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Partie 2 – Cadre de la politique

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3. Types de discrimination raciale

Il n’est pas possible de catégoriser clairement les expériences très diverses que font les gens de la discrimination raciale. Les manifestations de discrimination se chevauchent en bonne partie, estompant leurs distinctions. Cependant, aux fins de cette politique, il nous faut décrire les différentes façons dont la discrimination raciale peut survenir. Nous ferons donc ci-dessous l’exposé des principales manières dont peut se produire la discrimination raciale, ce qui sera utile pour comprendre cette expérience et prendre des mesures à cet égard.

3.1. Stéréotypage et préjugé

S’il est vrai que la discrimination raciale est devenue plus subtile et se déguise parfois, le préjugé, le parti pris et le stéréotypage demeurent une réalité dans tous les secteurs, y compris et sans s’y limiter : lieux de travail, logement, magasins, centres commerciaux, restaurants, hôpitaux, écoles et système judiciaire.

L’un des mécanismes les plus frappants de la discrimination raciale est le stéréotypage, soit l’utilisation des catégories sociales, telles que la race, la couleur, l’origine ethnique, le lieu d’origine, la religion, pour l’acquisition, le traitement, la mémorisation et le rappel d’information au sujet d’autrui[60]. Le stéréotypage comporte généralement l’attribution des mêmes caractéristiques à tous les membres d’un groupe, en gommant leurs traits individuels. Ce procédé se fonde souvent sur des idées erronées, une information incomplète et/ou de fausses généralisations. Et tant la psychologie que l’expérience pratique confirment que tous peuvent recourir à des stéréotypes, même les personnes bien intentionnées, apparemment dénuées de partis pris. Il est en quelque sorte naturel pour l’être humain de recourir au stéréotypage racial, mais le procédé est néanmoins inacceptable en société.

Dans la plupart des cas, le stéréotype attribue des caractéristiques à un groupe. Il est impossible de décrire toutes les généralisations auxquelles on peut arriver au sujet d’autrui. Relevons toutefois la tendance à retenir des présupposés voulant que les personnes racialisées, dans leur ensemble ou chez certains groupes, sont peu intelligentes, paresseuses, non fiables, déficientes au plan de l’hygiène et de la civilisation, de moeurs faciles, serviles, portées aux abus de drogues et d’alcool, de moralité douteuse, susceptibles de se livrer à des activités criminelles et réfractaires à l’intégration (c.-à-d. incapables de s’adapter à la société canadienne).

Dans certains cas, les stéréotypes sont « positifs », p. ex. les généralisations voulant que les membres d’un groupe donné soient des as en maths, des super-athlètes ou des employés modèles. Mais il importe de ne pas minimiser les effets préjudiciables de ces « stéréotypes positifs », qui peuvent tout comme leurs contraires aboutir à l’inégalité de traitement. Par exemple, un éducateur peut encourager ses étudiants afro-canadiens à privilégier les sports au détriment de leur scolarité, suivant la croyance qu’ils réussiront dans le système scolaire uniquement grâce à leurs performances athlétiques, et manquer à appuyer suffisamment leurs aspirations et intérêts du côté des études proprement dites. Les élèves peuvent en venir à adopter ces stéréotypes, donner priorité à leurs activités sportives, négliger leur rendement et compromettre leur réussite scolaire[61].

Les stéréotypes sont insidieux : ils peuvent donner lieu à des actes qui aboutissent à une inégalité de traitement et aussi être intériorisés par leurs sujets, lesquels en viennent à y ajouter foi ou à les accepter.

Nombre de plaintes pour discrimination raciale allèguent que l’intimé se fondait, habituellement de façon indirecte, sur des stéréotypes.

Exemple : Un propriétaire avait refusé de louer un appartement à une Noire, en partie à cause du stéréotype voulant que les Noirs soient des indigents et généralement bruyants. Un tribunal[62] a jugé que si le stéréotypage racial constitue un facteur dans le refus de louer une unité résidentielle, il y a infraction au Code[63].

Exemple : Une Autochtone avait été expulsée d’un hôtel où l’on avait refusé de la servir au bar. Le tribunal a estimé particulièrement insultant que l’hôtelier, face à une femme autochtone se trouvant seule dans un hôtel, en ait conclu qu’il s’agissait d’une prostituée[64].

La discrimination raciale peut en outre découler de préjugés ouverts ou d’une antipathie ou de sentiments négatifs de la part d’une personne au sujet d’une autre ou d’un groupe.

Exemple : Un employeur avait rejeté la candidature à un emploi d’une Noire après l’avoir rencontrée. Visiblement outré, il avait carrément rejeté la postulante, sans même s’informer de ses titres de compétences. Lorsqu’on l’avait interrogé sur ce qui faisait défaut, il avait vaguement mentionné le maintien de l’image de l’entreprise[65].

Exemple : Deux femmes d’origine autochtone cherchaient une maison à louer. Apprenant qu’elles étaient autochtones, l’épouse du propriétaire avait déclaré qu’elle ne louait pas aux « Indiens », et avait fait d’autres commentaires désobligeants. Elle avait ensuite demandé ce que les femmes faisaient comme travail, et, lorsque l’une d’elles s’était déclarée bénéficiaire de l’aide sociale, avait rétorqué « C’est d’autant pire »[66].

Les préjugés et le stéréotypage racial peuvent aussi mener au harcèlement racial (ce dont nous traitons ci-dessous).

3.2. Profilage racial

La définition que donne la CODP du profilage racial est la suivante : toute action prise pour des raisons de sûreté, de sécurité ou de protection du public qui repose sur des stéréotypes fondés sur la race, la couleur, l’ethnie, la religion ou le lieu d’origine plutôt que sur un soupçon raisonnable, dans le but d’isoler une personne à des fins d’examen ou de traitement particulier. Cette pratique n’est pas restreinte à un groupe ou à une institution en particulier.

La CODP a déclaré que le profilage racial consiste essentiellement à assimiler une personne à un stéréotype, en fonction d’idées préconçues sur son caractère. Puisque les droits de la personne exigent que les décisions relatives à une personne soient prises de façon individualisée et ne constituent pas des jugements à partir de caractéristiques présumées, le profilage racial est une forme de discrimination raciale et, à ce titre, peut justifier le dépôt de requêtes auprès du Tribunal.

La Cour d’appel de l’Ontario a reconnu le problème inhérent à la preuve nécessaire pour constituer un dossier de plainte pour profilage racial. La Cour a noté que ces incidents peuvent rarement s’appuyer sur des preuves directes et que, par conséquent, l’existence du profilage racial dépend d’inférences à partir de preuves circonstancielles[67]. Il suffit de compter la race parmi les facteurs d’une conduite qu’on présume constituer un cas de profilage. Il n’est pas nécessaire que ce motif représente la cause majeure ou principale du traitement négatif; l’existence du profilage racial peut être établie, même si la race n’est qu’un des facteurs[68].

Si l’on veut prouver une allégation de profilage, il faut démontrer que la personne dite responsable de l’acte a eu l’occasion de constater ou de supposer quelle était la race du plaignant[69]. Une fois cet élément démontré, il faut encore déterminer si la connaissance de ce fait a mené la personne dite responsable à agir de manière discriminatoire. Les considérations suivantes sont pertinentes pour déterminer si le profilage racial a figuré comme facteur dans une situation donnée :

  • Des déclarations qui indiquent l’existence de stéréotypes ou de préjugés : insultes d’ordre racial, énoncés suggérant qu’une personne est considérée comme « étrangère », p. ex. « Dans notre pays, on ne... », « Parlez-vous français/anglais? », des commentaires soupçonneux, indices de stéréotypes, p. ex. « Qu’est-ce que vous faites dans le quartier? »[70], « Il faut payer d’avance pour le trajet en taxi. »
  • Des actes qui concordent avec le phénomène du profilage racial[71].
  • On donne une explication contradictoire, incertaine ou non existante du fait que la personne a été soumise à un examen plus serré ou à un traitement différent, ou bien l’explication proposée contredit le sens commun[72].
  • L’incident se serait déroulé différemment si la personne avait été blanche[73].
  • Il y a eu des écarts par rapport à ce qui se passe normalement[74].
  • On s’est conduit de manière non professionnelle ou encore on a manqué de courtoisie envers la personne[75].

Exemple : Deux hommes noirs qui prenaient place dans une Ford Mustang noire arborant des plaques du Texas ont été pris en chasse et arrêtés par un agent de police de Halifax. L’agent ayant demandé une preuve d’assurance et les papiers d’immatriculation du véhicule, il n’a pas voulu reconnaître la validité des documents présentés ni des explications données. Il a émis une contravention au chauffeur et fait remorquer la voiture. En réalité, les documents étaient valides en vertu des lois du Texas. La saisie était erronée et la voiture a été remise à son propriétaire le lendemain. En concluant à la discrimination raciale, la commission d’enquête a jugé que les actes de l’agent portaient la marque du stéréotypage racial, car il avait spontanément attribué des tendances criminelles à des Noirs. La commission a ordonné des recours institutionnels outre une somme de 15 000 $ en dépens et dommages-intérêts. Les services policiers de la région de Halifax ont dû faire appel à des spécialistes pour évaluer l’efficacité de leurs politiques de formation en matière de diversité et de lutte contre le racisme, publier leur rapport et annoncer publiquement les mesures prises et devant être prises à la lumière de ce rapport[76].

Enfin, il est important de souligner que, pour les personnes ayant des raisons de croire qu’elles font l’objet d’un profilage racial, l’expérience est vraisemblablement troublante et susceptible de provoquer chez elles de la colère et l’adoption d’un ton agressif. Tout citoyen honnêtement et raisonnablement persuadé d’avoir été traité injustement a le droit de protester vigoureusement, tant qu’il n’a pas aussi recours à des gestes menaçants. Un tribunal a déjà estimé que, dans les circonstances, il faut user d’un certain degré de tact et de tolérance et que l’utilisation d’une certaine violence verbale ne saurait à son tour justifier la poursuite d’un traitement différent[77].

3.3. Discrimination raciale subtile

Il arrive que la discrimination raciale s’affiche ouvertement, mais il est reconnu que, dans maintes circonstances, elle revêt des formes discrètes et plus subtiles. Les tribunaux ont souvent relevé ce fait : « La discrimination n’est pas une pratique qu’on s’attend à voir se manifester ouvertement[78] »; elle est « souvent subtile et insidieuse[79] ». Au Canada, il est depuis longtemps établi en droit qu’une intention ou un motif de discrimination n’est pas un élément nécessaire au constat d’un acte à caractère discriminatoire. Il suffit que la conduite ait un effet discriminatoire[80], et que la discrimination raciale compte au nombre des motifs de la décision ou du traitement subi[81].

L’examen de toutes les circonstances est souvent nécessaire pour dépister certaines formes subtiles de discrimination[82]. Divers actes peuvent en eux-mêmes être ambigus ou expliqués autrement, mais, dans un contexte plus global et moyennant une juste compréhension des rouages du phénomène, mener à l’inférence que la discrimination raciale a compté comme facteur dans le traitement subi par l’intéressé.

Les affaires où des formes subtiles de discrimination sont alléguées requièrent donc une enquête et une analyse du contexte global du comportement, du commentaire ou de la conduite en cause, compte tenu de la présence ou de l’absence de preuve permettant de comparer ce traitement avec celui d’autres personnes dans une situation analogue ou de preuve de l’existence habituelle de ce comportement.

On peut donner de multiples exemples des formes subtiles que peut prendre la discrimination raciale. Il peut être particulièrement difficile de déterminer si ce processus a compté comme facteur dans les situations de recrutement. Si une personne racialisée est qualifiée et qu’une autre sans qualification supérieure est choisie, l’organisation devra fournir une explication non discriminatoire de sa décision[83]. L’existence de discrimination dans le processus d’embauchage peut être établie même si le plaignant n’aurait pas été le candidat retenu en l’absence de discrimination[84].

Les types de traitement suivants peuvent être indicateurs de discrimination raciale en cours d’emploi :

  • exclusion des réseaux formels ou informels;
  • refus de mentorat ou d’opportunités de perfectionnement professionnel offertes à d’autres, telles que détachement et formation d’appoint;
  • pratiques de gestion à impact différentiel envers les personnes racialisées, par exemple surcharge de documents, surveillance excessive, écarts des politiques écrites ou des pratiques standard;
  • blâme démesuré lors d’un incident[85];
  • affectation à des postes ou à des tâches peu désirables[86];
  • considération de divergences d’opinion normales exprimées par des personnes racialisées comme des marques d’insubordination ou d’insolence;
  • caractérisation du mode normal de communication chez certaines personnes racialisées comme grossier ou agressif[87];
  • pénalisation d’une personne racialisée pour défaut de bien s’entendre avec une autre (p. ex. collègue ou gestionnaire), alors qu’une des raisons de la mésentente réside dans les attitudes ou les comportements discriminatoires de l’autre personne[88].

Dans certains cas, un motif non discriminatoire peut justifier ce genre de traitement. Toutefois, les explications subjectives, telles que « mauvaise attitude » ou « rendement médiocre » sans preuves à l’appui, doivent être traitées avec prudence. Il est donc dans l’intérêt d’une organisation d’adopter de bonnes pratiques en matière de ressources humaines, par exemple une gestion du rendement progressive et documentée à l’égard de tous les employés. On a aussi établi que le comportement d’une personne peut en soi constituer une réaction à l’expérience de la discrimination ou à l’existence d’une atmosphère empoisonnée[89].

En matière de logement, on refuse parfois l’égalité d’accès à des postulants racialisés en faisant appel à des modes de sélection subtils :

  • On informe les personnes racialisées qu’un appartement est déjà loué, alors qu’un ami blanc, se renseignant sur la disponibilité du logement, apprend qu’il est toujours disponible.
  • Des locataires peuvent ne pas obtenir un accès égal à des services liés au logement en raison de la race et de motifs connexes. Ce traitement peut prendre la forme de conditions de logement inférieures à la norme ou du défaut d’effectuer les réparations nécessaires[90].
  • Il peut y avoir discrimination si l’on s’objecte aux pratiques culturelles de certains locataires ou si l’on fait des remarques désobligeantes à ce propos[91].

Exemple : Un homme de race noire ayant répondu à une annonce d’appartement à louer, avait été invité à le voir. Après s’être présenté et avoir visité l’appartement, il s’était fait dire qu’une autre personne avait demandé à voir le logis et qu’il serait informé de son éventuelle disponibilité. Lorsqu’il avait téléphoné au propriétaire par la suite, ce dernier lui avait répondu que l’appartement était déjà pris. Or, lorsque la sœur de son amie avait téléphoné, on lui avait dit que l’appartement était toujours libre. Le tribunal a rejeté la preuve de la propriétaire voulant que les manières de l’intéressé la mettaient mal à l’aise, de même que la preuve d’une autre locataire, d’origine chinoise, voulant que la propriétaire n’ait pas exercé de discrimination raciale vis-à-vis du Noir, puisqu’elle lui avait loué un appartement à elle[92].

Dans le contexte des services éducatifs, des formes de discrimination subtiles peuvent se manifester de toutes sortes de façons, notamment[93] :

  • la manière dont les éducateurs traitent les élèves racialisés;
  • lorsque des élèves racialisés sont encouragés à se diriger dans une voie technique et non à faire des études plus poussées;
  • des attentes plus faibles chez les enseignants à l’égard des élèves racialisés;
  • des mesures disciplinaires différentes à l’égard des élèves racialisés;
  • le fait de s’écarter des politiques écrites ou des pratiques standard lorsqu’on a affaire à des élèves racialisés;
  • le défaut de prendre au sérieux les incidents d’ordre racial ou les actes d’intimidation entre enfants ou le fait de minimiser la gravité de ce genre de conduite;
  • le fait de traiter les réactions d’élèves racialisés à des incidents ou à des actes d’intimidation d’ordre racial comme s’il s’agissait de problèmes disciplinaires, sans porter attention aux incidents déclencheurs, ou encore le fait de considérer ces incidents sous-jacents comme des facteurs atténuants.

Ces problèmes peuvent également survenir dans d’autres secteurs de service :

Exemple : Un Autochtone qui avait fait une réservation dans une auberge s’était vu attribuer une chambre en mauvais état, de catégorie inférieure. Des statistiques tirées des registres de l’hôtel attestaient que certaines chambres étaient plus fréquemment affectées à des clients autochtones, tandis que les chambres de meilleure catégorie étaient plus souvent affectées à des clients non autochtones. En outre, on avait demandé à un agent de police local qui avait téléphoné à l’hôtel au nom de certaines personnes qui cherchaient des chambres si ces personnes étaient des Autochtones, « parce que toutes les chambres pour Autochtones étaient occupées »[94].

Il n’est pas nécessaire que, lors des interactions entre les parties, des paroles ou des commentaires liés à la race soient énoncés pour démontrer qu’il y a bel et bien eu discrimination raciale. Cependant, lorsque des commentaires de cette nature ont été faits, ils constituent des preuves que la race a joué dans le traitement de la personne en cause. De même, des commentaires négatifs à propos de quelqu’un qui se porte à la défense des droits de la personne ou de pratiques équitables viendront appuyer l’inférence que la race a joué comme facteur dans l’interaction d’un particulier ou d’une organisation avec l’intéressé[95].

Exemple : Le directeur adjoint d’une école, de race noire, avait essayé à plusieurs reprises d’obtenir une promotion au poste de directeur. En examinant la preuve dans son ensemble, le Tribunal a découvert certains faits à l’appui de l’inférence que des considérations d’ordre racial influaient sur les décisions en matière de mutation et de promotion. En effet, il y avait eu des mentions dénuées de pertinence de la race du plaignant et d’un enseignant noir de la part du personnel de direction au cours d’entrevues et/ou de discussions portant sur les opportunités de mutation, de même que des exhortations adressées aux enseignants noirs qui prônaient l’adoption de pratiques équitables de « ne pas s’attendre à ce que les choses changent du jour au lendemain »[96].

Le « racisme ordinaire » peut faire partie du contexte quand on cherche à savoir si des formes subtiles de discrimination raciale ont joué, lors d’allégations d’actes de discrimination raciale pour des motifs interdits par le Code. Ce genre d’affaire exige normalement un élément de récurrence ou de répétition[97], de même que l’examen du traitement réservé à d’autres personnes dans des situations comparables[98].

Exemple : Pendant les réunions du personnel, un gestionnaire lève les yeux au ciel lorsqu’un employé racialisé prend la parole ou il l’interrompt, même si celui-ci n’a rien dit d’inconvenant. Le gestionnaire ne se comporte pas de la sorte avec d’autres employés. Lorsque les relations entre les employés et le gestionnaire deviennent par trop tendues, la personne racialisée est congédiée. L’explication de cet état de fait est généralement que l’employé est incapable de s’entendre avec son gestionnaire.

Des preuves factuelles analogues servent, le cas échéant, à appuyer les allégations de discrimination raciale[99]. De plus, reconnaissant que la plupart des personnes racialisées sont susceptibles de discerner des manifestations de discrimination qui demeurent invisibles pour d’autres, la CODP est d’avis que la perception de ces manifestations par des tiers peut avoir une certaine pertinence lors d’une requête[100].

La preuve qu’une personne ayant les mêmes caractéristiques racialisées que le plaignant n’a pas fait l’objet d’actes de discrimination peut ou non être pertinente, selon la nature des allégations. Des affirmations de nature générale de la part d’une personne racialisée, alléguant un défaut de promotion des membres de « minorités », peuvent justifier qu’on cherche à savoir si une organisation a déjà promu des membres d’autres « minorités ». Cependant, s’il s’agit d’une allégation précise touchant par exemple le traitement des Afro-Canadiens, des preuves relatives au traitement des Canadiens chinois peuvent n’être que peu ou pas utiles. En effet, la discrimination raciale peut se manifester très différemment, selon les caractéristiques de chaque personne racialisée. Cela semble particulièrement vrai si l’on compare un groupe racialisé à un autre, mais ce peut aussi être le cas au sein d’un même groupe. Par exemple, une personne qui parle avec un accent sud-asiatique et porte des vêtements traditionnellement sud-asiatiques peut témoigner d’une expérience très différente de celle de personnes qui semblent davantage « assimilées »; l’expérience d’une personne qui a le teint clair peut être différente de celle d’une autre à peau plus foncée, et une personne peut être soumise à un traitement particulièrement cruel alors que d’autres ne le sont pas parce que cette personne refuse de se conformer à un stéréotype ou qu’elle exige le respect de ses droits.

Puisque quiconque peut se livrer à des actes de discrimination ou y participer, déclarer qu’il n’a pu s’agir de discrimination parce que la personne mise en cause est elle-même racialisée n’est pas nécessairement un argument valable.

3.4. Harcèlement racial

3.4.1. Protection conférée par le Code à l’égard du harcèlement

Aux termes du paragraphe 5 (2) du Code, tout employé a le droit d’être à l’abri de tout harcèlement au travail par son employeur ou le mandataire de celui-ci ou un autre employé pour des raisons fondées entre autres sur la race, l’ascendance, le lieu d’origine, la couleur, l’origine ethnique et la croyance. Ce droit vaut pour le lieu de travail mais s’étend également au « lieu de travail élargi », soit les situations se déroulant à l’extérieur du lieu de travail physique ou en dehors des heures normales de travail, mais qui ont un rapport avec le travail, telles que les voyages d’affaires et les réceptions ou réunions mondaines liées à l’emploi.

Selon le paragraphe 2 (2) du Code, l’occupant d’un logement a le droit d’y vivre sans être harcelé par le propriétaire ou son mandataire ou un occupant du même immeuble pour des raisons fondées entre autres sur la race, l’ascendance, le lieu d’origine, la couleur, l’origine ethnique, la citoyenneté et la croyance.

Le Code ne renferme aucune disposition explicite sur le harcèlement dans les domaines des services, des biens ou des installations (article 1), des contrats (article 3) et de l’appartenance à un syndicat ou à une association commerciale ou professionnelle (article 6). Cependant, la Commission a pour principe que le harcèlement racial en pareilles situations constitue une infraction aux articles 1, 3 et 6 du Code, qui énoncent que toute personne a droit à un traitement égal et sans discrimination en matière de services, de biens ou d’installations, de contrats et d’appartenance à un syndicat ou à une association commerciale ou professionnelle, respectivement.

3.4.2. Définition de « harcèlement » 

Au paragraphe 10 (1), le Code définit le harcèlement comme étant « le fait pour une personne de faire des remarques ou des gestes vexatoires lorsqu’elle sait ou devrait raisonnablement savoir que ces remarques ou ces gestes sont importuns ».

La mention de remarques ou de gestes que la personne « sait ou devrait raisonnablement savoir qu’ils sont importuns » établit un critère à la fois objectif et subjectif pour l’existence du harcèlement. Du côté subjectif, on considère la connaissance qu’a le harceleur de la réaction provoquée par son comportement. Du côté objectif, soit le point de vue d’une tierce partie « raisonnable », on considère le type de réaction généralement provoquée par le comportement. La détermination du point de vue de la tierce partie « raisonnable » doit prendre en compte la perspective de la personne qui subit le harcèlement[101].

Les tribunaux reconnaissent nommément l’impact des épithètes de nature raciale sur les personnes racialisées. Lorsque des Blancs en position de pouvoir insultent des Noirs ou d’autres personnes racialisées en se servant de termes méprisants, leurs propos reflètent des jugements de société quant à la supériorité des Blancs et à l’infériorité des autres. Les propos racistes ont cet effet, que celui-ci soit ou non intentionnel, puisque ces jugements sont inhérents au sens des mots[102].

Il devrait être évident dans maintes situations que les remarques ou les gestes à teneur raciale seront insultants ou, à tout le moins, importuns. Les types de comportements suivants sont généralement considérés comme « des types de remarques ou de gestes dont on devrait raisonnablement savoir qu’ils sont importuns » :

  • épithètes, insultes ou mauvaises plaisanteries de nature raciale;
  • surnoms ou interpellations insultantes à caractère racial[103];
  • graffitis ou caricatures à teneur raciale;
  • commentaires ridiculisant des personnes en raison de caractéristiques liées à la race, à des vêtements rituels, etc. ;
  • moqueries et plaisanteries adressées à une personne et se rapportant à la race, à l’ascendance, au lieu d’origine ou à l’ethnie;
  • mentions inappropriées d’organisations racistes, telles que le Ku Klux Klan;
  • images, caricatures ou plaisanteries injurieuses diffusées par courriel; affichage d’un écran de veille à thème racial offensant.

Il est important de noter que les remarques et les gestes liés à la race d’une personne peuvent au premier abord sembler inoffensifs. Ils peuvent toutefois être « importuns » du point de vue de l’intéressé. Si la personne s’y oppose et si un comportement analogue se reproduit, il peut y avoir infraction au Code.

De plus, les remarques ou les gestes n’ont pas besoin d’être explicites pour constituer du harcèlement racial :

Exemple : Dans un certain lieu de travail, seuls les employés hispaniques sont visés par des moqueries et des farces à caractère humiliant. Les circonstances propres à la situation portent à conclure que ce traitement constitue du harcèlement racial, même si les moqueries et les farces ne renferment aucune allusion à la race.

Si la personne visée s’oppose au comportement, cela porte fortement à conclure que son auteur le savait ou aurait raisonnablement dû le savoir importun. Il est tout de même important de rappeler que les personnes soumises au harcèlement racial peuvent ne pas s’y opposer et peuvent même sembler consentir ou participer aux remarques ou gestes inconvenants.

Pour les tribunaux, ce type de réaction est compréhensible et n’interdit pas le dépôt d’une plainte pour harcèlement. Certaines personnes visées par cette forme de harcèlement ne s’y opposent pas parce qu’elles sont dans une situation vulnérable, craignent les conséquences qu’il y aurait à le faire et refoulent le stress par une acceptation muette. D’autres réagiront en s’emportant, par la colère, par le recours à des propos tranchants, en rétorquant même par des remarques de nature raciale ou des manifestations d’émotivité[104].

Nul ne peut, par contrat, renoncer aux droits que lui reconnaît le Code. Par ailleurs, les employeurs, propriétaires et fournisseurs de services ont l’obligation de maintenir un environnement exempt de discrimination et de harcèlement, peu importe la présence ou l’absence d’objections. Par conséquent, on ne peut invoquer comme décharge qu’une personne racialisée ait accepté ou toléré la situation ou y ait participé.

3.4.3. Harcèlement fondé sur des motifs multiples

Comme dans les cas de discrimination raciale, il arrive que le harcèlement racial prenne des formes complexes, en raison de l’intersection de motifs multiples. Par exemple, l’expérience du harcèlement racial telle que vécue par les femmes est souvent différente de celle que rapportent les hommes. En effet, ces personnes sont soumises à des formes distinctes de stéréotypage, en fonction d’une combinaison des motifs de race et de sexe. Également, des facteurs tels que l’orientation sexuelle, un handicap, l’âge, la langue[105] et la religion peuvent donner lieu à des situations complexes et uniques de harcèlement racial.

Les stéréotypes raciaux quant à la sexualité des femmes sont en cause dans un bon nombre de plaintes pour harcèlement sexuel. Les femmes sont parfois visées en raison de la croyance que, vu certaines caractéristiques raciales, elles sont de mœurs légères, plus susceptibles de se soumettre au pouvoir masculin, plus vulnérables, etc.

Exemple : Une femme d’ascendance métisse et noire avait été en butte à toute une série de remarques d’ordre sexuel de la part de son employeur, qui avait à plusieurs reprises exprimé sa préférence pour les femmes noires et les caractéristiques physiques des femmes noires et africaines. Elle avait également été forcée de regarder des images pornographiques et de subir des attouchements. Le tribunal avait jugé que son employeur s’était rendu coupable de harcèlement racial et sexuel à son égard, parce qu’elle était une jeune femme noire à l’endroit de laquelle, à titre d’employeur, il pouvait exercer un pouvoir et une domination économique. Il avait humilié son employée à maintes reprises par des présupposés racistes sur la sexualité des Noires. Cette situation a donné lieu à des dommages-intérêts monétaires distincts pour chacun des chefs de harcèlement, racial et sexuel. Le tribunal a aussi conclu que le caractère intersectionnel de la discrimination et du harcèlement avait exacerbé les souffrances mentales de la victime[106].

Selon la CODP, là où l’intersection de motifs multiples engendre une expérience de discrimination ou de harcèlement unique, ce fait doit être reconnu afin d’évaluer équitablement le plein impact du phénomène sur la personne en cause. Si la preuve indique qu’il y a eu harcèlement en raison de motifs multiples, la CODP estime que le Tribunal devrait appliquer la notion d’intersectionnalité à la détermination de la responsabilité et des réparations à adjuger.

3.5. Atmosphère empoisonnée

La définition que donne le Code du harcèlement renvoie à plus d’une remarque, d’un incident ou d’un comportement isolé. Cependant, une seule remarque ou un seul incident, s’il est suffisamment grave ou substantiel, peut avoir un impact préjudiciable pour une personne racialisée en instaurant une atmosphère empoisonnée[107]. En retombée d’une atmosphère empoisonnée, certaines personnes sont soumises à des conditions d’emploi, de location, de services, etc., très différentes de celles du reste de la population, ce qui peut porter atteinte à leur droit à l’égalité aux termes du Code.

Dans le contexte de l’emploi, les tribunaux ont confirmé que l’atmosphère du lieu de travail est une condition d’emploi au même titre que l’horaire et le taux de salaire. Les « conditions d’emploi » comprennent les facteurs affectifs et psychologiques liés au lieu de travail[108]. Le personnel de direction qui est ou devrait être conscient de l’existence d’une atmosphère empoisonnée et qui la tolère exerce de la discrimination à l’égard des employés touchés, même s’il ne participe pas personnellement à son instauration[109].

La notion d’atmosphère empoisonnée se présente surtout dans un contexte d’emploi, mais elle est également pertinente lorsqu’elle se traduit par des modalités et conditions d’occupation d’un logement, de fourniture de services, de contrats ou d’appartenance à un syndicat ou à une association professionnelle.

On peut retrouver une atmosphère empoisonnée notamment dans le contexte spécifique des services d’éducation. Or, les écoles ont l’obligation de maintenir un milieu d’apprentissage positif, non discriminatoire[110]. En milieu scolaire, les élèves ont le droit d’être à l’abri d’une atmosphère empoisonnée, que celle-ci résulte du comportement inapproprié d’un éducateur ou d’autres élèves. Les éducateurs sont tenus d’intervenir immédiatement dans les situations pouvant donner lieu à des moqueries ou à des actes d’intimidation et de harcèlement d’ordre racial.

Le constat d’une atmosphère empoisonnée se fonde sur la nature des remarques ou des gestes et sur l’impact qu’ils ont sur une personne, plutôt que sur le nombre de fois où le comportement se reproduit. Comme nous l’avons déjà mentionné, un incident unique suffit à créer une atmosphère empoisonnée[111].

Cette ambiance peut résulter des remarques ou des actes de toute personne, peu importe son degré de pouvoir ou sa fonction dans le milieu. Par conséquent, un collègue, un superviseur, un colocataire, un membre du conseil d’administration ou un fournisseur de services peuvent tous se comporter d’une manière qui empoisonne les conditions de travail d’une personne racialisée.

Il n’est pas nécessaire que le comportement vise une personne précise pour gâcher l’ambiance. De plus, une personne peut devoir subir ce climat, même si elle n’est pas membre du groupe racialisé qui est visé.

Exemple : Une Canadienne d’origine chinoise travaillait à la cuisine d’une boulangerie-pâtisserie, où elle entendait à longueur de journée des insultes raciales et des propos stéréotypés. Bien que ces remarques ne se soient pas adressées directement à elle mais plutôt à ses collègues de race noire, la commission d’enquête a conclu qu’elle aussi avait été soumise à une atmosphère empoisonnée dans son lieu de travail[112].

Voyons ci-dessous des exemples de situations qui pourraient être considérées comme des infractions au Code, du fait qu’elles comportent l’instauration d’une atmosphère empoisonnée :

  • Un superviseur ou un propriétaire qui interpelle un employé ou un locataire : « Je me demande pourquoi, tous vous autres, vous ne retournez pas d’où vous venez, parce que, chose sûre et certaine, vous n’avez rien à faire ici. »
  • Des commentaires, écriteaux, caricatures ou bandes dessinées affichés dans un milieu de services, tel qu’un magasin ou un restaurant, ou dans une situation de travail ou de location qui représentent des personnes racialisées de façon humiliante.
  • Des graffitis d’ordre racial tolérés par un employeur, un propriétaire ou un fournisseur de services qui ne prend pas aussitôt des mesures pour les faire disparaître.
  • Des remarques, plaisanteries ou insinuations de nature raciale en présence d’un employé, d’un client ou d’un locataire. De plus, ces remarques, plaisanteries ou insinuations s’adressant à d’autres personnes ou groupes racialisés peuvent faire supposer à la personne – employé, client ou locataire – que les membres de sa race sont aussi la cible de propos analogues.

Lorsqu’un employé victime d’une atmosphère empoisonnée est licencié, il faut examiner le contexte du milieu de travail pour déterminer si le licenciement constitue une mesure discriminatoire[113].

Les remarques et les gestes inconvenants empoisonnent l’atmosphère, et ce non uniquement pour les personnes racialisées : ils nuisent à tout le monde et perturbent le milieu. Il incombe à chaque employeur, propriétaire et fournisseur de services de veiller à ce que l’environnement soit exempt de ce genre de comportement, même si personne ne s’y oppose.

3.6. Discrimination liée à la langue

Le Code ne mentionne pas la « langue » au nombre des motifs de discrimination interdits, mais cet élément peut donner lieu à une plainte fondée sur les motifs d’ascendance, d’origine ethnique, de lieu d’origine et de race. Comme le relève la CODP dans sa Politique concernant la discrimination et la langue, l’accent d’une personne est solidaire de son ascendance, de son origine ethnique ou de son lieu d’origine, et, ainsi que nous en avons déjà traité dans la présente politique, les accents ou façons de parler peuvent être des caractéristiques racialisées.

Dans certaines situations, l’exigence de parler la langue couramment ou l’accent d’une personne peut servir à camoufler une discrimination fondée sur la race.

Exemple : Une Afro-Canadienne en cause dans un désaccord avec un collègue au téléphone s’était fait dire par le gestionnaire que son accent pouvait être perçu comme « brusque et grossier ». L’intéressée avait été insultée par cette représentation de son accent et le fait qu’on tienne celui-ci pour cause du désaccord. Lorsqu’elle avait insisté pour que le gestionnaire s’excuse, la direction l’avait trouvée « susceptible », « difficile » et « agressive », et on l’avait aussitôt placée en tête de liste des évaluations de rendement.

Exemple : Des travailleurs originaires de l’Équateur et d’autres pays d’Amérique centrale et du Sud, nouveaux venus au Canada, étaient ridiculisés et se faisaient traiter différemment des autres parce qu’ils utilisaient l’espagnol entre eux et parlaient mal anglais[114].

Exemple : Un fournisseur de logements subventionnés n’avait pas inscrit le nom d’une postulante à la liste d’attente, sous prétexte qu’elle ne parlait pas couramment anglais et qu’il serait difficile de communiquer avec elle.

Parallèlement, il est admis que, dans certaines circonstances, une bonne connaissance d’une langue donnée peut constituer une exigence raisonnable et de bonne foi[115].

Exemple : Une agence d’établissement des immigrants desservant des personnes provenant de pays d’Asie du Sud avait besoin d’employés de soutien. Or, la plus grande partie de sa clientèle était constituée de nouveaux arrivants au Canada. La capacité de parler couramment une ou plusieurs langues sud-asiatiques outre le français (ou l’anglais) aurait vraisemblablement été considérée comme une exigence de bonne foi pour obtenir ces postes.

3.7. Association

Le Code assure la protection des personnes qui subissent de la discrimination ou du harcèlement en raison de leurs rapports, d’une association ou d’échanges avec une personne ou un groupe de personnes racialisées[116]. Cette forme de discrimination se retrouve souvent dans le contexte des relations interraciales et peut se manifester de plusieurs façons :

  • on soumet une personne à du harcèlement ou à une atmosphère empoisonnée au travail à cause de ses rapports avec une personne racialisée, p. ex. remarques inconvenantes d’ordre sexuel adressées à une femme dont l’ami est un homme racialisé[117];
  • on offre des conseils non sollicités à une femme et on la prévient que son ami racialisé lui infligera des mauvais traitements, vu des présupposés stéréotypiques selon lesquels « les hommes originaires de cette partie du monde sont tous des machos »;
  • on fait subir à une personne un traitement différent en matière de services, p. ex. la police arrête la voiture d’une femme accompagnée d’un homme racialisé, en raison de la présupposition qu’une femme qui fréquente un homme racialisé ne peut être qu’une prostituée[118];
  • une locataire fait l’objet de harcèlement ou de mesures discriminatoires au chapitre du logement lorsque son propriétaire lui interdit les visites d’un ami racialisé.

De même, il s’agit de discrimination raciale fondée sur l’association dans le domaine du logement lorsque les propriétaires interdisent à leurs locataires de sous-louer à des personnes racialisées.

Exemple : Un propriétaire est trouvé coupable d’avoir exercé de la discrimination à l’encontre d’un locataire, en empêchant celui-ci de sous-louer son appartement à un couple d’origine autochtone[119]. Dans le cadre d’une autre affaire, la commission d’enquête trouve un propriétaire coupable de discrimination parce qu’il a refusé une cession de bail à des personnes d’origine pakistanaise ou indienne[120].

Les poursuites intentées à des personnes qui s’opposent aux commentaires d’ordre racial visant un autre groupe ont été jugées discriminatoires pour motif d’association.

Exemple : Une femme qui était membre d’un club s’était opposée aux commentaires racistes d’autres membres au sujet des « nègres » et des « Indiens ». Le Tribunal a conclu que, ayant ouvertement pris position contre le racisme, l’intéressée s’était clairement associée aux Premières nations et à des personnes racialisées, et les sanctions prises par le club en raison de son opposition à des commentaires racistes équivalaient à une violation du Code[121].

3.8. Groupements sélectifs

Dans certaines circonstances, le Code autorise certains types d’organismes à restreindre l’admissibilité ou la participation à ses activités pour des motifs énumérés par le Code, notamment la race et des motifs connexes :

  1. Ne constitue pas une atteinte aux droits, reconnus dans la partie I, à un traitement égal en matière de services et d'installations, avec ou sans logement, le fait qu'un organisme ou un groupement religieux, philanthropique, éducatif, de secours mutuel ou social dont le principal objectif est de servir les intérêts de personnes identifiées par un motif illicite de discrimination, n'accepte que des personnes ainsi identifiées comme membres ou participants.

Exemple : Une clinique d’aide juridique dont la raison d’être est principalement de desservir les membres d’une certaine communauté racialisée n’accepte comme clients que des membres de cette communauté.

De façon analogue, un organisme ou un groupement religieux, philanthropique, éducatif, de secours mutuel ou social dont le principal objectif est de servir les intérêts de personnes identifiées par la race ou des caractéristiques connexes peut n’employer que des personnes ainsi identifiées ou leur accorder la préférence si cette qualité requise est exigée de façon raisonnable et de bonne foi, compte tenu de la nature de l’emploi. (alinéa 24 (1) a))

L’organisme qui souhaite invoquer cet argument doit démontrer qu’il répond à toutes les exigences de la disposition pertinente.

4. Dimensions systémiques ou institutionnelles

La discrimination raciale marque des comportements individuels, mais elle peut également être systémique ou institutionnalisée. Ce dernier type de discrimination se caractérise par des manifestations particulièrement complexes. Les organismes et institutions ont l’obligation positive de veiller à ne pas exercer de discrimination raciale au plan systémique ou institutionnel.

La discrimination systémique ou institutionnelle découle de politiques, pratiques et comportements qui font partie des structures sociales et administratives de l’organisation et dont l’ensemble crée ou perpétue une situation désavantageuse pour les personnes racialisées[122]. Ces schèmes peuvent sembler neutres en apparence, mais ils n’en ont pas moins un effet d’exclusion pour les intéressés. Notons toutefois que la discrimination systémique peut chevaucher d’autres types de discrimination. Par exemple, une politique discriminatoire peut être aggravée par l’attitude vexatoire de la personne qui l’applique.

La discrimination systémique ou institutionnelle est une barrière majeure pour les groupes racialisés, particulièrement dans le contexte de l’emploi et dans les systèmes d’éducation et de justice pénale.

L’expérience des impacts de la discrimination systémique peut être vécue différemment s’il y a intersection avec d’autres motifs, entre autres le sexe, un handicap et le lieu d’origine. Par exemple, dans un milieu de travail où la formation de réseaux informels – qui, à leur tour, mènent à des promotions – repose surtout sur certaines activités sportives propres à une culture et à un sexe, une femme racialisée ayant un handicap affronte un triple désavantage. Un nouveau venu africain pourra se heurter à des barrières analogues au plan du réseautage et donc de l’avancement au sein de cette même organisation. Par conséquent, pour s’attaquer à la discrimination systémique, il faut être sensible aux effets cumulatifs et interactifs de la discrimination pour motifs multiples.

Comme nous l’avons dit à la section 1.4. Contexte historique : L’héritage du racisme au Canada, les antécédents du racisme au Canada continuent d’avoir des effets marqués sur les milieux touchés. Dans beaucoup de ces collectivités, le désavantage se trouve cumulé, en raison de la discrimination passée et présente. Ainsi, on peut retracer la source du désavantage économique qui est aujourd’hui manifeste chez les Premières nations et dans les communautés afro-canadiennes aux pratiques discriminatoires du passé, qui ont radicalement restreint les opportunités économiques des membres de ces collectivités.

L’impact cumulatif des désavantages passés et présents se reflète dans les statistiques sur le chômage, le sous-emploi, les emplois mal payés, le faible degré d’instruction, la pauvreté et l’absence de logement adéquat. Par exemple, selon les données du recensement de 2001, le revenu médian des Canadiens âgés de 15 ans et plus se chiffrait à 22 120 $ en comparaison de 17 610 $ chez les membres des « minorités visibles ». En ce qui concerne les familles pauvres, l’incidence du faible revenu était de 12,9 % pour la population générale, en regard de 26,0 % pour l’ensemble des « minorités visibles »[123]. La situation est encore plus sombre chez les Autochtones[124]. Par exemple, les données du recensement de 1996 montraient que les Autochtones des régions urbaines étaient deux fois plus susceptibles de vivre dans la pauvreté que les non-Autochtones, et les données du recensement de 2001 indiquaient que le revenu médian des personnes se disant Autochtones était de 13 526 $, soit 61 % du revenu médian des Canadiens moyens[125].

Dans certaines situations, l’existence de désavantages historiques est un facteur qui engendre la discrimination systémique ou y contribue. Il est donc nécessaire de considérer la position déjà défavorisée d’une personne ou d’un groupe dans la société canadienne comme partie intégrante de toute analyse cherchant à déterminer l’existence d’une discrimination systémique ou institutionnelle. Par exemple, l’accès restreint aux services de santé pour les personnes à faible revenu ou vivant dans une région défavorisée peut devenir une barrière systémique pour les personnes racialisées qui, étant donné des désavantages historiques, sont déjà plus susceptibles d’être pauvres.

4.1. Identification de la discrimination systémique

Les trois éléments suivants peuvent servir à cerner les situations de discrimination systémique et à prendre des mesures pour y remédier[126] :

  1. Données numériques
  2. Politiques, pratiques et processus décisionnels
  3. Culture organisationnelle

La CODP demande aux organisations et institutions de se servir de ces trois éléments comme base d’une surveillance proactive et, le cas échéant, de prendre des mesures de lutte contre la discrimination systémique à l’interne, soit en ce qui concerne les ressources humaines et l’emploi, ou à l’extérieur, par exemple en ce qui touche la prestation de leurs services. En outre, si une affaire est portée à l’attention du Tribunal, la CODP est d'avis que ces éléments devraient le guider dans son processus d’enquête sur l’existence effective de la discrimination systémique au sein de l’organisation ou de l’institution.

1. Données numériques
Des données numériques démontrant que les membres de groupes racialisés sont présents en nombre démesuré peuvent constituer un indicateur de racisme systémique ou institutionnel. Les données numériques peuvent refléter les conséquences d’un système discriminatoire, des façons suivantes :

  • Dans une organisation, la sous-représentation par rapport à la disponibilité de personnes compétentes dans la population ou chez les postulants suggère la présence d’une discrimination systémique dans les pratiques de recrutement ou d’une discrimination dans l’emploi, se traduisant par le défaut de conserver les éléments racialisés.
  • La répartition inégale des personnes racialisées au sein d’une organisation, par exemple une forte concentration aux niveaux inférieurs et une faible représentation au niveau de la direction, peut témoigner de pratiques inéquitables de formation et de promotion.
  • La surreprésentation des personnes racialisées aux chapitres des interpellations policières, de l’incarcération et d’autres secteurs du système judiciaire peut être symptomatique d’une pratique du profilage racial ou d’autres formes de discrimination raciale. De même, dans les écoles, le nombre disproportionné d’enfants et de jeunes racialisés qui sont punis, suspendus ou expulsés en vertu de mesures de sécurité à « tolérance zéro » atteste les effets discriminatoires de ces politiques.

Sauf dans les circonstances les plus patentes, par exemple si les données numériques reflètent de grossières disparités de traitement qui ne sont vraisemblablement pas le résultat d’une sélection aléatoire, ces chiffres ne prouvent pas à eux seuls l’existence d’une discrimination systémique[127]. Ils constituent néanmoins une preuve circonstancielle de l’existence de pratiques inéquitables. L’organisation en cause peut contester les statistiques et leur validité, ou alors produire un motif non discriminatoire expliquant cette représentation disproportionnée.

Soulignons que les données numériques peuvent attester l’existence tant d’une discrimination systémique que de formes plus explicites de discrimination. Ainsi, les données numériques sur la sous-représentation des personnes racialisées compétentes au niveau de la direction peuvent attester que les systèmes d’embauchage ont des effets discriminatoires et/ou que les décideurs entretiennent un parti pris manifeste en faveur de la promotion de candidats blancs à des rôles de supervision.

Comme nous l’exposerons en détail à la section 6. Collecte et analyse des données numériques, la Commission préconise la collecte et l’analyse de données si l’on a des raisons de croire que la discrimination, des barrières systémiques ou la perpétuation de désavantages historiques pourraient exister dans une organisation ou une institution. De plus, qu’une collecte de données soit entreprise ou non, l’organisation ou l’institution doit être consciente de ces problèmes de représentation et elle ne peut décider de passer sous silence les disparités correspondantes.

2. Politiques, pratiques et processus décisionnels
Outre les données numériques, les politiques, pratiques et processus décisionnels peuvent présenter des manifestations, formelles ou informelles, de discrimination systémique.

La Cour suprême du Canada a été explicite : les divers systèmes doivent être conçus de façon inclusive à l’égard de toute personne[128]. Il n’est plus acceptable de structurer les systèmes comme si tout un chacun était membre du groupe dominant, puis d’essayer de les adapter aux autres le cas échéant. La diversité raciale qui existe en Ontario devrait se refléter à tous les stades de conception des programmes, de façon à éviter d’y introduire des barrières.

En corollaire à une conception inclusive dès le départ, les barrières existantes dans les systèmes et structures devraient être systématiquement identifiées et supprimées.

On voit donc qu’il incombe aux organisations de veiller à ce que leurs pratiques soient inclusives, et de ne pas seulement compter sur des exceptions pour permettre à certaines personnes de s’intégrer à un système existant. C’est au stade de la planification qu’il faudrait prévenir les barrières et, si les systèmes existent déjà, les organisations devraient prendre conscience qu’ils peuvent comporter des barrières systémiques, et chercher activement à identifier et à supprimer ces barrières.

Exemple : L’examen des systèmes de recrutement en vue d’identifier les barrières à l’embauchage, au maintien en poste et à l’avancement est une exigence fondamentale des lois fédérales sur l’équité d’emploi. Ce genre d’examen porte sur les politiques écrites et les pratiques informelles relatives aux employés : recrutement, sélection et embauchage, formation et perfectionnement professionnel, promotion, maintien en poste et licenciement. Le processus selon lequel un employeur autosurveille ses propres pratiques et supprime les barrières identifiées constitue une pratique exemplaire pour toute organisation, qu’elle soit ou non régie par des lois sur l’équité d’emploi outre les lois sur les droits de la personne.

Exemple : Dans les tests standardisés, la formulation et le contenu des questions reflètent la culture des Blancs, soit du plus grand nombre, et ont pour effet d’éliminer les personnes racialisées et les immigrants récents. Lorsqu’une organisation prend conscience du phénomène, elle doit modifier les tests, de façon à atténuer le préjugé racial, ou encore adopter d’autres moyens d’évaluation.

Plusieurs grands types de barrières mènent à désavantager les personnes racialisées. Au premier rang, on retrouve l’utilisation de processus de décision informels ou fortement discrétionnaires. Moins le processus est formel, plus il donne prise aux considérations subjectives ou à des normes variables, et plus il y a d’occasions de laisser les préjugés jouer, consciemment ou inconsciemment[129]. Dans certaines situations, il existe des politiques formelles, mais elles ne sont pas toujours appliquées ou elles le sont de manière irrégulière, ce qui dresse des barrières pour certains. Autre faille : le défaut de tenir compte des différences dans la formulation des procédures standardisées; on effectue donc les évaluations d’après les normes de la culture dominante. Par exemple, des tests ou modes d’évaluation qui ignorent les différences culturelles peuvent constituer une entrave de taille pour les personnes racialisées ou immigrantes. Les désavantages historiques constituent des obstacles majeurs dans nombre de contextes.

Pour en savoir plus long sur les politiques, pratiques et processus décisionnels qui peuvent mener à la discrimination systémique au travail, voir l’annexe.

Les barrières en éducation

Nombre d’études et de rapports sur les services éducatifs relèvent la présence de barrières systémiques à l’égard des enfants racialisés, notamment afro-canadiens et autochtones. Notons entre autres le groupement par aptitudes, le biais des tests et des évaluations, un curriculum monoculturel qui tend à l’exclusion, des mesures disciplinaires injustes et anormales, des attentes faibles, le défaut de mettre fin aux incidents et à l’intimidation d’ordre racial, l’absence de modèles de rôles, des attitudes négatives et stéréotypées et le manque de programmes qui répondent aux besoins et préoccupations des élèves racialisés.

Voir Racism in our Schools: What to Know About It; How to Fight It, préparé à l’intention de la Fondation canadienne des relations raciales (juin 2000).

3. Culture organisationnelle
On peut définir la culture organisationnelle comme un ensemble commun de schèmes de comportement social informel, tels que la communication, la prise de décisions et les relations interpersonnelles, qui attestent l’existence de valeurs, présupposés et normes de comportement profondément ancrés et en grande mesure inconscients. Une culture organisationnelle qui n’est pas inclusive peut marginaliser et exclure les personnes racialisées.

Certains aspects d’une culture organisationnelle sont généralement des construits sociaux reflétant les valeurs des groupes dominants, ainsi les styles de communication, les habiletés interpersonnelles et les aptitudes au leadership. Ce sont là des secteurs fortement subjectifs qui portent la marque des différences culturelles, tout comme le processus de racialisation. À ce titre, les personnes racialisées peuvent se heurter à des difficultés lorsqu’elles sont évaluées à l’aide de ces normes dominantes.

Exemple : Le style de communication franc et ouvert d’une Blanche est apprécié par ses collègues, à qui plaît sa « manière directe ». Une Afro-Canadienne faisant montre du même style pourrait être qualifiée de « brusque ».

Exemple : On n’avait pas retenu la candidature d’un Canadien pakistanais à un poste d’enseignant pour lequel il était le candidat le plus qualifié, parce qu’une concurrente blanche était perçue comme plus enthousiaste, avec un plus grand potentiel pour motiver les élèves. En fait, le Canadian pakistanais possédait un vif enthousiasme pour sa profession de même qu’une remarquable capacité à motiver les élèves, mais il exprimait ces qualités différemment. Le Tribunal a conclu à l’existence de discrimination en raison du défaut de l’employeur de tenir compte des différences culturelles[130].

Exemple : Un cadre supérieur relevait, dans une note de service, que les différences culturelles étaient minimisées au niveau des postes techniques, mais que les compétences « interpersonnelles », telles qu’elles jouent dans la communication, l’exercice d’influences et la négociation, sont davantage soumises aux différences culturelles. Le Tribunal a jugé que la haute direction considérait les membres de « minorités visibles », culturellement différents, comme n’étant pas aptes aux postes de direction[131].

Une question connexe est celle de la tendance en milieu organisationnel à sous-évaluer les points forts et la contribution des employés racialisés.

Exemple : Un enseignant canadien-chinois avait été placé sur la liste des employés surnuméraires, parce que le directeur de l’école adoptait une vue plutôt étroite des types d’activités « extrascolaires ». Pour le directeur, le terme recouvrait des activités auxquelles, pour des raisons culturelles, des immigrants chinois seraient peu susceptibles de se livrer, tandis que d’autres activités possibles auxquelles ils seraient davantage susceptibles de s’adonner étaient exclues[132].

Les relations sociales et le réseautage forment une partie importante de la culture organisationnelle. Ces réseaux permettent à certains de se familiariser avec les conditions nécessaires pour réussir dans l’organisation, tandis que les autres sont exclus de cette connaissance vitale. En outre, les relations sociales donnent lieu à cette perception : la personne sera considérée comme pouvant « convenir » à une organisation ou au contraire comme peu apte à en faire partie.

Exemple : Aux yeux d’une certaine entreprise, les activités sociales tenues à l’extérieur du lieu de travail sont importantes pour l’esprit d’équipe. Les employés racialisés qui n’y participent pas pour des raisons religieuses ou culturelles sont considérés comme ne faisant pas vraiment partie de l’équipe, ce qui les prive d’excellentes occasions de réseautage[133].

4.1.1. Lien entre le système et la personne 

L’un des défis que présente la lutte contre la discrimination systémique est la quasi-absence de preuves de discrimination à l’égard d’une personne. En d’autres termes, un tel système peut sembler complètement neutre, alors qu’il confère des privilèges à certains groupes et exerce un impact négatif sur d’autres. Il peut n’y avoir eu aucun fait ou incident suggérant que la personne ait été en butte à un traitement hostile. En fait, on pourrait croire que la personne a été traitée de manière équitable et a échoué à cause de lacunes personnelles[134].

Exemple : Une personne racialisée n’obtient pas la promotion anticipée, en raison d’un mauvais rendement en entrevue. Rien de ce qui a été dit ou fait ne suggère que la race ait compté dans l’évaluation. Cependant, un examen plus attentif révèle qu’une composante significative du processus d’entrevue consiste à évaluer la « présence » et la « confiance en soi » des intéressés. De plus, la candidate retenue avait été conseillée sur le contenu possible de l’entrevue par un gestionnaire soucieux de la voir obtenir le poste, préparation à laquelle la personne racialisée n’avait pas eu accès.

Il peut être difficile pour une personne de démontrer l’effet négatif d’un système discriminatoire à son égard, d’autant plus qu’elle n’est vraisemblablement pas en position d’avoir accès à l’information relative au fonctionnement du système.

Exemple : Une école indépendante dont la clientèle est surtout de race blanche sélectionne ses élèves en partie sur la base d’une « journée d’essai », où l’enfant participe à une journée scolaire, pour voir s’il « peut s’adapter ». Aux parents d’un enfant racialisé dont la candidature n’est pas retenue, on se contente de dire que la liste d’attente est longue et que les élèves sélectionnés sont ceux qui « conviennent le mieux ». Les parents n’ont aucun moyen de savoir pourquoi leur enfant « ne convient pas ».

Par conséquent, la CODP est d’avis que si l’existence d’une discrimination systémique est attestée, l’organisation ou l’entité responsable du système est tenue par la Commission de produire l’information nécessaire pour démontrer que son système n’a pas contribué à la situation de discrimination où s’est trouvée la personne.

4.2. Exigences établies de façon raisonnable et de bonne foi

Il peut y avoir des situations où une politique, une pratique ou un processus décisionnel est apparemment neutre, mais mène à la discrimination systémique contre des personnes ou des groupes racialisés. L’organisation peut néanmoins chercher à justifier ou à maintenir la politique, la pratique ou le processus en démontrant son caractère raisonnable et de bonne foi dans les circonstances.

Dans le contexte des plaintes pour discrimination raciale, la CODP estime rare qu’une politique, une pratique ou un processus de ce type soit de bonne foi. Jusqu’ici, cet argument a été soulevé principalement dans trois situations : 1) exigences de revenu pour ce qui est du logement; 2) exigences linguistiques (voir la section 3.6. Discrimination liée à la langue); 3) accès à certains métiers et professions.

En ce qui touche les exigences de revenu, plusieurs décisions ont été rendues en Ontario, au premier chef celle de l’affaire qui a fait étape Kearney v. Bramalea Ltd. (No. 2)[135], laquelle a confirmé que l’exigence d’un revenu minimum et de ratios loyer/revenu donne lieu à des actes de discrimination fondée sur un certain nombre de motifs énumérés par le Code, notamment de la race.

Des statistiques établissent que l’utilisation de ce genre de critères par des propriétaires a des impacts différents sur les personnes, selon leur sexe, race, état matrimonial, état familial, citoyenneté, lieu d’origine, âge et le fait d’être bénéficiaire de l’aide sociale. Les propriétaires n’ont pu trouver de défense valable, étant incapables de démontrer que l’utilisation de ces critères était raisonnable et de bonne foi et qu’ils ne pouvaient cesser de les utiliser sans subir eux-mêmes un préjudice injustifié[136].

Dans l’optique de la discrimination raciale, la valeur de ces décisions réside principalement dans le fait qu’elles reconnaissent le lien entre la race et la situation socioéconomique. En effet, ces décisions contestent avec succès une politique préjudiciable pour les personnes à faible revenu, étant donné le rapport entre la pauvreté et les désavantages historiques qui ont été le lot des groupes racialisés.

L’accès aux métiers et professions est une préoccupation de taille pour les personnes formées à l’étranger qui tentent d’exercer leur métier ou profession après leur arrivée en Ontario[137]. Le motif principalement en cause est le « lieu d’origine », mais le problème a aussi une portée intersectionnelle pour les personnes racialisées. L’intersection du « lieu d’origine » et de la race, de la couleur ou de l’origine ethnique semble hausser les barrières à l’intégration dans l’emploi et intensifier la vulnérabilité économique et sociale chez les personnes formées à l’étranger[138].

4.2.1. Le critère à trois volets 

La Cour suprême du Canada a mis au point un critère à trois volets pour établir si une norme, un facteur, une exigence ou une règle a une justification réelle et raisonnable. L’organisation doit prouver, selon la prépondérance des probabilités :

  1. qu’elle a adopté la norme dans un but ou objectif rationnellement lié aux fonctions exercées;
  2. qu’elle a adopté la norme de bonne foi, en croyant qu’elle était nécessaire pour réaliser ce but ou cet objectif;
  3. que la norme est raisonnablement nécessaire à la réalisation de son but ou objectif, en ce sens qu’elle ne peut satisfaire à la demande sans se voir imposer un préjudice injustifié[139].

Il s’agit fondamentalement de déterminer si la personne qui veut justifier la norme, le facteur, l’exigence ou la règle discriminatoire a montré que la personne responsable d’apporter des mesures d’adaptation a satisfait à cette exigence jusqu’au point où cela pouvait lui causer un préjudice injustifié.

Dans le cadre de cette analyse, la procédure adoptée pour étudier et réaliser l’adaptation est aussi importante que la teneur même de l’adaptation. Voici une liste non exhaustive des facteurs à considérer :

  • La personne responsable de l’adaptation a-t-elle cherché à trouver des méthodes de rechange qui n’aient pas d’effet discriminatoire?
  • Pourquoi des solutions de rechange acceptables n’ont-elles pas été mises en œuvre?
  • Est-il possible d’établir des normes qui reflètent les différences et les capacités collectives ou individuelles?
  • Y a-t-il une manière moins discriminatoire d’effectuer le travail tout en réalisant l’objet légitime de la personne responsable de l’adaptation?
  • La norme est-elle bien conçue pour que le niveau de compétence requis soit atteint sans qu’un fardeau excessif ne soit imposé à ceux qui sont visés par la norme?
  • Les autres parties qui sont tenues de participer à la recherche de mesures d’accommodement possibles ont-elle joué leur rôle[140]?

5. Responsabilité de l’organisation

En fin de compte, la responsabilité du maintien d’un environnement sain et inclusif revient aux employeurs, aux propriétaires, aux syndicats, aux fournisseurs de services ainsi qu’aux autres types d’organisations et d’institutions visées par le Code. Il incombe à ces entités de veiller à ce que le milieu soit exempt de harcèlement et de discrimination.

Comme nous l’avons dit plus tôt dans la présente politique, les organisations et institutions sont tenues de chercher à savoir si leurs politiques, pratiques et programmes ont ou non un impact négatif ou s’ils ne se traduiraient pas par une discrimination systémique vis-à-vis des personnes ou groupes racialisés. Dans l’optique des droits de la personne, il n’est pas acceptable qu’on prétende ignorer l’existence possible de harcèlement ou de discrimination, qu’on passe sous silence les éventuels problèmes de droits de la personne ou qu’on manque à agir pour les régler, peu importe qu’une plainte ait ou non été déposée.

Une organisation viole le Code si, directement ou indirectement, intentionnellement ou non, elle enfreint l’une ou l’autre de ses dispositions ou si, sans qu’il y ait directement infraction au Code, elle autorise, tolère, adopte ou sanctionne un comportement contraire au Code.

De plus, l’organisation a l’obligation de ne pas tolérer un acte discriminatoire qui a déjà eu lieu ni de permettre qu’il se poursuivre, car elle prolongerait ainsi ses effets ou en étendrait la portée. Cette obligation est aussi faite aux personnes qui sont parties à une situation comportant un acte discriminatoire et qui, même si elles n’y jouent pas un rôle de premier plan, y sont impliquées par le biais de relations contractuelles ou autres[141].

Exemple : Une entreprise pharmaceutique avait refusé d’engager une Noire pour tenir son kiosque d’exposition lors d’un congrès international d’ophtalmologie. L’intéressée avait aussitôt communiqué ce refus à la société organisatrice du congrès, qui l’avait pressentie au départ. Or, cette société entretenait un lien d’emploi avec la candidate. À ce titre, la société était tenue d’enquêter sur le refus d’engager l’intéressée et d’arriver à une conclusion raisonnable – bien que non nécessairement correcte – quant à la présence de discrimination. Le Tribunal avait jugé que l’enquête avait été « sommaire » et que sa conclusion, soit qu’il y avait eu « malentendu », n’avait pas été raisonnable. Dans cette affaire, l’aide prêtée par la société à l’entreprise pharmaceutique pour la recherche d’autres candidats à ce travail en kiosque équivalait à tolérer ou à prolonger les effets de l’acte discriminatoire[142].

Il incombe aux syndicats et aux associations professionnelles de veiller à ne pas exercer de discrimination ni de harcèlement à l’endroit de leurs membres. Ces organisations sont également tenues de veiller à ne pas causer d’actes discriminatoires dans le lieu de travail et à ne pas y contribuer. Comme tout employeur, un syndicat peut être tenu responsable des politiques ou des actes discriminatoires. Ce principe s’applique à la négociation d’une disposition qui, dans le cadre d’une convention collective, entraîne de la discrimination raciale de même qu’au défaut de prendre des mesures raisonnables pour remédier à une situation de harcèlement ou d’atmosphère empoisonnée au travail[143].

Le défaut de veiller à ne pas exercer ni tolérer de discrimination ou de harcèlement a de graves répercussions pour une organisation. Nombre de décisions aboutissent à des condamnations et à des dommages-intérêts pour les organisations qui ont manqué à prendre les mesures appropriées à l’égard du harcèlement et de la discrimination[144]. En voici quelques exemples :

  • Une entreprise avait été trouvée coupable de discrimination contre un Canadien d’origine indienne après avoir toléré l’instauration et la persistance d’une atmosphère empoisonnée du point de vue racial dans son lieu de travail, ainsi qu’en prenant des sanctions contre l’intéressé avant de le licencier, sans tenir compte de l’hostilité raciale qui régnait dans le milieu. L’entreprise aurait dû déployer des efforts systémiques pour formuler et faire respecter des politiques d’interdiction des propos racistes, pour écarter les fauteurs de trouble et pour mettre en œuvre des mesures de dissuasion sérieuses et efficaces[145].
  • Le propriétaire d’une entreprise avait menacé un employé afro-canadien de congédiement, en raison de relations tendues avec son gestionnaire. L’événement déclencheur de cette menace avait été le rapport que le gestionnaire avait présenté au propriétaire sur la réaction de l’employé, lorsqu’on l’avait traité de « Kunta Kinte » (synonyme d’esclave). La Cour n’avait pas accepté l’argumentation de l’entreprise, voulant que le propriétaire ait tout ignoré de l’atmosphère empoisonnée du lieu de travail. L’entreprise, par l’intermédiaire de son esprit directeur, avait fait preuve à tout le moins de négligence en n’agissant pas. Étant donné l’atmosphère empoisonnée du milieu, la race a été reconnue comme facteur dans le congédiement de l’employé afro-canadien[146].
  • Une organisation ayant pénalisé un employé pour avoir protesté lors d’une manifestation de harcèlement racial de la part d’un client, a été trouvée coupable en raison de sa réaction à l’acte discriminatoire du client. L’employeur n’avait aucun contrôle sur la conduite du client, mais en imposant des sanctions à l’employé en pareille circonstance, il avait toléré la conduite discriminatoire et avait permis à ce genre de comportement de se produire impunément dans le lieu de travail[147].

Les facteurs suivants peuvent servir à déterminer si une organisation satisfait à son obligation de prendre des mesures en réponse à une requête pour atteinte aux droits de la personne :

  • les procédures qui étaient en place à l’époque concernant le harcèlement et la discrimination;
  • la promptitude des mesures institutionnelles prises en réponse à la requête;
  • le sérieux qu’on a apporté au traitement de la requête;
  • les ressources dégagées pour réagir à la requête;
  • si l’organisation a assaini l’atmosphère du lieu de travail à la suite de la requête;
  • le degré auquel les mesures prises ont été communiquées au requérant[148].

Un environnement de travail positif concourt à la productivité de l’entreprise et avoir les éléments qui préviennent les atteintes aux droits de la personne témoigne d’une bonne gestion de celle-ci.

On a tout intérêt à mettre en place des politiques et des procédures internes qui permettent de régler promptement et efficacement les plaintes pour atteinte aux droits de la personne. En informant l’ensemble du personnel sur les règles de conduite à respecter et les comportements jugés inacceptables, les employeurs s’épargnent de pénibles et coûteuses instances devant les tribunaux. À l’extérieur de l’organisation, dans la population en général et chez les éventuels clients, par exemple, on appréciera également l’engagement de l’organisation quant au respect de l’équité.

5.1. Responsabilité du fait d’autrui

Le paragraphe 46.3. (1) du Code définit une responsabilité « du fait d’autrui » lors d’infractions aux dispositions relatives à la discrimination. En effet, lorsqu’un dirigeant, un employé ou un mandataire d’une personne morale, d’un syndicat, d’une association professionnelle, d’une association non dotée de la personnalité morale ou d’une organisation patronale fait ou omet de faire quoi que ce soit dans l’exercice de son emploi, cette action ou cette omission est réputée commise par l’organisme en question. Cette règle s’applique non seulement aux atteintes aux droits de la personne au travail mais aussi dans les domaines du logement, des biens, des services et installations, des contrats et de l’appartenance à des syndicats et associations professionnelles.

En termes plus simples, la CODP est d’avis que cette notion de responsabilité du fait d’autrui impute d’office la responsabilité d’une situation de discrimination à l’organisation pour les actes de ses employés ou mandataires dans l’exercice de leur emploi, peu importe qu’elle ait ou non été au courant de ces actes, qu’elle y ait ou non participé ou qu’elle en ait ou non eu le contrôle.

La responsabilité du fait d’autrui ne s’applique pas aux infractions des articles du Code portant sur le harcèlement. Cependant, dans ces cas, la « théorie organique de la responsabilité des personnes morales » peut s’appliquer. En outre, puisque l’existence d’une atmosphère empoisonnée constitue une forme de discrimination, la CODP est d’avis que, dans les situations où le harcèlement équivaut à une atmosphère empoisonnée ou y aboutit, il y a responsabilité du fait d’autrui en vertu du paragraphe 45 (1) du Code.

5.2. La « théorie organique » de la responsabilité des sociétés

Le paragraphe 45 (1) du Code met une organisation à l’abri de toute responsabilité à l’égard du harcèlement, mais les cours et tribunaux ont reconnu l’existence d’autres circonstances dans lesquelles une organisation est tenue responsable des actes ou des omissions de ses employés. Les actes ou omissions d’un employé qui fait partie de l’« esprit directeur » d’une organisation engagent la responsabilité de l’organisation, si :

  • l’employé qui fait partie de l’« esprit directeur » se rend coupable de harcèlement ou d’un comportement inapproprié, contrairement au Code;
  • l’employé qui fait partie de l’« esprit directeur » ne prend pas de mesures adéquates face au harcèlement ou au comportement inapproprié dont il est au courant ou devrait raisonnablement être au courant.

De façon générale, l’employé qui assume des fonction de direction fait partie de l’« esprit directeur » de l’organisation. Les personnes qui assument simplement des fonctions de supervision peuvent être considérées comme faisant partie de « l’esprit directeur » de l’organisation si elles agissent ou sont perçues comme agissant au nom de celle-ci. Même les personnes qui n’ont pas à proprement parler le titre de superviseur peuvent être considérées comme faisant partie de « l’esprit directeur » si elles ont, en fait, un pouvoir de supervision ou si elles dirigent dans une forte mesure les activités des employés. Par exemple, le chef d’équipe d’une unité de négociation peut être considéré comme faisant partie de « l’esprit directeur » de l’organisation.

Enfin, les hauts dirigeants d’une organisation, par exemple les membres du conseil d’administration, peuvent être considérés comme faisant partie de son « esprit directeur ».

5.3. Réparation des désavantages historiques

Nous sommes tous tenus de réparer les désavantages historiques. Par conséquent, la CODP est d’avis que toutes les organisations et paliers de gouvernement devraient prendre des mesures en ce sens. Cette responsabilité est plus grande encore pour les organismes publics, qui sont susceptibles d’avoir contribué aux causes de ces désavantages[149] et du fait également que c’est au gouvernement que revient au premier chef l’obligation de veiller à ce que tous bénéficient également de ses services. À ce propos, la Cour suprême du Canada s’est exprimée dans le cadre d’une affaire relative au handicap et aux mesures d’adaptation :

[Traduction]
... afin de promouvoir l’objectif d’une plus grande égalité dans la société, le paragraphe 15 (1) vient interdire à l’exécutif d’adopter certaines dispositions sans prendre en compte leur éventuel impact sur des classes de personnes déjà désavantagées[150].

Lorsqu’il s’agit de remédier aux désavantages historiques, plusieurs approches peuvent être mises en œuvre, isolément ou en combinaison. Nous traitons de ces approches à la Section 7. Prévention et prise de mesures à l’égard du racisme et de la discrimination raciale.

Discrimination « à rebours »

On qualifie parfois les mesures de redressement des désavantages historiques, telles que les programmes spéciaux mis en œuvre en vertu de l’article 14 du Code, de « discrimination à rebours » ou de « gestes purement symboliques ». Les personnes qui font l’objet de ces mesures se voient ainsi stigmatisées, dénier tout mérite, ou encore comme bénéficiant d’un traitement de faveur.

Notons que l’objectif de ces mesures n’est pas d’avantager les personnes racialisées, mais de les placer sur le même pied que celles qui n’ont pas subi de désavantages historiques. Grâce à ces mesures, les personnes racialisées ont accès à des domaines qui leur seraient autrement fermés – instruction, emploi, logement, commerces et entreprises. Et, tout en remédiant à des actes de discrimination passés, ces mesures contribuent à la prévention d’actes de discrimination futurs, par exemple par la promotion de la diversité, ce qui à son tour favorise le changement organisationnel. Par conséquent, la société dans son ensemble a tout intérêt à éliminer les barrières qui entravent le plein épanouissement de chacun de ses membres.

Comme c’est le cas pour les mesures d’adaptation liées aux droits de la personne, les organisations et institutions qui mettent en œuvre des mesures de redressement des désavantages historiques devraient favoriser l’instauration d’un milieu positif et parer aux éventuelles réactions négatives.

5.4. Mesures de réparation d’intérêt public

Outre le pouvoir d’adjuger des indemnisations pécuniaires, les tribunaux des droits de la personne ont un pouvoir de redressement général les habilitant à ordonner à une partie reconnue responsable de discrimination de prendre les mesures qui, à leurs yeux, s’imposent pour se conformer au Code des droits de la personne, tant en ce qui concerne la plainte qu’en ce qui concerne les pratiques ultérieures (paragraphe 45.2(1) 3 du Code). Les recours d’intérêt public ordonnés par les tribunaux ont une large portée et ont déjà compris, par exemple, d’exiger d’une organisation de cesser ou de modifier les pratiques qui avaient abouti à des actes de discrimination, d’instaurer une surveillance interne ou par tierce partie, de mettre en œuvre un programme complet de lutte contre le harcèlement et la discrimination et d’offrir une formation générale au personnel et à la direction.

En outre, divers tribunaux des droits de la personne ont exigé, en vertu de leur pouvoir de redressement et par le biais de plusieurs décisions, la prise de mesures de réparation à l’égard de certains désavantages historiques. Dans ces cas, le décideur a ordonné des mesures correctives, destinées à supprimer les barrières à une pleine participation et à pallier les effets de la discrimination passée.

Une affaire de discrimination fondée sur le sexe a donné lieu à l’un des programmes de réparation les plus marquants jamais ordonnés par un tribunal. Une grande société canadienne, reconnue coupable de discrimination systémique au motif du sexe, s’est vu ordonner d’embaucher des femmes de façon à combler au minimum le quart des postes non traditionnels et non qualifiés au niveau des cols bleus, afin que le nombre de ses employées rejoigne le pourcentage national des travailleuses détenant des postes équivalents[151].

Récemment, une affaire de discrimination raciale a également donné lieu à ce type d’initiative. Le tribunal a imposé la mise sur pied d’un « programme spécial de mesures correctives », afin de prévenir toute discrimination systémique future et d’éliminer les barrières existantes créées par les pratiques discriminatoires du passé. Le programme comportait sept (7) mesures correctives permanentes, visant à modifier certains aspects de la culture et des systèmes organisationnels qui dressaient des barrières aux personnes racialisées. Également, on a défini 18 mesures correctives temporaires, y compris l’embauchage de membres des « minorités visibles » à divers paliers de l’organisation selon un taux donné (p. ex. 18 % par an) pendant un certain nombre d’années, des mesures de diffusion externe, des programmes de mentorat et, dans le cadre des programmes de formation, la prévision d’un certain pourcentage de places destinées aux membres des « minorités visibles »[152].

Par le passé, le tribunal a ordonné à l’organisation de fournir à la CODP suffisamment de renseignements et de statistiques pour permettre à celle-ci de surveiller les pratiques de recrutement et d’emploi de l’organisation sur une certaine période de temps[153]. En vertu de l'article 29 du Code modifié, la CODP ne remplit plus ce rôle, mais d'autres formes de surveillance peuvent être ordonnées par le Tribunal, conformément à ses pouvoirs énoncés au paragraphe 45.2. (1) 3.

Les organisations et institutions devraient adopter des mesures proactives pour remédier aux désavantages constatés. Cependant, à défaut de ces mesures et dans les cas appropriés, le requérant peut demander des réparations d’intérêt public, afin de pallier la discrimination systémique et les désavantages historiques au moyen de décisions et de règlements devant les tribunaux.


[60]  Un prix trop élevé : Les coûts humains du profilage racial, supra, note 8, 6.
[61]  C. James, « Les stéréotypes et leurs conséquences sur les jeunes issus de minorités raciales » (2004) 3:3, Diversité canadienne, 44-46.
[62]  Richards c. Waisglass (1994), 24 C.H.R.R. D/51 (commission d’enquête de l’Ontario).
[63]  Voir aussi l’affaire Fuller c. Daoud (2001), 40 C.H.R.R. D/306 (commission d’enquête de l’Ontario), où le Tribunal a jugé que l’intimée, une Blanche, avait faussement accusé son locataire, un homme noir, de l’avoir menacée de viol. La Commission a soutenu que cette allégation avait des conséquences particulièrement graves pour le plaignant, parce qu’elle « cristallisait une longue histoire de vues racistes sur la menace que représentent les hommes noirs pour la femme blanche » (par. 78).
[64]  Frank c. A.J.R. Enterprises Ltd. (1993), 23 C.H.R.R. D/228 (B.C.C.H.R).
[65]  Dans l’affaire Payne c. Otsuka Pharmaceutical Co. (No. 3) (2002), 44 C.H.R.R. D/203 (commission d’enquête de l’Ontario), après avoir rencontré la plaignante, une entreprise pharmaceutique ne l’avait pas acceptée comme réceptionniste à son kiosque d’exposition, lors d’une conférence d’ophtalmologistes canadiens. Le Tribunal a conclu que la candidature de la plaignante avait été rejetée parce qu’elle était noire et reconnu l’entreprise coupable de discrimination. Le Tribunal a également tenu responsables les organisateurs de la conférence, qui avaient aidé l’entreprise pharmaceutique à trouver d’autres candidats à l’emploi de réceptionniste sans avoir enquêté de façon appropriée sur les allégations de discrimination raciale de Mme Payne.
[66]  DesRosiers c. Kaur (2000), 37 C.H.R.R. D/204 (B.C.H.R.T.).
[67]  R. c. Brown (2003), 64 O.R. (3d) 161 (C.A.). Voir également R. c. Richards (1999), 120 O.A.C. 344 (C.A.), Peart c. Peel (Regional Municipality) Police Services Board, [2003] O.J. No. 2669 (Cour sup.) et R. c. Khan (2004), 244 D.L.R. (4th) 443 (Cour sup. de l’Ont.).
[68]  Johnson c. Halifax (Regional Municipality) Police Service, supra, note 51, par. 8.
[69]  Ibid., par. 10.
[70]  Pour un exposé des stéréotypes qui motivent une surveillance plus serrée à l’égard des hommes noirs, voir D. M. Tanovich, "Racing Racial Profiling" (2004) 41 Alta. L. Rec. 905-933.
[71] R. c. Brown, supra, note 66, 174 (C. A.).
[72] Dans l’affaire R. c. Khan, supra, note 66, l’explication des agents de police qui avaient interpellé M. Khan et fouillé sa voiture ne concordait pas avec la preuve documentaire ni avec le sens commun. La Cour a donc estimé raisonnable de conclure qu’il s’agissait de profilage racial, M. Khan étant un jeune homme noir, au volant d’une Mercedes coûteuse.
[73] [traduction] « Pour déterminer s’il y a eu traitement différent, la commission doit nécessairement faire une hypothèse sur la façon dont les choses se seraient passées si le chauffeur et son passager avaient été blancs plutôt que noirs… Je trouve difficile d’imaginer que ces événements se seraient déroulés de la même façon si un automobiliste blanc du Texas avait été en cause ici. » Johnson c. Halifax (Regional Municipality) Police Service, supra, note 51, par. 51 et 57.

Voir également l’affaire Hum c. Royal Canadian Mounted Police (1986), 8 C.H.R.R. D/3748 (C.H.R.T.) : [traduction] « Bien qu’on ait demandé, tout à fait légalement, à M. Hum de s’arrêter et de produire son permis et ses certificats d’immatriculation et d’assurance, on n’était aucunement justifié de lui poser des questions sur sa citoyenneté et son lieu de naissance dans des circonstances où un Blanc faisant montre de la même conduite, s’exprimant et étant vêtu de la même façon, n’aurait pas été traité de la sorte. » [par. 29697].

[74] Dans l’affaire Johnson c. Halifax Regional Police Service, ibid., par. 57, la commission d’enquête de la Nouvelle-Écosse a estimé que, pour déterminer l’existence prima facie d’un traitement à impact différent, une commission d’enquête doit essayer d’établir de quelle façon les événements se déroulent normalement dans une situation analogue. Les écarts de la pratique normale et les marques d’intransigeance ou d’impolitesse permettent de conclure à un traitement différent.
[75] Ibid. La commission d’enquête a jugé que la manière non professionnelle dont le plaignant avait été traité lors d’un incident de la circulation était due à sa race et qu’il serait difficile d’imaginer qu’on traite un automobiliste blanc de la même façon.
[76]  Ibid.
[77] Voir l’affaire Johnson c. Halifax (Regional Municipality) Police Service, ibid., par. 41 et 60. Également, dans l’affaire Hum, supra, note 72, par. 29696-29697, le Tribunal a reconnu le contexte social et historique plus large qui justifiait les sentiments d’inquiétude, de ressentiment et de vexation lorsqu’on a interpellé l’intéressé et qu’on lui a posé des questions sur sa citoyenneté et son lieu de naissance.
[78] Voir l’affaire Basi c. Canadian National Railway Co. (No. 1) (1988), 9 C.H.R.R. D/5029 (C.H.R.T.), par. 38481.
[79] Raheja c. Newfoundland (Commission des droits de la personne) (1997), 155 Nfld. & P.E.I.R. 38, par. 32.
[80]  Commission ontarienne des droits de la personne et O’Malley c. Simpson-Sears Ltd., [1985] 2 R.C.S., 536. Cette conclusion a de nouveau été confirmée dans l’affaire Smith c. Mardana Ltd. (2005), CHRR Doc. 05-094 (Cour div. de l’Ont.), en partie inf. (2002), 44 C.H.R.R. D/142 (commission d’enquête de l’Ontario).
[81]  Gray c. A & W Food Service of Canada Ltd. (1994), CHRR Doc. 94-146 (commission d’enquête de l’Ontario), Dominion Management c. Velenosi (1997), 148 D.L.R. (4th) 575, par. 576 (C. A. de l’Ont.), Smith c. Mardana Ltd. (Cour div.), ibid., par. 22.
[82] Dans l’affaire Grover c. National Research Council of Canada (No. 1) (1992), 18 C.H.R.R. D/1 (C.H.R.T.), le Tribunal a reconnu que, lors de l’examen de la preuve, il faut souvent tenir compte de la preuve circonstancielle pour pouvoir détecter « la trace subtile de la discrimination » [par. 158].
[83] Ce critère est exposé dans l’affaire Lasani c. Ontario (Ministry of Community and Social Services) (No.2) (1993), 21 C.H.R.R. D/415 (commission d’enquête de l’Ontario), par. 50. Le Tribunal a aussi déclaré :
[traduction]
Je suis entièrement d’accord avec le point de vue de la Commission : lorsque le préjugé ethnique est une réalité, même secrète et non admise, la commission d’enquête doit examiner attentivement les explications qu’on donne du défaut d’embaucher ou d’octroyer une promotion à des membres de communautés ethniques qui sont autrement qualifiés pour un poste, mais ne sont ni engagés ni promus [par. 54].
[84] Abdolalipour c. Allied Chemical Canada Ltd. (1996), C.H.R.R. Doc. 96-153, par. 188 (commission d’enquête de l’Ontario).
[85] Voir l’affaire Smith c. Mardana Ltd. (Cour div.), supra, note 79, par. 15-16. Également, dans l’affaire McKinnon c. Ontario (Ministry of Correctional Services) (No. 3) (1998), 32 C.H.R.R. D/1 (commission d’enquête de l’Ontario), où le plaignant avait été rétrogradé à la suite d’une erreur tout à fait courante. Personne d’autre n’avait été réaffecté après avoir commis le même type d’erreur.
[86] Dans l’affaire Nelson c. Durham Board of Education (No. 3) (1998), 33 C.H.R.R. D/504 (commission d’enquête de l’Ontario), le Tribunal avait jugé que le fait d’avoir privé le plaignant de ses « périodes libres », soit des périodes sans enseignement qui permettent aux administrateurs d’accomplir leurs tâches administratives et de vaquer à leurs activités autres au sein du conseil scolaire, constituait un acte de discrimination directe :
[traduction]
Les utilisations malicieusement proposées pour les périodes libres semblent avoir bien servi les fins de ceux qui voulaient étouffer les aspirations d’un enseignant compétent et dévoué qui, en raison de sa race, n’était pas le bienvenu dans les échelons supérieurs du conseil scolaire de Durham [par. 136].
[87] Dans l’affaire Nelson, ibid., par. 131, le Tribunal a conclu que la conduite du dirigeant pendant l’entrevue avait été d’une mauvaise foi « flagrante » et avait instauré un climat d’hostilité raciale, qui avait été toléré par d’autres représentants du conseil de Durham ». Au cours de l’entrevue, l’intervieweur avait tourné le dos au plaignant, sauf quand il a voulu lui reprocher d’avoir été « agressif » en réaction au fait que l’intervieweur ne tenait pas compte de son diplôme de maîtrise.
[88] Dans l’affaire Smith c. Mardana Ltd., supra, note 79, le propriétaire de l’entreprise avait menacé de renvoyer le plaignant à cause de ses relations tendues avec un gestionnaire intérimaire. Or, le caractère hostile de ces relations était dû à l’attitude raciste du gestionnaire.
[89] Naraine c. Ford Motor Co. of Canada (No. 4) (1996), 27 C.H.R.R. D/230 (No. 4) (commission d’enquête de l’Ontario), conf. (1999), 34 C.H.R.R. D/405 (Cour de l’Ontario) (Div. gén.)). L’ordre de la commission d’enquête avait été confirmé, sauf en ce qui concernait la réintégration (2001), 41 C.H.R.R. D/349 (C. A. de l’Ont.), autorisation d’en appeler refusée [2002] S.C.C.A. No. 69.
[90] Un propriétaire peut exercer de la discrimination en omettant d’effectuer les réparations nécessaires pour un locataire en particulier ou d’effectuer les réparations nécessaires dans un immeuble dont les locataires appartiennent majoritairement à un groupe racialisé :
[traduction]
À mon avis, les propos et la conduite de M. Elieff tels que les rapporte M. Van Moorsel dans le London Free Press avaient instauré une atmosphère empoisonnée. En sous-entendant que les Cambodgiens ne méritaient pas de vivre dans des conditions convenables, il a porté atteinte aux droits des Cambodgiens aux termes du paragraphe 2 (1) du Code… au motif de la race ou du lieu d’origine, même si tous les autres locataires non cambodgiens étaient soumis aux mêmes conditions déplorables. [Ontario (Commission des droits de la personne) c. Elieff (1996), 37 C.H.R.R. D/248, par. 16 (Div. gén. de l’Ont.)].
[91] Par exemple, les odeurs de cuisine ont fait l’objet de deux décisions du Tribunal. Dans l’un des cas, le Tribunal a déterminé que des locataires sud-asiatiques s’étaient vu refuser un appartement en raison de stéréotypes à propos des odeurs de cuisine; Fancy c. J & M Apartments Ltd. (1991), 14 C.H.R.R. D/389 (B.C.C.H.R.). Dans une autre affaire, on avait constaté que la plaignante préparait chez elle des aliments traditionnels pour son groupe ethnique et son ascendance, qui dégageaient des odeurs. Elle avait subi un traitement différent, car on lui avait ordonné de mettre fin à cette situation, sous peine d’expulsion. Le droit d’exprimer son appartenance ethnique et son héritage culturel et d’en avoir la jouissance a été jugé vital pour la dignité de la personne. De plus, la Cour a déterminé que la conduite du propriétaire n’avait pas de justification raisonnable ou de bonne foi; voir l’affaire Chauhan c. Norkam Seniors Housing Cooperative Association, 2004 B.C.H.R.T. 262.
[92]  Wattley c. Quail (1988), 9 C.H.R.R. D/5386 (B.C.C.H.R.); voir également l’affaire Grant c. Wilcock (1990), 13 C.H.R.R. D/22 (commission d’enquête de l’Ontario). Dans cette affaire, Mme Grant, une Blanche, était allée visiter un chalet qui les intéressait, elle-même et son mari. Lorsque M. Grant, un Noir, s’était rendu sur place pour visiter le chalet, l’intimé avait dit qu’il allait probablement vendre le chalet à son frère et qu’il rendrait réponse aux Grant. Mme Grant avait téléphoné plusieurs fois mais n’avait jamais reçu de réponse satisfaisante touchant le chalet. Sa mère avait téléphoné et on lui avait répondu que le chalet était toujours à vendre. L’intimé avait dit à la mère qu’un homme avait voulu l’acheter, mais que, comme c’était un Noir, l’intimé n’avait pas donné suite.
[93] Pour un exposé du racisme en éducation, voir Racism in our Schools: What to Know About It; How to Fight It, rapport préparé pour la Fondation canadienne des relations raciales (juin 2000); en ligne : < www.crr.ca/en/Publications/ePubHome.htm>. Également, au sujet des problèmes des élèves autochtones en milieu scolaire, voir le Rapport du Rapporteur spécial sur les populations autochtones, supra, note 17.
[94] Angeconeb c. 517152 Ontario Ltd. (1993), 19 C.H.R.R. D/452 (commission d’enquête de l’Ontario).
[95] Refuser d’embaucher quelqu’un perçu comme un « fauteur de troubles » parce qu’il a déjà déposé une plainte pour atteinte aux droits de la personne contre l’intimé ou d’autres organisations a également été reconnu discriminatoire; voir l’affaire Abouchar c. Toronto (Metro) School Board (No. 3) (1998), 31 C.H.R.R. D/411 (commission d’enquête de l’Ontario). Cet acte pourrait également constituer des représailles en vertu de l’article 8 du Code.
[96] Nelson, supra, note 85.
[97] Voir P. Essed, "Everyday Racism: A New Approach to the Study of Racism", dans P. Essed et D. T. Goldberg (dir.), Race Critical Theories (Malden: Blackwell Publishers Ltd., 2002), 176, 177 et 190. www.aaa.com
[traduction]
Le fait qu’il s’agisse de pratiques à répétition indique que le racisme « ordinaire » consiste en des pratiques qui peuvent se généraliser. (177) www.aaa.com
[99] Des preuves factuelles analogues ont été invoquées dans un certain nombre d’affaires raciales. Par exemple, dans Nelson, supra, note 85, des preuves factuelles analogues concernant le traitement d’un enseignant noir ont été considérées comme appuyant la déposition du témoin du plaignant, car les expériences relatées reflétaient celles du plaignant. Dans l’affaire Dhillon c. F.W. Woolworth Ltd. (1982), 3 C.H.R.R. D/743 (commission d’enquête de l’Ontario), un plaignant d’ascendance indienne alléguait être en butte à des injures de la part de certains collègues blancs et de discrimination raciale dans l’attribution des vacances, la répartition du travail et les taux de mises à pied. Il avait été autorisé à produire la preuve de collègues d’origine indienne qui s’étaient également fait injurier, et d’un autre employé de même ascendance au sujet de sa rétrogradation.
[100] En estimant que la perception de racisme chez un collègue constituait une certaine preuve de discrimination, un tribunal relevait que :
[traduction]
Il est largement admis que la discrimination n’a pas de visage. Ceux qui exercent de la discrimination sont généralement incapables de la reconnaître. Cela ne signifie pas qu’elle est invisible pour d’autres… Ce serait une erreur de réduire le processus de décision à une compétition entre les perceptions de l’une et de l’autre parties. Néanmoins, je crois que les impressions, même si elles restent subjectives, peuvent comporter une certaine valeur probante. [Brooks c. Canada (Dept. of Fisheries and Oceans) (No. 2) (2004), CHRR Doc. 04-384, 2004 TCDP 36, par. 109-111.]
[101] Dhanjal c. Air Canada (1996), 28 C.H.R.R. D/367 (C.H.R.T.).
[102] Fuller c. Daoud (2001), 40 C.H.R.R. D/306, par. 84 (commission d’enquête de l’Ontario).
[103] McKinnon c. Ontario (Ministry of Correctional Services), supra, note 84; Naraine, c. Ford Motor Company, supra, note 88; Smith c. Mardana, supra, note 79.
[104] Naraine c. Ford Motor Company (1996), ibid.
[105] Etienne c. Westinghouse of Canada Ltd. (1997), 34 C.H.R.R. D/45 (commission d’enquête de l’Ontario). La Commission a jugé que le plaignant avait à plusieurs reprises fait l’objet de harcèlement de la part de ses collègues, parce qu’il est un Noir, d’origine haïtienne, et un Francophone.
[106] Baylis-Flannery c. Walter DeWilde c.o.b as Tri Community Physiotherapy (No. 2) (2003), C.H.R.R. Doc. 03-296 (H.R.T.O.).
[107] Dhanjal c. Air Canada (1996), supra, note 100.
[108] Dhillon c. F.W. Woolworth (1982), supra, note 98; Naraine c. Ford Motor Company of Canada (commission d’enquête de l’Ontario), supra, note 88, par. 50 et 54.
[109] Ghosh c. Domglas Inc. (No.2) (1992), 17 C.H.R.R. D/216, par. 76 (commission d’enquête de l’Ontario).
[110] Voir Ross c. New Brunswick School District No. 15, [1996] 1 R.C.S. 825, 25 C.H.R.R. D/175; Québec (Comm. des droits de la personne) c. Deux-Montagnes, Comm. scolaire, (1993), 19 C.H.R.R. D/1 (TDPQ); Jubran c. North Vancouver School District No. 44, (2002), 42 C.H.R.R. D/273, 2002, BCHRT 10. Dans l’affaire Jubran, le Tribunal soutenait que le conseil scolaire i) avait l’obligation d’assurer un milieu éducatif n’exposant pas les élèves à un harcèlement discriminatoire; ii) savait que les élèves exerçaient du harcèlement à l’égard d’un autre élève; iii) était coupable d’avoir manqué à prendre des mesures adéquates pour faire cesser le harcèlement. La Cour suprême de la Colombie-Britannique avait cassé la décision du Tribunal, invoquant que le harcèlement n’était pas fondé sur un motif protégé par la loi, puisque le plaignant ne s’identifiait pas comme gai et que ses harceleurs ne le percevaient pas comme l’étant. La Cour d’appel de la Colombie-Britannique avait alors renversé la décision de la Cour divisionnaire, concluant que le plaignant était protégé par la loi sur les droits de la personne de la province, qu’il ait ou non été gai et que ses harceleurs l’aient ou non perçu comme tel. La Cour avait déclaré que l’enquête aurait dû porter sur l’effet du harcèlement plutôt que sur l’intention des harceleurs. La Cour d’appel avait également jugé que le conseil scolaire était responsable de la conduite discriminatoire des élèves et qu’il avait manqué à son obligation de leur assurer un milieu éducatif à l’abri de la discrimination : voir l’affaire North Vancouver School District No. 44 c. Jubran, [2005] B.C.J. No. 733 (C.A.).
[111] Dans l’affaire Dhanjal c. Air Canada, supra, note 100, par. 209, le Tribunal signalait que plus la conduite est grave, moins il est nécessaire de prouver qu’elle a été répétée, et, inversement, moins elle est grave, plus il est nécessaire de démontrer sa persistance.
[112] Lee c. T.J. Applebee’s Food Conglomeration (1987), 9 C.H.R.R. D/4781 (commission d’enquête de l’Ontario).
[113] Smith c. Mardana Ltd. (Cour div. de l’Ont.), supra, note 79, par. 24, et Naraine c. Ford Motor Company of Canada (commission d’enquête de l’Ontario), supra, note 88, par. 98-99.
[114] Voir Espinoza c. Coldmatic Refrigeration of Canada Inc. (1995), 29 C.H.R.R. D/35 (commission d’enquête de l’Ontario).
[115] Pour un exposé plus détaillé, voir le document de la Commission intitulé Politique concernant la discrimination et la langue (juin 1996); en ligne : < www.ohrc.on.ca>.
[116] Aux termes de l’article 12 du Code : 
Constitue une atteinte à un droit reconnu dans la partie I le fait d’exercer une discrimination fondée sur des rapports, une association ou des activités avec une personne ou un groupe de personnes identifiées par un motif illicite de discrimination.
[117]  Le motif du sexe est parfois inextricablement mêlé à celui du racisme. Les points de vue et stéréotypes racistes au sujet de la sexualité des personnes peuvent se fonder sur leur identité ethnoraciale. Voir l’affaire Baylis-Flannery c. DeWilde, supra, note 105. Comme nous l’avons mentionné à la section qui porte sur l’histoire du racisme au Canada, cette forme de discrimination a été favorisée par les lois qui interdisaient aux Chinois et aux Japonais d’embaucher des Blanches. Pour un exposé détaillé, voir C. Backhouse, Colour-Coded: A Legal History of Racism in Canada, 1900-1950 (Toronto, University of Toronto Press, 1999), 132-172.
[118]  Cet incident a été porté à la connaissance de la Commission pendant l’enquête sur le profilage racial.
[119]  Québec (Comm. des droits de la personne) c. Thibodeau (1993), 19 C.H.R.R. D/225 (TDPQ).
[120]  Tabar, Lee and Lee c. Scott and West End Construction Ltd. (1984), 6 C.H.R.R. D/2471 (commission d’enquête de l’Ontario).
[121]  Barclay c. Royal Canadian Legion, Branch 12 (1997), 31 C.H.R.R. D/486 (commission d’enquête de l’Ontario).
[122]  Adaptation de C. Agocs, « Racisme émergeant en milieu de travail : Preuves qualitatives et quantitatives d’une discrimination systémique », (2004) 3:3, Diversité canadienne, 27. D’autres définitions ont été proposées, par exemple :
[traduction]

… des pratiques ou des attitudes qui ont, que ce soit par intention ou par impact, l’effet de limiter le droit d’une personne ou d’un groupe de personnes de profiter d’opportunités généralement disponibles à cause de caractéristiques attribuées plutôt que réelles…. [Extrait, Action Travail des Femmes c. Canadien National (1984), 5 C.H.R.R. D/2327 (C.H.R.T.), conf. (1987), 8 C.H.R.R. D/4210 (CSC) [ci-après Action Travail, par. 33248].

[traduction]
… la discrimination systémique… découle des conséquences non intentionnelles de systèmes et de pratiques d’emploi établis. Leur effet est d’interdire aux membres de certains groupes l’accès à certaines opportunités et à certains avantages. Comme la discrimination n’est pas motivée par un acte délibéré, elle est plus difficile à détecter, et il est donc nécessaire de la chercher dans les conséquences ou les résultats d’un système particulier de recrutement et d’’emploi. [Extrait de Alliance de la capitale nationale sur les relations inter-raciales c. Santé et Bien-être Canada (1997), 28 C.H.R.R. D/179 (C.H.R.T.) [ci-après ACNRI], par. 164].
[123] Voir Statistique Canada, Certaines caractéristiques du revenu; en ligne : < www.statcan.ca>.
[124] Voir également le Rapport du Rapporteur spécial sur les populations autochtones, supra, note 17, pour un exposé plus détaillé des nombreux indicateurs relatifs aux désavantages historiques et contemporains subis par les peuples autochtones du Canada :
[traduction]
Les indicateurs économiques, sociaux et humains du bien-être, de la qualité de vie et du développement sont régulièrement plus bas chez les Autochtones que chez les autres Canadiens. … Depuis les débuts de la colonisation, les peuples autochtones du Canada ont été progressivement dépossédés de leurs territoires, de leurs ressources et de leur culture, processus qui les a menés au dénuement, à la déchéance et à la dépendance… [2].
[125] Voir Statistique Canada, Certaines caractéristiques du revenu, supra, note 122, et Conseil canadien de développement social, Aboriginal Children in Poverty in Urban Communities: Social exclusion and the growing racialization of poverty in Canada (juin 2003); en ligne : < www.ccsd.ca/pr/2003/aboriginal.htm>.
[126] Adaptation, C. Agocs, supra, note 121. Pour consulter une décision qui prend en compte des données numériques, les pratiques de recrutement et d’emploi et la culture organisationnelle dans la détermination de la discrimination systémique, voir ACNRI, supra, note 121.
[127] Blake c. Mimico Correctional Institute (1984), 5 C.H.R.R. D/2417 (commission d’enquête de l’Ontario), par. 20100. Le Tribunal a poursuivi en déclarant que, pour établir le bien-fondé prima facie de l’affaire et si on ne dispose pas d’éléments de preuve suffisants, il faut pouvoir constater un écart statistique assez probant (par. 20129-20130). Pour un résumé très utile des propositions générales mises de l’avant par l’affaire Blake, voir l’affaire Angeconeb, supra, note 93, par. 28-29.
[128] Voir British Columbia (Public Service Employee Relations Commission) c. B.C.G.S.E.U., [1999] 3 R.C.S. 3, 38 (dans le contexte du sexe), et British Columbia (Superintendent of Motor Vehicles) c. British Columbia (Council of Human Rights) [1999], 3 R.C.S., 868, par. 880 (dans le contexte du handicap).
[129] ACNRI, supra, note 121, par. 142.
[130] Quereshi c. Central High School of Commerce (No. 3) (1989), 12 C.H.R.R. D/394 (commission d’enquête de l’Ontario).
[131] ACNRI, supra, note 121, par. 153-158 et 162.
[132] Wong c. Ottawa Board of Education (No. 3) (1994), 23 C.H.R.R. D/37 (commission d’enquête de l’Ontario).
[133] Voir, par exemple, Wong c. Ottawa Board of Education, ibid., par. 103-104.
[134] Dans l’arrêt Action Travail, supra, note 121, la Cour suprême du Canada a signalé que la discrimination systémique engendre la croyance que l’exclusion est le résultat de « forces naturelles », par exemple que les femmes « sont simplement incapables de faire ce type de travail » (par. 33249).
[135] Kearney c. Bramalea Ltd. (No. 2) (1998), 34 C.H.R.R. D/1 (commission d’enquête de l’Ontario); Shelter Corp. c. Ontario (Human Rights Comm.) (2001), 39 C.H.R.R. D/111 (Cour sup. de l’Ont.).
[136] Après la décision initiale rendue dans l’affaire Kearney, ibid., le gouvernement de l’Ontario avait ajouté au Code le paragraphe 21 (3) et le Règlement 290/98 au Code, ce qui permet d’utiliser des données sur le revenu dans certaines circonstances. Dans des décisions ultérieures, les tribunaux ont dû compter avec l’effet de ces dispositions. Il est permis d’utiliser des données sur le revenu, de même que les antécédents de crédit et de location, mais le Règlement n’autorise pas l’utilisation du ratio loyer-revenu comme seule base pour refuser un logement à quelqu’un; voir les affaires Vander Schaaf c. M & R Property Management Ltd. (2000), 38 C.H.R.R. D/251 (commission d’enquête de l’Ontario) et Sinclair c. Morris A. Hunter Investments Ltd. (2001), 41 C.H.R.R. D/98 (commission d’enquête de l’Ontario).
[137] Il y a eu des contestations judiciaires des règles de qualification imposées aux médecins formés à l’étranger. Dans l’affaire Jamorski c. Ontario (Attorney General) (1988), 64 O.R. (2d) 161 (C.A.), il a été décidé que le fait d’imposer des conditions d’internat différentes aux diplômés d’écoles de médecine non accréditées ne constituait pas une infraction à l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés. Cependant, dans l’affaire Bitonti c. British Columbia (Ministry of Health) (No. 3) (1999), 36 C.H.R.R. D/263 (B.C.C.H.R.), un Tribunal a déterminé que les médecins formés à l’étranger faisaient l’objet de discrimination au motif du lieu d’origine, l’Ordre des médecins et chirurgiens de la Colombie-Britannique imposant aux diplômés une année de formation supplémentaire avant d’être admissibles à l’inscription au tableau professionnel.
[138] Un rapport de la Fondation canadienne des relations raciales indique que les barrières sont particulièrement persistantes pour les membres de communautés racialisées qui sont nés à l’étranger. Au Canada, ces personnes sont en butte à des inégalités considérables aux plans du revenu, de l’emploi et de l’éducation. Voir Jean Lock Kuntz, Conseil canadien de développement social, Unequal Access: A Canadian Profile of Racial Differences in Education, Employment and Income, Toronto, Fondation canadienne des relations raciales, 2000, 13, 17, 19, 22, 24-26.
[139] British Columbia (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU, supra, note 127.
[140] Ibid.
[141] Payne c. Otsuka Pharmaceutical Co. (No. 3) (2002), 44 C.H.R.R. D/203 (commission d’enquête de l’Ontario). Le stade où un tiers ou une autre partie intervient dans la chaîne de la discrimination dépend des faits. Cependant, des principes généraux peuvent être établis. Le facteur clé est le contrôle ou le pouvoir que l’intimé incident ou indirect avait à l’égard du plaignant et de l’intimé principal. Plus le contrôle ou le pouvoir est grand sur la situation et sur les parties, plus impérative est l’obligation légale de ne pas tolérer ou appuyer l’acte discriminatoire. Le contrôle ou le pouvoir est important car il sous-entend la capacité de rectifier la situation ou à tout le moins de faire quelque chose pour améliorer ces conditions; voir par. 63.
[142] Ibid.
[143] Central Okanagan School District No. 23 c. Renaud [1992] 2 R.C.S. 970, Mayo c. Iron Ore Co. of Canada (2002), 43 C.H.R.R. D/65 (commission d’enquête de Terre-Neuve).
[144] Les tribunaux ont également sanctionné le défaut de mettre en œuvre des ordonnances correctives à l’égard de plaintes antérieures pour atteinte aux droits de la personne. Dans l’affaire Ontario (Ministry of Correctional Services) c. Ontario (Human Rights Comm.) (No. 7) (2002), 45 C.H.R.R. D/61 (commission d’enquête de l’Ontario), le Tribunal avait déterminé que l’atmosphère empoisonnée persistait, alors qu’il avait rendu dans sa décision antérieure des ordonnances visant à y remédier. L’intimé, au niveau de la haute direction, avait manqué à mettre fin au harcèlement dont était victime Michael McKinnon à titre d’Autochtone, tant avant qu’après la décision antérieure. Lorsque l’intéressé s’était plaint de la poursuite du harcèlement, on lui avait opposé des refus, des retards, des attitudes préjugées et des fautes injustifiées. La commission d’enquête avait estimé que l’entier du traitement de ses plaintes avait en soi constitué des représailles et une infraction de plus aux droits du plaignant en vertu du Code. La Commission avait rendu des ordonnances, nouvelles ou considérablement remaniées, qui comprenaient notamment des mesures de redressement systémiques.
[145] Naraine c. Ford Motor Co. of Canada (commission d’enquête de l’Ontario), supra, note 88.
[146] Smith c. Mardana Ltd.(Cour div. de l’Ont.), supra, note 79.
[147] Mohammed c. Mariposa Stores Ltd. (1990), 14 C.H.R.R. D/215 (B.C.C.H.R.). Voir également certaines décisions arbitrales en matière de travail concluant qu’un employeur doit mettre en place à l’intention de ses employés des procédures de règlement des plaintes pour harcèlement racial de la part des clients. Ces procédures doivent indiquer de quelle façon les employés doivent réagir aux actes de harcèlement et comment porter les problèmes graves et/ou continus à l’attention de la direction, afin que celle-ci applique les méthodes appropriées pour évaluer la situation et prendre des mesures de réparation; C.U.P.E., Local 79 c. Toronto (City) (1995), 1995 Carswell Ont 1840 (Comm. d’arb. de l’Ont.); Clarendon Foundation c. O.P.S.E.U., Local 593, [2000] L.V.I. 3104-6, 2000 Carswell Ont 1906, 91 L.A.C. (4th) 105 (Comm. d’arb. de l’Ont.).
[148] Wall c. University of Waterloo (1995), 27 C.H.R.R. D/44 (commission d’enquête de l’Ontario). Ces facteurs aident à déterminer si les mesures appliquées par une organisation à l’égard du harcèlement sont raisonnables. L’existence de mesures raisonnables n’atténue en rien la responsabilité de l’organisation, mais est prise en compte lors de la détermination des réparations appropriées. En d’autres termes, un employeur qui a pris des mesures raisonnables pour remédier au harcèlement n’est pas dégagé de toute responsabilité, mais peut se voir accorder une réduction des dommages-intérêts pénalisant le harcèlement.
[149] Par exemple, reconnaissant les désavantages importants qui ont découlé des mesures prises pendant la guerre à l’égard des Canadiens japonais, l’Entente de redressement à l’égard des Canadiens japonais a été signée le 22 septembre 1988. Le premier ministre Brian Mulroney a reconnu en Chambre les torts infligés par le gouvernement, pris l’engagement solennel de veiller à ce que ce type d’événement ne se reproduise jamais et rendu hommage à la loyauté des Canadiens japonais envers le Canada. En réparation symbolique de ces injustices, le gouvernement a offert une indemnisation monétaire individuelle et communautaire aux Canadiens japonais. Il s’est aussi engagé à mettre sur pied une organisation à l’échelle nationale pour favoriser l’harmonie entre les races et l’élimination du racisme, soit la Fondation canadienne des relations raciales. Il faut toutefois noter que maintes campagnes entreprises par d’autres communautés pour obtenir du gouvernement la réparation des torts entraînés par des lois et des politiques publiques à la racine des désavantages historiques n’ont pas abouti; voir Mack c. Canada (Attorney General), supra, note 29.
[150] Eldridge c. British Columbia (Attorney General) [1997] 3 R.C.S., 624, par. 64.
[151] Action Travail, supra, note 121.
[152] ACNRI, supra, note 121.
[153] Voir par exemple les décisions en matière de recours rendues dans les affaires McKinnon c. Ontario (Ministry of Correctional Services (No. 3) (1998), 32 C.H.R.R. D/1 (commission d’enquête de l’Ontario) et Ontario (Ministry of Correctional Services) c. Ontario (Human Rights Comm.) (No. 7) (2002), 45 C.H.R.R. D/61 (commission d’enquête de l’Ontario), ACNRI, supra, note 121, et Hendry c. Ontario (Liquor Control Board) (1980), 1 C.H.R.R. D/160 (commission d’enquête de l’Ontario).

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