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Les Conclusions préliminaires de la Commission d’enquête sur les agressions contre des pêcheurs canadiens d’origine asiatique, publiées en décembre 2007, citent cette déposition :

En août dernier, mon ami, qui est d’origine chinoise, et moi-même étions en train de pêcher près du canal, ici, sur le terrain accessible au public. Nous avons été chassés par des résidents de la localité... Lorsque je leur ai dit que nous nous trouvions sur un terrain accessible au public, [l’un d’eux] a menacé de nous pousser dans le lac et nous a dit : « Si vous ne partez pas maintenant, vous finirez dans l’eau ». Nous sommes partis, car nous ne voulions pas avoir de problèmes.

En septembre 2007, la Commission a eu connaissance de plusieurs incidents perturbants aux alentours de lacs et de ponts. Au cours de ces incidents, des pêcheurs canadiens d’origine asiatique avaient été agressés physiquement ou verbalement sur les bords et autour du lac Simcoe. Il semblait que les pêcheurs canadiens d’origine asiatique ou des personnes en leur compagnie étaient la cible de ces agressions. En outre, dans certaines régions, ces dernières s’accompagnaient d’insultes racistes à l’égard de la population canadienne d’origine asiatique.

Alors que les médias anglophones et chinois exposaient en pleine lumière ces incidents et que les membres des communautés canado-asiatiques exprimaient leurs inquiétudes, on faisait état d’autres incidents dans le sud et le centre de l’Ontario. En novembre 2007, la Commission lançait l’Enquête sur les agressions contre les pêcheurs canadiens d’origine asiatique (l’« enquête »), ce dans le cadre du mandat que lui confère l’article 29 du Code des droits de la personneCode »). Cet article donne à la Commission le pouvoir d’enquêter sur des incidents marqués par des tensions, voire des conflits, dans une collectivité, de faire des recommandations, d’encourager et de coordonner des programmes et des activités pour apaiser ou prévenir les raisons de telles situations.

Les buts de l’enquête étaient les suivants : en apprendre davantage sur la nature de ces incidents afin de déterminer s’ils constituent ou non des actes de nature systémique, aider les personnes concernées et les orienter vers des ressources appropriées, sensibiliser le public au racisme et au profilage racial, encourager les collectivités et les organismes gouvernementaux responsables à trouver un moyen de résorber la tension et les conflits et chercher des solutions possibles.

Au cours d’une émission-débat sur la pêche sur une radio chinoise, l’animateur a reçu quatre appels de personnes qui affirmaient avoir fait l’objet de harcèlement alors qu’ils pêchaient ou connaître des Canadiens d’origine asiatique qui avaient été harcelés.

Dépositions dans le cadre de l’enquête

La Commission a travaillé de concert avec la clinique d'aide juridique Metro Toronto Chinese and Southeast Asian Legal Clinic (« MTCSALC ») à la mise en place d’une ligne téléphonique d’urgence et d’un sondage en ligne pour comprendre la nature du problème et ses répercussions sur les communautés canado-asiatiques. Dans un document de la Commission intitulé Conclusions préliminaires : Commission d'enquête sur les agressions contre des pêcheurs canadiens d'origine asiatique, on peut lire le récit de terribles et diverses expériences qu’ont vécues des pêcheurs, allant de l’agression verbale à la destruction de matériel de pêche, en passant par le jet de pierres et des violences physiques. Ces incidents semblaient relever d’attitudes racistes à l’encontre des Canadiens d’origine asiatique.

Cela fait plusieurs années que je pêche en bateau sur le lac Rice, du début d’octobre à la mi-novembre. Au cours de ce mois et demi, à deux reprises en moyenne, un homme... sort de sa maison et crie qu’un exxx de Chinois (parfois un exxx de Vietnamien ou un exxx de Coréen) envahit son jardin.

Le rapport fait également état de 11 incidents signalés à la police en 2007, la plupart comportant des allégations d’agression. On peut lire un compte rendu de ces incidents à l’Annexe A du présent document. Parmi tous ces incidents, l’un d’eux est particulièrement choquant : il impliquait plusieurs victimes et agresseurs et une personne, atteinte de graves blessures permanentes, a été hospitalisée pendant plusieurs mois. L’Unité de lutte contre les crimes haineux de divers détachements de police a fait enquête sur ces incidents, considérés comme des crimes haineux potentiels, et a procédé à plusieurs arrestations. Lors de la rédaction du présent rapport, la procédure judiciaire de la plupart de ces affaires était toujours en cours.

Ces incidents n’ont pas été sans laisser d’importants stigmates sur la communauté canado-asiatique. La Commission a entendu dire que certaines personnes de cette communauté avaient peur d’aller à la pêche et estimaient qu’elles devaient modifier leur comportement et faire en sorte d’être davantage en sécurité quand elles participaient à des activités dans la collectivité. Chez d’autres, leur foi dans la capacité du Canada de se montrer à la hauteur des valeurs qu’il défend, comme le multiculturalisme, s’était érodée.

Pendant toute l’enquête, la Commission a entendu des personnes dire qu’à la suite du harcèlement ou des agressions dont elles avaient fait l’objet, elles ne se sentaient pas les bienvenues dans les villes où s’étaient produits ces actes. Parallèlement, des habitants de toutes les villes de l’Ontario ont confié à la Commission qu’elles craignaient qu’on les dépeigne, eux et leur communauté, comme étant « racistes ». Si la Commission a déclaré qu’aucune ville ou communauté n’est raciste, elle a toutefois affirmé avec force que toutes les municipalités ont un rôle à jouer dans l’admission et le règlement des éventuels incidents racistes. Il incombe à tout le monde de créer un milieu sans harcèlement et discrimination, et les actions des élus, des représentants du gouvernement et des services de police sont extrêmement importants à cet égard.

D’après d’autres propos tenus à la Commission, les sentiments négatifs et les incidents de harcèlement à l’encontre des pêcheurs canadiens d’origine asiatique sont liés aux inquiétudes que suscite la protection des rares ressources naturelles. La Commission reconnaît et confirme la place importante qu’occupe, d’un point de vue économique et culturel, la conservation des ressources naturelles dans la subsistance des collectivités ontariennes. Tout le monde doit obéir aux lois pour protéger l’environnement naturel et ceux qui les enfreignent doivent être pénalisés comme il se doit. Toutefois, la Commission a été effarée que des dépositions exprimant des inquiétudes sur la protection des ressources naturelles soient souvent accompagnées de stéréotypes sur les Canadiens d’origine asiatique, les dépeignant plus enclins que d’autres pêcheurs à violer les lois de la pêche et comme des « étrangers » dans la collectivité.

Les droits de la personne font naître des inquiétudes lorsque les projecteurs se braquent sur les Canadiens d’origine asiatique ou que l’on présume que ces derniers, en raison de leur origine, pêchent de façon inappropriée. Le constat était alarmant : certaines personnes semblaient rationaliser les incidents de harcèlement et les agressions en y voyant le prolongement naturel des frustrations qu’éveille la perception selon laquelle les Canadiens d’origine asiatique sont plus susceptibles de pêcher illégalement que d’autres. Impossible, en soulevant des allégations d’activités illicites, de justifier des agressions ou une auto-justice ciblant un groupe particulier.

Il est intéressant de noter que, lors de ses enquêtes sur les incidents, la police n’a pas trouvé la moindre preuve que les victimes avaient enfreint les règlements de pêche.

En septembre 2007, on a découvert sous un pont de Hastings, en Ontario, une insulte raciste, écrite à la peinture au pistolet, qui visait la population canadienne d’origine asiatique. On y traitait les Canadiens d’origine asiatique de « voleurs de poissons ».

Lorsqu’en raison d’inquiétudes légitimes à propos de la conservation et de la protection des ressources et de la pêche illégale, des tensions surgissent dans la population, la Commission recommande de les régler en se concentrant sur la mobilisation communautaire et le changement des comportements et en tenant les agresseurs responsables au lieu de perpétuer des stéréotypes contre un groupe ethnique particulier.

Dans la région de York, la police a lancé le projet Fisher, une opération d’une durée de 30 jours pendant laquelle des policiers canadiens d’origine asiatique en civil ont pêché de nuit sous un pont où plusieurs incidents s’étaient déroulés. La première nuit, dans les quelques heures qui ont suivi la mise en place de l’opération, les policiers ont été la cible de commentaires racistes proférés par des automobilistes qui passaient sur la route.

Un policier participant au Projet Fisher a décrit son expérience : « Je pêchais lorsque l’un des deux types à bord d’une camionnette a crié ‘Rentre chez toi’. J’ai tout de suite pensé qu’il ne voulait pas que je sois là. J’ai cru que je posais un problème à ce type, [mais] je ne pense pas qu’il pouvait voir la couleur de ma peau de là où il était. » Or, le policier a indiqué qu’il pêchait à un endroit que fréquentent surtout des Canadiens d’origine asiatique.

Armand La Barge, chef de la police de la région de York, a réagi vigoureusement aux agressions en déclarant que « ce genre d’incidents inspirés par la haine n’a droit de cité ni dans cette communauté ni dans aucune autre au Canada.[1] »

Rencontres avec les institutions responsables

La Commission a rencontré 21 organismes en vue de les sensibiliser aux actes de racisme perpétrés contre les pêcheurs canadiens d’origine asiatique et de trouver des solutions au problème. La Commission a rencontré des représentants de municipalités, des ministères provinciaux, de services de police, de conseils scolaires, d’organismes communautaires et d’organismes de pêche. Les organismes ont donné 50 garanties à la Commission, laquelle s’est engagée de son côté à sept autres. Ces engagements vont de projets à court terme qui visent à régler le problème de la sécurité des pêcheurs canadiens d’origine asiatique à des initiatives à long terme et de plus grande portée qui traitent de la question du racisme, du profilage racial et des crimes haineux.

La Commission a insisté sur la responsabilité que partage toute la population face à ce problème. Quelques communautés et organismes ont dénoncé avec empressement ces incidents et beaucoup avaient hâte de travailler avec la Commission et la police pour trouver des moyens d’empêcher d’autres incidents racistes ou d’intervenir le cas échéant. Ces moyens peuvent servir d’exemples de « pratiques exemplaires » en cas d’intervention lors d’actes racistes.

Le Groupe de référence communautaire

Afin de pleinement comprendre l’impact de ce problème sur la population canadienne d’origine asiatique, il était important que la Commission soit en mesure de réagir rapidement à leurs inquiétudes et de travailler en collaboration avec des personnes des communautés concernées. La mobilisation et les relations communautaires occupent une place importante dans le nouveau mandat de la Commission et son travail systémique à l’avenir.

Outre son association avec la clinique d'aide juridique Metro Toronto Chinese and Southeast Asian Legal Clinic pour mettre en place la ligne téléphonique d’urgence, la Commission a travaillé de concert avec le Groupe de référence communautaire, qui se composait de porte-parole et d’éducatrices et éducateurs d’organismes au service des communautés canado-asiatiques.Dans le cadre d’une série de conférences de presse, le groupe s’est dit publiquement inquiet des agressions perpétrées contre les pêcheurs canadiens d’origine asiatique. Le groupe, qui a participé à l’enquête à titre de consultant, a régulièrement fait des commentaires à la Commission sur le problème et ses répercussions. Il a aussi préparé une évaluation indépendante des engagements pris par les organismes et des progrès réalisés par ces derniers à cet égard. On trouve un lien pour consulter le rapport sur le site Web de la Commission à www.ohrc.on.ca.


[1] Tobi Cohen. “Race played role in attacks on Asian fishermen: Commission ontarienne des droits de la personne’’ Metro. (13 mai 2008).

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