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9. Obligation d’accommodement

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Aux termes du Code, les employeurs, syndicats, fournisseurs de logements et fournisseurs de services ont une obligation d’accommodement des convictions ou pratiques sincères rattachées à la croyance jusqu’au point de préjudice injustifié, lorsqu’une exigence, une règle ou une norme a un effet préjudiciable sur celles-ci[267].

L’accommodement des besoins a pour but d’aider tout le monde à bénéficier des mêmes possibilités et avantages, et du même accès. Les mesures d’adaptation liées à la croyance permettent aux personnes affiliées à une croyance de participer et de contribuer à part entière et égale dans des domaines comme l’emploi, les services, le logement, les syndicats et les associations professionnelles, là où ces personnes se heurteraient autrement à des obstacles en raison de leur croyance. Les mesures d’adaptation aident à faire en sorte que ces personnes n’aient pas à faire de choix entre la pratique de leur religion ou de leur croyance et celui d’occuper un emploi rémunérateur, ou d’accéder à un logement, à un emploi ou à un service (ou d’en bénéficier) à part égale[268].

L’obligation d’accommodement vient en partie de la reconnaissance du fait que « les façons habituelles de faire les choses » au sein d’organisations et de la société ne sont souvent pas « neutres » et peuvent plutôt par inadvertance créer un désavantage ou un privilège pour certains groupes ou mieux répondre aux besoins de certains groupes par rapport aux autres. Au lieu d’accorder des privilèges ou avantages spéciaux, les mesures d’adaptation aident à « créer un terrain de jeu équitable » en assurant l’inclusion et l’accommodement de toutes les Ontariennes et de tous les Ontariens.

[L]e Code des droits de la personne de l’Ontario a pour objectif de favoriser la création d’une société qui permet le plein épanouissement de la diversité. Il a été conçu en vue de protéger les besoins et intérêts de ceux et celles qui différent lu groupe majoritaire dominant et d’en tenir compte. Bien que le Code n’exige pas qu’une personne ou qu’un groupe assure l’accommodement d’une personne jusqu’au point [où cela créé] de préjudice injustifié, de souffrance grave ou de privation disproportionnée, il envisage l’existence d’inconvénients et d’un certain degré de perturbations et de coûts. Dans la mesure où nous voulons favoriser, dans nos collectivités, la coexistence confortable de ceux qui diffèrent sur le plan de la religion, du sexe, de l’orientation sexuelle, de la race, du handicap et de l’unité familiale, nous devons tous en assumer les coûts connexes[269].

La plupart des mesures d’adaptation ne sont pas difficiles à mettre en place ou coûteuses, et n’imposent pas de fardeau considérable aux personnes responsables. La conception inclusive en amont peut souvent éliminer le besoin d’accommodement en intégrant les questions de diversité et d’égalité aux façons habituelles de faire les choses (pour obtenir un complément d’information, voir la section 10.2.4).

Le non-accommodement des personnes auxquelles a nui une exigence, un critère ou une règle peut entraîner un verdict de violation du Code.

Exemple : Un employeur a avisé un employé qu’il n’autoriserait aucun congé pour des fêtes religieuses et l’a ensuite congédié pour une absence non autorisée à des fins d’observance d’une fête religieuse. Il a été déterminé que l’employeur avait enfreint le Code des droits de la personne de la Colombie-Britannique[270]. Aucune preuve n’indiquait que l’employeur avait fait le moindre effort pour fournir une mesure d’adaptation à l’employé.

9.1 Conception inclusive

Par « conception inclusive » ou « conception universelle », on entend une forme de conception qui tient compte de l’ensemble des personnes [271]. Cela suppose d’être conscient des différences qui caractérisent les membres des groupes protégés par le Code au moment de faire des choix sur le plan de la conception afin d’éviter de créer des obstacles.

Pour favoriser l’intégration et la pleine participation, il faut assurer une conception sans obstacle et inclusive dès le départ et éliminer les obstacles qui existent. L’approche inclusive ou « universelle » est préférable à l’élimination des obstacles après leur apparition ou à l’offre de mesures d’adaptation au cas par cas, deux approches qui reposent sur l’idée que les structures existantes sont adéquates ou auraient uniquement besoin de légères modifications pour les rendre acceptables. Selon la Cour suprême du Canada, les normes en place devraient tenir compte de tous les membres de la société, dans la mesure où cela est raisonnablement possible[272].

Exemple : Un établissement de santé mentale aménage une salle multiconfessionnelle de prière/réflexion pour permettre aux personnes de différentes confessions d’observer leurs convictions ou pratiques rattachées à la croyance. La salle est conçue de façon à favoriser et à permettre l’observance de diverses croyances.

Les organisations ont l’obligation d’être conscientes des différences entre les personnes et les groupes et d’intégrer les concepts d’égalité aux normes, règles et exigences[273]. Cela signifie qu’il faille tenir compte des besoins de personnes de croyances diverses, de façon inclusive, au moment d’élaborer ou de modifier des politiques, programmes, procédures, normes ou exigences, et de concevoir ou de modifier des installations. En plus de prévenir les obstacles dès la conception initiale au moyen de méthodes inclusives, les organisations devraient être conscientes des obstacles systémiques qui existent au sein de leur structure organisationnelle et systèmes existants. Elles devraient prendre des mesures actives pour cerner et tenter d’éliminer ces obstacles au moyen d’examens de conception inclusive. Il ne faut jamais créer de nouveaux obstacles au moment de construire ou de rénover des installations.

Cette approche dynamique est plus efficace parce qu’elle met l’accent sur l’accessibilité et l’inclusivité dès le départ. Elle réduit également le besoin de demander des mesures d’adaptation.

Exemple : Une université composée d’une population étudiante considérable et diversifiée sur le plan religieux adopte comme politique d’éviter de convoquer des examens lors de fêtes religieuses importantes. Cela permet à l’université d’économiser du temps et des ressources considérables qu’elle aurait autrement été obligé d’affecter à la tenue et à la surveillance de périodes d’examen de rechange à l’intention de certains étudiants.

Les organisations constateront que la conception inclusive, l’élimination des obstacles et l’accommodement des besoins individuels bénéficient souvent à un plus grand nombre de personnes.

9.2 Obligations d’accommodement procédurale et de fond

L’obligation d’accommodement a deux composantes, soit une composante procédurale (la procédure) et une composante de fond (la mesure d’adaptation fournie). Ces deux composantes sont très importantes[274].

L’obligation procédurale fait référence aux éléments à considérer, évaluations et mesures prises pour tenir compte du besoin en matière d’accommodement. Le fait de ne pas envisager ou prendre en compte une question relative à l’accommodement ou une demande d’accommodement, y compris les mesures pouvant être prises, le cas échéant, pourrait constituer un manquement à l’obligation « procédurale » d’accommodement[275].

Exemple : Un employeur a mis fin au processus de recrutement d’un candidat dès qu’il apprend que ce dernier aurait besoin d’une mesure d’adaptation liée à la croyance. Le TDPO a conclu qu’il a « immédiatement refusé » la demande du requérant et que cela était discriminatoire. Il confirme que l’employeur avait l’obligation procédurale de prendre des mesures adéquates pour évaluer et explorer les mesures d’adaptation possibles[276]

L’obligation de fond fait référence au caractère approprié ou raisonnable de la mesure d’adaptation retenue, ainsi qu’aux raisons de ne pas fournir de mesure d’adaptation, y compris les preuves de préjudice injustifié[277].

9.3 Principes

L’obligation d’accommodement repose sur plusieurs principes qui se chevauchent et se renforcent mutuellement, dont le respect de la dignité, l’unicité, l’intégration, la pleine participation, la conception inclusive et l’adoption de la mesure d’adaptation appropriée.

9.3.1 Respect de la dignité

La dignité humaine s’articule autour de nombreux facteurs, dont le respect de l’identité, de l’intégrité et de la valeur personnelle des personnes. On porte atteinte à la dignité lorsqu’on marginalise, stigmatise, ignore ou dévalue des personnes. L’autonomisation, la vie privée, la confidentialité, le confort, l’individualité et l’estime de soi sont tous des facteurs importants.

La dignité englobe la manière de fournir les mesures d’adaptation et la participation de la personne au processus. Elle suppose de ne pas chercher à se renseigner outre mesure sur les convictions et choix d’une personne en matière de croyance, au-delà de ce qui est minimalement requis pour déterminer qu’elle est la mesure d’adaptation appropriée. Cela signifie également de respecter et d’apprécier les points de vue des personnes adhérant à une croyance, même lorsque ceux-ci diffèrent amplement des siens, et de ne pas adopter de vision réductionniste d’une personne qui tient uniquement compte de son identité de croyance ou système de convictions.

Les organisations responsables de l’accommodement de la croyance devraient songer attentivement aux différents types de mesures d’adaptation dont les gens pourraient avoir besoin en milieu de travail ou de vie, ou au moment d’obtenir un service, afin de s’assurer de respecter leur dignité.

Exemple : Une entreprise de camionnage exige qu’un conducteur sikh, qui ne peut pas porter de casque de sécurité dans la zone de déchargement des camions en raison de son turban, demeure dans la cabine du camion à son arrivée au lieu de livraison. Étant donné que les émanations du camion présentent des risques sur le plan de la santé et de la sécurité, le conducteur est tenu d’interrompre le moteur à son arrivée à destination, pendant que d’autres procèdent au déchargement. Cela expose le conducteur à des températures élevées en été et froides en hiver pendant qu’il attend dans la cabine. L’entreprise a le devoir d’envisager des mesures d’adaptation qui respectent davantage la dignité de l’employé.

9.3.2 Unicité

Il n’existe aucune formule préétablie pour déterminer les mesures d’adaptation liées à la croyance à offrir. Chaque personne a des besoins uniques sur lesquels on doit jeter un regard neuf lorsque des mesures d’adaptation sont demandées. Une solution ayant fonctionné pour une personne ne fonctionnera pas nécessairement pour une autre.

Il peut également être nécessaire de passer en revue à une date ultérieure les mesures d’adaptation fournies pour s’assurer qu’elles continuent de répondre adéquatement aux besoins de la personne.

Exemple : Un hôpital offre à un homme musulman de la nourriture casher pour combler ses besoins alimentaires sur le plan religieux étant donné que cela à combler ses besoins et ceux d’autres patients musulmans par le passé. Cependant, l’homme croit maintenant sincèrement que cela n’est pas permis en raison de sa compréhension actuelle de la loi religieuse, et demande de la nourriture halal. L’hôpital refuse d’acquiescer à sa demande et l’homme se plaint de discrimination pour manque d’accommodement de sa conviction sincère.

Bien que certaines mesures d’adaptation satisfassent uniquement les besoins d’une personne, les organisations trouveront qu’un bon nombre des changements qu’elles apportent bénéficieront à d’autres également.

9.3.3 Intégration et pleine participation

Les emplois, logements, services et installations devraient être conçus, et pourraient devoir être adaptés, en vue de tenir compte des besoins des personnes affiliées à une croyance de la manière qui favorisera le plus leur intégration et leur pleine participation[278].

Il a été clairement établi dans les lois relatives aux droits de la personne que l’égalité passe parfois par l’application d’un traitement différent, si cela ne porte pas atteinte à la dignité de la personne. Dans certains cas, le meilleur moyen d’assurer l’égalité des personnes adhérant à une croyance est de les exempter d’une activité ou d’un devoir, ou de leur offrir des services distincts ou spécialisés.

La ségrégation sur le plan de l’emploi, de l’obtention de services ou du logement est généralement moins digne ou acceptable, à moins qu’on puisse démontrer qu’il s’agit du meilleur moyen d’atteindre l’égalité dans les circonstances[279].

Exemple : Un conseil scolaire assure l’accommodement des élèves qui ne peuvent pas participer aux programmes de musique de l’école pour des motifs liés à la croyance en leur offrant une variété de mesures d’adaptation. Ces mesures cherchent à maximiser leur participation aux programmes, tout en comblant leurs besoins individuels. Par exemple, un élève qui n’a pas le droit de:

  • souffler dans un instrument mais peut participer à toutes les autres facettes du programme de musique se voit donner un instrument à percussion (p. ex. tambour)
  • créer ou de jouer de la musique, mais peut écouter de la musique, participe uniquement aux volets du programme d’études non axés sur l’exécution musicale (p. ex. histoire, théorie et analyse critique de la musique); on peut aussi créer un programme individualisé en se basant sur les attentes du programme d’études non axées sur l’exécution musicale 
  • créer, de jouer et d’écouter de la musique a droit à une exclusion complète du programme de musique à titre de mesure d’adaptation[280].

9.4 Accommodement approprié

En plus d’assurer une conception inclusive et l’élimination des obstacles, les organisations doivent donner suite aux demandes d’accommodement individuelles. L’obligation d’accommodement exige de déterminer quelle est la mesure d’adaptation la plus appropriée pouvant être mise en place sans causer de préjudice injustifié, et de l’offrir.

Une mesure d’adaptation est jugée appropriée si elle permet à la personne qui la requiert d’obtenir les mêmes avantages et privilèges que les autres personnes, ou si elle satisfait les besoins particuliers de la personne en matière de croyance et qu’on l’adopte ou la propose dans le but d’atteindre l’égalité des chances. La mesure d’adaptation la plus appropriée est celle qui est la plus susceptible de :

  • respecter la dignité (y compris l’autonomie, le confort et la confidentialité)
  • combler les besoins particuliers de la personne
  • permettre l’intégration et la pleine participation.

Plutôt qu’une proposition de type tout ou rien, l’accommodement est un processus qui s’apparent à un continuum et est question de degré. Le point le plus élevé possible du continuum, sans préjudice injustifié, doit être atteint[281]. À une extrémité du continuum se trouve le plein accommodement qui respecte le plus la dignité de la personne et le caractère confidentiel de la situation. Des mesures d’adaptation de rechange (qui ne sont pas « idéales ») peuvent constituer la prochaine solution le long du continuum lorsqu’il est impossible d’instaurer la mesure d’adaptation la plus appropriée sans créer de préjudice injustifié. Il est également possible de mettre temporairement en œuvre une (la meilleure) mesure d’adaptation de rechange en attendant la mise en place graduelle de la solution la plus appropriée ou son implantation ultérieure, lorsque des ressources pourront y être consacrées.

Les organisations devraient déterminer quelle est la mesure d’adaptation idéale ou la plus appropriée compte tenu des circonstances avant de se demander si cette mesure causerait un préjudice injustifié. S’il est démontré qu’une mesure d’adaptation particulière causerait un préjudice injustifié, on doit alors envisager et mettre en place la meilleure solution de rechange (ne causant pas de préjudice injustifié).

Exemple: Un employé a besoin d’un espace en milieu de travail où réciter les prières religieuses quotidiennes qui coïncident avec les heures de travail. L’employeur lui offre d’utiliser un placard qui sert également à l’entreposage des ordures. Cette option ne respecte pas la dignité ou la santé et la sécurité de l’employé en quête d’accommodement, et contreviendrait probablement au Code.

Si on a le choix entre deux mesures d’adaptation qui comblent les besoins de la personne et respectent sa dignité tout autant, le fournisseur de la mesure d’adaptation peut choisir la solution la moins coûteuse ou celle qui entraînerait le moins de perturbations pour l’organisme.

Dans certains cas, la modification des politiques, pratiques et autres exigences de l’organisation, pour les rendre plus inclusives, peut constituer la mesure d’adaptation la plus appropriée.

9.5 Critère juridique

L’article 11 du Code interdit la discrimination résultant d’exigences, de qualités requises ou de critères qui peuvent sembler neutres, mais ont un effet préjudiciable sur des personnes identifiées par un motif protégé par le Code[282]. Ce type de discrimination est appelé discrimination « indirecte » ou discrimination « par suite d’un effet préjudiciable » (voir la section 7.8 présentée précédemment). Les organisations ont une obligation d’accommodement des personnes qui se heurtent à de la discrimination indirecte au motif de la croyance, jusqu’au point de préjudice injustifié.

Exemple: Un concessionnaire d’automobiles ouvre ses portes sept jours par semaines et exige que ses employés soient à sa disposition durant les fins de semaine, qui constituent les jours les plus achalandés et les plus profitables pour le concessionnaire. Cette exigence a un effet préjudiciable sur les employés chrétiens et juifs qui ne peuvent pas, en raison de leur croyance, travailler les fins de semaine durant les jours du Sabbat. L’entreprise a l’obligation de tenir compte des besoins de ces employés jusqu’au point de préjudice injustifié.

9.5.1 Établissement de l’existence de discrimination indirecte

Il incombe à une personne d’établir qu’il y a eu discrimination à première vue avant qu’entre en jeu l’obligation d’accommodement. Dans le contexte de la croyance, cela signifie qu’il faille démontrer que la personne a subi un effet préjudiciable en raison d’une exigence, d’une qualité requise ou d’un critère dans un domaine social protégé par le Code, et que cet effet est en partie dû à une conviction sincère rattachée à la croyance (voir la section 9.5.3 pour en connaître davantage sur les « convictions sincères »)[283].

Les effets préjudiciables sur la croyance d’une personne ne sont pas nécessairement tous discriminatoires aux termes du Code. Les atteintes aux pratiques et convictions qui n’ont qu’un effet marginal sur la personne ou qu’un lien périphérique à sa croyance peuvent ne pas bénéficier de protection[284]. Par exemple :

  • participer à des activités bénévoles à l’Église[285] ou à d’autres activités sociales ou communautaires associées à une religion ou à une croyance[286]
  • participer à des programmes confessionnels ou culturels[287]
  • assister à une réunion de sélection de revendications territoriales[288]
  • exprimer des aspects de son identité religieuse par des moyens qui ne sont ni exigés ni perçus comme étant nécessaires pour « établir une communication avec le divin » ou « le sujet ou l’objet de sa propre croyance spirituelle »[289]

Il peut être nécessaire de faire la démonstration, au moyen de preuves objectives, des effets préjudiciables d’une exigence, d’une règle ou d’une pratique sur une personne en raison d’une conviction sincère rattachée à la croyance[290].

Exemple : Un collège procédait à l’accommodement d’un enseignant juif en lui permettant de donner tous ses cours à compter de 13 h pour lui permettre d’enseigner l’informatique le matin dans une école secondaire juive, mais a mis fin à cette pratique au moment de se doter d’un nouveau système automatisé d’élaboration des horaires. L’enseignant a déposé un grief en alléguant que le collège avait manqué à son obligation d’accommodement d’une conviction religieuse sincère selon laquelle il devait rendre un dû à sa communauté, ce qu’il soutenait faire en enseignant dans une école secondaire juive. Se fondant sur la décision S.L. de la Cour suprême, le comité des griefs a fait remarquer que si des critères subjectifs servaient à établir l’existence d’une conviction religieuse, « il était nécessaire d’appliquer des critères objectifs pour déterminer si on a porté atteinte à une conviction religieuse ». Soulignant le fait que le plaignant pouvait redonner son dû à sa communauté de nombreuses façons, le comité a conclu que le collège avait porté atteinte non pas à l’exigence religieuse elle-même, mais au choix de l’enseignant de la manière d’y satisfaire. Compte tenu de cela, l’employeur n’était pas tenu d’offrir une mesure d’adaptation[291].

9.5.2 Défense fondée sur une exigence de bonne foi

L’article 11 du Code permet aux organisations de démontrer que l’exigence, la qualité requise ou le critère ayant entraîné de la discrimination est raisonnable et de bonne foi (légitime). Pour faire cette démonstration, cependant, l’organisation doit montrer dans un premier temps qu’il est impossible de tenir compte des besoins de la personne (y compris les « besoins du groupe »[292] auquel elle appartient) sans causer de préjudice injustifié.

La Cour suprême du Canada a établi un cadre permettant d’examiner si une organisation peut se prévaloir de la défense relative à l’exigence de bonne foi[293]. S’il est déterminé à première vue qu’il y a eu discrimination, l’intimé doit démontrer, selon toutes probabilités, que la norme, l’exigence, la règle ou le critère :

  1. a été adopté dans un but ou un objectif rationnellement lié à la fonction exercée (comme un emploi, une location ou la participation à un service)
  2. a été adopté de bonne foi, en croyant qu’il était nécessaire pour réaliser ce but ou cet objectif
  3. est raisonnablement nécessaire à la réalisation de ce but ou cet objectif, en ce sens qu’il est impossible de tenir compte des besoins de la personne sans imposer de préjudice injustifié[294].

En fin de compte, la personne qui désire justifier une exigence, règle ou norme discriminatoire doit démontrer que la norme prévoit l’accommodement des besoins jusqu’au point de préjudice injustifié[295]. Cela signifie que l’exigence a été conçue ou modifiée afin d’assurer l’inclusion du plus grand nombre de personnes possible, et qu’on a tenu compte de tout besoin individuel restant jusqu’au point de préjudice injustifié[296].

Parmi les facteurs à prendre en compte au moment de l’analyse figurent[297] :

  • si ou non le fournisseur de la mesure d’adaptation a examiné les diverses solutions de rechange non discriminatoires
  • les raisons pour lesquelles ces solutions pratiques n’ont pas été adoptées
  • la possibilité de mettre en place des normes différentes qui tiennent compte des différences et capacités individuelles et collectives
  • si ou non le fournisseur de la mesure d’adaptation pourrait réaliser ses objectifs légitimes de façon moins discriminatoire
  • si ou non la norme est conçue de manière à ce que la qualité requise soit obtenue sans qu’un fardeau indu ne soit imposé aux personnes visées
  • si ou non les autres parties qui sont tenues de contribuer à la recherche de mesures d’adaptation ont rempli leurs rôles.

9.5.3 Sincérité de la conviction rattachée à la croyance

L’article 11 du Code protège les gens contre la discrimination par suite d’un effet préjudiciable au motif de leurs convictions, pratiques ou observances personnelles rattachées à la religion ou la croyance, pourvu qu’elles soient sincères[298].

En ce qui a trait aux critères juridiques d’établissement de l’obligation d’accommodement énumérés ci-haut, les organisations sont tenues d’assurer l’accommodement des convictions sincères des gens en matière de croyance.

Même si les protections consenties aux termes de l’article 11 du Code exigent qu’une conviction ou qu’une pratique à laquelle on a porté atteinte par suite d’un effet préjudiciable soit associée à une croyance[299], il n’est pas nécessaire pour y être admissible de démontrer que la conviction, pratique ou observance :

  • constitue un élément « essentiel » de la croyance[300]
  • est exigée ou jugée valable par les autorités religieuses, ou fait partie des préceptes « officiels » de la croyance[301]  
  • correspond aux convictions, pratiques ou observances des autres adeptes de sa foi[302].

Les organisations ont une obligation d’accommodement à la fois des expressions obligatoires et volontaires de la foi, pourvu qu’elles soient sincères. C’est la nature religieuse ou spirituelle liée à la croyance d’un acte qui entraîne la protection, et non le fait que la pratique de cet acte soit obligatoire ou perçue comme telle[303].

Exemple : M. Amselem et deux autres membres juifs orthodoxes d’un syndicat de copropriétaires ont souligné la fête juive du Souccoth en installant une petite hutte temporaire close (connue sous le nom de souccah)[304] sur le balcon de leur unité de copropriété. Quand le syndicat des copropriétaires leur a demandé de démonter les souccahs, en partie par ce qu’elles violent les règlements de la copropriété aux termes de la déclaration de copropriétaires, ils ont refusé d’acquiescer en alléguant que cela contrevenait à leurs droits religieux. Le syndicat de copropriété a déposé une demande d’injonction pour interdire les souccahs. La Cour supérieure du Québec a accordé l’injonction en partie en raison du témoignage d’un rabbin selon lequel l’installation d’une souccah n’est pas (d’un point de vue objectif) une exigence religieuse de la foi. La Cour d’appel du Québec a maintenu l’injonction. Les trois membres juifs ont interjeté appel devant la Cour suprême du Canada, qui a renversé la décision et permis aux requérants de conserver leurs souccahs sur le balcon. Selon la Cour suprême, le critère approprié à appliquer dans cette affaire est non pas de se demander si la religion exige l’installation d’une souccah mais plutôt de se demander si les requérants croient sincèrement que le fait d’installer leur propre souccah ou d’y habiter revêt pour eux une importance religieuse, peu importe s’ils croient subjectivement que leur religion les astreint à installer leur propre souccah[305].

La sincérité de la conviction signifie l’honnêteté de la croyance[306]. En règle générale, on devrait accepter de bonne foi qu’une conviction est sincère à moins d’avoir des raisons évidentes d’en croire autrement. Lorsque la situation le justifie, l’investigation de la sincérité de la conviction d’une personne devrait être la plus limitée possible (voir la section 9.5.3)[307]. L’enquête doit uniquement établir qu’une conviction invoquée est avancée « de bonne foi, qu’elle n’est ni fictive ni arbitraire et qu’elle ne constitue pas un artifice »[308]. Dans bien des cas, cette démonstration ne sera pas nécessaire ou sera facile à faire. Cependant, dans d’autres cas, il peut être nécessaire d’obtenir des éléments de preuve, habituellement de la part de la personne revendiquant le droit, pour établir que la revendication est sincère.

Lorsqu’il existe des raisons de douter de la sincérité d’une personne[309], la crédibilité de la demande d’accommodement de la personne devient un facteur important dans l’établissement de la sincérité de la conviction. Pour établir la sincérité de la conviction, il eut être nécessaire d’évaluer le niveau de cohérence qui existe entre les pratiques actuelles de la personne et les mesures d’adaptation demandées[310]. Cela peut exiger que la personne en quête de l’accommodement fournisse des preuves de sa conviction et pratique au moment de la demande d’accommodement[311]

L’adhérence inégale actuelle ou passée à une pratique rattachée à la croyance peut laisser entendre que la conviction n’est pas sincère, mais cela n’est pas toujours le cas. « Il est possible qu’un croyant sincère s’écarte à l’occasion de la pratique, que ses convictions changent au fil du temps ou que ses convictions permettent des exceptions à la pratique dans des cas particuliers[312] ». Le contexte du manque de cohérence doit être examiné. Par exemple, bien qu’il peut être extrêmement difficile pour une personne de sacrifier ou de compromettre ses convictions en matière de croyance ou de religion, elle peut en avoir un besoin plus pressant dans certains contextes qui la pousse à effectuer ce compromis, comme dans le cas où cela serait nécessaire pour conserver un emploi ou avoir accès à un service. Selon la Cour suprême, un écart par rapport aux pratiques habituelles peut parfois démontrer la « force » de la conviction, laquelle est différente de la « sincérité » de la conviction[313].

Exemple : Un tribunal de l’Ontario s’est demandé si on pouvait exiger d’une femme musulmane qui porte le niqab (un voile recouvrant tout le visage, sauf les yeux) pour des motifs religieux qu’elle l’enlève au moment de témoigner au sujet d’actes allégués d’agression sexuelle subis dans son enfance[314]. Le tribunal a rejeté la demande d’accommodement de la femme, qui voulait porter le niqab au moment de témoigner. Le juge a indiqué qu’elle n’avait pas satisfait au critère de sincérité de la conviction parce qu’elle avait enlevé son niqab dans le passé pour prendre la photo de son permis de conduire et avait admis qu’elle l’enlèverait également si elle devait le faire à un contrôle de sécurité. Le juge estimait que ses convictions n’étaient pas assez fortes pour justifier un accommodement. En définitive, la Cour suprême du Canada a conclu que ses convictions étaient sincères, en ajoutant que la « force » de la conviction et la « sincérité » de la conviction sont deux questions distinctes et que les convictions n’avaient qu’à être sincères pour bénéficier de protection[315].

Les adeptes d’une croyance accordent généralement une importance particulière à certaines périodes de l’année. Durant ces périodes, ils leur arrivent de se soumettre plus intensément aux pratiques rattachées à leur croyance, comparativement à d’autres périodes de l’année, sans que cela ne réduise leur sincérité.

Exemple : Un homme musulman cesse de se raser la barbe durant le mois sacré du Ramadan. Il se rase le reste de l’année. Son employeur a une politique interdisant aux employés de porter la barbe. L'employeur à l’obligation de tenir compte des convictions ou pratiques religieuses de l’employé. Le fait que l’employé porte uniquement la barbe pendant le Ramadan ne devrait pas être perçu comme une preuve du manque de sincérité de sa conviction.

Les organisations devraient se garder d’imposer leurs propres normes et points de vue de ce que constitue l’adhérence authentique ou sincère à une croyance[316]. Par exemple, les traditions en matière de religion et de croyance n’exigent pas toutes un engagement exclusif[317].

Exemple : Durant les mois d’été, un employé se soumet aux pratiques spirituelles autochtones traditionnelles en lien avec la terre et la chasse. Cet employé est aussi membre de l’Église catholique. Le fait qu’il adhère à plus d’une tradition en matière de religion et de croyance n’est pas en soi signe d’une incohérence ou d’un manque de sincérité de la conviction. Un employeur pourrait avoir l’obligation d’accommoder les deux catégories de convictions de l’employé. 

9.6 Renseignements à fournir

Le fait de poser des questions sur les convictions ou pratiques rattachées à la croyance d’une personne et les besoins en matière d’accommodement connexes soulève des questions sur le plan de la vie privée et de la dignité. En même temps, les organisations doivent posséder assez d’information pour pouvoir respecter leur obligation d’accommodement.

Une personne en quête d’accommodement doit aviser le fournisseur de mesures d’adaptation qu’elle nécessite des mesures d’adaptation en raison d’une conviction ou pratique rattachée à la croyance. Voici des exemples de renseignements qu’elle peut généralement devoir fournir :

  • les besoins associés à la conviction ou pratique rattachée à la croyance
  • sa capacité d’exécuter les tâches ou de satisfaire aux exigences essentielles de l’emploi, de la location ou de l’obtention des services avec ou sans accommodement (probablement plus pertinent en contexte d’emploi)
  • le type de mesures d’adaptation qui pourraient s’avérer nécessaires pour permettre à la personne d’exécuter les tâches ou de satisfaire aux exigences essentielles de l’emploi, de la location, de l’obtention des services ou autre.

Quand des fournisseurs de mesures d’adaptation reçoivent une demande d’accommodement, ils peuvent devoir demander des renseignements additionnels. En règle générale, le fournisseur de mesures d’adaptation devrait :

  • considérer qu’il s’agit d’une demande d’accommodement de bonne foi[318] (à moins de preuves du contraire)
  • limiter les demandes de renseignements aux informations pouvant raisonnablement être associés à l’établissement des obligations juridiques, à l’évaluation des besoins, des limites et des restrictions, et à la mise en place des mesures d’adaptation.

Quand des renseignements additionnels sur la conviction ou la pratique rattachée à la croyance d’une personne sont requis, la demande d’information doit faire le moins possible incursion dans la vie privée de la personne tout en veillant à ce que le fournisseur de mesures d’adaptation obtienne des renseignements suffisamment complets pour mettre en place des mesures d’adaptation appropriées. Un fournisseur de mesures d’adaptation devrait être en mesure d’expliquer clairement pourquoi l’information additionnelle est requise.

Dans de rares cas, l’organisation pourrait avoir des motifs raisonnables de douter de la sincérité d’une demande d’adaptation ou de la véracité des renseignements fournis. Dans le contexte de la croyance, les questions reposent habituellement sur le besoin d’établir clairement, quand il y a des motifs raisonnables de peut-être en croire autrement, que la conviction ou la pratique à accommoder est en effet (1) sincère et (2) rattachée à une croyance et (3) qu’une exigence ou règle lui porte atteinte par suite d’effet préjudiciable.

Les fournisseurs de mesures d’adaptation devraient généralement accepter de bonne foi que la conviction est sincère, à moins de raisons légitimes de penser le contraire. Lorsque la situation le justifie, l’investigation de la sincérité de la conviction d’une personne devrait être la plus limitée possible[319] et servir uniquement à établir qu’une conviction invoquée est avancée « de bonne foi, qu’elle n’est ni fictive ni arbitraire et qu’elle ne constitue pas un artifice »[320]. Dans bien des cas, cette démonstration ne sera pas nécessaire ou sera facile à faire. Dans d’autres, cependant, des éléments de preuve peuvent être exigés pour établir la sincérité de la conviction, habituellement de la personne revendiquant le droit. Toute preuve indiquant que la personne en quête d’accommodement met actuellement en pratique de façon cohérente sa conviction rattachée à la croyance et nécessitant un accommodement peut aider à établir que la conviction est sincère. Cependant, le fait de ne pas adhérer à une conviction ou à une pratique de façon uniforme n’indique pas nécessairement le manque de sincérité de la conviction (voir la section 9.5.3)[321].

Il n’est pas approprié d’exiger des opinions d’experts pour démontrer qu’une conviction ou qu’une pratique est obligatoire ou exigée[322], ou qu’elle est sincère. Cependant, une personne en quête d’accommodement pourrait choisir d’aiguiller un fournisseur de mesure d’adaptation vers une figure d’autorité religieuse ou un expert pour appuyer sa demande d’accommodement[323].

Au moment d’évaluer une demande d’accommodement de la croyance, il peut être nécessaire d’explorer davantage certaines considérations objectives. Pour que ses convictions ou pratiques bénéficient de protection aux termes de l’article 11 du Code, une personne doit être en mesure d’établir un lien entre ces convictions ou pratiques et une croyance (voir la section 4.1)[324].

Exemple : Un tribunal a rejeté la demande d’un homme voulant être exempté de l’interdiction de production et de possession de marijuana aux termes de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances[325] au motif de l’exercice des droits religieux et à l’égalité consentis à l’alinéa 2 et à l’article 15 de la Charte.[326] L’homme, un « révérend » de l’« Église de l’univers », a allégué que la consommation de sept grammes de marijuana par jour était liée à sa conviction religieuse que le cannabis est « l’arbre de la vie », comme l’affirme le Livre de l’Apocalypse de la Bible. Le tribunal a plutôt conclu que l’homme ne croyait pas en Dieu ou à la Bible en soi et qu’il n’y avait pas de rite, de rituel ou de cérémonie associé à sa conviction, tout comme il n’existait pas d’obligation ni de précepte moral ou éthique, ni d’idées ultimes à propos de l’existence humaine, associé à sa pratique de consommation de marijuana. 

En définitive, le tribunal a conclu que bien que l’homme croyait sincèrement aux avantages de la consommation de marijuana, sa pratique de consommation de marijuana était liée à « l’idée très profane que la plante de cannabis a de nombreuses applications utiles ou […] "fruits" qui peuvent et devraient servir au mieux-être de l’humanité »[327]. En assimilant la pratique de l’homme davantage à un « mode de vie » laïque qu’à une religion, le tribunal a affirmé que malgré la déférence que l’on se doit de montrer envers les points de vue subjectifs (sincères) d’une personne relativement aux convictions ou pratiques religieuses qu’elle pouvait adopter, cette déférence ne s’applique pas à la question de savoir si une pratique ou une conviction a un lien avec une religion authentique[328].

Des renseignements additionnels pourraient être requis lorsqu’il n’est pas clair ou évident qu’une conviction se rattache à une croyance aux termes du Code[329] ou que sa pratique « [permet] à l’individu de communiquer avec l’être divin ou avec le sujet ou l’objet de [sa] foi spirituelle »[330] ou croyance. Dans de tels rares cas, les organisations devraient limiter leur investigation au fait de déterminer si la conviction ou pratique à accommoder se rattache réellement à la croyance et si elle permet, aux yeux de la personne, de communiquer avec l’être divin ou avec le sujet ou l’objet de sa foi spirituelle ou croyance.

Enfin, les organisations peuvent demander à une personne en quête d’accommodement de démontrer de quelle façon une politique, une norme, une règle, une qualité requise ou une pratique a porté atteinte, dans un domaine social protégé par le Code, à sa capacité de mettre en pratique sa conviction sincère en matière de croyance. La personne pourrait devoir fournir des renseignements sur la nature de la conviction ou pratique afin de cerner l’effet préjudiciable et de clarifier les besoins correspondants en matière d’accommodement. Les fournisseurs de mesures d’adaptation pourraient également demander à la personne qu’elle est l’étendue éventuelle des exceptions pouvant être faites dans le cadre de sa conviction[331]. Si la personne n’accepte pas de fournir les renseignements susmentionnés, demandés de façon légitime, et que le fournisseur de mesures d’adaptation peut démontrer que cette information est requise, il pourrait être établi que la personne en quête d’accommodement n’a pas participé au processus d’accommodement, ce qui relèverait le fournisseur de mesures d’adaptation de toute responsabilité additionnelle[332].

9.7 Confidentialité

Le maintien du caractère privé et confidentiel des renseignements sur la croyance d’une personne peut s’avérer critique en raison non seulement de considérations juridiques et des lois sur la vie privée en vigueur, mais également de la stigmatisation et des stéréotypes auxquels peuvent faire face certaines personnes au motif de leur croyance.

Les organisations devraient avoir des motifs légitimes de recueillir et d’utiliser des renseignements personnels à propos de la croyance d’une personne. Elles devraient assurer la confidentialité des renseignements sur les convictions et pratiques rattachées à la croyance de cette personne, y compris toute information sur les mesures d’adaptation prises en matière d’accommodement de sa croyance. Le fait de ne pas assurer la confidentialité de cette information pourrait s’avérer discriminatoire.

Exemple : Un fournisseur de logements coopératifs reçoit une demande d’accommodement d’un locataire qui n’est pas en mesure de s’acquitter de ses trois heures de travail bénévole les samedis matin étant donné que c’est le jour du Sabbat. Le fournisseur de logements demande aux autres locataires ce qu’ils pensent de cette demande d’accommodement même si cela n’a pas d’effet direct sur eux et qu’il serait facile pour la personne de remplir son obligation de travail bénévole un autre jour sans créer de préjudice injustifié. La divulgation de la demande d’accommodement du locataire pourrait contrevenir aux mesures législatives bien établies de protection de la vie privée et de respect de la confidentialité. Elle pourrait aussi heurter la dignité de la personne en quête d’accommodement et porter atteinte à son estime de soi, particulièrement si cela pourrait l’exposer à une attention publique non désirée ou éventuellement à des railleries et des insultes[333]. Cela pourrait contrevenir au Code.

Les organisations devraient uniquement divulguer des renseignements sur l’accommodement de la croyance d’une personne aux personnes qui doivent y avoir accès pour assurer l’adoption de la mesure d’adaptation, à moins que la personne en quête d’accommodement en décide autrement.

Exemple : Une personne qui doit se présenter devant le tribunal a besoin qu’on adapte l’horaire des audiences pour tenir compte d’une pratique religieuse. La documentation à l’appui de sa demande d’accommodement est transmise uniquement au coordonnateur de l’accessibilité de la cour. Il peut suffire au reste du personnel de la cour de savoir qu’il doit fournir cette mesure d’adaptation à la personne.

Dans certaines circonstances limitées et inévitables, il peut s’avérer nécessaire de divulguer des renseignements sur les besoins d’une personne en matière d’accommodement de la croyance à des tierces parties. En pareil cas, on devrait respecter les mesures législatives en matière de vie privée de manière à assurer la plus grande confidentialité possible dans les circonstances.

Exemple : Un employeur demande que tout son personnel se garde de réchauffer des aliments contenant du porc dans un second four à micro-ondes, acheté pour répondre aux besoins en matière d’accommodement religieux de certains employés. L’employeur ne divulgue aucun renseignement personnel à propos des employés à qui s’adresse la mesure d’adaptation. Bien que le reste du personnel puisse éventuellement comprendre la nature de l’accommodement et savoir à qui elle s’adresse, la conduite de l’employeur est peu susceptible de contrevenir au Code au motif d’une atteinte à la confidentialité et à la dignité.

Liste de vérification des pratiques exemplaires de respect de la confidentialité et de la vie privée:

  • Limiter l’information recueillie à propos de la croyance d’une personne aux seuls renseignements pertinents.
  • Assurer le plus grand respect du caractère privé et confidentiel de toute information liée à la croyance d’une personne, en tenant compte des souhaits de cette personne. Cela inclut tout renseignement donnant des indications directes ou indirectes sur la croyance d’une personne, ou les convictions ou pratiques qui y sont rattachées.
  • Respecter la vie privée d’une personne en divulguant les renseignements en lien avec son accommodement uniquement aux personnes qui participent directement à la satisfaction de ses besoins.
  • Veiller à ce que les renseignements recueillis soient confiés exclusivement au personnel désigné (le responsable des ressources humaines, par exemple) et conservés dans un système de classement sécurisé.
  • Dans certains rares cas où il est évident aux yeux des autres qu’un accommodement à été effectué, le fait d’offrir une formation aux autres employés, clients ou gestionnaires peut contribuer à prévenir les réactions négatives et le ressentiment. La formation peut créer un environnement plus inclusif et accueillant en aidant les autres à mieux comprendre une diversité de besoins en matière d’accommodement.

9.8 Rôles et responsabilités

L’accommodement est un processus faisant intervenir plusieurs parties ayant une responsabilité commune[334]. Chaque partie doit collaborer de façon respectueuse pour trouver et mettre en place des solutions adéquates en matière d’accommodement.

La personne en quête d’une mesure d’adaptation doit :

  • informer le fournisseur de la mesure d'adaptation (p. ex. employeur, locateur, fournisseur de services) qu’elle a des besoins liés au Code qui nécessitent une mesure d’adaptation
  • dans la mesure du possible[335], communiquer les besoins en matière d’accommodement dans un délai raisonnable avant de mettre en place la mesure d’adaptation[336] ou avant d’apporter toute modification à une mesure d’adaptation existante
  • répondre aux questions ou fournir de l’information sur les limites ou restrictions pertinentes[337]
  • prendre part aux discussions sur les mesures d’adaptation possibles
  • collaborer au processus d’accommodement au meilleur de ses capacités
  • satisfaire aux normes et exigences de rendement convenues, une fois que la mesure d’adaptation a été adoptée
  • travailler de manière continue avec le fournisseur de la mesure d’adaptation afin de gérer le processus d’accommodement.

Le fournisseur de la mesure d'adaptation doit :

  • accepter la demande d’accommodement de bonne foi (à moins de posséder des éléments de preuve de son manque de sincérité)
  • limiter ses demandes d’information aux renseignements qui sont raisonnablement nécessaires pour déterminer la nature et l’étendue de la limite ou de la restriction, ainsi que la mesure d’adaptation appropriée à fournir[338]
  • contribuer activement aux efforts déployés pour s’assurer d’investiguer les approches de rechange et mesures d’adaptation possibles[339], et explorer les diverses formes possibles d’accommodement et de mesures d’adaptation de rechange[340]
  • conserver des dossiers sur la demande d’accommodement et les mesures prises
  • veiller à ce que les renseignements qui se rapportent à l’accommodement demeurent confidentiels et accessibles seulement aux personnes qui en ont besoin pour mettre en place les mesures d’adaptation requises
  • mettre en œuvre les mesures d’adaptation en temps opportun, jusqu’au point de préjudice injustifié
  • couvrir tous les coûts appropriés ayant trait à la mesure d’adaptation[341].

Bien que la personne en quête d’accommodement ait l’obligation d’aider à mettre en place la mesure d’adaptation appropriée qui répondra à ses besoins, elle n’est pas responsable de trouver cette mesure[342] ou de diriger le processus d’accommodement. Le fournisseur de la mesure d’adaptation est ultimement responsable de mettre en place les solutions envisagées, avec la collaboration de la personne en quête d’accommodement. Après la mise en place de la mesure d’adaptation, la personne bénéficiant de cette mesure doit pouvoir satisfaire aux exigences essentielles du poste, de la location ou de l’obtention du service.

En contexte d’emploi, les syndicats et les associations professionnelles doivent appuyer les mesures d’adaptation, même si ces mesures se heurtent aux conventions collectives, à moins que cela ne crée un préjudice injustifié[343]. Ils pourraient également devoir jouer un rôle proactif de partenaires dans le processus d’adaptation et partager avec l’employeur la responsabilité de faciliter l’accommodement des besoins[344].

Les organisations qui retiennent les services d’une tierce partie (p. ex. pour fournir un service ou régler les questions de ressources humaines) devraient s’assurer que cette tierce partie s’acquitte de ses obligations aux termes du Code, y compris l’obligation d’accommodement qu’il prévoit.

Exemple : Une organisation embauche une agence de placement pour recruter et embaucher le personnel. L’agence de placement manque à son obligation d’accommodement des convictions sincères rattachées à la croyance des candidats. L’organisation qui a retenu les services de l’agence et l’agence elle-même peuvent toutes les deux avoir contrevenu au Code[345].

9.9 Préjudice injustifié

Les organisations visées par le Code ont une obligation d’accommodement jusqu’au point de préjudice injustifié. Elles ne sont pas tenues d’offrir des mesures d’adaptation si celles-ci causent un préjudice injustifié ou excessif. Un certain degré de préjudice est cependant acceptable.

Aux termes du Code, on doit uniquement prendre trois facteurs en compte au moment de déterminer si une mesure d’adaptation peut causer un préjudice injustifié :

  • coûts
  • sources extérieures de financement, le cas échéant
  • exigences de santé et de sécurité, le cas échéant.

Aucun autre facteur ne peut être pris en considération[346]. Par exemple, les inconvénients professionnels, le moral des employés et les préférences de tierces parties ne sont pas des considérations valides lorsque vient le temps d’évaluer le préjudice injustifié que pourrait causer une mesure d’adaptation[347].

Dans bien des cas, l’accommodement de la croyance d’une personne n’engagera pas de frais énormes. Parfois, il s’agira simplement d’assouplir les politiques, règles et exigences en vigueur. Cet assouplissement des politiques, règles et exigences pourrait causer quelques inconvénients administratifs, qui ne sont pas en soi un facteur d’évaluation du préjudice injustifié.

Pour se prévaloir de la défense relative au préjudice injustifié, une organisation doit démontrer que le fait d’accommoder une personne cause un préjudice injustifié[348]. Il ne revient pas à la personne ayant des besoins en lien avec la croyance de prouver que la mesure d’adaptation peut être fournie sans que cela n’impose de préjudice injustifié.

La démonstration du préjudice injustifié doit être fondée sur des preuves objectives, réelles, directes et, lorsqu’il s’agit de coût, quantifiables. L’organisation doit présenter des faits, des chiffres ainsi que des données ou des avis scientifiques à l’appui de son allégation de préjudice injustifié. Il ne suffit pas simplement d’affirmer que le coût ou le risque est « trop élevé » en se basant sur des impressions ou des stéréotypes sans preuve à l’appui[349].

Exemple : Le TDPO a conclu qu’un employeur a fait de la discrimination à l’endroit d’un candidat à un poste lorsqu’il a rejeté sa candidature après avoir appris qu’il avait des besoins en matière d’accommodement de la croyance. Le tribunal a pris en compte l’argument de l’employeur selon lequel la mesure d’adaptation demandée lui causerait un préjudice injustifié. Les affirmations de l’employeur au sujet des difficultés posées par la convention collective (« problèmes avec le syndicat », difficultés d’établissement de l’horaire et coûts relatifs aux heures supplémentaires) ont été jugés vagues et hypothétiques, sans preuve concrète offerte à leur appui[350].

Parmi les exemples de preuves objectives figurent :

  • états financiers et budgets
  • données scientifiques, information et données découlant d’études empiriques
  • opinions d’experts
  • renseignements détaillés sur l’activité et la mesure d’adaptation demandée
  • renseignements sur les circonstances de l’activité et leurs effets sur la personne ou le groupe adhérant à la croyance.

9.9.1 Coût

La norme relative aux coûts est élevée. Les coûts représentent un préjudice injustifié si les conditions suivantes sont réunies :

  • ils sont quantifiables
  • il est démontré qu’ils découlent de la mise en œuvre de la mesure d’adaptation  
  • ils sont d’une importance telle qu’ils modifieraient la nature essentielle de l’organisation ou nuiraient considérablement à sa viabilité.

Exemple : Une petite entreprise compte quatre employés, dont trois pratiquent le Sabbat, qui représente pour eux un jour de repos. Ces personnes ne peuvent donc pas travailler le vendredi soir et le samedi, soit la période de travail la plus achalandée et la plus profitable. L’entreprise commence à avoir des difficultés et pourrait bientôt déposer son bilan. Par conséquent, l’employeur embauche un nouvel employé à temps partiel afin de pouvoir rester ouvert durant cette période et indique comme qualité requise dans son offre d’emploi que l’employé doit travailler la fin de semaine. Au moment d’être embauché, le nouvel employé demande une mesure d’adaptation parce qu’il lui est impossible de travailler le vendredi soir et le samedi. L’employeur n’est pas en mesure d’assurer son accommodement sans que cela ne mine considérablement la viabilité de l’entreprise, donc sans préjudice injustifié.

On établira le préjudice injustifié en se basant sur le solde des coûts après que l’ensemble des frais, avantages, déductions et autres facteurs ont été pris en considération. Tous les coûts projetés que l’on peut quantifier et dont on peut démontrer le lien avec la mesure d’adaptation projetée seront pris en considération. Par contre, les spéculations pures et simples (p. ex. sur les pertes financières qui pourraient découler de l’accommodement des besoins en matière de croyance d’une personne) ne seront habituellement pas convaincantes.

Si une mesure d’adaptation dépasse le budget établi par l’organisation pour l’accommodement des besoins, le fournisseur de la mesure d’adaptation doit tenter de la financer à même son budget global, à moins que cela ne lui cause de préjudice injustifié. Le coût d’une mesure d’adaptation donnée doit être réparti le plus largement possible sur l’ensemble de l’organisation, de manière à éviter que le fardeau financier engendré par cette mesure soit porté seulement par un service ou une division[351].

Lorsque l’adoption de la mesure d’adaptation appropriée occasionnerait un préjudice injustifié, le fournisseur de la mesure d’adaptation doit rechercher la solution de rechange la plus appropriée. Par exemple, il pourrait mettre en place une mesure d’adaptation provisoire en attendant de créer le fonds de réserve nécessaire pour mettre graduellement en place la mesure d’adaptation la plus appropriée.

9.9.2 Sources extérieures de financement

Pour réduire leurs coûts, les organisations ont l’obligation de prendre en considération toute source extérieure de financement pouvant les aider à fournir une mesure d’adaptation. La personne en quête d’accommodement doit également tirer parti de toute source extérieure de financement éventuelle pour aider à payer les dépenses engagées pour lui fournir la mesure d’adaptation.

Avant de pouvoir plaider que la prise en compte des besoins en matière de croyance d’une personne causerait un préjudice injustifié sur le plan des coûts, les organisations doivent démontrer qu’elles ont tiré parti de toute aide financière gouvernementale (ou autre) offerte pour aider à assumer les coûts de l’accommodement.

9.9.3 Santé et sécurité

Si une mesure d’adaptation est susceptible d’entraîner des risques considérables pour la santé et la sécurité, il pourrait s’agir d’un « préjudice injustifié ». Les employeurs, fournisseurs de logements et organisations de services ont l’obligation de protéger la santé et la sécurité de tous les employés, clients et locataires, y compris les personnes qui adhèrent à une croyance, dans le cadre d’activités d’affaires sûres et des exigences de la Loi sur la santé et la sécurité au travail[352]. Le Code reconnaît l’importance de trouver un juste milieu entre le droit de vivre à l’abri de la discrimination et les considérations de santé et de sécurité.

Un employeur, fournisseur de logements ou fournisseur de services peut se poser les questions suivantes pour déterminer si la modification d’une exigence relative à la santé ou à la sécurité, la dérogation à une telle exigence ou toute autre forme de mesure d’adaptation présentera un risque important :

  • La personne en quête d’accommodement est-elle prête à courir un risque pour sa santé ou sa sécurité lorsqu’elle est la seule à courir ce risque?
  • Peut-on raisonnablement prévoir que le fait de modifier une exigence ou d’y déroger, ou encore de mettre en œuvre un autre type de mesure d’adaptation présentera un risque grave pour la santé ou la sécurité des autres employés, locataires, membres du personnel ou usagers?
  • Quels autres types de risques assume l’organisation, et quels types de risques la société en général tolère-t-elle?

L’évaluation du préjudice injustifié relatif à la santé et à la sécurité que créerait l’adoption d’une mesure d’adaptation doit reposer sur une compréhension fidèle des risques fondée sur des preuves objectives plutôt que des impressions stéréotypées. On ne peut pas mesurer le risque de préjudice injustifié en se basant sur des impressions, des éléments de preuve anecdotiques ou des justifications après coup[353]. En outre, une organisation ne devrait pas alléguer de préjudice injustifié sur la base de préjudices anticipés reposant uniquement sur une évaluation hypothétique ou infondée des conséquences négatives que « pourrait » entraîner l’accommodement des besoins d’une personne[354].

Les organisations devraient se poser les questions suivantes pour mesurer la gravité ou l’importance d’un risque potentiel :

  • la nature du risque : Quel effet néfaste la mesure pourrait-elle avoir?
  • La gravité du risque : Quelle serait la gravité de l’effet néfaste, s’il se produisait?
  • La probabilité du risque : Quels sont les risques que la mesure ait l’effet néfaste envisagé?
  • S’agit-il d’un risque réel ou simplement d’un risque hypothétique ou spéculatif? Pourrait-il se produire souvent?
  • La portée du risque : Qui serait touché si l’effet néfaste se produisait?

Si le préjudice possible est mineur et peu susceptible de se produire, le risque ne devrait pas être jugé grave. S’il y a risque pour la sécurité publique, on prendra en considération le nombre additionnel de personnes pouvant être touchées et la probabilité qu’un événement néfaste se produise.

Il est possible qu’une personne adhérant à une croyance accepte de courir un risque. Autant que possible, les personnes adhérant à une croyance devraient avoir le droit d’assumer avec dignité les risques auxquels elles sont exposées, sous réserve de la norme de préjudice injustifié. Le risque qu’entraîne la modification d’une exigence relative à la santé et à la sécurité, ou la dérogation à une telle exigence, doit être évalué en fonction du droit à l’égalité de la personne adhérant à la croyance[355].

Dans les cas où ce risque a une importance telle qu’il l’emporte sur les avantages de l’égalité, il est réputé donner lieu à un préjudice injustifié. En vertu de la législation relative à la santé et à la sécurité, les organisations ont le devoir d’éviter toute situation qui pourrait entraîner une menace directe ou blesser des gens. Une probabilité élevée d’effets préjudiciables considérables pourrait être considérée comme un préjudice injustifié.

Les organisations doivent tenter d’atténuer les risques qui existent. Le niveau de risque qui demeure après l’adoption des mesures d’adaptation et des mesures d’atténuation des risques (jusqu’au point de préjudice injustifié, en fonction des coûts) déterminera s’il existe ou non un préjudice injustifié. Dans certains cas, comme en cas de risque grave ou imminent, les tentatives d’atténuation des risques peuvent causer un préjudice injustifié[356].

9.10 Autres limites

Le Code indique que seulement trois facteurs peuvent être pris en compte lorsqu’on détermine si une mesure d’adaptation est susceptible de causer un préjudice injustifié (coût, sources extérieures de financement et exigences relatives à la santé et à la sécurité). Cependant, les tribunaux administratifs et judiciaires ont reconnu dans certains cas que le droit à l’accommodement n’est pas absolu, même lorsque ces trois facteurs ne causent aucun préjudice injustifié[357]. Dans un nombre limité de situations, il pourrait s’avérer impossible de tenir compte des besoins liés à la croyance d’une personne. Ces situations sont abordées plus loin.

Les organisations ne doivent cependant pas sauter à la conclusion qu’un accommodement n’est pas possible ou nécessaire. Elles doivent satisfaire à leur obligation procédurale d’accommodement en examinant les situations au cas par cas et en explorant les mesures d’adaptation de rechange, comme les mesures graduelles ou provisoires. C’est aux organisations que reviendra la tâche de démontrer quelles étapes elles ont suivies et les raisons concrètes pour lesquelles l’accommodement n’était pas possible.

9.10.1 Non-participation au processus d’accommodement

Toutes les parties au processus d’accommodement ont l’obligation d’y collaborer au meilleur de leurs capacités. Dans certains cas, une organisation pourrait être réputée avoir rempli ses obligations procédurales et de fond en lien avec l’accommodement si la personne en quête d’accommodement n’a pas pris part au processus.

Par exemple, une personne pourrait être réputée ne pas avoir pris part au processus si elle refuse de donner suite à des demandes raisonnables d’information requise pour évaluer ou combler ses besoins en matière d’accommodement ou de collaborer à l’élaboration des mesures d’adaptation. Les décisionnaires ont également conclu que les personnes doivent faire connaître leurs besoins en matière d’accommodement de la croyance dans des délais raisonnables. Si elles ne le font pas, les tribunaux pourraient conclure que l’organisation n’a pas manqué à son obligation d’accommodement.

Exemple : Le TDPO a conclu qu’un employé qui se qualifiait de musulman n’avait pas informé son employeur en temps opportun qu’il avait besoin de quatre heures de congé sans solde pour célébrer une fête religieuse. L’employeur autorisait généralement ce genre de congé lorsqu’il recevait un préavis suffisant. Dans cette affaire, le préavis de 72 heures donné par l’employé n’était pas suffisant pour permettre à l’employeur de trouver quelqu’un pour le remplacer[358].

Avant de conclure qu’une personne n’a pas collaboré au processus d’accommodement, les organisations devraient prendre en considération tout facteur lié à la croyance ou à un autre motif du Code qui pourrait empêcher la personne d’y prendre part. Elles pourraient devoir également tenir compte de ces facteurs. Les organisations devraient également déterminer s’il est nécessaire de modifier la mesure d’adaptation parce qu’elle ne fonctionne pas.

9.10.2 Conciliation de droits contradictoires

Les droits de la personne relatifs à la croyance se sont souvent retrouvés au cœur de scénarios et de conflits de droits contradictoires. Le débat public a souvent mis à tort en opposition les « droits religieux » et l’« accommodement religieux », d’une part, et les « droits de la personne » et les « droits à l’égalité » de l’autre. Les droits associés à la religion et à la croyance sont des droits à l’égalité/de la personne[359]. Bien que certains allèguent que ces droits puissent parfois entrer en conflit avec d’autres droits de la personne, la législation canadienne inclut un système vigoureux de poids et de contrepoids qui assure l’équilibre et la protection de tous nos droits de la personne dans toute la mesure du possible.

Habituellement, quand une personne soumet une demande d’accommodement, l’organisation sera en mesure de fournir la mesure d’adaptation sans que cela n’ait de répercussion sur les droits reconnus d’autrui.

Parfois cependant, une demande d’accommodement pourrait se transformer en situation de « droits contradictoires ». Cela complique l’approche habituelle de résolution des conflits relatifs aux droits de la personne, où l’atteinte concerne les droits de la personne d’une partie uniquement. Dans certains cas, une seule partie dépose une requête en matière de droits de la personne, mais cette requête touche aussi les droits de la personne d’une autre ou de plusieurs autres parties.

Les organisations et groupements qui mènent des activités en Ontario sont tenus, selon la loi, de prendre des mesures pour prévenir les situations de droits contradictoires et régler celles qui surviennent.

Exemple : Un employé qui occupait un quart de nuit dans une usine de transformation du poisson avait pour conviction sincère que sa pratique religieuse exigeait qu’il « prêche et enseigne l’Évangile, convertisse et baptise des personnes ». Il s’obstinait à prêcher l’Évangile et à tenter de convertir ses collègues durant les heures de travail. D’autres employés se sont plaints et ont été transférés au quart de jour.

Quand l’employé est devenu superviseur, ses activités religieuses au travail sont devenues encore plus préoccupantes en raison de sa nouvelle position d’autorité. Son employeur l’a averti à plusieurs reprises de respecter les croyances de ses collègues et de cesser de prêcher l’Évangile et de tenter de convertir les employés durant les heures de travail. Il a été mis à pied après avoir refusé d’acquiescer.

Le tribunal de la Colombie-Britannique a déterminé que l’exigence de l’employeur de ne pas prêcher l’Évangile durant les heures de travail constituait une exigence professionnelle de bonne foi compte tenu des droits contradictoires des autres employés. L’employeur avait l’obligation de maintenir un environnement de travail dans lequel tous les employés, quels que soient leurs antécédents religieux, se sentaient à l’aise et respectés. Le tribunal a conclu que la réaction de l’employeur, qui avait fait tout ce qu’il pouvait jusqu’au point de préjudice injustifié, n’était pas excessive. La plainte a été rejetée[360].

La Politique sur les droits de la personne contradictoires[361] de la CODP propose un cadre d’analyse et de résolution des situations de droits contradictoires. Elle présente aussi des mesures proactives concrètes que peuvent prendre les organisations pour réduire les conflits relatifs à des droits de la personne et situations de droits contradictoires éventuelles.

En vertu du Code, les organisations ont le devoir de tenir compte des besoins des personnes en lien avec le Code. Au moment d’examiner la nature d’une revendication, les organisations doivent déterminer si la situation concerne uniquement des activités d’affaires ou si elle fait intervenir des droits contradictoires d’autres personnes et groupes. Les revendications qui touchent uniquement des activités d’affaires relèvent de l’obligation d’accommodement (c’est-à-dire si une mesure d’adaptation est appropriée ou constitue un préjudice injustifié). Il ne s’agit pas de revendications de droits de la personne contradictoires.

Exemple : Une femme se plaint de discrimination quand son employeur refuse sa demande de modification de son horaire de travail en vue d’assister à des services religieux hebdomadaires et de faire l’observance du Sabbat. Sa demande ne semble pas avoir d’incidence sur les droits légaux d’autres personnes. Par conséquent, il ne s’agit pas ici d’une situation de droits contradictoires, mais plutôt d’une demande de mesure d’adaptation relative aux droits de la personne[362].

Vous trouverez ci-après certains principes clés de l’analyse des droits contradictoires[363].

Aucune hiérarchie des droits/aucun droit absolu

En matière de droits contradictoires, la Cour suprême du Canada a confirmé qu’il n’y avait aucune hiérarchie relativement aux droits énoncés dans la Charte. Tous les droits ont le même statut, aucun droit n’étant plus important qu’un autre[364]. À cela est relié le principe selon lequel aucun droit n’est absolu. Tous les droits sont en soi limités par les droits et libertés d’autrui[365]. Par conséquent, si des droits s’opposent, les principes de la Charte commandent une « conciliation des droits » qui respecte pleinement l’importance des deux catégories de droits de sorte que le plus grand exercice possible de chacun des droits soit réalisable[366].

Importance du contexte

La conciliation des droits contradictoires ne peut s’effectuer dans l’abstrait. Les droits garantis par la Charte n’existent pas dans le vide et leur sens et leur contenu dépendent du contexte. Bien qu’on retrouve dans la jurisprudence plusieurs principes fondamentaux servant de guide à la conciliation des droits contradictoires, il n’existe pas de « règle nette » à ce chapitre[367]. Le contexte détermine comment concilier les droits contradictoires dans une affaire donnée[368].

Portée des droits : Détermination des droits en jeu et de la possibilité qu’ils aient été enfreints

Lorsqu’une situation de droits contradictoires potentiels survient, on doit avant tout déterminer quels droits sont revendiqués ou en jeu. Par exemple, les organisations doivent déterminer s’il existe un lien entre une demande d’accommodement donnée et un droit légitime, et si l’adoption d’une mesure d’adaptation aurait un effet réel sur les droits d’autrui aux termes du Code ou de la Charte.

Dans bien des cas, les droits que la situation fait intervenir sont évidents. Mais dans d’autres, les droits en jeu sont plus difficiles à repérer. Il peut être nécessaire de mener une enquête plus approfondie et d’entendre des preuves permettant d’établir que la requête s’inscrit dans la portée d’un droit, telle que définie par les tribunaux[369].

Dans le contexte des droits religieux, bien des conflits apparents de droits contradictoires ont été résolus en se demandant tout simplement si la requête s’inscrivait dans la portée du droit dans la présente situation. La délimitation de la portée de chaque droit peut parfois révéler qu’il n’existe pas d’empiètement réel d’un droit sur un autre.

Exemple : En 2004, la Cour suprême du Canada a été appelée à se prononcer sur la constitutionalité d’un projet de loi qui étendrait le droit de se marier aux personnes du même sexe[370]. Selon l’un des arguments présentés, le fait de permettre l’accès au mariage aux couples de même sexe porterait atteinte aux droits à l’égalité ou aux droits religieux des personnes qui s’opposent au mariage entre personnes de même sexe pour des motifs religieux. La Cour a rejeté l’argument voulant qu’il s’agisse d’un conflit de droits contradictoires et déclaré que la reconnaissance des droits des gais et lesbiennes de se marier ne pouvait, en soi, porter atteinte aux droits d’autres groupes[371].

L’analyse initiale de la portée d’un droit consiste entre autres à examiner si la situation fait l’objet d’une exemption législative ou si elle relève de la compétence du Code. Cela est particulièrement vrai lorsqu’il s’agit de droits relatifs à la croyance.

Exemple : Une femme qui s’oppose aux convictions de l’Église catholique au sujet de l’avortement n’a pas pu invoquer le Code pour contester une inscription sur un monument situé sur le terrain d’une église[372]. Au moment d’interpréter le sens de « service » ou d’« installation » aux termes du Code, le TDPO a tenu compte du droit de l’Église catholique d’exprimer sa liberté de religion. Le tribunal a conclu que l’inscription d’une conviction religieuse sur un bien situé sur le terrain d’une église n’est ni un « service » ni une « installation » au sens de l’article 1 du Code.

Quand il s’agit de déterminer l’étendue des protections offertes en matière de croyance, les tribunaux ont soutenu que la protection des convictions religieuses pourrait être plus grande que la protection des conduites motivées par ces convictions[373]. Cela est dû au fait que les gestes que nous posons en fonction de nos convictions peuvent avoir un plus grand effet néfaste ou préjudiciable sur les droits d’autrui[374].

En même temps, on doit pouvoir démontrer à l’aide de preuves que l’exercice des droits des uns nuirait à celui des droits d’autrui. Cette démonstration ne peut être fondée uniquement sur des spéculations ou des points de vue hypothétiques sur l’effet que pourrait avoir sur certains le fait de reconnaître un droit relatif à la croyance et d’en assurer l’accommodement[375].

Exemple : La Cour suprême du Canada s’est demandé si des diplômés d’une université chrétienne privée (Trinity Western), qui exige que ses étudiants suivent certaines « normes communautaires » interdisant les « activités homosexuelles », devraient obtenir du British Columbia College of Teachers leur permis d’enseignement au sein du système d’éducation public[376]. L’ordre des enseignants soutenait que les programmes d’enseignement devaient être offerts dans un milieu qui reflétait les valeurs inhérentes aux droits de la personne et qu’un établissement qui veut former des enseignants à des fins d’emploi au sein du système d’éducation public doit démontrer qu’il offre un environnement qui prépare adéquatement les futurs enseignants à la diversité des élèves qui composent le système d’éducation public. L’ordre des enseignants a également affirmé avoir des raisons de craindre que les diplômés du programme de Trinity Western ne fassent de la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle. La Cour suprême a conclu que cette affaire pouvait être résolue « en délimitant correctement les droits et valeurs en cause ». Une bonne délimitation de la portée des droits a permis d’éviter un conflit réel. La Cour a conclu que la ligne de démarcation appropriée dans cette affaire se situait entre la liberté d’adhérer à des convictions et celle d’agir en fonction de ces convictions. Il n’y a aucune preuve concrète indiquant que les diplômés de Trinity Western agiraient de manière discriminatoire du seul fait qu’ils ont certaines convictions au sujet de « l’homosexualité ».

On peut parfois croire à tort qu’on assiste à une situation de droits contradictoires en raison de notions préconçues, d’hypothèses ou de stéréotypes à l’endroit de personnes identifiées par une croyance, de la nature de leurs convictions ou pratiques, ou du rapport qu’entretiennent ces personnes avec d’autres groupes protégés par le Code. Même si les motifs de droits de la personne les plus souvent cités dans les requêtes en matière de droits de la personne contradictoires incluent le sexe, la croyance, l’orientation sexuelle et le handicap, les organisations doivent se garder d’adopter des stéréotypes sur les rapports conflictuels entre les communautés de croyance et les expressions de l’identité, ou de présumer que ces dernières sont mutuellement exclusives[377].

Évaluation de la portée de l’entrave aux droits et équilibre approprié à atteindre

Si deux catégories de droits entrent réellement en jeu, l’organisation qui doit concilier les droits contradictoires devrait évaluer la portée de l’atteinte sur chacune des catégories de droits. S’agit-il d’une entrave importante au droit, ou d’une entrave négligeable et insignifiante? Des éléments fondamentaux du droit ont-ils été atteints, ou est-ce que l’entrave touche uniquement ses éléments périphériques? S’il l’entrave à un des droits est jugée négligeable, l’analyse prendra fin et ce droit devra généralement céder la place à l’autre.

Exemple : Un homme gai s’est présenté dans une imprimerie pour commander du papier à en-tête et des cartes de visite au nom de l’organisme Gay and Lesbian Archives. Le propriétaire de l’imprimerie a refusé la commande pour des motifs religieux. Une commission d’enquête en matière de droits de la personne a conclu que le propriétaire avait fait preuve de discrimination fondée sur l’orientation sexuelle[378]. Le propriétaire a fait appel de la décision devant la Cour divisionnaire[379] et a demandé à la Cour d’annuler la décision au motif de son droit constitutionnel à la liberté de religion. Au moment de déterminer si la décision de la commission d’enquête avait limité de manière indue ce droit, la Cour a souligné que plus une activité s’éloigne des éléments « fondamentaux » de la liberté de religion, plus elle est susceptible d’avoir des répercussions sur autrui et moins elle est susceptible de mériter de protection. Elle a établi que les services d’impression commerciaux du propriétaire de l’entreprise se trouvaient à la périphérie des activités protégées en vertu de la liberté de religion. La Cour a donc conclu que les limites imposées à son droit à la liberté de religion sont justifiées pour prévenir la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle. Cependant, la Cour a ajouté que dans un contexte différent, les conclusions pourraient être différentes, par exemple si le contenu du matériel à imprimer entrait plus directement en conflit avec des éléments fondamentaux des convictions de l’imprimeur[380].

Quand l’atteinte aux deux catégories de droits est considérable, l’organisation devrait se demander quel préjudice entraînerait le fait de limiter chacune des catégories de droits. Dans cette analyse, le contexte est primordial.

Les organisations devraient faire tout en leur possible pour chercher un compromis constructif ou assurer l’accommodement des deux catégories de droits de façon à minimiser l’entrave et à maximiser dans la mesure du possible l’exercice des droits de chacune des parties[381]. La recherche d’un compromis inclut l’examen de mesures qui pourraient atténuer le préjudice causé à chaque catégorie de droits. Les questions à poser incluent ce qui suit :

  • Peut-on assurer l’accommodement des deux catégories de droits ou faire les rajustements nécessaires à chacune des catégories pour en arriver à un « compromis constructif »?
  • Existe-t-il une solution assurant la jouissance de chacun des droits?
  • S’il n’en existe pas, y a-t-il une solution de rechange qui minimise tout effet préjudiciable éventuel?

S’il n’est pas possible de trouver une solution qui assure la jouissance maximale de chacun des droits, l’organisation devrait examiner s’il existe une solution de rechange qui minimise tout effet préjudiciable éventuel.

Exemple : La Cour d’appel de l’Ontario et la Cour suprême du Canada ont considéré la question de savoir si une femme musulmane qui porte le niqab (un voile recouvrant tout le visage, sauf les yeux) pour des raisons religieuses pourrait être tenue de l’enlever au moment de témoigner au sujet d’actes allégués d’agression sexuelle subis dans son enfance[382]. Les deux cours ont souligné l’importance d’explorer les « mesures d’adaptation » ou « compromis constructifs » qui pourraient permettre de faire des rajustements raisonnables à la fois à la liberté de religion du témoin et au droit des accusés à une défense pleine et entière, comme le fait de prévoir un tribunal présidé par une femme et composé uniquement de personnel féminin[383].

Parfois, le processus de prise en compte des droits contradictoires satisfait les parties au conflit. À d’autres moments, un droit pourrait devoir en définitive avoir préséance sur un autre dans les circonstances, malgré les meilleurs efforts déployés et processus entrepris.

Au moment d’explorer les différentes options de conciliation de droits contradictoires, les organisations ont parfois besoin de tenir compte des valeurs constitutionnelles sous-jacentes, des intérêts de la société et des méfaits plus vastes pour la société de l’atteinte à un ou l’autre des droits. Parmi les intérêts reconnus dans la jurisprudence figurent le respect de la dignité humaine, la promotion de la justice sociale et de l’égalité sociale, l’acceptation d’une grande variété de croyances, l’accommodement d’une grande variété de convictions, l’attribution de stéréotypes négatifs aux groupes minoritaires, l’égalité des sexes, la protection du meilleur intérêt de l’enfant, l’accès à la justice et la confiance du public dans le système de justice.

Exemple : Une majorité des juges de la Cour suprême du Canada a conclu que la décision d’un couple de refuser une transfusion de sang à leur bébé pour des motifs religieux était protégée en vertu de la liberté de religion[384]. Grâce à une démarche autorisée par la Loi sur les services à l’enfant et à la famille de la province, l’enfant avait été jugé pupille à titre temporaire de la société d’aide à l’enfance, qui avait consenti à la transfusion sanguine. Au moment d’explorer la constitutionalité de la Loi sur les services à l’enfant et à la famille, la Cour s’est fondée sur l’article 1 de la Charte pour mettre en opposition les intérêts de l’État relativement à la protection des enfants à risque et les droits à la liberté de religion des parents. Elle a conclu que les intérêts de l’État l’emportaient sur les droits religieux et que l’atteinte au droit des parents aux termes de la Charte était justifiée. Cependant, les tribunaux ont rendu des décisions différentes dans d’autres affaires relatives au droit des parents de refuser un traitement médical au nom de leurs enfants pour des motifs religieux, moraux ou culturels, compte tenu du contexte différent et d’autres facteurs, comme l’âge de l’enfant[385] et les droits ancestraux et issus de traités des autochtones, aux termes de l’article 35 de la Charte[386] .

La recherche de solutions peut s’avérer difficile, prêter à controverse ou mécontenter une des parties au conflit. Quelle que soit la situation, il importe de ne pas sauter aux conclusions. Le Code exige que les organisations procèdent au cas par cas pour trouver des solutions élaborées de façon collaborative qui permettent de concilier les droits contradictoires et de tenir compte des besoins des personnes et des groupes, dans la mesure du possible.

L’adoption d’un processus rigoureux est un facteur clé du succès de toute résolution de conflits. Ce processus devrait comprendre :

  • la participation de toute les parties prenantes aux négociations, dans la mesure du possible, en tenant compte des déséquilibres de pouvoir possibles et en prenant les mesures nécessaires pour les atténuer
  • la recherche de solutions favorables à toutes les parties et de compromis qui aident les parties adverses à cerner et comprendre les droits contradictoires des personnes auxquelles leurs propres droits portent atteinte
  • assurer la vie privée, la confidentialité et le respect de toutes les parties prenantes, à toutes les étapes du processus. 

Pour en savoir davantage sur ce qui contribue au succès du processus de résolution des conflits, et sur les étapes pertinentes de l’analyse, voir la Politique sur les droits de la personne contradictoires de la CODP[387].

9.11 Facteurs exclus

9.11.1 Moral des employés

Dans certains cas, l’accommodement d’un employé, locataire ou usager de services peut susciter des réactions négatives de la part de collègues ou d’autres locataires ou usagers de services qui ne connaissent pas les raisons de l’accommodement ou qui croient que la personne reçoit un traitement préférentiel. La réaction peut aller du ressentiment à l’hostilité. La CODP a entendu que ce type de réaction négative et de ressentiment représentait souvent des défis de taille pour les fournisseurs de mesures d’adaptation et les personnes en quête d’accommodement.

La réaction négative d’autrui ne peut pas servir à justifier le manque d’accommodement[388]. L’organisation et la personne responsables de fournir la mesure d’adaptation devraient plutôt s’assurer que les employés s’appuient mutuellement et contribuent à faire régner un climat favorable pour tous les employés. Le fait d’offrir une formation peut aider les autres à mieux comprendre la diversité de croyances, ainsi que prévenir ou atténuer les réactions négatives et le ressentiment. Il n’est pas acceptable de permettre que des attitudes discriminatoires dégénèrent en hostilités qui empoisonnent l’atmosphère dans laquelle travaillent les personnes s’identifiant à une religion ou croyance particulière.

De plus, les personnes qui adhèrent à une religion ou à une croyance ont droit à des mesures d’adaptation qui respectent leur dignité. On fait un affront à la dignité de quelqu’un lorsqu’on néglige de prévenir ou de régler des problèmes liés au moral des employés et aux idées fausses découlant de la perception d’un manque d’équité.

9.11.2 Préférence des tiers

La jurisprudence sur les droits de la personne indique que les préférences de tierces parties ne justifient pas des actes discriminatoires. Ce principe s’applique également aux préférences des clients[389].

Exemple : Un centre récréatif fait en sorte que plusieurs de ses classes de natation soient offertes aux femmes seulement, afin de tenir compte des besoins d’ordre religieux des femmes juives orthodoxes, musulmanes et mennonites vivant dans la région et de favoriser la participation de ces femmes. Certains usagers des services s’opposent à cette mesure d’adaptation parce qu’ils croient qu’elle équivaut à l’imposition sur les « canadiens du courant dominant » de « valeurs et de modes de vie étrangers ». Les points de vue et préférences des usagers de services n’ont aucune pertinence et ne s’inscrivent pas dans les facteurs de justification du retrait de la mesure d’adaptation, à moins que l’on puisse prouver que cette mesure porte dans les faits atteinte à un droit contradictoire.

Exemple : Une organisation bouddhiste cherche à ériger un temple. La municipalité refuse de lui octroyer le permis de construction du temple en raison de l’opposition des résidents au style architectural proposé pour l’immeuble. Les résidents allèguent que ce style ne « cadre » pas avec l’entourage sur le plan culturel. Aucun droit contradictoire ni exigence de bonne foi n’est revendiqué aux termes du Code, et il n’existe pas de principe de droit municipal pouvant justifier le refus d’octroyer le permis. L’organisation allègue qu’il s’agit de discrimination fondée sur la croyance.

9.11.3 Inconvénients professionnels ou droits économiques

Les « inconvénients professionnels » (ou « inconvénients commerciaux ou économiques ») ne constituent pas un argument à l’appui du non-respect de son obligation d’accommodement[390].

Exemple : Un syndicat de copropriétaires d’un immeuble n’a pas permis à plusieurs copropriétaires juifs d’installer des souccahs (huttes temporaires closes) sur leur balcon[391]. Le syndicat soutenait que l’installation de ces structures réduirait la valeur économique et esthétique de leur propriété et nuirait indûment à leur droit de propriété. Le tribunal a rejeté cet argument et déterminé que les droits et libertés des résidents juifs en matière de religion, auxquels une interdiction des souccahs porterait une atteinte substantielle, « l’emporterait clairement » sur les inquiétudes non étayées des autres copropriétaires concernant la perte de valeur de leur propriété.

Les coûts relatifs à la baisse de productivité ou d’efficacité peuvent être pris en compte dans l’évaluation du préjudice injustifié en vertu de la norme en matière de coût, pourvu qu’ils soient quantifiables et qu’on puisse démontrer qu’ils sont liés à la mesure d’adaptation projetée.

9.11.4 Conventions collectives ou contrats

Les tribunaux ont statué que les conventions collectives et les contrats doivent respecter les exigences des lois sur les droits de la personne. L’inverse équivaudrait à permettre aux parties de conclure des accords qui portent atteinte à leurs droits aux termes du Code, sous l’égide d’ententes privées. Sous réserve de la norme de préjudice injustifié, les dispositions des conventions collectives ou d’autres contrats ne peuvent justifier des actes discriminatoires interdits par le Code.

Exemple : Une organisation exige que tous ses employés signent un contrat d’emploi qui les oblige à travailler n’importe quel jour de la semaine, au besoin. L’employeur utilise les dispositions de ce contrat pour refuser d’acquiescer aux demandes d’accommodement fondé sur la croyance de ses employés (par exemple, congés d’emploi pour participer à des fêtes religieuses) lorsque celles-ci entrent en conflit avec les horaires de travail existants. Cela pourrait enfreindre le Code étant donné que l’employeur n’a pas respecté son obligation procédurale ou de fond d’assurer l’accommodement de la croyance jusqu’au point de préjudice injustifié. Même si les employés signent une telle dérogation, ni l’employeur ou ses employés ne peuvent abdiquer des droits de la personne et responsabilités connexes par voie de contrat.

Un syndicat peut engendrer de la discrimination ou y contribuer en participant à la formulation d’une contrainte professionnelle, comme une disposition d’une convention collective, ayant un effet discriminatoire[392]. Il appartient conjointement aux syndicats et aux employeurs de négocier des conventions collectives qui respectent les lois sur les droits de la personne. Ils devraient inclure le concept d’égalité dans les conventions collectives[393].

Cependant, si un employeur et un syndicat ne parviennent pas à s’entendre sur une question d’accommodement, l’employeur doit mettre en œuvre la mesure d’adaptation nécessaire malgré la convention. Si le syndicat s’oppose à l’accommodement ou refuse de collaborer au processus d’accommodement, il peut être cité comme intimé dans le cadre d’une requête en droits de la personne.

Exemple : Un gardien d’école et adventiste du septième jour a demandé à son employeur de tenir compte de ses besoins en lui permettant de ne pas travailler les vendredis après-midi pour se soumettre au Sabbat. Le syndicat s’est opposé à la modification de son horaire de travail, étant donné que cela nécessiterait une exception à la convention collective. Comme le syndicat a menacé de déposer un grief, l’employé n’a pas obtenu la mesure d’adaptation demandée et a été licencié lorsqu’il a refusé de se présenter à son quart de travail du vendredi soir.

La Cour suprême du Canada a confirmé que lorsqu’une convention collective a un effet préjudiciable sur des employés en raison de leur croyance, le syndicat et l’employeur ont une responsabilité commune et partagée de chercher et de fournir des mesures d’adaptation, jusqu’au point de préjudice injustifié. L’employeur et le syndicat ont tous les deux été jugés responsables du défaut de tenir compte des besoins de l’employé[394].

Les syndicats doivent satisfaire aux mêmes exigences de démonstration du préjudice injustifié sur le plan des coûts et de la santé et sécurité. Par exemple, s’il peut être démontré qu’une dérogation à une convention collective occasionnerait des coûts financiers directs, ce facteur peut être pris en considération en vertu de la norme de coûts.

9.11.5 Conviction ou pratique jugée déraisonnable

« Force est de constater que la tolérance de croyances divergentes est la marque d’une société démocratique ». – Cour suprême du Canada[395]

Pour déclencher l’obligation d’accommodement, il n’est pas nécessaire que la conviction ou la pratique sincère d’une personne en matière de croyance satisfasse à quelconque critère ayant trait à son « caractère raisonnable » ou sa « justesse »[396].

L’obligation d’accommodement prévue au Code s’étend à une variété de convictions ou de pratiques, pourvu qu’elles se rattachent à une croyance, sous réserve des limites présentées aux sections 9.9 et 9.10 de ce document.

« Lorsqu’on demande aux gens d’être tolérants envers autrui, on ne leur demande pas de renoncer à leurs convictions personnelles. On leur demande simplement de respecter les droits, les valeurs et le mode de vie des personnes qui ne partagent pas ces convictions. La croyance que les autres ont droit au même respect s’appuie non pas sur la croyance que leurs valeurs sont justes, mais sur la croyance qu’ils ont droit au même respect que leurs valeurs soient justes ou non ». – Cour suprême du Canada[397]

Lorsqu’on donne suite à une demande d’accommodement, il n’est pas approprié d’évaluer le « caractère raisonnable » ou la « justesse » des convictions ou pratiques d’une personne[398], à moins d’avoir des motifs raisonnables de croire que cela pourrait promouvoir la haine ou la violence, l’inciter ou contrevenir au droit criminel[399]. Si un accommodement de la croyance porte atteinte aux droits d’autrui, l’organisation doit adopter une approche de conciliation des droits contradictoires[400]. Elle devra évaluer le rapport entretenu entre la conviction ou pratique et un droit réel, et les répercussions de l’exercice de ce droit sur les droits d’autrui.

9.11.6 Laïcité et devoir de neutralité

La Cour suprême du Canada a confirmé que l’État et les institutions gouvernementales devaient faire preuve de neutralité en matière de religion.[401] Cela leur interdit (à moins de bénéficier d’une exemption aux termes de la loi) d’imposer, de professer, d’adopter ou de favoriser une conviction à l’exclusion des autres[402], que cette conviction soit religieuse ou non.

« [L]a neutralité de l’État est assurée lorsque celui-ci ne favorise ni ne défavorise aucune conviction religieuse; en d’autres termes, lorsqu’il respecte toutes les positions à l’égard de la religion, y compris celle de n’en avoir aucune, tout en prenant en considération les droits constitutionnels concurrents des personnes affectées ». – Cour suprême du Canada[403]

Le devoir de neutralité est fondé sur le droit des personnes et des communautés à un traitement égal dans la sphère publique, sans égard à leur religion ou croyance, ainsi que sur des engagements constitutionnels fondamentaux envers le multiculturalisme, le pluralisme, la liberté et la démocratie[404]. Il n’exige pas que les personnes « laissent leur convictions religieuses ou rattachées à la croyance à la porte » parce qu’elles évoluent dans une sphère « laïque » ou « publique »[405].

« Une réponse laïque obligeant les témoins à laisser de côté leur religion à l’entrée de la salle d’audience est incompatible avec la jurisprudence et la tradition canadienne, et restreint la liberté de religion là où aucune limite n’est justifiable ». – Cour suprême du Canada[406]

« La poursuite de valeurs laïques implique le respect du droit d’avoir et de professer des convictions religieuses différentes. Un État laïque respecte les différences religieuses; il ne cherche pas à les faire disparaître ». – Cour suprême du Canada[407]  

« À mon sens, le Code assure l’égalité en matière de croyance, mais ne chasse pas la croyance de tous les lieux publics. En effet, une telle politique serait contraire aux valeurs de diversité et d’inclusion du Code ». – Tribunal des droits de la personne de l’Ontario[408]

En règle générale, il est préférable pour les organisations d’assurer l’égalité au moyen d’une conception inclusive qui reconnaît la diversité culturelle et en tient compte, plutôt que par l’exclusion universelle, à moins de pouvoir démontrer qu’une telle exclusion constitue la meilleure façon d’assurer l’égalité dans les circonstances.

Exemple : Une organisation célèbre la fête de Noël en même temps que d’autres fêtes et dates religieuses et non religieuses importantes. En agissant ainsi, elle offre la même reconnaissance à toutes les croyances (plutôt que de tenir compte d’aucune d’entre elles).

Les organisations ne doivent pas rejeter les demandes d’accommodement de la croyance d’employés, d’usagers de services ou de locataires du seul fait qu’elles évoluent dans la sphère publique laïque.

Les gens ont le droit à l’accommodement de leur religion ou croyance, et à des « changements de procédures » au sein des institutions publiques laïques, aux termes du Code et de la Charte[409]. Le fait de ne pas tenir compte des observances religieuses ou rattachées à la croyance d’une personne ou de traiter les gens différemment en raison de leur croyance dans des domaines sociaux protégés par le Code (services, biens et installations, emploi, logement, contrats et associations professionnelles) pourrait contrevenir au Code.

Exemple : Une ville de la Nouvelle-Écosse a pour politique administrative d’interdire les spectacles ayant un message religieux ou politique sur ses scènes publiques. Lorsqu’un révérend a demandé d’utiliser la scène Marina pour un spectacle intitulé This Blood is For You, qui comprenait une courte pièce de théâtre, des chants gospel et des sermons inspirés de l’Évangile, la demande a été refusée au motif que le spectacle contenait un message religieux. Comme la religion a été un facteur dans la décision de ne pas permettre au révérend d’utiliser la scène de la municipalité, un tribunal a conclu qu’il y avait eu discrimination[410].

En même temps, le droit à un traitement égal en matière de croyance et l’obligation d’accommodement ne permettent pas aux personnes de professer, d’adopter ou de favoriser une conviction à l’exclusion des autres lorsqu’elles agissent dans l’exercice de fonctions organisationnelles officielles[411].


[267] Voir la section 9.5 sur le critère juridique. L’obligation d’accommodement de la croyance a été reconnue par la Cour suprême du Canada dans Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons-Sears, [1985] 2 R.C.S. 536, lorsque la Cour a conclu que l’employeur doit assurer l’accommodement d’un employé qui ne peut travailler du coucher du soleil, le vendredi, au coucher du soleil le samedi.

[268] Cela est conforme aux objectifs fondamentaux du Code des droits de la personne de l’Ontario, qui sont établis dans le préambule du Code et incluent le fait de « créer un climat de compréhension et de respect mutuel de la dignité et de la valeur de toute personne de façon à ce que chacun se sente partie intégrante de la collectivité et apte à contribuer pleinement à l’avancement et au bien-être de la collectivité et de la province ».

[269] Janssen v. Ontario Milk Marketing Board (1990), 13 C.H.R.R. D/397 (Ont. Bd. Inq.), au par. 30.

[270] Derksen v. Myert Corps. Inc. (No. 2), 2004 BCHRT 60, 50 C.H.R.R. D/109.

[271] Le Center for Universal Design de la North Carolina State University définit la conception universelle comme « la conception de produits et d’environnements que tous les usagers, dans toute la mesure du possible, peuvent utiliser ou fréquenter sans nécessiter de mesures d’adaptation ou de caractéristiques spécialisées ». Voir www.tiresias.org/guidelines/inclusive.htm. Information extraite le 30 juillet 2004.

[272] Meiorin, supra, note 241, au par. 68.

[273] Idem.

[274] Voir Meiorinsupra, note 241, aux par. 65-66 et Colombie-Britannique (Superintendent of Motor Vehicles) c. British Columbia (Council of Human Rights), [1999] 3 R.C.S. 868 [Grismer], aux par. 22 et 42-45. Voir aussi ADGA v. Lane, supra, note 93.

[275] ADGA v. Lane, idem, au par. 107 (Ont. Div. Ct.) et plus récemment Lee v. Kawartha Pine Ridge District School Board, 2014 HRTO 1212 (CanLII), aux par. 96-97.

[276] Qureshi v. G4S Security Services, 2009 HRTO 409 (CanLII) [Qureshi v. G4S].

[277] Dans Gourley v. Hamilton Health Sciences, 2010 HRTO 2168 (CanLII), l’arbitre a indiqué ce qui suit : « La composante de fond de l’analyse examine le caractère raisonnable de la mesure d’adaptation offerte ou les raisons pour lesquelles l’intimé ne fournit pas de mesure d’adaptation. Il revient à l’intimé de démontrer que des éléments ont été considérés, des évaluations ont été menées et des mesures ont été prises pour tenir compte des besoins de l’employé jusqu’au point de préjudice injustifié […] » (au par. 8).

[278] Eaton c. Conseil scolaire du comté de Brant, [1997] 1 R.C.S. 241.

[279] Idem. Bien que la Cour suprême ait déclaré que « l’intégration devrait être reconnue comme la norme d’application générale en raison des avantages qu’elle procure habituellement » (au par. 69), elle a jugé qu’en raison de l’état d’Emily Eaton, il était préférable qu’elle vive dans un milieu séparé.

[280] Cet exemple est tiré de Conseil scolaire de district de la région de York (CSDRY). Program Accommodations for Faith Purposes : A Guideline for Religious Accommodations, 2014. Extrait le 21 juillet 2015 de www.yrdsb.ca/Programs/equity/Documents/ReligiousAccomodation.pdf. Ce guide offre divers exemples de mesures d’adaptation (y compris les exemples cités ici). Ces exemples s’inscrivent habituellement le long d’un continuum allant de la pleine intégration et participation, ce qui représente l’idéal dans la mesure du possible, à la pleine exemption lorsque cela est approprié, selon la nature des restrictions nécessaires.

[281] Quesnel v. London Educational Health Centre, (1995) 28 C.H.R.R. D/474, au par. 16 (Ont. Bd. of Inq.).

[282] Voir l’article 11(1) du Codesupra, note 281.

[283] O'Malley, supra, note 74. Voir aussi Moore, supra, note 116, à propos du critère général de détermination de discrimination à première vue.

[284] Par exemple, dans Clipperton-Boyer v. RedFlagDeals.com, la CODP a affirmé ce qui suit : « Comme l’indique clairement la jurisprudence, les manifestations personnelles de la croyance d’une personne […] ne sont pas toutes en mesure de faire intervenir les protections prévues au Code. Au contraire, la protection du Code contre la discrimination religieuse est circonscrite de façon à ne couvrir que certains aspects significatifs des convictions et pratiques religieuses d’une personne » (2014 HRTO 1796 (CanLII) [Clipperton-Boyer], au par. 15).

[285] Dans Eldary v. Songbirds Montessori School Inc., 2011 HRTO 1026 (CanLII), le tribunal a conclu que la requérante n’avait pas été en mesure d’établir que le fait de gérer un camp de jour organisé par son église à titre d’activité de financement avait une nature religieuse suffisante pour mériter la protection du Code au motif de la croyance.

[286] Hendrickson Spring v. United Steelworkers of America, Local 8773 (Kaiser Grievances), [2005] O.L.A.. no. 382, 142 L.A.C. (4th) 159. Cette affaire a plus tard été citée dans une autre décision selon laquelle le fait d’offrir des présents de nature religieuse (p. ex., des stylos portant une inscription religieuse) en milieu de travail n’est pas un droit protégé, même si la possibilité de le faire était extrêmement importante pour l’auteure du grief. Aucune preuve n’indiquait que cette activité faisait partie de sa religion en tant que chrétienne régénérée; Ontario Public Service Employees Union v. Ontario (Ministry of Community and Social Services) (Barillari Grievance), [2006] O.G.S.B.A. No. 176, 155 L.A.C. (4th) 292.

[287] Assal v. Halifax Condominium Corp. No. 4 (2007), 60 C.H.R.R. D/101 (N.S. Bd. Inq.). Une commission d’enquête de la Nouvelle-Écosse a rejeté la requête voulant qu’un condominium soit tenu de prendre des mesures pour satisfaire à une demande d’installation d’une soucoupe, à l’encontre de ses propres règlements internes, pour permettre au requérant de capter des émissions religieuses et culturelles musulmanes de sources internationales. La commission a déclaré que pour pouvoir établir qu’il y a eu discrimination, il faut faire plus que montrer un lien quelconque avec la religion. Rien n’indiquait que l’accès au service par satellite constituait une pratique, une conviction, une obligation, une coutume religieuse ou qu’il faisait partie des préceptes de la foi ou de la culture de la famille. Bien que le requérant ait voulu avoir accès à une technologie permettant d’exposer davantage les membres de sa famille à leur culture, leur langue et leur religion, rien n’indiquait que son absence compromettrait de quelque façon que ce soit l’observance de leur foi.

[288] Whitehouse v. Yukon (2001), 48 C.H.R.R. D/497 (Y.T.Bd.Adj.). Dans cette décision, la commission d’arbitrage du Yukon n’a pas reconnu à un membre des Premières Nations le droit à un congé spécial pour assister à une réunion de sélection de revendications territoriales en raison de ses devoirs ancestraux et religieux.

[289] Clipperton-Boyer, supra, note 284. Voir le par. 16 en particulier, qui s’inspire d’Amselemsupra, note 5, au par. 69.

[290] Dans la plupart des cas, cela ne sera pas très difficile à démontrer. Par exemple, il est facile de démontrer qu’une exigence sur le plan de l’horaire nuit à l’observance d’une fête religieuse ou pratique temporelle. Cependant, l’établissement d’une entrave à un droit relatif à la croyance n’est pas toujours si évident et peut parfois nécessiter une analyse objective des règles, événements ou actions en cause, afin de déterminer s’ils ont porté atteinte aux droits relatifs à la croyance d’une personne, et dans quelle mesure. Les éléments de preuve de l’entrave peuvent prendre toutes les formes reconnues par la loi, mais doivent reposer sur des faits objectivement démontrables (S.L., supra, note 153, aux par. 22-24). Par exemple, dans McAteer v. Canada (Attorney General) (2014), 121 O.R. (3d) 1 (C.A.), la Cour d’appel de l’Ontario a rejeté la plainte de trois résidents permanents selon laquelle le fait d’exiger qu’ils jurent « fidélité et sincère allégeance à Sa Majesté la reine Elizabeth Deux, Reine du Canada, à ses héritiers et successeurs » pour obtenir la citoyenneté violait leur liberté de conscience et de religion aux termes du par. 2(a) de la Charte. Les trois requérants soutenaient que l’exigence selon laquelle la Reine devait être anglicane faisait en sorte que le serment privilégiait une religion à l’exclusion de toutes les autres, et que leurs convictions en matière de religion et de conscience les empêchaient de prêter serment à quelconque personne ou à un souverain étranger. Au moment de rejeter la requête, la Cour a affirmé que le serment requis aux termes de la Loi sur la citoyenneté était de nature « laïque ». La Cour a confirmé la décision de la Cour supérieure de justice, qui a conclu que le critère de détermination d’une entrave à la liberté de religion compte à la fois une composante objective et une composante subjective (aux par. 113 et 120). Pour consulter une décision similaire, voir aussi Roach c. Canada ( Ministre d'État au Multiculturalisme et à la Citoyenneté ), [1994] 2 CF 406.

[291] Ontario Public Service Employees Union, Local 560 v Seneca College, 2014 CanLII 39592 (ON LA).

[292] Selon le par. 11(2) du Code :

Le Tribunal ou un tribunal judiciaire ne doit pas conclure qu’une exigence, une qualité requise ou un critère est établi de façon raisonnable et de bonne foi dans les circonstances, à moins d’être convaincu que la personne à laquelle il incombe de tenir compte des besoins du groupe dont la personne est membre ne peut le faire sans subir elle-même un préjudice injustifié, compte tenu du coût, des sources extérieures de financement, s’il en est, et des exigences en matière de santé et de sécurité, le cas échéant.

[293] Meiorin, supra, note 241, au par. 54.

[294] Voir Hydro-Québec v. Syndicat des employé-e-s de techniques professionnelles et de bureau d’Hydro-Québec, section locale 2000, [2008] 2 R.C.S. 561 pour prendre connaissance des observations récentes de la Cour suprême du Canada relatives au sens du troisième élément de ce critère, dans la pratique, dans le contexte de l’accommodement des besoins de personnes handicapées en milieu de travail.

[295] Le critère de détermination du préjudice injustifié est présenté à la section 9.9 et examiné plus en détail dans le document de la CODP intitulé Politique et directives concernant le handicap et l'obligation d'accommodement. La même norme s’applique à tous les motifs du Code, y compris la croyance.

[296]Du fait de ce critère, la règle ou la norme elle-même doit être la plus inclusive possible et doit chercher à tenir compte des différences entre les personnes jusqu’au point de préjudice injustifié plutôt qu’à maintenir des normes discriminatoires et à prévoir des mesures d’adaptation complémentaires pour les personnes qui ne peuvent pas y satisfaire.

[297] Meoirin, supra, note 241, au par. 65.

[298] Le fait de s’en tenir à l’interprétation subjective qu’a la personne de sa religion n’est pas propre au droit canadien. On retrouve cette même approche dans des lois et résolutions internationales en matière de droit de la personne. Par exemple, un rapport d’activité de la rapporteuse spéciale sur la liberté de religion ou de conviction de l’Assemblée générale des Nations Unies (2009) affirme qu’« [i]l appartient aux fidèles eux-mêmes de définir les contenus d’une religion ou d’une conviction ».

[299] Voir la section 9.6 pour un complément d’information sur la possibilité de mener une « enquête objective », au besoin, sur le lien qui existe entre une conviction et une religion ou croyance.

[300]Singh v. Workmen's Compensation Board Hospital & Rehabilitation Centre (1981), 2 C.H.R.R. D/549 (Ontario Board of Inquiry).

[301] Amselem, supra, note 5, par. 66 affirme également que : « [S]elon la Charte québécoise (et la Charte canadienne), la personne qui invoque la liberté de religion n’a pas à démontrer que ses pratiques religieuses reposent sur une doctrine de foi obligatoire ».

[302] Des tribunaux administratifs et judiciaires ont indiqué qu’ils n’entreprendront pas de débats théologiques sur la validité ou le statut officiel de convictions ou de pratiques rattachées à la croyance (Amselem, supra, note 5, au par. 50; Cybulski v Canadian Corps of Commissionaires, Ottawa Division, 2014 HRTO 312 (CanLII). Les organisations ne devraient pas, non plus, tenter de le faire. Plutôt, l’attention doit être portée sur la sincérité de la croyance et non sur la validité qu’accordent à la conviction ou à la pratique les autres personnes de même foi (Amselem, au par. 43; R. c. Jones, [1986] 2 R.C.S. 284, au par. 20; Multanisupra, note 183, au par. 35).

[303] Amselem, idem, au par. 47.

[304] Une souccah est une petite hutte ou cabane temporaire close que certaines personnes juives jugent être tenues d’« habiter » temporairement pendant les neuf jours de la fête du Souccoth, qui commémore les 40 années de pérégrinations du peuple hébreu dans le désert à la suite de son exode hors d’Égypte.

[305] Amselem, supra, note 5, au par. 72.

[306] Idem, au par. 51.

[307] N.S., au par. 87. Voir également Edwards Bookssupra, note 5, au par. 142 et Amselem, idem, au par. 52.

[308] Amselem, idem.

[309] Voir la section 9.6.

[310] Amselemsupra, note 5, au par. 53. Par exemple, dans Bothwell v. Ontario (Minister of Transportation), 2005 CanLII 1066 (ON SCDC), un homme a dit qu’il s’opposait à la prise d’une photo numérique pour son permis de conduire, au motif de ses convictions religieuses. Cependant, il n’a pas été capable de démontrer que son objection avait trait à ses convictions religieuses sincères. Le tribunal a constaté de nombreuses incohérences dans ses actions qui jetaient un doute sur sa sincérité. Par exemple, il avait affiché sa photo numérique sur son propre site Web et avait été photographié par caméra numérique dans plusieurs autres contextes. De plus, dans plusieurs lettres envoyées au ministère et à d’autres correspondants, il avait soulevé des inquiétudes concernant la protection de la vie privée, et non des objections de nature religieuse, du fait que la photo numérique du permis de conduire était conservée dans la base de données du gouvernement.

[311] Amselem, idem.

 [I]l ne convient pas non plus que le tribunal analyse rigoureusement les pratiques antérieures du demandeur pour décider de la sincérité de ses croyances courantes. Tout comme une personne change au fil des ans, ses croyances peuvent elles aussi changer. De par leur nature même, les croyances religieuses sont fluides et rarement statiques. Il peut fort bien arriver que le lien ou les rapports d’une personne avec le divin ou avec le sujet ou l’objet de sa foi spirituelle, ou encore sa perception de l’obligation religieuse découlant de ces rapports changent et évoluent avec le temps. Vu le caractère mouvant des croyances religieuses, l’examen par le tribunal de la sincérité de la croyance doit s’attacher non pas aux pratiques ou croyances antérieures de la personne, mais plutôt à ses croyances au moment de la prétendue atteinte à la liberté de religion (au par. 53; voir également le par. 71).

D’un autre côté, des éléments de preuve de l’application constante de la pratique par le passé peuvent aider à conclure qu’une conviction est sincère, en augmentant la crédibilité d’ensemble de la prétention. 

[313] N.S., idem.

[314] Voir R. v. N.S., 2009 CanLII 21203 (ON SC) pour une analyse de l’ordonnance émise par le juge Weisman durant l’enquête préliminaire et obligeant la requérante à retirer son niqab lors de son témoignage.

[315] N.S., décision de la CSC, supra, note 197, au par. 13.

[316] Forersupra, note 79.

[317] Un nombre croissant de personne de toutes confessions suivent, de façon combinée, plus d’un système de convictions lié à la religion ou à la croyance, sans que cela ne réduise pour autant la sincérité de leur croyance. Voir le Rapport de recherche et de consultation sur les droits de la personne et la croyance de la CODP.

[318]Yeats v. Commissionaires Great Lakes, 2010 HRTO 906 (CanLII), aux par. 47-48.

[319] Amselem, supra, note 5, au par. 52

[320] Amselem, idem.

[321] Comme l’indiquait la Cour suprême dans N.S., idem : « [L]’observance irrégulière d’une pratique religieuse peut laisser croire à l’absence d’une croyance sincère, mais ce n’est pas nécessairement le cas. Il est possible qu’un croyant sincère s’écarte à l’occasion de la pratique, que ses convictions changent au fil du temps ou que ses convictions permettent des exceptions à la pratique dans des cas particuliers » (au par. 13).

[322] Voir la section 9.5 pour un complément d’information sur le critère juridique approprié de détermination de la sincérité de la croyance, lequel n’exige pas la démonstration du caractère « essentiel » ou « obligatoire » de la conviction ou de la pratique pour faire intervenir la protection du Code ou de la Charte.

[323] Bien qu’on ne doive pas exiger ou utiliser une opinion d’expert pour « mettre en doute » une demande d’accommodement, les preuves objectives offertes par un expert relativement à la nature d’une conviction et à son rattachement à une croyance peuvent néanmoins aider à établir un lien entre une conviction et une croyance (voir Huang supra, note 79, et Forersupra, note 79). Ces preuves peuvent également aider à conclure qu’une conviction est sincère en augmentant la crédibilité d’ensemble de la prétention (voir Amselem supra, note 5, au par. 73).

[324] Comme l’indiquait la Cour fédéral dans Bennett dans le contexte de la liberté de religion, la Cour a statué dans Amselem que les tribunaux ne sont pas tenus d’admettre qu’une pratique est religieuse (par opposition à non religieuse ou séculière) uniquement parce que le requérant l’affirme. Au contraire, le juge Iacobucci a laissé entendre qu’il faut procéder à un examen objectif de la pratique « puisque seules sont protégées par la garantie relative à la liberté de religion les croyances, convictions et pratiques tirant leur source d’une religion, par opposition à celles qui soit possèdent une source séculière ou sociale, soit sont une manifestation de la conscience de l’intéressé » (Bennett c. Canada (Procureur général), 2011 CF 1310, au par. 8, citant Amselem, au par. 39).

325 Meiorin, supra, note 241, au par. 54.

326 Voir les commentaires de la Cour suprême du Canada à propos du sens que revêt, dans la pratique, la troisième partie de ce critère en contexte d’accommodement du handicap en milieu de travail dans Hydro-Québec c. Syndicat des employé-e-s de techniques professionnelles et de bureau d’Hydro-Québec, section locale 2000, [2008] 2 R.C.S. 561.

327 Le critère de détermination du préjudice injustifié est présenté à la section 9.9 et, de façon plus exhaustive, dans le document de la CODP intitulé Politique et directives concernant le handicap et l'obligation d'accommodement. La même norme est applicable à tous les motifs couverts par le Code, y compris la croyance.

328 En raison de ce critère, la règle ou norme elle-même doit être la plus inclusive possible et chercher à assurer l’accommodement des différences individuelles jusqu’au point de préjudice injustifié, plutôt que de permettre le maintien de normes discriminatoires accompagnées de mesures d’adaptation pour les personnes incapables de s’y conformer.

[329] Il pourrait être davantage nécessaire d’obtenir des renseignements additionnels dans le cas de demandes d’accommodement de croyances peu connues (voir York Region District School Board v. Ontario Secondary School Teachers’ Federation, District 16 (Faith Day Grievance), [2008] O.L.A.A. No. 442, 176 L.A.C. (4th) 97. Un des exemples de la section 10.1 aborde cette affaire.

[330] Amselem, supra, note 5.

[331] R v. N.S. (2010), 102 O.R. (3d) 161 (C.A.), au par. 69. Dans Audmax Inc. v. Ontario Human Rights Tribunal, 2011 ONSC 315 (CanLII), la Cour divisionnaire de l’Ontario qui a procédé à la révision judiciaire de l’affaire a exprimé son désaccord avec la conclusion du TDPO, selon laquelle les questions de l’employeur sur certains aspects des vêtements ou du hijab de l’employé constituait de la discrimination fondée sur le sexe et la croyance. Le tribunal a conclu que le TDPO aurait dû se demander s’il aurait été possible pour Mme Saadi de respecter le code vestimentaire de l’employeur sans compromettre ses convictions religieuses à l’égard du port de vêtements religieux appropriés (au par. 86). Dans la pratique, cette décision a permis à l’employeur de poser des questions sur l’observance religieuse de la requérante et d’établir une distinction entre les aspects de cette observance (dans le présent cas en ce qui a trait à la forme de vêtement religieux) qui se rapportaient à la croyance par opposition aux préférences de « style » subjectives de la requérante. Par conséquent, la décision du TDPO a été annulée et l’affaire a été renvoyée au TDPO pour être entendue par un arbitre différent.

[332] Pour obtenir un exemple relatif au handicap, voir Baber v. York Region Dist. School Board, 2011 HRTO 213 (CanLII) [Baber]. Pour de plus amples renseignements, voir également la section 9.10.1.

[333] Le Bureau du commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de l’Ontario et le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada offrent des renseignements additionnels sur la législation relative à la vie privée et son application aux fournisseurs de logements, employeurs et fournisseurs de services des secteurs privé et public. Voir : www.priv.gc.ca/index_f.asp et www.ipc.on.ca/french/home-page/default.aspx. Les organisations sont assujetties à différentes lois sur la protection de la vie privée. Par exemple, les fournisseurs de logements privés sont assujettis à la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE) et sont autorisés à divulguer des renseignements personnels sur la santé dans certaines circonstances uniquement (voir l’al. 7(3)e)).

[334]Central Okanagan School District No. 23 c. Renaud [1992] 2 R.C.S. 970 [Renaud].

[335] Les besoins en matière d’accommodement ne se prêtent pas toujours à de long préavis, y compris dans un environnement de services caractérisé par l’allée et venue de clients différents. De façon similaire, certaines pratiques rattachées à la croyance ne permettent pas de fournir de préavis. Par exemple, les personnes qui observent la pratique spirituelle autochtone de purification au foin d’odeur peuvent être appelées à se purifier en temps de détresse ou pour aider à rétablir l’équilibre spirituel, deux situations qu’elles ne peuvent pas toujours anticiper. Dans de tels cas, la conception exclusive peut constituer une pratique exemplaire de facilitation de la purification lorsque le besoin se manifeste, particulièrement dans les milieux où l’observance régulière de cette pratique est à anticiper.

[336] Par exemple, dans l’affaire Daginawala v. SCM Supply Chain Management Inc., 2010 HRTO 205 (CanLII) [Daginawala], le TDPO a conclu que le requérant n’avait pas informé son employeur qu’il avait besoin de quatre heures de congé non payé en lui donnant un préavis suffisant pour lui permettre de trouver quelqu’un pour le remplacer. L’employé avait donné un préavis d’environ 72 heures et l’employeur avait ordinairement autorisé le congé lorsqu’il avait reçu un avis suffisant.

[337] Dans Babersupra, note 332, le TDPO a conclu que même si Mme Baber avait fait une demande d’accommodement, l’employeur avait rempli son obligation en ce sens parce qu’elle n’avait pas collaboré au processus d’accommodement en rejetant des demandes raisonnables d’information ayant pu confirmer ses besoins. Elle a toujours refusé de fournir les renseignements médicaux pertinents. Le tribunal a également établi que l’employeur n’avait pas manqué à son obligation d’accommodement en mettant fin à son emploi.

[338] Voir la section 9.6.

[339] Meiorin, supra, note 241, aux par. 65-66.

[340] Conte v. Rogers Cable systems Ltd., (1999) 36 C.H.R.R. D/403 (C.H.R.T.); Mazuelos v. Clark (2000) C.H.R.R. Doc. 00-011 (B.C.H.R.T.); Lane v. ADGA Group Consultants Inc.supra, note 93; Krieger v. Toronto Police Services Board, 2010 HRTO 1361 (CanLII).

[341] En général, s’il faut mettre en œuvre une mesure d’adaptation pour permettre à une personne de prendre part aux activités d’une organisation sans obstacle lié à la croyance, l’organisation doit prendre en charge les coûts de la mesure d’adaptation requise à moins que cela ne cause de préjudice injustifié. Voir Eldridge c. la Colombie-Britannique (procureur général), 1997, 3 R.C.S. 624.

[342]Renaud, supra, note 334.

[343] La décision de la Cour suprême du Canada dans Renaud, idem, établit les obligations des syndicats.

[344] Renaudidem.

[345] Voir aussi la section 7.1 sur la discrimination indirecte et la section 12 sur la prévention de la discrimination et l’intervention en vue de la faire cesser.

[346] Dans McDonald v. Mid-Huron Roofing, 2009 HRTO 1306 (CanLII), au par. 42 [McDonald v. Mid-Huron] la CODP a dit ce qui suit à propos des facteurs de préjudice injustifié qui pourraient être admissibles aux termes du Code : « Les facteurs à évaluer sont stipulés à l’article 11 et les principes applicables d’interprétation des textes législatifs suggèrent qu’il convient de ne tenir compte d’aucun autre élément en dehors de ces facteurs et des dispositions réglementaires en vigueur ». Conséquemment, la CODP a rejeté l’emploi du moral des employés comme facteur de préjudice injustifié.

[347] Il est à noter que dans de rares cas, le TDPO a pris indirectement en considération des facteurs autres que les coûts ou la santé et la sécurité. Voir, par exemple, Espey v. London (City), 2009 HRTO 271 (CanLII); Munroe v. Padulo Integrated Inc., 2011 HRTO 1410 (CanLII); Wozenilek v. City of Guelph, 2010 HRTO 1652 (CanLII). Également, dans l’affaire Bubb-Clarke v. Toronto Transit Commission, 2002 CanLII 46503 (HRTO), le TDPO a avancé de façon incidente l’hypothèse voulant que l’adoption d’une mesure d’adaptation pouvant avoir comme résultat de retirer un emploi à un autre employé pourrait entraîner un préjudice injustifié. Mais voir aussi Fair v. Hamilton-Wentworth District School Board, 2012 HRTO 350 (CanLII).

[348] Grismer, supra, note 274, au par. 42.

[349] Meiorin, supra, note 241, au par. 78-79, et Grismersupra, note 274, au par. 41. Depuis Meiorin et Grismer, d’autres ont aussi eu recours à cette exigence stricte en matière de preuve matérielle; voir, à titre d’exemple, Miele v. Famous Players Inc. (2000), 37 C.H.R.R. D/1 (B.C.H.R.T).

[350] Qureshi v. G4Ssupra, note 276.

[351] Mooresupra, note 116.

[352] L.R.O. 1990, chap. 0-1. Les règlements pris en application de la Loi sur la santé et la sécurité au travail (LSST) prévoient des clauses d’équivalence pour permettre l’adoption d’autres mesures que celles stipulées, à la condition que ces autres conditions fournissent aux travailleurs une protection égale ou supérieure. Dans un tel cas, l’employeur doit montrer qu’il a procédé à une évaluation objective du risque et que ses solutions de rechange offrent des chances égales à la personne adhérant à la croyance. Il peut cependant invoquer un préjudice injustifié si un risque important demeure après la prise de mesures d’adaptation. Cependant, le fait de respecter une disposition de la LSST ne signifie pas nécessairement qu’on a rempli le critère de détermination d’un préjudice injustifié ou d’une exigence de bonne foi. Le Code a primauté sur la LSST et peut parfois l’emporter sur elle lorsqu’il y a un conflit entre les deux.

[353] Voir Buttar v. Halton Regional Police Services Board, 2013 HRTO 1578 (CanLII). Voir aussi, R.B. v. Keewatin-Patricia District School Board, 2013 HRTO 1436 (CanLII).

[354] Lane v. ADGA Group Consultants Inc., supra, note 93; ADGA v. Lanesupra, note 93. Voir aussi Bobyk-Huys v. Canadian Mental Health Assn., [1994] O.J. No. 1347.

[355] Voir Dhillon v. British Columbia (Ministry of Transportation and Highways),(1999), 35 C.H.R.R. D/293 (B.C.H.R.T.); R. v. Badesha, 2008 ONCJ 94 (CanLII); R. v. Badesha, 2011 ONCJ 284 (CanLII) pour un exemple d’analyses divergentes des risques pour la sécurité que présente l’exemption des lois relatives au port obligatoire du casque de moto en Colombie-Britannique et en Ontario, lorsque vient le temps de concilier les questions de sécurité, la liberté de religion et les droits à l’égalité.

[356] Buttar v. Halton Regional Police Services Boardsupra, note 353.

[357] Voir Hydro-Québec, supra, note 294; Centre universitaire de santé McGill (Hôpital général de Montréal) c. Syndicat des employés de l'Hôpital général de Montréal [McGill], [2007] 1 R.C.S. 16.

[358] Daginawalasupra, note 336. Fait à noter, lorsqu’il peut être démontré que l’employeur est capable de composer avec des absences imprévues ou de remplacer un employé à la dernière minute (en cas de maladie par exemple), il peut être jugé discriminatoire de ne pas le faire dans le cas de demandes de permission de dernière minute pour des motifs rattachés à la croyance.

[359] Dans Big Msupra, note 5, la Cour suprême du Canada a expliqué pourquoi les droits relatifs à la religion et à la conscience conférés au par. 2(a) constituent des droits « fondamentaux » aux termes de la Charte canadienne des droits et libertés, y compris parce que les libertés fondamentales « constituent […] le fondement même de la tradition politique dans laquelle s'insère la Charte » (par. 122). De nombreux penseurs soutiennent de façon similaire que les droits relatifs à la religion et à la croyance non seulement sont antérieurs à d’autres droits démocratiques fondamentaux, mais ont aussi fourni et continuent de fournir à ces droits démocratiques un fondement essentiel. Voir, par exemple, Van der Vyver, J. D. et Witte, J. (éd.). Religious Human Rights in Global Perspective: Legal Perspectives, La Haye, Martinus Nijhoff Publishers, 1996. Voir aussi Grim et Finkesupra, note 4.

[360] Friesen v. Fisher Bay Seafood Ltd. (2008), 65 C.H.R.R. D/400, 2009 BCHRT 1.

[362] Pour limiter son obligation d’accommodement, l’employeur pourrait tenter d’alléguer que les répercussions financières d’une telle mesure causeraient un préjudice injustifié à son entreprise. Cependant, une analyse des droits de la personne contradictoires ne serait pas appropriée dans ce cas.

[363] Pour obtenir plus de renseignements, voir la Politique sur les droits de la personne contradictoires de la CODP.

[364] Renvoi relatif au mariage entre personnes du même sexe, supra, note 253; Dagenais c. Société Radio, [1994] 3 R.C.S. 835, au par. 877; R. c. Mills, [1999] 3 R.C.S. 668, au par. 61.

[365] Mills, idem; Trinity Western, supra, note 229, au par. 29. S.L., supra, note 153.

[366] Mills, idemDagenaissupra, note 364.

[367] Comme l’explique la Cour d’appel de l’Ontario dans N.S., supra, note 197.

[368] Mills, supra, note 364, aux par. 17, 21 et 61; Renvoi relatif au mariage entre personnes du même sexe, supra, note 253, aux par. 50 et 52; l’honorable juge Frank Iacobucci « Reconciling Rights: the Supreme Court of Canada’s Approach to Competing Charter Rights », S.C.L.R. (2e), vol. 20 (2003), p. 137, aux p. 140, 141 et 159; R. v. N.S., supra, note 197, par. 48.

[369] Dans Bothwell v. Ontario (Minister of Transportation)supra, note 310, le tribunal a conclu que le requérant n’avait pas réussi à démontrer que son opposition à la prise d’une photo numérique pour son permis de conduire était liée à ses convictions religieuses. La preuve montrait que le demandeur avait soulevé plusieurs points relatifs à la protection de la vie privée, plutôt que d'ordre religieux, et que ses actions étaient contraires aux convictions religieuses qu'il avait fait valoir.

[370] Renvoi relatif au mariage entre personnes du même sexe, supra, note 253.

[371] En ce qui concerne les situations possibles de conflits des droits qui pourraient découler de la légalisation du mariage entre personnes de même sexe, la Cour a refusé de porter un jugement au sujet de scénarios hypothétiques. La Cour a confirmé la nécessité de présenter des faits réels pour appliquer correctement l’approche contextuelle qui doit être utilisée dans la conciliation de droits contradictoires.

[372]Dallaire v. Les Chevaliers de Colomb, supra, note 124.

[373] Comme l’a indiqué la Cour suprême, « la liberté de croyance est plus large que la liberté d’agir sur la foi d’une croyance » (Université Trinity Western c. British Columbia College of Teachers, [2001] 1 RCS 772).

[374] R. v. Big M, supra, note 5, au par. 123.

[375] Voir, par exemple, Renvoi relatif au mariage entre personnes du même sexesupra, note 253; Trinity Western, idemS.L., supra, note 153.

[376] Trinity Western, supra, note 229.

[377] Voir Shipley, H. « Droits de la personne, sexualité et religion : Entre les politiques et l'identité », Diversité canadienne, vol. 9, no 3 (2012), p. 52-55. Extrait de www.ohrc.on.ca/fr/la-croyance-la-libert%C3%A9-de-religion-et-les-droits-...

[378] La commission d’enquête a ordonné à M. Brockie de fournir les services d’impression aux gais et lesbiennes et aux organismes de gais et lesbiennes et à payer 5 000 $ en dommages-intérêts.

[379] Brockie v. Brillinger (No. 2) (2002), 43 C.H.R.R. D/90 (Ont. Sup.Ct.).

[380] La Cour a modifié en conséquence l’ordonnance de la Commission selon laquelle M. Brockie doit fournir des services d’impression aux personnes gaies et lesbiennes, et à leurs organisations, en y ajoutant que cela s’applique pourvu que « cette ordonnance n’exige pas de M. Brockie ou de Imaging Excellence qu’ils impriment des documents d’une nature que l’on pourrait raisonnablement considérer comme étant en conflit direct avec les éléments de base de ses convictions religieuses ».

[381] R. v. N.S., 2010 ONCA 670, au par. 84.

[382] Décision de la Cour d’appel de l’Ontario, idemN.S., Cour suprême du Canada, supra, note 197.

[383] Cour suprême du Canada, idem, au par. 31. La Cour suprême du Canada a établi qu’il fallait maintenir, entre les deux catégories de droits, un équilibre qui, à la fois, n’interdit pas l’accommodement religieux dans les salles d’audience mais ne protège pas de façon absolue le droit de porter un niqab si cela porte atteinte au droit contradictoire à un procès équitable. Selon la Cour, il revient au juge de déterminer comment atteindre ce juste équilibre, selon les circonstances. L’affaire a donc été renvoyée au juge présidant l’enquête préliminaire, pour qu’il décide de la marche à suivre conformément aux principes de conciliation des droits établi dans le jugement de la Cour. L’année suivante, le juge Weisman de la Cour de justice de l’Ontario, a décidé que les conséquences négatives potentielles pour les accusés si N.S. ne retirait pas son niqab l’emportaient sur toute atteinte éventuelle aux droits contradictoires du témoin. Bien que N.S ait décidé d’« accepter un compromis » au début de 2014 et de témoigner sans son niqab dans la salle d’audience sans la présence des membres du public, la Couronne a plus tard retiré les accusations d’agression sexuelle contre les défendeurs pour manque de possibilités raisonnables de condamnation.

[384] B. (R.) c. Children's Aid Society of Metropolitan Toronto, [1995] 1 R.C.S. 315.

[385] Dans A.C. c. Manitoba (Directeur des services à l'enfant et à la famille), [2009] 2 R.C.S. 181, la Cour suprême a pris en compte le droit d’une fillette de 14 ans, témoin de Jéhovah, de refuser une transfusion sanguine qui pouvait potentiellement lui sauver la vie. Les dispositions de la Loi sur les services à l’enfant et à la famille du Manitoba, auxquelles s’était fié le directeur des services à l’enfant et à la famille pour appréhender la fillette en tant qu’enfant ayant besoin de protection et demander au tribunal de rendre une ordonnance judiciaire autorisant les transfusions de sang, étaient constitutionnelles. Le critère de détermination du « meilleur intérêt » de l’enfant prévu dans la législation devrait être interprété d’une façon qui accorde une déférence croissance aux désirs de l’enfant sur le plan religieux à mesure que ce dernier gagne en maturité. Il s’agit là d’une réaction proportionnée au besoin de trouver le juste équilibre entre les droits religieux et les objectifs de l’État en matière de protection de l’enfance.

[386] Voir Hamilton Health Sciences Corp. v. D.H., 2014 ONCJ 603 (CanLII); Hamilton Health Sciences Corp. v. D.H., 2015 ONCJ 229 (CanLII).

[387] Offerte en ligne à l’adresse : www.ohrc.on.ca/en/policy-competing-human-rights.

[388] McDonald v. Mid-Huronsupra, note 346.

[389] La question de la préférence des clients, des tiers et des employés est traitée dans Keene, J. Human Rights in Ontario, 2e édition, Toronto, Carswell, 1992), p. 204-205. Voir aussi Qureshi v. G4Ssupra, note 276.

[390] Voir, par exemple, Giguere v. Popeye Restaurant, 2008 HRTO 2 (CanLII), qui cite plusieurs autres décisions en matière de droits de la personne. Dans l'arrêt Giguere, le TDPO a affirmé ceci : « Les droits et intérêts économiques ne priment pas sur les droits de la personne, à moins qu'il existe une exemption spécifique dans la loi » (par. 77). Les tribunaux administratifs et judiciaires ont également rejeté de façon ferme la notion selon laquelle les personnes ont la liberté d’adopter des pratiques discriminatoires en matière d’utilisation ou de vente de biens personnels (p. ex. logements ou contrats). Voir, par exemple, Grant v. Willcock (1990), 13 C.H.R.R. D/22 (Ont. Bd.Inq.), dans le cadre duquel une commission d’enquête de l’Ontario a conclu que les droits à la liberté garantis aux termes de l’art. 7 de la Charte n’englobaient pas la liberté de faire de la discrimination fondée sur un motif interdit dans le contexte d’une vente publique d’un bien privé.

[391] Amselem, supra, note 5.

[392] Renaud, supra, note 334.

[393]Meiorin, supra, note 241, au par. 68. Les personnes qui établissent les normes et les règles devraient se préoccuper des différences entre les personnes et les groupes de personnes. Les normes et les règles ne devraient pas être basées uniquement sur la « majorité ». Pour en savoir davantage sur le rôle des syndicats dans le processus d’accommodement, voir la section 9.8.

[394] Renaudsupra, note 334. La Cour a confirmé que les syndicats pouvaient être déclarés responsables d’un acte de discrimination dans deux situations. Premièrement, le syndicat peut causer la discrimination ou y contribuer en participant à l’élaboration de règles de travail qui ont un effet discriminatoire. Deuxièmement, un syndicat peut être jugé responsable s’il bloque les efforts raisonnables déployés par un employeur pour fournir une mesure d’adaptation.

[395] Cour suprême du Canada dans Trinity Western, supra, note 229, au par. 36.

[396] Il revient plutôt à la partie qui limite le droit relatif à la religion ou à la croyance de démontrer qu’il est raisonnable d’agir ainsi, en raison d’une règle, d’une exigence ou d’un critère « raisonnable et de bonne foi », ou d’une autre justification permise par le Code, y compris le besoin de concilier des droits contradictoires.

[397] Cour suprême du Canada dans Chamberlainsupra, note 168, au par. 66.

[398] Cela est conforme à la jurisprudence dans laquelle les décideurs se gardent de mener des débats doctrinaux internes sur la croyance et de déterminer quels adhérents à une religion ou à une croyance on devrait croire ou ne pas croire (Voir, par exemple, Amselemsupra, note 5, au par. 50).

[399] Voir la section 4.2 pour un complément d’information sur les pratiques non admissibles aux protections prévues par le Code.

[400] Voir la section 9.10.2.

[401] S.L., supra, note 153, au par. 32; voir aussi les décisions de la Cour suprême dans Loyola, supra, note 8, et Saguenay, supra, note 41.

[402] Saguenayidem, au par. 83.

[403] S.L.supra, note 153, au par. 32.

[404] Dans Saguenaysupra, note 41, la Cour suprême du Canada a établi un lien explicite entre le devoir de neutralité de l’État et son obligation, aux termes de l’al. 2a) de la Charte d’« agir dans le respect de la liberté de conscience et de religion de chacun » (au par. 1). La Cour a également affirmé ce qui suit : « J’ajouterai que, en plus de promouvoir la diversité et le multiculturalisme, l’obligation de neutralité religieuse de l’État relève d’un impératif démocratique. Les droits et libertés énumérés dans [la Charte canadienne] traduisent la poursuite d’un idéal : celui d’une société libre et démocratique. La poursuite de cet idéal requiert de l’État qu’il encourage la libre participation de tous à la vie publique, quelle que soit leur croyance » (par. 75).

Dans Loyola, supra, note 8, la Cour lie la neutralité de l’État au pluralisme et à la démocratie (au par. 45), ainsi qu’à la liberté de religion et aux droits à l’égalité des personnes (au par. 44). À l’appui du dernier point, la Cour cite le professeur Richard Moon (idem) :

À la base de l’exigence de cette neutralité [de l’État] et du principe du cloisonnement entre, d’une part, les convictions et les pratiques religieuses et, d’autre part, les décisions politiques, se trouve une conception de la croyance et de l’engagement religieux qui sont profondément enracinés, ou de l’engagement envisagé comme un élément de l’identité de l’individu plutôt que comme une simple question de choix ou de jugement personnels […] Si la religion constitue un aspect de l’identité d’une personne, l’État qui considère les pratiques ou les convictions religieuses de cette personne comme étant moins importantes ou moins véridiques que celles d’une autre ou qui marginalise d’une manière ou d’une autre sa communauté religieuse ne fait pas que rejeter les opinions et les valeurs de cette personne; il nie que cette personne a la même valeur que les autres êtres humains (cité également dans Saguenaysupra, note 41).

[405] Les tribunaux administratifs et judiciaires ont rejeté l’idée que la « laïcité » ou la « neutralité » exige d’interdire toute forme d’expression religieuse au sein de la vie publique organisationnelle, établissant plutôt que cela va plutôt à l’encontre de ces idéaux. Voir le Rapport de recherche et de consultation sur les droits de la personne et la croyance de la CODP pour une analyse plus poussée des décisions de la Cour suprême sur le sens de « laïcité », lesquelles traduisent massivement une interprétation d’un fait laïque « ouvert » et « inclusif » sur le plan de la religion et de son accommodement dans la vie publique. Voir aussi Janet Epp Buckingham. « La relation entre les religions et la société laïque »,

Diversité Canadienne, vol. 9, no 3 (2012), p. 12-15, produit pour le compte de la CODP durant son processus de consultation en vue de l’élaboration de sa politique relative à la croyance.

[406] Dans N.S., supra, note 197, au par. 2, où la Cour confirme l’interprétation d’une « laïcité » inclusive sur le plan religieux dans la législation canadienne.

[407] Loyola, supra, note 8, au par. 43.

[408] R.C. v. District School Board of Niagarasupra, note 67. Dans cette affaire, un parent et un élève athées s’opposaient à la politique de leur conseil scolaire qui permettait uniquement la distribution de « textes religieux reconnus sur la scène internationale » en milieu scolaire. Le TDPO a confirmé la place légitime qu’occupe l’expression de diverses opinions et pratiques religieuses au sein des écoles et institutions publiques : « les activités en lien avec la croyance menées à l’extérieur de la salle de classe ne doivent pas automatiquement être éliminées, tant que la participation à ces activités est facultative, que les élèves ne subissent pas de pression en vue d’y participer, et que l’école conserve sa neutralité, montre clairement qu’elle appuie ce genre d’activités pour toutes les croyances et qu’elle ne fait pas la promotion d’une croyance particulière ».

[409] La distinction entre les sphères publique et privée a peu d’importance aux termes du Code lorsqu’il s’agit de déterminer s’il existe une obligation d’accommodemnt de la religion ou de la croyance dans les cinq domaines sociaux régis par le Code.

[410]Gilliard v. Pictou (Town) (No. 2), (2005), 53 C.H.R.R. D.213 (N.S. Bd.Inq.).

[411] Voir Saguenaysupra, note 41, aux par. 84 et 119.

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