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Éditorial d'opinion sur TVO.org : « Rester chez soi » pendant la crise de la COVID-19 est impossible si l’on n’a pas de chez soi

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Novembre 3, 2020

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« “Rester chez soi” pendant la crise de la COVID-19 est impossible si l’on n’a pas de chez soi » est un article d’opinion de la commissaire en chef, Ena Chadha, qui a paru en ligne sur TVO.org le 2 novembre 2020.

« Rester chez soi » pendant la crise de la COVID-19 est impossible si l’on n’a pas de chez soi

S’il y a une chose que la COVID-19 nous a apprise, c’est que le logement est bien plus qu’un espace physique : il jette les bases de la sûreté, de la sécurité et de la dignité.

L’accès à un logement sans discrimination est depuis longtemps un droit de la personne protégé par la législation ontarienne. Cette protection a été reconnue pour la première fois il y a plus d’un demi-siècle dans Khoun v. Rosedale Manor (1963), l’une des premières affaires plaidées par la Commission ontarienne des droits de la personne, qui portait sur le refus d’un locateur de louer un logement à un étudiant indonésien en raison de sa race. Les parties intimées ont finalement accepté un règlement exhaustif, posant les jalons d’une nouvelle approche de règlement des différends dans les affaires de violation des droits de la personne.

Bien des décennies plus tard, en pleine pandémie, l’une des meilleures défenses contre le virus mortel est de rester chez soi. Nous savons que « le logement est un droit de la personne » et qu’il est vital de rester chez soi autant que possible pour limiter la propagation de la maladie, mais est cette injonction est bien difficile voire pratiquement impossible à respecter pour les milliers d’Ontariennes et d’Ontariens qui sont sans abri ou qui risquent l’expulsion. En effet, comment rester chez soi quand on n’a pas de domicile ou qu’on en est expulsé?

Au début de la crise de la COVID-19, le gouvernement de l’Ontario a instauré une interdiction des expulsions – signe qu’il a compris que la pandémie a (et continue d’avoir) des effets préjudiciables sur les personnes ayant un logement, une santé et/ou une situation d’emploi précaires. Avant l’éclosion de la pandémie, l’obtention d’un logement sûr, accessible et abordable était déjà une préoccupation importante pour les personnes handicapées, les aînés, les Autochtones, les communautés noires, les personnes à faible revenu et d’autres groupes marginalisés en Ontario. En raison de la pandémie, certains ont de plus en plus de mal à trouver un logement convenable, tandis que d’autres sont contraints de vivre dans la rue.

Une étude récente du Wellesley Institute, un organisme de recherche stratégique œuvrant à l’amélioration de l’équité en matière de santé, révèle que les taux d’expulsion sont disproportionnellement plus élevés et en hausse dans les quartiers noirs. D’après le rapport de l’institut, les quartiers à faible revenu comptant une majorité de résidents noirs sont parmi les plus touchés par la COVID-19. À Toronto, alors qu’ils sont moins de 9 p. 100 dans la population totale, les Noirs représentent 23 p. 100 des cas de COVID-19. Le rapport souligne en outre le fait que les Noirs connaissent les pires taux d’expulsion, une donnée inquiétante montrant que les préjugés raciaux sont systémiques dans ce domaine.

Suite à la levée du moratoire dans la province, les locataires peuvent à nouveau être expulsés dans le cadre des procédures de la Commission de la location immobilière. Les cliniques juridiques qui représentent les locataires dans ces procédures recensent d’importants obstacles à la participation, car les audiences du tribunal se tiennent désormais en ligne à cause de la COVID-19. Dans les observations présentées au tribunal, les cliniques juridiques notent que la justice est refusée aux locataires à faible revenu qui ne peuvent pas participer aux audiences numériques car ils ne disposent pas de la technologie nécessaire ou d’un accès fiable à Internet, en raison de la pauvreté, d’un handicap ou de l’éloignement.

Le plus troublant est que le tribunal mène désormais ses activités en ligne sans offrir de médiation ni faciliter les discussions entre locateurs et locataires en vue d’un règlement – alors que la majorité des affaires concernent des expulsions. Comme l’a montré la première affaire de violation des droits de la personne en matière de logement, en 1963, la médiation donne l’occasion aux parties d’élaborer des solutions pour servir leurs intérêts communs. Face à cette deuxième vague de la pandémie, il est extrêmement problématique que le tribunal ne puisse pas coordonner la prise de dispositions rapides afin d’offrir aux parties une médiation pour régler les différends relatifs aux expulsions.

Le fardeau de la COVID-19 étant plus lourd pour les populations vulnérables, nous savons que les conséquences personnelles du risque d’itinérance peuvent largement dépasser celles d’un défaut de paiement du loyer; il s’agit en effet d’une question de vie ou de mort. Si le logement est effectivement un droit de la personne, comment le traduire dans les faits? Comment garantir ce droit et éviter aux populations marginalisées d’en être encore plus dépossédées en devant vivre dans la rue, où le risque de contracter la COVID-19 atteint des niveaux alarmants?

Le Wellesley Institute a constaté que le logement subventionné est corrélé à des taux d’expulsion plus faibles. En l’absence de logement subventionné, ces taux sont deux fois plus élevés. L’élargissement des options de logement subventionné n’est que la partie visible de l’iceberg : une myriade de facteurs systémiques doit être prise en compte. Avant toute chose, il convient d’adopter une approche du logement fondée sur les droits en Ontario.

Si nous parvenons à reconnaître qu’un logement sûr, accessible et abordable est un impératif sur le plan de l’équité plutôt qu’une simple question financière, nous pourrons commencer à protéger les personnes les plus vulnérables face au risque d’expulsion injustifiée et face à cette pandémie.