Skip to main content

Partie 1 – Contexte : pour comprendre les notions de race, de racisme et de discrimination raciale

Discrimination Type
directe
systémique

1. Introduction

1.1. Dans le contexte du Code

Selon le Code, l’Ontario a pour principe de reconnaître la dignité inhérente et la valeur de toute personne et d’assurer à tous les mêmes droits et les mêmes chances, sans discrimination. Les dispositions du Code visent à créer un climat de compréhension et de respect mutuel de la dignité et de la valeur de toute personne, de façon que chacun se sente partie intégrante de la collectivité et apte à y apporter sa contribution.

En Ontario, toute personne a droit à un traitement égal, sans harcèlement ni discrimination fondés sur la race, dans les domaines de la vie en société que sont l’emploi, les services, les biens et les installations, le logement, les contrats, ainsi que l’appartenance à un syndicat ou à une association professionnelle.

Le Code trouve en partie ses origines dans la Racial Discrimination Act, adoptée par l’Ontario en 1944. Cependant, malgré l’existence depuis plus de 60 ans de lois visant à éliminer la discrimination raciale, celle-ci et sa racine, le racisme, persistent dans la province. Le CODP recevait un nombre considérable de plaintes au motif du harcèlement et de la discrimination fondés sur la race lorsqu'elle recevait encore des plaintes En moyennem de 30 % à 40 % des plaintes déposées auprès de la CODP étaient au motif de la race et d’autres en rapport. La race est toujours un motif souvent cité dans les requêtes au Tribunal des droits de la personne de l'Ontario (le Tribunal). Maints cas de discrimination raciale ne sont jamais portés à la connaissance du Tribunalet nombre de manifestations de racisme dépassent sa compétence, ainsi les actes haineux perpétrés par des particuliers[1].

La réalité de la discrimination raciale au Canada est attestée par plusieurs autres indicateurs. Les personnes racialisées comptent pour une part démesurée dans les statistiques sur la pauvreté et la population carcérale, et elles sont sous-représentées dans les strates moyennes et supérieures des institutions politiques, administratives, économiques et médiatiques; plus que les autres, elles se heurtent à des obstacles en matière d’emploi, de logement et de soins de santé, pour ne nommer que ceux-là[2]. Les tribunaux ont d’ailleurs amplement reconnu l’existence du racisme au Canada[3].

Pour ceux[4] qui n’en font pas l’expérience, il n’est que trop facile de nier la réalité du racisme. Or, ce déni improductif est néfaste pour le tissu social. Le racisme et la discrimination raciale doivent dès le départ être reconnus comme réalité omniprésente et permanente si l’on veut préciser de quelle façon le Code s’applique à leurs manifestations et quels sont les moyens à prendre pour y réagir.

Les lois de la province excluent toute acceptation du racisme et de la discrimination raciale; pourtant, ces attitudes sont largement répandues et même acceptables en société pour bien des gens. Aux termes du Code, la CODP est donc tenue de relever ce défi et de mobiliser tant les autorités que la population en vue d’instaurer une culture des droits à caractère inconditionnel. Il faut désormais viser à ce que le racisme et la discrimination, qui sont actuellement des dimensions tolérées du présent et de l’avenir de l’Ontario, deviennent enfin choses du passé.

1.2. Objet et portée d’une politique des droits de la personne

La présente politique se fonde sur des recherches et une consultation approfondies. En 2003, la Commission a mené une enquête provinciale sur les effets du profilage racial et en a publié le rapport, intitulé Un prix trop élevé : Les coûts humains du profilage racial. En mars 2004, la CODP a amorcé un processus de consultation spécifiquement axé sur l’élaboration de la présente politique et organisé de nombreux groupes de discussion, formés d’intervenants représentatifs de toute une gamme d’intérêts et d’horizons. En octobre 2004, en partenariat avec l’Association d’études canadiennes[5], la CODP a tenu un colloque de trois jours sur les politiques, auquel ont participé des spécialistes et des intervenants, dans le but de dégager les tendances et les questions de l’heure pertinentes et d’élaborer une politique sur le racisme et la discrimination raciale.

En décembre 2004, les communications présentées par les conférenciers lors du colloque ont été publiées dans un numéro spécial de Diversité canadienne, puis affichées sur le site Web de la CODP en janvier 2005. La population a été invitée à commenter les idées et enjeux exposés dans les communications. En outre, on a demandé à des intervenants sensibilisés aux points de vue des répondants de s’exprimer sur certains sujets traités dans le cadre de la politique.

La présente politique définit la position de la CODP sur le racisme, le harcèlement et la discrimination fondés sur la race telle qu’elle était au moment d’aller sous presse. Cette politique remplace le document de la CODP paru en 1996 sous le titre Politique concernant le harcèlement racial par des insultes, des mauvaises plaisanteries et autres. Elle porte principalement sur des questions qui relèvent de la compétence de la Commission et peuvent donner lieu à une requête au Tribunal. La politique est donc délimitée par les dispositions du Code des droits de la personne de l’Ontario et le cadre juridique canadien en ce qui concerne l’analyse de la discrimination. Parallèlement, la politique interprète la protection conférée par le Code de manière à la fois fonctionnelle et spécifique. Cette façon de procéder concorde avec le principe que, vu sa qualité quasi constitutionnelle, le Code appelle une interprétation libérale, qui est la plus propice à la réalisation de ses objectifs de lutte contre la discrimination.

Dans la politique, on analyse le harcèlement et la discrimination fondés sur la race à la lumière de l’influence pernicieuse qu’exerce la réalité sociale plus globale du racisme. Afin d’instaurer un contexte approprié, la politique dégage quelques-uns des enjeux plus larges du racisme. Cependant, sa portée ne permet pas la discussion détaillée de toutes les manifestations du racisme dans la société canadienne. En fait, de nombreux documents et rapports d’envergure sont consacrés à des aspects particuliers du racisme, dont les suivants : Rapport de la Commission sur le racisme systémique dans le système de justice pénale en Ontario[6], Unequal Access: A Canadian Profile of Racial Differences in Education, Employment and Income[7], le rapport de la CODP Un prix trop élevé : Les coûts humains du profilage racial[8] et le Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones[9].

Les recherches et la consultation effectuées par la CODP ont fait ressortir plusieurs grands thèmes, qui forment la base de la présente politique :

  • Le racisme et la discrimination raciale continuent à exister et à influer sur la vie non seulement des personnes racialisées, mais de tous les Canadiens. La réalité du racisme et de la discrimination raciale doit d’abord être reconnue, si l’on veut prendre des mesures de lutte efficaces.
  • La race est un construit social à partir duquel on juge et on catégorise les gens, établissant ainsi des différences entre eux. Bien que, « biologiquement parlant », les races n’aient pas d’existence, ce construit social est une force puissante, qui a des conséquences réelles pour les personnes.
  • Le racisme agit à plusieurs niveaux : individuel, systémique ou institutionnel et sociétal.
  • La discrimination raciale peut accuser les effets de motifs connexes figurant au Code, tels que couleur, origine ethnique, lieu d’origine, ascendance et croyance. De plus, la race peut être en intersection avec d’autres motifs, tels que sexe, handicap, orientation sexuelle, âge et état familial, pour aboutir à des situations de discrimination uniques et cumulatives.
  • Il peut y avoir discrimination raciale par préjugé et stéréotypage manifestes, ou de façon inconsciente, plus subtile et subversive.
  • La discrimination raciale peut en grande partie s’exercer au niveau systémique ou institutionnel. Les politiques, pratiques, processus décisionnels et cultures des organisations peuvent créer ou perpétuer une position de désavantage relatif pour les personnes racialisées.
  • Les organisations sont tenues de prendre des mesures proactives pour veiller à ne pas exercer, tolérer ou permettre d’actes et d’attitudes de harcèlement ou de discrimination fondés sur la race. À cet égard, diverses obligations s’imposent, entre autres : réunir des données numériques en certaines circonstances, remédier aux désavantages hérités du passé, réviser les politiques, pratiques et processus décisionnels pour en éliminer les impacts négatifs et mettre à exécution des politiques et des programmes éducatifs de lutte contre le harcèlement et la discrimination.

La présente politique embrasse tous les domaines de la vie en société énumérés dans le Code, en mettant l’accent sur l’emploi. Cette insistance découle du fait qu'un grand nombre de requêtes au Tribunal se rattachent à ce domaine. Rappelons que l’emploi fait partie intégrante du bien-être socioéconomique, car il influe nécessairement sur la santé, l’accès à l’instruction et l’accès aux services de façon plus générale. Il y a donc interaction entre discrimination dans l’emploi et discrimination dans d’autres domaines de la vie en société visés par le Code.

Outre cet énoncé de politique et en guise de complément, la CODP prend et continuera de prendre des initiatives de promotion et d’avancement des droits de la personne face à différents problèmes d’envergure liés au racisme et à la discrimination raciale.

Les énoncés de politique de la CODP contribuent à créer une culture des droits de la personne en Ontario. Ils font mieux connaître ces droits au sein de la population et fixent des normes de comportement à l’intention des particuliers, des employeurs, des fournisseurs de services et des décideurs, en vue de la conformité aux dispositions du Code. C’est dans le contexte plus large des engagements du Canada au plan mondial qu’il faut comprendre les énoncés de politique de la Commission.

1.3. Obligations de plan international

En 1948, l’Assemblée générale des Nations Unies adoptait un document qui a fait époque, la Déclaration universelle des droits de l’homme, fondement du droit international en la matière. Ce document établissait une norme internationale prohibant toute discrimination fondée sur la race, la couleur, la langue, l’origine nationale et un certain nombre d’autres motifs. Les principes de la Déclaration universelle ont été adjoints de divers instruments d’application[10], dont la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale[11] (la CEDR). Le Canada a ratifié la CEDR en 1970, s’engageant ainsi à respecter et à défendre les droits visés par ce document.

Nombre d’autres documents de l’ONU s’attachent à divers aspects du racisme et de la discrimination raciale[12]. En 2003, le Canada a accueilli le Rapporteur spécial de l’ONU sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et d’intolérance, qui a préparé un compte rendu de sa visite[13].

Les fins qui ressortent des divers documents et instruments de l’ONU sont les suivantes :

  • confirmer que la race est un construit social lié à des facteurs géographiques, historiques, politiques, économiques, sociaux et culturels, sans aucune justification des notions de supériorité de race et de préjugé racial;
  • promouvoir la reconnaissance publique de la persistance du racisme et de l’impact continu de son poids historique – p. ex. l’effet du colonialisme et de l’esclavage, notamment du commerce transatlantique des esclaves – sur les personnes d’origine autochtone, africaine ou asiatique;
  • imposer aux États l’obligation positive de réviser leurs lois, règlements et politiques qui instaurent ou perpétuent la discrimination raciale, de promulguer des lois interdisant la discrimination raciale par toute personne, tout groupe et toute organisation et de rendre compte du respect des droits et de leur application;
  • faire valoir l’importance qu’il y a à supprimer les barrières et à mettre en place des mesures correctives, afin d’atteindre à l’égalité de participation dans tous les domaines de la vie en société;
  • reconnaître l’interrelation entre situation économique, marginalisation, exclusion sociale et racisme, ainsi que la nature intersectionnelle de la discrimination raciale;
  • promouvoir la collecte, la compilation et l’analyse de données statistiques fiables, en conformité avec les lois sur la protection de la vie privée et les droits de la personne, afin de surveiller la situation des groupes racialisés et relever tout impact négatif des lois, politiques, pratiques et autres mesures sur les groupes racialisés;
  • mettre l’accent sur la marginalisation extrême qui est le lot des peuples autochtones et sur les problèmes uniques que soulèvent la Loi sur les Indiens, les traités et les revendications territoriales.

La Cour suprême du Canada a décrété que les valeurs et principes consacrés par le droit international font partie intégrante du contexte juridique dans lequel les lois sont interprétées et appliquées[14]. En outre, on a reconnu que les commissions des droits de la personne sont des organismes clés pour la mise en œuvre et la défense des normes internationales en matière de droits de la personne. La CODP intègre donc les normes internationales applicables à l’élaboration de ses politiques et s’en inspire pour éclairer son interprétation et son application du Code. Toutefois, ainsi que le montre l’histoire, même si le Canada a ratifié divers instruments internationaux de lutte contre le racisme et la discrimination raciale, une foule de gens continuent d’y tolérer ces phénomènes.

1.4. Contexte historique : L’héritage du racisme au Canada

Comme point de départ d’une politique sur le racisme et la discrimination raciale, on peut esquisser le contexte historique de ces phénomènes au Canada. Il faut connaître la chaîne des événements du passé si l’on veut s’attaquer judicieusement à leurs manifestations contemporaines. Un survol de l’histoire du racisme révèle que le Canada progresse à cet égard. Ainsi, des lois telles que la Déclaration canadienne des droits, le Code des droits de la personne de l’Ontario et la Charte canadienne des droits et libertés ont été promulguées comme protection contre le racisme et la discrimination raciale[15], mais beaucoup reste à faire.

Au Canada, ce n’est pas par hasard que les communautés qui ont été victimes de discrimination raciale par le passé continuent à occuper les plus bas niveaux de l’échelle sociale, économique, politique et culturelle. L’héritage du racisme a profondément et durablement imprégné nos systèmes et nos structures[16]. Cet héritage doit être reconnu dans tout énoncé de politique, particulièrement lorsqu’on se penche sur des questions telles que la discrimination institutionnelle ou systémique, la conception d’aménagements à caractère inclusif, la suppression des barrières et les méthodes appropriées pour faire échec au racisme. Nous donnons ci-après un aperçu qui, tout schématique qu’il soit, aide à se faire une idée du contexte du racisme et de la discrimination raciale au Canada[17]. Bon nombre des événements décrits sembleront remonter à un passé lointain, mais on notera les très nombreux exemples contemporains du phénomène[18].

Historiquement, les politiques et pratiques adoptées à l’égard des Autochtones[19] se fondaient sur la présupposition qu’on avait affaire à des êtres inférieurs, incapables de se gouverner eux-mêmes. D’autres schèmes d’interaction se caractérisaient par un désir d’assimilation, de déplacement ou de ségrégation des personnes autochtones, ou encore d’élimination des cultures autochtones[20]. Il y a certes eu des progrès dans le rétablissement des droits des Autochtones au Canada au cours des dernières décennies, mais la tâche est loin d’être achevée – à témoin l’importance des questions en suspens touchant les revendications territoriales, les indemnisations relatives aux pensionnats, l’autonomie gouvernementale et tant d’autres qu’ont relevées le Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones et le Rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des populations autochtones.

La Loi sur les Indiens, promulguée en 1876, conférait au gouvernement fédéral le contrôle des structures politiques, des systèmes de propriété foncière, du développement de l’économie et des ressources et de la quasi-totalité des aspects importants de la vie des peuples autochtones. Parmi les édits de la Loi, il y avait – pour ne mentionner que ceux-là – l’interdiction de posséder des terres, des règles sur l’élection des chefs, la suppression du droit de vote, l’interdiction de quitter les réserves sans laissez-passer, l’interdiction de tenir des manifestations et fêtes cérémoniales et la détermination de la qualité d’« Indien ».

Les enfants autochtones étaient séparés de force de leur famille et de leur collectivité et placés dans des pensionnats dirigés par des sociétés missionnaires, où on les empêchait de parler leur langue, de suivre leurs coutumes et traditions et d’apprendre leur histoire. L’instruction y était souvent de piètre qualité et le sort d’un grand nombre était la malnutrition, la surpopulation, la maladie, une discipline impitoyable et la maltraitance sexuelle. Beaucoup de ces écoles ont été fermées au cours des années 1960, et la dernière, en 1988.

La traite des esclaves africains, de même que la ségrégation et la discrimination raciales font aussi partie de l’histoire du Canada. En effet, la traite des Noirs a été activement pratiquée au Canada. De 1628 au début des années 1800, environ 3 000 personnes d’origine africaine sont arrivées au Canada, la plupart comme esclaves. En 1793, le Parlement du Haut-Canada (aujourd’hui l’Ontario), sous le mandat du lieutenant-gouverneur John Graves Simcoe, adoptait une loi pour empêcher l’arrivée sur son territoire d’autres esclaves et pour limiter la durée des contrats de servitude dans la province (An Act to prevent the further introduction of Slaves, and to limit the term of contracts for Servitude within this Province), première loi à imposer des restrictions à l’esclavage dans l’Empire britannique [21]. L’Ontario est alors devenu un refuge pour ceux qui voulaient échapper à l’esclavage aux États-Unis en empruntant le fameux « chemin de fer clandestin[22] ». En 1833, la loi sur l’émancipation (Emancipation Act) adoptée par le Parlement britannique abolissait l’esclavage dans toutes les parties de l’Empire, l’Ontario compris, mais un lourd héritage devait subsister[23]. Les préjugés et la discrimination allaient continuer à barrer les horizons de la plupart des Canadiens d’origine africaine.

Les Afro-Canadiens étaient exclus des écoles, églises, restaurants, hôpitaux et transports en commun. Ils étaient cantonnés dans les besognes pénibles et les métiers inférieurs, mal payés[24]. Une foule d’Afro-Canadiens vivaient dans des collectivités ségrégées, en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick et en Ontario. De plus, la ségrégation domiciliaire se perpétuait par l’adjonction, aux actes de propriété et aux baux, de conventions restrictives du point de vue racial[25]. L’Assemblée législative avait institué des écoles ségrégées, et toute contestation en justice à cet égard était vouée à l’échec[26]. Cette loi devait exister jusqu’en 1964[27].

Antérieurement à l’avènement des droits de la personne, les actions en justice pour discrimination raciale n’avaient généralement pas abouti. En 1939, la Cour suprême du Canada rejetait une poursuite pour cause d’humiliation intentée par Fred Christie, un Noir qu’on avait refusé de servir dans une taverne de Montréal. La Cour, se refusant à tout commentaire sur ce cas patent de discrimination raciale, avait jugé que la liberté de commerce autorisait les marchands à traiter avec le public comme bon leur semblait[28].

L’histoire des Canadiens d’origine chinoise est également marquée par le racisme. Au cours des années 1880, on avait recruté des manœuvres en Chine pour réaliser les périlleux travaux de construction ferroviaire dans les régions montagneuses. Une fois les travaux terminés et après avoir peiné dans des conditions déplorables, ces ouvriers d’une race « hostile » ont été considérés comme une menace pour la société et soumis à d’intenses mesures de discrimination raciale[29].

Des lois ont été adoptées pour restreindre l’immigration chinoise : la Chinese Immigration Act de 1885 imposait un impôt de 50 $, la « capitation », à l’entrée au Canada de toute personne venant de Chine. En 1903, cet impôt atteignait la somme prohibitive de 500 $[30]. En 1872, les Canadiens chinois de Colombie-Britannique se voyaient soustraire le droit de voter aux élections municipales et provinciales (les Canadiens japonais et les Canadiens d’origine sud-asiatique allaient aussi être privés du droit de vote en 1895 et 1907, respectivement)[31]. Les Canadiens chinois étaient en outre assujettis à des lois et politiques discriminatoires touchant le droit d’être propriétaire, d’exploiter un commerce, de servir le public et d’avoir accès à certaines professions. Dans « le soi-disant intérêt de la moralité des femmes et des filles[32] », des lois empêchaient les Chinois d’employer des Blanches[33].

Beaucoup d’entre nous avons entendu parler de l’expérience des Canadiens d’origine japonaise au moment de la Seconde Guerre mondiale et par la suite. Vingt-trois mille Canadiens japonais vivant sur la côte ouest de la Colombie-Britannique ont alors été envoyés dans des camps d’internement et de travail situés dans des régions isolées de l’intérieur de la Colombie-Britannique, du sud de l’Alberta, du Manitoba et du nord de l’Ontario. Outre bien d’autres violations et privations, les Canadiens japonais ont été dépouillés de leurs biens, de leurs entreprises et de leurs économies. Vers la fin de la guerre, les Canadiens japonais ont été menacés d’autres formes d’expulsion. On les a mis en demeure de se « disperser » dans des villes sises à l’est des Rocheuses, sous peine d’être « rapatriés » au Japon (en 1947, 4 000 Canadiens japonais, dont la moitié étaient nés au Canada, ont ainsi été forcés de partir). Le gouvernement canadien ne devait autoriser la libération des prisonniers qu’en 1947, et il a fallu deux autres années avant qu’ils puissent se réinstaller sur la côte ouest. En 1988, on offrait aux 12 000 survivants de la communauté canado-japonaise la somme de 20 000 $ chacun en guise d’indemnisation, et des excuses officielles leur ont été adressées par le Parlement[34].

Au fil de l’histoire du Canada, d’autres groupes ont été en butte au racisme. Par exemple, les Canadiens d’origine sud-asiatique[35] ont fait l’objet d’une hostilité, d’un ressentiment et de préjugés raciaux analogues à ceux qui visaient d’autres groupes racialisés, et ils ont été soumis à des lois discriminatoires analogues, qui limitaient leur mobilité économique et sociale et les privaient du droit de vote[36]. Comme tant d’autres, ils ont subi l’impact néfaste des lois sur l’immigration, qui favorisaient les émigrants des pays d’Europe du Nord et de l’Ouest. En 1914, un navire ayant à son bord 400 candidats à l’immigration en provenance des Indes s’est vu interdire l’entrée au port de Vancouver. Ces personnes ont été détenues à bord du bateau pendant près de trois mois avant d’être refoulées vers leur pays[37].

L’islamophobie

On a donné le nom d’« islamophobie » à une nouvelle forme de racisme qui sévit au Canada. Il s’agit d’un ensemble de préjugés, stéréotypes et actes d’hostilité à l’endroit des personnes musulmanes ou des adeptes de l’Islam en général. En plus de motiver des actes d’intolérance et de profilage racial, l’islamophobie mène à considérer, aux niveaux institutionnel, systémique et sociétal, que les Musulmans constituent une menace accrue pour la sécurité.

Les Canadiens juifs ont été soumis à une discrimination et à des mesures antisémites sanctionnées par la loi. « Zéro, c’est encore trop », avait rétorqué un haut fonctionnaire du gouvernement canadien à qui on demandait combien d’immigrants juifs le pays pourrait accepter à l’époque de la persécution nazie [38]. Des pancartes le long des plages de Toronto affichaient « No Dogs or Jews Allowed » (Interdit aux chiens et aux Juifs). De nombreux hôtels et centres de villégiature s’étaient donné des politiques d’interdiction à l’égard des clients juifs[39]. Ces citoyens se voyaient imposer des restrictions quant aux lieux où ils pouvaient résider et à l’achat des biens. En 1951, un homme de confession juive avait contesté l’une de ces conventions restrictives interdisant la vente d’un bien à toute personne « de race, de couleur ou de sang juif, hébreu, sémite, africain ou de couleur ». La Cour suprême du Canada avait décrété l’annulation de la convention du fait que les termes en étaient trop généraux[40].

Jusqu’à très récemment, les politiques et pratiques d’immigration canadiennes demeuraient imprégnées de racisme et contribuaient à le renforcer. Mais la discussion de l’immigration dépasse la portée de la présente politique[41]; notons simplement que, à diverses périodes, les politiques et pratiques d’immigration du Canada ont, directement ou indirectement, favorisé la venue de certains groupes d’émigrants (ceux d’Europe du Nord et de l’Ouest, par exemple), tout en rendant l’accès plus difficile aux membres des groupes racialisés.

Ce passé raciste a eu des prolongements durables sur les communautés racialisées. Ainsi, les politiques et pratiques paternalistes et assimilationnistes envers les Autochtones ont eu un impact dévastateur. Aujourd’hui, un très grand nombre d’Autochtones se sentent profondément défavorisés dans toutes les sphères de l’existence, notamment la santé, l’éducation, le logement et l’emploi. Les communautés autochtones continuent à lutter pour la revendication de leurs droits et territoires en vertu des traités. Au Canada, les groupes racialisés peuvent tous retracer la source de leur marginalisation à ce fardeau persistant, l’héritage du racisme au Canada.

2. « Race »,  racisme et discrimination raciale

2.1. Le construit social de « race »

La race est un motif de discrimination interdit par le Code, qui n’en donne pas de définition spécifique. Comme ce terme est d’utilisation courante dans le contexte des droits de la personne et de la société en général, il est important de clarifier sa signification.

Dans le passé, on a défini la race comme étant un sous-ensemble biologique ou naturel de l’espèce humaine, en fonction de distinctions physiques, notamment la couleur de la peau et d’autres caractéristiques corporelles. Cette notion de race a vu le jour dans le cadre de la domination impériale par l’Europe de pays et de peuples « non blancs » et a servi de base à une nomenclature des peuples[42]. Certaines des pires atrocités de l’histoire de l’humanité sont associées à des notions de supériorité raciale.

La classification selon la race n’a aucun fondement scientifique légitime. La génétique nous apprend que les caractéristiques physiques et les profils génétiques sont en plus forte corrélation entre les « races » qu’entre les membres de chacune[43]. On reconnaît aujourd’hui que les notions de race sont principalement fonction de processus sociaux qui cherchent à établir des différences entre les groupes, avec le résultat d’en marginaliser certains par rapport à la société.

Alors que les notions biologiques de la race sont tombées en discrédit, ce construit social demeure un levier puissant dans la société. Le processus de construction sociale de la race est dit « racialisation ». Dans le Rapport de la Commission sur le racisme systémique dans le système de justice pénale en Ontario, on définit la racialisation comme un processus par lequel les sociétés assoient la notion que les races sont bien réelles, différentes et inégales, de façons qui importent pour la vie sociale, économique et politique[44]. Même des groupes et personnes présentant des différences physiques négligeables par rapport aux Européens de l’Ouest ont été racialisés ici. Par exemple, les émigrants d’Europe du Sud ou de l’Est ont été considérés comme appartenant à des « races » de moindre valeur à leur arrivée au Canada.

La racialisation s’étend non seulement aux membres d’un groupe en général, mais aussi à des traits et attributs spécifiques ayant un rapport quelconque avec les personnes racialisées et qui sont jugés « anormaux », marques d’une valeur moindre. Chez certains, les préjugés se rattachent à des caractéristiques racialisées. Outre les traits physiques, les caractéristiques habituellement racialisées comprennent les suivantes :

  • l’accent ou la façon de parler
  • le nom
  • les vêtements et l’apparence
  • le régime alimentaire
  • les croyances et pratiques
  • les préférences en matière de loisirs
  • le lieu d’origine
  • la citoyenneté

Même si nous savons que les « races » n’existent pas, le construit social de race reste à l’oeuvre dans notre société, avec des conséquences réelles pour un grand nombre de personnes[45]. Le motif de la « race » du Code continue donc d’être important lors de toute discussion sur le racisme et la discrimination raciale.

2.1.1. Choix des termes 

Cerner la meilleure façon de décrire les personnes comporte des défis inhérents. La terminologie est fluide, et ce que nous considérons comme approprié maintenant évoluera tout probablement avec le temps. De plus, les membres d’un groupe peuvent ne pas s’accorder sur une définition et vouloir se décrire autrement. Cependant, la CODP estime utile de fournir des directives d’ordre général sur la terminologie qu’elle considère comme la plus inclusive à l’heure actuelle.

Lorsqu’il est nécessaire de donner une description collective de certaines gens, les termes « personnes racialisées » ou « groupes racialisés » sont préférables à ceux de « minorités raciales », « minorités visibles[46] », « personnes de couleur[47] » ou « non-Blancs », puisqu’ils dénotent l’aspect construit social de la race plutôt que les traits biologiques perçus. En outre, ces autres termes renvoient à celui de « Blanc » pris comme norme de comparaison et ont tendance à regrouper toutes les personnes racialisées sous une catégorie unique, comme si elles étaient toutes pareilles.

Lorsque l’identification des personnes est nécessaire, il est toujours préférable de permettre à ces personnes de le faire elles-mêmes. Si cela n’est pas possible, les termes choisis devraient avoir un rapport avec la raison pour laquelle l’identification est requise. Par exemple, si l’on veut comparer la représentation d’un groupe au sein d’une organisation et dans la population générale, il serait logique de se servir des termes du recensement canadien. En général, il vaut mieux éviter un terme d’acception large (p. ex. Asiatique) si l’on dispose d’un terme plus spécifique, tel que celui qui renvoie à l’origine nationale (p. ex. Canadien chinois). Il faut éviter les termes qui sont clairement considérés inappropriés, et, si une personne s’oppose à l’utilisation d’un terme, on ne doit pas l’employer.

Les termes « Noir » et « Blanc[48] » sont d’utilisation courante pour décrire les personnes et peuvent même être ceux que les gens préfèrent pour se décrire eux-mêmes. Même si, aujourd’hui, ces termes ne sont pas considérés comme inconvenants par la plupart, il faut tout de même se souvenir qu’ils renvoient à des caractéristiques racialisées.

2.2. Comprendre le racisme

Le racisme est un phénomène plus large que la discrimination raciale. Le Code cherche à combattre le racisme par des mesures d’éducation populaire et de défense/promotion des droits de la personne, mais ce ne sont pas toutes les manifestations de racisme qu’il est possible d’éradiquer en recourant au processus et mécanisme courants d’une plainte pour atteinte aux droits de la personne. Ce ne sont que les actes discriminatoires au motif de la race et dans certains domaines sociaux particuliers qui sont interdits par le Code (voir la section 2.3. Le Code et la discrimination raciale). Il demeure que le racisme joue un rôle majeur dans les processus sociaux qui donnent lieu à la discrimination raciale et la consolident. Il est donc crucial pour une politique en la matière de reconnaître et de comprendre le racisme en tant que réalité à la fois historique et toujours agissante dans la société canadienne.

Il existe de nombreuses définitions du racisme, qui diffèrent sur les plans de la complexité et du point de vue, et qui peuvent souvent être très difficiles à saisir. Nous donnons ci-dessous un exposé des principaux éléments nécessaires pour comprendre cette notion.

Toutes les définitions du racisme concordent sur un point : cette idéologie repose sur le postulat, explicite ou implicite, de la supériorité inhérente d’un groupe racialisé par rapport aux autres. L’idéologie raciste se manifeste parfois ouvertement, par des insultes, des plaisanteries malicieuses ou des actes haineux. Il reste que, bien souvent, elle est profondément enracinée dans des valeurs, croyances et attitudes stéréotypées. Dans certains cas, ces croyances sont inconscientes et font partie intégrante et fondamentale de systèmes et institutions qui ont évolué avec le temps.

Matière à réflexion 

En discutant du racisme, il faut tenir compte des privilèges qui vont de soi – avantages, accès et opportunités inhérents aux membres du groupe dominant de la société ou à un contexte donné. C’est ce que signifie l’expression « apanage des Blancs ».
Pour certains, cette notion reste controversée, mais réfléchissons aux énoncés suivants, qui sont utiles pour comprendre comment les expériences peuvent différer en fonction du privilège.

  1. Si je veux ou dois déménager, je peux être assez certain de ne pas me faire dire qu’un appartement est déjà loué quand le propriétaire m’aperçoit.
  2. Si je parle à « la personne responsable », ce sera probablement quelqu’un de ma « race ».
  3. Je peux aller faire des achats seul sans me faire suivre. Je n’ai pas à me préoccuper de ma tenue vestimentaire avant d’entrer dans un magasin haut de gamme.
  4. Quand je paie par chèque ou carte de crédit, ma couleur de peau ne me desservira pas quant à l’apparence de solvabilité.

Si je désire discuter ouvertement de mes croyances religieuses ou les afficher, je n’ai pas à craindre que les gens me disent de « retourner là d’où je viens ».
(Adaptation de P. McIntosh, « White Privilege: Unpacking the Invisible Knapsack »; en ligne : www.case.edu/president/aaction/UnpackingTheKnapsack.pdf)

Le racisme se distingue du simple préjugé du fait qu’il est aussi associé au pouvoir – institutionnel, politique, économique et social – détenu par le groupe dominant de la société. En Ontario et au Canada, les institutions qui ont le plus grand degré d’influence et de pouvoir, soit les gouvernements, le système d’éducation, la banque, le commerce et le système judiciaire, ne sont pas à l’heure actuelle pleinement représentatives des groupes racialisés, particulièrement à l’échelon supérieur.

Le racisme se manifeste souvent par des présupposés, croyances et actes négatifs. Mais il n’est pas perpétué simplement par les personnes. Il peut être présent de façon évidente dans les structures et programmes organisationnels ou institutionnels aussi bien que dans les attitudes et comportements individuels. Le racisme opprime et subordonne certaines personnes au nom de caractéristiques racialisées. Il a des effets marqués sur la vie économique, politique, sociale et culturelle.

2.2.1. Comment se manifeste le racisme

On a vu dans ce qui précède que le racisme existe effectivement, à un certain nombre de niveaux[49], notamment : 1) individuel; 2) institutionnel ou systémique; 3) sociétal (c’est-à-dire idéologique ou culturel).

Au niveau individuel, le racisme peut s’exprimer par des propos, mais aussi dans la vie courante, plusieurs incidents survenant au fil des interactions. C’est le sens de l’expression « racisme ordinaire », souvent de nature assez subtile. Bien qu’évident pour la personne qui en éprouve les effets, le racisme ordinaire peut être diffus, au point de difficilement pouvoir faire l’objet de plaintes. Cependant, lorsqu’il s’agit d’un domaine social visé par le Code, il peut y avoir des circonstances où le racisme ordinaire, dans le cadre d’un contexte plus large, suffit à justifier un constat de discrimination raciale (voir la section 3.3. Discrimination raciale subtile, pour un exposé de ces situations). Dans un cas comme dans l’autre, l’effet cumulatif de ces brimades quotidiennes est grave.

Le Canada est un pays fondé sur la colonisation et l’immigration. Sa population est l’une des plus diversifiées au monde. Cette mosaïque de personnes et de cultures présente des défis uniques et en mutation constante au plan des relations humaines. Certaines requêtes en matière de droits de la personne sont déposées au motif d’un racisme exercé par des groupes racialisés, d’un groupe vis-à-vis d’un autre ou à l’intérieur d’un de ces groupes. Les conséquences de ces situations, la perte d’un emploi par exemple, sont tout aussi graves que celles du racisme perpétué par les Blancs, et les requêtes s’y rapportant devraient être traitées avec le même sérieux.

Au niveau institutionnel ou systémique, le racisme est évident dans certaines politiques, pratiques et procédures gouvernementales ou organisationnelles, ainsi que dans des « façons normales de faire » qui peuvent, directement ou indirectement, consciemment ou non, promouvoir, appuyer ou asseoir un privilège à impact différentiel pour certaines personnes et des désavantages pour d’autres.

L’expérience du racisme au jour le jour

Voici des exemples de racisme au quotidien :
Paroles : Un vendeur adopte un ton empreint de froideur, cassant ou sarcastique, lorsqu’il s’adresse à des clients afro-canadiens.
Regards : Après les événements du 9 septembre, une famille de Canadiens musulmans se fait regarder avec mépris.
Actes : Lorsqu’un Canadien chinois s’assoit dans l’autobus, les passagers voisins changent de place.

Au niveau sociétal, le racisme est manifeste dans les expressions culturelles et idéologiques qui sous-tendent et soutiennent certaines valeurs et croyances dominantes. Il ressort dans un vaste éventail de concepts, d’idées, d’images et d’institutions qui fournissent le cadre de signification et d’interprétation de la pensée racialisée dans la société. Le racisme est diffusé et reproduit par des organes de socialisation et de transmission culturelle, tels que les médias de masse (qui représentent les personnes racialisées comme étant différentes de la norme ou comme des sources de problèmes), les écoles et universités, les doctrines et pratiques religieuses, l’art, la musique et la littérature. Le phénomène se reflète dans la langue de tous les jours, ainsi : les concepts « blanc, blancheur » sont très nettement associés à des connotations positives, tandis que « noir, noirceur » ont des connotations négatives[50]. Ces formes de racisme sont étayées par la socialisation, puisque les enfants commencent à absorber ces valeurs et croyances dès l’âge le plus tendre[51].

Comme nous l’avons déjà dit, pour réagir efficacement au racisme en Ontario, il faut clairement reconnaître son existence persistante. Or, comme une stigmatisation considérable s’attache aux allégations de racisme, on a tendance à nier son existence, en général ou dans une situation donnée.

Soulignons que, sous ses formes les plus courantes, le racisme s’exprime souvent de manière inconsciente et que son mécanisme est souvent ignoré, même par ceux qui l’exercent. En outre, comme nous le relevons plus tôt dans la politique, même si le Canada a beaucoup progressé pour le mieux, le racisme y demeure une réalité. Mais il ne faudrait pas y voir un comportement aberrant ou un ensemble d’attitudes déviantes émanant de « personnes anormales », qui seraient en quelque sorte les « brebis galeuses » de la société. Le défaut de reconnaître la nature complexe, subtile et systémique du racisme entrave toute mesure efficace à son encontre.

Enfin, la CODP est d’avis que, sauf dans les circonstances les plus patentes – par exemple, lorsque l’intention de poser des actes racistes est explicite –, il est préférable de qualifier de racistes des actes plutôt que des personnes.

Le saviez-vous?

Le Rapport sur le racisme au Canada du Rapporteur spécial de l’ONU formule la recommandation suivante :

[traduction]
Le gouvernement canadien ajouterait grandement à sa crédibilité, à sa fiabilité et à la reconnaissance de son engagement politique certain vis-à-vis de la lutte contre le racisme, la discrimination et la xénophobie en admettant, au niveau le plus élevé, la persistance de cette plaie sociale, malgré tous les efforts accomplis.

(Rapport du Rapporteur spécial sur le racisme, 24)

2.3. Le Code et la discrimination raciale

2.3.1. Définition de la discrimination raciale 

L’objet de lois contre la discrimination telles que le Code est de prévenir la violation de la dignité humaine et des droits et libertés de la personne en faisant subir aux membres de certains groupes des préjugés et un stéréotypage d’ordre social ou politique. Le racisme est bien un phénomène de société, mais ce sont les actes de discrimination raciale qui sont interdits par la Loi[52].
Il n’y a pas de définition standard du terme, et la notion qu’ont les gens de ce qui constitue de la discrimination raciale continuera d’évoluer avec le temps. La discrimination raciale a donné lieu à plusieurs descriptions, qui peuvent être utiles pour comprendre ce concept et l’expliquer.

Par exemple, dans le contexte international des droits de la personne, la notion a été décrite comme recouvrant toute distinction, exclusion, restriction ou préférence fondée sur la race qui oblitère ou infirme les droits de la personne ou les libertés fondamentales dont jouissent les citoyens[53]. La jurisprudence canadienne propose de voir dans ce concept toute distinction, conduite ou acte, intentionnel ou non mais fondé sur la race, qui a pour effet d’imposer à une personne ou à un groupe des fardeaux particuliers et qui entrave ou restreint l’accès à des avantages dont peuvent se prévaloir les autres membres de la société[54]. De plus, la jurisprudence atteste explicitement que la race peut même ne figurer qu’à titre de facteur pour qu’il y ait constat de discrimination raciale.

Le Code offre à tous les Ontariens des mesures de protection contre la discrimination raciale, plus particulièrement dans les domaines de l’emploi, des services, du logement, des contrats et de l’appartenance à une association professionnelle.

2.3.2. Discrimination raciale et motifs connexes figurant au Code 

Outre la race, plusieurs motifs connexes sont interdits par le Code, soit principalement l’ascendance, le lieu d’origine, la couleur, l’origine ethnique, la citoyenneté et la croyance (religion).

Selon les circonstances, la discrimination fondée sur la race peut s’attacher à la race uniquement ou à un ou plusieurs motifs connexes. Cependant, à titre de construit social, le motif de la race peut recouper tous les motifs connexes, de même que toute autre caractéristique racialisée et utilisée à cette fin de discrimination.

Dans beaucoup de cas de discrimination raciale, la notion précise de la race qui motive l’acte revêt une signification spécifique de par les motifs associés. Dans ces situations, il serait approprié de citer ces autres motifs, outre la race même. Par exemple, lorsqu’un candidat qui s’appelle Mohammed est écarté d’un concours de recrutement à cause de son nom, il est approprié de citer comme motifs de discrimination la race, l’origine ethnique, l’ascendance, le lieu d’origine et la croyance, car le nom en cause est racialisé – précisément parce qu’il est associé par stéréotype à une origine et à une croyance spécifiques.

Dans d’autres situations, les indicateurs figurant dans les motifs illicites au sein du Code sont employés à titre d’euphémismes ou de substituts de la notion de race[55]. La plupart des gens ayant appris qu’ils ne peuvent explicitement différencier et juger des personnes à cause de leur race, la discrimination raciale se dissimule sous d’autres notions et termes moins stigmatisés. Même les victimes de ces actes sont souvent réticentes à employer des notions et des termes tenant explicitement à la race. Par exemple, dans des cas de discrimination raciale, on pourra parler de l’accent ou du lieu d’origine d’une personne plutôt que de sa race. Il convient de citer avec la race certains motifs connexes figurant dans le Code dans les cas où la discrimination emprunte ces descripteurs à titre d’euphémismes ou de substituts pour la race.

En pratique, on a souvent du mal à préciser ce qui sous-tend la discrimination raciale. Un membre des Premières nations pourra subir de la discrimination en raison de la couleur de sa peau ou de stéréotypes associés à son ascendance ou à son origine ethnique, d’une certaine répugnance pour les pratiques de sa croyance, ou encore dû à une combinaison de ces facteurs. Ce sont toutes là des possibilités parfois difficiles à différencier. Dans ces situations, le construit social de race peut embrasser des motifs connexes du point de vue de la signification, mais, en pratique, il est préférable d’énumérer tous les motifs pouvant avoir compté comme facteurs dans l’expérience subie par la victime.

2.3.3. Intersection et chevauchement des motifs

Plusieurs des motifs d’interdiction stipulés par le Code ont un rapport relativement moins étroit avec celui de la race, notamment le sexe, un handicap, l’âge, l’état familial et l’orientation sexuelle. Il n’en reste pas moins que l’expérience de la discrimination peut être colorée par ces autres motifs.

Certaines personnes sont victimes de discrimination en raison de facteurs d’identification en intersection ou en chevauchement[56]. À cause d’une combinaison d’identités qui leur est propre, elles peuvent être exposées à des formes particulières de discrimination et subir à leur façon un préjudice social et des souffrances analogues à celles qui accompagnent les actes de discrimination.

Parallèlement, des situations de discrimination raciale peuvent survenir à cause d’une intersection avec d’autres motifs cités dans le Code et aboutir à des combinaisons inédites, lourdes de conséquences. Par exemple, un jeune homme noir peut être perçu à la fois comme « Noir », comme « jeune » et comme « homme ». Ces trois facteurs d’identité se chevauchent, mais sont aussi en intersection d’une manière socialement significative. Cette personne peut être exposée à la discrimination en raison de l’un ou l’autre des motifs de race et/ou de couleur, d’âge et de sexe indépendamment, même si en l’occurrence ces facteurs ne sont pas en cause de manière significative. Ce type de personne peut aussi être exposée à une forme de discrimination intersectionnelle, fondée sur son identité de « jeune homme noir », en fonction des divers présupposés et/ou stéréotypes associés univoquement à cette intersection socialement significative.

Dans l’application du Code, la Commission tente de relever toutes les ramifications possibles d’intersection et de chevauchement d’identités, et elle exige que la diversité de la société soit reconnue et respectée. Il est donc important de considérer les intersections possibles et, lorsque des allégations de discrimination raciale ont lieu et que les circonstances s’y prêtent, de citer la race au même titre que les autres motifs pertinents si l’intersection est manifeste.

2.4. Racisme et discrimination raciale – « mythes » courants

Les écrits sur le racisme et la discrimination raciale mentionnent souvent des modes de réactions différents de ceux que soulèvent d’autres situations problématiques en matière de droits de la personne. En fait, il existe un ensemble de « mythes » courants, qui entrent fréquemment en jeu quand il est question de racisme et de discrimination raciale. Ces mythes ont pour but de museler ceux qui s’élèvent contre le racisme et la discrimination raciale; de plus, ils entravent les efforts de lutte contre ces deux fléaux et peuvent même miner la capacité des décideurs à traiter les plaintes avec objectivité[57].

Au nombre des mythes et idées fausses sur le racisme et la discrimination raciale, il y a les suivants :

  • on exagère l’ampleur du racisme et, exception faite du cas ou des actes de quelques « brebis galeuses », le racisme n’existe pas au Canada;
  • les Canadiens sont « daltoniens » quand il s’agit de couleur de peau et ne font pas de distinction entre les races;
  • le simple fait de mentionner l’existence du racisme ou de la discrimination raciale ou de prendre des mesures proactives de lutte contre ces fléaux revient à exercer un racisme à rebours à l’égard des Blancs;
  • les personnes racialisées sont moins crédibles et leurs affirmations doivent être examinées plus attentivement, ou encore corroborées;
  • les personnes racialisées jouent la « carte de la race » pour mieux manipuler individus et systèmes et obtenir ce qu’elles veulent;
  • les personnes racialisées sont trop susceptibles; elles ont tendance à réagir de manière excessive ou aigrie;
  • ce sont les personnes racialisées elles-mêmes – et non le racisme ou la discrimination – qui sont responsables de leur situation défavorisée ou « d’exception », ce qui revient à « blâmer la victime »;
  • l’immigration est au détriment des Canadiens, car les immigrants s’emparent des emplois, commettent davantage de délits, siphonnent le système et ne s’adaptent pas à notre société;
  • si une personne racialisée a été traitée de façon acceptable dans le passé, il est impossible qu’elle subisse un traitement discriminatoire par la suite[58].

Ces réactions établissent un climat qui entrave tout genre de réaction efficace contre l’inégalité raciale[59].


[1] On continue d’enregistrer, en Ontario et au Canada, des délits haineux qui ont, sur la victime, sur sa communauté et sur la société en général, des répercussions démesurées, plus durables que celles de la plupart des autres délits. Malgré le fait que, selon la police, les délits haineux signalés ne représentent que de 10 % à 15 % des dossiers, les services policiers de Toronto ont dénombré en 2004 un total de 163 de ces délits, commis à l’encontre des groupes les plus divers; voir Toronto Police Service Hate Crime Unit, 2004 Annual Hate/Bias Crime Statistical Report, en ligne : < www.torontopolice.on.ca/publications/files/reports/2004hatecrimereport…;. La Ligue des droits de la personne de B’nai Brith note que l’antisémitisme continue sa montée et que 2004 s'est caractérisée par une recrudescence, pour la quatrième année consécutive, des incidents d’antisémitisme signalés; voir Ligue des droits de la personne de B’nai Brith Canada, Rapport des incidents d’antisémitisme – Préjugés et intolérance au Canada (Toronto, Ligue des droits de la personne, 2005); en ligne : < /www.bnaibrith.ca&gt;.
[2] Voir les divers rapports sur l’inégalité entre les races, notamment celui du Rapporteur spécial de l’ONU sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et d’intolérance, de la Commission des droits de l’homme des Nations Unies, E/CN.4/2004/18/Add.2 (1er mars 2004) [ci-après Rapport du Rapporteur spécial sur le racisme].
[3] Par exemple, dans l’affaire R. c. Parks (1993), 15 O.R. (3d) 324, par. 342, la Cour d’appel de l’Ontario déclarait :

[Traduction]
Le racisme, en particulier le racisme à l’endroit des Noirs, fait partie de la mentalité de notre collectivité. Un segment non négligeable de notre collectivité défend ouvertement des points de vue racistes. Un autre segment, encore plus important, agit subconsciemment sur la base de stéréotypes raciaux négatifs. De plus, nos institutions, dont le système de justice pénale, reflètent et perpétuent ces stéréotypes négatifs. Pris ensemble, tous ces éléments propagent le fléau du racisme dans notre société.

Voir également l’affaire R. c. Williams [1998] 1 R.C.S. 1128 et R. c. Hamilton [2004] O.J. No. 3252 (C.A.). Pour consulter des affaires relatives au profilage racial, voir infra note 66.
[4] Pour faciliter la lecture, le masculin est utilisé pour désigner les deux sexes.
[5] L’Association d’études canadienne est un organisme à but non lucratif et à caractère bénévole. Elle a pour mission de diffuser une meilleure connaissance du Canada, par l’enseignement, la recherche et la publication.
[6] Rapport de la Commission sur le racisme systémique dans le système de justice pénale en Ontario (Toronto, Imprimeur de la Reine pour l’Ontario, 1995) (coprésidents : D. Cole et M. Gittens).
[7]Unequal Access: A Canadian Profile of Racial Differences in Education, Employment and Income, rapport préparé pour la Fondation canadienne des relations raciales par le Conseil canadien de développement social (Toronto, Fondation canadienne des relations raciales, 2000).
[8] Commission ontarienne des droits de la personne, Un prix trop élevé : Les coûts humains du profilage racial (Toronto, Imprimeur de la reine, 2003).
[9] Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones (Ottawa, Groupe Communication Canada – 1996) (coprésidents : R. Dussault et G. Erasmus).
[10] Par exemple, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 16 décembre 1966, 999 U.N.T.S. 171 (entré en vigueur le 23 mars 1976 et ratifié par le Canada le 19 mai 1976) [ci-après le PIDCP] et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, 16 décembre 1966, 993 U.N.T.S. 3 (entré en vigueur le 3 janvier 1976 et ratifié par le Canada le 19 août 1976) [ci-après le PIDESC].
[11] 21 décembre 1965, 660 U.N.T.S. 195 (entrée en vigueur le 4 janvier 1969 et ratifiée par le Canada le 14 octobre 1970) [ci-après la CEDR].
[12] Aux fins de la présente politique, les plus pertinents sont la Déclaration et programme d’action de Vienne, document adopté par la Conférence mondiale sur les droits de l’homme, UN Doc. A/CONF. 157/23 (1993) et ratifié par l’AG Res. 48/121, UN Doc. A/RES/48/121 (1993), la Déclaration sur la race et les préjugés raciaux, document adopté et promulgué par la Conférence générale de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) le 27 novembre 1978, E/CN.4/Sub.2/1982/2/Add.1, annex V, 1982, ainsi que, plus récemment, la Déclaration et programme d’action de la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, 25 janvier 2002, A/CONF.189/12.
[13] Rapport du Rapporteur spécial sur le racisme, supra, note 3.
[14] Voir l’arrêt Slaight Communications Inc. c. Davidson [1989] 1 R.C.S. 1038 et l’affaire Baker c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) [1999] 2 R.C.S. 817, par. 70-71.
[15] En 1960, le Canada a proclamé un énoncé déclaratoire des droits de la personne, sous le titre Déclaration canadienne des droits, L.C. 1960, ch. 44. Cette déclaration, bien que formulée à la manière d’un document constitutionnel, était une loi qui pouvait être annulée par des autres lois, et ne s’appliquait pas aux lois provinciales. Les cours avaient tendance à lui donner une interprétation stricte et la déclaration était source de déception pour ceux qui aspiraient à l’avènement d’une véritable Déclaration des droits à caractère constitutionnel; voir McLachlin, infra, note 22, par. 37-38. En 1962, la Commission ontarienne des droits de la personne, la première à voir le jour au Canada, était instituée aux fins de l’application du Code des droits de la personne de l’Ontario, qui a été promulgué en 1962 également. La Charte canadienne des droits et libertés est entrée en vigueur en avril 1982; les dispositions de l’article 15 sur les droits à l’égalité ne devaient toutefois être adoptées que trois ans après le corps de la Charte. Il s’agit d’un document constitutionnel, auquel les lois tant provinciales que fédérales et les actes de gouvernement doivent se conformer. La Charte est fondée sur la primauté du droit et enchâsse dans la Constitution du Canada les droits et libertés, y compris les droits à l’égalité que les Canadiens croient nécessaires dans une société libre et démocratique.
[16] Rapport du Rapporteur spécial sur le racisme, supra, note 3, par. 68-99.
[17] Nous traçons ici les grandes lignes du racisme dans l’histoire du Canada, en faisant ressortir les traits communs à certaines de ses manifestations les plus significatives. Ce résumé ne prétend pas présenter un examen détaillé ou exhaustif de l’expérience de chaque communauté racialisée et ne doit pas servir de base de comparaison quant au degré de racisme subi par les diverses communautés.
[18] Voir les statistiques sur les délits haineux, supra, note 2. Selon un sondage récent d’Ipsos-Reid commandé par l’Institut du Dominion, un Canadien adulte sur six déclarait avoir personnellement été victime de racisme. De plus, un Canadian adulte sur dix environ serait mécontent d’avoir pour voisins des gens d’une autre race; voir Ipsos-Reid, "March 21st, International Day for the Elimination of Racial Discrimination;
[19] Ce bref historique du racisme subi par les Autochtones se fonde sur des exposés plus poussés, dans : F. Henry, C. Tator, W. Mattis et T. Rees, The Colour of Democracy: Racism in Canadian Society, 2e éd. (Toronto, Nelson, a division of Thompson Canada Ltd., 1998), 119-142; M. Jacko, "The Experience of Aboriginal Peoples in Canada", document rédigé pour l’International Council on Human Rights Policy (2001).
[20] Pour un exposé détaillé des événements qui ont laissé une marque si profonde sur la culture autochtone qu’on les a parfois collectivement qualifiés de « génocide culturel », voir le Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, supra, note  9, partie I, chapitre 6, stade 3, où l’on traite du déplacement et de l’assimilation.
[21] Voir Archives publiques de l’Ontario, à www.archives.gov.on.ca/french/exhibits/humnrits/slavery.htm, et Fondation du patrimoine ontarien, à < www.heritagefdn.on.ca/userfiles/HTML/nts_1_2724_1.html&gt;.
[22] Voir Archives publiques de l’Ontario, ibid.
[23] Voir Très honorable Beverly McLachlin, "Racism and the Law: The Canadian Experience" (2002), 1 J.L. & Equality, 7-24, par. 18; en ligne : QL (JOUR).
[24] Ibid.
[25] Henry, Tator, Mattis et Rees, supra, note 18, 71-72.
[26] Stewart and School Trustees of Sandwich (1864), 23 U.C.Q.B., 634, 638 (lorsqu’il n’existait pas d’école distincte, on ne pouvait interdire la fréquentation de l’école commune); Hutchinson and School Trustees of St. Catharines (1871), 31 U.C.Q.B, 274, 277-279 (une demande visant à forcer les commissaires à admettre les élèves noirs à l’école publique avait été rejetée parce que les élèves étaient en surnombre, mais la Cour avait déclaré non justifié le refus d’admettre un élève noir en raison de sa couleur); Re Hill c. School of Trustees of Camden and Zone (1874), 11 U.C.Q.B., 573, 578-579 (une demande voulant forcer les commissaires à admettre les élèves noirs avait été rejetée parce que l’établissement d’une école distincte pour les élèves de couleur aurait empêché leurs parents de choisir l’école publique); Dunn c. Board of Education of Windsor (1884), 6.O.R., 125, 127-128 (Ch. Div.) (une demande visant à forcer les commissaires à admettre un élève noir à l’école publique avait été rejetée parce qu’on n’avait pas au préalable présenté la demande à l’inspecteur d’école et que les élèves y étaient en surnombre).
[27] Henry, Tator, Mattis et Rees, supra, note 18, 72, et C. Smith, « L’augmentation des frais de scolarité et l’histoire de l’exclusion raciale de la formation en droit au Canada » (2004) 3:3, Diversité canadienne, 35-38, 36.
[28] McLachlin, supra, note 22, par. 21.
[29] Henry, Tator, Mattis et Rees, supra, note 18, 72-73.
[30] Un recours collectif intenté contre le gouvernement canadien en vue d’obtenir une indemnisation des effets de la capitation avait essuyé un échec; Mack c. Canada (Attorney General) (2001), 55 O.R. (3d) 113 (Cour sup.), conf. (2002), 60 O.R. (3d) 737 (C.A.), requête en autorisation d’en appeler rejetée [2002], S.C.C.A. No. 476.
[31] McLachlin, supra, note 22, par. 13.
[32] Quong Wing c. The King (1914), 49 R.C.S., 440, par. 444, Sir Charles Fitzpatrick C.J.C.
[33] McLachlin, supra, note 22, par. 14.
[34] Henry, Tator, Mattis et Rees, supra, note 18, 76-77. Voir également Fondation canadienne des relations raciales, "From Racism to Redress: The Japanese Canadian Experience"; en ligne : www.crr.ca/EN/MediaCentre/FactSheets/eMedCen_FacShtFromRacismToRedress…;.
[35] Ce terme englobe les personnes originaires de l’Inde, du Pakistan, du Sri Lanka, du Bhoutan, du Népal et du Bangladesh; Henry, Tator, Mattis et Rees, supra, note 18, 76.
[36] Ibid., 76-77.
[37] Ibid., 79.
[38] Pour un exposé détaillé, voir I. Abella et H. Troper, None Is Too Many: Canada and the Jews of Europe, 1933 to 1948 (Toronto, Lester & Orpen Dennys, 1982).
[39] Henry, Tator, Mattis et Rees, supra, note 18, 80.
[40] Noble c. Alley [1951], R.C.S., 64.
[41] Les politiques fédérales de l’immigration relèvent du Parlement canadien et ne tombent donc pas sous le coup des codes provinciaux des droits de la personne.
[42] F. Henry, « Les concepts de race et de racisme et leurs implications pour la Commission ontarienne des droits de la personne » (2004) 3:3, Diversité canadienne, 4.
[43] Robert Miles et Rudy Torres, "Does “Race” Matter? Transatlantic Perspectives on Racism after Race Relations", dans V. Amit-Talai et C. Knowles (dir.), Re-Situating Identities: The Politics of Race, Ethnicity and Culture (Peterborough, Broadview Press, 1995), 24-46 :
[traduction]
... Les sciences biologiques et génétiques ont, plus tôt dans notre siècle, établi de façon concluante et à la lumière de preuves empiriques, que toute tentative de prouver scientifiquement l’existence de différents types ou « races » d’êtres humains avait échoué. [25]
[44] Rapport de la Commission sur le racisme systémique dans le système de justice pénale en Ontario, supra, note 6, 40-41.
[45] M. Castagna et G. J. S. Dei, "An Historical Overview of the Application of the Race Concept in Social Practice", dans A. Calliste et G. J. S. Dei (dir.), Anti-Racist Feminism (Halifax, Fernwood Publishing, 2000) 19-37, 35.
[46] Les expressions qui décrivent les personnes racialisées comme étant une « minorité » présupposent que les Blancs sont le groupe de population prédominant, ce qui donne une fausse image de la plupart des pays du monde et, de plus en plus, de nombreuses régions du Canada.
[47] Terme qui désigne toutes les personnes perçues comme n’étant pas des Blancs par le groupe dominant, généralement utilisé par les groupes racialisés comme solution de rechange à l’expression de minorité visible. Ce terme insiste sur la couleur de la peau comme étant un facteur clé dans la vie « de tous les jours »; Fondation canadienne des relations raciales, Glossary of Terms (avril 2005). Cependant, le terme est imprécis et ce ne sont pas toutes les personnes racialisées qui seraient disposées à se décrire de cette façon.
[48] La CODP a décidé d’utiliser la majuscule pour les termes « Noirs » et « Blancs », avec la réserve qu’il s’agit là d’un point discutable.
[49] Pour plus de détails, voir F. Henry, « Les concepts de race et de racisme et leurs implications pour la Commission ontarienne des droits de la personne », supra, note 41.
[50] Un survol des définitions de dictionnaires et d’autres répertoires l’atteste. Par exemple, il suffit de songer aux connotations positives des termes « blanc comme neige » et « chevalier blanc » en regard des connotations négatives de « liste noire », « marché noir », « bête noire », « idées noires » et nombre d’autres qui renferment le mot « noir ».
[51] Henry, Tator, Mattis et Rees, supra, note 18, 56-57
[52] Cette distinction a été reconnue de façon succincte par la commission d’enquête de la Nouvelle-Écosse, dans l’affaire Johnson c. Halifax (Regional Municipality) Police Service (2003), 48 C.H.R.R. D/307 (commission d’enquête de la Nouvelle-Écosse).
[53] Adaptation de la définition donnée par la CEDR, supra, note 11, article 1 :

[traduction]
toute distinction, exclusion, restriction ou préférence fondée sur la race, la couleur, l’ascendance ou l’origine ethnique ou nationale ayant pour but ou pour effet d’infirmer ou d’interdire la reconnaissance, l’exercice ou la jouissance, sur un pied d’égalité, des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social, culturel et autre de la vie en société.

[54] Andrews c. Law Society of British Columbia, [1989] 1 R.C.S. 143, par. 174.
[55] Pour plus de détails, voir J. A. Rummens, « Opérationnaliser la race et ses fondements connexes dans la politique ontarienne des droits de la personne » (2004) 3:3, Diversité canadienne, 7.
[56] La CODP a maintes fois reconnu l’importance d’appliquer une optique intersectionnelle à la discrimination fondée sur des motifs multiples, de même que la pertinence toute spéciale de cette optique lors des plaintes pour discrimination raciale. Voir Commission ontarienne des droits de la personne, Approche intersectionnelle de la discrimination pour traiter les plaintes relatives aux droits de la personne fondées sur des motifs multiples (octobre 2001); en ligne : < www.ohrc.on.ca&gt;.
[57] Pour l’exposé des cinq présuppositions qui ont joué dans l’analyse qu’ont faite les tribunaux des droits de la personne des affaires liées à la race, voir R. Dhir, "Common Myths and Misconceptions about Racial Discrimination: A Case Study" (2nd Annual Human Rights Symposium: Focus on Racial Discrimination, mai 2003).
[58] Voir en particulier l’affaire Smith c. Mardana, infra, note 79. Le Tribunal a suivi le raisonnement suivant : Pourquoi des personnes qui l’avaient embauché, chez qui il avait fait bonne impression, qui l’avaient promu et qui avaient modifié ses heures de travail pour lui permettre de suivre des cours auraient-elles soudainement pris une décision à son détriment à cause de sa race? (par. 23). Cependant, la Cour divisionnaire a reconnu dans cet argument un mythe courant, qui se concentre indûment sur les motifs des intimés et ne fait pas vraiment partie de l’analyse visant à déterminer si un incident de discrimination raciale s’est ou non produit.
[59] Voir également Henry, Tator, Mattis et Rees, supra, note 18, 384-385.