Language selector

Social Media Links FR


Facebook CODP Twitter CODP Instagram logo Link to OHRC Instagram page

Mémoire de la Commission ontarienne des droits de la personne au sujet du projet de règlement sur la formation en vertu de la Loi de 2019 sur la sécurité communautaire et les services policiers.

Page controls

Septembre 25, 2023

Page content

 

Commission ontarienne des droits de la personne (CODP)

La CODP est un organisme indépendant de défense des droits de la personne établi en vertu du Code des droits de la personne de l’Ontario (le « Code »). Elle est chargée de promouvoir et de faire progresser les droits de la personne et de lutter contre la discrimination systémique en Ontario. Dans le cadre de ce mandat, la CODP peut fournir des conseils en matière de droits de la personne sur les politiques et les programmes du gouvernement. Dans l’exécution de son mandat, la CODP peut adopter des positions qui remettent en question ou critiquent publiquement les politiques et les pratiques du gouvernement.

La lutte contre la discrimination dans les services policiers constitue une part importante du travail de la CODP depuis plus de 20 ans. La CODP a créé des ressources pour aider les services policiers à repérer, surveiller et réduire la discrimination : le rapport de 2003 Un prix trop élevé de la CODP sur les effets du profilage racial; Pris à partie, son rapport de recherche et de consultation de 2017 sur le profilage racial, et en 2019, sa Politique sur l’élimination du profilage racial en contexte de maintien de l’ordre.[1] La CODP a présenté de nombreuses observations au gouvernement et à des examinateurs indépendants sur la manière de lutter contre la discrimination systémique dans les services policiers[2] et le Cadre pour un changement destiné à lutter contre le racisme systémique dans les services policiers de la CODP définit dix étapes essentielles pour lutter contre les pratiques discriminatoires des services policiers dans toute la province.

La CODP mène actuellement une enquête sur le racisme envers les Noirs de la police de Toronto et a signé un protocole d’entente avec la police régionale de Peel et la commission des services policiers de Peel pour lutter contre le racisme et la discrimination systémiques dans les services policiers.

 

Vue d’ensemble

Les efforts visant à lutter contre la discrimination systémique dans les services policiers doivent être appuyés par une formation efficace.  L’article 83 de la LSCSP stipule que nul ne peut être nommé agent à moins d’avoir suivi une formation sur les droits de la personne et le racisme systémique. La formation des agents doit également promouvoir le respect du caractère multiracial et multiculturel diversifié de la société ontarienne et des droits des Premières Nations, des Inuits et des Métis.  De plus, la déclaration de principes figurant à l’article 1 de la LSCSP reconnaît l’importance de protéger les droits garantis par la Charte des droits et libertés et le Code, et de faire preuve de sensibilité à l’égard du caractère pluraliste, multiracial et multiculturel de la société ontarienne.

Pour que ces dispositions aient l’effet escompté, le règlement proposé doit orienter la formation policière de manière à traiter des formes particulières de discrimination, à inclure une surveillance régulière, à intégrer les perspectives communautaires et à intégrer la justice procédurale.

 

Recommandations

a. La formation doit répondre à des formes précises de discrimination et de profilage racial.

La CODP accueille favorablement l’article 83 de la LSCSP, qui exige que les agents reçoivent une formation sur le racisme systémique et les droits de la personne.[3] Cet article offre la possibilité de s’attaquer à des formes précises de discrimination systémique dans les services policiers, notamment le racisme envers les Noirs, le racisme envers les Autochtones et les obstacles auxquels font face les personnes victimes de violence sexiste. La CODP estime que le règlement devrait inclure expressément ces questions et exiger que les services policiers surveillent les efforts déployés pour lutter contre ces formes de discrimination. 

Il y a un besoin pressant de formation pour répondre à ces préoccupations.  Par exemple, un rapport de 2021 du Comité permanent de la sécurité publique et nationale traitait des services de police et de la violence sexiste. Le rapport a révélé que les femmes autochtones qui ont subi des traumatismes historiques sont stigmatisées dans le système de justice comme étant des victimes moins crédibles[4].  Le rapport a également conclu que « […] les traitements abusifs et racistes infligés par les policiers ont, dans certains cas, fait en sorte que les femmes autochtones ne se sentent pas en sécurité lorsqu’elles signalent leur propre victimisation à ces organismes »[5]. En réponse à ces questions, le rapport recommande une formation qui « comprend une désescalade accrue, les préjugés implicites, la violence sexiste, la sensibilisation culturelle et l’histoire du colonialisme et de l’esclavage au Canada »[6].

Une approche intersectionnelle doit être utilisée pour régler ces problèmes systémiques. Par conséquent, le règlement devrait exiger une formation sur la façon dont les formes croisées de discrimination peuvent façonner la relation d’une communauté avec la police. L’intersection de la race et de la santé mentale a été une préoccupation particulière pour les communautés racisées de l’Ontario.  Par exemple, les recherches menées dans le cadre de l’enquête de la CODP sur le racisme envers les Noirs au sein des services policiers de Toronto ont révélé que les personnes noires en situation de crise sont surreprésentées dans les données relatives à l’usage de la force par la police[7].  La formation des policiers doit viser à éliminer les préjugés, les normes ou les pratiques qui sous-tendent cette surreprésentation.

  1. Profilage racial

Le règlement proposé devrait également imposer une formation sur le profilage racial.  Le profilage racial peut avoir de profondes répercussions sur la confiance des communautés racisées envers les services policiers.  Le rapport de la CODP, intitulé Pris à partie : Rapport de recherche et de consultation sur le profilage racial en Ontario[8] a révélé que « L’étendue des incidents de profilage racial, jumelée au volume croissant de décisions jurisprudentielles et de recherches des milieux des sciences sociales et du droit, atteste non seulement de l’existence du profilage racial, mais également de la source de préoccupation qu’il représente pour un grand nombre d’Ontariennes et d’Ontariens… »

Dans l’affaire Nassiah c. la Commission des services de la municipalité régionale de Peel, le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario a déclaré : « si les agents ne sont pas adéquatement formés sur ce qui peut constituer un profilage ou une enquête raciste, ils peuvent consciemment ou inconsciemment se livrer à cette forme de comportement discriminatoire »[9].

Une formation portant explicitement sur le profilage racial aidera les services policiers à cerner les normes ou les pratiques organisationnelles susceptibles de perpétuer cette pratique et à déraciner les stéréotypes sur les groupes racisés qui sont ancrés dans la culture d’une organisation policière[10].

 

b. La formation doit faire l’objet d’une surveillance et d’une évaluation.

La surveillance et l’évaluation de la formation sont des pratiques exemplaires qui devraient se refléter dans le projet de règlement. 

Les cours de formation devraient être évalués pour déterminer s’ils contribuent à l’atteinte des objectifs de la loi. Par exemple, les services policiers devraient mettre en œuvre des mesures pour déterminer si la formation obligatoire sur les droits de la personne et le racisme systémique[11] améliore objectivement les résultats dans ces domaines. 

De plus, les agents devraient être évalués en fonction de leur compréhension des concepts de formation. La politique de la CODP en matière de profilage racial stipule que la formation des agents devrait être évaluée de façon continue et que les agents doivent démontrer que les leçons ont été assimilées en réussissant la formation[12]. 

La politique de la CODP en matière de profilage racial et son travail dans les services de police ont déterminé que la surveillance et l’évaluation sont essentielles à un changement organisationnel efficace. Par exemple, l’évaluation indépendante de la charte de projet, une entente conclue entre la CODP, le Service de police de Toronto et la Commission des services policiers de Toronto, a conclu que : « la mise en œuvre d’outils et de stratégies d’évaluation permettrait de réaliser des évaluations plus exhaustives de l’efficacité des procédures liées aux droits de la personne »[13].   

Les systèmes d’évaluation peuvent également aider les services policiers à répondre au scepticisme[14] quant à la mesure dans laquelle la formation peut traiter la discrimination systémique.

  1. Méthodes d’évaluation

La collecte de données devrait être une caractéristique d’un système de surveillance efficace. La position de la CODP sur l’importance de la collecte de données pour la formation de la police est, en partie, fondée sur les recommandations du rapport de l’honorable Frank Iacobucci, Police Encounters with People in Crisis. Afin d’améliorer les résultats auprès des personnes en situation de crise lors des rencontres avec les services policiers de Toronto, ce rapport recommandait la mise en place de systèmes de collecte de données pour analyser l’efficacité de la formation[15]. De plus, les données raciales recueillies par les services policiers en vertu de la Loi contre le racisme devraient être utilisées pour cerner les lacunes potentielles en matière de formation, ou faire partie des indicateurs utilisés pour évaluer l’efficacité des programmes de formation.  Ces approches devraient être reflétées dans le règlement proposé. 

D’autres méthodes d’évaluation devraient figurer dans le projet de règlement, notamment une surveillance indépendante et publique de la formation policière[16]. Les rapports publics favoriseront la mobilisation et la coopération de la communauté, des objectifs qui s’inscrivent dans l’esprit de la LSCSP.

 

c. La formation devrait être élaborée en consultation avec les communautés.

Le projet de règlement devrait exiger que les services policiers mettent sur pied une formation en consultation avec les communautés historiquement défavorisées pour lutter contre la discrimination systémique.  Ce faisant, le règlement favorisera la coopération entre les services policiers et les communautés où la discrimination systémique a contribué à une méfiance manifeste. 

Les inégalités sociales, les préjugés systémiques et les expériences vécues par les communautés racisées, les communautés 2SLGBTQ+ et les communautés autochtones façonnent leurs interactions avec les services policiers. Par conséquent, la formation devrait aider les agents et les employés civils à comprendre ces expériences et à interagir respectueusement avec ces communautés. 

Des programmes de formation conçus conjointement par des experts communautaires et des intervenants peuvent également améliorer l’intervention de la police lors des appels de crise de la communauté[17].

 

​​d. Le modèle de formation devrait mettre l’accent sur le professionnalisme et la justice procédurale.

Pour s’attaquer aux éléments problématiques de la culture policière, la formation devrait passer du modèle paramilitaire actuel à un modèle professionnel fondé sur la justice procédurale. 

La justice procédurale a été décrite comme « un modèle d’intervention policière qui met l’accent sur l’écoute et l’intervention auprès des gens dans la communauté, l’explication des politiques et des pratiques policières dans les interactions avec les civils, et le traitement du public avec dignité, courtoisie et respect »[18]. La justice procédurale dans les services policiers favorise la dignité, le respect, la neutralité et la coopération avec les communautés. [19] Ces principes sont conformes aux valeurs du Code et aux les objectifs de la LSCSP.

Pour relever les défis des services policiers modernes, les agents doivent démontrer leur capacité à évaluer le comportement des civils, à communiquer efficacement leurs décisions et à désamorcer les confrontations potentielles. En ce sens, la formation des policiers devrait être axée sur les compétences qui permettront aux agents d’acquérir des pratiques fondées sur des données probantes pertinentes et adaptées aux communautés qu’ils servent[20]. Cela peut être réalisé, en partie, par la mise en œuvre d’une formation en justice procédurale.

Une étude portant sur la mise en œuvre d’une politique de justice procédurale par le service de police de Chicago a révélé que la formation contribuait à réduire le recours à la force contre les civils, ainsi que les plaintes. L’étude appuie également « [...] la possibilité de changer le style de maintien de l’ordre de commande et de contrôle des services de police, qui a été associé à la méfiance de la population et à l’usage de la force, au moyen d’un vaste programme de formation fondé sur le concept de services de police équitables sur le plan de la procédure »[21].

 

Conclusion

La formation axée sur les droits de la personne est un outil essentiel pour lutter contre la discrimination systémique dans les services policiers. Une formation conçue et élaborée de la manière décrite ci-dessus est nécessaire si les services policiers espèrent respecter les principes énoncés à l’article 1 de la LSCSP. Le règlement sur la formation de la LSCSP devrait être conçu de manière à ce que les services policiers soient en mesure de respecter ces principes.

 

 


 

[1] D’autres ressources sont disponibles :

 

[2] Les soumissions comprennent :

 

[3] Loi sur la sécurité communautaire et les services policiers, 2019, L.O. 2019, chap. 1, art. 83. 

[4] Rapport du Comité permanent de la sécurité publique et nationale, Racisme systémique au sein des services policiers au Canada, 43e législature, 2e session (juin 2021), en ligne : https://www.ourcommons.ca/Content/Committee/432/SECU/Reports/RP11434998/securp06/securp06-f.pdf, p. 47.

[5] ibidem, p. 49, recommandation 18.

[6] ibidem, p. 11, recommandation 34. 

[7] Les recherches menées pour le rapport de la CODP, Un impact collectif, ont révélé que « Les Noirs représentent 8,8 % de la population de Toronto et 16,2 % des cas de recours à la force dans lesquels un problème de santé mentale a été constaté. » Voir : Commission ontarienne des droits de la personne, Un impact collectif : Rapport provisoire relatif à l’enquête sur le profilage racial et la discrimination envers les personnes noires au sein du service de police de Toronto (2018), en ligne : Commission ontarienne des droits de la personne https://www.ohrc.on.ca/fr/enqu%C3%AAte-d%E2%80%99int%C3%A9r%C3%AAt-public-sur-le-profilage-racial-et-la-discrimination-raciale-au-sein-du-service-de/un-impact-collectif-rapport-provisoire-relatif-%C3%A0-lenqu%C3%AAte-sur-le-profilage. La lutte contre le racisme et la violence systémiques qui touchent les femmes autochtones nécessite une approche qui tient compte de la façon dont la discrimination fondée sur la race et le sexe se recoupent. Voir :  Rapport du Comité permanent de la sécurité publique et nationale, Racisme systémique au sein des services policiers au Canada, 43e législature, 2e session (juin 2021), en ligne : https://www.ourcommons.ca/Content/Committee/432/SECU/Reports/RP11434998/securp06/securp06-f.pdf, p. 47. [Rapport du Comité permanent]

[8] Commission ontarienne des droits de la personne, Pris à partie : Rapport de recherche et de consultation sur le profilage racial en Ontario (2017), en ligne : Commission ontarienne des droits de la personne https://www.ohrc.on.ca/fr/pris-%C3%A0-partie-rapport-de-recherche-et-de-consultation-sur-le-profilage-racial-en-ontario.

[9] Nassiah c. la Commission des services de la municipalité régionale de Peel, 2007, Tribunal des droits de la personne de l’Ontario 14 (CanLII) au paragraphe 209.

[10] Commission ontarienne des droits de la personne, Réponse de la CODP au rapport Données sur la race et contrôles routiers à Ottawa (2016), en ligne : https://www.ohrc.on.ca/fr/r%C3%A9ponse-de-la-codp-au-rapport-donn%C3%A9e....

[11] LSCSP, art. 83 (1) (e).

[12] Commission ontarienne des droits de la personne, Politique sur l’élimination du profilage racial en contexte de maintien de l’ordre (2019), en ligne : Commission ontarienne des droits de la personne https://www.ohrc.on.ca/fr/politique-sur-l%E2%80%99%C3%A9limination-du-profilage-racial-en-contexte-de-maintien-de-l%E2%80%99ordre. Art. 6.3.

[13] Diversity Institute at Toronto Metropolitan University (anciennement Ryerson University), « Evaluation of the Human Rights Project Charter » (février 2014), p. 28, en ligne (pdf) : https://www.torontomu.ca/content/dam/diversity/reports/HRPC_Report_WEB_2014.pdf.

[14] Dans son rapport intitulé « Racisme systémique au sein des services policiers au Canada », le Comité permanent de la sécurité publique et nationale a souligné qu’il y avait « […] un certain scepticisme quant à l’efficacité d’une formation policière accrue comme moyen de lutter contre le racisme systémique ».  Voir le Rapport du Comité permanent, p. 47.

[15] Iacobucci, F. (2014). Police Encounters with People in Crisis: An Independent Review Conducted by the Honourable Frank Iacobucci for Chief of Police William Blair, Toronto Police Service. Toronto, Ontario. (2014), en ligne : https://www.ciddd.ca/documents/phasetwo/police_encounters_with_people_in... recommandation 22, p. 19.

[16] Commission ontarienne des droits de la personne, Politique sur l’élimination du profilage racial en contexte de maintien de l’ordre (2019), en ligne : Commission ontarienne des droits de la personne https://www.ohrc.on.ca/fr/politique-sur-l%E2%80%99%C3%A9limination-du-profilage-racial-en-contexte-de-maintien-de-l%E2%80%99ordre.

[17] Lavoie, J., Alvarez, N. & Kandil, Y. Developing Community Co-designed Scenario-Based Training for Police Mental Health Crisis Response: a Relational Policing Approach to De-escalation. J Police Crim Psych 37, 587–601 (2022). https://doi.org/10.1007/s11896-022-09500-2

[18]  George Wood & Tom R. Tyler & Andrew V. Papachristos, 2020. « Procedural justice training reduces police use of force and complaints against officers, » Proceedings of the National Academy of Sciences, Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 117(18), pages 9815-9821, Mai.; President’s Task Force on 21st Century Policing, « Final report of the President’s Task Force on 21st Century Policing » (Office of Community Oriented Policing Services, Washington, DC, 2015).

[19] Dr. Jason Lee, Of Course the Cops Are Racist: Procedural Justice, the Perception of Racial Profiling, and Citizen Satisfaction with Law Enforcement, Criminology Criminal Justice Law and Society, VOLUME 18, ISSUE 2, PAGES 80–92 (2017)

[20] Racisme systémique au sein des services policiers, p. 30.

[21] George Wood & Tom R. Tyler & Andrew V. Papachristos, 2020. « Procedural justice training reduces police use of force and complaints against officers, » Proceedings of the National Academy of Sciences, Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 117(18), pages 9815-9821, Mai.