Skip to main content

Le Bureau d’assurance du Canada (BAC) affirme qu’il représente 90 pour cent de l’industrie de l’assurance-automobile en Ontario. Le Bureau offre un service d’information aux consommateurs. Son mandat consiste à coordonner les études de l’industrie et à présenter les recommandations lors de consultations comme celles organisées par la Commission.

La Commission a reçu un mémoire conjoint du BAC et de l’Association des assureurs canadiens. Elle a rencontré des représentantes et des représentants du BAC et de plusieurs organismes membres, en février 2000, pour discuter des questions soulevées dans le mémoire adressé par le Bureau en réponse à la publication du document de discussion de la Commission.

La Commission a également reçu d’autres mémoires et commentaires concernant l’assurance.

ÉVALUATION DES RISQUES DE FAÇON RAISONNABLE ET DE BONNE FOI

Les primes d’assurance-automobile sont en général fixées prospectivement. Ceci signifie que certains conducteurs sont pénalisés car, en tant que groupe, classé selon de nombreuses variables mais surtout en fonction de l’âge, du sexe et de l’état matrimonial, ils sont statistiquement parlant plus enclins à des accidents.

Par ailleurs, les représentantes et les représentants de l’industrie expliquent qu’on se sert du dossier des accidents au volant d’un particulier pour peaufiner et individualiser dans la mesure du possible le taux des primes au sein du groupe général. Cependant, le problème est que le taux de fréquence des accidents avec responsabilité n’est pas assez élevé pour utiliser le dossier de conduite individuel comme outil décisif de classification des risques. On ne dispose donc que de variables qui permettent de classer les particuliers non pas en fonction de critères ayant un lien de causalité avec l’objectif du produit d’assurance, mais plutôt selon des caractéristiques personnelles fondées sur des motifs interdits en vertu de la loi sur les droits de la personne, établissant une corrélation étroite avec le risque d’accident.

Les représentantes et représentants de l’industrie prétendent que le recours à ces critères est raisonnable et de bonne foi et que l’élimination de toute variable, qu’il s’agisse du sexe, de l’âge ou de l’état matrimonial sans proposer de solution de rechange appropriée, nuira à la prestation viable de l’assurance-automobile.

L’industrie estime qu’elle a fait preuve de diligence en matière d’utilisation de pratiques commerciales saines et raisonnables et de collecte de données sur l’âge, le sexe, l’état matrimonial et d’autres variables, tout en essayant de tenir compte des modifications des règlements gouvernementaux et en veillant à assurer la disponibilité de produits d’assurance-automobile abordables offerts aux consommateurs.

Facteur primordial, le BAC estime que la décision de 1992 de la Cour suprême dans Zurich[6] confirme clairement la défense dans le Code des droits de la personne de l’Ontario du recours par l’industrie à l’âge, au sexe et à l’état matrimonial en tant que pratique commerciale raisonnable et de bonne foi aux fins de l’établissement de primes proportionnelles au risque.[7] Le BAC remarque que, par ailleurs, l’industrie n’est pas réfractaire à l’utilisation de nouvelles méthodes et données d’évaluation. Bien que la décision de 1992 dans Zurich soit révélatrice (elle a encouragé l’industrie à trouver d’autres options), les recherches entreprises jusqu’à présent semblent, selon le BAC, révéler qu’il n’existe pas de meilleure option.

À LA RECHERCHE DE SOLUTIONS DE RECHANGE

L’industrie de l’assurance au Canada a essayé d’utiliser d'autres variables de classification des risques.

À la fin des années 1980, l’ancien Ontario Auto Insurance Board s’est vu confier la responsabilité par le gouvernement de concevoir un plan de classification des taux d’assurance-automobile qui n’aurait pas recours à l’âge, au sexe ou à l’état matrimonial. La Commission des services financiers de l’Ontario mentionne que le gouvernement de l’époque a refusé de mettre en œuvre le plan de politique publique pour un certain nombre de raisons. Sans ces variables, il y aurait « dislocation » des taux. Les consommateurs devraient payer des coûts supérieurs. L’industrie devrait absorber le coût de la recherche et de la mise en œuvre d’un système révisé. Enfin, ces changements nécessiteraient d’importantes ressources en matière de technologie de l’information.

Le Yukon a essayé d’éliminer l’âge, le sexe et l’état matrimonial dans le cadre de l’établissement des taux; cependant, il a abandonné ses tentatives.

Un représentant d’une grosse compagnie d’assurance a indiqué que sa compagnie avait également tenté de ne pas utiliser ces variables. Les résultats ont démontré que la réduction minime des primes imposées aux jeunes hommes célibataires serait compensée par une augmentation drastique de celles des hommes mariés plus âgés, de l’ordre d’environ 60 %. Cet effet de « dislocation » entraînerait une augmentation des coûts qui ne serait pas proportionnelle au risque couru par certains groupes.

Deux compétences ont décidé de ne pas utiliser l’âge, le sexe ou l’état matrimonial pour fixer les taux des primes d’assurance-automobile. Il s’agit de la Colombie-Britannique et du Massachusetts. Toutes les deux sont considérées par l’industrie de l’assurance comme de piètres exemples d’une politique publique qui oblige les bons conducteurs à subventionner de façon considérable et disproportionnée les mauvais conducteurs.

Depuis 1974, tous les propriétaires de véhicule en Colombie-Britannique doivent souscrire une police d’assurance-automobile de base de l’Insurance Corporation of British Columbia (ICBC). Cette protection de base de l’ICBC permet de s’assurer que chaque automobiliste de la province a souscrit un montant minimum d’assurance-responsabilité et qu’il détient une police d’assurance en cas d’accident automobile entraînant une blessure ou la mort.

L’ICBC n’utilise pas l’âge, le sexe ou l’état matrimonial pour évaluer le risque ou calculer les primes. Il utilise plutôt les facteurs suivants : demande de règlement moyenne, antécédents de réparations, taille du moteur et caractéristiques de sécurité de chaque modèle de véhicule. L’ICBC tient également compte du mode d’utilisation du véhicule et du terrain. Il utilise surtout une échelle cotée des demandes de règlement : tous les conducteurs commencent au taux de base et des escomptes sont accordés aux conducteurs qui ne sont pas responsables d’accidents automobiles. Selon cette échelle, le coût des primes d’assurance des conducteurs qui causent des accidents et qui soumettent des demandes de règlement avec responsabilité augmente.

En tant que société publique, l’ICBC ne refuse personne et ne peut donc pas choisir le risque. Le secteur privé peut faire concurrence à l’ICBC et offrir aux consommateurs de meilleures options d’assurance-responsabilité et de garantie collision; cependant, il adresse les mauvais conducteurs à l’ICBC.

Le BAC remarque que le système de la Colombie-Britannique représente un monopole du gouvernement en vertu duquel les bons conducteurs finissent par subventionner les mauvais conducteurs, les jeunes hommes payant des primes inférieures. Il remarque en outre que l’ICBC ne partage qu’à contrecœur ses données avec ses concurrents du secteur privé. Le BAC mentionne qu’il a essayé récemment de mesurer les variables de la C.-B. Il a conclu que certaines de ces variables ne pourraient pas être utilisées au sein d’un marché concurrentiel.

Le BAC prétend aussi que le plan de classification non discriminatoire du Massachusetts a entraîné une dislocation considérable et des problèmes de disponibilité des produits d’assurance pour un important marché résiduel composé de groupes de conducteurs payant des primes plus élevées. Quoiqu’il en soit, les régimes d’assurance pour les bons conducteurs utilisés en C.-B. et au Massachusetts le sont également dans d’autres compétences au Canada, et font partie de la combinaison de méthodes d’établissement du taux des primes.

La Tarification automobile selon la sinistralité canadienne (CLEARS), introduite par l’ancienne Commission des assurances de l’Ontario en 1994, est une autre variable permettant de classer les risques. Pratiquement toutes les compagnies d’assurance utilisent ce système pour évaluer les antécédents en matière de perte des véhicules par modèle et fabricant afin d’établir les risques et le taux des primes.

D’autres variables comme le nombre d’années de conduite ou la distance parcourue annuellement ont également été proposées comme alternative pour remplacer l’âge. Cependant, les données actuarielles recueillies jusqu’à présent ne semblent pas prouver que la distance parcourue annuellement représente un indicateur de risque utile. Les conducteurs tombent plus ou moins dans deux catégories : ceux qui conduisent beaucoup et ceux qui conduisent peu. Deux catégories ne permettent pas vraiment de diviser la population aux fins de la classification des risques. Bien que certains intervenants recueillent des données sur la distance annuelle parcourue, la plupart des régions du Canada ne font pas de différence basée sur ce facteur.

EXIGENCES EN MATIÈRE DE DONNÉES

Le BAC a de nouveau insisté sur le fait que l’industrie continue de s’intéresser à d’autres méthodes d’évaluation. Cependant, cette tâche ne s’est pas avérée facile, car l’industrie de l’assurance a été très volatile au cours des 15 dernières années, le gouvernement ayant imposé quatre séries de changements législatifs. Le BAC a mentionné qu’il fallait au marché quatre années pour pouvoir s’adapter à des changements majeurs avant de pouvoir obtenir des statistiques fiables. Il faut entre trois et cinq ans pour pouvoir obtenir des statistiques mesurables pour toute nouvelle variable d’évaluation.

Toutes les compagnies d’assurances doivent recueillir et soumettre des données, par exemple des données sur les dossiers d’accidents, au Centre d’information en assurances du Canada. Bien que les plans d’évaluation des assureurs puissent varier, les données remises au Centre doivent être uniformes. La Commission des services financiers de l’Ontario établit le plan de données pour l’Ontario et approuve les nouvelles variables et les systèmes d’évaluation. C’est en 1985 que l’on a ajouté pour la dernière fois de nouvelles variables.

Certaines données transmises au Centre sont « épurées », par exemple la catégorie de véhicule, compte tenu des rapports inexacts ou inefficaces remis par les compagnies. D’autres variables, comme la distance annuelle parcourue, même si elle pouvait éventuellement remplacer les critères comme l’âge, le sexe et l’état matrimonial, ne font pas partie du plan de données et ne sont donc pas codées.

La Commission des services financiers de l’Ontario ne permet pas à l’industrie d’utiliser d’autres variables comme le revenu, les antécédents de crédit et le statut de résidence, en raison d’une iniquité éventuelle ou d’infraction aux droits de la personne. Selon le BAC, ceci empêche l’industrie de concevoir d’autres variables d’évaluation des risques.

ÉTUDE DES CRITÈRES D’ÉVALUATION DES TAUX DE L’ASSURANCE-AUTOMOBILE DU BAC (1995)

Le BAC indique qu’avant et après la décision de 1992 dans Zurich, l’industrie de l’assurance recueillait constamment des données sur les autres variables liées aux conducteurs et aux risques. En 1995, le BAC a effectué une étude dans plusieurs territoires canadiens, en se fondant sur les données disponibles entre 1991 et 1993.[8] Cette étude portait sur l’efficacité de neuf autres variables en matière d’évaluation des risques :

  • Nombre d’années écoulées depuis l’obtention du permis, conducteur principal
  • Sexe, conducteur principal
  • Utilisation du véhicule (p.ex., usage personnel ou affaires)
  • Nombre d’années sans demande de règlement
  • Nombre d’années écoulées depuis l’obtention du permis, autres conducteurs
  • Plage d’âge, conducteur principal
  • Cours de conduite, conducteur principal
  • Nombre de demandes de règlement au cours des 6 dernières années
  • Nombre de conducteurs.

L’étude a conclu que bien que ces critères permettent d’améliorer l’évaluation des risques, ils ne constituent pas des critères de remplacement parfaits pour l’âge et le sexe, ces derniers permettant de déterminer le risque d’accident (bien qu’il n’existe pas de lien de « causalité »). Par ailleurs, l’élimination de l’âge et du sexe en tant que critères perturberait la tarification actuelle et entraînerait une « dislocation » considérable; en effet, le fait de subventionner les jeunes conducteurs du sexe masculin en dessous du seuil de risque réel se ferait au détriment des conductrices plus âgées. Selon le BAC, ceci serait fondamentalement inéquitable et enfreindrait les directives données par les tribunaux dans Zurich, consistant à bien refléter les risques divers s’appliquant à différentes catégories de conducteurs.

INNOVATION ET PROGRÈS

Les représentantes et représentants de l’industrie ont indiqué que l’innovation en matière de classification des risques se produit par le biais d’un marché concurrentiel. Les compagnies ont donc une raison de trouver des données de mesure exacte du risque. En outre, la compétition permet d’assurer aux consommateurs des taux inférieurs. Par ailleurs, on admet que la classification des risques et l’innovation constituent une dépense pour les compagnies.

L’industrie explique qu’il n'existe pas de brevet sur les variables d’évaluation et que la plupart des compagnies utilisent des variables similaires comme l’âge, le sexe et l'état matrimonial. Les compagnies doivent faire les recherches et produire les données elles-mêmes. Toute autre compagnie peut imiter l’utilisation des variables. Cependant, l’industrie reconnaît qu’il existe des variations profondes entre les compagnies quant à l’utilisation de ces variables. Une des pratiques uniformes adoptée par l’ensemble de l’industrie est la différence de taux à l’âge de 25 ans.

À moins qu’un changement de politique sociale gouvernementale ne soit imposé comme en Colombie-Britannique ou au Massachusetts, l’industrie conclut que pour assurer la disponibilité de données viables et abordables sur les produits d’assurance-automobile au sein d’un marché compétitif dans le secteur privé, il faudra continuer à utiliser l’âge, le sexe et l’état matrimonial comme critères.

Comme nous l’avons mentionné auparavant, quelques années doivent s’écouler après toute modification du système avant de pouvoir évaluer des données fiables et valables. Le dernier changement majeur s’est produit lors de l’entrée en vigueur, le 1er novembre 1996, de la Loi de 1996 sur la stabilité des taux d’assurance-automobile.[9] Les données de 1998 viennent tout juste d’être publiées. Le BAC a l’intention de mettre à jour l’étude de 1995 sur les autres variables de risque.

En outre, le ministère des Transports a effectué une étude en 1997 sur les données sur les accidents entre 1993 et 1995, en vertu du système de délivrance progressive du permis de conduire introduit au début des années 1990. Selon l’étude, ce système a entraîné une diminution du nombre d’accidents. Le ministère a l’intention de publier une mise à jour sur l’étude au cours des prochains mois. Le BAC tiendra compte au cours de la mise à jour de son étude de 1995 des données sur l’incidence positive du système de délivrance progressive du permis de conduire sur les accidents de la route; il en ira de même de l’utilisation future des variables de classification des risques. L’industrie constate cependant que la fréquence des accidents, compte tenu de l’âge, est toujours plus élevée dans le cas des jeunes conducteurs, même en vertu du nouveau système de délivrance graduelle du permis de conduire.

Le BAC conclut que les variables utilisées à l’heure actuelle sont celles qui permettent le mieux dévaluer les risques. Par ailleurs, l’industrie estime qu’elle a joué un rôle de chef de file par le passé, en essayant de trouver d’autres variables de classification des risques; elle est disposée à répéter les études qu’elles a effectuées dans ce domaine.


[6] Zurich Compagnie d’Assurances c. Ontario (Comm. des droits de la personne) (1992), 16 C.H.R.R. D/255 (S.C.C.)
[7] Une décision de 1993 de la Cour d’appel de l’Alberta concernant un cas similaire s’est alignée sur la décision de la Cour suprême dans Zurich (Compagnie d’Assurance Générale Co-operators c. Alberta (Commission des droits de la personne) (Alta. C.A.) [1993] A.J. No. 828, DRS 95-02920, Appel no 9103-0466-AC)
[8] Les données de l'étude de 1995 provenaient du Centre d’information en assurances du Canada.
[9] La Loi de 1996 sur la stabilité des taux d’assurance-automobile exige que les assureurs offrent des rabais aux « retraités »; elle rétablit le droit d’entamer des poursuites au titre de la perte économique tout en préservant l’indemnisation de base en cas d’accident sans égard à la responsabilité; elle offre des outils permettant de contrôler les fraudes et la surcompensation; et elle prévoit d’accorder une réduction de taux aux conducteurs dont le dossier est excellent et qui n’ont pas soumis de demande de réglement.