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7. Charge de la preuve : questions probantes

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Aux termes du Code, la charge de la preuve qu'il y a bien eu harcèlement sexuel incombe à la personne qui dépose la requête. Le requérant doit prouver devant le tribunal des droits de la personne qu'il y a bien eu infraction au Code « suivant la prépondérance de la preuve ». Cette charge de prouver qu'il y a bien eu harcèlement n'est pas aussi astreignante en ce qui concerne l'application du Code que le critère « hors de tout doute raisonnable » requis pour établir la culpabilité d'une personne accusée d'une infraction criminelle.

Prouver le bien-fondé d'une plainte dans une instance civile « suivant la prépondérance de la preuve » consiste à apporter des éléments à l'appui de l'allégation que les remarques ou la conduite ont « fort probablement » eu lieu et que le comportement de la personne accusée constituait bien une forme de harcèlement sexuel au sens du Code.

Le harcèlement a rarement lieu là où tout le monde le voit. Comme il n'y a souvent pas de témoin ou de preuve matérielle pour confirmer les remarques ou la conduite en question, les requêtes pour harcèlement sexuel soulèvent souvent des problèmes de crédibilité[152]. Les tribunaux des droits de la personne reconnaissent qu'il peut être difficile de rendre une décision reposant uniquement sur la crédibilité des parties, tout en admettant qu'ils doivent souvent s'en remettre à des témoignages subjectifs.

Il n’est pas nécessaire que la conduite soit répétée et vise une seule personne. Un type de comportement envers plusieurs employées peut constituer une instance de harcèlement sexuel[153]. Lorsque la crédibilité est en cause, la preuve du fait similaire[154] peut être présentée pour démontrer qu’un type de comportement peut avoir eu lieu. La preuve du fait similaire peut comprendre des témoignages d'autres personnes confirmant que la personne accusée de harcèlement les a traitées de la même manière que la personne plaignante.

Exemple : Un tribunal a jugé qu’un employeur avait abusé « de son entreprise et de la position d’autorité qu’il occupait au sein de celle‑ci pour solliciter, harceler et intimider sexuellement les jeunes femmes lors des entrevues d’emploi et dans le cadre de leurs relations de travail ». Le tribunal a jugé que cette conduite était « un type de comportement très distinctif ou typique d’un comportement discriminatoire envers les jeunes femmes qui répondent aux offres d’emploi à son lieu de travail ». Se basant sur ces constatations, le tribunal a autorisé la présentation des témoignages de plusieurs demanderesses comme preuves de faits similaires[155].

Les allégations ou plaintes antérieures de harcèlement sexuel contre une personne peuvent démontrer que celle‑ci aurait raisonnablement dû savoir qu’une conduite semblable à l’avenir serait malvenue[156].

Comme indiqué plus haut, la législation sur les droits de la personne a établi que l'intention n'est pas un critère indispensable pour établir qu’une instance de harcèlement sexuel a eu lieu. La Cour suprême du Canada a jugé qu’un manque d’intention n’est pas une défense contre une allégation de discrimination. Il suffit que la conduite ait un effet discriminatoire et l’accent devrait être mis sur les répercussions du comportement suspect[157].

Exemple : L’attention spéciale qu’un chef de service prête à une nouvelle employée débute dans le cadre d’un mentorat. Cependant, son comportement prend bientôt une allure ouvertement personnelle lorsqu’il lui pose des questions sur sa relation avec son petit ami et ses antécédents sexuels. L’employée devient de plus en plus mal à l’aise et tente d’éviter d’être seule avec son chef de service. Ne voyant aucune autre solution, elle démissionne de ses fonctions.

À noter qu’une personne n’est pas tenue de s’opposer au harcèlement au moment où il survient pour qu’une violation ait lieu ou qu’elle puisse faire valoir ses droits en vertu du Code[158]Une personne qui est la cible de harcèlement peut être dans une situation vulnérable et avoir peur de parler. Les employeurs, fournisseurs de logements, éducateurs et autres parties responsables sont dans l’obligation de maintenir un milieu non discriminatoire exempt de harcèlement sexuel, peu importe si personne ne s’est plaint.

Les cours et les tribunaux ont également reconnu que, par suite du déséquilibre de pouvoirs qui existe souvent entre le harceleur et la personne harcelée et des conséquences perçues d’une objection à la conduite harcelante, la personne peut accepter le comportement malvenu[159]. Dans The Law of Human Rights in Canada: Practice and Procedure, Russel Zinn écrit :

La passivité apparente de la plaignante ou le fait qu’elle ne s’oppose pas ouvertement aux avances sexuelles n’est pas nécessairement un signe de consentement ou d’acceptation. Cela est particulièrement prévalent lorsqu’il y a un déséquilibre de pouvoirs entre les parties et que la dépendance de la victime à l’égard de la bonne volonté du harceleur la rend plus apte à tolérer une conduite inacceptable[160].

Même si une personne harcelée prend part à des activités sexuelles ou autres comportements connexes, cela ne signifie pas qu’elle les accueille favorablement[161]. Les cours et les tribunaux ont jugé qu’un déséquilibre de pouvoirs dans une relation peut rendre nul et non avenu le consentement à des activités sexuelles[162]. Cette approche correspond à celle qui est utilisée dans d’autres compétences[163].

Une personne en situation de pouvoir qui souhaite avoir une relation intime avec un employé, un locataire, un étudiant, etc. doit faire tout en son pouvoir pour s’assurer
que le comportement est opportun[164]. Lorsqu’une personne est particulièrement vulnérable (par exemple, elle est jeune[165], employée à l’essai ou temporairement[166], etc.), la responsabilité de la personne en situation de pouvoir est encore plus grande[167].

Un consentement antérieur à des activités sexuelles n’équivaut pas à un consentement actuel lorsqu’il a clairement été établi qu’une partie ne souhaite pas poursuivre les rapports sexuels[168].

La jurisprudence en matière de droits de la personne a jugé que, selon les circonstances, la conduite négative, notamment piètre rendement, emportements, insubordination, etc. peuvent être une réaction naturelle à la discrimination et au harcèlement.

Exemple : Après avoir enduré pendant des mois l’attention malvenue que lui porte son professeur, y compris de nombreuses demandes de rendez‑vous, une étudiante à l’université commence à manquer ses cours et finit par échouer à son examen final.

Avant de prendre des mesures punitives après ce genre de réaction, les employeurs, fournisseurs de logements, éducateurs et autres parties responsables devraient déterminer, le cas échéant, si la conduite est une réaction à des instances de harcèlement sexuel et ajuster leurs sanctions en conséquence[169].


[152] Voir Faryna v. Chorny, [1952] 2 D.L.R. 354 (B.C.C.A.).

[153] Simpson v. Consumers’ Assn. of Canada (2001), supra, note 105. 

[154] On entend par « preuve du fait similaire » la preuve que la personne accusée a eu par le passé un comportement similaire à celui qui lui est reproché et qui pourrait servir à appuyer l'allégation de harcèlement. L'utilité de ce type de preuve à l'appui d'une accusation de harcèlement varie selon que les incidents d'inconduite préalables sont plus ou moins similaires au type de harcèlement faisant l'objet de la requête. D'autres employées ont-elles par exemple été visées par le même type de remarques ou de traitement? Voir Morrison v. Motsewetsho (2003), supra, note 48, et SH v. M […] Paintingsupra, note 34.

[155] Morrison v. Motsewetsho (2003), idem aux par. 183-184. 

[156] Voir Daccash v. Richards (1992), supra, note 104.

[157] Commission ontarienne des droits de la personne et O’Malley c. Simpson-Sears Ltd. [1985], supra, note 136; Action travail des femmes v. Canadian National Railway Co. (1987), 8, C.H.R.R.D/4210 (C.S.C.). Ce principe a été confirmé de nouveau dans Smith v. Mardana Ltd. (2005) supra, note 59.

[158] Voir McNulty v. G.N.F. Holdings Ltd. (1992), 16 C.H.R.R. D/418 (B.C.C.H.R.); Québec (Commission des droits de la personne) v. Larouche (1993), supra note 90; Wagner v. Bishop, 2012, supra, note 67 au par. 31.

[159] Voir Simpson v. Consumers' Association of Canada (2001), 57 O.R. (3d) 351supra note 105. Ce principe a été appliqué dans Harriott v. National Money Mart Co. (2010), supra note 12.

[160] Russel Zinn, dans The Law of Human Rights in Canada: Practice and Procedure, Canada Law Book, supra note 47, à 11-15-16.

[161] Voir Simpson v. Consumers' Association of Canada (2001), supra, note 105; Harriott v. National Money Mart Co., (2010), supra, note 12; Dupuis v. British Columbia (Ministry of Forests),(1993), 20 C.H.R.R. D/87 (B.C.C.H.R.); Howard v. deRuiter, 2004 HRTO 8, au par. 108.

[162] Voir Van Berkel v. MPI Security Ltd. (1996), 28 C.H.R.R. D.504 (B.C.C.H.R.); Dupuis v. British Columbia (Ministry of Forests), (1993), idem.

[163] Par exemple, la Cour suprême des États-Unis a jugé que « le fait que la conduite d’ordre sexuel était ‘volontaire’ en ce sens que la plaignante n’était pas forcée de participer contre sa volonté n’est pas une défense dans une plainte de harcèlement sexuel… Le fondement de l’action de toute plainte de harcèlement sexuel est que les avances sexuelles alléguées étaient ‘importunes’… Bien que la question à savoir si une conduite particulière était certes importune pose de difficiles problèmes de preuve et dépend largement des déterminations de crédibilité du juge des faits, la cour de district dans la présente cause a mis l’accent à tort sur l’expression de la volonté de l’intimée de participer aux épisodes sexuels allégués. Il faut se demander si l’intimée, par sa conduite, a indiqué que les avances sexuelles étaient importunes, et non pas si sa participation aux relations sexuelles était volontaire » : voir Meritor Savings Bank v. Vinson, 477 U.S. 57 (1986), à 2406.

[164] À noter que dans certaines situations les avances sexuelles et la conduite sexuelle ne sont jamais appropriées, par exemple lorsqu’une personne n’a pas la capacité de donner son consentement.

[165] Voir, par exemple, la cause Bruce v. McGuire Truck Stop (1993), 20 C.H.R.R. D/145 (Commission d’enquête de l’Ontario), dans laquelle le tribunal a jugé que le jeune âge de la plaignante rendait la conduite de l’intimé encore plus vexatoire et jouait fortement contre la possibilité que l’intimé ne savait pas ou ne pouvait pas raisonnablement savoir que ses remarques et sa conduite étaient importunes.

[166] Dans Cugliari v. Clubine (2006), supra, note 89 au par. 196, Sandy Welsh, Ph.D., professeure adjointe au département de sociologie de l’Université de Toronto a témoigné que « les travailleurs engagés à titre d’essai ou temporairement sont plus vulnérables qu’un employé à temps plein et moins aptes à signaler des instances de harcèlement… [et sont] plus portés à utiliser la tolérance et l’endurance comme stratégies d’adaptation. »

[167] Voir Cugliari v. Clubine, idem au par. 226.

[168] Voir Radloff v. Stox Broadcast Corp. (1999), supra note 126. Voir aussi McIntosh v. Metro Aluminum Products and another, supra, note 23.

[169] Voir Naraine v. Ford Motor Co. of Canada (1996), supra, note 51. Voir également Morrison v. Motsewetsho (2003), supra, note 48 au par. 170.

 

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