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Mémoire de la CODP au Comité sénatorial permanent des droits de la personne au sujet du rôle des commissions des droits de la personne dans la lutte contre le racisme anti-Noirs et d’autres formes de discrimination systémique

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Juin 9, 2023

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Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne (le Comité) a invité la Commission ontarienne des droits de la personne (CODP) à lui présenter brièvement des pratiques exemplaires ou des politiques destinées à combattre le racisme anti-Noirs, ainsi que ses réflexions sur l’efficacité du modèle d’accès direct à un tribunal administratif par rapport à un modèle attribuant des fonctions d'enquête à la commission pour le traitement des plaintes pour atteinte aux droits de la personne.

La CODP, la commission des droits de la personne la plus ancienne du Canada, a fonctionné selon les deux modèles au cours de ses 60 ans d’existence. En 2008, le système des droits de la personne de l’Ontario a subi une transformation profonde du système de traitement des plaintes individuelles, passant d’un système d’enquête par la Commission à un système d’accès direct à un tribunal administratif. Le mandat de protection de l’intérêt public de la CODP n’a toutefois pas changé. Selon l’expérience de la CODP, les commissions des droits de la personne peuvent jouer un rôle essentiel et crucial dans la lutte contre le racisme anti-Noirs et d’autres formes de discrimination systémique, quel que soit le système utilisé, si on leur attribue un mandat indépendant, clairement défini, de vastes fonctions et pouvoirs, et des ressources financières et humaines suffisantes pour promouvoir et veiller à la conformité aux lois de protection des droits de la personne. En fait, le Canada a suivi cette vision lorsqu’il a signé les Principes des Nations Unies concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l'homme (les Principes de Paris). Les Principes de Paris énoncent des normes minimales pour le fonctionnement crédible et efficace de commissions des droits de la personne et d’autres institutions de protection des droits de la personne prévues par l’un ou l’autre des modèles.

Avant la réforme du système des droits de la personne de l’Ontario, les fonctions énoncées de la CODP comprenaient le pouvoir de mener des enquêtes sur des plaintes individuelles et le pouvoir de lutter contre le racisme anti-Noirs et d’autres formes de discrimination systémique. Forte de ce mandat, la CODP a notamment publié, en 2003, un rapport sur une de ses enquêtes publiques novatrices, Un prix trop élevé : Les coûts humains du profilage racial. Ce rapport a conduit à la publication, en 2005, d’une politique de la CODP, la Politique sur le racisme et la discrimination raciale. Par la suite, la CODP s’est servie de ses pouvoirs pour conclure des règlements dans le cadre d’enquêtes menées sur des plaintes systémiques contre le ministère de l’Éducation de l’Ontario et le Toronto District School Board concernant l’effet discriminatoire de l’application des dispositions législatives relatives à la sécurité dans les écoles sur les élèves racialisés et les élèves ayant un handicap. Par ailleurs, la CODP a commencé à examiner les impacts intersectionnels du racisme dans le cadre d’autres consultations publiques et travaux d’élaboration de politiques sur la discrimination dans les domaines du logement locatif, de l’état familial et des droits de la personne contradictoires.

Après la transition, en Ontario, vers un système d’accès direct au tribunal administratif, en 2008, la CODP a conservé ses vastes pouvoirs et fonctions et a poursuivi ses efforts d’élimination du racisme anti-Noirs et d’autres formes de discrimination systémique et intersectionnelle, dans divers domaines, y compris à l’égard des obstacles liés à l’expérience canadienne auxquels sont confrontés les professionnels et d’autres travailleurs formés à l’étranger, des handicaps liés à la santé mentale et à aux dépendances, et de l’isolement dans les établissements correctionnels.

Voici d’autres exemples plus récents de l’exercice, par la CODP, de ses fonctions pour mener des recherches, tenir des consultations publiques, faire des recommandations et élaborer des politiques sur l’application du Code des droits de la personne de l’Ontario (le Code) en vue d’éliminer le racisme anti-Noirs et d’autres formes de discrimination raciale :

La CODP a exercé les pouvoirs d’enquête publique que lui confère le Code pour lutter contre le racisme dans le domaine du bien-être de l’enfance et des services policiers, respectivement :

  • Le rapport Enfances interrompues qui a fait suite à l’enquête de la CODP sur la surreprésentation des enfants autochtones et noirs au sein du système de bien-être de l’enfance de l’Ontario (2016);
  • Un impact collectif (2018) et Un impact disparate (2020) : rapports provisoires de la CODP relatifs à son enquête publique sur le racisme anti-Noirs au sein du Service de police de Toronto.

La CODP a aussi invoqué son mandat pour intervenir dans plusieurs causes où la discrimination raciale anti-Noirs était en jeu devant le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario et divers niveaux de tribunaux judiciaires, dont les suivantes : 

Des litiges devant les tribunaux peuvent parfois aboutir à des règlements amiables positifs. Par exemple, en 2012, la CODP a réglé à l’amiable une affaire à laquelle était partie la Commission des services de police d'Ottawa. Dans le cadre de ce règlement, des agents du Service de police d’Ottawa devaient recueillir des données fondées sur la race relatives aux contrôles routiers, pendant deux ans, à partir de 2013.

La conformité aux mesures législatives de protection des droits de la personne doit aussi être encouragée par la collaboration. Par exemple, la CODP a établi des liens avec des communautés noires et des établissements détenteurs d’obligations en vue de lutter contre le racisme anti-Noirs grâce à son Projet des droits de la personne mené avec la Police régionale de Peel et la Commission des services policiers de Peel. En outre, la CODP œuvre à l’élaboration d’un plan d’action destiné à lutter contre le racisme anti-Noirs dans le système d’éducation publique de l’Ontario. Elle a récemment franchi la première étape de cette initiative en organisant une table ronde avec des élèves et des détenteurs d’obligation du secteur de l’éducation.

Les commissions des droits de la personne devraient travailler de concert pour lutter contre le racisme systémique par l’éducation publique. Par exemple, le module d’apprentissage électronique de la CODP, très prisé, intitulé Dénoncez-le : Racisme, discrimination raciale et droits de la personne, est en train d’être adapté pour que l’École de la fonction publique du Canada du gouvernement du Canada puisse s’en servir dans la formation des fonctionnaires fédéraux.

Les commissions peuvent également renforcer la responsabilité du gouvernement et des institutions publiques à l'égard du respect des obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne. En 2022, par exemple, la CODP a présenté au Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination raciale un mémoire au sujet des 24e et 25e rapports du Canada, qui mettait en valeur des domaines de préoccupation et des priorités d’action.

L’adoption de ces types d’approches intégrées alliant les fonctions de promotion et d’application de la loi permet, au fil du temps, aux commissions des droits de la personne de lutter efficacement contre le racisme à l’échelle systémique, si elles bénéficient de ressources adéquates.

Inévitablement, il y aura des points de vue divergents, parmi les acteurs du secteur des droits de la personne du Canada, sur les avantages et les inconvénients du modèle d’accès direct au tribunal par rapport à celui qui attribue des pouvoirs d’enquête à la commission. Cependant, le choix du système ne déterminera pas dans quelle mesure ce système va réussir à lutter contre la discrimination anti-Noirs et d’autres formes de discrimination systémique.

La CODP est d’avis que les principes et éléments fondamentaux suivants assureront l’efficacité du système des droits de la personne et de la commission des droits de la personne, quel que soit le modèle choisi. Pour être efficace, un système des droits de la personne doit présenter les caractéristiques suivantes :

  • l’indépendance, réelle et apparente;
  • la suffisance de ses ressources pour lui permettre de s’acquitter convenablement de son mandat;
  • la promotion d’une culture des droits de la personne, notamment par l’intermédiaire d’un mandat étendu et polyvalent;
  • l’intégration des fonctions de promotion et de protection des droits de la personne, afin que celles‑ci se complètent et se renforcent;
  • la conformité aux obligations internationales découlant des instruments internationaux dont le Canada est signataire;
  • l’harmonisation interne garante de la coopération entre tous les intervenants dans le système des droits de la personne;
  • l’accessibilité, sans égard à l’existence d’un handicap, aux moyens financiers, au lieu de résidence, à la langue ou à la culture des personnes intéressées, ni à quelque autre facteur susceptible de créer un déséquilibre des pouvoirs;
  • l’approche systémique des problèmes liés aux droits de la personne;
  • les connaissances spécialisées et la représentativité à tous les niveaux;
  • le règlement rapide des différends liés aux droits de la personne;
  • la souplesse dans la façon d’aborder les plaintes pour atteinte aux droits de la personne;
  • l’octroi aux personnes concernées de la possibilité, aux étapes clefs du processus, de se faire entendre et de relater ce qu’elles ont vécu;
  • l’équité et l’efficacité, tant sur le fond que sur la forme, au niveau de l’accueil et de l’évaluation des plaintes pour atteinte aux droits de la personne.

Tout processus envisageant une réforme du système des droits de la personne devrait faire participer les personnes et les communautés que le système veut servir et bénéficier de leur appui. Compte tenu des différentes perspectives sur ce qui constitue un système idéal, il sera difficile d’atteindre un consensus unanime. Cependant, le changement peut être productif s’il se fonde sur un dialogue étendu, ouvert et transparent avec le public et un vaste éventail d’intervenants, et s’il s’appuie sur des principes et des objectifs communs.

Toute réforme envisagée du cadre des droits de la personne au Canada devrait être guidée par les objectifs suivants :

  • Clarifier les principes et les éléments d’un système efficace des droits de la personne;
  • Créer l’occasion d’entamer un dialogue équilibré sur les enjeux et options avec divers acteurs;
  • Ouvrir la voie à un processus de changement transparent et ouvert;
  • Tirer des conclusions constructives et viables qui favoriseront la revitalisation du système des droits de la personne;
  • Veiller à ce que les institutions du système des droits de la personne et les organisations non gouvernementales qui travaillent dans le système existant soient invitées à contribuer à l’élaboration du meilleur système des droits de la personne possible. 

Il est particulièrement important de faire participer les communautés autochtones à tout changement aux systèmes de droits de la personne existants. Comme je l’ai récemment fait observer dans ma déclaration devant le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, toute modification à la législation en matière de droits de la personne devrait, entre autres, reconnaître expressément le statut particulier des peuples autochtones. Les communautés autochtones devraient aussi avoir le droit de créer des approches distinctes des droits de la personne et des institutions dirigées par des Autochtones dans ce domaine si elles le souhaitent.

Enfin, et surtout, les institutions de protection des droits de la personne qui existent, et tout changement qui y serait apporté, ne pourront pas être efficaces sans un personnel et des personnes nommées représentatifs et sans un budget suffisant pour leur permettre d’exercer efficacement leurs mandats et fonctions.

J’attire l’attention du Comité sénatorial permanent sur les ressources suivantes pour en savoir plus sur les perspectives de la CODP à l’époque de la réforme du système des droits de la personne de l’Ontario :

La COPD se tient à votre entière disposition pour discuter de ses expériences et prodiguer des conseils sur la conception d’un mandat efficace pour une commission et l’exercice de ce mandat en vue de produire des résultats positifs.

La CODP vous remercie de lui avoir donné la possibilité de présenter ses observations au Comité.

 

Patricia DeGuire
Commissaire en chef
Commission ontarienne des droits de la personne

Date de soumission - 18 mai 2023

https://sencanada.ca/Content/Sen/Committee/441/RIDR/briefs/OntarioHumanRightsCommission_f.pdf