sur les droits de la personne des différents territoires de compétence ne s’entend pas sur l’acceptabilité du dépistage des drogues préalable à l’emploi et de façon aléatoire. Par exemple, malgré le jugement du TCDP selon lequel le dépistage du cannabis au moyen d’analyses d’urine n’indiquait pas qu’une personne avait les facultés affaiblies au travail, dans Milazzo, supra, note 34, ce type de dépistage a été jugé « raisonnablement nécessaire » pour atteindre le but légitime lié au travail. Cela était dû au fait que les conducteurs d’autobus n’étaient pas supervisés la plupart du temps et qu’un résultat positif de test, bien que non concluant, constituait une « alerte » qui aidait à cerner les conducteurs les plus susceptibles d’avoir un accident. Le dépistage des drogues et de l’alcool servait
de mesure de dissuasion des employés qui avaient le contrôle sur leur consommation d’alcool ou de drogues, mais il existait trop peu d’éléments de preuve pour conclure qu’il aurait dissuadé des personnes ayant des problèmes de consommation d’alcool ou de drogues. La politique reflétait aussi la nécessité de se conformer à la législation américaine. Cependant, le TCDP a déterminé qu’elle ne prévoyait pas l’accommodement jusqu’au point de préjudice injustifié des personnes ayant obtenu un résultat positif. Voir également Chornyj, supra, note 36; Dennis v Eskasoni Band Council [2008] CHRD No 38 (QL); Alberta (Human Rights and Citizenship Commission) v Kellogg Brown & Root (Canada) Company, 2007 ABCA 426, (autorisation d’appel à la C.S.C. refusée).

[51] Irving, supra, note 7.

[52] Irving, supra, note 7, au par. 31.

[53] Dans la décision Irvingsupra, note 7, la minorité dissidente a noté dans la note en bas de page 2 (par. 86) :

Bien que l’arrêt Entrop ait été décidé dans le contexte d’un milieu de travail non syndiqué en vertu de la législation sur les droits de la personne, il demeure pertinent à l’analyse de la raisonnabilité des politiques de tests de dépistage de drogue et d’alcool. En effet, le conseil en l’espèce s’est fondé sur l’arrêt Entrop pour évaluer le caractère attentatoire de l’éthylométrie (par. 116). Que l’arbitre applique le critère élaboré par la Cour dans le contexte des droits de la personne dans Colombie‑Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU1999 CanLII 652 (CSC), [1999] 3 S.C.R. 3 (« Meiorin »), ou les lois traditionnelles en matière de relations de travail et le critère énoncé dans la sentence arbitrale KVP, au fond, l’examen dans les deux cas porte sur la raisonnabilité de la politique de la société. Dans certaines provinces, les arbitres peuvent arbitrer des griefs contestant ces politiques tant sur le fondement de la sentence arbitrale KVP que sur la décision Meiorin, et nous avons de la difficulté à accepter qu’une politique serait annulée en vertu d’un critère, mais jugée acceptable en vertu de l’autre. Voir par exemple Loi sur les relations de travail, 1995, L.O. 1995, chap. 1, Annexe Aal. 48(12)(j). 

[54] Irving, supra, note 7, au par. 20.

[55] Entrop, supra, note 9. La Cour d’appel de l’Ontario n’a pas trouvé nécessaire de s’immiscer dans la décision de la Commission d’enquête de l’Ontario selon laquelle le dépistage effectué après la réintégration du poste ne contrevenait pas au Code, tant que cela était nécessaire dans le cadre d’une évaluation plus exhaustive dont le but était de déterminer s’il s’agissait d’un cas de consommation ou de surconsommation d’alcool ou de drogues par l’employé (par. 129).

[56] Dans le cadre d’une analyse documentaire, McLellan, et coll. ont chiffré à entre 40 % et 60 % les taux de rechute des personnes ayant une dépendance (alcool et drogues) durant la première année suivant la fin du traitement, ce qui est semblable aux taux de rechute associés au diabète de type 1 (30 % à 50 %), à l’hypertension (50 % à 70 %) et à l’asthme (50 % à 70 %). McLellan, et coll., « Comparison of Relapse Rates Between Drug Addiction and Other Chronic Illnesses » (2000) 284, JAMA, vol. 284 (2000), p. 1693.

[57]Colonial Cookies Corp v United Food and Commercial Workers Canada, Local 175 (Grant Grievance), [2010] OLAA No. 468 (QL). Dans la décision Milazzosupra, note 34, au par. 34, le TCDP indiquait :

Par conséquent, l’« entente de dernière chance » est, de l’avis du tribunal, inexécutable au regard de la Loi [canadienne sur les droits de la personne]. Comme l’indique la jurisprudence, une analyse de chaque cas doit être effectuée afin de déterminer s’il est impossible ou non pour l’employeur de tenir compte des besoins de l’employé ou l’employée jusqu’au point de préjudice injustifié. Bien que l’intimé ait certainement le droit d’aviser les employés qui reprennent le travail après leur rétablissement que toute rechute pourrait mener au congédiement, l’imposition d’une entente de dernière chance ne peut avoir pour effet d’annuler l’obligation d’accommodement établie aux termes des lois sur les droits de la personne.

[58]Hydro-Québec c. Syndicat des employé-e-s de techniques professionnelles et de bureau d’Hydro-Québec, section locale 2000, [2008] 2 SCR 561; Hall v Chief of Police, Ottawa Police Service, 2008 CanLII 65766 (Ont Div Ct).

[59] Article 17 du Code des droits de la personne de l’Ontario.