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Lettre de suivi de la CODP à la ville de Kingsville sur le logement des travailleurs migrants

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Juin 24, 2022

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Maire Nelson Santos
et conseillers municipaux
Ville de Kingsville
2021 Division Road North
Kingsville ON N9Y 2Y9

 

Mesdames, Messieurs,

Objet : Hébergement des travailleurs migrants

La Commission ontarienne des droits de la personne (CODP) est consciente que le 16 août 2021, la ville de Kingsville a adopté le règlement municipal intérimaire 68-2021 qui interdit à toute personne d’utiliser à des fins d’hébergement de « travailleurs agricoles » quelconque terrain, immeuble ou structure ne faisant pas partie des terres agricoles où sont employés ces travailleurs, et ce, tant qu’une étude sur le logement n’aura pas été complétée. 

La CODP est consciente que cette étude, le Kingsville Temporary Farm Worker Housing Study – Final Report, est maintenant terminée et qu’elle fera l’objet de discussions durant la réunion du conseil du lundi 27 juin 2022. Après avoir passé en revue l’étude et les recommandations proposées, la CODP se préoccupe beaucoup du fait que ces recommandations, une fois mises en œuvre, pourraient continuer de créer des obstacles discriminatoires aux travailleurs migrants qui sont membres à part entière de la collectivité de Kingsville.

La désignation de logements sur la base des caractéristiques des personnes qui y vivent, comme dans le cas de la classification proposée de « Temporary Farm Worker Dwelling Unit » (logement pour travailleurs agricoles temporaires), va à l’encontre des lignes directrices de la CODP en entraînant un risque réel de « zonage de personnes ». Dans le cas présent en particulier, l’interdiction de créer dans des secteurs résidentiels urbains des logements pour travailleurs agricoles temporaires abritant plus de quatre travailleurs créerait un obstacle considérable pour les travailleurs migrants en quête d’un logement dans la ville et contreviendrait probablement au Code des droits de la personne (Code).

Les travailleurs migrants se heurtent déjà à une discrimination importante sur le plan personnel et professionnel. Aux termes du Code, la ville de Kingsville a l’obligation de veiller à ce que ses politiques et règlements ne viennent pas exacerber leur situation déjà précaire.

Conformément aux obligations relatives aux droits de la personne énoncées ci-après, la CODP enjoint au conseil d'éliminer le plus rapidement possible tout obstacle ayant un effet discriminatoire sur les travailleurs migrants, à permettre l’établissement de logements pour travailleurs migrants équivalents aux autres formes de logements à l’extérieur des exploitations agricoles et à s’employer activement à améliorer les conditions de vie et de travail de tous les travailleurs migrants qui vivent et travaillent à Kingsville.

 

Le Code des droits de la personne de l’Ontario

Le Code est une loi quasi constitutionnelle qui prime sur toutes les autres lois de l’Ontario, y compris la Loi sur les municipalités et la Loi sur l’aménagement du territoire. Le Code interdit la discrimination fondée sur certains motifs (comme la race et le lieu d’origine) dans l’offre de logements et de services.

La ville de Kingsville doit veiller à ce que ses décisions et règlements relatifs à l’aménagement du territoire n’aient pas d’effet discriminatoire sur les groupes protégés par le Code, y compris les travailleurs migrants auxquels s’appliquent généralement un ou plusieurs motifs du Code, comme la race, la citoyenneté et le lieu d’origine. La ville a l’obligation légale aux termes du Code de s’assurer qu’elle n’impose pas de restrictions injustifiées à l’emplacement des logements à l’intention des travailleurs migrants.   

Malgré qu’on puisse contrevenir au Code sans avoir d’intention discriminatoire, la CODP s’inquiète du fait que les tentatives de circonscription des logements pour travailleurs migrants puissent être en partie le résultat de stéréotypes et de présomptions à l’endroit des travailleurs migrants.

En Ontario, les travailleurs migrants se heurtent depuis toujours à de la discrimination. Dans bien des cas, cette discrimination a pris la forme de conditions de vie et de travail de qualité inférieure. De plus, étant donné qu’ils sont soumis à des règles d’emploi rendant leur droit au travail tributaire de la volonté de leur employeur, les travailleurs migrants sont en situation de vulnérabilité telle qu’ils cherchent rarement à revendiquer leurs droits de peur d’être renvoyés dans leur pays.

En effet, les règles régissant les travailleurs migrants créent une structure sociale qui isole souvent ces travailleurs des collectivités au sein desquelles ils vivent et travaillent, les empêche de participer pleinement à la vie de leur collectivité canadienne et accroît leur risque de discrimination.

Dans ce contexte, la ville de Kingsville devrait prendre des mesures pour appuyer les travailleurs migrants qui vivent et travaillent au sein de sa collectivité plutôt que d’ériger des obstacles à leur capacité de se loger dans la ville. La CODP somme la ville à non seulement éliminer les obstacles au logement qui nuisent aux travailleurs migrants, mais aussi utiliser ses pouvoirs afin de protéger les conditions de vie et de travail de tous les travailleurs migrants qui vivent et travaillent à Kingsville. 

 

Zonage de personnes

Depuis plus de 10 ans, la CODP a engagé le dialogue avec plusieurs municipalités à propos de questions relatives aux droits de la personne et à l’aménagement du territoire par le biais de l’élaboration de politiques pertinentes, de la défense des droits et de l’intervention devant les tribunaux.

La CODP collabore avec des personnes et des collectivités de tout l’Ontario pour mettre fin à la discrimination et éliminer les obstacles auxquels sont confrontés les groupes vulnérables. L’un de ces obstacles est le « zonage de personnes ».

Le « zonage de personnes », ou la tentative de réglementer les questions relatives au logement en fonction des personnes qui vivront dans les logements, résulte souvent d’une opposition fondée sur des stéréotypes ou des préjugés. Cela peut aller à l’encontre du droit à ne pas subir de discrimination en matière de logement, et donc contrevenir à la loi.

La ville de Kingsville doit s’assurer que ses règles et règlements municipaux ne mènent pas au zonage de personnes. Les outils de planification ne doivent pas cibler les groupes protégés par le Code ou avoir sur eux un effet discriminatoire. La ville doit s’assurer que les besoins de ces groupes sont pris en compte dans toutes ses décisions d’aménagement. Ceci est clairement indiqué dans le guide Dans la zone : logement, droits de la personne et planification municipale de la CODP.

En particulier, ce guide fait état de plusieurs pratiques recommandées aux municipalités pour éviter la discrimination dans les processus d’aménagement du territoire, y compris ce qui suit :

  • la réglementation municipale ne doit pas directement ou indirectement empêcher certains groupes de personnes de s’installer dans des quartiers particuliers;
  • les municipalités doivent mettre l’accent sur un aménagement du territoire légitime, en tenant compte de facteurs tels que le stationnement, le milieu bâti et les infrastructures (égouts, routes, etc.), plutôt que sur un « zonage des personnes ».

De plus, le guide Un toit pour tous : Droits de la personne et autorisation des logements locatifs de la CODP, qui porte principalement sur les locations à petite échelle, formule plusieurs recommandations utiles dans le présent contexte, y compris l’importance pour les administrations locales de :

  • tenir compte du Code lors de l’élaboration des exigences relatives aux autorisations, faire allusion au Code dans le règlement sur l’octroi d’autorisations et faire allusion au Code dans les documents remis aux personnes qui demandent une autorisation;
  • mettre le règlement en application uniformément et sans discrimination.

 

Conclusion

Alors que le conseil s’apprête à passer en revue ses mesures relatives à l’hébergement des travailleurs migrants, la CODP l’exhorte à prendre des décisions conformes au Code et à favoriser la dignité et le bien-être de tous les membres de la collectivité.  

À la CODP, nous serions heureux de collaborer avec la ville de Kingsville à cet important dossier et restons à votre disposition si vous ou votre équipe souhaitez communiquer avec nous.

Salutations distinguées. La commissaire en chef,

Patricia DeGuire

c. c. :       John Norton, chef des services municipaux, ville de Kingsville