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Éditorial d’opinion sur TVO.org : Les étudiants ne devraient pas être tenus d’éduquer les éducateurs en matière de racisme

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Mars 26, 2021

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Les universités et collèges doivent porter un regard sérieux et sincère sur les façons dont leurs politiques, pratiques et attitudes entretiennent la discrimination. Ce texte d’opinion de la commissaire en chef Ena Chadha a été publié sur tvo.org le 22 mars 2021.

Les étudiants ne devraient pas être tenus d’éduquer les éducateurs en matière de racisme

Dimanche, les Nations Unies ont marqué la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale sous le thème Les jeunes se lèvent contre le racisme. Ce thème trouve un écho ici en Ontario, où différents groupes d’étudiants ont dénoncé le racisme et les inégalités observés dans leurs universités et collèges.

L’an dernier, des étudiants de l’ensemble de la province ont lancé des comptes Instagram collégiaux et universitaires dans le but de discuter anonymement de leur vécu en matière de racisme, ce qui leur a valu des centaines de témoignages et des milliers d’abonnés. À l’automne, des étudiants d’Ottawa ont organisé une manifestation assise de cinq jours contre le racisme anti-noir, y compris l’utilisation par leur faculté de qualificatifs à connotation raciale. Durant la même période, sous la bannière Twitter ExposeUWindsor, des étudiants ont dévoilé des scènes horribles de racisme. Et pas plus tard que la semaine dernière, des étudiants ont pris d’assaut les médias sociaux pour dénoncer les commentaires insensibles d’un professeur de l’université York à l’égard des besoins en matière d’accommodement d’un étudiant basé au Myanmar pendant les violences civiles. Quel que soit l’établissement où la situation, ces étudiants semblent avoir en commun le fait de réclamer des mesures concrètes pour mettre fin au racisme à l’endroit des personnes noires, autochtones et musulmanes.

Informée de la discrimination exercée par des pairs, des professeurs et des directions d’établissement d’enseignement à l’endroit d’étudiants, y compris des cas de micro-agressions, de surveillance, d’insultes à caractère racial, de violence et d’autres conduites troublantes, la Commission ontarienne des droits de la personne a publié une lettre ouverte à tous les établissements collégiaux et universitaires publics de l’Ontario. La lettre du 18 décembre de la CODP insistait sur le fait que les établissements d’enseignement ont le devoir de faire proactivement enquête sur la discrimination systémique et que les étudiants ne devraient pas avoir à assumer le fardeau de les convaincre de mettre fin au racisme.

Il n’est pas normal que des étudiants, y compris des jeunes venant à peine de terminer le secondaire, ressentent le besoin de faire appel à la CODP pour se doter de milieux d’apprentissage respectueux en raison du manque de résolution ou de prise en compte de leurs préoccupations relatives aux droits de la personne. En s’adressant à la CODP, ces étudiants disent mettre en péril leur santé mentale et craindre pour leur réputation et leurs perspectives de carrière. La discrimination en contexte d’éducation nuit à l’estime de soi, au sentiment de sécurité, au rendement scolaire et à l’intégration sociale des étudiants. Puisque le partage de préoccupations à cet égard peut être épuisant et décourageant, il est probable que nous n’entendions parler que d’une fraction des étudiants touchés.

Les établissements d’enseignement doivent promouvoir une culture d’équité et d’inclusion en adoptant des initiatives de lutte contre le racisme et le colonialisme à l’échelle de l’organisation. Ni les programmes d’études ou les cours magistraux, les évaluations, les résidences ou la vie sur le campus, voire même l’accès au soutien financier, n’échappent au racisme manifeste et systémique. Le racisme organisationnel imprègne les politiques administratives et de gouvernance, et nuit aux processus d’embauche, d’avancement et de titularisation. Plutôt que de poser des gestes de surface pour marquer une journée internationale contre le racisme, les universités et collèges doivent s’engager à porter un regard sérieux et sincère sur la myriade de façons dont leurs politiques, pratiques et attitudes entretiennent la discrimination.

L’absence de données sur la diversité raciale de la population étudiante des établissements postsecondaires est une grave omission qui contribue au problème. À la différence des États-Unis, où le suivi des modèles et causes des disparités économiques raciales est une pratique bien établie, le Canada ne dispose pas de cadre systématique de collecte de données relatives à la race. Un sondage mené en 2016 par Statistique Canada montrait que seulement 20,9 % des membres à temps plein des personnels enseignants des universités canadiennes s’identifiaient à un groupe racialisé, mais aucun recensement fiable n’a été effectué de la population étudiante. Bien que certains établissements d’enseignement se soient engagés à recueillir cette information, cette collecte de donnée n’est pas obligatoire.

Les étudiants canadiens et étrangers d’une variété de domaines d’études veulent désespérément s’instruire à propos de l’effet de la race dans la société d’aujourd’hui, de la façon de créer des collectivités équitables et des moyens de démanteler les structures qui renforcent le racisme. Ils attribuent leur manque de compréhension de la discrimination systémique et leur quête du sens de la vérité et de la réconciliation à l’absence d’instruction sur le passé colonialiste du Canada. Selon eux, tous les étudiants de niveau postsecondaire au Canada, et non seulement les étudiants inscrits en sciences sociales, devraient recevoir un enseignement sur l’oppression raciale et coloniale.

Les étudiants se sont mobilisés en faveur du changement et leurs perspectives sont essentielles à la transformation des attitudes, des valeurs et des systèmes. Au final cependant, les établissements postsecondaires doivent assumer leurs responsabilités en matière d’enseignement de l’équité aux étudiants. Les étudiants doivent avoir des occasions réelles d’apprendre ce que sont la lutte antiraciste, la décolonisation, l’intersectionnalité, le privilège et l’oppression dans des disciplines comme les sciences, le commerce, les mathématiques, les arts, les sports, le théâtre, l’ingénierie et les soins de santé. La décolonisation et la libération dépendent d’une pédagogie critique. Si nous n’enseignons pas les droits de la personne aux étudiants de tous les programmes d’études, nous ne préparerons pas la prochaine génération de chefs de file nécessaire à la création d’une société équitable.

Aucun domaine social n’échappe au racisme systémique et les établissements d’enseignement ne font pas l’exception. Les établissements postsecondaires constituent un microcosme de la société, où sont reproduits les désavantages en matière de droits de la personne et dynamiques connexes que nous subissons et observons tout autour. Il est bouleversant de prendre connaissance de la discrimination dont font l’objet des étudiants, surtout aux mains de membres de personnels enseignants. Nous devons prendre en compte et appuyer les appels lancés par les étudiants en vue d’obtenir une éducation sur le racisme, des systèmes justes, la représentation de la diversité et des structures responsables. Les étudiants qui militent pour l’équité ne devraient pas être tenus d’éduquer les éducateurs.

Ena Chadha
Commissaire en chef