Skip to main content

Objet : Recommandations pour une réforme de la sécurité du revenu et une feuille de route pour le changement axées sur les droits de la personne

Type de ressource
lettre
Discrimination Type
systémique

Le 13 mars 2018
L’honorable Michael Coteau
Ministre des Services sociaux et communautaires
Édifice Hepburn, 6e étage
80, rue Grosvenor
Toronto (Ontario) M7A 1E9

Monsieur le Ministre,

Objet : Recommandations pour une réforme de la sécurité du revenu et une feuille de route pour le changement axées sur les droits de la personne

J’espère que vous vous portez bien. La Commission ontarienne des droits de la personne (CODP) félicite votre ministère pour son travail de réforme du système de sécurité du revenu, une partie intégrante des efforts de réduction de la pauvreté du gouvernement. Je vous écris pour vous faire part de mon soutien envers le rapport des groupes de travail communautaires intitulé Sécurité du revenu : Feuille de route pour le changement et pour formuler des recommandations visant à faire en sorte que le plan final relatif à la sécurité du revenu du ministère reflète à la fois le Code des droits de la personne de l’Ontario (Code) et les engagements envers les droits sociaux et économiques pris par le Canada au niveau international.

Dans le plan stratégique 2017-2022 de la CODP, nous nous sommes engagés à utiliser notre mandat et nos pouvoirs pour assurer l’avancement des droits de la personne en démontrant clairement comment la discrimination systémique cause et entretient la pauvreté et, plus particulièrement, pour « [f]aire en sorte que les droits de la personne soient pris en compte dans les stratégies gouvernementales et communautaires de lutte contre la pauvreté, l’itinérance et la faim ».

Notre plan stratégique reflète le fait qu’un taux disproportionné de personnes s’identifiant à des motifs du Code sont mal logées ou itinérantes, ou vivent dans la pauvreté en Ontario. Souvent, les personnes pauvres sont visées par plusieurs motifs du Code qui s’entrecroisent et engendrent des formes de discrimination uniques et aggravées. Le gouvernement de l’Ontario a reconnu le lien qui existe entre la pauvreté et l’appartenance à un groupe protégé par le Code à l’alinéa 2(2)3) de la Loi de 2009 sur la réduction de la pauvreté, L.O. 2009, chap. 10. Cet alinéa reconnaît que  « [t]ous les groupes sociaux ne courent pas le même risque face à la pauvreté » et que « [l]a stratégie de réduction de la pauvreté doit reconnaître le risque accru couru par des groupes tels que les immigrants, les femmes, les mères célibataires, les personnes handicapées, les peuples autochtones et les groupes victimes de racisme ».

Si elle est adoptée, la feuille de route aura le potentiel d’améliorer de façon considérable la vie des personnes visées par les motifs du Code et vivant dans la pauvreté. La feuille de route explore de façon habile la pauvreté disproportionnée dont font l’objet certains groupes, particulièrement les personnes handicapées et les personnes autochtones et racialisées, émet des observations importantes et formule des recommandations traitant des façons complexes que la discrimination et les obstacles systémiques peuvent créer, entretenir et accroître la pauvreté.

Nous sommes heureux que la feuille de route comprenne une « optique d’équité axée sur les droits de la personne » et soit globalement compatible avec les principes mis de l’avant dans le Code, et (ou) les recommandations des Nations Unies relatives aux stratégies de réduction de la pauvreté. En particulier, la feuille de route : 

  • met de l’avant des principes clés, dont la justice et l’équité, le respect et la dignité, l’accès, la réconciliation, l’adéquation, et l’inclusion sociale et économique
  • détermine qui vit dans la pauvreté, et comment mesurer la pauvreté de façon appropriée y compris :
    • certains groupes clés touchés de façon disproportionnée par la pauvreté
    • l’importance de mesurer la pauvreté et d’établir des cibles de revenu non seulement basées sur des marqueurs de revenu relatif, mais aussi sur le coût de la vie réel, afin de respecter le principe d’adéquation
  • établit des cibles et des mesures de référence, et accorde la priorité au fait de combler immédiatement les besoins des personnes les plus pauvres
  • propose des façons d’assurer la participation des personnes vivant dans la pauvreté aux processus et programmes gouvernementaux ayant pour but de leur procurer de l’assistance
  • décrit les mécanismes de surveillance, de responsabilisation et de déclaration.

Les recommandations de la feuille de route abordent également, à juste titre, l’accès à la justice, l’alimentation adéquate, la santé et la vie privée.

Bien que la CODP appuie largement l’approche adoptée dans la feuille de route, nous recommandons de veiller à ce que le plan final relatif à la sécurité du revenu aborde certaines lacunes sur le plan de la protection des droits de la personne et des groupes touchés de façon disproportionnée par la pauvreté.

 

  1. Reconnaître que la pauvreté constitue une question de droits de la personne, et plus particulièrement de droit à un niveau de vie suffisant

Depuis l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme en 1948, le droit à un niveau de vie suffisant, notamment pour l’alimentation, l’habillement et le logement, est reconnu comme un droit de la personne fondamental. En 1976, au moment de ratifier le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC), le Canada s’est engagé à reconnaître les droits inscrits au pacte et à prendre des mesures appropriées pour les garantir, au maximum de ses ressources, y compris en adoptant des mesures législatives (Articles 2 et 11).

La feuille de route fait à répétition référence aux « besoins » et (ou) à l’ « inclusion », sur le plan économique et social. Il s’agit en effet de sujets qu’il est important d’aborder. Cependant, jumelé aux engagements pris en matière de lutte contre la discrimination, le droit reconnu internationalement à un niveau de vie adéquat sous-tend les obligations de la province en matière de besoin et d’inclusion. Pour honorer en Ontario les engagements pris par le Canada, le plan final du ministère devrait reconnaître les droits économiques et sociaux, ainsi que le droit à un niveau de vie adéquat.

 

  1. Faire explicitement référence à la fois au Code des droits de la personne et au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC)

Il est essentiel que le plan final du ministère reconnaisse le rôle que jouent les droits de la personne dans le contexte de la pauvreté et de la sécurité du revenu. Cela inclut les propres lois de l’Ontario relatives aux droits de la personne et le PIDESC, l’instrument international qui fixe les obligations des gouvernements en matière de droits économiques et sociaux, et de niveau de vie adéquat. Les principes directeurs de la feuille de route citent à juste titre les instruments internationaux relatifs aux droits des personnes autochtones et racialisées, des personnes handicapées et des enfants. Cependant, le plan final du ministère devrait aussi faire référence au Code et au PIDESC, étant donné que ces deux instruments sous-tendent toute approche de réforme de la sécurité du revenu fondée sur les droits de la personne.

 

  1. Aborder les besoins et expérience d’autres groupes visés par le Code et touchés de façon disproportionnée par la pauvreté, plus particulièrement les femmes, les jeunes membres de la communauté LGBT et les Ontariennes et Ontariens trans.

La feuille de route aborde de façon suffisamment rigoureuse différents groupes touchés par les motifs du Code et vivant de façon disproportionnée dans la pauvreté, comme les personnes autochtones et racialisées, les personnes handicapées, les enfants et les adultes célibataires. Or, le plan final bénéficierait aussi d’une analyse sexospécifique et d’une discussion des effets particuliers de la pauvreté sur les femmes.

De façon similaire, bien qu’aucune donnée de recensement n’ait été recueillie par le passé sur les personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles et trans, il importe de veiller à ce que cette omission ne soit pas reproduite dans le plan final du ministère. Des recherches fiables indiquent que les jeunes membres des communautés LGBT affichent des taux élevés d’itinérance et que malgré leurs niveaux élevés de scolarité, les personnes trans affichent un taux disproportionné de pauvreté. Pour arriver à combler les besoins de ces personnes, le plan final du ministère doit traiter de la pauvreté et de la discrimination aiguës auxquelles elles se heurtent. 

Nous espérons avoir l’occasion de voir un plan final relatif à la sécurité du revenu qui tient compte de nos recommandations et réalise son plein potentiel en matière de réduction de la pauvreté en Ontario.  Cette lettre pourrait être rendue publique conformément à notre mandat, qui consiste à faire rapport de l’état des droits de la personne en Ontario, et dans l’intérêt de la transparence et de la reddition de comptes.

Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, nos salutations distinguées. La commissaire en chef de la Commission ontarienne des droits de la personne,

Renu Mandhane, B.A., J.D., LL.M.

c.c. :    L’honorable Peter Milczyn, ministre responsable de la Stratégie de réduction de la pauvreté et ministre du Logement

L’hon. Yasir Naqvi, procureur général

Commissaires de la CODP