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Rêver ensemble : Rapport relatif au dialogue sur les peuples autochtones et les droits de la personne

Motifs du Code
autochtone
Type de ressource
rapport
paper
Questions clés
Indigenous Reconciliation

Approuvées par la CODP : septembre 2018
Voir PDF : Rêver ensemble : Rapport relatif au dialogue sur les peuples autochtones et les droits de la personne

Table des matières

Remerciements
I.  Introduction
II. Grands thèmes du dialogue
1. Au sujet de notre chemin commun, de nos rapports et de la réconciliation
2. Perspectives autochtones relatives aux droits de la personne
3. La DNUDPA et la contribution des peuples autochtones à l’évolution des droits de la personne
4. Principales questions et préoccupations relatives aux droits de la personne des peuples autochtones sur le terrain
5. Réaction des organismes sur le terrain
Annexe 1 - Recommandations principales
Annexe 2 – Chronologie des visites et cercles d’écoute autochtones de la CODP (2016-2018)

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« La clé réside là où nous en sommes aujourd’hui, dans l’échange de connaissances [...] La société canadienne est un partenaire incertain et c’est pourquoi nous devons disposer de lieux accueillants et sûrs où rêver ensemble. »

– Personne ayant participé au dialogue

Remerciements

Nous reconnaissons que les peuples autochtones sont les premiers habitants de ce territoire. Pendant des milliers d’années, ils ont développé des langues, des cultures et des modes de vie distincts, en plus de lois et de traditions juridiques riches. Les bureaux de Toronto de la Commission ontarienne des droits de la personne sont situés sur le territoire traditionnel des Anishinaabek de la Première Nation Missisaugas of the New Credit. Nous témoignons aussi notre respect envers les peuples chippewa, haudenosaunee et wendat.

Nous reconnaissons la longue histoire et la grande contribution des Premières Nations et des peuples inuits et métis, et nous appuyons leur vision d’une vie juste et harmonieuse les uns avec les autres et dans tous nos rapports. 

Le Dialogue sur les peuples autochtones et les droits de la personne n’aurait jamais vu le jour n’eût été des efforts et conseils considérables des membres du comité organisateur, qui ont mis leur sagesse à contribution tout au long de ce processus. Nous remercions sincèrement :

  • Karen Drake, commissaire, Commission ontarienne des droits de la personne, et professeure agrégée, Osgoode Hall Law School
  • Jeffery Hewitt, professeur agrégé, faculté de droit de l’Université de Windsor, et ancien président, Association du Barreau Autochtone du Canada
  • Juliette Nicolet, directrice des politiques, Fédération des centres d’amitié autochtones de l’Ontario
  • Nicole Richmond, ancienne directrice de la justice, Chiefs of Ontario.

La Commission ontarienne des droits de la personne (CODP) remercie également ses partenaires qui ont offert leur soutien financier ou matériel, y compris :

  • Osgoode Hall Law School
  • Office of the President, Université York
  • Fondation canadienne des relations raciales
  • Fédération des centres d’amitié autochtones de l’Ontario
  • Chiefs of Ontario
  • Nation métisse de l’Ontario
  • Faculté de droit de l’Université de Toronto
  • Division de la justice pour les Autochtones, ministère du Procureur général.

Les participants au dialogue ont grandement bénéficié des conseils, enseignements et réflexions de la gardienne traditionnelle du savoir Nancy Rowe (Première Nation des Mississaugas of the New Credit) et des aînés Alex Jacobs (Première Nation de Whitefish Lake), Marlene Pierre (Première Nation de Fort William) et Pauline Shirt (réserve de Saddle Lake, Alberta, qui entretient des liens étroits avec la communauté autochtone de Toronto). Nous tenons également à remercier Vera Pawis-Tabobondung pour avoir si habilement et gracieusement animé les discussions, ainsi que Jeffery Hewitt et les commissaires de la CODP Karen Drake et Maurice Switzer, qui ont agi à titre de modérateurs.

Nous souhaitons exprimer notre reconnaissance envers toutes les personnes qui ont assisté au dialogue et effectué des présentations. Un gros merci également au conférencier invité James Anaya, doyen de la faculté de droit de l’université du Colorado et ancien rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, qui a prononcé une conférence à la faculté de droit de l’Université de Toronto. Nous aimerions également remercier d’autres participants qui se sont déplacés sur de longues distances pour se joindre à nous, y compris : Leonard Gorman et Steven A. Darden, Navajo Nation Human Rights Commission, l’honorable Leonard S. (Tony) Mandamin, juge de la Cour fédérale et membre d’office de la Cour d’appel fédérale, l’honorable Romeo Saganash, député d’Abitibi-Baie James-Nunavik-Eeyou, et Paul L.A.H. Chartrand, professeur de droit (à la retraite), conseiller juridique auprès de DDWest LLP, et Michif Elder.

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Introduction

Généralités et contexte

Aux termes du Code des droits de la personne de l’Ontario (Code), la Commission ontarienne des droits de la personne (CODP) a pour mandat de prévenir et d’éliminer la discrimination systémique, et de faire la promotion d’une société juste et inclusive où chaque personne est traitée à sa juste valeur, avec la même dignité et le même respect. Le Code interdit de poser, dans des secteurs de compétence provinciaux, tout geste touchant l’un de cinq domaines sociaux et constituant, à l’égard de certaines personnes, y compris les personnes autochtones, de la discrimination fondée sur l’un quelconque des motifs protégés[1]. Notre Plan stratégique 2017-2022, Placer les personnes et leurs droits au centre de nos préoccupations, inclut un engagement envers la réconciliation et l’avancement des droits de la personne des personnes autochtones.

Nous prenons des mesures tangibles à ce chapitre. Parmi ces mesures, l’une des plus importantes a consisté à rassembler une variété de personnes autochtones et de membres du milieu des droits de la personne dans le cadre d’un Dialogue sur les peuples autochtones et les droits de la personne de trois jours (du 21 au 23 février 2018) pour discuter d’une vision des droits de la personne qui tient compte des perspectives et visions du monde autochtones, et des enjeux propres aux communautés autochtones. La CODP et l’Osgoode Hall Law School de l’Université York ont présenté ensemble ce dialogue au Native Canadian Centre, en collaboration avec des gardiens du savoir, penseurs et organisations autochtones.

Ce rapport présente les grandes lignes de la discussion et les recommandations dégagées du dialogue, lequel mettait en lumière la sagesse collective d’aînés, de gardiens du savoir, de penseurs, de leaders politiques et gouvernementaux, d’intervenants, d’avocats, d’élaborateurs de politiques et de militants autochtones. Des représentants de la CODP, du Centre d'assistance juridique en matière de droits de la personne, des Tribunaux de justice sociale de l’Ontario et de la Commission canadienne des droits de la personne ont également participé à la rencontre.

Les participants ont débattu plusieurs questions clés, y compris :

  • Que sont les perspectives autochtones relatives aux droits de la personne?
  • Comment les visions du monde, lois et constitutions autochtones pourraient-elles contribuer à l’évolution continue des droits de la personne?
  • Comment les organismes fédéraux et provinciaux de défense des droits de la personne prescrits par la loi, dont les commissions, tribunaux et organismes de services juridiques, peuvent-ils adapter leurs processus pour mieux faire avancer le respect des droits de la personne des peuples autochtones? Quelles modifications, le cas échéant, devrait-on apporter aux lois actuelles relatives aux droits de la personne pour veiller à ce que les droits de la personne des peuples autochtones soient mieux protégés?
  • Quelles sont les façons les plus efficaces d’assurer le respect d’une grande variété de droits de la personne établis dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA) aux échelons fédéral et provincial? De quelles questions juridiques ou stratégiques devrait-on traiter?

James Anaya, le doyen de la faculté de droit de l’université du Colorado et ancien rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, a prononcé une conférence à la faculté de droit de l’Université de Toronto le 21 février 2018. Parmi les autres présentateurs figuraient :

  • Paul L.A.H. Chartrand, professeur de droit (à la retraite), conseiller juridique auprès de DDWest LLP, aîné michif
  • Leonard Gorman et Steven A. Darden, Navajo Nation Human Rights Commission
  • l’honorable Leonard S. (Tony) Mandamin, qui a été nommé juge à la Cour fédérale et membre d’office de la Cour d’appel fédérale.
  • Sylvia Maracle, directrice générale de la Fédération des centres d’amitié autochtones de l’Ontario (OFIFC)
  • l’honorable Romeo Saganash, député d’Abitibi-Baie James-Nunavik-Eeyou, dont le projet de loi d’initiative parlementaire visant la mise en œuvre de la DNUDPA a récemment été adopté en deuxième lecture au Parlement.

Le comité organisateur, des aînés autochtones et des gardiens du savoir traditionnel ont contribué à l’établissement de l’ordre du jour et de la structure du dialogue. Les participants au dialogue ont également bénéficié des conseils, enseignements et réflexions de la gardienne traditionnelle du savoir Nancy Rowe (Première Nation des Mississaugas of the New Credit) et des aînés Alex Jacobs (Première Nation de Whitefish Lake), Marlene Pierre (Première Nation de Fort William) et Pauline Shirt (réserve de Saddle Lake, Alberta, qui entretient des liens étroits avec la communauté autochtone de Toronto).

Les séances étaient structurées de façon à encourager un dialogue franc, conformément aux coutumes et pratiques autochtones. Elles comprenaient de courtes présentations (10 minutes) articulées autour de l’un des quatre thèmes du dialogue, suivies d’une période de questions de plus longue durée. Vera Pawis-Tabobondung a assuré l’animation des séances, tandis que Jeffery Hewitt et les commissaires de la CODP Karen Drake et Maurice Switzer ont agi à titre de modérateurs.

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Travaux de la CODP ayant mené au dialogue

À titre de première étape importante, la CODP s’est engagée en 2017 à orienter ses travaux futurs sur les droits de la personne des peuples autochtones et la réconciliation. Bien que la CODP travaille depuis plusieurs années à améliorer le système des droits de la personne au bénéfice des personnes autochtones, elle a officialisé cet engagement dans son plan stratégique 2017-2022, intitulé Placer les personnes et leurs droits au centre de nos préoccupations. L’affirmation de cet engagement a suivi un important travail de dialogue et de mobilisation citoyenne, centré plus particulièrement sur les peuples autochtones.

Placer les personnes et leurs droits au centre de nos préoccupations, qui s’inspire des appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, présente quatre engagements majeurs, y compris celui de « concrétiser les droits de la personne par le biais de la réconciliation ». Cet engagement inclut la promotion :

  • des relations de confiance durables avec les communautés métisses, inuites et des Premières Nations è l’échelle de l’Ontario, en milieu urbain et rural
  • d’une meilleure compréhension de l’impact du colonialisme sur les peuples autochtones
  • d’un paradigme des droits de la personne en Ontario qui réconcilie le système des droits de la personne de la province avec les cadres, concepts, processus et lois autochtones
  • de la responsabilisation en matière de racisme et de discrimination systémiques envers les personnes autochtones.

Parmi les mesures spécifiques prises par la CODP pour atteindre ces objectifs figurent :

  • approfondir son analyse et sa compréhension des droits de la personne par la réconciliation avec les cultures, lois et traités autochtones, les concepts autochtones de responsabilités et de droits collectifs, ainsi que la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones
  • établir un dialogue entre ses commissaires et hauts dirigeants et les dirigeants et membres des communautés autochtones pour nouer des relations de confiance durables avec les communautés métisses, inuites et des Premières Nations en milieu urbain et rural à l’échelle de l’Ontario, tout en reconnaissant leur statut en tant que nations (p.16).

Le dialogue offrait une excellente occasion de concrétiser ces deux mesures.

Cependant, la CODP n’aurait pas pu entreprendre des rapports et des échanges d’une telle envergure n’eût été d’efforts préliminaires de liaison et de représentation. La CODP est déterminée à engager régulièrement le dialogue avec des communautés, organisations et dirigeants autochtones de l’ensemble de la province, et à collaborer avec eux pour régler les questions de droits de la personne touchant tout particulièrement les peuples autochtones.

Depuis sa nomination en 2015, la commissaire en chef Renu Mandhane a sillonné la province en compagnie d’autres commissaires, hauts dirigeants et membres du personnel de la CODP pour rencontrer des chefs, des dirigeants, des groupes et des personnes autochtones. Nous avons rencontré des membres des communautés, dirigeants de centres d’amitié autochtones et de conseils de bande, ainsi que des jeunes Autochtones, afin de déterminer comment la CODP pourrait le mieux suivre la voie tracée par la Commission de vérité et réconciliation du Canada et nouer avec les peuples autochtones de nouvelles relations durables fondées sur la confiance. Voir la liste d’activités de liaison à l’Annexe 2.

En collaboration avec des centres d’amitié, nous avons organisé des cercles d’écoute afin de mieux comprendre les préoccupations d’une variété de communautés des quatre coins de la province, y compris Toronto, Thunder Bay, Sioux Lookout, Kenora, Fort Francis et Dryden. En 2017-2018, nous sommes intervenus auprès de plus de 1 560 personnes dans le cadre de séances de sensibilisation du public à la réconciliation et aux droits de la personne, et auprès de 489 autres personnes dans le cadre de rencontres avec des dirigeants autochtones, de cercles autochtones, de dialogues et de consultations. En 2017, nous avons conclu une entente de coopération avec la Fédération des centres d’amitié autochtones de l’Ontario qui nous engage à collaborer en vue d’éliminer la discrimination systémique.

La CODP a également organisé plusieurs rencontres en vue d’établir des ponts avec les Chiefs of Ontario et de créer un climat de soutien mutuel des travaux de promotion des droits de la personne des peuples autochtones. Cela inclut le fait de participer à l’All Ontario Chiefs Conference qui a eu lieu dans la Première Nation de Lac Seul du 13 au 15 juin 2017, et où les délégués ont adopté une motion (41/17) exigeant l’établissement d’une relation officielle de collaboration avec la CODP dans le but d’éliminer la discrimination envers les peuples des Premières Nations de l’Ontario. La motion prévoyait entre autres l’établissement d’activités coordonnées d’élaboration de politiques, de défense des droits et intérêts, de communications et de formation mutuelle.

Le dialogue de février 2018 était également considérablement fondé sur les nombreuses conversations continues entamées avec diverses communautés durant notre processus de planification stratégique, ainsi que nos efforts en vue de réaliser notre priorité stratégique de réconciliation avec les peuples autochtones. Par exemple, nous avons lancé une enquête d’intérêt public sur la surreprésentation des enfants autochtones et racialisés au sein du système de bien-être de l’enfance de l’Ontario (voir les conclusions de cette enquête dans le rapport de février 2018 de la CODP intitulé Enfances interrompues : Surreprésentation des enfants autochtones et noirs au sein du système de bien-être de l’enfance de l’Ontario). Cette enquête a confirmé les préoccupations de longue date des communautés autochtones selon lesquelles les familles et enfants autochtones sont surreprésentés au sein du système de bien-être de l’enfance.

De plus, notre rapport de recherche et de consultation sur le profilage racial en Ontario d’avril 2017, intitulé Pris à partie, se penchait sur la situation des peuples autochtones et présentait des récits d’expérience de profilage racial subi dans des commerces de détail et dans le cadre de déplacements, d’obtention de services de santé et d’interventions des sociétés d’aide à l’enfance. La CODP est aussi intervenue dans Gallant v. Mississauga, une affaire sur l’utilisation de mascottes à référence autochtone dans les ligues mineures de hockey qui a été entendue par le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario. Nous sommes intervenus en partie pour mieux comprendre et illustrer l’impact du racisme et de l’appropriation culturelle, particulièrement sur les jeunes autochtones qui luttent pour se créer une identité forte au lendemain d’un génocide culturel.

Les commissaires Karen Drake, citoyenne de la Nation métisse de l’Ontario, et Maurice Switzer, citoyen de la Première Nation des Mississaugas d’Alderville, ont guidé tous ces efforts de la CODP. Ils ont joué un rôle essentiel d’orientation des travaux d’élaboration et de prestation d’une formation de trois jours sur la réconciliation autochtone à l’intention des membres du personnel. Cette séance incluait une visite d’une journée à la Première Nation des Mississaugas of the New Credit (PNMNC). Nancy Rowe, la gardienne du savoir qui nous a reçus au Kinomaagaye Gaamik Lodge de la PNMNC, a continué de nous offrir des commentaires et conseils stratégiques importants après la rencontre. La CODP a aussi tiré amplement avantage de son Groupe consultatif communautaire, composé de nombreuses personnes autochtones ayant une expertise pertinente dans le domaine.

Les explications fournies par les chefs, les dirigeants, les personnes et les groupes autochtones de l’ensemble de l’Ontario sur leurs défis quotidiens, leurs perspectives et leurs visions du monde ont permis de constater un important fossé entre les peuples autochtones et le système actuel des droits de la personne. Nous avons appris que le Code des droits de la personne de l’Ontario, notre organisation et notre mandat portaient des traces importantes de colonialisme (par exemple, dans la primauté perçue du Code sur le droit et les coutumes autochtones).

Nous avons également appris que notre système axé sur les droits individuels n’est pas structuré de façon idéale pour composer efficacement avec certaines des questions les plus importantes auxquelles se heurtent les communautés autochtones. C’est pourquoi nous devons réexaminer la façon que la CODP entre en collaboration avec les peuples autochtones de l’ensemble de la province et comment on peut rendre les lois et organismes relatifs aux droits de la personne plus pertinents et plus respectueux de notre relation de nation à nation avec les peuples autochtones. Ce réexamen des droits de la personne en partenariat avec les peuples autochtones – afin d’accroître la reconnaissance et le respect de la souveraineté autochtone et de donner plus de place aux perspectives autochtones des droits de la personne – était l’une des principales raisons d’entreprendre le présent dialogue.

De façon plus générale, la restructuration des relations et processus selon un modèle d’entente entre deux partenaires égaux exige d’accepter la perte de pouvoir et de contrôle pour donner voix au chapitre aux communautés autochtones, non seulement durant le dialogue, mais sur le plan de sa conception, de ses objectifs, de son objet et de son exécution.

Dans le cadre de notre engagement envers la réconciliation, nous souhaitons continuer de collaborer avec les peuples autochtones au moyen de dialogues continus et autres, afin d’adopter une vision des droits de la personne qui repousse les frontières existantes pour véritablement refléter les questions d’intérêt, les perspectives et les aspirations des peuples autochtones de tout l’Ontario.

Nous reconnaissons que nous commençons à peine à nous engager sur la voie de la réconciliation et de la décolonisation. Nous nous efforcerons de faire en sorte que les prochaines étapes que nous franchissons collectivement s’inspireront en toute transparence de la sagesse et du savoir tirés de dialogues comme celui-ci.

Le présent rapport rend publics les questions et thèmes principaux abordés durant le dialogue, au bénéfice de la CODP et des participants autochtones et autres[2]. Les constats formulés aideront à orienter les travaux futurs de promotion de la réconciliation au moyen des droits de la personne. Ces constats pourraient également être servir à la revendication de changements systémiques plus vastes au sein et au-delà du système des droits de la personne de l’Ontario.

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II. Grands thèmes du dialogue

1. Au sujet de notre chemin commun, de nos rapports et de la réconciliation

La réconciliation a été qualifiée à de nombreuses reprises de thème opportun, compte tenu de la conversation historique actuelle. La Commission de vérité et réconciliation du Canada a tenu fermement compte du contexte canadien de la réconciliation dans ses travaux visant non seulement à accroître la connaissance et la compréhension de l’héritage et des conséquences des pensionnats autochtones (c’est-à-dire nous rendre collectivement témoins de ces « vérités »), mais également, plus fondamentalement, à assainir et à rétablir les relations entre le Canada et les peuples autochtones que les pensionnats, le colonialisme et le génocide culturel, plus généralement, ont minées. La CVR qualifie la réconciliation de « processus permanent, à la fois individuel et collectif, auquel doivent participer tous ceux qui ont été marqués par les séquelles des pensionnats indiens », y compris les anciens élèves des pensionnats qui sont issus de communautés inuites, métisses et de Premières Nations, leurs familles, leurs communautés et leurs églises, les anciens employés des pensionnats, les gouvernements et les autres Canadiennes et Canadiens[3].

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Réconciliation et décolonisation

La majorité des gens ont qualifié la réconciliation de projet et de processus de décolonisation. Cela exige de rétablir des relations justes et équitables à l’échelle interpersonnelle, organisationnelle et sociétale, entre autres en garantissant les droits de la personne des peuples autochtones, en respectant nos obligations conventionnelles et, de façon plus fondamentale, en respectant la souveraineté autochtone et en créant un « réel partenariat » entre deux parties égales :

« Il ne peut y avoir de réconciliation en l’absence de justice; si le colonialisme perdure dans ce pays. »

Selon un grand nombre de personnes, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA), le Rapport final de la CVR et ses appels à l’action forment, ensemble, un cadre d’action général pour la réconciliation.

Certaines personnes ont critiqué l’utilisation des droits de la personne comme cadre d’action pour la réconciliation. Par exemple, une personne a affirmé que « nous de devrions pas confondre notre travail sur le plan des droits de la personne avec la réconciliation », en attirant l’attention sur les limites du droit législatif lorsqu’il s’agit de créer et de maintenir des relations justes et harmonieuses.

Selon une autre personne :

« Notre conception du droit est différente [...] Si vous voulez faire régner la justice, vous devez examiner la question fondamentale des êtres humains plutôt que de seulement modifier les institutions et les lois [...] Vous devez créer des êtres humains [justes]. »

D’avis que les communautés autochtones devaient guérir dans un premier temps, comme condition préalable à la réconciliation entre les peuples, certaines personnes trouvaient qu’il était prématuré de parler de réconciliation :  

« Nous devons reconnaître dans le cadre de ce travail que nous faisons que notre peuple a connu 500 années d’anéantissement et d’assimilation forcée. Notre peuple se rétablit, mais, en fait de processus de rétablissement, nous n’en sommes qu’à l’équivalent du bout du plus petit de mes ongles. »

« De façon réaliste, la réconciliation ne peut commencer que dans l’an 3001. Pour les prochaines 50 à 100 années, [les gens] doivent se tasser et nous laisser diriger nos institutions, après quoi nous pourrons avoir une conversation sur la réconciliation. »

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Soigner toutes nos relations : Revitaliser et recentrer le savoir autochtone

Pour de nombreux participants, ce projet de réconciliation s’articulait autour de la revitalisation et de la restauration des lois et traditions autochtones. Par exemple, Aaron Mills, un Anishinaabe du clan de l’ours de la Première Nation de Couchiching, boursier Trudeau, avocat et candidat au doctorat à l’Université de Victoria, a réclamé un profond changement de paradigme dans son émission vidéo Walrus Talk du 15 mai 2017, qui a été bien accueilli au dialogue. En recentrant les « rapports de droits »  sur la terre et toutes les créatures, plutôt que sur les seuls êtres humains, Aaron Mill a expliqué ce à quoi pourrait ressembler une approche autochtone en matière de justice, fondée sur la gratitude et la réciprocité, et non les attentes et les dus :

La plus importante leçon à apprendre est comment être un bon proche. Au cœur de la capacité d’être un bon proche réside une idée toute simple : l’entraide. [L’entraide] exige une politique d’harmonisation axée l’écoute, l’observation et la réflexion attentive [...] une façon de faire en opposition marquée avec la politique des grandes déclarations, telle que je la perçois, des sociétés libérales comme le Canada. « Ma voix », aujourd’hui et toujours, et de façon cruciale, en tant que « droit », « dû » [...]  

[...] Lorsque votre expérience de la communauté est celle d’une constellation de dons, la réaction naturelle à l’appartenance n’est pas l’attente, mais la gratitude. Et parce que nous ressentons de la gratitude, nous rendons la pareille [...] Ici, nous soulevons un point important relativement au fait que l’appartenance est ancrée dans la gratitude, et non dans l’attente. Ce qui est donné est offert librement [...] Cela a d’énormes conséquences pour la réconciliation. Je crois que nous commençons à peine le travail de réconciliation, parce que la plupart d’entre nous n’acceptent pas encore la place centrale qu’occupe la terre. Le droit [autochtone] le fait. Il s’agit vraiment de la loi de la terre. Et j’aimerais que vous viviez comme si vous saviez que le droit autochtone a une importance pour votre vie, pour votre famille, pour votre communauté. Durant les activités du 150e anniversaire du Canada, j’espère que vous choisirez d’être un bon proche.

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Cheminer ensemble de façon positive

Certaines personnes ont aussi parlé plus généralement de la manière dont les organisations non autochtones peuvent entrer « de façon positive » en collaboration avec les peuples autochtones pour promouvoir la justice, les droits de la personne et la réconciliation.

Pour certaines personnes, il importait avant tout de comprendre pourquoi les communautés autochtones pourraient éprouver de la méfiance à l’égard des organisations non autochtones :

« Tout ce que les Britanniques demandaient à l’origine, c’était de s’établir paisiblement. Maintenant, 90 % des membres d’une de nos communautés souffrent de maladies liées à l’eau. »

Des participants ont rappelé qu’on gagne la confiance et démontrant son engagement au fil du temps. On nous a conseillé de nous préparer à composer avec les hauts et les bas du fait d’entrer en relation et en collaboration, et à nous engager à poursuivre le dialogue à long terme :

« Il faut de la patience [...] Parce que la première étape du dialogue est l’étape des maux de tête et des peines. C’est ce qu’on traverse en premier. Enfin, vers la 15e rencontre environ, on ouvre le dialogue. »

Certaines personnes ont également souligné l’importance pour les organisations d’apprendre et de comprendre l’histoire du colonialisme, et ses héritages et répercussions encore aujourd’hui :

« Pour régler les injustices, il faut commencer par l’histoire : Dans quoi sont ancrées nos racines, d’où venons-nous? [...] Le récit doit débuter par l’histoire qui a produit les structures. Le contexte [historique] doit être exposé [...] Les tribunaux judiciaires et administratifs vivent dans un état de présent permanent et innocent, et présument que nous sommes tous déjà égaux. »

« Nous devons continuer de raconter nos histoires et de faire en sorte qu’on les entende. »

L’examen critique de nos façons de faire et structures institutionnelles, selon une perspective anticolonialiste, constitue pour beaucoup de participants un premier pas important de tout exercice de réconciliation véritable :

« On ne peut pas concilier structures coloniales et résultats justes. »

« Les gens pensent à tort que la colonisation est l’affaire du passé. Beaucoup de personnes bien intentionnées ne comprennent pas à quel point elles évoluent encore à l’intérieur de cadres coloniaux. »

Ces personnes encouragent les organisations à examiner dans un premier temps leurs propres structures et mesures organisationnelles plutôt que de promouvoir diverses stratégies et initiatives :

« Ce n’est pas simplement une question de nous faire de la place [dans vos organisations]. Nous devons voir des changements systémiques, un changement fondamental dans la façon de faire les choses. »

La reconnaissance de la souveraineté autochtone et de son impact sur les relations entre les organisations et les peuples autochtones est au cœur du changement fondamental requis :

« L’objectif est de concilier la souveraineté préexistante des peuples autochtones avec la souveraineté présumée de la Couronne – tout devrait partir de là. »

Certaines personnes ont également souligné les limites du fait de concentrer les efforts trop étroitement sur l’amélioration de l’accès aux services en l’absence d’une transformation organisationnelle.

« Il est plus important d’assurer la justice que de simplement y avoir accès. »

On nous a mis en garde contre l’adoption de solutions rapides :

« Ce n’est pas le travail d’une vie, mais de nombreuses vies[4] [...] Il faut être là pour le long terme. Les personnes qui y voient un objectif à court terme seront les plus déçues. »

« Parfois, quand nous courons rapidement, nous faisons plus de mal que de bien et nous devons ensuite réparer les pots cassés. »

Les participants ont encouragé les organisations à consacrer plus de temps à l’écoute et à la création d’espaces d’échange authentique, plutôt que de se précipiter à intervenir ou à réagir :

« Vous devez donner la chance aux gens de raconter leur propre histoire avant de poser des questions [...] Il y a une différence entre le fait d’écouter pour comprendre et celui d’écouter pour critiquer et ériger des frontières. Lorsqu’on écoute pour comprendre, on ne cesse pas de tendre l’oreille lorsqu’on entend quelque chose qui ne nous plaît pas. »

« La clé réside là où nous en sommes aujourd’hui, dans l’échange de connaissances [...] La société canadienne est un partenaire incertain et c’est pourquoi nous devons disposer de lieux accueillants et sûrs où rêver ensemble. »

L’incapacité continue des organisations d’écouter et de tirer des leçons des erreurs du passé a fait l’objet d’une grande censure :

« Quand ces conversations ont lieu, je suis souvent la seule personne dans la salle qui ne soit pas une ou un fonctionnaire blanc. J’appelle ça du racisme. À un certain moment, on parle d’aveuglement volontaire pour ne pas comprendre un groupe de personnes qui ne vous ressemblent pas. »

Les participants ont mis les organisations en garde contre les dangers de faire fi des différences entre les nations, les peuples et les personnes autochtones sur le plan de la culture, de l’âge, du sexe, de la situation géographique, de l’orientation sexuelle et autres. Les interlocuteurs ont appelé les organisations à éviter d’appliquer une approche générique à l’ensemble des nations autochtones au moment d’entrer en collaboration avec les peuples autochtones et d’apporter des changements :

« Je me méfie des approches tout englobantes. Nos chefs n’accepteraient pas ça. »

Des gens ont aussi insisté sur l’importance pour les organisations non autochtones de travailler non seulement avec les organisations officielles représentant les personnes autochtones, mais aussi directement avec les communautés. Certains ont dit se demander à quel point les structures gouvernantes actuelles des communautés autochtones reflétaient véritablement les intérêts et préoccupations des membres de leurs communautés. Des participants ont fait part de diverses influences coloniales exercées sur ces structures et du fait que certaines voix se faisaient écarter. Ils ont donné comme exemple les organismes territoriaux politiques[5] (OTP) et les conseils de bande[6], qui ont été créés en partie par la Couronne dans le but spécifique d’entrer en rapport avec les structures coloniales canadiennes. On nous a dit que de telles organisations politiques n’ont pas nécessairement d’autorité au sein des cultures autochtones traditionnelles et qu’on ne devrait pas croire que nos relations avec les OTP, chefs et conseils de bande puissent remplacer les rapports avec les gardiens du savoir traditionnel, aînés et membres de la communauté (dans les réserves et hors réserve).

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Donner voix au chapitre aux communautés autochtones et emprunter ensemble les couloirs du pouvoir

Les participants ont fait part d’un rôle possible que pourraient exercer les  organismes non autochtones de protection des droits de la personne, y compris la CODP, pour faire entendre les voix des communautés autochtones et leurs préoccupations en matière de droits de la personne. Pour certains, la meilleure façon de procéder était d’appuyer les efforts déployés par les communautés autochtones pour défendre les droits de la personne des peuples autochtones, tandis que d’autres réclamaient la création de lieux et de plateformes d’autonomisation au sein des organisations non autochtones (voir la Section 3a pour un complément d’information).

Certaines personnes ont conseillé aux organismes de défense des droits de la personne et autres organisations vouées à la justice de céder complètement la place aux voix et organisations autochtones.

« Quittez l’espace afin que les peuples autochtones puissent exercer leur souveraineté [...] Il s’agit ici d’accepter le transfert complet du contrôle des institutions non autochtones aux institutions et acteurs autochtones [...] Le moment est venu de dire "voici la pratique des droits de la personne des peuples autochtones" doit être entre les mains des personnes autochtones. Les Blancs ne peuvent pas avoir le contrôle. »

Plusieurs interlocuteurs ont aussi mentionné que les organismes de défense des droits de la personne et autres organisations vouées à la justice doivent prendre position comme alliés des peuples autochtones et de leurs défenseurs, afin de soutenir les droits de la personne des peuples autochtones :

« Les organismes de défense des droits de la personne peuvent servir d’intermédiaires auprès de l’État, pour soutenir les défenseurs des droits de la personne des peuples autochtones. Souvent, ces organismes ont plus de légitimité et d’autorité que les défenseurs des droits de la personne des peuples autochtones, et peuvent nous aider à amplifier nos voix et à nous faire entendre [...] Ils ont accès à des personnes qui sont hors de notre portée. » 

Ce rôle possible d’intermédiaire consiste en partie à aider les groupes de défense des personnes autochtones qui sont moins familiers avec le gouvernement et ses institutions traditionnelles, à comprendre comment le gouvernement fonctionne et à emprunter les « couloirs du pouvoir » :

« Si vous [la CODP] comprenez la bureaucratie et savez comment le gouvernement fonctionne et agit, ça serait merveilleux. [Vous] pourriez aider les organisations qui n’ont pas encore complètement compris le système. »

Une autre personne a parlé des difficultés d’accès aux décideurs du gouvernement, en soulignant que la CODP pourrait peut-être jouer un rôle de soutien à ce chapitre :

« Nous réclamons souvent [un changement aux politiques] et puis [le gouvernement] abandonne l’idée à la dernière minute [...] Ne pourrions-nous pas avoir un petit téléphone rouge pour communiquer avec la CODP? [...] Nous devons trouver des façons de mieux collaborer avec les organismes non autochtones de défense des droits de la personne afin qu’en pareille situation de dernière minute nous puissions nous adresser à quelqu’un qui puisse aider. »

« Nous avons besoin d’alliances, de pensée stratégique judicieuse. Il y aura toujours [...] des personnes qui se sentent menacées par les changements au statu quo, qui s’opposeront à l’égalité, de peur de perdre le pouvoir [...] Nous avons besoin que la CODP, les universités et les institutions judiciaires résistent au ressac et nous appuient, car elles le peuvent. »

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2. Perspectives autochtones relatives aux droits de la personne

Une grande partie de la discussion a porté sur diverses perspectives autochtones relatives aux droits de la personne, y compris les points forts et faibles des droits de la personne en tant que cadre d’action, et sur la façon dont le droit, les visions du monde et les constitutions autochtones pourraient se rapporter et contribuer à l’évolution continue des droits de la personne.

a. Au sujet des rapports entre les peuples autochtones, l’État et les lois relatives aux droits de la personne

En s’inspirant des sujets abordés durant la discussion sur la réconciliation, les participants ont souligné l’importance de clarifier la relation des peuples autochtones avec l’État en général, comme point de départ essentiel à la détermination de leur relation avec le système des droits de la personne :

« Avant de réfléchir à la relation qu’entretient la CODP avec les peuples autochtones, nous devons revenir en arrière et songer aux relations avec les peuples autochtones en général. »

« Notre difficulté [plus] fondamentale tient du fait que nous ne nous sommes pas entendus sur la base doctrinale de la relation entre les peuples autochtones et l’État. Ici, nous nous penchons sur les droits de la personne. [Mais nous n’avons pas encore résolu la question] du droit à l’autodétermination [...] Cela soulève d’importants problèmes et défis pour les commissions des droits de la personne. Comment pouvons-nous nous retrouver dans tout ça? Ça ne sera pas facile [...] Nous devons établir le cadre de référence pour le partage du territoire [...] Nous devons commencer par réconcilier la société nation par nation. Une partie ne peut pas établir toutes les règles. Les règles doivent être établies et rédigées en partenariat. »

Pour bon nombre de participants, cela exigeait de créer des organismes de gouvernance autochtones plus représentatifs, qui sont à pied d’égalité avec la Couronne.

Voilà le problème fondamental. Nous n’avons pas de telles organisations pour nous représenter. Nous devons plutôt compter sur leurs organisations, qui ont peu de légitimité politique aux yeux des peuples autochtones. »

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Leçon tirée de la ceinture wampum à deux rangs : « [...] les outils du maître ne détruiront pas la maison du maître. »

Trois points de vue différents ont été mis de l’avant à propos de la relation appropriée à établir entre les peuples autochtones et les lois et organismes relatifs aux droits de la personne. Ces points de vue reflétaient souvent l’opinion des participants à propos de la relation plus générale entre les peuples autochtones et l’État.

Le premier point de vue mettait en lumière l’impossibilité de concilier le droit autochtone traditionnel et les traditions des sociétés libérales occidentales en matière de droits de la personne, et soulignait l’importance de créer des communautés et institutions autochtones autonomes et libres de l’ingérence juridique du colonisateur canadien (y compris son système des droits de la personne) :

« Certains diront qu’on devrait accepter la loi du colonisateur [...] Nous nous méfions de la loi. C’est une histoire que racontent les conquérants pour maintenir les structures de domination. La loi rend illégale l’existence de mon peuple. »

« Si nous songeons à la manière de créer des institutions qui tiennent compte des visions du monde autochtones, nous ne pouvons partir d’un point de vue colonial, c’est-à-dire centré sur les droits. Il faut repartir à zéro. »

De nombreuses personnes ont fait mention de la célèbre maxime de la militante des droits civils et poète noire Audre Lorde (« [...] les outils du maître ne détruiront pas la maison du maître »)[7] :

« On ne peut pas utiliser les outils du maître pour détruire sa maison [...] La Cour suprême du Canada rend des décisions en notre faveur depuis maintenant 20 ans, mais nous parlons encore de [l’exercice de nos] droits de la personne. Il y a quelque chose qui ne fonctionne pas. »

À plusieurs reprises, les participants ont sorti la ceinture wampum à deux rangs[8] et (ou) y ont fait référence pour expliquer la relation appropriée et la façon d’aller de l’avant. En tenant la ceinture bien haut pour que toutes et tous puissent la voir, un interlocuteur a affirmé : « Je veux parler de la ceinture que j’ai apportée » :

« Je présume que la plupart des gens ont entendu parler de cela. On l’appelle Gusweñta. Elle représente sans doute le premier traité signé avec les Européens et Hollandais. Son message est très simple et très profond. Les rangées évoquent deux voies parallèles, celle des peuples autochtones et celle des nouveaux arrivants [...] Les voies parallèles ne se rencontrent pas. Elles se respectent, mais ne se font pas entrave. On ne tente pas de barrer le bateau de l’autre. La Proclamation royale de 1763[9] stipule que les tribus indiennes de l’Amérique du Nord sont des nations; qu’elles sont souveraines sur leur territoire. C’est ça (en pointant la ceinture wampum) qu’elle dit [...] C’est un concept extrêmement important. Je ne crois pas que [bien des gens] comprennent ce que cette relation signifie [...] Le jour viendra où nous serons seuls à diriger nos canots. »

D’ajouter une autre personne avant de décrire les fonctions spécialisées et la répartition des tâches au sein des systèmes de gouvernance autochtones traditionnels fondés sur une structure de clans : « Nous avons déjà nos propres institutions. Nous avons des écoles de droit et des tribunaux judiciaires et administratifs. Ils ne sont pas reconnus selon la doctrine de terra nullius[10] – l’hypothèse selon laquelle les colons remplissaient un espace vacant. »  

« Plutôt que de perdre notre temps à tenter de faire correspondre [le droit/la vision du monde autochtone] à la vision du monde des peuples non autochtones, nous pouvons créer un processus parallèle équivalent pour les peuples autochtones qui cadrerait davantage avec [nos traditions] et serait financé [...] Ce processus parallèle se devrait d’être conçu par les peuples autochtones, et c’est là que nous pouvons prendre le temps de l’élaborer [...] Nous avons du bien bon monde assis à cette table [qui pourrait nous aider à ce chapitre]. »

Beaucoup de personnes qualifiaient de priorité le fait de rebâtir les institutions autochtones sur des bases culturellement autonomes et de recouvrer le savoir traditionnel :

« L’assimilation a fait que nous ne nous connaissons même plus et avons oublié nos lois et nos systèmes de clans. Il est utile d’avoir des droits aux termes de la DNUDPA, mais sans institutions, nous ne pouvons exercer ces droits de façon positive. »

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« Utiliser les outils du maître de façon stratégique » : Combattre la discrimination et la marginalisation au moyen du système des droits de la personne

Un second point de vue général voulait que la participation des peuples autochtones aux lois et institutions occidentales soit une nécessité stratégique. Par exemple, des interlocuteurs ont expliqué l’importance de maintenir des liens avec les systèmes publics et de les rendre responsables de faire respecter les droits de la personne des peuples autochtones :

« Ces systèmes ne seront pas parfaits parce qu’ils ne sont pas le fruit de la pensée autochtone. Mais nous évoluons dans ces systèmes et en avons donc besoin. »

« Je suis une de ces personnes qui croient que les peuples autochtones devraient prendre les outils de l’homme blanc et les utiliser à leur avantage. »

« Si nous pouvons lire et interpréter le livre de l’homme blanc, peut-être pourrons-nous y apporter quelques changements pour aider les gens à composer avec les générations futures. Nous devrions enseigner à notre peuple comment faire cela. » (aîné autochtone)

Les participants se sont longuement demandé si la meilleure façon d’utiliser stratégiquement le système des droits de la personne consistait à « utiliser les institutions actuelles ou à en créer de nouvelles » :

« Y a-t-il une façon de prendre ce qui est utile, y compris le discours fondé sur les droits de la personne, et de l’utiliser pour créer quelque chose qui représente les peuples autochtones? » 

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La troisième voie : restructurer les lois et organismes relatifs aux droits de la personne selon une perspective autochtone

Le troisième point de vue principal ressorti du dialogue rejetait l’idée d’un choix entre les façons de faire traditionnelles autochtones et la conception occidentale des droits de la personne. Les participants proposaient plutôt de créer une approche autochtone distincte et unique en matière de droits de la personne, confiée à des organismes autochtones de défense des droits de la personne. À l’appui de la capacité du droit occidental (y compris les droits de la personne) de tenir compte de formes de droit autochtones, voire d’en adopter, un interlocuteur a rappelé qu’à une époque plus ancienne, les autorités britanniques avaient reconnu certains processus législatifs autochtones :

« La ceinture wampum présentée plus tôt a été offerte au peuple autochtone par la Couronne anglaise. Il s’agissait d’une forme de droit international [...] Cela nous dit que durant les années 1700, le droit autochtone était reconnu et compris par la Couronne anglaise, qui a participé activement à une forme de processus législatif autochtone [...] Si la Couronne anglaise pouvait comprendre le droit autochtone [en tant que forme de droit international] en 1764, et entrer en rapport avec lui, pourquoi ne sont-ils pas capables de le faire aujourd’hui? Il sera donc possible pour le droit relatif aux droits de la personne de prendre aujourd’hui des formes autochtones. En voici la preuve [...] Quelle forme pourrait prendre la relation entre les droits de la personne et les peuples autochtones? Tout est dans la ceinture. »

Cette réflexion a mené à de nouvelles questions pour approfondir le sujet, y compris :

« Comment faire pour créer des lois fondées sur l’amour – en commençant par la confiance, l’amitié et le respect – plutôt que sur une présumée souveraineté? »

« Comment pouvons-nous créer un système qui reconnaît ce qui existe depuis la nuit des temps sans s’embourber dans des systèmes coloniaux ou une perspective des droits de la personne de forme coloniale? »

De conclure une autre personne, « Nous voulons que le jour vienne où les communautés autochtones auront leur propres organismes de défense des droits de la personne. »

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b. Lacunes et limites des approches actuelles en matière de droits de la personne

De nombreuses personnes ont attiré l’attention sur les postulats coloniaux à l’origine des lois relatives aux droits de la personne, et plus particulièrement la présomption de souveraineté de la Couronne :

« Nous devons examiner la construction des droits de la personne. Ces droits n’ont pas uniquement trait à la personne, mais aussi à la souveraineté de la Couronne et au contrôle exercé par la Couronne sur les êtres humains. »

Une autre personne a mis en lumière le manque général de reconnaissance du statut unique des peuples autochtones dans des lois relatives aux droits de la personne du pays, y compris le Code des droits de la personne de l’Ontario :

« Notre peuple doit s’en tenir au principe d’égalité dans la différence. Nous devons maintenir nos principes [...] Nous devons comprendre que les droits de la personne des peuples autochtones vont au-delà des droits des personnes non autochtones. C’est alors que le système non autochtone pourra commencer à appuyer nos systèmes communautaires [autochtones]. »

La philosophie libérale occidentale des droits de la personne s’articule principalement autour des droits des personnes en regard de l’État. Par conséquent, le paradigme libéral occidental de protection des droits a eu tendance à négliger les obligations positives en matière de droits (p. ex. l’obligation de l’État de promouvoir l’égalité plutôt que d’uniquement protéger les personnes contre la discrimination), ainsi que les responsabilités et droits collectifs :

« Mon propre travail a porté sur l’examen des droits, comme on les conçoit de façon relationnelle, de manière à transcender leur caractère individuel. La meilleure approche relationnelle en matière de droits demeure différente, cependant, que le fait de débuter par la responsabilité. Le terme "responsabilité" est un mot plus actif visant à protéger les gens des abus de pouvoir. »

« Les responsabilités se prennent envers la collectivité [tandis que] les droits de la personne reflètent la façon individualiste occidentale. »

« Au lieu de parler d’intimés dans le contexte du système des droits de la personne, parlez de "détenteurs d’obligations" [...] C’est une petite modification qui peut apporter un grand changement. »

À ce chapitre, une des recommandations clés proposait d’insister davantage sur les responsabilités et droits collectifs dans les lois et politiques canadiennes relatives aux droits de la personne, en s’inspirant de la DNUDPA[11]. Les participants ont aussi sommé les organismes de défense des droits de la personne de sensibiliser davantage les membres du public aux droits collectifs au moyen de l’éducation publique.

« Les [membres du gouvernement et du public] ne peuvent pas comprendre comment fonctionnent les droits collectifs, comment les personnes existent au sein de ce collectif, comment elles peuvent revendiquer des droits collectifs et comment ces droits ne font pas opposition aux droits individuels. Les commissions des droits de la personne pourraient peut-être aider le gouvernement à le comprendre; à comprendre que ces droits ne s’opposent pas aux droits individuels. Ils ont de la difficulté avec ça, au-delà des questions de chasse et de pêche. [Leur vision] est tellement individualiste [...] C’est donc le type d’alliance que les commissions pourraient nouer. »

Nous avons également entendu des critiques à l’endroit de la nature réactionnaire de l’application des droits de la personne. Des personnes ont insisté sur l’importance de veiller à ce que le système des droits de la personne renforce sa capacité de composer de façon proactive avec les questions systémiques relatives aux droits de la personne. Une des recommandations formulées réclamait la création d’un volet et d’un processus distincts pour le traitement des requêtes relatives aux violations systémiques des droits de la personne : 

« J’aimerais juste réitérer une des recommandations faites par les groupes de femmes autochtones. C’est aussi un thème abordé par la [Fédération des centres d’amitié autochtones de l’Ontario] à propos [du Centre d’assistance juridique en matière de droits de la personne]. Nous avons besoin d’un système de traitement des plaintes pour violations systémiques des droits [...] Nous avons vu que [le système actuel] est si limité, si antagoniste. »

Les participants ont encouragé la CODP à intervenir de façon proactive dans certaines affaires afin d’éliminer les obstacles organisationnels systémiques, et plus particulièrement les obstacles qui puisent leurs sources dans des politiques. Comme le disait une personne, « si vous êtes capables d’intervenir, faites également en sorte qu’on change les politiques ». Cette personne a également encouragé la CODP à aider les membres du public à comprendre pourquoi il est si essentiel d’apporter des changements systémiques, aux termes de son mandat d’éducation.  

« La CODP pourrait aider en utilisant son mandat d’éducation pour raconter comment l’apport de changements aux [politiques] pourrait atténuer les préjudices. Commencez au tout début, par [le problème]. Expliquez quels changements devraient être apportés sur le terrain et fournissez des mesures de changement afin que les personnes qui ne sont pas des avocats puissent voir et reconnaître les changements, lorsqu’ils se produisent. »

Des personnes soutenaient qu’on pourrait dissiper une part du cynisme qui règne à propos de l’utilité de la loi en tant qu’instrument de changement en rendant compte du travail effectué et des progrès accomplis :

« Les gens se méfient de la loi, mais ils pourraient comprendre le lien aux parties de leur vie qui importent si on les informait du travail effectué et des progrès accomplis. »

Plusieurs personnes ont aussi recommandé que la CODP utilise ses pouvoirs d’enquête aux termes du Code pour cerner et exposer les violations systémiques des droits de la personne des peuples autochtones. Elles nous ont aussi encouragés à exercer nos pouvoirs pour déposer des requêtes relatives aux droits de la personne et intervenir dans de telles requêtes, si celles-ci comportaient des dimensions systémiques :

« Nous [la CCDP et la CODP] avons le pouvoir de déposer des requêtes. Comment pouvons-nous nous charger d’affaires de discrimination systémique plus complexes? Il y a encre tellement à faire en réponse à la Commission de vérité et réconciliation du Canada [Rapport final et appels à l’action]. »

Les gens avaient aussi le sentiment que le peu de protection accordé aux droits relatifs à la langue, à la culture et au territoire, et aux besoins fondamentaux comme l’accès au logement et à l’eau par les lois canadiennes relatives aux droits de la personne constituait une importante lacune :

« Les violations des droits ne se limitent pas à la prestation inadéquate ou inexistante de services. Elles ont plus fondamentalement trait aux droits à la culture et à la sécurité, lesquels sous-tendent ces autres droits. »

« Le mandat du Code des droits de la personne – ce qu’on conçoit actuellement comme les droits de la personne – est trop étroit. Les droits au logement, à la nourriture et à ne pas devoir quitter le domicile [pour obtenir des services ou autres] sont très importants [mais ne sont pas actuellement couverts par le Code]. »

De nombreux interlocuteurs ont demandé l’expansion des cadres juridiques des droits de la personne pour mieux composer avec ces questions, y compris en intégrant davantage la DNUDPA et les droits des peuples autochtones garantis par l’article 35 de la Constitution dans les lois provinciales et fédérales relatives aux droits de la personne.  

Les critiques à l’endroit des lois canadiennes relatives aux droits de la personne allaient au-delà de leur contenu, pour inclure aussi leurs formes. « La façon dont la loi est conçue nous empêche de faire ce qu’il se doit », soutenait une personne. « La loi  est une construction, comme l’économie. La forme qu’elle doit prendre est une construction. » La même personne a donné comme exemple un tambour peint par un artiste anishnawbe et conservé à l’heure actuelle dans un musée. Le tambour comporte des inscriptions significatives sur le plan juridique qui transmettent et reflètent le droit autochtone :

« Les gens ne voient pas la dimension juridique du tambour [...] Personne ne voit qu’il s’agit d’un traité. Le droit occidental est si puissant que personne n’a à le voir. Le tambour apparaît comme un artefact plutôt qu’un traité qui équivaut à un texte de loi britannique. »

De ce point de vue, toute tentative de conciliation des droits de la personne de construction libérale occidentale avec les traditions juridiques autochtones devra prendre en compte et respecter ces différences fondamentales, sur le plan non seulement des formes que prennent les lois, mais aussi des épistémologies et visions du monde.

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c. Au sujet des approches traditionnelles autochtones en matière de droits de la personne

Les qualités distinctes d’une approche autochtone en matière de droits de la personne et aux lois ont été longuement abordées de façon plus générale. Les participants ont régulièrement mentionné le rôle clé de la spiritualité, sur laquelle repose le droit autochtone :

« Peut-on repenser les droits de la personne selon une perspective non occidentale qui n’a pas pour principe fondateur la dignité, mais bien la spiritualité et ce que signifie le fait d’être humain? »

« Je veux simplement me rappeler et rappeler aux autres ici présents que nous sommes des êtres humains spirituels. Nous avons cette merveilleuse histoire du récit de la Création. C’est là que les droits de la personne s’installent dans nos grands esprits et dans tous nos beaux corps. L’esprit est la partie la plus importante de notre être. »

On nous a dit que la spiritualité jouait un rôle critique lorsqu’il s’agissait d’assurer le respect des droits d’autrui et d’aider à promouvoir la justice et la paix par la base :

« Nos lois font partie de nous, de nos façons de faire. Nous en arrivons à notre Grande loi par la pratique spirituelle qui nous est transmise et qui ouvre notre cœur et notre esprit [...] Tant de personnes ont perdu ces pratiques. Nous devons commencer par la façon de s’adonner aux pratiques, par l’intention, afin que nos lois soient incarnées comme il se doit. »

En même temps, cette personne reconnaissait l’avantage d’enchâsser les droits dans la loi, étant donné que « beaucoup de groupes de la société [...] ne reconnaissent pas les avantages mutuels du fait de cheminer ensemble et ne s’intéressent pas à la spiritualité. Dans ce cas, nous devons légiférer en matière de droits. »

Certaines personnes ont mis en opposition la tendance du droit libéral occidental à privilégier les règles normatives et sanctions négatives, à l’approche autochtone plus globale et positive, axée sur les valeurs :

« Dans notre langue wikwemikong, le mot utilisé pour parler des droits de la personne – Gichi dibaakonegewin tamajawich – signifie vivre bien, mener une bonne vie. C’est le droit de tous les êtres humains. C’est sur cela que les règles de la société devraient porter. Les jeunes profitent-ils de la vie? Ont-ils espoir en l’avenir? »

La même personne a décrit une peinture de Roy Thomas (intitulée Loi indienne) qui représente la loi et les enseignements autochtones sous forme de panorama. Elle en explique le symbolisme :

« Les pins sont droits et grands. Ils représentent l’honnêteté. Le môle rocailleux représente la force et la persévérance. L’herbe est douce. Elle représente la bonté et l’amour. L’orignal représente le partage, étant donné que le peuple anishnawbe dépend de lui pour son alimentation. Cette peinture présente quatre des sept enseignements du Grand-père, dans une même image. Ces enseignements nous disent comment nous devrions nous conduire. Le droit criminel canadien nous dit comment NE PAS nous conduire. Lorsque nos membres ne se comportent pas bien, nous disait un aîné, nous tentons de leur apprendre quelle est la bonne façon de se comporter. »

Une autre personne a parlé de la forme que pourrait prendre une approche autochtone en matière de droits de la personne :

« L’amour est un des enseignements. Imaginez qu’on crée une loi sur la façon de susciter l’amour, plutôt que des lois normatives du genre "ne faites pas ceci ou cela". »

Tout au long du dialogue, beaucoup de place a été accordée à l’importance d’adopter une approche législative axée sur les valeurs :

« Comment pouvons-nous commencer à parler des valeurs qui nous façonnent et qui ont un sens, de la façon de mener une bonne vie? »

« Si vous consultez la constitution des Inuits du Labrador inscrite dans la loi constitutionnelle du Nunatsiavut, vous verrez un exemple de l’application d’une approche axée sur les valeurs plutôt que sur les règles. Je pense qu’il s’agit d’une approche prometteuse [...] C’est un méli-mélo de valeurs appliquées à des faits précis qui promet, par opposition à l’analyse technique mot pour mot. »

Un autre interlocuteur a parlé de l’exemple d’approche législative fondée sur des principes qu’offrait l’Union of Ontario Indians :

« L’Union of Ontario Indians a élaboré un modèle constitutionnel et les communautés membres devaient créer leurs propres constitutions à portée locale. La valeur principale est la souveraineté que le Créateur nous a donnée en vue de gérer nos propres affaires et de nous gouverner nous-mêmes [...] [Le modèle] aborde les sept valeurs fondamentales des peuples autochtones (amour, courage, respect, sagesse, vérité, honnêteté, humilité) et permet aux personnes de les étoffer au sein de leur communauté [...] Je crois que ces [valeurs] couvrent tout ce qui se trouve dans quelconque Code des droits de la personne. »

Le fait d’insister davantage sur les relations et les responsabilités envers la collectivité était un autre thème courant.

« Parlons des relations – les relations autochtones, les relations établies par traité et pas les droits, qui sont un concept philosophique européen particulier. Les principes façonnent les relations [...] Il faut renverser l’ordre. La clé réside dans l’adoption d’une approche fondée sur les valeurs, puis viennent les responsabilités et ensuite les droits. »

« Le droit anishinabek ne mentionne rien à propos des droits, seulement des rôles et des responsabilités envers toutes nos relations. »

« La Cour suprême du Canada parle des droits des peuples autochtones par rapport aux Anglais et aux Français. Cela m’a toujours rendue perplexe. Je n’ai jamais entendu quelqu’un s’exprimant dans l’ancienne langue parler de "droits". Quand je parle de droits, je parle de relations, de relations établies par traité. Certaines personnes n’ont jamais entendu parler du concept de droits. Ce sont les responsabilités. »

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3. La DNUDPA et la contribution des peuples autochtones à l’évolution des droits de la personne

Parmi les sujets les plus populaires du dialogue figuraient le rôle et les effets considérables de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA) lorsqu’il s’agit de comprendre les droits de la personne des peuples autochtones en Ontario, au Canada et ailleurs dans le monde.

a. Historique et contexte de la DNUDPA

Dans le cadre d’une allocution publique, S. James Anaya a présenté l’important contexte historique de l’élaboration de la DNUDPA.

L’Assemblé générale des Nations Unies  a adopté la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA) le 13 septembre 2007. La DNUDPA offre un cadre d’évaluation des droits de la personne des peuples autochtones qui est reconnu à l’échelle internationale[12] et établit « les normes minimales nécessaires à la survie, à la dignité et au bien-être des peuples autochtones du monde[13] ». La DNUDPA protège à la fois les droits individuels et collectifs des peuples autochtones, y compris en ce qui a trait aux questions de territoire, de culture, d’identité, de religion, de langue, de santé, d’éducation, de gouvernance et de communauté. Malgré le fait que le Canada était à l’origine l’un de quatre pays (avec les États-Unis, l’Australie et la Nouvelle-Zélande) à voter contre l’adoption de la DNUDPA en 2007, le Canada a émis en novembre 2010 un énoncé de soutien envers les principes de la DNUDPA puis, en mai 2016, la ministre des Affaires autochtones et du Nord a annoncé que le Canada appuyait dorénavant la DNUDPA sans réserve. Pour en connaître davantage sur l’histoire et l’élaboration de la DNUDPA en collaboration avec les peuples autochtones du monde entier, voir ce survol historique.

Comme l’a décrit S. James Anaya, ce qui n’était au début qu’un dialogue entre les cinq membres d’un groupe de travail (« un sous-comité d’un sous-comité ») s’est graduellement élargi pour prendre deux décennies plus tard la forme d’une conversation beaucoup plus vaste et approfondie, à laquelle participaient à certains moments plus de 2 000 personnes. Selon S. James Anaya, cet exercice profondément inclusif s’est soldé par l’élaboration d’une déclaration qui reflétait grandement le vécu et les perspectives des peuples autochtones :

« Le processus d’élaboration de la DNUDPA a transformé si fondamentalement les outils [...] de récits de violations des droits de la personne, nous avons dégagé des principes et des normes pour l’avenir. »

Le 21 février 2108, la CODP a présenté Indigenous people and human rights: a dialogue with James Anaya, en partenariat avec la faculté de droit de l’Université de Toronto. James Anaya est le doyen de la faculté de droit de l’Université du Colorado et l’ancien rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

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b. Postulats de base et notions clés servant à comprendre la DNUDPA et la contribution des peuples autochtones à l’évolution plus générale des droits de la personne

S. James Anaya croyait en l’habilité du discours relatif aux droits de la personne de tenir compte d’une variété d’interprétations et de visions du monde concomitantes[14]. Il a mis en lumière la contribution distincte des peuples autochtones à l’interprétation et à l’évolution des droits de la personne, dont les 46 articles de la DNUDPA, qu’il a regroupés selon cinq catégories de droits :

  • le droit à l’égalité
  • le droit à l’autodétermination et à la participation à la vie politique
  • les droits à l’intégrité culturelle, laquelle inclut la langue, la culture et la tradition spirituelle
  • le droit à la terre et à la propriété
  • les droits à la justice économique et sociale.

Il a montré comment les droits déclarés de chacun de ces domaines ont élargi les interprétations et cadres traditionnels relatifs aux droits de la personne afin qu’ils tiennent mieux compte des responsabilités et droits collectifs et reconnaissent davantage la souveraineté des peuples autochtones au sein des États[15]. Selon un participant, les délais rencontrés lors de l’élaboration et de l’adoption de la DNUDPA étaient précisément dus à ces différences sur le plan de la portée et de l’interprétation, ainsi qu’à la peur de leurs répercussions sur le plan politique[16].

Lorsqu’on lui a demandé si les droits de la personne constituaient le meilleur cadre de structuration des relations des communautés autochtones avec l’État, S. James Anaya a décrit l’évolution de sa propre pensée :

« Oui [les droits de la personne constituent le meilleur cadre d’action] parce qu’il s’agit du seul mécanisme dont nous disposons pour mettre en application ces valeurs fondamentales. Mes travaux précédents s’en sont pris au discours sur les droits.  Je ne fais plus ça. Je n’ai pas trouvé cela utile. Ça n’a mené à rien sur le plan pratique. »

De nombreuses personnes ont réitéré de façon similaire la valeur stratégique de la DNUDPA, non seulement en tant qu’instrument relatif aux droits de la personne, mais également en tant que « cadre de décolonisation des relations entre les peuples autochtones et l’État » et de promotion de la réconciliation de façon plus générale :

« La DNUDPA commence par reconnaître que nous sommes des peuples égaux aux autres peuples, mais uniques [...] La reconnaissance des droits énoncés dans la DNUDPA accroîtra les relations harmonieuses des peuples autochtones avec l’État. Elle aidera à relancer ces relations sur des bases plus démocratiques et justes, plutôt que colonialistes. La DNUDPA est nécessaire au passage d’une relation coloniale à une relation où nous, les peuples autochtones, choisissons notre propre avenir (c’est-à-dire autodétermination). »

« Je me casse la tête depuis deux ans à tenter de déterminer comment nous allons pouvoir unir tous les peuples autochtones. Je pense que nous pouvons tous nous rallier à la DNUDPA et l’appuyer. »

Dans sa présentation, S. James Anaya clarifiait le fait que la DNUDPA ne confère aucun nouveau droit ou droit additionnel ou spécial, et qu’elle doit plutôt être interprétée comme un approfondissement des lois, normes et obligations internationales relatives aux droits de la personne existantes, telles que les énoncent la DUDPH et les autres pactes et instruments de droits de la personne juridiquement contraignants, y compris le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC)[17]. La DNUDPA a de nouveau l’unique fait de placer les droits existants dans le contexte autochtone, comme l’ont affirmé à plusieurs reprises les participants au dialogue.

« En ce qui a trait au projet de loi C-262 et à la DNUDPA, j’aimerais clarifier le fait que le projet de loi repose sur la DNUDPA et ne crée pas de nouvelle législation. Les droits énoncés dans la DNUDPA sont des droits intrinsèques qui existent parce que nous existons en tant que peuples autochtones [...] Les gens ont tendance à ne pas remarquer que l’article 2(2) du projet de loi[18] affirme que la législation canadienne applique déjà la DNUDPA, tandis que l’article 3[19] confirme que la DNUDPA est instrument relatif aux droits de la personne qui trouve application dans la législation canadienne. La Cour suprême du Canada a déjà indiqué que les déclarations et documents internationaux relatifs aux droits de la personne constituent des sources et des instruments pertinents et convaincants pour l’interprétation des lois du pays[20]. »

– L’hon. Romeo Saganash, député

Plusieurs interlocuteurs ont poursuivi en indiquant que la DNUDPA constituait une « norme de référence » pour l’interprétation et l’évolution des lois relatives aux droits de la personne, en ce qu’elles s’appliquent aux peuples autochtones. Selon un interlocuteur :

« La législation nationale devrait être interprétée à la lumière de la DNUDPA. Je ne sais pas si cela nécessite de modifier les lois canadiennes relatives aux droits de la personne ou si cette interprétation est possible dans les limites des cadres existants. [Quoi qu’il en soit] la DNUDPA devrait servir de cadre d’action gouvernementale. »

Des discussions considérables ont eu lieu pour déterminer si la DNUDPA devrait être perçue comme un vaste éventail de valeurs directrices et (ou) de règles normatives, et appliquée ainsi :

« Je voulais brièvement parler de la façon d’interpréter la DNUDPA au Canada. Pour moi, ce n’est pas compliqué. Les gens pensent qu’il s’agit de règles précises à appliquer. La DNUDPA concerne les relations des gens – de l’État et des personnes autochtones [...] Il faut y voir un méli-mélo de valeurs et l’appliquer ainsi à un contexte particulier plutôt que de s’arrêter à des dispositions et mots particuliers [...] Les droits de la personne sont tous interdépendants. C’est un problème si les gens y voient des règles strictes [...] Il faut voir l’idée derrière les mots. Il faut équilibrer tout ça, comprendre la relation entre toutes ces normes et veiller à ce que les États établissent des relations pratiques, valables et saines avec les personnes autochtones. » 

« Les mots ne sont pas tout. L’esprit et l’intention de la DNUDPA sont des dimensions importantes. »

Pour un participant, la DNUDPA ne constituait pas un ensemble de droits que doit garantir la législation canadienne, mais un ensemble de valeurs servant à orienter les approches en matière de droit canadien pour veiller à l’application cohérente de son esprit et de son intention.

« Le droit international relatif aux droits de la personne n’est pas statique. Ce n’est pas la DNUDPA qu’il faut inscrire dans le droit canadien, mais le [droit canadien] qui devrait maintenir le dialogue avec les droits énoncés dans la DNUDPA. »

Cependant, cette approche ne convenait pas à tout le monde. Par exemple, une personne soutenait qu’il fallait voir en la DNUDPA « un ensemble de droits à mettre  exécution » plutôt qu’un simple ensemble de valeurs ou de normes à prendre en compte ou vers lesquelles tendre, en soulignant le statut juridique et l’effet de la  DNUDPA au pays. D’autres personnes semblaient soutenir en même temps les deux points de vue (c’est-à-dire voir en la DNUDPA à la fois un ensemble de droits légaux à mettre à exécution et un vaste ensemble de valeurs directrices). Selon elles, rien n’empêchait un énoncé de principes ou de valeurs d’avoir force de loi, compte tenu du fait qu’un droit peut être revendiqué par une détentrice ou un détenteur de droits, et mis à exécution par un tribunal canadien ou international.

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c. Défis relatifs à la DNUDPA

Les principaux défis soulevés relativement à la DNUDPA touchaient principalement sa mise en œuvre, y compris sa mise en œuvre inégale par les différentes administrations du pays. Diverses personnes ont souligné l’incapacité du Canada et de ces provinces jusqu’à présent à mettre la DNUDPA en œuvre de façon adéquate et efficace :

« J’ai appris que les lois internationales relatives aux droits de la personne dorlotaient vraiment les peuples autochtones et défendaient leurs intérêts. Cependant, les gouvernements [y voient] souvent que des mots et s’efforcent peu d’aller au-delà des fondements et approches de terra nullius[21]. »

Des participants s’interrogeaient également à propos des répercussions de la DNUDPA sur les droits issus de traités enchâssés dans la Constitution canadienne. Par exemple, une interlocutrice a souligné l’applicabilité de la DNUDPA à l’ensemble des Premières Nations et peuples inuits et métis du Canada, sans égard à l’existence de droits issus de traités reconnus, compte tenu du statut fondamental et inaliénable des droits de la personne. Cependant, une autre personne craignait que cela puisse donner aux droits issus de traités existants une dimension relative ou strictement canadienne. De clarifier S. James Anaya : « Les droits issus de traités demeurent des droits liés aux droits reconnus à l’échelle internationale. La DNUDPA assure – ou devrait uniquement assurer – la protection et le maintien de tels droits. » Il a également reconnu que la DNUDPA pourrait conférer des droits à des personnes autochtones qui ne sont pas visées par les traités.

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d. Soutien à la mise en œuvre de la DNUDPA

Vers une réforme des lois et règlements : reconnaître le statut unique des  peuples autochtones dans les lois canadiennes relatives aux droits de la personne

Les participants ont formulé de nombreuses recommandations au sujet de ce que S. James Anaya a qualifié de « défi de la mise en œuvre ». Ils appuyaient en général la réforme des lois et règlements, en coopération avec les peuples autochtones, afin d’aligner les lois du pays sur les normes de la DNUDPA et de créer un cadre de responsabilisation connexe :

« Tout le monde s’est rallié à la DNUDPA en tant que puissant cadre de droits autochtones offrant un complément aux mesures déjà en place. La DNUDPA devrait servir de cadre d’action gouvernementale [...] Les organismes de défense des droits de la personne devraient faire la promotion des droits qu’elle énonce et veiller à ce que le droit international relatif aux droits de la personne et la DNUDPA aient un rôle à jouer [au pays]. [Ils] devraient utiliser la DNUDPA pour interpréter les lois du pays. »

Beaucoup de personnes ont insisté sur l’importance critique d’inscrire au Code le statut unique des peuples autochtones en tant que peuples « égaux, mais différents » des autres groupes protégés, en raison de leur statut constitutionnel unique de premiers peuples :

« Il importe de comprendre que les peuples autochtones ont des droits de la personne plus vastes que les personnes non autochtones. »

Les participants ont parlé de la possibilité de faire plus explicitement référence à la DNUDPA dans le Code des droits de la personne de l’Ontario, à la façon de la disposition interprétative figurant dans la Loi canadienne sur les droits de la personne (2008, ch. 30, art. 1.2)[22]. De demander une personne : « Voudrions-nous y ajouter une clause interprétative sur la DNUDPA? »

À l’heure actuelle, le Code protège l’identité autochtone contre la discrimination fondée sur l’ascendance, la race, la couleur, l’origine ethnique, le lieu d’origine, la citoyenneté et la croyance. Les participants ont soulevé la possibilité d’inscrire au Code un nouveau motif, portant spécifiquement sur l’identité autochtone :

« Aucun des 17 motifs protégés par le Code n’englobe l’expérience autochtone. Le langage de la DNUDPA pourrait peut-être être intégré au Code. » 

Certaines personnes se demandaient s’il était nécessaire de reconnaître explicitement le statut autochtone et la DNUDPA, ou si les obligations juridiques existantes du Code n’y faisaient pas implicitement référence. Comme l’indiquait une personne : « Je ne sais pas si cela exige qu’on modifie le Code, ou si tout ça n’est pas déjà sous-entendu dans les cadres existants. »

Néanmoins, les participants s’entendaient généralement sur l’importance pour la CODP et les autres organismes gouvernementaux et de droits de la personne d’asseoir solidement le travail de promotion des droits de la personne des peuples autochtones sur les normes et principes de la DNUDPA : 

« La DNUDPA est un très bon document de référence sur lequel fonder la planification stratégique et la façon d’aborder les choses à la CODP [...] C’est un document bien fait reposant sur un très bon raisonnement. Il établit le seuil de ce qui peut être fait. Il est le résultatde consultations et de collaborations très exhaustives. »

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Surveiller la mise en œuvre de la DNUDPA au Canada

Des interlocuteurs ont également insisté sur l’importance critique d’utiliser la DNUDPA comme outil de surveillance des lois, politiques et pratiques mises en œuvre :

« Ce ne sont pas seulement ces lois [qui sont importantes et qu’on doit surveiller], mais aussi la façon dont les gens sur le terrain mettent en œuvre ces lois et politiques. »

Selon les participants, le manque de données de qualité servant à mesurer les résultats obtenus par les peuples autochtones au sein de nombreux organismes clés comptait parmi obstacles importants à la surveillance efficace de la mise en œuvre de la DNUDPA. Sans ce genre de données de suivi des résultats obtenus au sein d’une variété d’organismes, les gens disaient qu’il était difficile de cerner la nature, la portée et l’étendu des obstacles auxquels se heurtaient les peuples autochtones, et de jauger les progrès effectuer par la société sur le plan de la promotion des droits et du bien-être des peuples autochtones :

« Nous avons besoin de données pour mesurer le changement. La politique obtient-elle le résultat voulu? Comment peut-on quantifier toute l’ampleur du problème sur le plan des services prodigués par le gouvernement si nous ne disposons pas de données? [...] En Ontario, la langue constitue l’une des difficultés. Le Nunavut, plus précisément, a négocié le droit d’accéder à la langue en Inuktun [...] En autre, la CODP pourrait évaluer le nombre d’enfants qui gagneraient à obtenir des services dans leur propre langue. Je pense qu’il est très utile de quantifier le problème [...] [C’est] un problème pluri-gouvernemental, mais personne n’agit. Avec de meilleurs renseignements, nous pourrions mettre au point de meilleures solutions.  »

Des participants soutenaient que le manque de telles données compliquait l’évaluation de l’effet et du succès des interventions actuelles visant à améliorer la vie des peuples autochtones et les services qu’ils reçoivent. Cela compliquait aussi le travail d’établissement de la confiance et de responsabilisation des parties en vue d’apporter un changement tangible et significatif. 

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Appel à la création d’une commission des droits de la personne des peuples autochtones

Will David, conseiller principal chez Inuit Tapirit Kanatami (ITK), a présenté un énoncé de position de l’ITK[23] réclamant la création d’une nouvelle « Commission des droits des personnes autochtones. » Cet organisme aurait pour mandat et fonction d’assurer l’harmonisation des lois du pays, de les rendre conformes à la DNUDPA et de promouvoir et protéger les droits de la personne des peuples autochtones, y compris :

  • en surveillant la conformité des activités de compétence fédérale (et provinciale et territoriale, éventuellement) et en favorisant et évaluant la mise en œuvre de la DNUDPA à l’échelle nationale;
  • en offrant une expertise, des conseils, de l’assistance et du soutien aux différentes administrations, y compris les administrations infranationales, qui pourraient manquer d’expertise sur les droits de la personne des peuples autochtones et la DNUDPA.

Will David a expliqué en partie la raison d’être de cet appel à la création d’une nouvelle commission indépendante dirigée par les peuples autochtones :

« Les ministères gouvernementaux ont des motifs puissants de juger leur conduite adéquate même lorsqu’elle ne l’est pas. »

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Intervention de l’hon. Romeo Saganash, député, à propos du projet de loi C-262 et de l’élaboration de la Loi visant à assurer l’harmonie des lois fédérales avec la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (Loi relative à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones)

L’hon. député Romeo Saganash s’est prononcé sur le dépôt de son projet de loi C-262 d’initiative parlementaire, la Loi visant à assurer l’harmonie des lois fédérales avec la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (Loi relative à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones), qui a été adopté officiellement par le gouvernement du Canada le 31 mai 2018. Il a débuté en racontant une partie de l’histoire qu’il l’avait poussé à déposer ce projet de loi :

« Je siège à la Chambre des communes du Parlement depuis maintenant six ans. Je quitterai la chambre dans deux ans. Je veux m’assurer de laisser quelque chose derrière quand je quitterai. Le projet de loi C-262 est ce quelque chose. Il détermine qui je suis en tant que personne. Le cri est la première langue que j’ai parlée, avant d’aller au pensionnat. Quand je suis sorti du pensionnat, je me suis donné comme objectif de faire deux choses. Je voulais retourner dans le bois, ce que j’ai fait pendant quelques années. Je voulais aussi me réconcilier avec les gens qui m’avaient enfermé pendant 10 ans. Ce processus a pris 23 ans, ce qui comprend le temps passé à Genève pour adopter la DNUDPA. Le dépôt du projet de loi C-262 me permet donc de boucler la boucle et de revenir de l’ONU au Canada. »

Romeo Saganash a qualifié le projet de loi C-262 de « premier texte législatif de l’histoire de ce pays à rejeter explicitement le colonialisme. » Il a également dit qu’il tenait compte des appels à l’action nos 43 et 44 de la CVR[24] :

« On adopte des mesures par voie législative et on les met en œuvre par des politiques et programmes. C’est pourquoi la Commission de vérité et réconciliation [appel à l’action no 43] utilise les deux termes : adopter et mettre en œuvre. »

Selon le député, la Loi de 2018 relative à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones fait justement cela, à l’échelon national. Elle adopte officiellement la DNUDPA à titre d’ instrument universel garantissant les droits internationaux de la personne et trouvant application au Canada » (art. 3 et Préambule) et « prend toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que les lois fédérales soient compatibles avec la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones » (art. 4), « en consultation et en coopération avec les peuples autochtones du Canada. » Elle exige aussi que le gouvernement du Canada, « en consultation et en coopération avec les peuples autochtones, élabore et [mette] en œuvre un plan d’action national afin d’atteindre les objectifs énoncés dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones » (art. 5, surlignage ajouté) et qu’il « [remette] à chaque chambre du Parlement un rapport sur |la mise en œuvre des mesures [...] pendant la période écoulée » dans les soixante jours suivant le 1er avril de chaque année jusqu’en 2037 (art. 6).

« Le projet de loi C-262 nous aidera à clarifier bon nombre de questions », a déclaré Roméo Saganash à propos de la valeur et de l’importance générales de la nouvelle loi, « étant donné que le Canada s’est opposé aux droits de la personne des peuples autochtones pendant les dernières 150 années ». Le député a mis en lumière certaines des répercussions plus vastes du projet de loi C-262 en ce qui a trait à la compréhension des droits de la personne des peuples autochtones au Canada à partir de maintenant :

« Je pense que cette loi nous aidera à éviter de nombreuses difficultés dans l’avenir. Nous ne nous sommes jamais vraiment entendus sur la nature des droits de la personne des peuples autochtones dans ce pays. Ces droits incluent-ils mon droit de parler le cri, de poser des questions en cri et de faire des présentations en cri? »

Roméo Saganash a laissé entendre que l’adoption de la Loi relative à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones appuiera la reformulation des  « droits autochtones », tels que qualifiés à l’article 35 de la Constitution, pour en faire désormais des droits de la personne fondamentaux assujettis aux normes internationales sur les droits de la personne énoncées dans la DNUDPA.

Les participants ont dit espérer que la DNUDPA puisse aider à établir au Canada un ordre juridique plus juste qui répare les injustices des régimes juridiques actuels, y compris la Loi sur les indiens[25].

Les gens ont insisté sur l’importance critique d’« élaborer conjointement » des plans d’action sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, en partenariat étroit et égal avec les peuples autochtones, qui serviront de modèle des nouvelles relations décolonisées. Selon les interlocuteurs, il était également important que les provinces et territoires contribuent aux efforts déployés en collaborant avec les peuples autochtones et autorités fédérales à l’élaboration, à la mise en œuvre et à la surveillance de leurs propres plans d’alignement de leurs politiques, lois et mesures sur la DNUDPA. Par exemple, une personne a affirmé :

« Il n’est pas suffisant de mettre en œuvre [la DNUDPA] au fédéral sans la coopération des provinces. [Cela provient du fait qu’] au Canada, beaucoup d’interactions entre les gouvernements fédéral et provinciaux ont un impact profond sur [notre peuple]. »

S. James Anaya et d’autres personnes présentes au dialogue ont également souligné le besoin d’accroître la connaissance et la compréhension de la DNUDPA parmi les représentants gouvernementaux de tous les secteurs de la société. Ce travail de sensibilisation devrait comprendre une orientation interprétative concrète sur la façon de mettre en œuvre la DNUDPA dans chacun de leurs secteurs respectifs.

Selon une personne, il était nécessaire d’élaborer un « cadre de reconnaissance des droits » qui « fournirait une marche à suivre pour la mise en œuvre [...] Il importe de sensibiliser les parties non seulement avec le contenu de la DNUDPA, mais également avec son fonctionnement prévu et ses mécanismes de mise en œuvre. » Un autre interlocuteur a fait remarquer que cela exigeait de « promouvoir la recherche et les outils de mise en œuvre associés à la DNUDPA ».

S. James Anaya et d’autres personnes ont aussi mis en lumière l’importance de sensibiliser la population aux droits de la personne des peuples autochtones et d’accroître son soutien et son empathie envers ces droits. Selon eux, il était nécessaire de créer des campagnes d’éducation publique pour aider à éliminer les stéréotypes et les mythes touchant les peuples autochtones, favoriser la coopération et assurer le respect et la pérennisation de la DNUDPA. Selon S. James Anaya, pour aider à façonner l’opinion publique, « nous devons également être en position d’exercer une influence sur les décisions [...] Nous devons accroître notre visibilité en tant que journalistes et autres, au sein des médias de masse. »

Plusieurs personnes ont recommandé que la CODP assume le rôle d’aider les élaborateurs de politiques et décideurs locaux à comprendre le sens et les applications de la DNUDPA dans leurs domaines :

« Comment faire en sorte que la DNUDPA trouve application dans le Code? Cela constitue déjà un principe établi, qui a été réaffirmé par la Cour d’appel fédérale quand la CCDP a utilisé la DNUDPA dans l’affaire sur le bien-être de l’enfance[26]. Ce qui me préoccupe cependant, c’est quand les peuples autochtones sont obligés de faire valoir leurs droits [aux termes de la DNUDPA], et que les avocats et les juges ne connaissent pas bien le droit international. Ce n’est pas une bonne conversation à avoir, et cela a eu des conséquences désastreuses dans certaines causes devant les tribunaux. La CODP pourrait s’employer à sensibiliser toutes les parties. Elle a l’expertise et une grande crédibilité. [La CODP] pourrait constituer un espace neutre donnant vie à la DNUDPA et démystifiant les problèmes [d’interprétation et d’application]. »

Une autre personne a recommandé de traduire la DNUDPA dans les langues autochtones afin d’encourager les détenteurs de droits à l’utiliser.  

Beaucoup de personnes ont insisté sur l’importance du dialogue et de l’établissement de consensus au sein des peuples autochtones du Canada et entre eux, de façon à réaliser les objectifs de la DNUDPA, y compris la reconnaissance de la souveraineté, de l’autodétermination, des formes de gouvernance et du droit coutumier autochtones. De l’avis d’une personne, cela « exige que les nations autochtones s’unissent et s’accordent sur leurs propres lois, constitutions, régimes fonciers et interrelations. »

« Si nous comptons réellement mettre en œuvre la DNUDPA, nous devons mener une certaine autodétermination. L’autodétermination commence par l’individu, sa famille et sa communauté. Il y a 633 Premières Nations au Canada. Ce n’est pas par accident, c’est la Loi sur les indiens qui a créé cela. La solution se trouve dans notre diversité, quand nous apprendrons à travailler ensemble et avec nos cousins [...] Je crois qu’il faut non seulement comprendre les répercussions de la souveraineté canadienne, avec nos frères et sœurs métis, mais également commencer à parler de souveraineté autochtone et de la façon de réconcilier nos nations. »

S. James Anaya a encouragé les peuples autochtones à rester optimistes à propos des fruits potentiels du dialogue avec le gouvernement et les organisations non autochtones, dans le but de promouvoir la DNUDPA. Il a indiqué :

« Je pars d’une position optimiste. En 1929, un Canadien d’ascendance autochtone a contesté la Loi sur les indiens devant la Société des Nations à Genève. Il n’a pas eu gain de cause, mais son optimisme a créé un précédent et, lors de nombreuses rencontres organisées à Genève durant les années 1970 et 1980, a ultimement mené à la DNUDPA et à la réalisation de droits réclamés préalablement.»

S. James Anaya avait espoir que des modes de collaboration non antagonistes pourraient entraîner des changements :

« Nous devons établir des relations non antagonistes avec le gouvernement et être ouverts à ce qu’il a à dire [...] Je crois que nous devons faire appel à son sens de la justice et de la règle de droit, et à sa rationalité – et continuer de croire que le progrès est possible. »

Cependant, cet optimisme ne faisait pas l’unanimité. Certaines personnes ont souligné le « changement pour du pareil au même » de la colonisation et de la marginalisation autochtones au fil du temps, et le « syndrome de fatigue coloniale » qui en résulte. D’autres ont plaidé pour qu’on concentre les énergies individuelles et collectives sur la restauration des institutions culturelles, systèmes de gouvernance et lois autochtones afin d’assurer le renouveau et le bien-être à long terme des communautés autochtones.

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4. Principales questions et préoccupations relatives aux droits de la personne des peuples autochtones sur le terrain

Cette section porte sur les questions, préoccupations et thèmes saillants relatifs aux droits de la personne, dont il a été question, répartis par secteur et champ d’activité.

a. Langue et culture

Le maintien et la promotion des langues autochtones constituaient l’une des questions à l’étude, une question qualifiée de droit de la personne indissociable – voire situé au cœur – de l’identité, de la culture et de la dignité autochtones :

« Notre langue est le plus important droit de la personne que nous possédons. Ma langue me dit qui je suis. »

« Qu’est-ce qui fait de nous des humains? N’est-ce pas la langue qui fait de nous des humains et des personnes distinctes? »

De grandes préoccupations ont été soulevées à l’égard du recul observé sur le plan de la transmission des langues autochtones d’une génération à l’autre, compte tenu du rôle clé de la langue en matière de reproduction culturelle :

« Je viens du Clan Crane de Mattagami. Les dirigeants du pays doivent savoir  à quel point il importe que nous redonnions à notre peuple sa langue. Notre langue a fait grandement les frais des pensionnats autochtones. Si vous entendez parler de notre ville, il y reste de moins en moins de personnes qui parlent la langue, et puis aucune parce que la dernière personne est décédée.

Outre les répercussions historiques continues du colonialisme et les politiques étatiques de génocide culturel délibéré, les participants ont également attribué la perte des langues et cultures à des forces et situations contemporaines. « Nos enfants doivent quitter leur communauté pour aller à l’école et obtenir des soins de santé [et autres] là où personne ne peut communiquer avec eux dans leur langue », a fait remarquer une personne, en soulignant le manque de possibilités et de services adéquats comparables dans les régions voisines.

L’incapacité des fournisseurs de services publics de prodiguer des services adaptés sur le plan culturel et linguistique préoccupait considérablement les participants. Pour certains, il s’agissait d’une question de vie ou de mort :

« Certaines personnes autochtones n’ont pas le droit à des services de santé de base et à la vie, en raison de leur identité. Dans le nord de l’Ontario, j’ai rencontré une femme dont l’amie devait se rendre en avion dans le Sud pour obtenir un traitement médical. La police l’a retrouvée gelée en raison d’un manque de communication. Quelqu’un devait passer la prendre. Elle ne parlait que le cri. »

Les participants ont encouragé la CODP à « appuyer la revitalisation des langues autochtones », entre autres par l’entremise du système d’éducation provincial. « Où mon petit-fils apprendra-t-il sa langue? » a demandé une personne, en soulignant le rôle clé que joue le système d’éducation sur le plan de la transmission de la langue à la prochaine génération et l’importance de réclamer des services équitables, pertinents et adaptés sur le plan linguistique et culturel de la part des systèmes éducatifs non autochtones. « Que peut faire la CODP à ce propos? » a renchéri une autre personne, en recommandant que la CODP intervienne et exige l’enseignement des langues autochtones au sein du système d’éducation :

« On exige d’enseigner la langue française à l’école, mais non les langues autochtones. Dans les réserves, ils peuvent repousser jusqu’à la 4e année du primaire l’enseignement des langues autochtones. En vérité, le but n’est pas de créer des gens bilingues, mais seulement de donner aux jeunes un avant-goût de ces langues. Je pense donc que la CODP pourrait aider à éliminer ces obstacles et à régler cette question. »

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b. Besoins de première nécessité – terre, nourriture, eau, logement et autres

Les participants ont beaucoup parlé de l’incapacité des approches actuelles en matière de droits de la personne de satisfaire convenablement les besoins fondamentaux de première nécessité comme la sécurité alimentaire et l’accès à l’eau propre et à un logement salubre. De nombreuses personnes ont qualifié ces besoins de questions de première importance pour les communautés autochtones qui ne font pas l’objet d’un traitement adéquat de la part des lois relatives aux droits de la personne du pays.

Une personne a insisté sur la variabilité considérable, selon la situation géographique, des questions relatives aux droits de la personne de première importance pour les communautés autochtones :

« Nous devons réfléchir à la géographie de ces droits. Je viens de la zone du Traité 9, à la baie James, qui est dans le Grand Nord de l’Ontario. Nous avons notre langue et notre culture. Nous vivons de la terre. Mais nous n’avons pas d’écoles et de toutes ces choses : des logements, de l’eau potable [...] Des compagnies minières et d’hydroélectricité cognent à nos portes et nous disent "nous voulons vous consulter, former des partenariats, créer des barrages, nous voulons votre appui." Nos enfants se font traîner à des centaines de miles, en bloc, pour aller à l’école. Nous manquons de ressources dans nos écoles et services de santé. Quel rôle peuvent jouer à ce chapitre la CODP, le TDPO et le système des droits de la personne? Comment obtenons-nous la construction de logements, la purification de l’eau? Cela fait partie du racisme systémique. Si la situation est ainsi dans ces communautés, c’est en raison de cas de violations des droits de la personne sur violations des droits de la personne pendant des générations. Il est important de prendre ces réalités en compte quand on parle de respect des droits. »

La même personne a également attiré l’attention sur le manque de connaissance de la CODP et de son travail au sein de sa communauté, et des limites du Code et du mandat de la CODP lorsqu’il s’agit de régler les questions liées aux besoins de première nécessité :

« Si je disais l’acronyme CODP dans ma communauté, j’aurais de la difficulté à trouver qui que ce soit qui connaisse l’organisation ou sache comme y avoir accès pour revendiquer des droits [...] [La plupart des gens] ne considérerait pas qu’il s’agit d’un mécanisme adéquat pour faire respecter leurs droits. »

Bien que les participants reconnaissent que les droits de la personne, du moins en théorie, peuvent potentiellement englober ce genre de questions, comme l’illustrent la DNUDPA et d’autres instruments internationaux relatifs aux droits de la personne (p. ex. Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels), ils ont recommandé que les organisations de défense des droits de la personne du pays explorent les façons de tenir compte de ces défis dans les lois et politiques canadiennes relatives aux droits de la personne : 

« Les droits au logement, à la nourriture, à ne pas avoir à quitter le foyer [pour obtenir des services et autres] sont tous importants [mais ne sont pas couverts par le Code à l’heure actuelle]. Que pouvons-nous faire pour favoriser toutes ces choses, que le droit occidental ne qualifie pas de droits de la personne, comme l’accès à l’eau ou à l’éducation sans avoir à se déplacer. Qu’avons-nous dans notre boîte à outils qui puisse aider à ce niveau? »

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c. Éducation

Le système d’éducation a été à maintes reprises inclus au nombre des sources de préoccupation en matière de droits de la personne. Les questions soulevées variaient des obstacles géographiques à l’accès aux établissements d’enseignement à la nécessité d’intégrer davantage l’étude des langues, de la culture et de l’histoire autochtones au curriculum à tous les niveaux :

« L’avenir passe par l’éducation [...] [Je recommande l’] embauche [d’]éducateurs autochtones pour élaborer des programmes d’études pouvant mettre en application toutes ces connaissances et tous ces principes [de droits de la personne, de la DNUDPA, des philosophies autochtones de réciprocité et autres] de la maternelle en montant, afin que cela devienne la norme et la façon de penser. »  

Des personnes ont aussi réclamé l’intégration de programmes d’études sur les droits de la personne des peuples autochtones. Comme le faisait remarquer S. James Anaya : « Comment pouvons-nous encourager les personnes non autochtones à entrer en collaboration [avec les peuples autochtones] sans que nous soyons perçus comme des menaces – comme des personnes en quête de traitement spécial? » Sa réponse :

« L’éducation, dès le premier niveau, chez les plus jeunes, afin que |les gens comprennent qu’il ne s’agit pas de droits spéciaux [...] C’est un projet à long terme, la normalisation de l’éducation sur les peuples autochtones et les droits de la personne, selon une perspective autochtone, au sein des systèmes d’éducation généraux, dès le jeune âge jusqu’à l’université [...] C’est un sujet auquel les dirigeants de sociétés minières devraient être exposés à l’adolescence. »

Le rôle clé que joue le système d’éducation sur le plan de la sensibilisation des générations actuelles et futures de jeunes Ontariennes et Ontariens, Canadiens et Canadiennes a également été soulevé à de nombreuses reprises. Des participants ont aussi appelé les organisations autochtones à jouer leur propre rôle de premier plan dans la promotion du savoir traditionnel, et sa transmission à la prochaine génération.

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d. Bien-être de l’enfance

De nombreuses personnes ont soulevé des préoccupations liées aux droits de la personne relativement à la surreprésentation des enfants et des jeunes autochtones au sein du système de bien-être de l’enfance. Des gens ont parlé de la prise en charge systématique continue et injuste par l’État des enfants autochtones :

« Les sociétés d’aide à l’enfance accusent les familles de priver des enfants de nourriture durant la première année de vie dans le cadre de cérémonies traditionnelles. La CODP a un rôle à jouer. Nous devons retrouver nos façons de faire. » (aîné autochtone)

Les autres préoccupations soulevées touchaient une variété de questions allant du manque d’adaptation culturelle des services de bien-être de l’enfance au manque de financement des organismes de bien-être de l’enfance, en passant par le réacheminement des ressources destinées aux familles, membres des familles élargies et autres systèmes possibles de soutien communautaire aux fournisseurs de services non autochtones. Une personne a mis en lumière le niveau inéquitable de financement octroyé aux organismes de bien-être de l’enfance et la réaction inadéquate à l’affaire de la Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada :

« Nous composons encore avec un manque de financement des questions relatives au bien-être de l’enfance autochtone. »

D’autres participants ont réclamé le réacheminement du financement du bien-être de l’enfance vers des initiatives et interventions communautaires, en critiquant les organismes du bien-être de l’enfance existants (y compris les organismes autochtones). Comme l’affirmait une aînée autochtone :

« Il y a longtemps, notre conseil de grand-mères est entré en contact avec notre conseil régional pour demander le retour de nos enfants dans nos communautés et expliquer qu’ils nous avaient été volés pour être élevés dans une société qui les restreint. Nous voulions les ramener à la maison pour remplir de nouveau la coupe, mais nous n’avons pas vraiment eu de réponse [...] Les grand-mères veulent prendre soin de leurs propres enfants dans leurs propres communautés, et non composer avec les organismes de bien-être de l’enfance qui œuvrent actuellement dans notre territoire. Presque toutes les familles du territoire ont affaire avec cet organisme. Ils ne collaborent pas avec nous. Ils recueillent de l’argent et prétendent être un système indien, mais ils véhiculent les valeurs blanches et enlèvent nos enfants. Nous ne voulons pas que l’argent aille aux organismes de bien-être de l’enfance. Nous voulons qu’il aille à la communauté afin que nous puissions créer nos propres systèmes de bien-être. »

Des personnes ont souligné le rôle critique joué par les aînés, les gardiens du savoir, les rites de passage, et les institutions culturelles en ce qui a trait à la transmission du savoir culturel aux jeunes et à la création de jeunes personnes, de familles et de communautés plus fortes, plus saines et plus résilientes.

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e. Système de justice criminelle

La surreprésentation des peuples autochtones au sein du système de justice criminelle est l’une des questions relatives aux droits de la personne prioritaires selon les participants. « Si on ne change pas la situation », faisait remarquer une personne, « une majorité de détenus seront d’ascendance autochtone dans l’avenir. »

L’honorable Leonard Mandamin, ancien juge de la cour provinciale et fédérale, actuel coordonnateur de faculté pour les séminaires sur la justice autochtone à la Banff School of Management et professeur agrégé à la School of Native Studies de l’Université de l’Alberta, a insisté sur l’importance d’adopter des approches culturelles autochtones dans le secteur de la justice.  Il a souligné la nécessité d’élargir l’horizon de la compréhension et de l’administration de la justice, trop étroitement axé pour le moment sur la punition, la dissuasion et la gestion des « risques » à la sécurité immédiats. Il a indiqué :

« Compte tenu de son biais et de son intérêt pour la "sécurité" uniquement, le système de justice criminelle de l’Ontario manque à ses obligations envers les personnes autochtones [...] On dit de l’incarcération qu’elle est la mesure de dissuasion ultime. Si c’était le cas, les communautés autochtones seraient les plus paisibles. Mais ce n’est pas le cas. Le taux de criminalité et de méfaits est très élevé. Qu’arrive-t-il? »

Le juge Mandamin a réclamé d’orienter en parallèle des efforts sur les causes profondes de la criminalité, y compris en créant les conditions sociales, économiques et culturelles nécessaires à un sain épanouissement. « Les approches autochtones à la justice sont différentes [...] Lorsqu’un de nos membres se conduit mal, affirmait un aîné, nous devons lui apprendre à se conduire bien » a-t-il expliqué, en mettant cette approche en opposition avec les approches punitives actuelles, qui mettent l’accent sur les sanctions et les interdictions :

« Si quelque chose se passe, comment aidez-vous la personne à réintégrer la société, à emprunter un nouveau chemin, à emprunter un meilleur chemin, à mener une bonne vie, à s’instruire, à trouver un emploi et autre, au lieu de la brutaliser davantage en l’incarcérant [...] sans compter les messages que cela lance à la personne [au sujet de sa valeur personnelle et sociale]. »

Les participants s’accordaient dans l’ensemble à dire que la résolution du problème de la surreprésentation des personnes autochtones au sein du système de justice criminelle exigera l’apport de solutions plus globales, proactives, clairvoyantes et fondées sur une perspective autochtone que ne le permet le système actuel. D’insister le juge Mandamin :

« Si vous voulez régler la question de l’incarcération, il faut fermer la valve [en amont]. Nos enfants doivent pouvoir rêver, acquérir des compétences, prendre part à des célébrations [dans la communauté] et s’amuser. Cela doit être une priorité [...] Les familles qui élèvent des enfants doivent être en sécurité pour élever des enfants en sécurité. [Elles doivent avoir des] emplois et autres [...] L’importance de la langue, des traditions, de la culture et des célébrations de l’identité – par les artistes, interprètes et écrivains – a déjà été longuement abordée. »

Le juge Mandamin a également expliqué comment les structures et paradigmes actuels du système de justice limitaient la capacité de programmes autrement bien intentionnés et conçus, comme les principes de détermination de la peine Gladue, d’améliorer de façon positive et substantielle la situation des personnes autochtones. Selon lui, cela avait en partie trait au fait que les personnes rédigeant les rapports Gladue n’avaient pas été habilitées à examiner les conditions et facteurs sociaux et économiques sous-jacents, et ce, en grande partie à cause de l’intérêt premier du système de justice pour les risques à la sécurité à court terme et les mesures punitives.

Il a ajouté :

« De nos jours, les agents de probation ne font que rédiger des documents. Avant, ils pouvaient se présenter dans les communautés pour connaître les gens et collaborer à l’apport de solutions, mais ils n’ont plus le temps et l’argent pour cela. »  

Dans ce contexte systémique, a fait remarquer le juge Mandamin :

« Les principes Gladue perdent de leur signification parce que [les personnes qui les administrent] croulent sous le travail et les budgets, et qu’on ne peut pas faire grand-chose pour montrer aux gens comment vivre. Du temps et des ressources n’y sont pas consacrés. Ça ne devient que de belles paroles. »

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f. Santé

Plusieurs références ont été faites aux difficultés auxquelles se heurtent les peuples autochtones au moment d’obtenir des soins de santé. Parmi ces difficultés figuraient des questions d’accès, comme les obstacles que créent la distance à parcourir pour obtenir des services et (ou) le manque de financement et de soutien adéquats des services de santé offerts dans les communautés autochtones par le gouvernement. En particulier, les participants déploraient le manque d’accès à des services adaptés sur le plan culturel et linguistique :

« Ma mère a dû aller à Kingston obtenir des soins de santé, ce qui équivaut à la distance entre le Manitoba et le nord de l’Alberta. Elle partageait sa chambre avec une autre femme qui parlait cri. L’infirmière ne comprenait pas sa [compagne de chambre]. C’était le soir. Ma mère a dû lui servir d’interprète. »

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5. Réaction des organismes sur le terrain

Cette section présente certains des efforts, succès, défis et apprentissages des organismes des secteurs des droits de la personne et de la justice qui ont pris des mesures conscientes pour mieux servir les peuples autochtones et faire avancer le respect des droits de la personne des peuples autochtones.

a. Navajo Nation Human Rights Commission

Steven A. Darden, le président de la Navajo Nation Human Rights Commission (NNHRC), dont le siège social se trouve en Arizona, et Leonard Gorman, le directeur général de
la NNHRC, ont parlé de l’histoire et des activités de l’une des rares commissions des droits de la personne du monde à être sous la direction de personnes autochtones.

La NNHRC a été établie en vertu de la Navajo Nation Human Rights Commission Act (2 N.N.C. §920 TO 924) en octobre 2006. Comme l’a indiqué Leonard Gorman, les travaux de la NHHRC traitent en grande partie des relations avec les membres des collectivités frontalières, qui ne sont pas d’ascendance Navajo. Cela va dans le sens l’objectif original de la NHHRC, créée après qu’un homme d’ascendance Navajo a été abattu par la police dans un Wal-Mart d’une ville frontalière. D’ajouter Leonard Gorman,  l’un des attraits de l’adoption d’un tel cadre d’action fondé sur les droits de la personne concernait le fait de « se tailler une place dans la communauté internationale » en tant que nation parmi les nations. Il a indiqué :

« Le conseil de la nation Navajo a déterminé que le modèle des droits de la personne arrivait mieux à résoudre les enjeux du peuple Navajo que celui des droits civils étant donné que, comme nous l’avons appris, nous ne faisons pas partie de la "société civile".  Nous sommes un peuple autochtone [autonome]. Nous avons nos propres croyances, cultures et territoires. »

Leonard Gorman a décrit les quatre fonctions (responsabilités) principales de la NHHRC :

  1. Éduquer le peuple Navajo à propos de ses droits de la personne
  2. Offrir des conseils et du soutien aux personnes dont les droits pourraient avoir été bafoués
  3. Évaluer les relations raciales dans les villes frontalières, entre autres au moyen d’audiences publiques
  4. Mener des recherches et des activités de défense des droits et de renforcement des capacités dans le but de cerner et de régler les questions relatives aux droits de la personne auxquelles se heurte le peuple Navajo.

Il a ensuite décrit une variété d’initiatives mises en place pour accomplir ces fonctions. Par exemple, la NHRRC a élaboré un programme de formation sur la compétence culturelle à l’intention des services de police et municipalités, lequel attirait l’attention sur le caractère illégal des « pratiques d’interpellation et de fouille » qui forçaient les personnes autochtones à vider leur sac de guérisseur :

« Nous avons sensibilisé les agents avec le fait qu’ils ne pouvaient pas exiger que des personnes autochtones vident leur sac de guérisseur. »

Il a aussi parlé des défis auxquels son peuple face sur le plan éducatif en raison de la diversité des systèmes de croyances Navajo :

« Notre propre peuple crée un de nos plus grands défis. Il est parfois plus facile d’interagir avec des personnes non autochtones et plus difficile de parler avec nos propres membres étant donné que le peuple Navajo est de plus en plus diversifié sur le plan des systèmes de croyances [...] Nos propres grands-parents, par exemple, disent ne pas croire ce que nous disons à propos des "droits de la personne". C’est un de nos plus grands défis. »

La NHHRC prend part à des forums nationaux et internationaux sur les droits de la personne. Entre autres, elle a été partie à la négociation et à l’élaboration de la DNUDPA à Genève et de la déclaration sur les droits des peuples autochtones de l’Organisation des États américains. 

La réconciliation des approches occidentales et autochtones en matière de droit et de justice constituait un autre défi soulevé par la NNHRC.

« C’est un défi d’utiliser un processus qui nous est étrangé. Le droit naturel Navajo est composé de cinq lois [...] On nous a mis en garde contre le jumelage d’approches Navajo et d’approches occidentales. Où devons-nous placer nos limites, quand vient le temps de légiférer? Comment faire le pont entre ces lois sans nous faire assimiler? »

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b. Commission canadienne des droits de la personne, Initiative nationale autochtone

Cassondra Bright, agente de mobilisation communautaire à la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP), a parlé des efforts déployés récemment afin de promouvoir les relations avec les peuples autochtones et de faire avancer le respect de leurs droits, dans le cadre de l’Initiative nationale autochtone (INA). Ces efforts étaient basés sur les cinq valeurs fondamentales suivantes :

  1. Les peuples autochtones ont un droit inhérent à l’autodétermination et à l’autonomie gouvernementale.
  2. Les traditions juridiques et les règles de droit coutumier des Premières Nations sont importantes.
  3. Les peuples autochtones ont des droits ancestraux ou issus de traités préexistants.
  4. Les femmes et les hommes ont des droits égaux.
  5. Les peuples autochtones ont le droit de vivre à l’abri de la discrimination.

Une part importante de la présentation de Cassondra Bright s’articulait autour de l’inclusion d’une nouvelle disposition interprétative à la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP) des suites de l’adoption du projet de loi C-21 : Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne en 2008[27]. La nouvelle disposition exige que la LCDP soit « [...] interprétée et appliquée de manière à tenir compte des traditions juridiques et des règles de droit coutumier des Premières Nations et, en particulier, de l’équilibre entre les droits et intérêts individuels et les droits et intérêts collectifs, dans la mesure où ces traditions et règles sont compatibles avec le principe de l’égalité entre les sexes[28]. » 

Selon Cassondra Bright, dans la pratique, la disposition interprétative est « habituellement invoquée pour défendre une requête en droits de la personne déposée contre un gouvernement autochtone. » La CCDP, en partenariat avec l’Association du Barreau Autochtone, a organisé une rencontre d’aînés en 2010 pour obtenir les conseils d’aînés sur la meilleure façon de comprendre cette nouvelle disposition interprétative. D’indiquer Cassondra Bright :

« Au lieu de nous parler de lois autochtones, [les aînés] nous ont dit que la CCDP ne devrait pas interpréter le droit autochtone. Ce sont les peuples et communautés autochtones qui devraient le faire. »

Jusqu’à présent, la seule décision ayant cité cette disposition, Tanner c. Première Nation Gambler, 2015 TCDP 19, mettait en scène une femme de la Première Nation Gambler (Tanner) qui avait été nommée candidate au poste de chef, pour ensuite apprendre qu’elle n’était pas admissible au poste parce qu’elle n’était pas une descendante unie par les liens du sang à John (Falcon) Tanner, comme l’exigeait le paragraphe 4.2(a) de la loi électorale de la Première Nation Gambler. Entre autres, le tribunal a déterminé que la plaignante avait fait l’objet de discrimination, fondée sur son ascendance, lorsque la Première Nation Gambler l’avait empêchée de poser sa candidature au poste de chef en raison de la règle coutumière d’ascendance. Le tribunal a déterminé que la règle d’ascendance n’était pas raisonnablement nécessaire à l’exercice d’un droit inhérent à l’autogouvernance ni fondé sur les coutumes de la première Nation Gambler (pour un complément d’information, voir le résumé du cas préparé par le TCDP).

Sans contester le contenu de la décision Tanner en soi, Cassondra Bright et d’autres participants déploraient néanmoins le fait qu’une question de droit coutumier autochtone ait été tranchée par une autorité judiciaire non autochtone :

« On voit une personne non autochtone décider de la fiabilité du savoir traditionnel d’une communauté. C’est eux qui prennent une décision sur ce qu’ils pensent être le droit coutumier. »

Cassondra Bright a fait part des défis auxquels peut se heurter la CCDP au moment d’examiner le droit coutumier autochtone dans le cadre d’une plainte, afin de déterminer s’il existe des éléments de preuve suffisants pour soumettre la cause au Tribunal des droits de la personne :

« Jusqu’à présent, les témoignages de membres de la communauté et d’aînés ont servi à faire enquête sur les lois et les traditions [...] Nous constatons qu’il y a une grande diversité au sein des communautés autochtones [...] Parfois, les membres de la communauté et les aînés ne s’entendent pas tous sur ce qui constitue une coutume ou une tradition. Il y a différents niveaux de connaissances et de pratiques traditionnelles [...] Et parfois une pratique qu’on croit traditionnelle est en réalité le résultat de la Loi sur les indiens [...] Il a été révélateur de voir dans quelle mesure la Loi sur les indiens fait maintenant partie de nos communautés [...] Dans certains cas aussi, des personnes peuvent hésiter à fournir des informations ou opinions contraires [...] Elles ne veulent pas se prononcer par crainte d’être exclues. »

Cassondra Bright a également expliqué que la CCDP avait recentré ses efforts sur l’élaboration d’une boîte à outils[29] comprenant des lignes directrices sur la résolution communautaire de différends, en réponse aux commentaires reçus durant la rencontre d’aînés. Elle a dit :

« Entre autres, nous avons entendu aujourd’hui qu’en tant qu’organisation occidentale, nous ne pouvons pas interpréter le droit autochtone. Ce n’est pas  nous de le faire. Donc, écoute oblige, nous tentons d’encourager le recours à un processus de résolution communautaire des différents plutôt que d’utiliser les formes de droit occidentales canadiennes. »

Elle a ajouté que la CCDP tentait plutôt d’encourager les gens à s’inspirer de leurs propres traditions culturelles pour concevoir ces processus :

« Notre trousse est pratique. Elle recommande d’incorporer vos propres pratiques. En ce sens, elle n’est pas  prescriptive. »

Cassondra Bright a également décrit les efforts déployés plus tard par la CCDP à l’appui des droits de la personne des femmes autochtones et de l’accès de ces femmes au système de justice, dont l’organisation de huit tables rondes destinées aux femmes autochtones entre 2012 et 2014. En 2016, la CCDP a publié un rapport sommaire intitulé Hommage à la résilience de nos sœurs : améliorer l’accès à la protection des droits de la personne pour les femmes et les filles autochtones. Elle a également fait part de nombreuses recommandations de pratique et leçons tirées de ces tables rondes d’une journée, comme l’importance de l’écoute active et de la conception intentionnelle minutieuse de tels forums en collaboration avec des partenaires autochtones.

Cassondra Bright a aussi formulé plusieurs recommandations générales visant à faire avancer le respect des droits de la personne des peuples autochtones. Elle a décrit le cas d’une personne qui s’est fait dire par un organisme provincial de défense des droits de la personne de faire appel à l’organisme fédéral de défense des droits de la personne, pour se faire ensuite renvoyer par l’organisme fédéral à l’organisme provincial. Le délai de dépôt de sa plainte a pris fin avant que la personne puisse se faire entendre :

« Au lieu de compter sur vous pour le déterminer, "dois-je m’adresser à la province ou à la CCDP?" – c’est un vrai fouillis dans certains cas – les gens devraient pouvoir déposer leur plainte auprès de la commission provinciale ou ailleurs, au choix [province ou CCDP], puis cet organisme [l’organisme provincial ou fédéral de défense des droits de la personne] devrait déterminer quoi en faire. »

Pour accroître l’accès et le recours des personnes autochtones au système des droits de la personne, Cassondra Bright a également recommandé que les organismes de défense des droits de la personne qui reçoivent des plaintes « donnent aux gens des moyens de déposer des requêtes de façon verbale ou en personne » et « créent des unités mobiles qui vont dans les communautés fixer des rendez-vous. »

Elle a également proposé que les organismes de défense des droits de la personne s’associent à des personnes autochtones ayant reçu une formation en règlement extrajudiciaire des différends pour aider à la médiation de requêtes en droits de la personne. La CCDP a déjà dressé une liste d’intervenants canadiens possédant cette expertise et formés par la commission. La CCDP a encouragé les organisations de défense des droits à suivre l’exemple de la Commission des droits de la personne du Yukon et de la Commission canadienne des droits de la personne en créant des programmes de stage et autres occasions permettant aux étudiants autochtones d’acquérir une expérience de travail significative et précieuse, tout en obtenant des crédits de cours.

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c. Centre d’assistance juridique en matière de droits de la personne de l’Ontario

Jamie Lynne McGinnis, avocate et coordonnatrice du comité de sensibilisation aux services aux Autochtones au Centre d’assistance juridique en matière de droits de la personne (CAJDP)[30], s’est prononcé sur les nombreux efforts concertés du CAJDP en vue de mieux servir les communautés autochtones et faire avancer le respect de leurs droits de la personne. Le mandat du CAJDP consiste à offrir des services juridiques et de soutien aux personnes ayant fait l’objet de discrimination en contravention du Code de l’Ontario.

Jamie Lynne McGinnis a dressé un profil chronologique des efforts déployés par le CAJDP pour faire avancer le respect des droits de la personne des peuples autochtones depuis la création de l’organisation il y a une décennie. Parmi ces efforts :

  • Respect d’un engagement initial visant à inclure au moins trois avocats autochtones au personnel (10 % de tous les avocats du CAJDP)
  • Création d’au moins d’un de ces postes dans le Nord
  • Élaboration de directives et de protocoles relatifs aux services aux personnes autochtones (version originale en 2010, mises à jour en 2014 et 2016)
  • Création en 2011 d’un comité de sensibilisation aux services aux Autochtones présidé par le directeur des services juridiques, dont les membres se rencontrent tous les deux mois pour examiner les plaintes déposées par des personnes autochtones et d’autres questions de droit autochtone
  • Création d’un nouveau poste désigné de conseiller en droits autochtones en 2014 afin d’offrir des services de prise en charge de première ligne aux clients autochtones
  • Formation d’un partenariat officiel avec la Fédération des centres d’amitié autochtones de l’Ontario en 2015 afin de lancer l’Initiative de formation sur les droits des populations autochtones, qui vise à offrir une formation au personnel des centres d’amitié autochtones de l’ensemble de la province afin de promouvoir l’accès des personnes autochtones faisant l’objet de discrimination à des services juridiques
  • Établissement d’un partenariat avec une clinique juridique communautaire de Sault Ste. Marie dans le but de recevoir des stagiaires autochtones au CAJDP Accroissement du personnel autochtone pour le faire passer à son niveau actuel de cinq personnes et veiller à l’inclusion de personnel autochtone à tous les niveaux d’emploi et de service, à London, Thunder Bay et Toronto.

Jamie Lynne McGinnis a décrit les services juridiques offerts par le CAJDP à la clientèle, et expliqué comment fonctionnent, dans la pratique, les directives de prestation de services aux personnes autochtones du CAJDP[31]. Elle a également brièvement passé en revue certaines causes notables appuyées par le CAJDP, soumises à une audience et réglées en faveur de la requérante ou du requérant autochtone.

Jamie Lynne McGinnis a mis en lumière certains résultats positifs obtenus dans le cadre des efforts ciblés, déployés par le CAJDP pour mieux servir les peuples autochtones, comme la hausse constante du nombre d’appelants autochtones de 2014 à 2018, lesquels sont passés de 71 personnes durant l’exercice 2014-2015 à 230 personnes pour la seule première moitié de l’exercice 2017-2018. Elle a également fait mention de l’augmentation générale de la fréquence et de la diversité des services offerts.

L’avocate faisait aussi remarquer que, pour assurer l’efficacité des activités de sensibilisation et de la prestation de services aux personnes autochtones, le CAJDP devait non seulement compter du personnel autochtone à tous les niveaux de l’organisation, mais aussi assurer son maintien en poste en créant un environnement inclusif et adapté. Elle a parlé de sa propre expérience de travail au sein du CAJDP :

« En tant que personne autochtone, je suis fière de travailler au Centre d’assistance juridique en matière de droits de la personne, où on respecte les idées et opinions du personnel autochtone, les accueille favorablement et encourage leur formulation [...] Le fait de travailler dans une organisation qui encourage la communication de nos points de vue aide à composer avec le fait de travailler comme avocate au sein du système colonial. »

Parmi les défis dont elle a fait part figurait le fait de rejoindre les communautés du Grand Nord de l’Ontario « Certaines personnes autochtones habitant dans le Nord ne possèdent pas de téléphone, tandis que la plupart de nos services sont offerts par téléphone », a-t-elle expliqué, en ajoutant qu’il y avait place à l’amélioration : « Selon mon expérience, les gens ne savent pas que nous existons et que nos services sont gratuits. » Un autre « problème auquel nous nous heurtons souvent a trait à la nécessité de déterminer quelle est l’autorité responsable ». Il peut être difficile parfois d’établir de qui relève la question.

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d. Tribunaux de justice sociale de l'Ontario (TJSO)

Les Tribunaux de justice sociale de l'Ontario (TJSO) sont un regroupement de tribunaux décisionnels ontariens (dont le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario) qui ont pour mandat d’entendre des requêtes et des appels présentés en vertu de lois se rapportant à la surveillance des services à l'enfance et à la famille, à la justice pour les adolescents, aux droits de la personne, à la location résidentielle, au soutien du revenu, aux indemnités accordées aux victimes d'actes criminels violents et à l'éducation de l'enfance en difficulté.

Marisha Roman, la responsable de l’Initiative Aperçu autochtone (IAA) des TJSO, a parlé du travail que font actuellement les TJSO pour accroître l’accès des personnes autochtones aux services des tribunaux de la justice sociale. Comme elle l’expliquait, l’IAA a pour objectif de rendre les TSJO « plus pertinents et accessibles » et « de cerner les besoins des communautés métisses, inuites et des Premières Nations lorsqu’il s’agit d’interagir avec nos tribunaux, comme obtenir l’information et les services que nous offrons et tirer avantage de nos approches de résolution des questions et différends juridiques. »

« Notre approche, fondée sur le dialogue et la collaboration, consiste à comprendre les défis ou obstacles auxquels pourraient se heurter les clients métis, inuits et des Premières Nations lorsqu’ils tentent d’accéder aux services des TJSO. [Elle] est basée sur l’écoute active. »

Les « cercles de discussion » dirigés par des aînés sont l’une des activités qui donnent à cette approche sa forme concrète et adaptée sur le plan culturel. D’expliquer Marisha Roman :

« Une gardienne du savoir, Francis Anderson, est à l’origine de l’idée de résoudre les problèmes au moyen de cercles de discussion. Elle joue le rôle d’animatrice, mais aussi de la grand-mère au centre puisqu’elle est l’aînée durant ces cercles. »

En qualifiant chaque cercle de discussion d’« unique » Marisha Roman affirmait que les TJSO s’employaient à l’heure actuelle à « formaliser les cercles de discussion, qui sont offerts pour l’instant sur une base ponctuelle, au besoin. »

Les TJSO ont aussi accru leurs activités de représentation, y compris par l’entremise de rencontres en personne avec les organisations autochtones et de séances d’information visant à sensibiliser les membres du public aux services des tribunaux de justice sociale. Les TJSO s’employaient aussi à accroître la capacité de leur personnel par l’entremise de formations en compétences culturelles, de « renforcement de l’intelligence culturelle » et autres, afin que ce personnel puisse mieux comprendre et mieux servir les clients autochtones.

Marisha Roman a fait part de son optimisme à propos de la capacité du personnel autochtone des organisations non autochtones comme les TJSO de faire une différence. Comme elle l’a affirmé :

« [On m’a déjà] demandé : "Comment réconciliez-vous votre identité autochtone avec le fait de travailler au sein du système de bien-être de l’enfance?" J’ai répondu que c’est moi qui fait la médiation. J’apporte mon humanité à mes efforts visant à faire participer la personne au processus. Beaucoup de personnes que nous rencontrons sont des parents qui pensent que nous ne les écoutons pas, que nous ne les entendons pas. Je peux donc montrer ce que c’est que d’être entendu et écouté. Je peux servir de modèle. »

Selon Marisha Roman, un des principaux défis auxquels se heurtaient les TJSO a trait au manque de données sur l’identité autochtone pour évaluer convenablement le nombre de personnes autochtones ayant recours aux services des TJSO. Cela compliquait le travail d’évaluation de l’impact des efforts déployés pour améliorer l’accès.

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d. Division de la justice pour les Autochtones, ministère du Procureur général

Kirsten Manley-Casimir, directrice des services juridiques à la Division de la justice pour les Autochtones (DJA) du ministère du Procureur général de l’Ontario, a fait une présentation sur l’histoire, le mandat et le travail de cette division de la justice unique en son genre du fait qu’elle est à la fois menée par des personnes autochtones et dirigée et axée sur elles.

Elle a parlé des circonstances tragiques entourant la création de la DJA en 2015, à la suite des décès consécutifs de quatre jeunes hommes autochtones du nord de l’Ontario. Dans un premier temps, deux jeunes hommes sont morts en 2006, lors d’un incendie survenu dans une cellule de détention du détachement de la police de la Première Nation Kashechewan. Un autre jeune homme est mort à la prison du district de Thunder Bay moins d’un an après, suivi de près d’un jeune élève de 15 ans d’une école de Thunder Bay, dont le corps a été retrouvé dans une rivière. Dans chacun de ces cas, une enquête du coroner[32] a eu lieu. Comme l’a expliqué Kirsten Manley-Casimir : « Pour que les recommandations soient valables, les familles de ces quatre jeunes hommes ont insisté sur le fait qu’il devait y avoir un juré provenant d’une communauté éloignée du Nord. ».

Il est apparu aux familles et à leurs avocates, Kimberley Murray et Mandy Wesley, que la façon de dresser la liste des jurés excluait de façon systémique les jurés des Premières Nations. Cette constatation a mené au lancement, en 2011, d’une enquête indépendante sur la représentation des Premières Nations sur la liste des jurés en Ontario, dirigée par l’honorable juge Frank Iacobucci. La Recommandation 5 du rapport final du juge demandait « [q]ue le ministère du Procureur général crée un poste de sous-procureur général adjoint (SPGA), dont le ou la titulaire sera responsable des questions touchant les Autochtones, y compris la mise en œuvre du [...] rapport [du juge Iacobucci]. »

Les avocates représentant les jeunes hommes à l’enquête se sont ensuite jointes à la Division de la justice pour les Autochtones, à titre de première sous-procureure générale adjointe autochtone (Kim Murray) et de conseillère de direction/avocate (Mandy Wesley). Pour en savoir davantage sur les conclusions de l’enquête qui a mené à la création du Comité Debwewin chargé de la mise en œuvre de l’examen concernant la liste des jurés (Debwewin), voir le Rapport final Debwewin (avril 2018), qui contient un sommaire des conseils des auteurs du rapport au sous-procureur général sur la mise en œuvre optimale des recommandations du rapport du juge Iacobucci. 

Kirsten Manley-Casimir a expliqué que la DJA avait pour mandat « de mettre en œuvre les recommandations du rapport du juge Iacobucci et de diriger la mise en œuvre des appels à l’action de la CVR touchant le secteur de la justice. » Elle a ensuite décrit la mission de la DJA, qui consiste à « soutenir la remise en état des systèmes juridiques autochtones » et, plus généralement, à « renforcer la justice pour les peuples autochtones de la province ».

Selon Kirsten Manley-Casimir, la DJA se distingue des autres entités gouvernementales en ce que « tout notre travail est guidé par un conseil d’aînés. Nous demandons ses conseils sur tout. » De plus, tout le travail de la division « repose sur le droit et les enseignements autochtones » est dirigé par un « leader déterminé » en la personne de la sous-procureure générale adjointe Kimberley Murray, ancienne (2010-2015) directrice générale de la Commission de vérité et réconciliation du Canada.

Parmi les programmes et services offerts et financés par la DJA figurent les programmes de justice réparatrice, dont le nombre est passé de neuf à 54 dans l’ensemble de l’Ontario. D’expliquer Kirsten Manley-Casimir, « ces programmes prennent des formes complètement différentes selon qu’ils sont situés en milieu éloigné ou urbain », en raison de leur priorisation des pratiques culturelles locales.   

Un second important mécanisme de financement de la DJA fournit des fonds directement aux communautés autochtones « pour revitaliser les systèmes juridiques autochtones ». La DJA pourrait bien être la seule entité gouvernementale du genre à avoir adopté une telle mesure.  Dans certaines communautés, cela exige de « réunir les aînés pour élaborer des principes juridiques autochtones. » Autrement dit, « ils ont des processus fondés sur le droit autochtone servant à déterminer quelles structures doivent être mises en place de façon à rendre ces programmes opérationnels. » Cela peut nécessiter la sensibilisation de membres de certaines communautés au droit autochtone, afin d’en assurer la compréhension et la promotion. « Jusqu'à présent, nous avons financé 24 projets dans ce domaine », a affirmé Kirsten Manley-Casimir.

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e. Initiatives de justice réparatrice

L’honorable juge Leonard Mandamin a fait part de pratiques prometteuses dans le secteur de la justice. Il a décrit un programme de justice réparatrice qui a été mis en œuvre dans la Première Nation Siksika du sud de l’Alberta et soumet les jeunes contrevenants à des cercles de justice autochtones plutôt qu’au système judiciaire. Selon le juge, la réduction du nombre de jeunes de la communauté ayant eu ensuite des démêlés avec le système de justice criminelle a clairement démontré le succès de cette approche. « Ils ont pu obtenir ces résultats en faisant la démonstration d’une bonne façon de vivre », a-t-il affirmé.

Leonard Mandamin a aussi décrit un protocole élaboré par la même communauté pour composer avec la violence familiale. Ce protocole utilisait des méthodes de médecine traditionnelle et des sacs de guérisseur pour transmettre les lois et enseignements traditionnels :

« Quand vous ouvriez le tout, une histoire était associée à chacun des objets. La pipe contenait un enseignement sur la violence familiale. Si vous maltraitez une personne, vous allez la perdre. »

Barbara General, directrice de la justice pour la bande des Six Nations de la rivière Grand, a aussi décrit les composantes clés des programmes de justice réparatrice (projet de règlement des différends entre autochtones), du système de justice Haudenosaunee et de la philosophie qui le sous-tend. Elle a décrit comment les Six Nations de la rivière Grand en sont venues à élaborer leurs programmes de justice réparatrice et services aux victimes :

« Nous avons recueilli les statistiques des Six Nations. Nous avons examiné ces données et découvert que plus de 500 de nos membres, environ, avaient des démêlés avec la cour criminelle, et que ces personnes n’avaient aucun soutien. La majorité d’entre elles sont des hommes, détenus sur une base mensuelle. Bon nombre de ces personnes cumulent les chefs d’accusation, dont plus de 30 dans certains cas [...] Puis nous avons examiné qui étaient leurs victimes, et déterminé qu’il s’agissait surtout de membres de leurs familles au sein de la communauté. Nos services aux victimes doivent donc également se pencher sur la situation. »

Barbara General a également dit ce qui suit à propos des membres du personnel, dont le nombre est en hausse (15 personnes à l’heure actuelle), et des services de rayonnement du programme: « Nous offrons des services aux travailleurs, contrevenants, victimes et autres. Beaucoup de personnes n’ont pas confiance en la police ou les organismes extérieurs, et font donc appel à nos services. » Elle a souligné l’importance primordiale de la revitalisation des systèmes juridique et culturel autochtones pour le rétablissement du bien-être des peuples autochtones.

Les services aux victimes et programmes de justice réparatrice de la bande intègrent tous des lois et philosophies traditionnelles, y compris des leçons tirées du GANOHONYOHK (Discours d’ouverture), du récit de Tadadoho, de la formation de la Confédération des Haudenosaunis, de la Grande loi de la Paix (Gayanashagowa) et du code de Handsome Lake (Gaiwiio), un code moral et éthique élaboré par un prophète seneca du début du 19e siècle qui « rappelait aux gens de retrouver le bon esprit. »

Les programmes de justice réparatrice élaborés par les Six Nations de la rivière Grand sont tous fondés sur ces enseignements fondamentaux. Comme l’indiquait Barbara General :

« Nos principes sont fondés sur les récits qui orientent nos pratiques [...] Donc, selon le récit de la Grande loi et le récit de la Création, nous aidons la victime et la personne [qui l’a maltraitée] [...] Le Discours d’ouverture nous rappelle qui est notre vrai chef, l’environnement naturel et les animaux qui y vivent en harmonie. En tant que peuple, nous devrions vivre de la même façon. »

Barbara General a également souligné l’importance d’intégrer les langues autochtones aux programmes :

« Nous incorporons une composante linguistique à nos cérémonies. Il est très important d’inclure cela à nos travaux. C’est ce qui fait de nous un peuple distinct, mais nos membres l’oublient souvent. »  

Avec le recul, elle est d’avis qu’« il a fallu beaucoup de temps avant d’utiliser cette langue dans notre système de valeurs et nos autres documents internes. On parle d’un "gros processus". » Dutant le dialogue, nous avons appris que les Six Nations de la rivière Grand avaient entrepris l’élaboration de leur propre système de tribunaux.

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Annexe 1 – Recommandations principales

Les participants au dialogue ont émis de nombreuses recommandations. Voici un résumé de leurs recommandations principales à l’intention de la CODP, des organismes et systèmes ontariens et canadiens de défense des droits de la personne plus généralement, de tous les paliers de gouvernement et des autres organisations prodiguant des services publics aux peuples autochtones. Certaines des recommandations formulées visent un acteur particulier (p. ex. gouvernements ou organismes de défense des droits de la personne), mais pourraient être pertinentes pour d’autres secteurs et organisations. Les recommandations ne sont pas nécessairement gages de consensus parmi les participants, à moins qu’elles ne l’indiquent.

A. Recommandations à la CODP (*en plus de toutes les recommandations formulées aux rubriques B et D ci-après)

  1. Favoriser la compréhension et le suivi de la DNUDPA en Ontario.
  2. Promouvoir un dialogue continu sur les droits de la personne des peuples autochtones et la mise en œuvre de la DNUDPA.
  3. Faire entendre les voix autochtones et les préoccupations des Autochtones sur le plan des droits de la personne.
  4. Servir d’allié (le cas échéant) aux peuples autochtones, y compris en appuyant et en facilitant leurs communications avec le gouvernement.
  5. Utiliser les pouvoirs de la CODP pour apporter des changements systémiques aux politiques dans des secteurs organisationnels clés (p. ex. justice, éducation, bien-être de l’enfance).

(a) Analyser les données sur l’identité autochtone pour suivre et évaluer le niveau de respect des droits de la personne des peuples autochtones, et en faire rapport.

(b) Utiliser les pouvoirs d’enquête d’intérêt public et d’intervention devant les tribunaux de la CODP pour lever le voile sur les violations des droits de la personne des peuples autochtones et assurer le respect de ces droits.

(b) Sensibiliser le public aux effets et avantages des changements systémiques apportés grâce à l’intervention de la CODP.

  1. Accorder la priorité aux droits linguistiques des peuples autochtones, à titre de droits de la personne et au sein du système d’éducation, et assurer leur promotion et leur respect.

B. Recommandations aux organismes de défense des droits de la personne du Canada et de l’Ontario

  1. Utiliser la DNUDPA comme cadre organisationnel pour la compréhension, l’interprétation et la mise en œuvre des droits de la personne des peuples autochtones au Canada.
  2. Interpréter les lois relatives aux droits de la personne et promouvoir l’adoption de politiques conformes à la DNUDPA.
  3. Élaborer des mécanismes visant à assurer la surveillance et le suivi de la mise en œuvre de la DNUDPA, et à en faire rapport.
  4. Promouvoir la compréhension, la traduction et l’utilisation de la DNUDPA dans le contexte des droits de la personne et responsabilités connexes reconnus au Canada.
  5. Assurer la surveillance et le suivi des pratiques organisationnelles exemplaires de respect, de protection et de promotion des droits de la personne des peuples autochtones, et en faire publiquement rapport. Cela pourrait inclure le fait d’émettre un bulletin de rendement.
  6. Renforcer la capacité du système des droits de la personne de régler les questions systémiques relatives aux droits de la personne, y compris en créant un volet particulier pour le traitement des requêtes relatives aux violations systémiques des droits de la personne.
  7. Accroître l’importance accordée aux droits de la personne et responsabilités collectives dans les lois, les politiques et l’éducation relatives aux droits de la personne.

C. Recommandations à tous les paliers de gouvernement au Canada

  1. Utiliser la DNUDPA comme cadre organisationnel pour la compréhension, l’interprétation et la mise en œuvre des droits de la personne des peuples autochtones au Canada, y compris, mais sans s’y limiter les « droits autochtones » prévus dans la Constitution.
  2. Examiner et modifier les lois du pays, y compris les lois relatives aux droits de la personne pour assurer leur conformité à la DNUDPA ainsi que la responsabilisation des parties chargées du respect de la DNUDPA. 
  3. Envisager l’apport de modifications au Code des droits de la personne de l’Ontario afin de mieux reconnaître, respecter et refléter les droits et le statut constitutionnel unique des personnes autochtones, et d’accroître la visibilité et l’effet de la DNUDPA.
  4. Créer un plan d’action national de mise en œuvre de la DNUDPA, en partenariat avec les peuples autochtones, les provinces et les territoires.
  5. Élaborer des mécanismes visant à assurer la surveillance et le suivi de la mise en œuvre de la DNUDPA, et à en faire rapport.
  6. Assurer l’élaboration et le maintien d’institutions autochtones autonomes pour faire avancer le respect des droits de la personne des peuples autochtones.
  7. Renforcer les lois et politiques canadiennes relatives aux droits de la personne pour mieux composer avec les droits sociaux, économiques et culturels.
  8. Financer de façon équitable les services publics destinés aux communautés autochtones et éliminer les obstacles culturels, linguistiques et géographiques à l’accès aux services.

D. Recommandations à l’ensemble des organisations (y compris les organisations gouvernementales et organisations des secteurs public, privé et sans but lucratif, et les organismes de défense des droits de la personne)

Voir également la Section 1 (Au sujet de notre chemin commun, de nos rapports et de la réconciliation) pour obtenir des conseils plus généraux à propos des thèmes ci-après.

  1. Reconnaître la souveraineté des peuples autochtones et leur droit à l’autodétermination.

(a) Explorer et transformer les structures, relations et paradigmes organisationnels de pouvoir de type colonialiste qui sous-tendent et orientent la prestation de programmes et de services.

(b) Redonner aux peuples et perspectives autochtones leur pouvoir, y compris en libérant l’espace institutionnel pour permettre aux peuples et organisations autochtones d’exercer leur souveraineté dans le domaine.

  1. Prendre part au dialogue continu et au renforcement des relations, à titre de partenaire égal. Accorder davantage de valeur à l’établissement de bonnes relations de travail qu’aux interventions et résultats à court terme (sans nécessairement faire fi de ceux-ci).
  2. Accroître la représentation des peuples métis, inuits et des Premières Nations à tous les niveaux d’effectifs, de gestion et de gouvernance, et créer des milieux de travail inclusifs et autonomisants pour aider à assurer le maintien en poste du personnel autochtone.
  3. Concevoir et fournir des services pertinents, compétents et accessibles sur le plan culturel et linguistique.
  4. Recueillir des données sur l’identité autochtone pour suivre et évaluer l’accès aux services et les résultats obtenus par les peuples autochtones.

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Annexe 2 – Chronologie des visites et cercles d’écoute autochtones de la CODP (2016-2018)

  • Le 19 avril 2016 : Participation de la commissaire en chef à l’assemblée générale des Six Nations à Ohsweken, en Ontario
  • Le 7 juillet 2016 : Rencontre de la commissaire en chef avec le comité jeunesse de la Fédération des centres d’amitié autochtones de l’Ontario, à Hamilton, en Ontario
  • Le 9 juillet 2016 : Allocution de la commissaire en chef à l’assemblée générale annuelle de l’OFIFC à Hamilton, en Ontario
  • Du 13 au 16 février 2017 : Visites de la commissaire en chef à Kenora et à Sioux Lookout
  • Grand chef Frances Kavanaugh (Grand Conseil du Traité no 3)
  • Chef Clifford Bull, Première Nation du Lac Seul
  • Cercles d’écoute des centres d’amitié Ne Chee (Kenora) et Nishnawbe-Gamik Friendship Centre (Sioux Lookout)
  • Du 27 février au 3 mars 2017 : Visites de la directrice générale et du directeur des politiques, de la surveillance, de la sensibilisation et de la liaison à Dryden et Fort Frances, en Ontario, pour rencontrer les dirigeants et communautés autochtones
  • Le 10 mai 2017 : Visite de la commissaire en chef à London, en Ontario
  • Rencontre avec la chef Leslee White-Eye de la Première nation des Chippewas de la Thames
  • Rencontre avec Al Day, directeur général du centre d’amitié N'Amerind
  • Du 13 au 15 juin 2017 : Participation du directeur des politiques, de la surveillance, de la sensibilisation et de la liaison de la CODP à la conférence des chefs de l’Ontario de la Première Nation du Lac Seul
  • Le 8 juillet 2017 : Signature par la CODP du protocole d’entente avec la Fédération des centres d’amitié autochtones de l’Ontario lors de l’assemblée générale annuelle de l’OFIFC, au centre d’amitié N’Amerind de London, en Ontario
  • Du 5 au 9 mars 2018 : Visite de la commissaire en chef de la CODP à Timmins, Moosonee et Moose Factory, en Ontario, en compagnie du commissaire Maurice Switzer, de sa conseillère de direction et du directeur des politiques, de la surveillance, de la sensibilisation et de la liaison de la CODP
  • Les rencontres organisées à Timmins incluaient la participation :
    • du grand chef adjoint de la Nation Nishnawbe Aski, Jason Smallboy
    • du centre d’amitié autochtone de Timmins
  • Les rencontres organisées à Moosonee et à Moose Factory incluaient la participation :
    • du grand chef Johnathon Solomon, conseil Mushkegowuk
  • Le 18 juin 2018 : Participation de la commissaire en chef et du personnel de la CODP à la séance de planification du forum sur le leadership de Timmins  

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[1] Ces motifs sont les suivants : citoyenneté, race, lieu d’origine, origine ethnique, couleur, ascendance, handicap, âge, croyance, sexe (y compris la grossesse et l’allaitement), état familial, état matrimonial, orientation sexuelle, identité sexuelle, expression de l’identité sexuelle, état d’assisté social (en matière de logement) et casier judiciaire (en matière d’emploi). Les domaines sociaux touchés sont les suivants : emploi, logement, biens, installations et services, contrats et adhésion à un syndicat ou à une association commerciale ou professionnelle. Pour obtenir des renseignements additionnels, voir Guide concernant vos droits et responsabilités en vertu du Code des droits de la personne.

[2] Les italiques sont utilisés dans l’ensemble du rapport pour mettre en relief les citations verbales directes, rendues le plus fidèlement possible sans que ce soit nécessairement mot pour mot, compte tenu du fait qu’elles ont été transcrites par des preneurs de note de la CODP sans assistance d’un dispositif d’enregistrement. Le nom des intervenants et de leur organisation ont été omis, dans un esprit d’ouverture et de respect de la confidentialité convenant au dialogue, sauf là où des personnes effectuaient une présentation officielle au nom d’une organisation, et (ou) il serait presque impossible de cacher leur identité, compte tenu de l’information contextuelle. Le terme « autochtone » est employé dans l’ensemble du document pour désigner les Premières Nations, les Métis et les Inuits.

[3] Source : Site Web du CVR, http ://trc.ca/websites/trcinstitution/index.php?p=23, consulté le 11 septembre 2018.  Pour en savoir davantage sur ce qu’on entend par « réconciliation », visionnez la vidéo du sénateur Murray Sinclair, président de la CVR, à l’adresse : https ://vimeo.com/25389165.

[4] Ici, la personne citait les conseils du sénateur Murray Sinclair.

[5] « Les organismes territoriaux politiques (OTP) sont des secrétariats qui représentent de grands groupes de communautés des Premières Nations en Ontario. Chaque OTP sert ses communautés membres de nombreuses ayant trait au leadership politique,  la défense des droits et intérêts,  l’éducation, aux champs de compétence et négociations, aux terres et ressources, aux affaires intergouvernementales et autres. L’Ontario compte quatre OTP au service de plus de 100 communautés des Premières Nations. L’organe de direction de chaque OTP est composé de membres élus, y compris des aînés, des jeunes et des  conseils consultatifs régionaux, ainsi qu’un conseil d’administration. » (Source : Service des bibliothèques de l’Ontario – Nord, First Nations Language Portal, consulté le 11 septembre 2018 à l’adresse www.olsn.ca/fnlanguages/?id=tri_cou_OTP.asp&label=Tribal%20Councils%20&%20OTP). Pour obtenir plus de renseignements sur les OTP de l’Ontario, voir les sites Web de l’Union of Ontario Indians de la Nation Anishinabek, de l’Association of Iroquois & Allied Indians, du Grand conseil du Traité no 3 et de la Nation Nishnawbe Aski.

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[6] « Les conseils tribaux [de bande] sont des organes consultatifs centraux qui représentent les communautés des Premières Nations de régions spécifiques de l’Ontario. Les conseils sont composés d’un conseil administratif auquel sont habituellement nommés le chef de la Première Nation et un représentant additionnel de chaque communauté membre. » (idem).

[7] Voir le recueil d’essais d’Audre Lorde intitulé The Master’s Tools Will Never Dismantle the Master’s House, Penguin Books, 2018. Voici la citation complète : « Car les outils du maître ne détruiront jamais la maison du maître. Ils peuvent nous permettre temporairement de le battre à son propre jeu, mais ils ne nous permettront jamais d'apporter un véritable changement. »

[8] Pour en savoir davantage sur le traité à deux rangs, connu sous le nom de Gusweñta, voir www.onondaganation.org/culture/wampum/two-row-wampum-belt-guswenta/).

[9] Pour en savoir davantage sur la Proclamation royale, voir https ://indigenousfoundations.arts.ubc.ca/royal_proclamation_1763/, consulté le 12 juin 2018).

[10] Pour un complément d’information sur la doctrine du terra nullius, voirwww.ictinc.ca/blog/
christopher-columbus-and-the-doctrine-of-discovery-5-things-to-know, et les appels à l’action nos 45 et 46 de la  Commission de vérité et réconciliation, qui réclament la répudiation de ce concept dans le cadre de tout exercice véritable de réconciliation.

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[11] Il existe un précédent à cette priorisation des obligations dans d’autres territoires, comme l’Angleterre, l’Afrique du Sud et l’Australie, où les lois relatives aux droits de la personne imposent aux organismes publics un fardeau positif d’avancement proactif du respect des « obligations » sur le plan des droits de la personne (voir par exemple le UK Public Sector Equality Duty).

[12] Les déclarations des Nations Unies établissent des « normes » reconnues à l’échelle internationale servant à évaluer le respect, par les différents pays, du droit international relatif aux droits de la personne (y compris les normes, pactes et conventions). Selon le rapporteur spécial des Nations Unies S. James Anaya – qui a annoncé en août 2008 qu’il évaluerait la conduite des États à l’égard des peuples autochtones à la lumière des critères de la DNUDPA – La DNUDPA représente :

une conception commune autorisée, au niveau mondial, du contenu minimum des droits des peuples autochtones, fondée sur diverses sources tirées du droit international des droits de l’homme […] Les principes et les droits énoncés dans la Déclaration forment ou complètent les cadres normatifs danslesquels s’inscrivent les activités des organismes et mécanismes des Nations Unies chargésde la protection des droits de l’homme et des institutions spécialisées en ce qu’elless’adressent aux peuples autochtones. » (Conseil des droits de l’homme, 2008. Report of the Special Rapporteur on the situation of human rights and fundamental freedoms of indigenous people, S. James Anaya, Doc. des Nations Unies A/HRC/9/9, 11 août 2008, par. 85 et 88, note de bas de page 30, p. 5-6).

[13] DNUDPA, idem, article 43.

[14]En qualifiant les droits de la personne d’« universels » et d’« intrinsèques » (ayant trait « à l’essence de la dignité humaine »), S. James Anaya a souligné le fait que « notre compréhension de ces droits est variable » et repose sur nos visions du monde et philosophies sous-jacentes. À titre d’illustration, il a  rappelé les tensions accompagnant la première formulation « consensuelle » des droits de la personne dans la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH). De soutenir l’ancien rapporteur, cette déclaration reflète à la fois une orientation occidentale classique en ce qu’elle s’articule autour de valeurs démocratiques libérales comme le droit individuel à l’égalité et la protection contre l’ingérence de l’état, et une approche plus communautaire, en ce qu’elle somme l’État de combler les besoins sociaux de première nécessité des personnes et des communautés, sur la base de la responsabilité de l’État découlant de ces mêmes droits.

[15] Par exemple, malgré que le droit à l’« égalité » signifie, au sens où on l’entend communément dans les sociétés libérales occidentales, le droit à l’égalité de la personne, S. James Anaya soutient que la DNUDPA étend cette interprétation à la dimension communautaire de ce droit, qui inclut le droit à l’égalité des communautés autochtones en tant que « peuples ».

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[16] Selon une personne, « [la perspective dominante] divise le monde entre les personnes et l’État, tel qu’elles le connaissent. Au-delà de cela, les États sont incapables de reconnaître des droits. La revendication de droits par des personnes qui ne font pas partie du club [p ex. « peuples » extérieurs à l’État] leur fait peur. Si la déclaration a pris du temps à voir le jour, c’est parce que les États ressentaient le besoin de défendre le système contre les revendications de droits autochtones touchant les familles, les communautés, la chasse, le territoire… Les gouvernements se concentraient sur les droits individuels comme le Code des droits de la personne de l’Ontario. » En soulignant l’importance du choix de mots dans la Déclaration, une autre personne affirmait : « Ils ont dû défendre chacun des mots de la DNUDPA, et le mot "peuple" était très important parce que vous pouvez légalement assujettir des populations [un terme qui signifie uniquement une masse de personnes par opposition à une communauté nationale], mais pas des peuples. »

[17] La Charte internationale des droits de l’homme comprend la Déclaration universelle des droits de l’homme (adoptée en 1948), le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP, 1966) et ses protocoles facultatifs, et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC, 1966). Les deux pactes sont entrés en vigueur en 1976.

[18] L’article 2(2) de la Loi relative à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (projet de loi C-262) stipule ce qui suit : La présente loi n’a pas pour effet de retarder l’application en droit canadien de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

[19] L’article 3 de la Loi relative à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (projet de loi C-262) stipule ce qui suit : La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 13 septembre 2007 par sa résolution 61/295 et dont le texte est reproduit à l’annexe constitue un instrument universel garantissant les droits internationaux de la personne et trouve application au Canada.

[20] Pour en savoir davantage sur les décisions de la Cour suprême du Canada, voir par exemple Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, au par. 70. En ligne à l’adresse : https://scc-csc.lexum.com/scc-csc/scc-csc/fr/item/1717/index.do et R c Hape, 2007 CSC 26 [2007] 2 RCS 292 [Hape], aux par. 39, 46, 53 et 56. En ligne à l’adresse : https://scc-csc.lexum.com/scc-csc/scc-csc/fr/item/2364/index.do. Ces décisions de la CSC sont résumées davantage dans un rapport spécial du Centre for International Governance Innovation intitulé UNDRIP Implementation Braiding International, Domestic and Indigenous Laws (voir la page 2).

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[21] Pour en savoir davantage sur la doctrine coloniale européenne de terra nullius, selon laquelle le territoire n’appartenait à personne avant que les Européens n’affirment leur souveraineté, y compris son application en contexte canadien, voir Tsilhqot’in Nation c. British Columbia, 2014 CSC 44, [2014] 2 RCS 256.

[22] Voir les Dispositions connexes de la Loi canadienne sur les droits de la personne – 2008, ch. 30, art. 1.2 :

Prise en compte des traditions juridiques et des règles de droit coutumier

1.2 Dans le cas d’une plainte déposée au titre de la Loi canadienne sur les droits de la personne à l’encontre du gouvernement d’une première nation, y compris un conseil de bande, un conseil tribal ou une autorité gouvernementale qui offre ou administre des programmes et des services sous le régime de la Loi sur les Indiens, la présente loi doit être interprétée et appliquée de manière à tenir compte des traditions juridiques et des règles de droit coutumier des Premières Nations et, en particulier, de l’équilibre entre les droits et intérêts individuels et les droits et intérêts collectifs, dans la mesure où ces traditions et règles sont compatibles avec le principe de l’égalité entre les sexes.

[24] L’appel à l’action no 43 de la CVR « [demande] aux gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux de même qu’aux administrations municipales d’adopter et de mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones dans le cadre de la réconciliation. » L’appel à l’action no 44 « [demande] au gouvernement du Canada d’élaborer un plan d’action et des stratégies de portée nationale de même que d’autres mesures concrètes pour atteindre les objectifs de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. »

[25] Une personne soutenait ce qui suit : « Le paragraphe 6(1) [Personnes ayant droit à l’inscription] équivaut, en soi, à un génocide culturel. Vous nous dites qui nous sommes et quand nous comptons. Avec un peu de chance, les modifications apportées et le projet de loi C-262 permettront d’éliminer toutes ces règles que nous devons suivre pour être nous-mêmes. »

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[26] Voir Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada et coll. c. Procureur général du Canada (pour le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), 2016 TCDP 2, et Cour d’appel fédérale Canada (Procureur général) c. Commission canadienne des droits de la personne, 2013 CAF 75. 

[27] Le projet de loi, qui a obtenu la sanction royale en 2008, a abrogé l’article 67 de la LCDP qui empêchait précédemment de soumettre les questions abordées dans la Loi sur les Indiens à un examen relatif aux droits de la personne. 

[28] CCDP. Rapport spécial au Parlement sur les répercussions du projet de loi C-21 (Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne), 2014. Consulté le 11 juillet 2018  à l’adresse : www.chrc-ccdp.gc.ca/fra/content/rapport-special-au-parlement-sur-les-repercussions-du-projet-de-loi-c-21-loi-modifiant-la.

[30] Le Centre d’assistance juridique en matière de droits de la personne (CAJDP) est une entité indépendante, financée par le gouvernement de l’Ontario par l’entremise du ministère du Procureur général. Le CAJDP est dirigé par un conseil d’administration, dont les membres sont nommés par le lieutenant-gouverneur en conseil. Il constitue l’un d’un des trois organismes centraux de défense des droits de la personne de l’Ontario, les deux autres étant le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario et la Commission des droits de la personne de l’Ontario.

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[31] D’expliquer Jamie Lynne McGinnis, quand une personne se qualifiant de personne autochtone fait d’elle-même appel aux services du CAJDP, en personne ou par l’entremise de sa ligne sans frais, ou est aiguillée vers le CAJDP, on lui offre le choix de parler à une conseillère ou à un conseiller en droits de la personne (CDP). Des services sont offerts dans 140 langues, y compris le cri, l’oji-cri, le mohawk et l’ojibwé. La ou le CDP évalue ensuite la possibilité qu’on ait violé le Code des droits de la personne. En pareil cas, la personne est convoquée à une entrevue. Durant l’entrevue, la personne reçoit un avis juridique sur les mérites de sa requête. S’il est évident qu’il existe des obstacles linguistiques ou autres à la rédaction de la requête, le CAJDP peut aider. Les clients autochtones dont la requête est soumise à l’arbitrage ou à une audience peuvent obtenir le soutien additionnel d’une avocate ou d’un avocat autochtone, qui mènera les entrevues relatives à la médiation ou à l’audience. Dans chacun de ces cas, le CAJDP songera à représenter la personne devant l’arbitre du TDPO. 

[32] En Ontario, les enquêtes de coroner comprennent une audience publique menée par un coroner devant un jury de cinq membres de la collectivité dans le but d’informer le public des circonstances d’un décès. Bien que les conclusions des jurys ne soient pas contraignantes, elles peuvent aider à déterminer si le décès était ou non accidentel et mener à des recommandations sur la façon d’éviter de tels décès dans l’avenir.

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ISBN/ISSN
Imprimé 978-1-4868-2726-8 | HTML 978-1-4868-2727-5 | PDF 978-1-4868-2728-2
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