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Les Commissions des droits de la personne - Défis et réponses

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Remi Warner, Analyste des politiques, Commission ontarienne des droits de la personne
Shaheen Azmi, Directeur, politiques, éducation, sensibilisation et surveillance, Commission ontarienne des droits de la personne

 
Depuis la publication en 1996 de la « Politique sur la croyance et les mesures d'adaptation relatives aux observances religieuses » par la Commission ontarienne des droits de la personne, plusieurs développements sociaux et légaux importants se sont effectués, au Canada ainsi qu’internationalement. Ces développements ont changé la manière dont les croyances et les religions sont comprises et comment ces dernières ont formé les expériences des individus et des communautés identifiés comme croyants. Il y a eu beaucoup de débats publics sur les limites appropriées et la protection des droits reliés aux religions et aux croyances.
 
La Commission ontarienne des droits de la personne (CODP) a commencé une révision de sa politique de 1996. La mise à jour vise à clarifier l’interprétation de la Commission sur la base des croyances sous le Code, et, plus généralement, de faire avancer la compréhension des droits de la personne et des bonnes pratiques dans ce champ. La mise à jour de la politique demandera une recherche ainsi qu’une consultation extensive et prendra deux à trois ans à compléter (le travail a débuté en 2011).
 
En janvier 2012, la CODP a rassemblé des partenaires communautaires, des universitaires, des professionnels du droit, des praticiens en droits de la personne et en diversité provenant de plusieurs domaines pour un « Dialogue politique sur la croyance et les mesures d'adaptation relatives aux observances religieuses ». Cet événement était organisé en partenariat avec la Religion in the Public Sphere Initiative de l’Université de Toronto et l’école de droit de l’Université de Toronto et se déroulait au Multi-Faith Centre de l’Université Toronto.
 
La « Politique sur la croyance et les mesures d'adaptation relatives aux observances religieuses » a fourni une opportunité d’écouter des parties prenantes intéressées et concernées sur des éléments clés tel que :
  • La définition, l’interprétation et la portée des croyances et la liberté de la religion dans le droit ;
  • Les contextes sociaux et historiques formant les questions sur les droits de la personne basés sur la croyance et la liberté de religion ainsi que les expériences sur le terrain ;
  • Les divers types de discrimination et d’harcèlement vécus par plusieurs communautés en Ontario sur la base de leur croyance ou religion ;
  • Des tendances, des lacunes, des défis et les meilleures pratiques significatives liés à l’accommodement et à la conception inclusive des convictions religieuses/croyances et pratiques dans la société ontarienne et ses institutions ;
  • Les intersections des droits de la personne sur la croyance et d’autres droits de la personne tels que le genre, l’orientation sexuelle, l’invalidité, la race et l’ethnicité.
 
Les textes dans cette édition spéciale de « Diversité canadienne » ont été initialement sélectionnés par l’entremise d’un appel à communication. Ils ont été présentés dans le dialogue politique de janvier 2012. Parmi les collaborateurs, nous pouvons inclure des universitaires émergents du Canada ainsi que des professionnels du droit travaillant dans ce champ des droits de la personne, sans oublier une gamme d’experts et de communautés.
 
Les textes varient en ordre et contenu des fonds conceptuel, historique et légal jusqu’à des expériences concrètes et spécifiques de l’histoire et de la société canadiennes. La revue s’ouvre avec un texte par David Seljak qui souligne les contextes sociaux et historiques et les tendances qui forment les enjeux des droits de la personne fondés sur les croyances ainsi que les efforts contemporains visant à protéger la liberté de religion. Seljak soutient que le Canada est devenu à la fois plus séculaire et plus religieusement diversifié, ce qui représente un défi de taille pour l’héritage du « christianisme résiduel » ainsi que l’effort du Canada à devenir institutionnellement multiculturel.
 
Les textes suivants par Janet Buckingham, Lori Beaman, Iain Benson ainsi que Benjamin Berger, présentent les normes et les suppositions qui sous-tendent la loi et les débats sur les politiques contemporaines relatives aux droits religieux. Le texte de Janet Buckingham examine les interprétations diverses du terme « séculaire » telles que reflétées dans la jurisprudence canadienne et dans les conflits très médiatisés entre la religion et l’état séculaire. Mettant l’accent sur les contributions sociales positives de la religion, Buckingham argumente pour une compréhension inclusive de « séculaire », citant l’appui des décisions juridiques canadiennes. Le texte de Lori Beaman explore divers cadres de pensée sur la diversité religieuse et l’inclusion. Elle souligne les hiérarchies implicites d’appartenance qu’un discours de « tolérance » et d’« accommodement » peut créer (où la majorité confère des avantages aux minorités). Elle met de l’avant une approche de « profonde égalité » et offre un langage alternatif cohérent avec les engagements multiculturels du Canada. Beaman demande aux décideurs politiques et juridiques d’inclure et d’apprendre non seulement des scénarios de conflits mais aussi des récits quotidiens de négociations réussies relatives aux différences religieuses dans la société canadienne.
 
Critiquant la réduction ( ou la « lecture vers le bas ») de la religion comme privée et individuelle, le texte de Iain Benson argumente que les « croyances » et les religions devraient être comprises comme ce qui informe l’apport au public d’une personne, incluant nécessairement des convictions qui influencent souvent « la morale et l’éthique » et même « la politique ». Benson souligne l’importance d’une réinterprétation de « l’exemption spéciale de l’employeur », dans la section 24 du Code, telle qu’appliquée aux employeurs religieux, qu’il critique de se concentrer trop étroitement sur les « types de tâches » exécutées par des employés plutôt que par les « projets ou associations religieuses » impliqués.
 
Le texte de Benjamin Berger examine comment les lois constitutionnelles gouvernant la religion reflètent à la fois les normes et idéaux culturels libéraux dominants et forment la façon dont les adeptes d’une religion se présentent et se comprennent devant la loi. Il souligne que cela contredit l’auto-représentation de la loi comme étant neutre et comme étant au-dessus de la mêlée culturelle. Berger soulève des préoccupations particulières avec la façon dont la loi peut encourager des adeptes d'une religion, à travers diverses incitations juridiques, à adopter des positions de plus en plus statiques et rigides.
 
Les textes par Howard Kislowicz, Gail McCabe, et Richard Landau traitent de la définition de la religion et de la croyance de perspectives différentes. Le texte par Howard Kislowicz examine des critiques opposées de la définition légale de la religion, en premier lieu telle que définie par la décision de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Syndicat Northcrest v. Amselem (“Amselem”)1, considérée par certains critiques comme trop étroite ou trop large pour être significative ou utile. Kislowicz met en garde contre les efforts visant à définir globalement la « religion » dans les politiques ou les lois, prônant pour une approche « analogique » plus flexible, adaptable et évolutive (si ça ressemble à un canard...), qui, selon lui, a été l’approche dominante prise par le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario.
 
Produit en collaboration avec le comité d’action éthique de la « Ontario Humanist Society » (OHS), les textes de Gail McCabe, Mary Beaty et Peter Moller argumentent pour une définition de la « croyance » étendue et plus inclusive dansa politique de la CODP. L’exclusion des croyances morales, éthiques et politiques de nature séculaire dans la définition actuelle, argumentent McCabe et compagnie, a mené à un échec du Code en ce qui a trait à la protection complète de l’individu et des droits collectifs des Humanistes et autres communautés éthiques de choix.
 
En tant que télédiffuseur faisant face à des choix difficiles au jour le jour concernant le contenu acceptable d’émissions religieuses, d’une perspective à la fois morale et légale, Richard Landeau argumente contre une définition et une interprétation de la religion et de la croyance trop ouverte et indéfinie. Il suggère des critères variés pouvant permettre une distinction entre les communautés religieuses légitimes (religions « authentiques ») et celles promouvant des objectifs illégaux ou vexatoires ou qui simplement ne méritent pas la même protection légale que des traditions religieuses centenaires.
 
Les textes de Richard Moon, Andre Schutten, Cara Zwibel et Heather Shipley considèrent les frontières et les limites des droits de la personne fondés sur les croyances et la liberté de religion, en interaction avec différentes revendications légales concurrentes.
 
Engageant le raisonnement légal du juge en chef McLachlin dans la décision de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Alberta v. Hutterian Brethren of Wilson Colony2, le texte de Richard Moon argumente que même si l’« accommodement raisonnable » puisse être un cadre analytique approprié pour imposer des restrictions sur la liberté d’un individu sous le Code des droits de la personne, ce n’est pas une analyse appropriée pour des cas de liberté de religion par la Charte, dans lesquels les restrictions sur la liberté religieuse sont imposées par statut. Cependant, Moon critique l’approche alternative du juge en chef McLachlin –l’équilibre des intérêts sous la s.1 de la Charte- comme étant « inappropriée ou impraticable ».
 
Le texte par Andre Schutten se place en opposition avec ce qu’il dit être des interprétations trop étroites, telles qu’appliquées sur des employeurs religieux, de l’exemption de l’interdiction de discrimination à l’emploi mentionnée dans la section 24(1)(a) du Code ontarien des droits de la personne. Schutten trace l’historique de lectures étroites de la section 24 du Code dans les cas d’invalidité, qui selon lui ont (pour des raisons de non-comparabilité) défini de façon injustifiée les normes d’analyse de la section 24 dans les contextes d’emploi religieux. Il demande une modification de la législation du Code sous la s.24 afin de pleinement protéger les droits des citoyens de librement s’associer à d’autres communautés religieuses, conforme à la jurisprudence de la Charte de la Cour suprême.
 
Le texte de Cara Zwibel examine deux dimensions principales de la liberté de religion : la liberté de manifester ses croyances et ses pratiques, en public ou en privé, sans coercition et sans contrainte par l'autorité de l’état, d’un côté, et le droit d’être libre de l’imposition de religion, de l’autre. Zwibel regarde comment ces deux aspects inséparables de la liberté religieuse interagissent dans le contexte des enjeux liés à l’accommodement religieux dans les écoles publiques. Elle suggère divers facteurs clés à considérer pour cette question nécessairement délicate d’équilibre pour assurer que les accommodements religieux à l’école ne tombent pas dans la sanction par l’état de la religion.
 
Le texte de Heather Shipley complète la section sur les droits concurrents et les limites de la liberté religieuse en mettant en garde contre des constructions trop étroites et rigides dans les lois et les politiques qui opposent les droits des croyants religieux aux droits des minorités sexuelles. Ces constructions, argumente-t-elle, caricature les croyants religieux et les minorités sexuelles dans le processus, donnant inéluctablement lieu à une relation conflictuelle qui ne prend pas en compte, ne permet pas, ou ne cultive pas de véritables ou possibles intérêts et identités entre ces deux solitudes apparentes.
 
Les cinq textes restant par Alice Donand, Anita Bromberg, Uzma Jamil, Barry Bussey et Matthew King offrent une vision de la façon dont plusieurs communautés, passées et présentes, ont été aux prises avec des enjeux sur le terrain liés aux droits de la personne fondés sur les croyances.
 
Présentant des résultats sélectionnés de recherches commissionnées en 2011 par la « Equality and Human Rights Commission » de la Grande-Bretagne, le texte d’Alice Donand donne une vision de l’Angleterre et du Pays de Galles de la loi et de sa relation à l’égalité, aux droits de la personne et « la religion ou la croyance » (puisque la loi britannique protège à la fois la religion et la croyance sous la loi sur les droits de la personne). Donand examine certains cas juridiques importants qui ont fait des vagues au Royaume-Uni et elle identifie les zones où la loi est particulièremet peu claire et contestée.
 
Le texte d’Anita Bromberg examine les efforts des Juifs à s’intégrer au Canada, tout en conservant leur identité et leurs pratiques religieuses intactes. Bromberg souligne certaines des contraintes les plus récentes sur les efforts contemporains déployés par les Juifs dans leur revendication d’accommodements religieux dans le contexte de la diversité religieuse croissante, les contre-coups « multi-culturels » et les malentendus généraux d'accommodement comme synonyme de « privilège » non mérité.
 
Se fondant sur une analyse préliminaire des données provenant d'une étude de recherche communautaire, le texte d’Uzma Jamil se penche sur les expériences quotidiennes des musulmans dans la grande région de Toronto, après le 11 septembre, avec l'islamophobie - un concept qu'elle explore et définit. Alors que la plupart des répondants ayant participé à cette étude ont exprimé des opinions positives sur leurs droits et libertés de pratiquer leurs croyances religieuses au Canada, beaucoup ont estimé qu'il y avait des attitudes sociales négatives de stéréotypage par rapport aux perceptions de l'Islam et des musulmans dans la société canadienne qui, pour beaucoup, ont créé le sentiment de non appartenance, indépendamment du lieu de naissance ou de la durée de résidence au Canada.
 
Le texte de Matthew King traite de la façon dont deux segments diversifiés au sein de la communauté canadienne bouddhiste – des convertis occidentaux et des immigrants asiatiques – négocient par divers moyens les besoins et pratiques religieux dans deux sphères institutionnelles du Canada : les soins palliatifs et le système pénal. En effet, King démontre comment les interprétations dominantes libérales-individualistes juridiques de la croyance et de la religion privilégient de manière disproportionnée et protègent les pratiques religieuses des convertis occidentaux, tout en marginalisant la compréhension et la pratique du bouddhisme de la majorité des immigrants.
 
Clôturant la revue est un texte par Barry Bussey, qui se penche sur l'histoire des conscrits adventistes du septième jour canadiens qui ont demandé le statut d'objecteur de conscience pendant la Seconde Guerre mondiale devant une commission de mobilisation inflexible. Le refus de nombreux jeunes hommes adventistes du septième jour de porter les armes dans les forces régulières a mené à de graves conséquences. Certains ont été contraints de servir dans l'armée. D’autres ont fait face au ridicule, à l'emprisonnement et / ou aux travaux forcés dans des camps de travail alternatifs.
 
Nous espérons que cette publication représente l'une des plusieurs possibilités à élargir la conversation sur les politiques liée aux croyances pour inclure ceux qui n’étaient pas en mesure de participer au dialogue de janvier 2012.
 
Nous tenons à souligner la contribution exceptionnelle de nos partenaires de l'Université de Toronto, dont Richard Chambers, directeur du Multi-Faith Centre et Pamela Klassen, professeur au Département de sciences des religions et directrice du Religion in the Public Sphere Initiative. Nous notons également l'aide précieuse et les commentaires fournis par les membres de la Faculté de droit de l’Université de Toronto, y compris Professeur Anver Emmon et Jenna Preston, ainsi que Nadir Shirazi au Multi-Faith Centre, et les professeurs Bruce Ryder et Benjamin Berger au Osgoode hall Law School de l’Université de York, qui ont tous apporté une contribution essentielle à des moments-clés tout au long du développement du dialogue politique.
 
Enfin, nous tenons à remercier tous les présentateurs, les participants et les contributeurs qui ont si généreusement offert leur temps, leurs pensées et leur énergie pour organiser le dialogue politique, ainsi que pour produire cette publication, engageante et perspicace. Nous espérons que vos efforts, et la présente publication, contribueront à préparer le terrain pour un débat public sain, équilibré et raisonnable sur les droits de la personne, les croyances et la liberté de religion dans les mois et années à venir.

 

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