Les droits de la personne et la famille en ontario

Approuvé par la Commission le 30 mars 2005
Disponible sur disquette compatible IBM, sur bande sonore ou en gros caractères

Introduction

La Commission ontarienne des droits de la personne (la « Commission ») estime qu’il serait un temps opportun de réfléchir sur les questions des droits de la personne qui sont lier aux relations, notamment l’état familial, et de mieux sensibiliser le public à ces questions.

Ces dernières années, on a accordé relativement peu d’attention à la protection des droits de la personne relatifs à l’état familial aux termes du Code des droits de la personne de l’Ontario (le « Code »)[1]. De fait, les questions reliées à l’état familial sont rarement associées à des questions de droits de la personne. Ce sujet motif de discrimination illicite soulève diverses questions : comment est-ce que la société valorise et favorise-t-elle nos relations, et comment peut-on éviter le désavantage systémique qui s’y rattache souvent? Un examen de l’état familial fait ressortir les importantes répercussions que nos relations peuvent avoir sur l’accès au logement à l’emploi et aux services.

Le public s’est particulièrement intéressé, au cours des dernières années, à la question de la difficulté croissante à maintenir un équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée, les particuliers s’efforçant de remplir leurs engagements à la fois envers leur employeur et envers leur famille. Des expressions telles que « conciliation travail-vie » et « environnement de travail flexible » sont devenues des expressions-clés, et les gouvernements ont commencé à prendre certaines mesures en vue de protéger les employés qui ont des responsabilités « parentales ». Malgré les longues discussions sur ces questions, celles-ci n’ont généralement pas été associées à des questions touchant les droits de la personne. La Commission a de nouveau dû se pencher sur cette question à la suite des consultations publiques qu’elles a tenues, en 2000, sur la discrimination fondée sur l’âge, au cours desquelles sont devenus évidents le besoin croissant en matière de soins pour les personnes âgées – la prestation de ces soins incombant essentiellement aux membres de la famille – et les répercussions que cela engendrait à la fois pour ceux qui reçoivent de tels soins et pour ceux qui les dispensent. La Commission s’est donc engagée à formuler en matière de services aux aînés un énoncé de principes qui définisse les problèmes relatifs aux questions des droits de la personne, ainsi qu’à instruire les plaintes des employés qui fournissent des soins à des parents, conjoints ou partenaires du même sexe[2] âgés ou malades et qui font l’objet d’une discrimination fondés sur l’état familial ou l’état matrimonial ou sur le partenariat avec une personne de même sexe[3].

Récemment, la jurisprudence portant sur la grossesse et l’allaitement naturel, ainsi que les politiques de la Commission et ses travaux de sensibilisation du public en la matière, a fait ressortir les répercussions qu’a sur les femmes leur rôle de fournisseurs de soins et a permis de conclure qu’il incombait aux employeurs, aux locateurs et aux fournisseurs de services de tenir compte de l’importance du lien mère-enfant[4]. L’examen du motif de discrimination fondé sur l’état familial représente le prolongement logique de ces travaux.

Les familles canadiennes se sont considérablement diversifiées au cours des dernières années. Le nombre de parents célibataires et de familles reconstituées continue à s’augmenter. Les familles peuvent (de moins en moins) compter sur un de leurs membres pour s’occuper à temps plein des autres : dans la plupart des familles avec enfants, tous les adultes travaillent à l’extérieur du foyer. Ce n’est par ailleurs qu’au cours des dernières années qu’ont dans une certaine mesure été reconnues les familles dirigées par des parents du même sexe. Les employeurs, les locateurs et les fournisseurs de services n’ont pas nécessairement adapté leurs politiques, programmes et pratiques à ces nouvelles réalités. Les personnes faisant partie d’une famille non-traditionnelle risquent, en matière d’accès à l’emploi, au logement ou aux services, d’être exclues ou désavantagées.

Les rapports faisant état d’une discrimination répandue en matière d’accès au logement locatif préoccupent la Commission, de même que le fait que les familles avec de jeunes enfants sont susceptibles d’être marginalisées au sein du marché du logement locatif, particulièrement lorsqu’il y a recoupement entre l’état familial et l’état matrimonial, la réception de prestations d’aide sociale ou les motifs de discrimination liés à la race aux termes du Code. Les conséquences de cette marginalisation peuvent être très graves et soulèvent d’importantes questions en matière de droits de la personne.

Il se peut qu’il y ait d’autres questions reliées à l’état familial que la Commission n’a pas encore cernées. La Commission considère le présent document de travail comme une première étape de l’examen qu’elle entend poursuivre sur la question des droits de la personne et de l’état familial, et comme une occasion de sensibiliser le public aux protections fondées sur l’état familial qui sont offertes en matière de droits de la personne. La Commission souhaite lancer le débat, explorer la direction à prendre en vue de renforcer ces protections, obtenir de la rétroaction et stimuler la discussion sur ces questions au sein de la collectivité. La Commission a l’intention d’élaborer un énoncé de principes sur la discrimination fondée sur l’état familial. Les énoncés de principes de la Commission établissent des normes sur la manière dont les particuliers, les employeurs, les fournisseurs de services et les responsables des politiques devraient agir pour s’assurer qu’ils respectent le Code. Ces énoncés sont importants puisqu’ils fournissent des renseignements sur l’interprétation du Code retenue par la Commission au moment de leur publication. Bien qu’ils ne lient pas les commissions d’enquête ni les tribunaux, ces derniers leur accordent souvent une très grande importance, les appliquent aux faits de l’espèce et les citent dans leurs décisions.


[1] L.R.O. 1990, chap. H.9.
[2] Les expressions « partenaire de même sexe » et « partenariat avec une personne de même sexe » ont récemment été supprimées du Code. Auparavant, le Code définissait le terme « conjoint » comme étant « la personne à qui une personne de sexe opposé est mariée ou avec qui elle vit dans une union conjugale hors du mariage », tandis que la définition d’« état matrimonial » visait le « fait d’être marié, célibataire, veuf, divorcé ou séparé », y compris « le fait de vivre avec une personne de sexe opposé dans une union conjugale hors du mariage » (par. 10(1)). Par suite de la décision rendue en 1999 dans l’affaire M. c. H., [1999] 2 R.C.S. 3, dans laquelle la Cour suprême du Canada a jugé que la définition de « conjoint » (qui visait une personne de sexe opposé) figurant dans la Loi sur le droit de la famille était inconstitutionnelle, le Code a été modifié de manière à accorder une protection au « partenariat avec une personne de même sexe ». Le Code définissait l’expression « partenaire de même sexe » comme étant « la personne avec qui une personne de même sexe vit dans une union conjugale hors du mariage ». En 2005, le projet de loi 171 (L.O. 2005, chap. 5) modifiait le Code à nouveau. Les expressions « partenaires de même sexe » et « partenariat avec une personne de même sexe » ont alors été supprimées. Les définitions de l’expression « état matrimonial » et du terme « conjoint » ont été modifiées par substitution de « une personne » à « une personne du sexe opposé ». Sauf indication contraire, le présent document renvoie à la définition courante de l’expression « état matrimonial » et du terme « conjoint ».
[3] Commission ontarienne des droits de la personne, Il est temps d’agir : Faire respecter les droits des personnes âgées en Ontario (2001), en ligne : Commission ontarienne des droits de la personne, <www.ohrc.on.ca/>.
[4] Commission ontarienne des droits de la personne, Politique concernant la discrimination liée à la grossesse et à l’allaitement naturel (2001), en ligne : Commission ontarienne des droits de la personne, <www.ohrc.on.ca/>.

 

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L’évolution des familles Canadiennes

Les familles canadiennes ont changé rapidement au cours des deux dernières décennies, ces changements étant notamment caractérisés par une plus grande diversité des structures familiales. La famille « traditionnelle », composée du père, qui occupe un emploi rémunéré et qui est marié à une femme qui s’occupe à plein temps des enfants du couple, ne constitue qu’un type de familles parmi tant d’autres. Certaines formes de familles sont souvent ignorées. Par exemple, les familles formées par les gais, les lesbiennes et les bisexuels ne sont parfois pas reconnues. Jadis, les familles adoptives et les familles d’accueil étaient parfois considérées comme des familles moins valables que d’autres types de familles[5]. On oublie par ailleurs parfois que la définition de la famille comporte un volet culturel important. En raison de la diversité de plus en plus grande de la population canadienne, il existe plusieurs définitions de la famille en sus de celle de la famille nucléaire. Par exemple, un nombre croissant de familles canadiennes forment un ménage à trois générations, une tendance fortement liée au profil de l’immigration contemporaine[6].

Nous relevons ci-après certaines des plus importantes tendances de la structure familiale.

Couples vivant en union libre : Le nombre de couples vivant en union libre ayant considérablement augmenté au cours des 20 dernières années, et aujourd’hui, ces couples constituent aujourd’hui une dimension importante des rapports conjugaux au Canada. En 1981, six pour cent de tous les couples vivaient en union libre. En 2001, ces couples formaient 16 pour cent de tous les couples[7]. Quarante-six pour cent des couples vivant en union libre avaient des enfants, qu’ils soient nés dans le cadre de cette union ou d’une relation antérieure.

Divorce : En 1997, on comptait 2,4 mariages pour chaque divorce. Le taux de divorce a atteint un sommet à la fin des années 1980, puis a diminué graduellement au cours des années 1990. On estime que, parmi les couples qui se sont mariés en 1996, 37 pour cent divorceront. Les taux plus élevés de remariage sont associés aux plus hauts taux de divorce : en 1996, plus d’un tiers des couples qui se sont mariés comptaient au moins un conjoint ayant déjà été marié[8]. Ce qui signifie qu’un nombre croissant d’enfants sont élevés au sein de familles reconstituées. En 1994, neuf pour cent des enfants canadiens de moins de 12 ans vivaient dans une famille reconstituée[9].

Familles monoparentales : On compte également de plus en plus de familles monoparentales : en 2001, près du quart des familles avec enfants étaient des familles monoparentales, comparativement à 16,6 pour cent en 1981[10]. Ces familles sont pour la plupart dirigées par des femmes : en 1996, le chef de famille de 83 pour cent des familles monoparentales était une femme[11]. Les familles monoparentales dirigées par une femme sont souvent les familles les plus vulnérables sur le plan économique : en 1997, 56 pour cent de ces familles étaient pauvres, comparativement à 14 pour cent de toutes les familles[12]. En outre, bien que les familles très jeunes soient en général relativement vulnérables financièrement, la plupart éprouveront des difficultés financières pendant une période relativement courte. Par contre, les familles monoparentales dirigées par une femme sont les familles les plus susceptibles de gagner de faibles revenus pendant une longue période[13]. Celles de ces familles qui appartiennent à des communautés racialisées sont souvent plus désavantagées que les autres pour ce qui est des perspectives d’emploi et de l’accès au logement et aux services.

Couples homosexuels : Le recensement de 2001 permettait pour la première fois d’obtenir des renseignements sur les couples homosexuels. D’après les chiffres obtenus, environ 0,5 pour cent de tous les couples vivant ensemble étaient formés de partenaires du même sexe. Quinze pour cent des ménages dirigés par des couples lesbiennes comptaient des enfants, tandis que trois pour cent des couples d’homosexuels masculins déclaraient avoir des enfants[14]. Compte tenu du fait que c’était la première fois que des renseignements sur les couples homosexuels étaient recueillis, il est probable que ces chiffres sont plus bas que la réalité.

Les femmes sur le marché du travail rémunéré : Près de 70 pour cent des mères d’enfants d’âge préscolaire et plus des trois quarts des mères de jeunes d’âge scolaire occupent ou cherchent activement un emploi; la plupart de ces mères travaillent à plein temps[15]. Cette augmentation de l’emploi a entraîné une augmentation du niveau de stress, les parents devant tenter de concilier leurs nombreuses responsabilités. Cinquante pour cent des mères qui travaillent et 36 pour cent des pères qui travaillent ont affirmé avoir de la difficulté à concilier leurs responsabilités professionnelles et leurs responsabilités familiales[16].

Même si elles doivent de plus en plus assumer des responsabilités dans le cadre de leur emploi rémunéré, la plupart du temps, les femmes sont encore celles qui assument la responsabilité des soins aux enfants et aux personnes âgées, malades ou handicapées. En 1998, près des deux tiers (64 pour cent) des heures consacrées aux soins informels et non rémunérés par les membres de la famille l’étaient par des femmes. Cela est essentiellement attribuable au fait que les femmes s’occupent davantage des enfants que leur conjoint[17]. Même en ce qui a trait aux soins aux personnes âgées, non seulement les femmes représentent plus de 60 pour cent des aidants naturels, mais elles consacrent en outre plus de temps aux tâches reliées aux soins.[18] Ce sont également les femmes qui, pour l’essentiel, exécutent les tâches ménagères. Les mères mariées qui ont des enfants ont déclaré qu’elles consacraient en moyenne 10,1 heures par jour au travail rémunéré et au travail non rémunéré, davantage que tout autre groupe. Près du tiers de ces femmes ont indiqué qu’elles faisaient face à un stress énorme causé par le manque de temps, soit environ deux fois plus que les hommes[19].

Comme nous le verrons plus loin dans le présent document, ces responsabilités ont des répercussions sur le statut des femmes au sein du marché du travail. Par exemple, les femmes sont davantage susceptibles d’occuper un emploi à temps partiel ou un emploi occasionnel, de manière à être en mesure de concilier leurs responsabilités professionnelles et leurs responsabilités familiales. Selon des études faites aux États-Unis, les femmes qui fournissaient des soins à des parents réduisaient systématiquement leurs heures de travail. Il en résulte cependant que les femmes sont plus susceptibles d’occuper un emploi précaire ou sans avenir. Les femmes sont par ailleurs davantage susceptibles que les hommes de demander un congé à leur employeur afin de s’acquitter d’obligations familiales : en moyenne, les femmes perdent 6,9 journées de travail par année au titre des responsabilités familiales, comparativement à 0,9 journée pour les hommes[20].

Vieillissement de la population : En 1999, 12,5 pour cent des Ontariens et Ontariennes étaient âgés de 65 ans ou plus. On estime que, au cours des quatre prochaines décennies, le nombre d’Ontariens et d’Ontariennes âgés de 65 ans ou plus doublera. On s’attend à ce que la proportion de personnes âgées par rapport aux Canadiens et Canadiennes en âge de travailler augmente rapidement après 2005, étant donné que les membres de la génération du baby-boom (soit les personnes nées entre 1945 et 1965) commenceront à atteindre l’âge de 65 ans[21]. Cette situation aura d’importantes répercussions en ce qui a trait aux soins aux personnes âgées, lesquelles sont déjà considérées comme formant un groupe dont les besoins sont croissants. Quarante-et-un pour cent des Canadiens et Canadiennes de plus de 65 ans reçoivent des soins non officiels relativement à des problèmes de santé à long terme[22]. Selon des données sur les soins aux aînés obtenues en 1996, plus que deux tiers des aidants naturels sont âgés de 30 à 59 ans, et plus que deux tiers travaillent à l’extérieur du foyer. Un quart des aidants naturels s’occupe en outre d’enfants de moins de 15 ans[23].


[5] En 1994, environ un pour cent des enfants canadiens vivaient dans une famille d’adoption ou d’accueil : Statistique Canada, « Les enfants du Canada durant les années 90 : certains résultats de l'Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes », Tendances sociales canadiennes (printemps 1997).
[6] Janet Che-Alford et Brian Hamm, « Trois générations sous un même toit », Tendances sociales canadiennes (été 1999) 6. Le nombre de ménages à trois générations a augmenté de 39 % entre 1986 et 1996. Près de la moitié de ces ménages sont dirigés par des immigrants.
[7] Statistique Canada, « Le point sur les familles », Tendances sociales canadiennes (été 2003) 11.
[8] Institut Vanier de la famille, Profil des familles canadiennes III, en ligne : Institut Vanier de la famille, <www.vifamily.ca>.
[9] Statistique Canada, « Les enfants du Canada durant les années 90 : certains résultats de l'Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes », Tendances sociales canadiennes (printemps 1997).
[10] J. Jenson, A Decade of Challenges; A Decade of Choices: Consequences for Canadian Women (Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques, Réseau de la famille, 16 février 2004), en ligne : Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques, <www.cprn.org>.
[11] Institut Vanier de la famille, Données sur la famille (2004), en ligne : Institut Vanier de la famille, <www.vifamily.ca>.
[12] Ibid.
[13] R. Morrissette, « Précarité : familles vulnérables sur le plan financier », Tendances sociales canadiennes (hiver 2002) 13.
[14] Institut Vanier de la famille, Les couples de même sexe et les familles homoparentales : relations, parentage et questions relatives au mariage (2004), en ligne : Institut Vanier de la famille, <www.vifamily.ca>.
[15] Supra, note 8.
[16] . Jenson, Catching Up to Reality: Building the Case for a New Social Model (Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques, janvier 2004), en ligne : Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques, <www.cprn.org>.
[17] N. Zukewich, « Soins informels non rémunérés », Tendances sociales canadiennes (automne 2003) 14.
[18] J.A. Frederick et J.E. Fast, « Le profil des personnes qui prodiguent des soins aux aînés »,Tendances sociales canadiennes (automne 1999) 26.
[19] D. Cheal, M. Luxton et F. Woolley, How Families Cope and Why Policy-Makers Need to Know (Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques, 1998), p. 30.
[20] Ibid, p. 34.
[21] Commission ontarienne des droits de la personne, Discrimination et l’âge : problèmes relatifs aux droits de la personne vécus par les personnes âgées en Ontario (2000), p. 10; en ligne : Commission ontarienne des droits de la personne, <www.ohrc.on.ca>.
[22] Supra, note 16.
[23] Supra, note 18.

Nombre de plaintes reçues par la Commission

[24]

La Commission reçoit relativement peu de plaintes dans lesquelles le motif de discrimination invoqué est l’état familial. Au cours de l’exercice 2003-2004, 120 plaintes mentionnant ce motif ont été déposées auprès de la Commission, soit un peu moins de 5 pour cent des 2 450 plaintes reçues au cours de l’année. Ces chiffres sont semblables à ceux des années précédentes. En 2002-2003, la Commission a reçu 102 plaintes reliées à l’état familial, soit près de 6 pour cent de toutes les plaintes et, en 2001-2001, 112 plaintes, soit 5 pour cent de l’ensemble des plaintes. La raison pour laquelle relativement peu de plaintes faisaient mention de l’état familial n’est pas claire : il se peut que cela soit attribuable au fait que le public ne connaisse pas de façon générale les protections en matière de droits de la personnes reliées à l’état familial ou que la Commission n’ait pas adopté un cadre stratégique formel relativement au règlement de telles plaintes.

Tout comme dans le cas des autres motifs énumérés dans le Code, la plupart des plaintes fondées sur l’état familial qui ont été déposées auprès de la Commission se rapportent au domaine social de l’emploi. Au cours des quatre dernières années, près de deux tiers des plaintes mentionnant l’état familial se rapportaient au secteur de l’emploi; toutefois, ces plaintes représentaient de manière générale moins de 5 pour cent de toutes les plaintes reliées à l’emploi. Parmi les questions soulevées, mentionnons l’obligation des employeurs d’offrir des heures de travail souples pour que les employés puissent s’acquitter de leurs responsabilités familiales, les politiques et pratiques susceptibles de créer des obstacles systémiques pour les particuliers qui ont l’obligation de s’occuper d’autres personnes, les préjugés fondés sur l’état familial ainsi que les politiques de recrutement favorisant ou visant à prévenir le népotisme.

En moyenne, environ 30 pour cent des plaintes fondées sur l’état familial se rapportent au logement. Historiquement, les plaintes mentionnant l’état familial constituaient un nombre très élevé des plaintes reçues en matière de logement. En 2002-2003 par exemple, 32 des 82 plaintes (soit près de 40 pour cent) se rapportant au logement mentionnaient l’état familial. Dans ce type de plaintes, l’état familial était généralement le deuxième ou troisième motif le plus souvent invoqué. Il semble cependant que le nombre de plaintes en matière de logement qui mentionnaient la question de l’état familial ait considérablement diminué en 2003-2004, mais il est difficile de dire si cette situation est attribuable à une anomalie statistique ou à une tendance. La plupart des plaintes déposées auprès de la Commission qui se rapportent à l’état familial et au logement font état du refus direct de louer un logement à une famille avec enfants. La Commission a également reçu des plaintes ayant trait aux normes d’occupation, au harcèlement dont étaient victimes les parents d’enfants bruyants et à l’accès inégal aux installations.

Quels rôles la Commission, le gouvernement et les autres acteurs devraient-ils remplir afin de résoudre les problèmes soulevés dans la présent document?

Que peut faire la Commission pour sensibiliser davantage le public aux questions relatives aux droits de la personne qui concernent l’état familial et pour lutter plus efficacement contre la discrimination fondée sur l’état familial?


[24] La loi oblige la Commission à remettre au gouvernement un rapport annuel sur ses activités. Ces rapports constituent une source importante de renseignements sur les plaintes déposées auprès de la Commission. Ils sont accessibles en ligne à l’adresse <www.ohrc.on.ca>.

L’état familial et les droits de la personne au Canada

La protection contre la discrimination fondée sur l’état familial est un phénomène relativement nouveau au Canada. Des dispositions législatives interdisant ce type de discrimination ont été ajoutées à un certain nombre de lois en matière de droits de la personne à la fin des années 1970 et au début des années 1980. La discrimination fondée sur l’état familial n’est pas interdite partout au Canada[25]. Par exemple, les lois en matière de droits de la personne de Terre-Neuve et du Nouveau-Brunswick ne renferment pas de dispositions visant la discrimination fondée sur l’état familial, bien que les dispositions interdisant la discrimination fondée sur l’âge et l’état matrimonial aient dans certains cas été interprétées de manière à viser des questions qui, dans d’autres provinces, pourraient être assimilées à des questions concernant l’état familial.

Les organismes chargés de protéger les droits de la personne qui se sont penchés sur des questions concernant l’état familial ont souvent porté leur attention sur l’accès au logement. Les logements qui sont réservés aux adultes posent souvent problème. Dans le domaine de l’emploi, la plupart des jugements s’articulaient autour des politiques de recrutement favorisant ou visant à prévenir le népotisme et de la discrimination fondée sur l’identité particulière d’un membre de la famille. Il y a par ailleurs très peu de documentation sur la discrimination fondée sur l’état familial dans le secteur des services.

En général, la jurisprudence canadienne concernant l’état familial a été axée sur la discrimination directe. On a accordé peu d’attention aux programmes et aux politiques qui ont des répercussions négatives[26] soit sur les familles avec enfants soit au titre des obligations en matière de soins aux personnes âgées[27]. On a également rarement examiné la question de savoir à quoi correspond l’obligation d’accommodement dans le contexte de l’état familial. Il serait par conséquent juste de dire qu’il y a un manque à combler au Canada en ce qui a trait aux politiques en matière de droits de la personne et à la jurisprudence concernant l’état familial.


[25] Bien que le Québec n’interdise pas la discrimination fondée sur l’état familial, les protections offertes contre la discrimination fondée sur l’« état civil » ont de façon constante été interprétées de manière à viser l’état familial.
[26] On trouvera à la fin du présent document un glossaire des termes et expressions juridiques se rapportant aux droits de la personne, notamment une définition des diverses formes de discrimination.
[27] La plus importante exception à cette généralisation est l’affaire Kearney c. Bramalea (1998), 34 C.H.R.R. D/1 (Comm. d’enq. Ont.), dans laquelle une commission d’enquête a conclu que les rapports loyer-revenu établissaient à l’endroit des locataires visés une discrimination fondée, entre autres motifs, sur l’état familial.

Discrimination Type: 

Documents internationaux

L’article 25 de la Déclaration universelle des droits de l’homme[28] se lit comme suit : « La maternité et l’enfance ont droit à une aide et à une assistance spéciales. Tous les enfants, qu’ils soient nés dans le mariage ou hors mariage, jouissent de la même protection sociale. » L’article 16 précise par ailleurs que « [L]a famille est l’élément naturel et fondamental de la société et a droit à la protection de la société et de l’État. » Ce principe est en outre énoncé à l’article 23 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques[29].

Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels[30] déclare ceci : « Une protection et une assistance aussi larges que possible doivent être accordées à la famille, qui est l’élément naturel et fondamental de la société, en particulier pour sa formation et aussi longtemps qu’elle a la responsabilité de l’entretien et de l’éducation d’enfants à charge. » (article 10).

La Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes[31] exige que les États parties prennent toutes les mesures qui s’imposent pour « faire bien comprendre que la maternité est une fonction sociale et [...] faire reconnaître la responsabilité commune de l’homme et de la femme dans le soin d’élever leurs enfants et d’assurer leur développement » (article 5) et pour « encourager la fourniture des services sociaux d’appui nécessaires pour permettre aux parents de combiner les obligations familiales avec les responsabilités professionnelles et la participation à la vie publique » (article 11)[32].

La Convention relative aux droits de l’enfant[33] exige que les États parties « accordent l’aide appropriée aux parents et aux représentants légaux de l’enfant dans l’exercice de la responsabilité qui leur incombe d’élever l’enfant et assurent la mise en place d’institutions, d’établissements et de services chargés de veiller au bien-être des enfants. »

Le Programme d’action de 1994 de la Conférence internationale sur la population et le développement[34] reconnaissait que la famille constituait l’unité de base de la société et que les notions traditionnelles fondées sur le sexe en matière de répartition des fonctions parentales ne correspondaient plus aux réalités et aux aspirations actuelles. Le Programme d’action invitait les gouvernements à collaborer avec les employeurs en vue de fournir et de promouvoir les moyens de concilier la vie active et les responsabilités parentales, en particulier dans le cas des familles monoparentales comprenant de jeunes enfants, et de prendre des mesures positives pour éliminer toutes les formes de contrainte et de discrimination dans les politiques et les pratiques. La Déclaration et Programme d’action de Beijing[35] de 1995 reconnaissait que les mauvaises conditions dans lesquelles les femmes travaillent constituent un obstacle important qui empêche celles-ci de s’épanouir pleinement, et énonçait des objectifs stratégiques en vue de favoriser un partage plus équitable du travail et des responsabilités familiales entre les femmes et les hommes.

Les organes des Nations Unies créés par traité se sont dits préoccupés par l’application de ces droits au Canada, en particulier en ce qui concerne les mères seul soutien de famille.

Dans le Rapport sur le Canada de janvier 1997, le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (Nations Unies) s’est dit préoccupé par la pauvreté croissante chez les mères célibataires, qu’aggravaient la suppression, la modification ou la réduction des programmes d’aide sociale. Le Comité a suggéré au gouvernement de s’attaquer de toute urgence aux facteurs responsables de l’accroissement de la pauvreté des femmes, en particulier des mères célibataires, et d’élaborer des programmes et des politiques de lutte contre cette pauvreté. Il a recommandé de rétablir les programmes d’aide sociale destinés aux femmes à un niveau approprié[36].

De la même manière, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels (Nations Unies), dans les observations qu’il formulait en 1998 relativement à la mise en œuvre de la Convention par le Canada, a déclaré qu’il constatait, avec une vive inquiétude, que l’abandon du Programme d’assistance publique du Canada[37] et les réductions opérées dans les prestations, les services et les programmes d’aide sociale ont eu des conséquences particulièrement dures pour les femmes, notamment pour les mères célibataires, qui constituent la majorité des pauvres, et la majorité des adultes recevant une aide sociale et des bénéficiaires des programmes sociaux. Le Comité a dit craindre que les coupures importantes opérées dans les programmes d’aide sociale, la pénurie de logements décents et abordables et la discrimination répandue en matière de logement ne constituent des obstacles pour les femmes cherchant à fuir la violence conjugale, de sorte que de nombreuses femmes n’avaient d’autre choix que de revenir ou rester dans une situation de violence ou de se retrouver sans logement, sans nourriture et sans habillement suffisants pour elles et leurs enfants. Le Comité invitait instamment le Canada à mettre en œuvre une stratégie nationale pour lutter contre le problème des sans-abri et la pauvreté, notamment à s’attaquer aux problèmes touchant l’aide sociale et le logement et à appliquer efficacement la législation anti-discriminatoire[38].

Le Comité des droits de l’enfant réitérait de semblables préoccupations dans les observations finales qu’il formulait en 2003 en réponse au rapport déposé par le Canada conformément à la Convention. Le Comité a réaffirmé la préoccupation qu’il avait précédemment exprimée à l’égard du phénomène de la pauvreté des enfants et a relevé les conséquences que l’aggravation de la pauvreté parmi les mères célibataires et d’autres groupes vulnérables pouvaient avoir sur les enfants. Le Comité recommandait au gouvernement canadien de mettre en œuvre des programmes et politiques pour permettre à toutes les familles de disposer de ressources et d’équipements convenables, en accordant l’attention voulue à la situation des femmes célibataires ainsi qu’à celle d'autres groupes vulnérables[39].


[28] 10 décembre 1948, Résolution de l’Assemblée générale 217A (III), UN Doc. A/810.
[29] 16 décembre 1966, 999 R.T.N.U. 171, Can. R.T. 1976 No. 47 (date d’entrée en vigueur : le 23 mars 1976, date d’adhésion du Canada : le 19 mai 1976).
[30] 16 décembre 1966, 993 R.T.N.U. 3, Can. T.S. 1976 No. 46 (date d’entrée en vigueur : le 3 janvier 1976, date d’adhésion du Canada : le 19 août 1976).
[31] 18 décembre 1979, Résolution de l’Assemblée générale 34/180 (date d’entrée en vigueur : le 3 septembre 1981, date d’adhésion du Canada : le 9 janvier 1982).
[32] Le Protocole facultatif à cette convention permet au Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes de recevoir des plaintes; Résolution de l’Assemblée générale A/54/4 (date d’entrée en vigueur : le 22 décembre 2000, date d’adhésion du Canada : le 18 janvier 2003).
[33] 20 novembre 1989, Résolution de l’Assemblée générale 44/25 (date d’entrée en vigueur : le 2 septembre 1990, date d’adhésion du Canada : le 12 janvier 1992), article 18.
[34] Nations Unies, Conférence internationale sur la population et le développement (septembre 1994).
[35] Nations Unies, Rapport de la quatrième Conférence sur les femmes (17 octobre 1995) A/CONF.177/20.
[36] Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (Nations Unies), Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes : Canada, 12 août 1997, A/52/38/Rev.1, par. 306 à 343.
[37] « Dans son rapport de 1993, le gouvernement a informé le Comité que le RAPC établissait des normes nationales en matière de bien-être social, exigeant que les prestataires de l'aide sociale soient libres de choisir de travailler, garantissait le droit à un niveau de vie décent et facilitait les contestations judiciaires relatives aux programmes d'assistance sociale provinciaux financés par le gouvernement fédéral qui ne satisfaisaient pas aux normes prescrites par la Loi. À l'opposé, le TCSPS [le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, qui a remplacé le RAPC] a supprimé chacune de ces caractéristiques et considérablement réduit le montant des paiements de transfert versés aux provinces aux fins de l'assistance sociale. », ibid, par. 19.
[38] Comité des droits économiques, sociaux et culturels (Nations Unies), Examen des rapports présentés par les États parties en application des articles 16 et 17 de la Convention (Observations finales – Canada), 10 décembre 1998, E/C/12/1/Add.31.
[39] Comité des droits de l’enfant (Nations Unies), Examen des rapports présentés par les États parties en application de l’article 44 de la Convention – Observations finales : Canada, 27 octobre 2003, CRC/C/15/Add.215.

 

L’état familial et le Code des droits de la personne de l'Ontario

Le législateur a ajouté une protection contre la discrimination fondée sur l’état familial dans le Code en 1982, par suite des recommandations formulées en 1977 dans un rapport sur l’objet du Code, intitulé « Vie Ensemble »[40]. Initialement, le Code comportait une exception permettant au locateur de louer des immeubles d’habitation ou des parties d’immeubles d’habitation uniquement à des adultes. Cette disposition du Code a été abrogée en décembre 1986, après un examen approfondi de cette question par un comité législatif.

À l’heure actuelle, le Code interdit la discrimination fondée sur l’état familial en matière d’emploi, de logement, de contrat, de services, de biens et d’installations et à l’égard des associations professionnelles.

Définition d’état familial

Le terme « famille » peut être défini de bien des manières. Toutefois, le Code offre une protection uniquement à un nombre restreint de relations qu’on pourrait qualifier de « familiales ». Il offre également à certains types de relations une protection contre la discrimination fondée sur l’état matrimonial, cette protection s’étant, au cours des dernières années, étendue aux couples en union libre et aux couples homosexuels[41], reflétant ainsi l’évolution de la réflexion sur la nature de la famille. Le Code offre également à certains types de relations une protection contre la discrimination fondée sur l’état familial. La définition d’« état familial » figurant au Code est cependant rigoureuse, puisqu’elle vise uniquement le « fait de se trouver dans une relation parent-enfant. » Cette définition a une portée plus restreinte que celle retenue dans certaines autres provinces. Les lois de l’Alberta, par exemple, définissent l’état familial comme étant [TRADUCTION] « le fait d’être lié à une autre personne par le sang, le mariage ou l’adoption ».

Il y a donc plusieurs types de relations généralement qualifiées de « familiales » auxquelles le Code n’offre pas de protection. Le Code n’offre par exemple pas de protection au particulier qui fournit des soins de longue durée à une sœur ou à un frère handicapé ou qui fournit des soins à une tante ou à un grand-parent âgé. Les relations de dépendance qui ne sont pas fondées sur des liens de sang ne jouissent pas davantage d’une protection. Certains ont fait valoir que les lois devraient être modifiées de manière à offrir une protection à diverses formes de relations de dépendance[42]. On pourrait également soutenir que, en visant essentiellement la famille nucléaire, le Code adopte une approche ethnocentrique, compte tenu de l’importance de la famille élargie dans certaines cultures[43]. On pourrait donc se demander si le législateur ne devrait pas élargir la définition d’« état familial » qui figure dans le Code de manière à viser d’autres formes de relations de dépendance.

Un courant jurisprudentiel privilégie une interprétation généreuse de ce motif, compte tenu de ses limites. Une commission d’enquête de l’Ontario a déclaré ce qui suit en ce qui a trait à la portée de la protection contre la discrimination fondée sur l’état familial :

[TRADUCTION]

À notre avis, la définition vise un « état » qui découle du fait de se trouver dans un type de « relation » parent-enfant, c’est-à-dire que la personne qui agit à titre de parent d’un enfant est, selon nous, visée par cette définition. Il peut par exemple s’agir d’un tuteur légal ou même d’un adulte agissait de fait à titre de parent. Il peut également arriver qu’une personne tombe malade ou décède et qu’un parent ou ami prenne en charge l’enfant du défunt ou du malade. Ainsi, si un enfant devait vivre avec une tante pendant une période indéfinie, leur relation serait selon nous visée par la définition d’« état familial ». [...][44]

On a jugé que la protection contre la discrimination fondée sur l’état familial s’appliquait aux familles adoptives, aux familles d’accueil et aux parents lesbiens ou gais[45].

Des plaignants ont invoqué l’état familial pour soutenir que la différence de traitement entre divers types de familles était discriminatoire. Par exemple, le Tribunal canadien des droits de la personne a conclu que les règles concernant la citoyenneté qui établissaient une distinction entre les enfants biologiques et les enfants adoptifs établissaient une distinction discriminatoire fondée sur l’état familial[46]. Le tribunal des droits de la personne de la Colombie-Britannique a conclu que le refus du bureau de l’état civil de la province d’enregistrer le partenaire de même sexe de la mère naturelle à titre de parent d’un enfant établissait une discrimination fondée sur le sexe, l’orientation sexuelle et l’état familial[47].

Dans l’arrêt Gonzalez c. Canada (Commission des droits de la personne)[48], la Cour fédérale a conclu qu’une distinction fondée sur l’âge de l’enfant constituait une distinction illicite sur la base de l’état familial. La plaignante avait contesté la validité de la condition, prévue dans la Loi sur l’assurance-chômage, selon laquelle des prestations prolongées étaient accordées aux parents adoptifs uniquement lorsque l’enfant était âgé d’au moins six mois lorsqu’il arrivait au domicile des parents adoptifs ou lorsqu’il était réellement placé en vue de son adoption. La Cour fédérale a jugé que l’âge auquel un enfant est intégré à la maison est une caractéristique de la famille qui le reçoit, puisqu’il a comme effet d’attribuer ou de soutirer à ces familles le droit aux prestations prolongées selon l’âge auquel l’enfant intègre la maison.

Les tribunaux ne se sont pas penchés sur la question de savoir si « l’état familial », mentionné dans le Code comme motif de discrimination, peut s’étendre aux particuliers qui soutiennent qu’ils font l’objet de discrimination parce qu’ils ne se trouvent pas dans une relation parent-enfant. Le libellé de la définition d’« état familial » (soit le fait de se trouver dans une relation parent-enfant) semblerait militer contre un tel argument, particulièrement lorsqu’on compare cette définition à celle nettement plus large de l’état matrimonial en tant que motif de distinction illicite[49]. En outre, l’historique législatif de cette protection, qui permet d’en constater l’évolution de manière à viser les personnes qui sont désavantagées parce qu’elles doivent s’acquitter d’obligations parentales de plus en plus contraignantes, semblerait également militer contre cet argument. Il semble clair que, à tout le moins, les dispositions du Code qui traitent de l’état familial ne pourraient pas servir à procurer un avantage aux personnes qui ne se trouvent pas dans une relation parent-enfant par rapport à celles dont c’est le cas. Il semble par exemple que les tribunaux iraient à l’encontre de l’intention du législateur s’ils s’appuyaient sur ces dispositions pour déclarer non valables des programmes visant à aider les personnes se trouvant dans une relation parent-enfant, au motif que ces programmes opèrent une discrimination contre les personnes qui ne se trouvent pas dans une relation parent-enfant. Par ailleurs, il pourrait ne pas convenir de nier une telle possibilité dans les cas où, par exemple, des idées préconçues ou des stéréotypes négatifs à l’endroit de personnes qui n’ont pas d’enfants pourraient avoir pour effet de priver des particuliers d’un droit ou d’un avantage important – par exemple, si un employeur doit licencier des employés et qu’il décide de mettre en disponibilité des employés qui n’ont pas d’enfants, au motif que ces derniers employés n’ont pas autant besoin d’un emploi que ceux qui ont des enfants. Il pourrait s’avérer tout à fait approprié de prendre de telles plaintes au sérieux à la lumière du critère établi par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Law c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration)[50] et de se demander si la différence de traitement traduit une application stéréotypée de présumées caractéristiques soit personnelles soit de groupe ou si elle perpétue ou favorise par ailleurs l’opinion selon laquelle l’individu concerné est moins capable ou moins digne d’être reconnu ou valorisé.

La question de savoir si les protections en matière de droits de la personne offertes contre la discrimination fondée sur l’état familial ou l’état matrimonial comprennent ou non les protections contre la discrimination fondée sur l’identité particulière d’un conjoint ou d’un membre de la famille, ou si elles visent uniquement la discrimination fondée sur le fait, par exemple, d’être un parent, a donné lieu a un long débat devant les tribunaux. La Cour suprême du Canada a récemment tranché la question dans l’arrêt B. c. Ontario (Commission des droits de la personne)[51]. Dans cette affaire, l’intimé (Monsieur A) avait été congédié à la suite d’une confrontation entre son patron (Monsieur B) et la conjointe et la fille de Monsieur A au cours de laquelle celles-ci avaient accusé Monsieur B d’avoir agressé sexuellement la fille de Monsieur A.

La Cour suprême du Canada a souscrit à l’interprétation retenue par la Cour d’appel, concluant que le Code interdisait un traitement défavorable découlant de l’identité du conjoint, de l’enfant ou du parent d’une personne. La Cour a également proposé une interprétation de la définition d’« état familial », dans le Code, qui est large et fondée sur l’apport d’une solution et sur l’objet visé. Les juges majoritaires ont en outre approuvé une approche analytique préconisant l’examen des plaintes de discrimination sous l’angle de l’« identité particulière » plutôt que sous l’angle de l’« identité collective »[52]. Les juges majoritaires ont fait la remarque suivante : « La question qu’il convient de se poser ne consiste pas à se demander si A appartient à un groupe identifiable, mais bien s’il a été arbitrairement défavorisé en raison de son état matrimonial ou familial. »[53] Par exemple, l’application de prémisses stéréotypées ou l’expression d’une animosité personnelle à l’endroit d’une personne, qui résulte du comportement, des actes ou de la réputation de son conjoint, de son enfant ou d’un parent, constitue une forme de discrimination interdite[54].

La Cour a jugé que l’identité du conjoint faisait bel et bien l’objet d’une protection contre la discrimination fondée sur l’état matrimonial. La Cour a déclaré ce qui suit :

Nous estimons que le texte du Code appuie la thèse selon laquelle les motifs énumérés concernés – l’état matrimonial et l’état familial – ont une portée suffisamment large pour englober le cas où la discrimination découle de l’identité du conjoint du plaignant ou d’un membre de la famille de ce dernier. Bien que la jurisprudence relative à la portée du terme « état matrimonial » dans le contexte des lois sur les droits de la personne soit, au mieux, partagée, elle privilégie généralement une interprétation axée sur le préjudice subi par l’individu, que ce dernier fasse clairement partie ou non d’une catégorie identifiable de personnes touchées de semblable manière.

La définition d’« état familial » figurant à l’article 10 du Code est-elle trop étroite? La Commission devrait-elle envisager de recommander une définition visant d’autres types de relations de dépendance? Le cas échéant, quels types de relations devraient être visés par cette nouvelle définition?

Le Code devrait-il offrir une protection aux personnes qui ne vivent pas dans une relation parent-enfant? Le cas échéant, dans quelles circonstances cette protection devrait-elle être offerte?

Exceptions

Le Code prévoit un certain nombre d’exceptions en ce qui a trait aux protections contre la discrimination fondée sur l’état familial; les plus importantes sont brièvement décrites ci-après.

Article 15 : Le Code permet d’accorder un traitement préférentiel fondé sur le fait que l’âge de soixante-cinq ans ou plus constitue une exigence, une qualité requise ou une considération. Cette règle, ainsi que la défense fondée sur la mise en œuvre d’un programme spécial prévue à l’article 14, peut par exemple permettre de fournir un logement adapté aux besoins des personnes âgées et, par conséquent, d’exclure les familles ayant de jeunes enfants.

Article 18 : Les organismes ou groupements sélectifs dont le principal objectif est de servir les intérêts des personnes identifiées par un motif illicite de discrimination sont autorisés à accepter en leur sein uniquement des personnes ainsi identifiées comme membres ou participants.

Article 24 : Bien que les politiques favorisant ou visant à prévenir le népotisme établissent clairement des distinctions fondées sur l’état matrimonial et l’état familial, le Code autorise expressément de telles politiques en matière d’emploi. L’article 24 permet à l’employeur d’accorder ou de refuser un emploi ou une promotion à une personne qui est son conjoint, son enfant ou son père ou sa mère ou à une personne qui est le conjoint, l’enfant ou le père ou la mère d’un employé. La Commission a jugé qu’un tel refus ou une telle préférence doit être fondé sur une politique et non être décidé ponctuellement[55]. Le Code n’exige pas que l’employeur démontre que sa politique de recrutement favorisant ou visant à prévenir le népotisme corresponde à une exigence professionnelle établie de bonne foi[56]. La politique peut se rapporter à l’embauchage ou à la promotion des employés. Par exemple, un employeur peut offrir des emplois d’été en accordant la préférence aux enfants de ses employés. [Il est toutefois important de faire remarquer que cette exception ne permet pas la mise à pied d’employés en place.] Elle ne semble pas non plus permettre d’imposer aux employés engagés aux termes de cette politique des conditions de travail différentes de celles des autres employés. Par exemple, les membres de la famille ne pourraient pas toucher un salaire plus élevé que les autres employés qui font le même travail[57].

Considérant cette question sous un nouveau jour, le tribunal des droits de la personne de la Colombie-Britannique a récemment jugé que le refus du ministère de la Santé de la province de subventionner des membres d’une famille en qualité de fournisseurs de soins aux termes du programme appelé « Choices in Supports for Independent Living » établissait une discrimination fondée sur l’état familial et sur un handicap[58]. La plaignante avait voulu retenir les services de son père pour qu’il lui fournisse, 24 heures sur 24, les soins intimes dont elle avait besoin pour vivre de manière autonome. Le tribunal a déclaré que, compte tenu de la nature de l’emploi, le choix du fournisseur de soins était particulièrement important et que la confiance était un élément essentiel d’une telle relation employeur-employé. Il a en outre affirmé que l’interdiction générale d’engager des parents établit expressément une distinction fondée sur l’état familial, et qu’il s’agissait là précisément du genre de discrimination que le code des droits de la personne de la Colombie-Britannique cherchait à interdire, étant donné qu’on avait refusé que la plaignante engage son père uniquement en raison de son état familial et sans tenir compte des qualités personnelles et habiletés particulières de ce dernier[59].


[40] Commission ontarienne des droits de la personne, Life Together: A Report on Human Rights in Ontario (1977), p. 72.
[41] Pour obtenir un sommaire de certaines des modifications apportées à la définition de « partenaire de même sexe », voir la note en bas de page 2.
[42] Pour une discussion détaillée sur les questions de droit et d’orientation relatives à la protection des relations de dépendance, voir le document de discussion de la Commission du droit du Canada intitulé « La reconnaissance et le soutien des rapports de nature personnelle entre adultes » (mai 2000), en ligne : Commission du droit du Canada, <www.cdc.gc.ca>.
[43] Voir par exemple, Marlene Brant Castellano, Tendances familiales autochtones : Les familles élargies, les familles nucléaires, les familles du cœur (Institut Vanier de la famille, 2002), en ligne : Institut Vanier de la famille, <www.vifamily.ca>; Derrick Thomas, « L’évolution de la situation des immigrants dans la famille au Canada », Tendances sociales canadiennes (Statistique Canada, été 2001); Janet Che-Alford et Brian Hamm, « Trois générations sous un même toit », Tendances sociales canadiennes (Statistique Canada, été 1999).
[44] Dudnik c. York Condominium Corp. No. 216, (1990), 12 C.H.R.R. D/325 (Comm. d’enq. Ont.).
[45] Moffatt c. Kinark Child and Family Services, (1998), 35 C.H.R.R. D/205 (Comm. d’enq. Ont.).
[46] McKenna c. Canada (Secretary of State), (1993), 22 C.H.R.R. D/486 (T.C.D.P.).
[47] Gill c. British Columbia (Ministry of Health) (No. 1), (2001), 40 C.H.R.R. D/321 (BCHRT).
[48] (1997), 32 C.H.R.R. D/89 (C.F. 1re inst.).
[49] La définition d’« état matrimonial » se lit comme suit au paragraphe 10(1) : « Fait d’être marié, célibataire, veuf, divorcé ou séparé. Est également compris le fait de vivre avec une personne dans une union conjugale hors du mariage ».
[50] [1999] 1 R.C.S. 497.
[51] [2002] 3 R.C.S. 403.
[52] Ibid., par. 52. Voir également les par. 56 à 58.
[53] Ibid., par. 58.
[54] Ibid., par. 60. Les juges majoritaires ont expressément rejeté l’argument des appelants portant que le seul motif de congédiement de Monsieur A était l’animosité personnelle de l’employeur à l’endroit de son employé. La Cour a conclu que, même si cela était vrai, l’animosité était attribuable à l’application à l’endroit de Monsieur A de prémisses stéréotypées découlant des actes de sa conjointe et de sa fille, qui n’avaient rien à voir avec la compétence ou la valeur de ce dernier.
[55] Commission ontarienne des droits de la personne et Human Resources Professionals Association of Ontario, Les droits de la personne au travail (Toronto : Human Resources Professionals Association of Ontario, 2004), p. 46.
[56] On trouvera à la fin du présent document un glossaire des termes et expressions juridiques se rapportant aux droits de la personne, notamment la définition d’« exigence justifiée ».
[57] Mark c. Porcupine General Hospital, (1984), 6 C.H.R.R. D/2538 (Comm. d’enq. Ont.).
[58] Hutchinson c. British Columbia (Ministry of Health) (No. 4), (2004), 49 C.H.R.R. D/348 (BCHRT).
[59] 1 L’alinéa 24(1)c) du Code de l’Ontario comporte une disposition visant précisément l’embauchage des fournisseurs de soins et autorisant les particuliers à refuser d’employer une personne pour des raisons fondées sur un motif illicite de discrimination si les principales fonctions reliées à l’emploi consistent à dispenser des soins médicaux ou personnels au particulier ou à un de ses enfants, à son conjoint ou à un autre parent. Le code des droits de la personne de la Colombie-Britannique (RSBC 1996, c. 210) contient une disposition semblable.

Recoupement entre l'état familial et les autres motifs prévus par le Code

Il est important de tenir compte des difficultés vécues par les parents et enfants qui appartiennent à d’autres groupes historiquement défavorisés. Les particuliers peuvent faire l’objet d’une discrimination fondée sur plus d’un motif prévu dans le Code, et il peut y avoir « recoupement » entre ces motifs, ce qui donne lieu à des expériences de désavantage et de discrimination uniques.

L’état familial se rapporte essentiellement aux relations. Étant donné que les rôles et les responsabilités au sein d’un couple ont historiquement été partagés selon le sexe des partenaires, particulièrement en ce qui a trait aux obligations de soins envers les autres membres de la famille, le motif de l’état familial est étroitement relié à celui du sexe. L’expérience des hommes et des femmes au sein d’une relation parent-enfant sera souvent différente, étant donné que les hommes et les femmes auront des attentes et des perceptions différentes et ne véhiculeront pas les mêmes stéréotypes en ce qui a trait aux rôles maternels et paternels. On présume souvent, par exemple, que les femmes seront tout naturellement les principales responsables du soin des enfants dans toutes les familles. Ces perceptions peuvent entraîner, pour les femmes et les hommes, des conséquences importantes en matière d’emploi, de logement et de services. Comme nous l’avons déjà mentionné, les femmes continuent généralement à assumer beaucoup plus de responsabilités que les hommes lorsqu’il s’agit de prendre soin de parents vieillissants, de jeunes enfants ou d’un membre de la famille qui est malade ou handicapé, de sorte que leurs besoins de mesures d’adaptation en matière d’emploi, de logement et de services sont vraisemblablement plus importants. Par ailleurs, les hommes qui assument de telles responsabilités risquent d’avoir de la difficulté à bénéficier des mesures d’adaptation qu’ils réclament.

L’état matrimonial d’une personne aura également de profondes répercussions sur son expérience au sein d’une relation parent-enfant. L’expression « état matrimonial » est définie de façon très générale dans le Code : « Fait d’être marié, célibataire, veuf, divorcé ou séparé. Est également compris le fait de vivre avec une personne dans une union conjugale hors du mariage. » Dans l’arrêt Miron c. Trudel[60], la Cour suprême du Canada déclarait ceci à propos de la situation des couples non mariés qui vivent ensemble :

Les personnes qui vivent en union de fait constituent un groupe historiquement désavantagé. De nombreux faits établissent que les partenaires non mariés ont souvent subi un désavantage et un préjudice au sein de la société. En effet, traditionnellement dans notre société, on a considéré que le partenaire non marié avait moins de valeur que le partenaire marié. Parmi les désavantages subis par les partenaires non mariés, mentionnons l’ostracisme social par négation de statut et de bénéfices.

Le père ou la mère célibataire ou divorcé sera souvent désavantagé à plusieurs égards en raison, d’une part, du stigmate social qui est invariablement lié au fait d’être chef d’une famille monoparentale et, d’autre part, des responsabilités financières, pratiques et affectives associées à la fonction parentale. Comme nous l’avons déjà indiqué, les mères célibataires sont nettement plus susceptibles de connaître la pauvreté et d’être exclues du marché du logement.

La vulnérabilité particulière des mères chefs de familles monoparentales qui sont bénéficiaires de l’aide sociale a été reconnue par la Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt Falkiner c. Directeur, Direction du maintien du revenu[61] . La Cour a conclu qu’il était amplement prouvé que ces mères avaient de tout temps été désavantagées et qu’elles continuent à subir un préjudice, a fait remarquer que bien des gens nourrissaient du ressentiment et de la colère à leur égard parce qu’ils les percevaient comme [TRADUCTION] « des pique-assiette et des paresseuses » et a fait état de la stigmatisation, des stéréotypes et des restrictions qui caractérisaient la vie personnelle de ces femmes.

La situation des couples homosexuels (qu’ils soient mariés ou qu’ils vivent dans une union conjugale hors du mariage) ou des gais et lesbiennes célibataires qui ont des enfants est également unique. Ces parents sont souvent les premières victimes des stéréotypes négatifs et risquent de devoir se démener pour s’intégrer à des structures qui n’ont pas été conçues pour les inclure. Les gais, les lesbiennes et les bisexuels qui fournissent des soins à leurs parents vieillissants peuvent en outre être confrontés à des problèmes particuliers à cet égard : selon un sondage fort intéressant mené aux États-Unis, les membres de ces collectivités estimaient qu’on s’attendait à ce qu’ils assument la plupart des responsabilités liées au soin de la famille, étant donné qu’on les considérait comme des « célibataires » (vraisemblablement parce que leurs partenaires n’étaient pas reconnus)[62]. Les gais, les lesbiennes et les bisexuels peuvent par conséquent devoir faire face à une double contrainte : il leur sera difficile de combler des besoins de mesures d’adaptation importantes au titre de leurs responsabilités de prestation de soins alors qu’il leur est plus difficile de faire reconnaître leurs besoins.

Compte tenu du vieillissement de la population, de plus en plus de personnes âgées doivent assumer d’importantes obligations en matière de prestations de soins, qu’il s’agisse de s’occuper d’un conjoint souffrant ou d’un enfant d’âge adulte qui est handicapé, ou encore de pourvoir pour l’essentiel aux besoins des petits-enfants[63]. Ces fournisseurs de soins risquent d’être confrontés à des défis particuliers.

Il est important d’examiner le recoupement complexe entre l’état familial et les motifs du Code reliés à la race. Les stéréotypes négatifs véhiculés à l’égard de la famille revêtent des formes particulières selon les groupes racialisés qui sont visés. Des études portant sur l’accès à un logement d’un prix abordable donnent à penser que les familles monoparentales des collectivités racialisées ou autochtones sont susceptibles d’être les familles les plus désavantagées lorsqu’il s’agit de trouver un refuge[64]. D’autres études portent en outre à croire que les employeurs sont moins susceptibles d’adopter à l’intention des parents appartenant à des collectivités racialisées des pratiques flexibles destinées à aider ces derniers à concilier leurs responsabilités professionnelles et leurs responsabilités familiales[65]. On a par ailleurs signalé à la Commission des situations dans lesquelles les stéréotypes au sujet des mères célibataires appartenant à des collectivités racialisées avaient eu une incidence sur la nature et la qualité des services éducatifs fournis à leurs enfants.

Il est également important de tenir compte des caractéristiques à la fois des personnes qui fournissent des soins et de celles qui les reçoivent. Par exemple, les parents qui s’occupent d’enfants handicapés devront surmonter des difficultés nettement plus graves que les autres parents, souvent sans pouvoir compter sur un soutien continu approprié. Il peut être difficile pour ces parents de trouver et de conserver un emploi qui leur permette de s’acquitter de leurs obligations envers ces enfants[66].

Quelles incidences le sexe, la race, l’orientation sexuelle et les autres motifs prévus par le Code peuvent-ils avoir sur la discrimination fondées sur l’état familial? Y a-t-il des situations, non mentionnées dans le présent document, dans lesquelles d’autres facteurs reliés au Code peuvent accentuer la discrimination fondée sur l’état familial?


[60] [1995] 2 R.C.S. 418.
[61] (13 mai 2002) C35052/C34983 (C.A. Ont.). Dans cette décision fondée sur l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés, la Cour a jugé que la définition de « conjoint » figurant dans la Loi sur les prestations familiales, qui présumait qu’une union était formée dès le moment où le couple commençait à vivre ensemble, était inconstitutionnelle. La définition avait pour effet de supprimer le droit de nombreux prestataires aux prestations d’aide sociale. La Cour a conclu que la définition établissait une discrimination fondée sur l’état matrimonial, le sexe et le recours à l’aide sociale.
[62] Pour une discussion utile et détaillée sur ces questions selon une perspective américaine, voir S. Cahill, M. Ellen et S. Tobias, Family Policy: Issues Affecting Gay, Lesbian, Bisexual and Transgender Families (New York : The National Gay and Lesbian Task Force Policy Institute, 2002).
[63] En 2001, plus de 25 000 enfants canadiens âgés de 14 ans ou moins vivaient dans des ménages caractérisés par l’absence d’une génération, c’est-à-dire que leurs grands-parents étaient leurs principaux fournisseurs de soins. Voir A. Milan et B. Hamm, « Les liens entre les générations : grands-parents et petits-enfants », Tendances sociales canadiennes (hiver 2003), 2.
[64] P. Khosla, If Low Income Women of Colour Counted in Toronto (Toronto : Community Social Planning Council of Toronto, 2003), p. 23 et ss.
[65] Debra B. Schwartz, An Examination of the Impact of Family-Friendly Policies on the Glass Ceiling, rapport préparé pour le ministère du travail des États-Unis, Glass Ceiling Commission (New York : Families and Work Institute, 1994).
[66] Fraser Valentine, Enabling Citizenship: Full Inclusion of Children with Disabilities and Their Parents (Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques, juin 2001).

Code Grounds: 

Emploi

Allier travail salarié et maternité et tenir compte des besoins des femmes enceintes au travail sont des impératifs de plus en plus pressants. Il semble aller de soi que celles qui donnent naissance à des enfants et favorisent ainsi l'ensemble de la société ne devraient pas en subir un désavantage économique ou social.

- Le juge en chef Dickson dans Brooks c. Canada Safeway Limited[67]

L’emploi et la famille impliquent souvent des responsabilités difficiles à concilier : les conjoints peuvent tomber malade, les garderies peuvent fermer, les parents vieillissants peuvent avoir besoin d’aide pour gérer la transition entre la vie à la maison et la vie dans un logement avec services de soutien. De nombreux travailleurs doivent quotidiennement faire des pieds et des mains pour tenter d’accomplir leurs tâches au travail, de satisfaire aux demandes de l’employeur et de respecter les délais tout en comblant les besoins des membres de leur famille.

De nombreux analystes ont fait remarquer qu’il était de plus en plus difficile de concilier la vie professionnelle et la vie familiale, étant donné que le nombre moyen d’heures de travail[68] et le nombre de familles à double revenu et de familles monoparentales ont tous deux augmenté simultanément. Moins de familles peuvent compter sur un de leurs membres pour s’acquitter à plein temps des responsabilités familiales. Le vieillissement de la population et l’accroissement des besoins en matière de soins pour personnes âgées qui s’ensuit alimentent également cette tendance. De plus en plus de familles semblent éprouver de la difficulté à concilier les exigences conflictuelles du travail et de la famille. Par exemple, une étude du Conference Board du Canada indique que le pourcentage de travailleurs affirmant que les efforts pour concilier les responsabilités professionnelles et personnelles occasionnent un niveau de stress moyen ou élevé est passé de 27 pour cent en 1989 à 46 pour cent en 1999[69].

Il s’agit d’un exercice difficile qui coûte cher autant aux employés qu’aux employeurs. De récentes études indiquent que le conflit entre les responsabilités professionnelles et les responsabilités familiales coûtent chaque année au moins 2,7 milliards de dollars aux employeurs, en raison de l’absence des employés pour des motifs d’ordre familial. Les employés stressés s’absentaient du travail en moyenne 13,2 journées par année pour régler des problèmes d’ordre familial, comparativement à 5,9 journées dans le cas des employés auxquels le conflit entre les responsabilités professionnelles et les responsabilités familiales cause relativement peu de soucis. Les effets du stress lié au travail et à la vie personnelle sur la santé coûtent chaque année environ 425,8 milliards de dollars au système de soins de santé canadien[70]. Selon une autre étude, 14 pour cent des Canadiens et Canadiennes qui sont sur le marché du travail ont déjà quitté un emploi, et ce, en raison de conflits entre la vie professionnelle et la vie familiale, tandis que 32 pour cent ont pour la même raison soit refusé une promotion, soit décidé de ne pas en demander et que 24 pour cent ont refusé un transfert ou décidé de ne pas en demander[71].

Ce sont surtout les femmes qui doivent concilier les contraintes de la vie professionnelle et de la vie familiale, puisque ce sont encore essentiellement elles qui s’occupent des enfants et des parents vieillissants[72]. Des études ont démontré que les femmes sont presque deux fois plus susceptibles que les hommes de signaler des niveaux élevés de stress causé par le manque de temps et que le taux d’absentéisme des femmes est plus élevé[73].

D’autre part, les obligations de soins des pères ou des couples homosexuels peuvent ne pas être reconnues en raison des préjugés et des stéréotypes perpétués quant aux structures familiales qui sont appropriées. Il ainsi difficile aux employés homosexuels de convaincre leur employeur de reconnaître leurs besoins prévus par le Code et d’adopter une politique d’accommodement à leur égard. Par exemple, certains employeurs présument que les pères ne prendront pas de congés parentaux ou estiment qu’ils ne devraient pas avoir le droit d’en prendre, et croient que les pères qui demandent de tels congés ne prennent pas leur carrière au sérieux.

On a reconnu que cette situation constituait un problème, et les gouvernements ont pris certaines mesures en vue d’aider les employés à concilier leur travail et leurs obligations familiales. Les lois portant sur les normes d’emploi et l’assurance-emploi ont récemment été modifiées afin d’élargir les droits en matière de congé parental. Depuis 2000, la Loi sur les normes d’emploi de l’Ontario exige que les employeurs qui ont 50 employés ou plus à leur service accordent à ceux-ci un congé non payé, jusqu’à concurrence de dix jours, pour divers motifs (un décès, une maladie, une blessure ou une urgence médicale ou encore une affaire urgente). Ces nouvelles dispositions visent plusieurs membres de la famille, notamment le conjoint[74], les enfants (y compris les enfants par alliance et les enfants placés en famille d’accueil), le père ou la mère (y compris le père ou la mère par alliance ou le père ou la mère de la famille d’accueil), les grands-parents, les frères et sœurs, le conjoint d’un enfant ainsi que tout autre parent de l’employé qui dépend de ses soins ou de son aide[75]. Des modifications apportées récemment à la Loi sur les normes d’emploi accordent aux employés le droit de prendre un congé non payé d’au plus huit semaines afin d’offrir des soins ou du soutien à un membre de leur famille qui est gravement malade. Les membres de la famille visés sont notamment le conjoint, le père ou la mère, les enfants (notamment les enfants par alliance et les enfants placés en famille d’accueil)[76], le père ou la mère (notamment le père ou la mère par alliance ou le père ou la mère de la famille d’accueil) . Le gouvernement fédéral a récemment modifié la Loi sur l’assurance-emploi de manière à prévoir le paiement de prestations, pour une période maximale de six semaines, aux personnes qui ne travaillent pas parce qu’elles prennent soin de leur conjoint ou conjoint de fait, de leurs enfants ou de leur père ou mère[77].

Que pourraient ou devraient faire de plus les gouvernements, les employeurs ou les autres intéressés pour aider les employés à concilier leurs responsabilités professionnelles et familiales?

Y a-t-il d’autres aspects ou effets du conflit entre la vie professionnelle et la vie familiale dont vous voudriez nous faire part?

Conception universelle

À l’heure actuelle, les politiques, procédures et programmes en milieu de travail tiennent rarement compte des changements démographiques dont il a été question ci-dessus, de sorte qu’ils peuvent avoir pour effet de désavantager certaines personnes en raison de leur état familial. La plupart des employeurs, par exemple, accordent un certain nombre de jours de congé de maladie à leurs employés, mais peu d’employeurs ont adopté une politique reconnaissant le fait qu’il peut être nécessaire que les employés prennent des congés pour s’occuper de leurs enfants lorsque ceux-ci sont malades ou qu’ils ont besoin de soins particuliers. Il pourrait par conséquent s’avérer nécessaire de revoir les politiques et programmes en milieu de travail ainsi que les postulats sur lesquels ils reposent.

La Cour suprême du Canada a clairement indiqué que les employeurs doivent, lorsqu’ils adoptent des politiques, des procédures et des programmes, être conscients des différences entre les personnes et des différences qui caractérisent des groupes de personnes et doivent y intégrer des notions d’égalité. Les normes régissant le milieu de travail, notamment celles qui ont trait au recrutement, à la formation, à l’avancement et à l’exécution des tâches en général, devraient tenir compte de tous les membres de la société, dans la mesure où il est raisonnablement possible de le faire. La norme qui fait inutilement abstraction des différences entre les particuliers ne respecterait pas les protections offertes en matière de droits de la personne et pourrait devoir être remplacée, sauf si une contrainte excessive[78] en découlait[79]. Si l’on appliquait cette règle au motif de discrimination fondé sur l’état familial, il ne serait pas acceptable de structurer des systèmes conçus comme si une seule structure familiale était valable ou normale et d’essayer par la suite de les adapter tant bien que mal pour les personnes qui n’y sont pas associées. Les employeurs devraient plutôt concevoir leurs politiques et programmes en tenant compte de la diversité des familles d’aujourd’hui, de manière à éviter de créer des obstacles. Les employeurs devraient revoir activement les politiques et programmes actuels de manière à supprimer les obstacles fondés sur l’état familial.

Cela s’applique à tous les aspects, formels ou informels, du milieu de travail. Par exemple, les politiques informelles et les hypothèses qui font reposer les possibilités d’avancement sur les rencontres après les heures normales de bureau et la constitution de réseaux peuvent avoir pour effet d’empêcher les personnes qui ont des responsabilités « parentales » d’obtenir une promotion. Les politiques officielles ayant trait à la participation aux activités reliées aux travail qui ont lieu après les heures normales de travail peuvent avoir le même effet.

Au cours des dernières années, de nombreux employeurs ont mis en œuvre des politiques « pro-famille » ou des politiques de travail flexibles. Les politiques et les programmes adoptés par l’employeur peuvent par exemple prévoir des horaires flexibles, le télétravail à domicile, le partage de poste, le travail à temps partiel, des congés autorisés et des avantages sociaux à la carte[80]. Dans certains cas, ces programmes ont été mis sur pied pour régler des problèmes d’équité particuliers. Dans d’autres cas, ils sont fondés sur le principe selon lequel la flexibilité procure des avantages à tous les employés[81].

Ces programmes constituent de louables efforts en vue de rendre les modalités de travail plus flexibles et conciliantes, et la Commission estime qu’ils constituent un exemple positif en démontrant comment les employeurs peuvent promouvoir l’accession à l’égalité des personnes qui ont des responsabilités « parentales » et tendre vers la conformité aux exigences du Code, tout en assurant un meilleur taux de rétention de rendement et de satisfaction du personnel.

Même s’il est reconnu que ces programmes procurent divers avantages, certains ont exprimé des préoccupations quant à leur mise en œuvre. Selon la façon dont ils sont conçus, ces programmes peuvent avoir des effets à long terme au titre des régimes de pension et des avantages sociaux. En outre, certaines études ont démontré que certains employés peuvent hésiter à se prévaloir de ces programmes « pro-famille », estimant que cela risquerait d’engendrer des perceptions négatives quant à leur engagement à l’égard de leur emploi et de leur carrière et d’avoir des répercussions à long terme sur leur carrière[82]. Cela pourrait être une des raisons pour lesquelles la participation à de tels programmes est parfois étonnamment faible, ce qui donne à penser que ces programmes seront efficaces uniquement si l’employeur prend des mesures afin d’éviter qu’ils n’aient des répercussions négatives pour les employés et de promouvoir une culture en milieu de travail positive et respectueuse de tous les employés.

Par ailleurs, certains analystes ont fait remarquer que les mesures de flexibilité en milieu de travail visaient plus souvent qu’autrement les employés occupant les postes les plus prestigieux et les mieux rémunérés. Les employés qui occupent des postes du premier échelon à faible salaire ont plus rarement accès à de tels programmes, alors qu’il est probable qu’ils aient davantage besoin de flexibilité. En outre, certaines études effectuées aux États-Unis ont démontré que les employés appartenant à des collectivités racialisées étaient moins susceptibles de tirer avantage des politiques favorables à la famille[83].

Quels programmes ou politiques les employeurs devraient-ils instaurer pour faire en sorte que le milieu de travail ne désavantage pas les employés en raison de leur état familial?

Devoir d’accommodement

Selon l’article 11 du Code, l’existence d’une exigence, d’une qualité requise ou d’un critère qui entraîne l’exclusion ou la préférence d’un groupe de personnes identifié par un motif illicite de discrimination porte atteinte aux droits garantis par le Code, sauf si ces contraintes sont établies de façon raisonnable et justifiée dans les circonstances, en ce sens que les besoins du groupe ne peuvent être satisfaits, sans qu’il en résulte une contrainte excessive. Lorsque des politiques et procédures du lieu de travail, telles des heures de travail rigides, ont un impact négatif sur des personnes identifiées par leur état familial, il incombe à l’employeur de démontrer qu’il a tenté de mettre en place toutes les mesures d’adaptation envisageables hormis celles qui lui auraient causé une contrainte excessive. Comme nous en avons discuté précédemment, les concepts d’égalité doivent être intégrés aux normes qui régissent le lieu de travail. Pour accommoder un groupe, il faut d’abord considérer la possibilité de modifier la règle elle-même, de façon à la rendre plus inclusive. Si cela ne peut se faire sans causer une contrainte excessive, l’employeur doit envisager des mesures d’adaptation qui répondent aux besoins individuels.

Ces mesures peuvent prendre la forme d’arrangements à court terme ou ponctuels pour faire face à des besoins temporaires (tel le fait d’aider un parent vieillissant à s’adapter à un logement avec assistance), à des urgences (comme lorsqu’un conjoint, un partenaire, un parent ou un enfant tombe gravement malade), ou à des responsabilités familiales récurrentes (telles les rencontres parents professeurs). Il peut toutefois s’agir d’adaptations à plus long terme, telle l’adoption d’heures flexibles ou réduites, des changements d’horaires ou des congés.

Les politiques de la Commission ont reconnu l’obligation des employeurs d’adopter des mesures d’accommodement pour certains types de besoins liés à la famille, tels les grossesses et l’allaitement maternel. La jurisprudence a abondé dans le même sens. La Politique de la Commission concernant la discrimination liée à la grossesse et à l’allaitement maternel met l’accent sur le droit des femmes de faire des choix dans le meilleur intérêt de leurs enfants et de ne pas être désavantagées pour autant. Les adaptations du travail afin qu’une mère puisse allaiter son enfant peuvent se traduire par des changements d’horaire, l’octroi de pauses, l’instauration d’un milieu favorable et dans des cas particuliers, par des congés autorisés. La prise en considération des besoins d'une femme qui allaite doit porter le moins possible atteinte à ses droits en tant qu'employée[84].

En revanche, il n’y a que très peu de jurisprudence portant sur le devoir d’accommodement qui vise à satisfaire précisément les besoins liés à l’état familial. Dans Brown c. M.R.N., Douanes et accise[85], le Tribunal canadien des droits de la personne a statué que les l’employeurs avaient un devoir d’accommodement pour satisfaire les besoins liés à l’état familial. La plaignante devait s’acquitter de ses fonctions durant des quarts de travail variables. Après la naissance de son enfant, elle a demandé à travailler uniquement durant des quarts de jour. Elle soutenait ne pas être en mesure de trouver une gardienne pour prendre soin de son enfant durant la nuit et que son mari, un policier, travaillait également en équipes tournantes. L’employeur n’a pas accédé à sa demande. L’employée a plutôt pris un congé non payé pour soin et éducation. Le tribunal a jugé que l’employeur avait le devoir d’accommoder les besoins de la plaignante liés à son état familial. Le tribunal a estimé qu’il aurait été possible de satisfaire les besoins de la plaignante, mais que l’employeur n’a pas exploré les avenues possibles d’accommodement. Le Tribunal a affirmé :

[TRADUCTION]

Il est donc facile de comprendre le dilemme évident auquel la famille moderne est confrontée. En effet, selon la tendance socio-économique actuelle, les deux parents travaillent et sont souvent assujettis à des règles et à des exigences différentes. Plus souvent qu'autrement, en raison des demandes qui lui sont imposées comme parent, la mère doit chercher à atteindre cet équilibre délicat entre les besoins de la famille et les exigences liées à son travail.

De l'avis du Tribunal, l'interprétation de l'article 2 de la LCDP en fonction de son objet consiste à reconnaître clairement, dans le contexte de la « situation de famille », le droit et l'obligation du parent de chercher à atteindre cet équilibre ainsi que l'obligation manifeste pour l'employeur d'aider le parent à cet égard en fonction des critères énoncés dans l'arrêt Alberta Dairy Pool. Une interprétation moins sérieuse des problèmes auxquels la famille moderne fait face dans le milieu de travail enlèverait tout son sens au concept de la « situation de famille » comme motif de discrimination.

Une commission d’enquête ontarienne sur les droits de la personne a adopté une approche très différente du motif fondé sur l’état familial dans Wight c. Ontario (no 2)[86]. Dans cette affaire, l’employeur s’attendait à ce que la plaignante reprenne le travail en juillet au terme de son congé de maternité. Or, elle a informé son superviseur qu’elle était incapable de trouver une garderie adéquate avant le mois d’octobre, puisqu’elle tentait de trouver pour son enfant un service de garde licencié et qu’aucune place dans un établissement de ce type n’était offerte avant octobre. Quand elle n’est pas retournée au travail, son employeur a mis fin à son emploi, tenant pour acquis qu’elle avait quitté son poste. La commission d’enquête a jugé que la plaignante n’avait pas fait l’objet de discrimination fondée sur son état familial. La commission a plutôt conclu que son employeur lui a refusé un dernier prolongement de son congé de maternité, parce qu’elle refusait de retourner au travail jusqu’à ce qu’elle ait trouvé une garderie qui répondait à sa préférence personnelle. Le Tribunal a statué que :

[TRADUCTION]

Un employeur n’est pas déraisonnable parce qu’il exige d’une employée en congé autorisé qu’elle réintègre ses fonctions au terme de ce dernier. Il est raisonnable de s’attendre à ce qu’une employée en congé autorisé prenne toutes les mesures qui s’imposent pour ce faire. En l’espèce, la plaignante a catégoriquement refusé de tenir compte des droits de l’intimé à cet égard [...] Il ne s’agissait pas d’un cas où, en dépit de tous les efforts qu’elle a déployés, l’employée a été incapable de trouver une garderie pour son enfant et a dû faire un choix entre ce dernier et son emploi. La plaignante avait décidé que les seuls services de garde acceptables étaient offerts par une garderie réglementée. Elle n’était pas disposée à se contenter de moins. Elle pouvait fort bien faire ce choix. Cependant, il n’en découle pas que le droit à des accommodements pouvait être invoqué uniquement en fonction de l’intérêt supérieur de son enfant.

Dans une décision très récente, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a adopté une approche différente des deux précédentes [87]. Il s’agissait d’un appel d’une sentence arbitrale. Dans cette affaire, l’employée était mariée et mère de quatre enfants. Le benjamin souffrait de sérieux problèmes de comportement qui nécessitaient une attention professionnelle et parentale particulière. La plaignante travaillait pour l’intimé à temps partiel, de 8 h 30 à 15 h 00. Comme suite à des changements de programme, l’intimé a décidé de changer le quart de travail de la plaignante et de la faire travailler de 11 h 00 à 18 h 00. Cette dernière était préoccupée parce qu’elle avait besoin de prendre soin de son fils après l’école. Selon un rapport médical, c’est elle qui pouvait le mieux répondre aux besoins de son fils à ces heures-là. Le rapport soulignait par ailleurs que l’enfant souffrait d’un trouble mental sévère et que les soins que lui prodiguait sa mère après l’école avaient [TRADUCTION] « une incidence extraordinaire » sur son pronostic. L’employeur a été mis au courant de ces faits. Il n’a pas pour autant modifié l’horaire de la plaignante qui a tenté de s’en accommoder. Or, après seulement quelques semaines, elle a quitté son emploi et un médecin a diagnostiqué qu’elle souffrait du syndrome de stress post-traumatique.

L’arbitre a conclu que le motif fondé sur l’état familial ne visait pas de telles [TRADUCTION] « circonstances changeantes d’emploi, ni des degrés de difficultés tels dans les soins aux enfants ». Il a explicitement refusé de suivre la décision du Tribunal dans Brown et rejeté la demande de la plaignante.

La Cour d’appel a renversé la décision de l’arbitre. Elle a examiné les décisions citées précédemment et affirmé, qu’à son avis, les décisions antérieures relatives à la famille ne l’aidaient pas dans sa réflexion, que leurs définitions de l’étendue de l’état familial étaient très larges et qu’elles faisaient un amalgame des notions de preuve prima facie de discrimination[88] et d’accommodement. Puis, la Cour a ajouté :

[TRADUCTION]

[Les paramètres du concept d’état familial] ne peuvent pas être indéfinis comme le fait valoir l’appelante. En effet, cela pourrait perturber le milieu de travail et lui causer un sérieux tort. En revanche, il n’est pas possible non plus dans le contexte de la présente affaire de limiter le concept au « statut de parent en soi » tel que l’a conclu l’arbitre [...] puisque cette interprétation ne tiendrait pas compte des impacts négatifs sérieux que peuvent avoir certaines décisions des employeurs sur les obligations parentales et familiales de tous les employés, de certains d’entre eux ou même d’un seul qui seraient touchés par de telles décisions.

Si le terme « état familial » peut être défini, sa définition se situe quelque part entre les deux extrêmes prônés par les parties. Le fait qu’une conduite en particulier constitue ou non une preuve prima facie de discrimination fondée sur l’état familial dépendra des circonstances de chaque cause. Dans la situation habituelle où l’employeur ne fait pas preuve de mauvaise foi et où aucune disposition de la convention collective applicable ou du contrat d’emploi ne tranche le litige, il me semble qu’il y a une preuve prima facie de discrimination quand un changement dans les conditions ou modalités d’un emploi imposé par un employeur interfère considérablement avec un devoir ou une obligation parentale ou familiale de l’employé. J’estime que dans la majorité des cas qui donnent lieu à un conflit entre une exigence professionnelle et une obligation familiale, il serait difficile de faire une preuve prima facie de discrimination.

En l’espèce, étant donné le trouble mental sévère dont souffrait le fils de la plaignante et l’incidence sérieuse du changement d’heures de travail sur les obligations familiales considérables de cette dernière, l’arbitre a commis une erreur en ne concluant pas à une preuve prima facie de discrimination fondée sur l’état familial.

La jurisprudence à cet égard n’en est qu’à ses premiers balbutiements et elle ne semble pas avoir encore intégré les types d’approches appliquées aux autres motifs fondés sur les droits de la personne. En revanche, il semble qu’à ce jour, les instances judiciaires ont tendance à reconnaître que le motif fondé sur l’état familial vise à inclure, jusqu’à un certain point, une certaine considération pour le besoin des parents de prodiguer des soins à leurs enfants. En outre, la majorité des décisions reconnaît que dans certaines circonstances, un employeur a le devoir d’accommoder les besoins des employés de prodiguer des soins aux membres de leurs familles. Ce devoir semble clairement exister quand il y a une incompatibilité manifeste entre les responsabilités professionnelles et familiales. L’étendue de ce devoir n’a toutefois pas encore été totalement définie. À titre d’exemple, il n’existe aucune décision relative aux soins pour les personnes âgées. La jurisprudence à cet égard semble n’avoir accordé que très peu d’attention aux questions de nature systémique liées au sexe et à l’état familial de même qu’à l’obligation d’élaborer des normes inclusives telles que l’affirme la Cour suprême du Canada dans Meiorin[89].

La nature des accommodements appropriés pour satisfaire les besoins liés à l’état familial n’a pas fait non plus l’objet d’attention. Il en est de même en ce qui concerne le partage des responsabilités entre les parties quant aux accommodements. À titre d’exemple, un employeur a-t-il l’obligation d’autoriser des absences rémunérées ou non à un parent qui doit veiller aux besoins médicaux d’un enfant ou d’un parent? Des employés qui doivent s’absenter pour prendre soin d’un parent ou d’un enfant malade devraient-ils être contraints de participer à des programmes de contrôle des présences? Un employeur a-t-il le devoir de fixer des quarts de travail compatibles avec les modalités de garde des enfants? Un employé peut-il refuser de voyager s’il n’est pas en mesure de trouver un service de garde pour son enfant ou si le voyage entrait en conflit avec ses obligations parentales? Un employeur a-t-il l’obligation d’autoriser les employés qui travaillent à temps plein et qui ont des enfants à choisir un horaire de travail modifié ou à temps partiel ou à prendre des congés, et, le cas échéant, dans quelles circonstances? Comme ces questions ont un impact considérable tant sur les employés que sur les employeurs, il est impératif de leur accorder une attention minutieuse.

Tenant compte du fait qu’il est nécessaire d’établir un équilibre entre les besoins des employés et ceux des employeurs, quelle est l’étendue du devoir d’accommodement de ces derniers quant à l’état familial d’un employé? Quelles sont les responsabilités respectives de l’employeur et de l’employé? Quels sont les types d’accommodement appropriés dans ce contexte?

Obstacles systémiques

Bien que les articles et les ouvrages de doctrine aient recensé un grand nombre d’obstacles systémiques liés au travail et à la famille, ces questions ont suscité fort peu d’attention dans la jurisprudence et les politiques en droits de la personne.

À titre d’exemple, les personnes qui s’acquittent de responsabilités importantes comme soignants sont plus susceptibles de chercher du travail à temps partiel, occasionnel ou contractuel. La grande majorité des travailleurs à temps partiel sont des femmes. Selon les données de Statistique Canada pour 2004, 27,5 % de tous les travailleurs à temps partiel âgés de 25 à 44 ans ont choisi ce type d’emploi afin de prendre soin de leurs enfants. Si cette statistique est ventilée en fonction des sexes, elle révèle que 33,7 % des travailleuses à temps partiel âgées de 25 à 44 ans ont choisi ce type d’emplois de façon à équilibrer leurs responsabilités professionnelles et parentales. Cette réalité ne s’applique qu’à 3,2 % des hommes appartenant à la même tranche d’âge. Seuls 4,7 % d’entre eux travaillent à temps partiel, tandis que 20,6 % des femmes de ce groupe d’âge ont cet horaire[90]. Durant les 30 dernières années, les femmes ont invariablement représenté 70 % de la main-d’œuvre qui travaille à temps partiel.

Ce type d’horaire de travail a cependant un coût. Selon la recherche, ceux qui travaillent à temps partiel peuvent sembler avoir leur travail moins à cœur, ce qui limite leurs chances d’obtenir des promotions. Les travailleurs à temps partiel sont moins susceptibles d’occuper des postes supérieurs ou de supervision. Les emplois à temps partiel vont également de pair avec des salaires inférieurs. De plus, ces travailleurs ont très rarement accès à un régime de retraite de même qu’à des avantages sociaux en matière de santé[91]. L’absence de régime de pension et d’avantages sociaux pour les travailleurs à temps partiel pourrait avoir des répercussions négatives sur les employés qui assument des responsabilités familiales. De même, il est possible qu’un employé qui a choisi de travailler à temps partiel afin de s’acquitter équitablement de ses responsabilités professionnelles et familiales constate que son fardeau de travail n’a pas diminué : l’employeur s’attend à ce qu’il abatte autant de travail en moins de temps, pour un salaire moindre et une reconnaissance réduite.

Certaines cultures d’entreprise exigent que les employés soient présents au travail durant de longues heures, sans égard pour la productivité ou les réalisations : dans les milieux de travail où les longues heures de travail sont valorisées en soi, les personnes qui doivent prendre soin de leurs proches auront de la difficulté à faire reconnaître leurs réalisations[92]. Dans Woiden c. Dan Lynn[93], l’employeur insistait pour que la plaignante, une mère de trois enfants assumant seule ses responsabilités parentales, travaille durant de longues heures, même les soirs et la fin de semaine. Lorsque la plaignante a indiqué que cela serait difficile étant donnée l’obligation qui lui incombait de prendre soin de ses enfants et qu’elle a suggéré un horaire différent, l’employeur a refusé de considérer cette possibilité. Il a exprimé clairement qu’elle serait congédiée si elle ne travaillait pas selon le nouvel horaire. Le Tribunal a jugé que la plaignante avait fait l’objet de discrimination fondée sur son état familial.

Dans le même ordre d’idée, dans les milieux de travail où la formation, le plan de carrière ou les chances de promotion sont le fruit d’un processus informel et sont influencés par la socialisation après les heures de bureau, les personnes qui ont d’importantes responsabilités à assumer en matière de soins à prodiguer à des proches pourraient être désavantagées.

De même, les personnes qui s’absentent longtemps du travail pour s’acquitter de responsabilités familiales peuvent réaliser que leur formation, leur compétence et leur expérience de travail ont bien peu de poids lorsqu’elles tentent de réintégrer le marché du travail rémunéré et que leur mobilité de carrière de même que leur sécurité financière ont subi des conséquences à long terme.

Des études portant sur diverses professions ont révélé que des calendriers rigides pour « devenir associé » ou pour obtenir une permanence par exemple, peuvent avoir des impacts négatifs sur les femmes au faîte de leurs responsabilités maternelles (soit de donner naissance à des enfants et de les élever) tandis qu’on attend d’elles qu’elles se consacrent exclusivement à leurs carrières[94]. Le Barreau du Haut-Canada a noté que les femmes qui œuvrent dans la profession juridique tout en ayant des enfants subissent les conséquences négatives suivantes : une perte de revenu, des restrictions en matière d’avancement, des délais pour obtenir des promotions ou atteindre le statut d’associée, un confinement à des domaines de pratique moins payants et qui donnent moins de visibilité, de la difficulté à se voir confier des dossiers qui retiennent davantage l’attention, un manque de volonté de la part des employeurs et des collègues pour tenir compte des exigences associées aux responsabilités familiales, et une remise en cause et une vérification du dévouement pour le travail[95].

Y a-t-il d’autres problèmes de nature systémique en emploi liés à l’état familial? Comment peut-on éliminer ces obstacles?

Perceptions négatives et stéréotypes

Bien que nous soyons souvent d’avis que les univers professionnels et familiaux sont séparés, tout employé est également membre d’une famille. Ainsi, ces deux aspects de la vie se chevauchent inévitablement. Il n’est pas rare que des employés exposent sur leurs bureaux des photos de leur conjoint, de leur partenaire, de leurs enfants ou d’autres membres de leur famille. De même, ils sont souvent accompagnés de leur partenaire ou de leur conjoint lors d’évènements sociaux liés au travail. Ils discutent de leurs familles avec leurs collègues durant les pauses café ou le repas du midi. Les échanges relatifs à la vie familiale de chacun sont naturels dans un environnement de travail favorable.

Les perceptions négatives et les stéréotypes quant à l’état familial sont donc susceptibles d’avoir un impact négatif sur l’expérience d’un employé dans son milieu de travail. L’employée qui réalise que son statut de parent seul et divorcé fait l’objet de commérage au travail pourrait se sentir exclue de son milieu. Dans l’affaire Moffat c. Kinark Child and Family Services[96], un homme homosexuel qui agissait comme famille d’accueil pour un jeune adolescent a fait l’objet de rumeurs non fondées selon lesquelles il faisait subir des sévices sexuels à l’enfant. Il a été harcelé à cause de son orientation sexuelle et a été dénoncé à tort à la Société d’aide à l’enfance. La Commission a conclu que M. Moffat avait fait l’objet de discrimination d’une multitude de façons et notamment en raison de son état familial.

Des personnes peuvent également se rendre compte qu’elles sont exclues subtilement de l’environnement social de leur bureau, en raison de leur état familial. À titre d’exemple, beaucoup de milieux de travail célèbrent formellement ou non les mariages, les naissances ou d’autres évènements importants de la vie des employés. Or, les évènements marquants de la vie de ceux qui n’appartiennent pas à des familles « typiques » pourraient ne pas être soulignés de la sorte : l’arrivée d’un enfant adopté, par exemple, pourrait ne pas être célébrée comme les évènements importants pour les autres familles.

Les perceptions négatives et les stéréotypes peuvent également influencer l’accès à certains débouchés sur le marché du travail. Selon un grand nombre d’études, les mères sont perçues comme des employées moins engagées et moins compétentes que les pères ou que les hommes ou les femmes sans enfants[97]. Les employeurs peuvent tenir pour acquis, par exemple, que les femmes qui ont de jeunes enfants ne sont plus dévouées à leur carrière[98], ou sont incapables de faire de longues heures de travail, des heures supplémentaires ou de mener des projets complexes qui posent un défi. Cela incite ces employeurs, sans y penser, à placer ces employées dans la « filière maman »[99]. D’autres employeurs peuvent juger que les femmes devraient se consacrer davantage à leurs responsabilités liées aux soins de leurs enfants et tenter de leur faire assumer ces rôles. Les suppositions négatives ainsi que les stéréotypes sont également susceptibles d’affecter les pères : un employeur peut par exemple tenir pour acquis qu’un père sera réticent à beaucoup voyager dans le cadre de son travail.

Dans le marché du travail rémunéré, les femmes font souvent état de perceptions de ce type de stéréotypes. Beaucoup de femmes ont le sentiment qu’une fois qu’elles ont des enfants, elles ne sont plus prises au sérieux au travail et que leurs chances d’avoir des promotions sont limitées par les perceptions relatives à leur statut familial. Les femmes soutiennent qu’elles prennent de nombreuses mesures pour éviter de tels préjugés. Des études démontrent par exemple qu’il peut y avoir des préjugés défavorables à l’égard de l’utilisation des politiques de l’employeur qui tiennent compte des besoins de la famille. C’est ce qui expliquerait que les femmes hésitent à se prévaloir de ces programmes ou politiques qui sont conçus pour aider ceux qui sont dans leur situation[100]. Les femmes, et les hommes dans une moindre mesure, soutiennent qu’elles ont moins d’enfants ou n’en ont pas en raison de l’impact que cela pourrait avoir sur leurs carrières. De même, elles soutiennent différer le moment pour avoir des enfants, choisir le temps des naissances en fonction des obligations professionnelles, minimiser les congés parentaux ou de maternité, éviter de se prévaloir des politiques qui tiennent compte des besoins de la famille et manquer des évènements familiaux importants pour ne pas sembler manquer de dévouement envers leur travail[101].

Y a-t-il d’autres perceptions négatives et stéréotypes fondés sur l’état familial? Comment ces perceptions et stéréotypes affectent-ils les employés?

Régimes d’avantages sociaux

Beaucoup d’employeurs offrent un grand nombre d’avantages sociaux à leurs employés, soit notamment :

  • des congés autorisés, tels les congés parentaux, les congés de maternité ou des congés lors de deuil ou de situation d’urgence. Les normes minimales pour ce type de congés sont prévues dans la Loi de 2000 sur les normes d’emploi, L.O. 2000, c.41;
  • des assurances médicales et dentaires;
  • des assurances-invalidité et des assurances-vie collectives;
  • des régimes de retraite avec prestation au survivant.

Le paragraphe 25(2) du Code prévoit que les avantages sociaux et les régimes de retraite qui font une distinction fondée sur l’état familial ne font pas preuve de discrimination, dans la mesure où ils sont conformes à la Loi sur les normes d’emploi. Le règlement 286/01 pris en vertu de la Loi sur les normes d’emploi ne crée aucune exception pour les distinctions fondées sur l’état familial.

Comme nous l’avons souligné précédemment, les restrictions quant à l’accès à des avantages sociaux et à des régimes de retraite ou l’impossibilité d’y avoir accès pour les travailleurs à temps partiel posent des questions d’ordre systémique liées à l’état familial, en ce sens que les femmes, surtout celles qui sont responsables de prodiguer des soins à des proches, sont plus susceptibles d’occuper des postes à temps partiel et donc de ne pas avoir d’avantages sociaux. Il est possible de prétendre que cette situation pourrait avoir des répercussions négatives en fonction de l’état familial.

L’état familial d’une personne constitue une caractéristique personnelle que peuvent ignorer les autres. Un employeur qui exige et collige à bon droit des renseignements personnels qui révèlent directement ou indirectement le statut d’une personne doit garantir que ces renseignements feront l’objet du plus haut niveau de confidentialité. Cette règle s’applique aux renseignements qui permettent à un employé de réclamer des avantages sociaux ou de les enregistrer.

Avez-vous connaissance de certaines situations où les régimes de retraite ou d’avantages sociaux ont un effet discriminatoire en raison de l’état familial? Y a-t-il des situations où les différences dans l’accès à des régimes de retraite ou à des avantages sociaux sont fondées sur des exigences justifiées? Des mesures pourraient-elles être mises sur pied afin que les régimes de retraite et d’avantages sociaux incluent davantage les personnes qui assument la responsabilité de prodiguer des soins à des proches?


[67] [1989] 1 R.C.S. 1219.
[68] D’après L. Duxbury et C. Higgins dans Workplace Balance in the New Millenium (Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques, 2001), les employés interrogés travaillaient en moyenne 42 heures par semaine en 1991, comparativement à 45 heures en 2001. Selon une étude d’EKOS, 43 pour cent des travaileurs interrogés ont indiqué que leur charge de travail avait augmenté de 1999 à 2001 (Survey on Canadians’ Attitudes Regarding Their Workload (Ottawa : 2001)).
[69] Conference Board du Canada, Solutions pour les travailleurs écrasés par le stress (août 1999).
[70] L. Duxbury et al., Un examen des répercussions et des coûts du conflit travail-famille au Canada (Ottawa : Santé Canada, juin 1999).
[71] Conference Board du Canada, Survey of Canadian Workers on Work/Life Balance (1999).
[72] Voir L. Duxbury et C. Higgins, Enquête nationale sur le conflit entre le travail et la vie personnelle (2001) : Rapport 1 (Ottawa : Santé Canada, mars 2002).
[73] Supra, note 69 : 24 pour cent des femmes ont indiqué qu’elles étaient victimes d’un stress énorme lié au travail et à la vie personnelle, comparativement à seulement 10 pour cent des hommes.
[74] Le projet de loi 171, L.O. 2005, chap. 5, modifiait, dans la Loi sur les normes d’emploi, la définition de « conjoint » de manière à viser les couples homosexuels.
[75] Loi de 2000 sur les normes d’emploi, L.O. 2000, chap. 41, art. 50.
[76] Loi modifiant la Loi de 2000 sur les normes d’emploi (congé familial pour raison médicale), L.O. 2004, chap. 15.
[77] Loi sur l’assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23, art. 12 et 23.
[78] Un glossaire de notions en matièere de droits de la personne contenant des termes comme « contrainte excessive » se trouve à la fin du présent document.
[79] Colombie-Britannique (Public Service Employees Relations Commission) c. BCGSEU, [1999] 3 R.C.S. 3, par. 68.
[80] Les régimes d’avantages sociaux à la carte permettent aux employés de choisir parmi un éventail d’avantages sociaux offerts, jusqu’à concurrence d’une valeur maximale ou du nombre de choix fixé dans le régime. Cela permet aux employés de choisir les avantages sociaux qui leur conviennent le mieux.
[81] Un certain nombre de ces politiques sont examinées dans Derrick Comfort et. al, Travail à temps partiel et pratiques favorables à la famille dans les entreprises canadiennes (Ottawa : Statistique Canada et Développement des ressources humaines Canada, 2003).
[82] Voir par exemple Kelly Ward et Lisa Wolf-Wendel, « Fear Factor: How Safe is it to Make Time for Family? », Academe (novembre-décembre 2004), et Schwartz, supra, note 65.
[83] Supra, note 65.

[84] Supra, note 4.
[85] (1993), 19 C.H.R.R. D/39.
[86] (1998), 33 C.H.R.R. D/191; autorisation d’en appeler refusée (le 26 juin 2000) [2000] O.J. no 2924 (C. Sup. de l’Ont.).
[87] Health Sciences Association of British Columbia c. Campbell River and North Island Transition Society 2004 BCCA 260, le 10 mai 2004.
[88] Un glossaire des termes juridiques en matière de droits de la personne, tel le terme « preuve prima facie de discrimination », se trouve à la fin du présent document.
[89] Supra, note 79.
[90] Statistique Canada, CANSIM, Tableaux 282-0014 et 282-0001.
[91] Supra, note 81.
[92] Voir à titre d’exemple le rapport sur l’industrie australienne de la finance préparé pour la Human Rights and Equal Opportunity Commission, Leonie V. Still, Glass Ceilings and Sticky Floors: Barriers to the Careers of Women in the Australian Finance Industry, (1997); et Sharon L. Harlan et Catherine Waite Berheide, Barriers to Workplace Advancement Experienced by Women in Low-Paying Occupations (Centre for Women in Governement, l’Université Albany State, Janvier 1994) page 34.
[93] (2002), 43 C.H.R.R. D/296 (C.H.R.T.O).
[94] Voir à titre d’exemple, Fiona M. Kay, Transitions and Turning Points, Women’s Careers in the Legal Profession, A Report to the Law Society of Upper Canada (septembre 2004), et Joan C. Williams, “Hitting the Maternal Wall” Academe (novembre-décembre 2004).
[95] Barreau du Haut-Canada, Guide to Developing a Policy Regarding Flexible Work Arrangements, mars 2003.
[96] (1998), 35 C.H.R.R. D/205 (Comm. d’enq. de l’Ont.)
[97] Voir Kathleen Fuegen et al., “Mothers and Fathers in the Workplace: How Gender and Parental Status Influence Judgments of Job-Related Competence” Journal of Social Issues, Volume 60, 4e livraison, page 737, décembre 2004. Les sujets devaient évaluer des postulants hommes ou femmes soit célibaires soit mariés avec deux enfats. Les résultats ont démontré que les parents ont été jugés moins compétents et engagés que ceux qui n’ont pas d’enfants. Fait intéressant, il semble que les sujets exigeaient moins des pères que des mères ou des hommes sans enfants. Une autre étude a révélé que lorsque des employées deviennent mères, elles paraîssent dès lors moins compétentes, sans pour autant que la paternité produise le même effet pour les hommes. Les personnes ont également affirmé être moins intéressées à engager les mères, à leur donner des promotions ou à leur offrir de la formation que ce n’est le cas pour les hommes ou pour les employées sans enfants. (Cuddy et al. “When Professionals Become Mothers, Warmth Doesn’t Cut the Ice”, Journal of Social Issues, Volume 60, 4e livraison, page 701, décembre 2004).
[98] À titre d’exemple, voir Broere c. W.P. London and Associates Ltd.(1987), 8 C.H.R.R. D/4189 (Comm. d’enq. de l’Ont.)
[99] Pour un examen de ce phénomène dans le contexte académique, voir Joan C. Williams, “Hitting the Maternal Wall” , supra, note 94.
[100] Voir Ward et Wolf-Wendel, supra, note 82 et Schwartz, supra, note 65.
[101] Mary Dee Wenniger, “Most Faculty Caregivers Strategize to Avoid Discrimination”, Women in Higher Education (juin 2003).

Social Areas: 
Discrimination Type: 
Organizational responsibility: 

Logement

Les instruments internationaux relatifs aux droits de la personne ont reconnu que le logement constitue un droit humain. Le paragraphe 11(1) du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels[102], ratifié en 1976 par le Canada, énonce que :

Les États parties au présent Pacte reconnaissent le droit de toute personne à un niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille, y compris une nourriture, un vêtement et un logement suffisants, ainsi qu’à une amélioration constante de ses conditions d’existence. Les États parties prendront des mesures appropriées pour assurer la réalisation de ce droit et ils reconnaissent à cet effet l’importance essentielle d’une coopération internationale librement consentie.

L’Observation générale sur le droit à un logement suffisant rédigé par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels[103] souligne que la jouissance du droit à un logement suffisant ne doit faire l’objet d’aucune forme de discrimination. Elle précise par ailleurs qu’il s’agit d’un droit à un logement suffisant qui tient donc compte notamment de considérations quant au droit au maintien dans les lieux, à l’accessibilité, à l’habitabilité et à un coût abordable. Le coût financier d’un logement ne devrait pas être tel qu’il compromette ou menace la réalisation et la satisfaction d’autres besoins fondamentaux. Le droit à un logement suffisant a également été reconnu par la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes[104] et par la Convention relative aux droits de l’enfant[105], que le Canada a aussi ratifiées.

Le rapport de 1977 sur le mandat de la Commission et intitulé Vie ensemble, faisait part de préoccupations face aux lacunes du Code des droits de la personne quant à la discrimination en matière de logement fondée sur l’état matrimonial ou familial. À cette époque, le Code interdisait la discrimination fondée sur l’état matrimonial uniquement dans le contexte du travail et il était muet quant à celle fondée sur l’état familial. Le rapport soulignait que la Commission recevait de nombreux rapports de discrimination en matière de logement à l’égard de personnes célibataires, divorcées ou séparées. Il notait, en outre, l’extrême difficulté à laquelle faisait face les familles avec enfants pour avoir accès à du logement dans certaines communautés et il recommandait d’étendre les protections garanties par le Code afin d’éliminer ces difficultés. Il affirmait à cet égard :

La question cruciale [...] est celle de savoir si dans une région ou une communauté, il y a assez de logements appropriés pour les familles avec enfants. Si ce n’est pas le cas, il devrait être interdit de réserver des immeubles aux adultes ce qui est discriminatoire envers les familles avec enfants[106].

Le motif de discrimination fondé sur l’état familial a été ajouté au Code en 1982. Jusqu’à 1986, le Code contenait une exception qui permettait aux propriétaires d’édifices résidentiels de désigner ces derniers, en tout ou en partie, réservés aux adultes.

Contrairement aux domaines de l’emploi et des services, celui relatif au logement a fait l’objet de nombreux litiges quant aux questions relatives à l’état familial, surtout dans le contexte ontarien. Ainsi, la jurisprudence ontarienne reconnaît généralement que les parents et leurs enfants jouissent d’une protection importante en matière de logement. Depuis Fakhoury c. Las Brisas Ltd.[107], les tribunaux ont reconnu les droits des familles et l’importance de ces dernières de même que le besoin de protéger le droit au logement. La jurisprudence a régulièrement accru la portée de la protection en matière d’état familial pour qu’elle comprenne le refus d’accorder un logement à une femme parce qu’elle est enceinte, pour combattre l’antipathie envers les familles monoparentales et pour protéger les familles dont les parents ne sont pas mariés légalement[108]. La jurisprudence s’est penchée avec succès sur un éventail de sujets liés à l’état familial. Les tribunaux ont conclu que l’accès au logement pour les familles monoparentales pouvait être entravé par une stipulation selon laquelle il faut un nombre minimal de chambres à coucher selon le nombre d’enfants et leur sexe[109]. Les tribunaux ont également interdit de limiter la location de logements à des « familles » si la définition de cette dernière exclut les familles monoparentales ou les couples en union libre[110]. L’exclusion des enfants des appartements en copropriété a été jugée non conforme au Code[111], de même que les restrictions quant à l’usage des installations de ces logements par les enfants[112].

Il n’en demeure pas moins que plus de 20 ans après l’ajout de l’état familial dans le Code, il s’agit encore d’un des motifs de discrimination les plus invoqués dans les plaintes relatives au logement.

De nombreux rapports exposent en détail le manque d’accès à des logements sécuritaires, abordables et suffisants pour les familles avec enfants, notamment pour les familles monoparentales dirigées par des femmes. Selon la Société canadienne d’hypothèques et de logement (« SCHL »), 42 % des parents qui assument seuls les tâches parentales ont un besoin impérieux de logement[113]. Le rapport de la ville de Toronto sur les sans-abri a affirmé que les familles représentaient 46 % des personnes qui ont utilisé les refuges à Toronto en 1996. À cette époque, 19 % de la population des sans-abri de Toronto, soit 5 300 personnes sans-abri, étaient des enfants. Parmi les 100 000 personnes qui figuraient sur une liste d’attente pour un logement subventionné, 31 000 étaient des enfants[114].

Le problème est particulièrement grave pour les familles issues des minorités ethniques. Dans les centres urbains, 70 % des ménages monoparentaux autochtones ont un besoin impérieux de logements tandis que 30 % des femmes chefs de familles monoparentales qui sont d’origine ethnique européenne sont propriétaires, seuls 4,5 % des femmes chefs de familles monoparentales africaines, noires ou des caraïbes sont propriétaires[115]. Les familles monoparentales qui ont immigré depuis peu font également face à des besoins impérieux de logement nettement plus élevés.

Depuis un grand nombre d’années, il y a eu un ajout nettement insuffisant de logements locatifs abordables. Quant les taux de vacance sont bas, les locateurs peuvent louer à des ménages qui semblent « moins risqués », avec pour conséquence que les ménages à faible revenus sont marginalisés dans leur recherche de logement et se voient forcés d’accepter des logements moins abordables, voire de moindre qualité[116]. Une mère autochtone chef d’une famille monoparental qui répondait à un sondage sur la pauvreté des enfants a affirmé :

Je cherchais des appartements et j’ai constaté que personne ne veut de vous. Personne ne veut de vous si vous bénéficiez d’aide au logement. Personne ne veut de vous si vous avez des enfants. Personne ne veut de vous si vous êtes jeune[117].

Bien que la Commission ait entendu parler davantage de discrimination quant au marché locatif privé, certains ont également fait état de préoccupations quant à l’attribution de logements sociaux[118]. Fréquemment, ceux qui fournissent le logement social n’ont pas de mécanismes de plaintes internes adéquats pour faire face aux questions de discrimination dans le choix des locataires.

En plus de se voir refuser directement des logements locatifs, les familles avec de jeunes enfants sont marginalisées dans le marché de ce type de logements en raison de leur faible revenu. À Toronto, les familles de quatre personnes qui font appel aux banques alimentaires dépensent 70 % de leur revenu pour leur loyer. Il ne leur reste alors que 3,65 $ par personne par jour pour les vêtements, la nourriture, le transport, les soins personnels et les autres dépenses[119]. Un sondage portant sur la pauvreté des enfants autochtones a révélé qu’à Toronto, les familles autochtones avec enfants dépensent souvent entre 50 % et 75 % de leur revenu pour le loyer[120].

Dans les circonstances extrêmes, les familles doivent se résigner à vivre dans les refuges. Des sondages effectués dans ces établissements indiquent que les femmes avec enfants, et particulièrement les femmes noires et autochtones, utilisent nettement plus ces services qu’autrefois[121]. Les familles monoparentales font appel au réseau de refuges deux fois plus fréquemment que les familles biparentales[122].

Les femmes qui sont à la recherche d’un logement se préoccupent beaucoup de l’aspect sécuritaire. La lutte constante pour trouver un logement suffisant et abordable est particulièrement perturbante pour les femmes et les enfants. Beaucoup de femmes retournent dans des relations de violence parce qu’elles n’ont nulle part d’autre où aller[123]. Le jury qui a participé à l’enquête du coroner sur le meurtre de Gillian Hadley par son ex-époux a reconnu que le manque de choix en terme de logement abordable a été déterminant pour expliquer que Gillian Hadley a continué à côtoyer son ex-époux. Il a fait un grand nombre de recommandations destinées à accroître l’accès à des logements abordables pour les femmes et les enfants[124].

Le manque d’accès à du logement suffisant et abordable a des conséquences à long terme. À titre d’exemple, les enfants issus de familles qui dépensent la majorité de leur revenu pour le loyer risquent davantage de souffrir de malnutrition de même que de maladies respiratoires ou autres[125]. Des liens ont également été établis entre le logement et les caractéristiques du voisinage d’une part et le niveau d’instruction des enfants d’autre part. La santé socioémotionnelle des enfants est clairement liée à la qualité du logement[126]. Une étude récente a démontré que la détérioration du logement à Toronto est un facteur important pour justifier la prise en charge des enfants par la Société d’aide à l’enfance : les familles et les enfants clients de la SAE à Toronto font face à des obstacles considérables pour obtenir du logement suffisant et approprié. Dans certains cas, ces difficultés affectent la capacité des parents à prendre soin de leurs enfants[127].

Qu’est-ce qui empêche ceux à qui incombe la responsabilité de prendre soin de leurs proches de trouver un logement suffisant et abordable?

Comment l’accès des familles à du logement suffisant et abordable pourrait-il être accru?

Accès au logement

Refus de louer un logement aux familles avec enfants

Un grand nombre de rapports ont indiqué que la discrimination joue un rôle considérable pour déterminer qui obtient et peut garder un logement suffisant et abordable. Le Rapport de la ville de Toronto sur les sans-abri[128] énonce que :

[TRADUCTION]

Il n’est pas rare que des familles habitant des refuges ou des motels et qui ont de bons antécédents de crédit et de bonnes références se fassent refuser un appartement par de nombreux locateurs. La discrimination peut fermer le marché du logement à ceux qui en ont le plus besoin.

Cette information est corroborée par le type de plaintes que reçoit régulièrement la Commission en matière de logement. Comme l’a noté un rapport, [TRADUCTION] « mettre l’accent sur l’accroissement du nombre des logements locatifs ne résoudra pas la crise du logement si ceux qui en ont le plus besoin sont rejetés par des propriétaires dont l’attitude discriminatoire n’est pas réprimée »[129].

Dans une décision récente, le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario a conclu qu’un locateur avait refusé de louer un appartement à une mère seule après qu’il ait découvert qu’elle avait un enfant. Le locateur a affirmé qu’il ne louerait pas l’appartement à une famille avec enfants et il a même refusé de rendre le dépôt de la plaignante. Cette dernière a déclaré qu’il lui a fallu cinq mois pour trouver un autre appartement convenable : sa candidature a été déclinée à environ cinq reprises par des locateurs qui ont affirmé qu’ils ne louaient pas à des personnes avec enfants[130].

D’autres causes ont porté sur des stéréotypes négatifs à l’égard des adolescents. Dans Bushek c. Registered Owners of Lot SL 1, une famille a été forcée de quitter son appartement parce qu’elle comptait deux adolescents. En fin de compte, la plainte formulée par cette famille a été rejetée. Par contre, le Tribunal s’est dit préoccupé des perceptions négatives exprimées par les gestionnaires de l’édifice à l’égard des adolescents :

[TRADUCTION]

Certains éléments de preuve ont laissé entendre que pour tenter de créer un équilibre entre les intérêts de ses résidents, le conseil du strata ne s’est pas suffisamment penché sur les intérêts des adolescents. En dépit du fait que ces derniers étaient autorisés à utiliser les installations et à participer aux évènements, il semble que les problèmes de sécurité ont créé une atmosphère de suspicion envers les adolescents. Naturellement, le fait de suggérer que ces derniers rebutaient des acheteurs potentiels et dérangeaient les personnes âgées était insultant. Ces commentaires peuvent avoir été le fruit de problèmes réels dans l’édifice avec quelques adolescents. Il n’en demeure pas moins qu’ils reflètent le type de stéréotypes que la législation en matière de droits de la personne vise à éliminer[131].

Toute une gamme de perceptions et de stéréotypes négatifs peut entrer en jeu à l’occasion du refus de louer à des familles avec enfants. À titre d’exemple, les locateurs peuvent refuser de louer à ce type de familles, sous prétexte que les jeunes enfants sont « bruyants » et qu’ils dérangeront les autres locataires. L’insistance sur le critère selon lequel les locataires doivent avoir un style de vie tranquille et sur le fait que l’édifice n’est pas insonorisé est un refrain bien connu pour rejeter les locataires potentiels avec de jeunes enfants[132].

Le Tribunal a jugé que la pratique des locateurs qui consiste a demandé l’âge des locataires potentiels sur les formulaires de demandes constitue un acte prima facie de discrimination fondé sur l’état familial. Quand les propriétaires posent de telles questions, il leur incombe alors de démontrer qu’en fait, il n’y avait pas de telle discrimination :

[TRADUCTION]

L’argument de la Commission selon lequel un propriétaire ne demande l’âge des cooccupants éventuels que pour refuser la demande si la réponse révèle que le cooccupant sera un enfant ou une personne âgée est clairement fondé. Il est vrai qu’un propriétaire peut prétendre avoir besoin de connaître les âges des occupants de son édifice en cas de feu et pour un grand nombre d’autres raisons. Or, ces renseignements peuvent être colligés par le locateur, une fois que les appartements ont été loués[133].

La Commission a également reçu des plaintes relatives à des comportements de propriétaires, fondés non pas sur la présence en soi d’enfants, mais sur le nombre d’enfants dans la famille. La Commission a jugé que ces plaintes étaient visées par le motif de discrimination fondé sur l’état familial.

De même, la discrimination peut être fondée sur des stéréotypes précis ou des attitudes négatives quant aux mères seules, aux familles bénéficiaires d’aide sociale ou aux familles issues des communautés ethniques.

La Commission est préoccupée de la pratique répandue de désigner les appartements, les immeubles en copropriété ou les autres logements de [TRADUCTION] « communautés réservées aux adultes ». Il n’est pas rare de voir que des logements locatifs ou des projets d’immeubles en copropriété portent la mention « réservé aux adultes ». La Commission a d’ailleurs confié un grand nombre de plaintes au tribunal qui faisaient état de locataires éventuels avec enfants à qui des logements avaient été refusés dans de tels immeubles. En fait, ces locateurs ou gestionnaires de propriété font la publicité de leur intention de faire preuve de discrimination à l’endroit des familles avec enfants.

La pratique d’interdire à des mineurs d’habiter dans certains endroits a été examinée dans la cause importante York Condominium c. Dudnik[134]. Dans cette affaire, un règlement d’immeuble en copropriété empêchait les familles avec des enfants de moins de 16 ou 14 ans d’occuper les logements de l’immeuble. La Cour divisionnaire de l’Ontario a conclu que de telles politiques créaient de la discrimination fondée sur l’état familial puisque [TRADUCTION] « de telles restrictions et politiques visent à empêcher les enfants qui n’ont pas l’âge requis de résider avec leur(s) parent(s), là où ces derniers ont choisi de vivre ».

La Commission a reconnu que les personnes âgées bénéficient du soutien, de l’esprit communautaire et de la sécurité que procurent les projets de logements pour personnes âgées de même que l’importance de [TRADUCTION] « vieillir sur place ». Il y a des circonstances où les logements qui répondent aux besoins des Ontariens plus âgés peuvent promouvoir les objectifs visés par le Code. L’article 15 du Code permet de donner un traitement préférentiel aux personnes âgées de 65 ans ou plus. Il permet donc que des logements soient réservés aux personnes de plus de 64 ans. L’article 14 du Code permet la mise en œuvre de programmes spéciaux qui visent à alléger un préjudice ou un désavantage tel que les projets de logement sans barrière destinés aux personnes âgées atteintes de handicaps. L’article 18 crée un moyen de défense pour les organismes ou groupement religieux, philanthropique, éducatif, de secours mutuel ou social dont le principal objectif est de servir les intérêts des personnes âgées et qui offrent notamment des logements. En revanche, le Code ne prévoit aucun moyen de défense destiné à autoriser que des logements soient « réservés aux adultes » puisqu’ils entraînent l’exclusion des enfants ou des personnes qui n’ont pas atteint un certain âge[135].

La discrimination à l’endroit des familles avec enfants se manifeste-t-elle autrement dans le marché du logement?

Politiques d'occupation

Il se peut que les propriétaires et les gestionnaires d'immeubles aient adopté des politiques d'occupation qui, bien que n'excluant pas directement les familles avec enfants, ont un effet négatif sur de telles familles ou sur certaines d'entre elles. Certaines de ces exigences peuvent être justifiées.

Par exemple, dans Ward c. Godina,[136] le propriétaire, conformément à sa politique, refusait les demandes de transfert. Le propriétaire ne refusait pas de louer un logement à des locataires avec enfants, mais les locataires qui occupaient déjà un logement et dont la famille grandissait étaient désavantagés. Un tribunal des droits de la personne a conclu que cette politique créait une discrimination implicite fondée sur l'état familial :

[TRADUCTION]

« Cette politique est, a priori, neutre dans le sens qu'elle s'applique à tous les locataires existants, que la famille du locataire compte ou non des enfants. Toutefois, la politique a un effet disproportionné ou une répercussion négative sur les familles avec enfants. Les familles avec enfants requièrent, généralement, une plus grande superficie habitable et sont les plus susceptibles à demander des transferts. Les transferts étant refusés, ces familles doivent alors subir l'inconvénient d'avoir à vivre dans un logement à superficie habitable limitée ou chercher ailleurs un logement qui répond à leurs besoins et subir les inconvénients et le dérangement que cela implique. Les familles qui se retrouvent dans une telle situation subissent inévitablement plus de stress à cause du bouleversement qui a des répercussions fâcheuses sur tous les membres de la famille. »

Le tribunal a conclu que le propriétaire aurait pu composer avec les besoins du plaignant et ceux des autres familles sans subir une contrainte excessive.

Les politiques concernant le nombre d'occupants par pièce ou par chambre à coucher peuvent également avoir des conséquences négatives sur les familles avec enfants. Dans Desroches c. Québec (Commission des droits de la personne),[137] le propriétaire avait refusé de louer à la plaignante l'appartement de son choix après avoir appris qu'elle était en instance de divorce et que ses deux filles viendraient lui rendre visite tous les dimanches. Conformément à sa politique, alors en vigueur, le propriétaire ne louait pas ses appartements de quatre pièces et demie à plus de deux occupants. La Cour d'appel du Québec a statué que cette politique constituait [TRADUCTION] « un obstacle infranchissable pour les enfants » puisqu'elle avait comme effet d'exclure tous les enfants vivant avec leurs deux parents ainsi que toutes les familles monoparentales avec plus d'un enfant. Par conséquent, la politique allait à l'encontre de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec.

Dans une affaire plus récente,[138] un propriétaire, conformément à sa politique de location non officielle, ne louait les appartements d'une chambre à coucher qu'aux couples ou aux célibataires, ceux de deux chambres à coucher qu'aux couples avec un enfant et ceux de trois chambres à coucher qu'aux couples avec deux enfants. Il louait parfois un appartement de trois chambres à coucher à une personne ou à un couple avec trois enfants, mais seulement si les enfants étaient très jeunes et, même dans ces cas, la famille était assez rapidement obligée de déménager dans un logement plus grand. La plaignante dans ce cas, était une mère célibataire de trois enfants à qui le propriétaire avait refusé de louer un appartement de trois chambres à coucher. Le tribunal a conclu que cette politique avait un effet discriminatoire fondé sur l'état familial. Certaines préoccupations ont également été soulevées à l'égard des politiques qui imposent des restrictions sur le partage des chambres à coucher par des enfants de sexe opposé pour le motif que de telles politiques restreignent peut-être l'accès des familles avec enfants à un logement abordable. Ce genre de politiques peut avoir des conséquences importantes sur les droits économiques et sociaux des familles parce qu'elles les empêchent en fait d'accéder au type de logement qui leur est abordable.

Il se peut que la politique d'occupation suivie pour répartir les logements sociaux désavantage les familles nombreuses. Par exemple, lorsque les logements sont subventionnés, les familles nombreuses seront peut-être requises de demande seulement les grands logements. Les grands logements étant difficiles à obtenir, les familles nombreuses pourraient être totalement inadmissibles à une subvention à cause de leur taille s'il n'y a pas de logements subventionnés assez grands[139].

La méthode de répartition des logements sociaux peut aussi avoir un impact sur les familles. Comme les personnes inscrites sur une liste d'attente attendent souvent de nombreuses années avant d'obtenir un logement social, les listes d'attentes chronologiques empêchent effectivement les familles avec de jeunes enfants d'accéder à un logement social en temps opportun[140].

Est-ce qu'il existe d'autres politiques d'occupation qui peuvent avoir des répercussions négatives sur les familles avec enfants? Dans quelles circonstances les politiques d'occupation qui peuvent avoir des répercussions négatives sur les familles avec enfants sont-elles justifiables?

Exigences relatives au revenu

Compte tenu des niveaux disproportionnés de pauvreté parmi certains types de familles, particulièrement les familles monoparentales dirigées par une femme, les exigences relatives au revenu peuvent avoir des répercussions négatives à leur égard. Dans Drouin c. Wittan et Lavalee,[141] une affaire entendue au Québec, un propriétaire avait refusé de louer un logement à la plaignante parce qu'elle était pauvre et tirait son revenu de l'aide sociale, sans chercher à savoir si la plaignante était ou non une locataire fiable. De fait, le propriétaire avait déclaré que les gens pauvres ne peuvent payer leur loyer. Le tribunal a conclu que les exclusions fondées sur un faible revenu peuvent constituer une discrimination indirecte contre les familles monoparentales et que les intimés avaient contrevenu à la Charte québécoise.

Les personnes à faible revenu ont particulièrement été touchées par l'emploi de critères de revenu minimum. Par exemple, les propriétaires peuvent suivre une directive générale selon laquelle la personne qui présente une demande de logement ne devrait pas consacrer plus de 25 à 35 pour cent de son revenu au loyer. Les personnes qui ne satisfont pas à ce ratio sont rejetées. Bien que l'on justifie l'emploi de critères de revenu minimum comme un moyen nécessaire qui permet d'évaluer la capacité de la personne qui a présenté une demande de logement à payer le loyer, l'emploi de ces critères fait en sorte que les propriétaires refusent de louer un logement locatif aux membres de groupes désavantagés protégés par le Code, y compris ceux identifiés par l'état familial et dont le revenu est habituellement plus modeste. Rien ne prouve que les personnes qui font partie de groupes désavantagés ou à faible revenu et qui consacrent au logement une part plus importante de leur revenu que ne le permettrait un rapport loyer à revenu sont plus susceptibles de faillir à leur obligation de payer le loyer.

Des recherches indiquent que près d'un tiers des Ontariens consacrent plus de 30 pour cent de leur revenu de ménage au loyer[142]. Dans la grande majorité des cas, ces personnes paient leur loyer au complet à l'échéance. Rien ne démontre que les prestataires d'aide sociale enfreignent plus souvent que d'autres personnes leur obligation de payer leur loyer ou gèrent moins consciencieusement leur argent[143]. De fait, d'après un rapport publié en 1997 par la Commission des droits de la personne du Québec, soixante-dix-huit pour cent des locataires en défaut de paiement de loyer avaient un emploi lorsqu'ils avaient failli à leur obligation[144]. Les auteurs de ce rapport publié au Québec tirent la conclusion selon laquelle l'utilisation par les propriétaires d'un critère de sélection des locataires basé sur un rapport de loyer à revenu crée une discrimination systémique contre les personnes à faible revenu fondée sur le motif de la « condition sociale »[145].

L'emploi de ratios pour déterminer la capacité payer un appartement et d'exigences relatives au revenu minimum en Ontario a été examiné dans l'affaire Kearney c. Bramalea[146]. La plainte, dans ce cas, avait été portée contre trois propriétaires. Deux d'entre eux utilisaient des ratios revenu-loyer, et l'autre exigeait un seuil minimum de revenu de 22 000 $ par année. La Commission d'enquête a conclu que l’utilisation des ratios revenu-loyer et le critère de revenu minimum, utilisés seuls ou conjointement avec d'autres critères ou exigences, enfreignaient le Code. La Commission a conclu que les éléments de preuve avaient établi que ces pratiques avaient un effet disparate sur les groupes protégés sous le régime du Code, notamment ceux identifiés par l'état marital et l'état familial. Elle a conclu également que ces politiques n'étaient pas justifiées puisqu'elles ne permettaient pas de prévoir si un locataire allait faillir à ses obligations. En appel, la Cour supérieure de justice de l'Ontario a maintenu la conclusion de la Commission d'enquête voulant que l'emploi par le propriétaire de ratios revenu-loyer ou d'un critère de revenu minimum comme unique raison pour refuser de louer un logement créait une discrimination indirecte contre le plaignant fondée sur un motif prohibé par le Code[147].

Par la suite, le Code a été modifié par l'adjonction du paragraphe 21(3). Cette disposition permet au propriétaire d'avoir recours, de la manière prescrite dans le Code et dans les règlements, aux renseignements sur le revenu, aux vérifications du crédit et aux références en la matière, aux antécédents en matière de logement, aux garanties et autres pratiques de commerce semblables pour choisir les locataires éventuels. En ce qui concerne l'utilisation des renseignements sur le revenu, le règlement 290/98 pris en vertu du Code permet à un propriétaire de demander au locataire éventuel des renseignements sur le revenu à la condition que le propriétaire demande également des références sur le crédit, des antécédents en matière de logement et des vérifications du crédit et prenne en considération les renseignements sur le revenu seulement avec tous les autres renseignements qu'il a obtenus.

La Commission d'enquête dans Vander Schaaf c. M.R. Property Management Ltd.[148] a examiné l'utilisation de ratios revenu-loyer dans le contexte des nouveaux règlements. Bien que la Commission n'ait pas, en l'espèce, conclu à l'existence d'un lien causal entre le refus de la demande de logement et l'emploi de ratios revenu-loyer, elle a formulé un certain nombre d'observations sur cette question. La Commission a déclaré que l'expression « renseignements sur le revenu » est assez large pour comprendre les renseignements sur le montant, la source et la régularité du revenu du locataire éventuel. La Commission a également déclaré que le fait que les propriétaires puissent obtenir « des renseignements sur le revenu » ne les autorisait pas à appliquer des ratios revenu-loyer.

Assistance sociale et accès au logement

En septembre 2004, 188 661 familles recevaient de l'assistance sociale par l'intermédiaire du Programme Ontario au travail (« OT »)[149]. Trente-huit pour cent de ces familles étaient des parents seuls soutiens de famille et 12 pour cent des couples. En ce qui concerne le pourcentage de familles avec enfants ou adultes à charge, les chiffres sont très différents. Les plus récentes statistiques sur le nombre de cas indiquent qu'un peu plus de la moitié (53 pour cent) des participants à OT avec des personnes à charge sont des parents seuls soutiens de famille. Lorsque l'on ajoute le nombre de parents seuls soutiens de famille au nombre de couples avec enfant ou qui s'occupent d'un adulte à charge, le pourcentage s'élève à 75 pour cent[150]. Ainsi, trois quarts des prestataires d'assistance sociale s'occupent d'enfants ou d'adultes à charge.

Chaque mois, les familles prestataires d'OT reçoivent une allocation au logement et une allocation pour les besoins essentiels. Le montant reçu (pour les deux allocations) est calculé selon la taille de la famille : plus la famille est nombreuse, plus le montant est élevé. En 2003, l'allocation mensuelle au logement versée par OT allait de 325 $ pour un ménage d'une personne à 673 $ pour un ménage de six personnes ou plus[151]. Comme tout le monde sait, ces montants sont de beaucoup inférieurs au loyer moyen courant en Ontario, et, vu la différence entre les montants, il y a un déficit entre l'allocation au logement et le loyer moyen courant. Pour avoir les moyens de payer un loyer ou une hypothèque, des familles mettent souvent en commun leur allocation au logement et leur allocation pour les besoins essentiels. Cela est d'autant plus vrai dans le cas des parents seuls soutiens de famille qui se fient à un seul revenu pour subvenir aux besoins de leurs familles. Par exemple, en 2003, l'allocation mensuelle maximale pour un chef de famille monoparentale avec deux enfants de moins de douze ans s'élevait à 1 086 $ (554 $ pour l'allocation au logement et 532 $ pour l'allocation pour les besoins essentiels). Si cette famille avait loué un appartement de deux chambres à coucher à Toronto, elle n'aurait eu que 31 $ environ, après le paiement du loyer, pour subvenir à tous les autres besoins durant le mois[152]. La majeure partie de l'assistance reçue étant consacrée au loyer, de nombreuses familles dirigées par un parent seul soutien de famille recourent aux banques alimentaires et à d'autres moyens pour joindre les deux bouts. De plus, le stress d'avoir à revivre ce scénario chaque mois peut limiter la capacité de ces familles à trouver un emploi ou à participer aux activités d'emploi d'OT.

L'accès à un logement social ou subventionné constitue l'une des solutions mise de l'avant, à l'heure actuelle, pour contrer les effets des loyers élevés sur les familles dirigées par un parent seul soutien de famille. Les familles qui résident dans ce type de logements payent un loyer proportionné à leur revenu qui est souvent plus abordable pour les familles monoparentales. Toutefois, les coûts d'un logement subventionné peuvent engendrer des difficultés si un participant à OT commence à occuper un nouvel emploi. Une augmentation de revenu est automatiquement suivie d'une augmentation de loyer et, ainsi, la famille ne bénéficie nullement du revenu d'emploi supplémentaire[153]. De plus. les listes d'attente pour de tels logements sont très longues. En 2004, 158 000 ménages étaient inscrits sur des listes d'attente pour un logement abordable ou un logement social en Ontario[154]. Il se peut donc que les familles attendent des années avant d'obtenir un logement subventionné. La Commission a reçu des plaintes au sujet d'une pratique des coopératives qui consiste à demander au locataire prestataire d'assistance sociale de verser la totalité de son allocation au logement à titre de loyer. Le locataire est alors obligé de payer lui-même les services publics, même si le coût de ces services est censé être compris dans l'allocation au logement.

Comme nous l'avons mentionné précédemment, les organismes créés en vertu de traités internationaux en matière de droits de la personne se sont dits préoccupés par l'aggravation de la pauvreté et du manque d'accès au logement par les mères seules soutiens de famille prestataires d'assistance sociale. La Commission partage cette préoccupation et considère que cette situation représente une question importante en matière de droits de la personne. Comme l'indique le Préambule, le Code, a pour objet de promouvoir une société qui respecte la dignité et la valeur de toute personne de façon que chacun se sente partie intégrante de la collectivité et apte à contribuer à son avancement. La Commission encourage le gouvernement à s'attaquer à cette question en prenant des mesures dans l'esprit du Code.

Qu'est-ce qui devrait être fait pour améliorer l'accès des parents prestataires d'aide sociale au logement?

Occupation d'un logement

Différence de traitement

Les familles avec enfants éprouvent non seulement des difficultés à obtenir un logement, elles peuvent également faire l'objet d'un traitement différentiel en ce qui concerne l'occupation du logement. Dans Leonis c. Metropolitan Toronto Condominium Corporation No. 741,[155] une commission d'enquête de l'Ontario a statué que le plaignant avait fait l'objet d'une discrimination fondée sur son état familial en tant que parent d'un enfant de moins de 16 ans. Les règlements de la copropriété où le plaignant résidait interdisaient aux enfants de moins de 16 ans de fréquenter certaines installations récréatives et permettaient l'accès à d'autres installations récréatives selon un horaire très limité. La commission d'enquête a conclu que les installations récréatives faisaient partie intégrante du droit d'occupation du logement du plaignant et que de tels règlements créaient une discrimination indirecte fondée sur l'état familial. Selon la commission d'enquête, les règlements auraient produit un effet négatif disparate sur les parents parce que leur responsabilité de prendre soin de leurs enfants les auraient empêchés de fréquenter eux-mêmes les installations récréatives, et que de nombreux parents auraient désiré fréquenter les installations récréatives avec leurs enfants. Bien qu'il était raisonnable pour les intimés d'adopter certains règlements restreignant l'accès aux installations récréatives, particulièrement pour des raisons de santé et de sécurité, un meilleur accès aurait pu être fourni au plaignant et à sa fille sans préjudice injustifié.

Enfants bruyants

La Commission a entendu dire que des familles étaient évincées de leurs appartements parce que leurs enfants pleuraient.

Il est impossible de vivre en appartement sans être, dans une certaine mesure, exposé au bruit et aux activités des voisins. De nombreuses activités normales génèrent du bruit – écouter de la musique ou recevoir des amis, par exemple. Les enfants, comme les autres locataires, peuvent faire du bruit quand ils s'adonnent à leurs activités normales, comme jouer, parler ou pleurer. Les bruits associés aux activités normales des enfants ne devraient pas être traités différemment des autres genres de bruit qui viennent jusqu'à nos oreilles lorsque l'on vit près les uns des autres. Le bruit normalement associé aux enfants ne devrait pas, non plus, servir d'excuse pour refuser de louer un logement aux familles avec enfants.

Lorsque le bruit fait par les enfants dérange vraiment les autres locataires, toutes les parties peuvent coopérer pour résoudre la question. Les parents peuvent prendre des mesures raisonnables et conformes aux bonnes pratiques parentales, pour réduire le bruit causé par les enfants. Les propriétaires peuvent essayer de résoudre le problème sans évincer les familles. Ils pourraient, par exemple, envisager une amélioration de l'insonorisation dans un appartement ou un déménagement de la famille dans un autre appartement.

Accommodement aux besoins des membres de la famille

Certaines personnes ont indiqué à la Commission que des propriétaires de logements locatifs refusent de louer à des familles parce qu'ils se préoccupent de la sécurité des enfants. Il se peut, dans certains cas, qu'il soit nécessaire d'apporter des modifications à un logement pour accommoder les besoins des enfants. Par exemple, dans les tours d'habitation, il pourrait être nécessaire de doter les fenêtres et les balcons de dispositifs de sécurité. De telles mesures peuvent représenter des accommodements raisonnables de la part du propriétaire. Un propriétaire ne devrait pas refuser de louer un logement à des familles avec enfants parce qu'il est nécessaire de prendre ce genre de mesures raisonnables.

Qu'est-ce que l'énoncé de politique de la Commission sur l'état familial et l'occupation d'un logement devrait contenir?

Quelle devrait être la position de principe de la Commission en ce qui concerne les questions relatives aux enfants bruyants dans le contexte de l'habitation?

Quels genres d'accommodements à l'égard de l'état familial sont adéquats dans le contexte de l'habitation?

Comment la Commission peut-elle aider les propriétaires à comprendre et à respecter leurs obligations sous le régime du Code?


[102] Supra, note 30.
[103] Observation générale no 4 du CESC sur le paragraphe 11(1), 13/12/91.
[104] Supra, note 31.
[105] Supra, note 33.
[106] Supra, note 40.
[107] (1987) 8 C.H.R.R. D/4028 (Comm. d’enq. de l’Ont.). Cette cause est également importante du fait qu’elle s’est penchée expressément sur les débats quant aux politiques publiques de même que sur les documents internationaux portant sur les droits de la personne, telle la Déclaration universelle des droits de l’homme.
[108] À titre d’exemple, dans Thurston c. Lu (1993), 23 CHHR D/253, le tribunal a statué que le fait de nier à une femme le droit de se porter candidate pour louer un appartement et de refuser tout net sa candidature parce qu’elle a un enfant constitue de la discrimination prima facie. Dans Cunanan c. Boolean Developments Ltd. (2003), 47 CHHR D/236, le tribunal a jugé qu’un locateur a violé le Code en refusant de louer un appartement à une plaignante en raison de sa famille, qui comprend trois adolescents, jugeant que cette famille n’était pas de la taille « idéale » selon les normes « canadiennes » et qu’elle ne convenait pas. Dans Peterson c. Anderson (1991), 15 C.H.R.R. D/1, le tribunal a jugé que l’éviction d’une locataire enceinte constituait de la discrimination fondée sur l’état familial et sur le sexe. Selon le tribunal, il y avait des preuves de stéréotypes et de désapprobation à l’égard des parents seuls et des relations conjugales en union libre, bien qu’il n’y ait pas eu de restriction généralisée quant aux enfants dans l’édifice.
[109] Supra, note 107. Dans cette affaire, une politique exigeait des famille de quatre personne composée d’un parent et de trois enfants, de louer un appartement comprenant au moins trois chambres à coucher. Pour le tribunal, rien ne justifiait ce traitement inégal.
[110] Booker c. Floriri Village Investments Inc. (1989) 11 C.H.R.R. D/44 (Comm. d’enq. de l’Ont.)
[111] Cette importante décision a été confirmée en appel. (Dudnik c. York Condominium Corp. No 216 (No. 2) 12 C.H.H.R. D/325, confirmée (1991) 14 C.H.H.R. D/406 (c. de division Ont.).
[112] Leonis c. Metropolitan Toronto Condominium Corp. No. 741 (1998), 33 C.H.R.R. D/479 (Comm. d’enq. de l’Ont.).
[113] La Série sur le logement selon les données du recensement de 2001 de la Société canadienne d’hypothèques et de logement. Le Point en recherche série socio-économique 04-002. (Ottawa : 2004). Au Canada, un ménage est jugé en situation de besoins impérieux si : 30 % ou plus de son revenu brut sert à payer les versements de prêt hypothécaire, les taxes, les services publics et le loyer de son logement; si l’habitation a besoin de réparations majeures; ou, si les parents et les enfants ou les enfants de sexes différents de plus de cinq ans doivent partager une chambre à coucher.
[114] Report of the Mayor’s Homelessness Action Task Force: Taking Responsibility for Homelessness (Anne Golden, présidente), (janvier 1999).
[115] Op. cit, note 64.
[116] Tom Carter et Chesnya Polevychok, Housing is Good Social Policy, Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques (décembre 2004), page 8.
[117] Ontario Federation of Indian Friendship Centres, Aboriginal Child Povery: A Status Report on Aboriginal Children and Their Families (octobre 2000).
[118] Centre pour les droits à l’égalité au logement, Women and Housing in Canada: Barriers to Equality, (Toronto : mars 2002).
[119] ane Jacobs, Dark Age Ahead, Toronto: Random House of Canada, 2004.
[120] Supra, note 117.
[121] Supra, note 118.
[122] Supra, note 114.
[123] Supra, note 116.
[124] Les recommandations du 20 février 2002 peuvent être consultées au <www.owjn.org/issues/w-abuse/hadley2.htm>.
[125] Supra, note 116 page 15.
[126] Société canadienne d’hypothèques et de logement, Le logement des enfants au Canada (2000)
[127] S. Chau et al., One in Five ... Housing as a Factor in the Admission of Children to Care (Toronto: Centre for Urban and Community Studies, novembre 2001).
[128] Supra, note 114.
[129] Supra, note 64.
[130] St. Hill c. VRM Investments Ltd (2004) CHRR Doc. 04-023. 2004 HRTO 1.
[131] (1997) CHRR Doc. 97-224, (B.C.H.R.T.) par. 48. Voir également Watkins et Cypihot, (2000) CHRR Doc. 00-0036 2000 BCHRT 13, et Cunanan c. Boolean Developments Limited, supra, note 108.
[132] Voir à titre d’exemple Huot c. Chow (1996) C.H.R.R. Doc 96-178 (BCCHR).
[133] Supra, note 130 par. 29.
[134] Supra, note 111.
[135] Pour un examen détaillé sur le logement et les personnes âgées, consulter le document de la Commission intitulé Politique sur la discrimination fondée sur l’âge à l’endroit des personnes âgées (Commission ontarienne des droits de la personne, mars 2002), sur internet : Commission ontarienne des droits de la personne <www.ohrc.on.ca>.
[136] (1994) CHRR Doc. 94-130 (Comm. d’enq.Ont.)
[137] (1997), 30 C.H.R.R. D/345 (C.A. Qué.)
[138] Cunanan c. Boolean Developments Limited, supra note 108. Voir aussi Fakhoury c. Las Brisas Ltd., supra note 107
[139] Supra, note 110
[140] Ibid p. 18
[141] (1993) 20 C.H.R.R. D/349 (Trib. Qué.), maintenu en appel (1997), 29 C.H.R.R. D/1 (C.A. Qué.)
[142] J.D. Hulchanski,, How Households Obtain Resources to Meet their Needs : The Shifting Mix of Cash and Non-Cash Sources (Toronto : Université de Toronto, 1994) pp.34 et 35; M. Ornstein, Income and Rent : Equality Seeing Groups and Access to Rental Accommodation Restricted by Income Criteria, (Toronto : Université York, octobre 1994) p. 63.
[143] J. Stapleton, Report on Social Assistance Programs in Ontario (avril 1994) p. 8.
[144] Commission des droits de la personne, Pauvreté et droit au logement en toute égalité : une approche systémique (Québec, avril 1997) p. 50.
[145] Le rapport publié au Québec fait également état de ce qui suit :

  • « le logement ne saurait être considéré comme un bien comme les autres. Il répond à des besoins trop primordiaux;
  • les propriétaires sont tenus de fournir un logement adéquat aux personnes qui peuvent établir leur capacité à satisfaire aux obligations d'un locataire, sans discrimination fondée sur la source de revenu ou un rapport de loyer à revenu;
  • l'existence d'un risque ne justifie pas de refuser systématiquement de louer aux prestataires d'assistance sociale. »

[146] Kearney c. Bramalea, J.L. c. Shelter Corporation, Luis c. Creccal Investments (1998), 34 C.H.R.R. D/1 (Comm. d’enq. Ont.)
[147] (2001), 39 C.H.R.R. D/111 (C.S.J..Ont.)
[148] (2000), 38 C.H.R.R. D/251 (Comm. d’enq. Ont.)
[149] Ontario au travail : Rapport statistique semestriel, septembre 2004, ministère des Services sociaux et communautaires, en ligne : <www.cfcs.gov.on.ca.>
[150] Ibid
[151] Advocacy Centre for Tenants in Ontario, <www.acto.ca>
[152] Toronto Community and Neighbourhood Services, Social Assistance and Social Inclusion : Findings from Toronto Social Services’ 2003 Survey of Single Parents on Ontario Works, (2003). En ligne : < www.toronto.ca/socialservices/index.htm>
[153] Daily Bread Food Bank, Ontario Works? (2004). En ligne : <www.dailybread.ca>
[154] Ontario Non-Profit Housing Association/Fédération de l'habitation coopérative du Canada, Moving Forward for Ontario Children and Families (2004), campagne de 2000.
[155] Supra, note 112

Social Areas: 
Discrimination Type: 
Organizational responsibility: 

Services

L'article 1 du Code interdit la discrimination fondée sur l'état familial dans les domaines sociaux des services, des biens et des installations. Le domaine social des services est extrêmement vaste et il englobe tout allant des magasins de quartier jusqu'aux centres commerciaux, en passant par l'éducation, les services de santé et le transport en commun. Les questions qui soit soulevées sont donc également extrêmement diverses. On y a, cependant, accordé très peu d'attention. La Commission reçoit seulement quelques plaintes relatives à l'état familial et aux services par année, et mises à part les recherches qui ont été entreprises sur quelques questions particulières, il existe également un manque de recherche universitaire ou de recherche en sciences sociales sur les préoccupations en matière de droits de la personne liées à l'état familial et aux services.

Accessibilité physique

Comme la Commission l'a mentionné dans d'autres documents, il se peut que les familles avec de très jeunes enfants aient à surmonter des obstacles lorsqu'elles tentent d'accéder physiquement à des services comme les restaurants, les théâtres et le transport en commun[156]. Portes lourdes, marches nombreuses, et allées étroites peuvent représenter des obstacles importants pour les familles avec de jeunes enfants qui essaient d'accéder à une installation. Certains établissements interdisent les poussettes, et il est difficile ou impossible pour les familles avec de jeunes enfants d'y accéder.

Le droit en matière de droits de la personne affirme le principe selon lequel la société devrait être structurée et conçue pour favoriser l'inclusion. Les fournisseurs de services ont l'obligation de fournir un accès égal sans discrimination fondée sur l'état familial. Lorsque des familles avec de jeunes enfants ne peuvent accéder à des services, les fournisseurs risquent de faire l'objet d'une plainte de discrimination conformément au Code.

Si un tribunal conclut qu'il y a eu violation de la loi, il faut que l’entreprise démontre que fournir l'accès ou prendre des mesures d'accommodement à l'égard des services lui causeraient une contrainte excessive sur le plan du coût, des sources externes de financement ou des facteurs de santé et de sécurité.

Conception universelle et services tenant compte des besoins des familles

Tout comme les employeurs et les fournisseurs d'habitations, les fournisseurs de services devraient, lorsque c'est possible, tenir compte des besoins des personnes qui assument la responsabilité de prodiguer des soins à des proches, lorsqu'ils conçoivent des programmes, des méthodes et des installations. Les restaurants, par exemple, peuvent veiller à ce que des chaises hautes soient mises à la disposition des enfants et que les toilettes publiques soient dotées d'installations pour les familles et de tables à langer pour les enfants. Dans le domaine de l'enseignement, comme dans celui de l'emploi, il se peut que les directives et les méthodes concernant les services d'enseignement ne tiennent pas compte de la responsabilité des étudiants de prodiguer des soins à des proches. Étant donné les tendances en éducation et les changements démographiques, il n'est plus rare que les étudiants aient à concilier leurs responsabilités scolaires et leur responsabilité de prendre soin de leurs proches. Les établissements d'enseignement ont évolué pour répondre à ces changements. Certains établissements d'enseignement, par exemple, ont établi des directives officielles en matière de congés parentaux. Toutefois, les structures de l'enseignement n'ont pas nécessairement rattrapé ces changements, et il se peut qu'il demeure encore des obstacles.

Par exemple, les étudiants du niveau postsecondaire qui assument une importante responsabilité de prodiguer des soins à des proches, par exemple des parents ou de jeunes enfants, opteront vraisemblablement pour les études à temps partiel, là où elles sont offertes. Toutefois, les étudiants à temps partiel doivent faire face à un certain nombre d'inconvénients. Par exemple, ils sont souvent inadmissibles aux régimes de soins médicaux pour étudiants. De même, les bourses d'études, les stages, les emplois sur le campus et les logements subventionnés, tant au premier qu'au deuxième cycle, sont principalement conçus pour les étudiants à temps plein[157]. En ce qui concerne les bourses d'études, la Commission indique dans sa Politique relative aux bourses d'études que de telles bourses sont importantes non seulement à cause de l'aide financière fournie à l'étudiant, mais également parce qu'elles sont un moyen d'obtenir un emploi ou de poursuivre des études supérieures. Dans sa politique, la Commission écrit ce qui suit :

« ...l'octroi de bourses d'études devrait toujours être fondé sur des facteurs tels que le mérite, les besoins financiers ou la spécialisation des récipiendaires, ou encore leur contribution exceptionnelle à la vie de leur établissement d'enseignement ou de la collectivité. Or, les bourses restrictives sont basées sur des critères discriminatoires qui, directement ou indirectement, influent sur l'accès aux possibilités d'études »[158].

Les établissements d'enseignement doivent, par conséquent, veiller à ce que les critères d'admissibilité n'aient pas sur les étudiants des répercussions négatives fondées sur l'état familial.

Les fournisseurs de services devraient également faire en sorte de tenir compte de la diversité des structures familiales au Canada. Par exemple, un tribunal des droits de la personne de la Colombie-Britannique a conclu que le processus d'enregistrement des naissances du gouvernement de la C.-B. n'avait pas évolué au même rythme que les technologies de reproduction et créait une discrimination fondée sur le sexe, l'orientation sexuelle et l'état familial en refusant d'enregistrer le partenaire de même sexe de la mère par le sang comme un parent de l'enfant[159]. De plus. les stéréotypes négatifs à propos des femmes chefs de famille dans les collectivités racialisées peuvent avoir un impact important sur la manière dont une gamme de services, allant de l'enseignement aux services bancaires en passant par les services policiers sont fournis.

De même, quoique dans la Loi de 1997 sur le programme Ontario au travail il soit question des couples de même sexe au même titre que les couples hétérosexuels, il existe peu d'information sur le traitement réservé aux couples de même sexe, ce qui, en pratique, peut avoir des répercussions sur la mise en œuvre des directives d'OT. Par exemple, la directive d'OT sur le soutien familiale envers la famille met l'accent sur les femmes chefs de famille monoparentale qui cherchent à obtenir un soutient et réfère à ceux qui doivent être trouvés pour fournir ce soutien comme les « pères »[160]. Dans la directive, il n'est pas question des pères gais ou des mères lesbiennes qui cherchent à obtenir un soutien de leur ancien conjoint de même sexe. Il n'y est pas question non plus des cas où des enfants résident avec leurs pères et où l'on cherche à obtenir un soutien de leur mère. Si de tels cas surviennent, les directives d'OT ne prévoient pas clairement comment elles seront traitées.

Quels obstacles empêchent les familles d'accéder aux services?

Quelles mesures les fournisseurs de services peuvent-ils prendre pour veiller à ce que leurs directives, leurs méthodes et leurs programmes n'excluent pas les familles ou n'aient pas de répercussions négatives sur ces dernières?

Devoir d'accommodement en matière de services

Même dans les cas où les services ont été conçus pour appuyer les besoins des familles, il se peut qu'il soit encore nécessaire de prendre des mesures d'accommodement à l'égard de besoins individuels. Les fournisseurs de services ont, comme les employeurs, le devoir de prendre des mesures d'accommodement à l'égard des besoins liés à l'état familial tant qu'elles n'entraînent pas de préjudice injustifié. Par exemple, dans le domaine de l'enseignement, en cas de conflit important entre la responsabilité d'un étudiant de prodiguer des soins à des proches et les exigences scolaires, il se peut que l'établissement d'enseignement ait le devoir d'examiner les mesures d'accommodement qu'il pourrait prendre à l'égard des besoins reliés à la famille. Lorsqu'un enfant tombe malade durant une période d'examen ou qu'un stage à l'extérieur interfère de façon importante avec la responsabilité de l'étudiant de prodiguer des soins à des proches, comme un enfant ou un parent âgé, il se peut que l'établissement d'enseignement soit tenu d'examiner les mesures d'accommodement adéquates.

La question de l'accommodement des besoins en matière de garderie pour enfants s'est soulevée dans le contexte des programmes d'assistance sociale, dans les cas où il se peut que les conditions de participation à OT entrent en conflit avec les responsabilités familiales des parents. Comme le prévoit la directive d'OT sur les conditions de participation, les parents seuls soutiens de famille sont tenus de participer aux activités d'emploi lorsque leur plus jeune enfant commence à fréquenter une école financée à même les fonds publics à temps plein ou à temps partiel[161]. Bien qu'il soit prescrit que les activités d'emploi doivent être organisées durant les classes, cela n'est pas toujours possible. Par exemple, les activités d'emploi peuvent terminer après les classes, ou il se peut que les parents ne puissent arriver à temps à l'école pour prendre leurs enfants si l'endroit où ils reçoivent une formation ou suivent un programme est loin de l'école. Le manque d'accès à un service de garderie dans de tels cas peut engendrer de nombreux problèmes. Selon une étude des services sociaux de la ville de Toronto menée en 2003 qui avait pour objet d'examiner les expériences de chefs de famille monoparentale qui participaient à OT, 64 pour cent des parents seuls soutiens de famille ont déclaré que l'absence de garderies adéquates ou abordables représentait un obstacle à l'emploi[162]. Pour ce qui est des chefs de famille monoparentale qui bénéficiaient d'un service de garderie, 20 pour cent ont estimé que les heures d'ouverture ne concordaient pas avec leur horaire, 20 pour cent ont dit qu'ils se souciaient de la qualité du programme, 17 pour cent ont jugé les frais de garde trop élevés et 15 pour cent ont estimé que les garderies n'étaient pas fiables[163].

Bien qu'une certaine assistance soit fournie, les parents qui reçoivent des allocations d'OT sont, en fin de compte, considérés responsables de trouver une garderie adéquate pour leurs enfants. Par exemple, plusieurs municipalités subventionnent dans une certaine mesure les garderies d'enfants. À Toronto, les participants à OT qui doivent faire garder des enfants sont admissibles à une assistance à cet égard si cette aide leur est nécessaire pour qu'ils respectent leur plan de services individuel[164]. Les clients qui demandent cette assistance par l'intermédiaire d'OT sont traités de la même manière que ceux qui s'adressent aux Services aux enfants, c'est-à-dire qu'ils sont inscrits sur une liste d'attente pour un subside ou une place dans une garderie subventionnée. En outre, les parents prestataires d'assistance sociale ont accès en priorité aux places dans les garderies subventionnées pendant qu'ils suivent une formation et trouvent un emploi[165]. Le programme de Toronto accorde une assistance tant à l'égard des garderies publiques que des garderies privées.

Bien que l'existence de tels programmes puisse aider les parents seuls soutiens de famille à obtenir des places en garderie, il se peut que la mise en œuvre et la structure de tels programmes engendrent des difficultés. Par exemple, sous le régime du programme mis en œuvre à Toronto et décrit ci-dessus, les places dans une garderie privée sont fournies sur une base temporaire. Cette règle cause des difficultés aux parents seuls soutiens de famille lorsqu'ils ne peuvent plus amener leur enfant à la garderie privée et qu'il n'y a pas de place dans les garderies publiques. Les parents peuvent alors se retrouver sans gardienne et être ainsi forcés de cesser de participer à une activité d'emploi ou de quitter un emploi.

En outre, des questions en ce qui concerne les services de garderie qui sont offerts ou fournis à l'heure actuelle peuvent aussi être soulevées. Bien que les parents seuls soutiens de famille aient accès en priorité aux places dans les garderies subventionnées, il existe une liste d'attente pour ces places. Durant la période d'attente, l'absence de place en garderie limite la capacité des parents à travailler ou à participer aux activités d'emploi, ce qui, à son tour, peut avoir une incidence sur la réception d'assistance financière. Une autre question se pose. Lorsque les parents seuls soutiens de famille obtiennent un emploi, les services de garderie ne leur sont plus fournis parce qu'ils sont présumés ne plus avoir besoin d'une place dans une garderie subventionnée. Pour obtenir une autre place dans une garderie subventionnée, les parents doivent se réinscrire sur une liste d'attente et, ainsi, recommencer le processus[166]. Il se peut, en fin de compte, que les frais de garderie représentent un obstacle à l'emploi ou à une participation à OT[167].

Ces différentes questions en soulèvent d'autres : est-ce que le devoir d'accommodement naît dans le cas où un parent est tenu de satisfaire à certaines conditions pour obtenir un service ou bénéficier d'un avantage et que ces conditions ne tiennent pas compte de ses obligations familiales? Par exemple, est-ce que le devoir d'accommodement naît si un parent ayant de jeunes enfants d'âge scolaire a l'obligation, comme condition de participation au Programme Ontario au travail, de participer à des activités d'emploi à temps plein, mais est incapable de trouver une garderie pour accueillir ses enfants après les classes? Dans l'affirmative, quels sont les rôles et les responsabilités des diverses parties? Quels accommodements sont adéquats?

Est-ce que la question du devoir du fournisseur de services de prendre des mesures d'accommodement à l'égard de l'état familial est soulevée dans d'autres cas?

Quand est-ce que le fournisseur de services a un devoir d'accommodement à l'égard de l'état familial? Quelle est l'étendue de ce devoir?

Préférences des consommateurs, restrictions fondées sur l'âge et comportement des enfants

Le comportement typique des enfants ne devrait pas, en soi, justifier un refus de fournir des services aux personnes identifiées par leur état familial. Toutefois, dans certains cas, il se peut que les comportements normalement associés aux enfants soient incompatibles avec la nature des services offerts. Par exemple, lors d'une représentation théâtrale, les pleurs stridents et persistants d'enfants empêcheront peut-être d'autres spectateurs d'écouter et d'apprécier le spectacle. Par conséquent, demander aux spectateurs de garder le silence durant le spectacle ou de sortir de la salle les enfants qui pleurent ou sont bruyants pourrait être une exigence justifiée. De même, il se peut qu'il ne convienne pas que des enfants se promènent librement partout dans certains restaurants. Par conséquent, il peut être approprié d'exiger des clients de demeurer à leur place quand ils sont dans le restaurant.

Les préoccupations à l'égard des comportements des enfants sont parfois à l'origine de restrictions d'accès aux services fondées sur l'âge. Par exemple, les fournisseurs de services peuvent mettre en œuvre des directives officielles selon lesquelles il est interdit d'accéder aux services à moins d'avoir atteint un certain âge. Étant donné que le comportement des enfants varie autant que celui des adultes, utiliser des restrictions fondées sur l'âge pour exclure les enfants d'un service pour le motif que leur présence est, en soi, incompatible avec le service offert pourrait soulever des problèmes. Il serait peut-être plus indiqué de préciser les conditions essentielles d'accession au service en question; les personnes qui ne peuvent respecter ces conditions essentielles (quel que soit leur âge) peuvent être exclues. Par exemple, dans les piscines, il est préférable d'établir l'horaire et l'emplacement des activités en utilisant des expressions telles que « nage en couloirs » et « nage libre » plutôt que « nage pour adultes seulement » et « nage familiale » parce que certains enfants sont d'excellents nageurs et certains adultes sont turbulents. De façon générale, il sera également plus approprié de préciser les comportements appropriés (« Les clients doivent rester assis en tout temps ») plutôt que d'imposer des restrictions fondées sur l'âge (« Les enfants de moins de trois ans ne sont pas admis »).

Il existe, bien entendu, des services, comme, par exemple, les films pour adultes dont le contenu ne s'adresse tout simplement pas aux enfants, et une règle excluant les enfants n'ayant pas atteint un certain âge sera justifiée dans les circonstances.

D'aucuns ont fait valoir que, comme c'est le cas dans les complexes d'habitation destinés exclusivement aux adultes, les adultes devraient avoir l'option de fréquenter des endroits « sans enfants » ou réservés aux adultes et où ils n'ont pas à composer avec les bruits ou les activités associées aux enfants. Comme nous l'avons mentionné auparavant, il y aura des cas où la tranquillité ou le silence constitueront des conditions justifiées pour accéder à un service, et, par conséquent, les enfants turbulents ou bruyants pourront être exclus. Le paragraphe 20(3) permet aux clubs de loisirs de limiter l'accès à leurs services ou à leurs installations ou d'accorder une préférence en ce qui concerne les cotisations des membres ou d'autres droits pour des raisons fondées sur l'état marital et l'état familial. Un club de célibataires, par exemple, pourrait vraisemblablement invoquer ce moyen de défense. Toutefois, le Code n'a pas, en général, été interprété de manière à accorder préséance aux préférences du client. Par exemple, la Commission a adopté la position selon laquelle les plaintes formulées par d'autres personnes ne justifiaient pas d'empêcher une femme d'exercer son droit d'allaiter un enfant[168]. Même si certains clients préfèrent éviter la compagnie des enfants, cela ne justifie pas d'empêcher les personnes identifiées par l'état familial d'exercer leur droit à un accès égal aux services, aux biens et aux installations. Par exemple, dans un cas entendu en Colombie-Britannique, une famille de trois enfants n'avait pas pu avoir accès à la salle à manger principale de leur hôtel de vacances et avait plutôt été dirigée vers la cafétéria pour le motif que les clients dans la salle à manger n'aimaient pas être dérangés quand les enfants s'agitaient. Un tribunal des droits de la personne a conclu qu'il y avait eu discrimination fondée sur l'état familial et que, par leurs actions, les intimés avaient imposé un désavantage au plaignant et aux membres de sa famille seulement à cause de son association avec ses enfants. Le tribunal a déclaré ce qui suit :

[TRADUCTION]

« Il est possible de prendre des mesures à l'égard des comportements qui dépassent une limite raisonnable au cas par cas, eu égard à toutes les circonstances. Bien qu'il se puisse que de nombreuses familles préfèrent manger à la cafétéria, là où leurs enfants peuvent se lever, marcher et bouger, certains parents éviteront peut-être la cafétéria pour exactement la même raison...L'intimée est certainement capable de fournir des renseignements sur ces options; toutefois, il faut laisser ce choix aux parents...Le fait que la présence de jeunes enfants puisse déranger certains clients n'est pas un motif justifié et raisonnable d'adopter une directive qui tente de dissuader les familles de prendre un repas dans la salle à manger »[169].

Quelle position de principe la Commission devrait-elle adopter en ce qui concerne les restrictions d'accès aux services fondées sur l'âge?

Quelle position de principe la Commission devrait-elle adopter en ce qui concerne le comportement des enfants et l'accès aux services?

Quelle position de principe la Commission devrait-elle adopter en ce qui concerne les préférences des consommateurs pour les endroits « sans enfants » ou réservés aux adultes?

Est-ce qu'il y a des questions en droits de la personne relatives à l'état familial que la Commission n'a pas relevées et qu'elle devrait examiner?


[156] Voir Commission ontarienne des droits de la personne, Document de travail sur les services accessibles de transport en commun en Ontario, (janvier 2001); Les droits de la personne et les services de transport en commun en Ontario (Rapport de consultation) (mars 2002); et Dîner au restaurant, une question d'accessibilité : une vérification de l'accessibilité dans certaines chaînes de restaurants en Ontario (avril 2004), en ligne : Commission ontarienne des droits de la personne <www.ohrc.on.ca>.
[157] La Commission a examiné ses préoccupations à l'égard des répercussions des lignes de conduite en matière d'études à temps partiel sur les étudiants handicapés dans un document intitulé, Une chance de réussir :Éliminer les obstacles à l'éducation pour les personnes handicapées (juillet 2003), en ligne : Commission ontarienne des droits de la personne, <www.ohrc.on.ca>
[158] Commission ontarienne des droits de la personne, Politique relative aux bourses d'étude, (juillet 1997), partie 2, en ligne : Commission ontarienne des droits de la personne <www.ohrc.on.ca>.
[159] Gill c. British Columbia (Ministry of Health) (No. 1), (2001), 40 C.H.R.R. D/321 (BCHRT)
[160] Directive 23.0 : Obligations alimentaires envers la famille, (septembre 2001), Programme Ontario au travail, ministère des Services sociaux et communautaires, <www.cfcs.gov.on.ca>
[161] Directive 6.0 : Définition des conditions de participation (septembre 2001), Programme Ontario au travail, ministère des Services sociaux et communautaires, en ligne :<www.cfcs.gov.on.ca>
[162] Toronto Community and Neighbourhood Services, Social Assistance and Social Inclusion : Findings from Toronto Social Services’ 2003 survey of Single Parents on Ontario Works, (2003), en ligne: <www.toronto.ca/socialservices/index.htm> .
[163] Ibid
[164] Ontario Works Child Care Service Delivery Protocol, (1999), ville de Toronto, en ligne: <www.city.toronto.on.ca/socialservices>.
[165] D. Matthews, Examen des programmes d'aide à l'emploi du Programme Ontario au travail et du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées (ministère des Services sociaux et communautaires, 2004).
[166] Ibid
[167] Daily Bread Food Bank, Ontario Works? (2004), en ligne : < www.dailybread.ca>.
[168] Supra, note 4.
[169] Micallef c. Glacier Park Lodge Ltd., (1998), 33 C.H.R.R. D/249 (TDP C.-B.)

Organizational responsibility: 

Conclusion

Compte tenu de cette revue des questions en droits de la personne relatives à l'état familial, la Commission se préoccupe du fait qu'il existe d'importants obstacles systémiques qui ont des répercussions sur des personnes à cause de leur état familial et que ces obstacles ont peut-être des répercussions importantes. L'impact des responsabilités familiales sur l'accès à l'emploi, le logement et les services requiert, en général, plus d'attention qu'il en a reçu jusqu'à maintenant. Les stéréotypes négatifs et l'omission de reconnaître et d'intégrer pleinement la diversité de la famille, telle qu'on la connaît aujourd'hui, peuvent mener à un traitement discriminatoire. La Commission se préoccupe du fait que, dans de nombreux cas, les organismes et les personnes ne sont pas au courant des protections relatives à l'état familial qui se trouvent dans le Code et n'estiment pas que ces questions de droits de la personne méritent d'être protégées. Il est nécessaire d'éclaircir les exigences relatives à l'état familial qui se trouvent dans le Code.

Processus de consultation publique

Le présent Document de travail représente pour la Commission la première étape de l'examen de la question des droits de la personne et de l'état familial. La Commission a l'intention de formuler un énoncé de principes sur la discrimination fondée sur l'état familial. Cet énoncé de principes portera sur tous les domaines sociaux et examinera des questions telles que la conception universelle, les obstacles systémiques que rencontrent les personnes identifiées par l'état familial, le devoir d'accommoder les besoins reliés à l'état familial, les exigences justifiées et les effets des motifs de discrimination qui s'entrecroisent.

La Commission demande donc aux personnes intéressées de lui fournir des commentaires sur les questions soulevées dans le présent Document de travail. La Commission espère que ces commentaires l'aideront à relever d'autres questions en matière de droits de la personne reliées à l'état familial et lui fourniront des perspectives et des renseignements sur les questions soulevées dans le présent Document de travail. Les mémoires peuvent être envoyés à l'adresse suivante :


Direction des politiques et de l'éducation
« Consultation sur l'état familial »
Commission ontarienne des droits de la personne
180, rue Dundas Ouest, 7e étage
Toronto, Ontario M7A 2R9
Télécopieur : (416) 314-4533
Courriel : consultation@ohrc.on.ca


Les mémoires devraient être fournis avant le 22 juillet 2005. Il se peut, compte tenu du contenu des mémoires, que la Commission mène d'autres consultations.

La Commission aimerait aussi que les personnes qui estiment avoir été victimes de discrimination fondée sur l'état familial lui fassent part de leurs expériences personnelles. Le bref questionnaire annexé au présent Document de travail est également disponible sur le site Web de la Commission. La Commission demande aux personnes de remplir ce questionnaire et de le retourner à la Commission par la poste, par télécopieur ou par l'intermédiaire du site Web avant le 31 août 2005.

Tous les documents concernant la présente consultation, y compris le présent Document de travail, sont disponibles sur notre site Web à l'adresse suivante : <www.ohrc.on.ca >. Si vous avez des questions à propos du processus de consultation, vous pouvez communiquer avec la Commission par téléphone en composant le (416) 314-4507, ou le 1-800-387-9080, ou par TTY en composant le (416) 314-6526 ou le 1-800-308-5561.

Les renseignements fournis durant les consultations sont assujettis aux exigences de la Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée. Il se peut que les renseignements obtenus durant les consultations soient divulgués.

Glossaire de notions en matière de droits de la personne

Preuve prima facie de discrimination

La phrase « preuve prima facie de discrimination » est utilisée fréquemment dans les instances en droits de la personne. La Cour suprême du Canada décrit de la façon suivante le critère utilisé pour déterminer si une telle preuve a été présentée :

« Dans les instances devant un tribunal des droits de la personne, le plaignant doit faire une preuve suffisante jusqu'à preuve contraire qu'il y a discrimination. Dans ce contexte, la preuve suffisante jusqu'à preuve contraire est celle qui porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur de la plaignante, en l'absence de réplique de l'employeur intimé »[170] .

Formes de discrimination

La discrimination peut prendre de nombreuses formes. Il peut y avoir discrimination lorsqu'un fournisseur de services adopte une règle qui, a priori, est discriminatoire à l'égard de personnes en raison de leur état familial.

Exemple : un restaurant réserve sa salle à manger donnant sur un lac aux adultes seulement et refuse d'accepter les familles avec des enfants.

La discrimination peut également se produire par l'intermédiaire d'une autre personne ou d'autres moyens.

Exemple : le règlement en vigueur dans un édifice à logements interdit de faire du bruit après 11 h, quelle qu'en soit la cause. Qu'il s'agisse d'évincer un locataire qui fait jouer de la musique trop forte ou les parents d'un nouveau-né qui pleure, le règlement est appliqué avec la même rigueur. Dans ce cas, l'application du règlement de l'immeuble par le surintendant constituerait aussi un acte discriminatoire.

Les règles, les politiques, les procédures, les exigences, les critères d'admissibilité peuvent sembler neutres et constituer néanmoins de la discrimination par suite d'un effet préjudiciable.

Exemple : la politique de congés de maladie d'un employeur ne s'applique que dans les cas où l'employé est lui-même malade. Une telle politique aurait vraisemblablement un effet préjudiciable à l'égard des parents qui sont en santé, mais qui doivent parfois s'occuper d'un enfant malade.

Exigence ou qualification professionnelle justifiée (EPJ)

Lorsqu'un plaignant a présenté une preuve prima facie de discrimination parce qu'une norme ou une exigence a, compte tenu d'un motif de discrimination, eu un effet préjudiciable, l'intimé peut éviter toute responsabilité en établissant que la norme ou l'exigence en question est une exigence professionnelle justifiée, une « EPJ ».

La Cour suprême du Canada a statué que, dans de tels cas, une méthode en trois étapes devait être adoptée pour évaluer la norme ou l'exigence en question. La Cour a décrit la méthode de la façon suivante dans le contexte d'une affaire d'emploi :

  • (1) l'employeur doit démontrer que la norme est adoptée dans un but rationnellement lié à l'exécution du travail en cause;
  • (2) l'employeur doit démontrer qu'il a adopté la norme en croyant sincèrement qu'elle était nécessaire pour réaliser ce but légitime relié au travail;
  • (3) l'employeur doit démontrer que la norme est raisonnablement nécessaire pour réaliser ce but. Pour prouver que la norme est raisonnablement nécessaire, l'employeur doit démontrer qu'il est impossible de composer avec les employés qui ont les mêmes caractéristiques que le plaignant sans que l'employeur subisse une contrainte excessive.[171]

Contrainte excessive

Le devoir de prendre des mesures d'accommodement s'applique tant qu'il n'entraîne pas de préjudice injustifié. La Commission adopte la position selon laquelle seulement trois facteurs doivent être pris en considération pour déterminer si une mesure d'accommodement entraîne une contrainte excessive :

le coût : conformément au Code et selon des tribunaux, le coût représente un facteur très important. Le coût entraînera une contrainte excessive s'il est quantifiable; s'il est établi qu'il est relié à la mesure d'accommodement et qu'il est si substantiel qu'il altérerait la nature essentielle de l'entreprise ou qu'il est si important qu'il aurait une incidence substantielle sur sa viabilité;

les sources extérieures de financement : il se peut qu'il soit possible d'obtenir un financement de sources extérieures de financement pour réduire les coûts des mesures d'accommodement. Les organismes devraient se prévaloir de telles ressources pour satisfaire à leur devoir de prendre des mesures d'accommodement et doivent y recourir avant de prétendre qu'elles subissent une contrainte excessive;

les risques en matière de santé et de sécurité : la question à savoir si un risque en matière de santé et de sécurité est suffisant pour constituer une contrainte excessive doit être examinée à la lumière de la méthode en trois étapes décrites dans la présente politique. La nature, la probabilité, la gravité et la portée du risque doivent être déterminées en se fondant sur des éléments de preuve objectifs et convaincants, et non sur des hypothèses ou des éléments de preuve constitués d'impressions. Il est aussi nécessaire de tenir compte du fait que, la plupart du temps, une sécurité parfaite n'est pas possible et qu'un niveau raisonnable de sécurité est le but à atteindre.


[170] C.O.D.P. et O’Malley c. Simpsons-Sears. Ltd. [1985] 2 R.C.S. 526, à la page 558. La question à savoir si l'approche adoptée dans O'Malley est encore appropriée dans les instances en droits de la personne fait, à l'heure actuelle, l'objet d'un débat compte tenu de l'approche que la Cour suprême du Canada a récemment adoptée à l'égard des causes de discrimination dans Law c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), supra, note 50. Quoi qu'il en soit, de nombreux tribunaux en droits de la personne continuent a utiliser l'approche voulant que la première question à trancher soit celle à savoir si le plaignant a présenté une preuve prima facie de discrimination.
[171] Supra, note 79

Annexe : Questions de consultation

Les questions soulevées dans ce document de travail et de consultation sont résumées ci-dessous.

  1. Quels rôles la Commission, le gouvernement et les autres acteurs devraient-ils remplir afin de résoudre les problèmes soulevés dans la présent document?
  2. Que peut faire la Commission pour sensibiliser davantage le public aux questions relatives aux droits de la personne qui concernent l’état familial et pour lutter plus efficacement contre la discrimination fondée sur l’état familial?
  3. La définition d’« état familial » figurant à l’article 10 du Code est-elle trop étroite? La Commission devrait-elle envisager de recommander une définition visant d’autres types de relations de dépendance? Le cas échéant, quels types de relations devraient être visés par cette nouvelle définition?
  4. Le Code devrait-il offrir une protection aux personnes qui ne vivent pas dans une relation parent-enfant? Le cas échéant, dans quelles circonstances cette protection devrait-elle être offerte?
  5. Quelles incidences le sexe, la race, l’orientation sexuelle et les autres motifs prévus par le Code peuvent-ils avoir sur la discrimination fondées sur l’état familial? Y a-t-il des situations, non mentionnées dans le présent document, dans lesquelles d’autres facteurs reliés au Code peuvent accentuer la discrimination fondée sur l’état familial?
  6. Que pourraient ou devraient faire de plus les gouvernements, les employeurs ou les autres intéressés pour aider les employés à concilier leurs responsabilités professionnelles et familiales?
  7. Y a-t-il d’autres aspects ou effets du conflit entre la vie professionnelle et la vie familiale dont vous voudriez nous faire part?
  8. Quels programmes ou politiques les employeurs devraient-ils instaurer pour faire en sorte que le milieu de travail ne désavantage pas les employés en raison de leur état familial?
  9. Tenant compte du fait qu’il est nécessaire d’établir un équilibre entre les besoins des employés et ceux des employeurs, quelle est l’étendue du devoir d’accommodement de ces derniers quant à l’état familial d’un employé? Quelles sont les responsabilités respectives de l’employeur et de l’employé? Quels sont les types d’accommodement appropriés dans ce contexte?
  10. Y a-t-il d’autres problèmes de nature systémique en emploi liés à l’état familial? Comment peut-on éliminer ces obstacles?
  11. Y a-t-il d’autres perceptions négatives et stéréotypes fondés sur l’état familial? Comment ces perceptions et stéréotypes affectent-ils les employés?
  12. Avez-vous connaissance de certaines situations où les régimes de retraite ou d’avantages sociaux ont un effet discriminatoire en raison de l’état familial? Y a-t-il des situations où les différences dans l’accès à des régimes de retraite ou à des avantages sociaux sont fondées sur des exigences justifiées? Des mesures pourraient-elles être mises sur pied afin que les régimes de retraite et d’avantages sociaux incluent davantage les personnes qui assument la responsabilité de prodiguer des soins à des proches?
  13. Qu’est-ce qui empêche ceux à qui incombe la responsabilité de prendre soin de leurs proches de trouver un logement suffisant et abordable?
  14. Comment l’accès des familles à du logement suffisant et abordable pourrait-il être accru?
  15. La discrimination à l’endroit des familles avec enfants se manifeste-t-elle autrement dans le marché du logement?
  16. Est-ce qu'il existe d'autres politiques d'occupation qui peuvent avoir des répercussions négatives sur les familles avec enfants? Dans quelles circonstances les politiques d'occupation qui peuvent avoir des répercussions négatives sur les familles avec enfants sont-elles justifiables?
  17. Qu'est-ce qui devrait être fait pour améliorer l'accès des parents prestataires d'aide sociale au logement?
  18. Qu'est-ce que l'énoncé de politique de la Commission sur l'état familial et l'occupation d'un logement devrait contenir?
  19. Quelle devrait être la position de principe la Commission en ce qui concerne les questions relatives aux enfants bruyants dans le contexte de l'habitation?
  20. Quels genres d'accommodements à l'égard de l'état familial sont adéquats dans le contexte de l'habitation?
  21. Comment la Commission peut-elle aider les propriétaires à comprendre et à respecter leurs obligations sous le régime du Code?
  22. Quels obstacles empêchent les familles d'accéder aux services?
  23. Quelles mesures les fournisseurs de services peuvent-ils prendre pour veiller à ce que leurs directives, leurs méthodes et leurs programmes n'excluent pas les familles ou n'aient pas de répercussions négatives sur ces dernières?
  24. Est-ce que la question du devoir du fournisseur de services de prendre des mesures d'accommodement à l'égard de l'état familial est soulevée dans d'autres cas?
  25. Quand est-ce que le fournisseur de services a un devoir d'accommodement à l'égard de l'état familial? Quelle est l'étendue de ce devoir?
  26. Quelle position de principe la Commission devrait-elle adopter en ce qui concerne les restrictions d'accès aux services fondées sur l'âge?
  27. Quelle position de principe la Commission devrait-elle adopter en ce qui concerne le comportement des enfants et l'accès aux services?
  28. Quelle position de principe la Commission devrait-elle adopter en ce qui concerne les préférences des consommateurs pour les endroits « sans enfants » ou réservés aux adultes?
  29. Est-ce qu'il y a des questions en droits de la personne relatives à l'état familial que la Commission n'a pas relevées et qu'elle devrait examiner?