La loi sur la sécurité dans les écoles de l'ontario : Discipline et discrimination dans les écoles

Sommaire

Introduction

Le présent rapport a pour but principal d’examiner si la Loi sur la sécurité dans les écoles de l’Ontario et ses règlements, ainsi que les politiques des conseils scolaires en matière de discipline, qualifiées par certains de politiques de « tolérance zéro », ont un effet disproportionné sur les élèves issus de minorités raciales et les élèves handicapés. Ceux qui préconisent la tolérance zéro prétendent que les politiques ne tiennent pas compte des considérations raciales et sont équitables parce que tous les élèves qui commettent la même infraction seront traités de la même manière. Ceux qui s’opposent à la tolérance zéro renvoient à d’autres ressorts où il existe des données indiquant que les suspensions et renvois ont un effet disproportionné sur les élèves de race noire et les élèves issus d’autres minorités raciales ainsi que sur les élèves handicapés.

Le présent rapport conclut que, dans la région du Grand Toronto (RGT) comme dans d’autres régions de l’Ontario, il existe une forte perception, fondée sur un certain nombre de preuves indépendantes, selon laquelle la Loi et les politiques des conseils scolaires ont un effet disproportionné sur les élèves issus de minorités raciales, notamment les élèves de race noire, ainsi que sur les élèves handicapés.

Contexte

En Ontario, les premières mesures sérieuses visant l’adoption d’une politique de tolérance zéro en matière de discipline dans les écoles ont été prises à partir du milieu des années 1990. Vers la fin de 1993, le conseil scolaire de Scarborough a adopté une politique de sécurité dans les écoles portant sur la violence et les armes. Dans la période précédant les élections provinciales de 1999 en Ontario, le Parti progressiste-conservateur a promis une politique de tolérance zéro pour les mauvais comportements dans les écoles. La promesse a commencé à se préciser en avril 2000, lorsque la ministre de l’Éducation, Janet Ecker, a publié un Code de conduite à l’intention des écoles ontariennes. Un mois plus tard, la ministre a introduit la Loi sur la sécurité dans les écoles, qui proposait de modifier la Loi sur l'éducation pour donner force exécutoire au Code de conduite et accorder aux directeurs et enseignants un pouvoir accru de suspendre et renvoyer des élèves. La Loi a été adoptée par l’Assemblée législative en juin 2000 et elle est entrée en vigueur en septembre 2001.

Le cadre de réglementation

Avant l’adoption de la Loi sur la sécurité dans les écoles, l’article 23 de la Loi sur l'éducation régissait la suspension et le renvoi des élèves. Le pouvoir de suspendre un élève était réservé au directeur, tandis que seul le conseil scolaire pouvait renvoyer un élève. Dans les deux cas, l’exercice du pouvoir était discrétionnaire. Les motifs de suspension étaient assez limités et l’élève ne pouvait être renvoyé de toutes les écoles du conseil qu’en raison d'une « indocilité » telle que sa présence était « préjudiciable aux autres élèves ».

Le nouveau régime, qui fait maintenant partie de la Loi sur l'éducation, est plus complexe et, pour tenir compte de la philosophie de tolérance zéro de ses adeptes, adopte une approche plus sévère quant aux problèmes de comportement, de discipline et de sécurité. Tant les directeurs que les enseignants peuvent suspendre un élève. Le directeur peut suspendre l’élève pendant une période maximale de vingt jours de classe, tandis que l’enseignant peut soit suspendre l’élève pendant un jour, soit soumettre la question au directeur. Le pouvoir de renvoi a également été élargi et il est partagé entre les conseils scolaires et les directeurs. Il existe désormais deux genres de renvoi : (1) le renvoi partiel de l’école que fréquentait l’élève, jusqu’au dernier en date des jours suivants : a) le jour précisé par le directeur ou le conseil (de vingt et un jours à un an); b) le jour où l’élève satisfait aux conditions que fixe le conseil; et (2) le renvoi complet de toutes les écoles (publiques) de la province jusqu’à ce que l’élève ait terminé avec succès un programme de discipline rigide.

Le changement le plus important au sein du nouveau régime est sans doute la disposition prévoyant la suspension et le renvoi obligatoires ainsi que l’intervention de la police. Un large éventail d’infractions sont désormais punissables d’une suspension ou d’un renvoi obligatoire. Dans le cas de la plupart des infractions, le Code de conduite provincial exige également l’intervention de la police, selon le protocole entre la police et l’école. Toutefois, la Loi et les Règlements prévoient des facteurs atténuants. La suspension ou le renvoi d'un élève n'est pas obligatoire dans l'un ou l'autre des cas suivants :

  1. l'élève est incapable de contrôler son comportement;
  2. l'élève est incapable de comprendre les conséquences prévisibles de son comportement;
  3. la présence continue de l'élève dans l'école ne pose pas de risque inacceptable pour la sécurité de qui que ce soit.

La suspension ou le renvoi discrétionnaire de l’élève dépend de la politique du conseil scolaire.

La Loi prévoit que le ministre peut exiger des conseils scolaires qu’ils créent et maintiennent des cours et des services précisés à l’intention des élèves qui sont suspendus ou renvoyés. À ce jour, aucun cours ou service de ce genre n’a été créé. La Loi précise également que le ministre peut créer un ou plusieurs programmes à l’intention des élèves renvoyés pour les préparer à retourner à l’école. De tels programmes ont été créés. Le Règlement de l’Ontario 37/01 prévoit que l'élève qui fait l'objet d'un renvoi complet peut fréquenter une école de l'Ontario s'il termine avec succès un programme de discipline rigide ou atteint les objectifs nécessaires à cette fin. Lorsque la Loi est entrée en vigueur en septembre 2001, sept programmes de discipline rigide avaient déjà été mis en oeuvre en Ontario.

Conseils scolaires : le Toronto District School Board

Les conseils scolaires en Ontario sont tenus par la loi d’adopter et de réviser des politiques, des lignes directrices et des procédures en conformité avec la Loi et ses règlements d’application et le Code de conduite provincial. Par exemple, le Toronto District School Board (TDSB) a adopté ou révisé, entre autres choses, un code de conduite et une politique de tenue appropriée, ainsi que des procédures d’appel des suspensions et renvois.

Le TDSB a exercé son choix d’ajouter des infractions à la liste d’infractions punissables d’une suspension ou d’un renvoi obligatoire et de créer une liste d’infractions punissables d’une suspension ou d’un renvoi discrétionnaire. Il a créé un tableau sur les conséquences des problèmes de comportement des élèves qui énumère toutes les infractions, prévoit la durée minimale d’une suspension ou d’un renvoi et indique si le directeur « peut » ou « doit » aviser la police.

Le manuel du TDSB intitulé Safe Schools Procedures Manual indique clairement que, même lorsque l’existence d’un ou de plusieurs des facteurs atténuants énoncés dans la Loi et ses règlements d’application écarte la possibilité d’une suspension ou d’un renvoi obligatoire, le directeur peut tout de même imposer une suspension ou un renvoi discrétionnaire. Le manuel du TDSB énonce aussi les facteurs dont le directeur doit tenir compte pour choisir le genre de mesure et la durée de la mesure qui conviennent le mieux à la situation. En outre, dans le cas d’un élève ayant une anomalie, le directeur doit aussi tenir compte d’autres facteurs énumérés qui s’appliquent à l’anomalie. L’enseignant qui suspend un élève doit observer les mêmes règles. Toutefois, dans la pratique, les associations d’enseignants en Ontario ont avisé leurs membres de ne pas imposer de suspension et de soumettre toute question de discipline au directeur.

Des données de base sur l’élève sont recueillies à la suite d’une suspension. Le manuel du TDSB exige que le directeur ou l’enseignant, selon le cas, remplisse un formulaire de rapport de suspension. Dans une section du formulaire, il faut indiquer si l’élève a été désigné comme élève « en difficulté ». Aucun renseignement sur la race de l’élève n’est recueilli.

De son propre chef, le TDSB gère quatre programmes de soutien destinés aux élèves suspendus et un programme à l’intention des élèves faisant l’objet d’un renvoi partiel. En partenariat avec des organismes de services sociaux, il gère également deux programmes de discipline rigide. On dit que tous ces programmes ont des listes d’attente en raison du financement limité dont ils disposent.

Tolérance zéro

Bien que le gouvernement de l’Ontario eût promis la « tolérance zéro » pour les mauvais comportements dans les écoles avant que la Loi sur la sécurité dans les écoles ait été adoptée, et même si la Loi prévoit des suspensions et des renvois « obligatoires », la présence de facteurs atténuants dans la loi actuelle l’empêche d’être strictement qualifiée de loi de « tolérance zéro ». Dans le même ordre d’idées, bien que la politique du TDSB intitulée Safe Schools Foundation Statement Policy mentionne la « tolérance zéro » et les suspensions et renvois « obligatoires », la directive selon laquelle les directeurs et enseignants doivent appliquer les facteurs atténuants en matière de discipline l’empêche d’être strictement qualifiée de politique de « tolérance zéro ». La véritable question est celle de savoir si la « tolérance zéro » est pratiquée.

Pour déterminer si la tolérance zéro est pratiquée au sein du système scolaire en Ontario, il importe de garder à l’esprit que les directeurs et enseignants reçoivent deux messages contradictoires, l’un préconisant la « tolérance zéro » et l’imposition de mesures « obligatoires » et l’autre exigeant qu’ils appliquent des facteurs atténuants.

Effet disproportionné dans d’autres ressorts

Aux États-Unis, le rapport national le plus complet sur la tolérance zéro et les politiques de discipline en milieu scolaire est celui de l’Université Harvard, intitulé Opportunities Suspended: The Devastating Consequences of Zero Tolerance and School Discipline Policies. L’un des principaux sujets abordés par le rapport est l’effet disproportionné des politiques de tolérance zéro sur les enfants issus de minorités raciales et les enfants handicapés.

D’après le rapport, plusieurs décennies de recherche et d’analyse portant sur des données en matière de discipline dans les écoles démontrent que les politiques de discipline en milieu scolaire ont un effet disproportionné sur les élèves de couleur. Toujours selon le rapport, les politiques de tolérance zéro ont un effet « profond » sur les enfants ayant des besoins spéciaux.

Le rapport critique le Bureau des droits civils (OCR) du ministère de l’Éducation des États-Unis pour son défaut d’appliquer de façon uniforme la doctrine de l’effet défavorable lors du traitement des plaintes en matière de discipline dans les écoles, ainsi que pour son défaut d’ouvrir des enquêtes sans attendre que des plaintes soient déposées. Toutefois, dans un cas où l’OCR a conclu que la discipline appliquée avait un effet disproportionné sur des élèves latino-américains et afro-américains, il semble avoir appliqué la doctrine de l’effet défavorable. Il a ensuite négocié la mise en œuvre de stratégies d’intervention positives avec le district scolaire, ce qui a entraîné une réduction importante des différences raciales.

Le rapport présente également des éléments de preuve pour faire ressortir les points suivants au sujet de l’application de la tolérance zéro : elle est contraire aux besoins des enfants pour assurer leur sain développement, notamment celui des élèves à risque; elle entraîne des conséquences néfastes à long terme pour l’enfant; on souligne la nécessité de fournir des programmes parallèles d’éducation de grande qualité; on constate une criminalisation accrue de l’enfance; cette approche n’a pas réduit la violence ni augmenté la sécurité dans les écoles; certaines écoles défient le statu quo en créant un environnement sécuritaire où on fait rarement appel à de telles mesures disciplinaires.

D'un point de vue positif, plusieurs personnes aux États-Unis estiment que l’Individuals with Disabilities Education Act, une loi fédérale, fournit un cadre juridique solide pour l’adaptation des élèves handicapés au sein du système scolaire, notamment en ce qui concerne l’application de la discipline. La Loi a pour but de veiller à ce que tous les enfants handicapés aient accès à une instruction publique gratuite et appropriée qui répond à leurs besoins particuliers en mettant l’accent sur l’éducation de l'enfance en difficulté et les services connexes.

Les dispositions en matière de discipline prévues par la Loi découlent de ce principe. Premièrement, l’enfant handicapé qui est renvoyé de l’école doit tout de même avoir accès à des services éducatifs. Deuxièmement, l’enfant handicapé ne peut être renvoyé d’une école ordinaire pendant une période indéterminée. Troisièmement, des mesures d’adaptation doivent être offertes à l’enfant dont le comportement était la manifestation de son incapacité.

La Loi exige aussi que les États et le secrétaire à l’Intérieur procèdent à la collecte de statistiques pour déterminer s’il existe des différences importantes fondées sur la race au niveau du placement dans certains programmes d’éducation, ainsi qu’à l’examen et, le cas échéant, à la révision des politiques, procédures et pratiques.

Au Royaume-Uni, la preuve démontre aussi que l’application des mesures disciplinaires dans les écoles a un effet disproportionné sur les élèves de race noire, surtout ceux originaires des Caraïbes. Toutefois, l’application des mesures disciplinaires n’a pas un effet disproportionné sur tous les élèves issus de minorités raciales. Chez les élèves d’origine asiatique, tout comme chez les élèves de race blanche, le nombre d’exclusions permanentes est proportionnellement moins élevé.

La Nouvelle-Écosse semble être la seule province canadienne où les statistiques d’un conseil scolaire sur la race et l’application des mesures disciplinaires ont été recueillies et analysées. Le Comité consultatif sur l'apprentissage des Noirs a réussi à obtenir du conseil scolaire régional de Halifax des données pour les années 1987 à 1992 qui démontraient que l’application des suspensions avait un effet disproportionné sur les élèves de race noire.

Récemment, la Nouvelle-Écosse a aussi examiné et rejeté l’adoption d’une politique de tolérance zéro au sein du système d’éducation. Tout comme en Ontario, le Parti progressiste-conservateur avait promis, dans la période précédant les élections provinciales de 1999, une politique de tolérance zéro pour les mauvais comportements dans les écoles. Toutefois, peu après que le gouvernement ait été formé, un comité sur la conduite dans les écoles, qui représentait un vaste éventail d’intervenants dans le domaine de l’éducation, a été établi. Le comité a décidé de recommander qu’une politique de tolérance zéro ne soit pas adoptée en Nouvelle-Écosse. Le comité s’inquiétait notamment qu’une telle politique affecte un nombre disproportionné d’élèves pauvres, membres d'une minorité ou ayant des besoins spéciaux. Le gouvernement a accepté la recommandation.

Effet disproportionné en Ontario

En raison de l’absence complète de statistiques sur la race et de l’inaccessibilité des statistiques sur les incapacités, il est impossible de déterminer avec certitude si l’application des mesures disciplinaires dans les écoles a un effet disproportionné sur les élèves issus de minorités raciales et les élèves handicapés. Toutefois, d’autres sources contiennent des renseignements non scientifiques et une certaine preuve empirique qui vont dans ce sens.

Une étude relativement récente, intitulée Racial and Ethnic Minority High School Students’ Perceptions of School Disciplinary Practices: A Look at Some Canadian Findings, s’est penchée sur les perceptions des élèves du secondaire à Toronto au sujet de la différence de traitement concernant les pratiques disciplinaires dans les écoles. Selon les résultats de l’étude, les élèves issus de minorités raciales, notamment les élèves de race noire, sont beaucoup plus susceptibles que les élèves de race blanche de percevoir de la discrimination au niveau du traitement par les enseignants, des pratiques de suspension de l’école, du recours à la police par les autorités scolaires et du traitement par la police à l’école.

Par ailleurs, un document provisoire interne du ministère de l’Éducation de l’Ontario, soit la Monographie sur l’éducation de l’enfance en difficulté no 5 intitulée Guidelines for the Implementation of the Ministry of Education and Training’s Violence-Free Schools Policy with respect to Exceptional Pupils and Others with Special Needs, indique que le gouvernement sait depuis au moins 1997 que le recours aux suspensions et renvois dans les écoles peut avoir un effet disproportionné sur les élèves handicapés. En outre, le document énonce clairement que, si des mesures d’adaptation ne sont pas prises à l’égard des élèves handicapés, l’effet disproportionné peut être perçu comme de la discrimination.

Si l’on se fie aux entrevues menées auprès de membres de la communauté noire et d’autres personnes dans la RGT, il semble exister une forte perception selon laquelle la Loi sur la sécurité dans les écoles et les nouvelles politiques des conseils scolaires en matière de discipline ont un effet disproportionné sur les élèves de race noire. On semble d’avis que les politiques disciplinaires ont toujours eu un effet disproportionné sur les élèves de race noire, mais que la Loi et les politiques de « tolérance zéro » ont beaucoup aggravé le problème, de sorte qu’un nombre considérablement plus élevé d’élèves de race noire sont suspendus et renvoyés. La perception d’un effet disproportionné existe aussi dans d’autres communautés raciales minoritaires, notamment les communautés tamoules, autochtones et latino-américaines.

Un représentant supérieur d’un conseil scolaire de la RGT n’a pas voulu confirmer ni nier que les élèves de race noire ou issus d’autres minorités raciales sont touchés de façon disproportionnée. Il semble plutôt croire que les élèves à risque sont touchés de façon disproportionnée et qu’il est nécessaire d’examiner tous les facteurs (pas seulement le racisme) qui créent un risque pour les enfants. Il a aussi soutenu que les perceptions au sujet de l’effet disproportionné ne correspondent pas toujours à la réalité. Un représentant supérieur d’un autre conseil scolaire de la RGT ne croit pas qu’il existe un effet disproportionné, parce que les directeurs appliquent la discipline objectivement. Il a aussi laissé entendre que la perception erronée pourrait découler du fait que la population scolaire dans certains établissements est constituée en grande partie d’un groupe racial ou ethnique.

Des entrevues menées auprès d’un travailleur social, d’un travailleur communautaire, d’avocats, d’experts en santé mentale, de groupes qui défendent les gens handicapés et d’autres personnes révèlent qu’il existe une forte perception selon laquelle la Loi et les politiques des conseils scolaires ont un effet disproportionné sur les élèves handicapés, notamment les élèves souffrant de troubles affectifs ou de comportement, d’une déficience intellectuelle ou d’un problème d’apprentissage, d’autisme, ou du syndrome de la Tourette (y compris les troubles associés tels que l’hyperactivité avec déficit de l'attention, le trouble obsessivo-compulsif et le trouble du contrôle des impulsions).

Un représentant supérieur d’un conseil scolaire de la RGT n’a pas voulu confirmer ni nier que les élèves handicapés sont touchés de façon disproportionnée, mais il a souligné que les directeurs appliquent les facteurs atténuants pour s’assurer que les élèves handicapés sont traités équitablement. Un représentant supérieur d’un autre conseil scolaire de la RGT a précisé que le conseil n’avait pas encore procédé à l’analyse de ses statistiques pour déterminer si les élèves handicapés étaient touchés de façon disproportionnée, mais que des mesures seraient prises pour redresser la situation si l’analyse indiquait un effet disproportionné.

Il existe aussi des renseignements précis sur l’effet disproportionné. Plusieurs conseillers scolaires qui tranchent les appels interjetés à l’encontre des suspensions et des renvois ont indiqué qu’ils voyaient un nombre disproportionné d’élèves de race noire lors des audiences. Par contre, un représentant supérieur d’un conseil scolaire de la RGT soutient que les observations de chaque conseiller scolaire devraient être considérées avec prudence, puisque le conseiller ne siège pas à toutes les audiences. Toutefois, certains avocats qui donnent des conseils sommaires à des élèves ayant été suspendus ou renvoyés de l’école, ou qui les représentent, indiquent également qu’ils constatent un nombre disproportionné d’élèves de race noire et d’élèves handicapés. De plus, les cliniques juridiques communautaires qui desservent les communautés autochtones, latino-américaines et asiatiques du Sud et du Sud-Est, ainsi que les personnes handicapées, font face à une plus forte demande de services depuis l’entrée en vigueur de la Loi.

Certains avocats et travailleurs communautaires ont aussi indiqué ou entendu dire qu’il y avait un nombre disproportionné d’élèves handicapés et d’élèves issus de minorités raciales, notamment des élèves de race noire, dans les programmes parallèles destinés aux élèves suspendus ou renvoyés et dans les programmes de discipline rigide. Toutefois, selon un représentant supérieur d’un conseil scolaire de la RGT, les élèves inscrits à de tels programmes correspondent assez bien au profil racial et culturel du système scolaire.

D’autres éléments de preuve font ressortir l’effet disproportionné. Les jeunes, les travailleurs communautaires et sociaux, ainsi que les enseignants et conseillers en comportement qui offrent des services de première ligne aux élèves ayant été suspendus ou renvoyés, indiquent qu’ils constatent un nombre disproportionné d’élèves handicapés et d’élèves issus de minorités raciales, notamment des élèves de race noire. Un expert en éducation fait aussi remarquer que les politiques disciplinaires doivent avoir un effet disproportionné sur les élèves de race noire parce que la preuve démontre que les classes pour enfants en difficulté et enfants ayant des problèmes de comportement ont un nombre disproportionné d’élèves de race noire et que les élèves inscrits dans ces classes font l’objet d’un nombre disproportionné de mesures disciplinaires. Enfin, selon un expert sur les enfants à risque, étant donné la preuve disponible concernant la probabilité qu’un enfant pauvre soit désigné comme ayant des problèmes de comportement, et vu le lien entre la pauvreté et la race, les politiques disciplinaires doivent avoir un effet disproportionné sur les enfants de race noire. Toujours selon l’expert, les enfants ayant des troubles d’apprentissage risquent davantage d’avoir des problèmes de comportement et doivent donc être davantage visés par la Loi que d’autres enfants, en raison de leur comportement antisocial plus accentué.

Discrimination

Presque tous les sujets interrogés ont précisé que la discrimination (directe et systémique) est la raison principale pour laquelle l’application des mesures disciplinaires dans les écoles a un effet disproportionné sur les élèves issus de minorités raciales et les élèves handicapés.

On a l’impression que les élèves de certains groupes raciaux, en particuliers les élèves de race noire et les élèves d’origine tamoule, autochtone et latino-américaine, sont traités plus durement que les autres élèves si l’on compare l’application des mesures disciplinaires pour une même infraction. On a aussi l’impression que les élèves ayant un handicap, notamment des troubles affectifs, de comportement ou d’apprentissage, sont plus particulièrement visés par la Loi.

Très peu de sujets interrogés croient qu’il existe une discrimination intentionnelle et directe généralisée contre les élèves de race noire, mais certains estiment qu’elle existe. D’autres sont d’avis que l’effet disproportionné sur les élèves de race noire pourrait être attribué aux suspensions imposées pour des infractions plus « subjectives », là où les stéréotypes et les préjugés raciaux peuvent jouer un rôle plus important dans la prise de décisions. Plusieurs sujets interrogés ont indiqué que les élèves de race noire se voient imposer une suspension pour des infractions plus subjectives, comme le manque de respect envers l’enseignant ou la mise en doute de l’autorité.

Plusieurs sujets interrogés sont d’avis que la Loi et ses règlements d’application permettent aux directeurs et aux conseils scolaires d’établir une discrimination directe contre les élèves handicapés, parce qu’ils peuvent suspendre ou renvoyer un élève pour un comportement lié à son incapacité. Le défaut d’exiger la prise de mesures d'adaptation dans la mesure où celles-ci n’imposent pas de contrainte excessive entraîne inévitablement de la discrimination.

Toutefois, la plupart des sujets interrogés croient que la discrimination systémique constitue le facteur principal menant au nombre disproportionné de suspensions et de renvois chez les élèves de race noire. Des études effectuées à Toronto au cours des deux dernières décennies démontrent que les élèves de race noire sont orientés de manière disproportionnée vers les classes de niveau fondamental et les classes pour l’enfance en difficulté, qu’ils quittent l’école plus tôt et qu’ils abandonnent leurs études en nombres disproportionnés. On croit que les facteurs systémiques qui entraînent un effet disproportionné à cet égard entraînent également un effet disproportionné pour ce qui est des suspensions et des renvois.

Le fait que la Loi ne prévoit rien pour intégrer la perspective autochtone, comme le processus décisionnel collectif et l’intervention de la collectivité, est également signalé comme preuve qu’il existe des facteurs systémiques entraînant un effet disproportionné sur les élèves autochtones.

Plusieurs sujets interrogés ont indiqué que le défaut répété d’offrir des mesures d’adaptation aux élèves handicapés au sein du système scolaire en Ontario est le principal facteur systémique menant à l’application disproportionnée des suspensions et renvois. Par ailleurs, certains sont d’avis que la Loi vient renforcer la résistance à offrir des mesures d’adaptation parce qu’elle donne aux écoles et aux conseils scolaires un autre moyen d’exclure des élèves.

Certains sujets interrogés sont d’avis que la réduction des mesures de soutien destinées aux élèves qui a été apportée en même temps que la mise en œuvre des politiques de tolérance zéro pour les mauvais comportements exacerbe l’effet sur les élèves à risque. Depuis 2001, en raison des compressions budgétaires, le TDSB a dû réduire considérablement ou éliminer une partie de son effectif, lequel comprend les postes suivants : conseillers en matière de sécurité dans les écoles, conseillers communautaires, conseillers à la jeunesse, conseillers d’assiduité et travailleurs sociaux. Des compressions importantes ont aussi été apportées entre 1998 et 2001.

Certains sujets interrogés ont aussi souligné qu’il existe des motifs de discrimination multiples et croisés. Des études démontrent que les élèves de race noire sont représentés de façon disproportionnée dans les classes pour l’enfance en difficulté. Il serait donc logique de conclure que les suspensions et renvois toucheraient encore plus durement les élèves de race noire dans les classes pour l’enfance en difficulté. En outre, d’autres facteurs, tels que la pauvreté et le statut d’immigrant ou de réfugié, pourraient aggraver la situation.

Effet général

Plusieurs sujets interrogés croient que le nombre accru de suspensions et de renvois d’élèves entraîne un effet général négatif sur l’élève, sa famille, sa communauté et la société dans son ensemble. Les éléments les plus couramment relevés sont un impact psychologique négatif, la perte de scolarité, des taux d’abandon scolaire plus élevés, une tendance accrue à voir les enfants comme des délinquants, ainsi que les comportements antisociaux.

Recommandations

Les sujets interrogés ont présenté certaines suggestions d’amélioration ainsi que certaines recommandations visant la conformité aux principes des droits de la personne : (1) recueillir et publier les statistiques sur la race et l’incapacité concernant l’application des mesures disciplinaires dans les écoles, dans le but de remédier à toute inégalité; (2) éliminer toute référence au concept de « tolérance zéro » dans les politiques des conseils scolaires; (3) créer et financer intégralement des programmes parallèles destinés à tous les élèves suspendus et renvoyés; (4) exiger des écoles qu’elles tentent de fournir des mesures d’adaptation aux élèves pouvant manifester un comportement lié à un handicap; (5) offrir à ceux qui sont chargés de la discipline une formation sur le stéréotypage racial et le profilage, les différences transculturelles, l’adaptation des personnes handicapées et l’expérience des immigrants et réfugiés; (6) établir un meilleur équilibre entre les mesures punitives, d’une part, et la résolution de conflits, la médiation par les pairs, la prévention, la protection des droits de la personne et l’équité, d’autre part; (7) prévoir des suspensions à l’école; (8) prévoir des séances de médiation obligatoire avant une audience; (9) imposer les suspensions et renvois aux élèves autochtones et de race noire individuellement, mais aussi différemment, pour tenir compte des facteurs systémiques et de l’effet disproportionné; (10) rétablir les postes de conseillers communautaires, d’intervenants auprès de la jeunesse, de conseillers d’assiduité et de travailleurs sociaux qui ont été éliminés par le Toronto District School Board.

Conclusion

Tout le monde s’accorde à dire que l'école devrait être un lieu sûr et à l'abri de la violence. Il se peut que des personnes raisonnables ne s’entendent pas sur la meilleure façon de s’en assurer, mais du point de vue des droits de la personne, certaines préoccupations ont été soulevées au sujet de la Loi sur la sécurité dans les écoles et des politiques des conseils scolaires. Ces préoccupations peuvent être résumées dans les paragraphes qui suivent.

Premièrement, le ministère de l’Éducation et les conseils scolaires font passer deux messages contradictoires aux administrateurs scolaires et au grand public. En conséquence, alors que certains administrateurs scolaires peuvent appliquer les facteurs atténuants, d’autres peuvent pratiquer la tolérance zéro. La pratique de la tolérance zéro entre inévitablement en conflit avec la législation antidiscrimination, surtout si elle vise les comportements liés à un handicap.

Deuxièmement, bien que le ministère de l’Éducation et les conseils scolaires aient, dans une certaine mesure, reconnu et abordé la possibilité que l’application des mesures disciplinaires ait un effet disproportionné sur les élèves handicapés, on a observé une forte résistance à reconnaître ou aborder l’effet disproportionné possible sur les élèves issus de minorités raciales.

Troisièmement, dans la RGT comme dans d’autres régions de l’Ontario, il existe une forte perception, fondée sur une certaine preuve empirique, selon laquelle la Loi et les politiques des conseils scolaires ont un effet disproportionné sur les élèves issus de minorités raciales, notamment les élèves de race noire, ainsi que sur les élèves handicapés.

En dernier lieu, le régime disciplinaire actuel ne tient pas suffisamment compte de la protection des droits de la personne. Il est possible de créer un régime disciplinaire qui assure la sécurité et la non-violence dans les écoles et protège les droits de la personne de tous les élèves au sein du système scolaire.

Code Grounds: 
Social Areas: 
Resource Type: 
Discrimination Type: 

I. Introduction

Le présent rapport a pour but principal d’examiner si la Loi sur la sécurité dans les écoles de l’Ontario et ses règlements, ainsi que les politiques des conseils scolaires en matière de discipline, qualifiées par certains de politiques de « tolérance zéro », ont un effet disproportionné sur les élèves issus de minorités raciales et les élèves handicapés. Depuis septembre 2001, date d’entrée en vigueur de la Loi, les conseils scolaires de la province rédigent et mettent en oeuvre des politiques et procédures pour se conformer aux dispositions de la Loi.

Selon un article récent du Toronto Star, au cours de l’année scolaire 2001-2002, 113 000 suspensions et renvois ont été imposés dans le système scolaire ontarien, dont 24 238 suspensions et renvois partiels et un peu moins de 100 renvois complets au sein du Toronto District School Board (TDSB)[1]. Bien que l’ampleur de l’augmentation du nombre de suspensions et de renvois par rapport à l’année scolaire précédente ne soit pas claire[2], tout le monde s’accorde à dire qu’il y a eu une augmentation du nombre de suspensions et de renvois et le public a l’impression que cette augmentation est importante.

L’un des meilleurs indicateurs du phénomène est le degré d’organisation sans précédent, notamment dans les collectivités à faible revenu, visant à soutenir les élèves suspendus et renvoyés. Dans la région du Grand Toronto (RGT), au moins trois initiatives communautaires ont été lancées au cours de la dernière année[3]. De plus, pour répondre à une augmentation soudaine de la demande, plusieurs cliniques juridiques communautaires fournissent désormais des conseils sommaires et représentent des élèves en matière de suspension et de renvoi[4]. En dernier lieu, il se tient maintenant régulièrement des rencontres communautaires sur l’effet des politiques de tolérance zéro. Par exemple, au cours des deux premières semaines de juin 2003, au moins deux de ces rencontres ont eu lieu dans la RGT[5].

Bien que les médias aient tout d’abord mis l’accent sur des affaires absurdes, telles que la poursuite au criminel d’un élève du secondaire qui avait lancé un ballon rempli d’eau à son enseignant lors du dernier jour d’école[6], ils se sont penchés plus récemment sur les effets ressentis par les élèves de race noire. En novembre 2002, la chaîne radiophonique de Radio-Canada a diffusé un reportage détaillé qui présentait des témoignages et opinions selon lesquels un nombre disproportionné d’élèves de race noire étaient suspendus et renvoyés à Toronto[7]. Pour des motifs qui n’ont pas été dévoilés, le ministère de l’Éducation a refusé d’accorder une entrevue à la SRC dans le cadre de son reportage. Celui-ci a été suivi d’un article publié dans le Toronto Star en mars 2003 et qui présentait essentiellement la même thèse[8].

Le présent rapport fournit tout d’abord des renseignements généraux et présente le cadre de réglementation de l’application des mesures disciplinaires dans les écoles de l’Ontario, le système établi par le Toronto District School Board, ainsi que des renseignements sur les pratiques et les effets ressentis dans d’autres ressorts, y compris les États-Unis, la Grande-Bretagne et la Nouvelle-Écosse. Il présente ensuite les conclusions issues de recherches indépendantes effectuées en Ontario, dont une étude relativement récente sur les perceptions des élèves des minorités raciales et l’ébauche d’une monographie du ministère de l’Éducation comprenant des lignes directrices relatives aux personnes handicapées et à l’application des mesures disciplinaires. En dernier lieu, il fait état des conclusions tirées à la suite d’entrevues menées auprès de quarante-trois personnes, dont des avocats, des conseillers scolaires, des enseignants, des directeurs, des élèves, des chefs de file au sein de la jeunesse, des travailleurs communautaires, des intervenants auprès des jeunes, des universitaires, des analystes de politiques, des consultants, des travailleurs sociaux, des surintendants de l’éducation, des professionnels de la santé et des journalistes, qui ont une bonne connaissance des mesures disciplinaires en milieu scolaire et des effets des politiques disciplinaires sur les élèves issus de minorités raciales ou les élèves handicapés. Bien que les recherches aient mis l’accent sur le Toronto District School Board, elles se sont aussi penchées sur le Toronto Catholic District School Board et d’autres conseils scolaires de l’Ontario.

L’auteur du présent rapport a fait face à plusieurs obstacles au moment de recueillir des preuves auprès de sources officielles. Premièrement, bien que certaines statistiques soient apparues dans un article récent du Toronto Star, il a été difficile d’obtenir le nombre exact d’élèves ayant été suspendus et renvoyés depuis l’entrée en vigueur de la Loi sur la sécurité dans les écoles. Tant le ministère de l’Éducation que les représentants des conseils scolaires de la RGT n’ont pas fourni les statistiques demandées par l’auteur. Deuxièmement, le ministère de l’Éducation et les conseils scolaires ne recueillent pas de statistiques sur la race des élèves suspendus et renvoyés et hésitent à se pencher sur la possibilité que l’application de mesures disciplinaires ait un effet disproportionné sur les élèves issus de minorités raciales. Des statistiques sur le nombre d’élèves ayant des anomalies et faisant l’objet d’une suspension sont recueillies, mais elles n’ont pas encore été mises à la disposition du public. Troisièmement, on a rejeté les demandes de visite ou d’entrevue auprès du personnel des programmes parallèles, lesquels offrent des services aux élèves suspendus et renvoyés.

La réticence officielle en Ontario, notamment en ce qui concerne la discipline dans les écoles et la race, est nettement contraire à la position adoptée par d’autres ressorts ayant une population scolaire diversifiée. Aux États-Unis comme en Grande-Bretagne, des statistiques officielles sur la race des élèves suspendus et renvoyés sont recueillies et il y a un débat ouvert sur l’effet disproportionné sur les élèves issus de minorités raciales. Par ailleurs, le gouvernement progressiste-conservateur de la Nouvelle-Écosse a examiné l’adoption d’une politique de tolérance zéro au sein du système d’éducation environ en même temps que le gouvernement ontarien mais, contrairement à ce dernier, il s’est penché directement sur la possibilité qu’une telle politique ait un effet disproportionné sur les élèves issus de minorités raciales.

Ceux qui préconisent la tolérance zéro prétendent que les politiques ne tiennent pas compte des considérations raciales et sont équitables parce que tous les élèves qui commettent la même infraction seront traités de la même manière[9]. Ceux qui s’opposent à la tolérance zéro renvoient à d’autres ressorts où il existe des données indiquant que les suspensions et renvois ont un effet disproportionné sur les élèves de race noire et les élèves issus d’autres minorités raciales ainsi que sur les élèves handicapés.

Le présent rapport conclut que, dans la RGT comme dans d’autres régions de l’Ontario, il existe une forte perception, fondée sur un certain nombre de preuves indépendantes, selon laquelle la Loi sur la sécurité dans les écoles et les politiques des conseils scolaires ont un effet disproportionné sur les élèves issus de minorités raciales, notamment les élèves de race noire, ainsi que sur les élèves handicapés. Certaines anecdotes racontées par les sujets interrogés témoignent de cette perception[10] :

  • Deux élèves de race noire ont été suspendues pour possession d’armes après avoir apporté des limes à ongles à l’école[11].
  • Un élève de race noire accusé d’avoir volé de l’argent a été menotté par la police et emmené sous les yeux des autres élèves, même si l’infraction reprochée (le vol) était sans violence[12].
  • Un élève de race noire de 14 ans ayant une déficience intellectuelle a été suspendu après qu’un enseignant ait été frappé par un objet dans une salle de classe obscure pendant le visionnement d’un film. L’élève a été interrogé par le directeur adjoint pendant une heure et demie en l’absence de ses parents. On a appelé la police mais, faute de preuve, aucune accusation n’a été portée contre l’élève. Il a réussi un test de polygraphie. Néanmoins, l’école l’a renvoyé pendant presque trois mois[13].
  • Un élève d’origine iraquienne a été suspendu pendant trois jours après qu’une note contenant des propos obscènes et signée « Iraq » ait été trouvée. Il était le seul élève d’origine iraquienne à l’école. En réalité, il savait que l’un de ses amis avait rédigé la note. L’élève et son père ont offert de prouver au directeur adjoint que l’écriture dans la note ne correspondait pas à celle de l’élève, mais le directeur adjoint a déclaré que la décision avait déjà été prise[14].
  • On a surpris cinq élèves (deux élèves autochtones et trois élèves de race blanche) à prendre de la drogue ensemble. Les deux élèves autochtones ont été suspendus pendant cinq jours, un des élèves de race blanche a été suspendu pendant trois jours et les deux autres élèves ne se sont vu imposer aucune suspension. L’école a indiqué aux parents des élèves autochtones que les deux élèves de race blanche n’avaient pas été suspendus parce qu’ils s’étaient présentés en premier[15].
  • Un élève d’origine vietnamienne a été suspendu après qu’un élève de race blanche se soit plaint à un enseignant que l’élève d’origine vietnamienne l’avait menacé. L’élève d’origine vietnamienne a déclaré que l’élève de race blanche l’avait harcelé. L’enseignant a cru l’élève de race blanche et a allégué que l’élève d’origine vietnamienne et son frère aîné faisaient partie d’un gang. L’élève et son frère aîné, lequel ne fréquentait pas la même école et n’avait jamais rencontré l’enseignant, ont tous les deux réfuté l’allégation. Après que l’élève ait retenu les services d’un avocat, le surintendant et le directeur ont fait marche arrière et indiqué qu’il y avait eu un malentendu en raison de problèmes de langue[16].
  • Un élève d’origine tamoule, qui avait une moyenne générale d’environ 90 %, a été suspendu et menacé de renvoi au motif qu’il avait falsifié ses notes en vue de son admission à l’université. Sur le relevé de notes de l’élève, la note d’un cours avait été modifiée, passant de 79 % à 80 %. L’élève a soutenu que sa petite amie avait pris son relevé de notes et modifié la note à son insu. Les administrateurs scolaires ont indiqué au père de l’élève que les études de son fils étaient terminées. Après qu’un organisme communautaire ait exercé des pressions, notamment en demandant l’intervention de la police, l’école a décidé de limiter à cinq jours la suspension de l’élève[17].
  • Un élève souffrant d’autisme, qui communique avec autrui en tirant les cheveux, en grattant, en mordant ou en donnant des coups de pied lorsqu’il se décourage, a été suspendu et ensuite renvoyé de l’école en raison de son comportement. Le comportement de l’élève est géré à la maison dans le cadre d’un programme spécial, mais le conseil scolaire a indiqué qu’il serait trop coûteux de créer un programme similaire à l’école. En avril 2003, l’élève n’était pas allé à l’école et n’avait reçu aucune instruction depuis six mois[18].
  • Plusieurs élèves reconnus comme souffrant du syndrome de la Tourette et de coprolalie, le tic vocal qui entraîne l’expression de mots obscènes, ont été suspendus pour avoir dit des grossièretés en classe. Dans ces circonstances, les directeurs ont conclu que les jurons étaient intentionnels et n’avaient rien à voir avec le syndrome[19].

[1] Tess Kalinowski, « Does getting tough work? », Toronto Star, 18 mars 2003. L’auteur du présent rapport a tenté de confirmer ces statistiques auprès du ministère de l’Éducation, mais on lui a dit que la compilation des chiffres exacts pour l’ensemble de la province n’était pas encore terminée et que ces chiffres ne seraient disponibles qu’à la fin de l’année.
[2] Selon Kalinowski, ibid., le nombre de suspensions et de renvois a augmenté de 40 % par rapport à l’année précédente au sein du TDSB. D’après deux représentants supérieurs de différents conseils scolaires de la RGT, le nouveau régime et l’ancien régime sont si différents l’un de l’autre, et la nouvelle collecte de données si différente de l’ancienne (les nouvelles bases de données étant plus précises), qu’il est très difficile de comparer les chiffres. Toutefois, ils reconnaissent tous les deux que le nombre de suspensions et de renvois a augmenté. Entrevue, 14 mai 2003, pp. 1 et 2; entrevue, 16 mai 2003, p. 1.
[3] Un partenariat d’organismes mené par l’organisme Muslim Education Network a créé une initiative communautaire à l’intention des élèves suspendus dans le secteur Morningside-Lawrence de Scarborough et prévoit le lancement, en septembre 2003, d’un programme de soutien aux élèves de la prématernelle à la sixième année qui font l’objet d’une suspension. Les groupes communautaires et les éducateurs à Regent Park ont présenté une proposition intitulée Proposal to Establish the Regent Park Program to Prevent Suspension and Support Suspended Kids. L’organisme Promoting Economic Action and Community Health (PEACH) gère un projet de services intégraux ayant pour but d’aider les jeunes à risque dans le secteur Jane-Finch, en partenariat avec les organismes suivants: Association canadienne des avocats noirs, Conflict Mediation Services of Downsview, Hincks-Dellcrest Centre, Oolagen Community Services, Organization of Parents of Black Children, Pro-Bono Law Ontario, Westview Centennial Secondary School et Toronto District School Board.
[4] Voir la partie VII ci-dessous.
[5] Le 10 juin 2003, Pro Bono Law Ontario a tenu une séance de formation intitulée TeamChild – Wraparound Lawyers Training Session dans les locaux de l’Advocates’ Society. Le 11 juin 2003, le Toronto Civic Action Network, en partenariat avec le Rexdale Cross Cultural Committee et les Rexdale Youth Advocates, a tenu, au Rexdale Community Health Centre, une séance de discussion ouverte intitulée Education: The Effects of Zero Tolerance and Funding Cuts on Young People.
[6] Eli Schuster, « Zero tolerance equals zero judgment », Report, 10 septembre 2001.
[7] « The Colour of Zero Tolerance », The Current, CBC Radio One, 20 novembre 2002. La transcription complète du reportage se trouve à l’annexe I, onglet 2.
[8] Précité, note 1.
[9] Précité, note 6.
[10] Les anecdotes constituent du ouï-dire. Les directeurs et enseignants visés n’ont pas été interviewés.
[11] Entrevue, 9 avril 2003, p. 2.
[12] Entrevue, 25 mars 2003, p. 2.
[13] Entrevue, 3 mars et 15 mai 2003, p. 1.
[14] Entrevue, 21 mars 2003, p. 8.
[15] Entrevue, 20 mai 2003, p. 1.
[16] Entrevue, 4 avril 2003, pp. 1 et 2.
[17] Entrevue, 15 mai 2003, pp. 3 et 4.
[18] Entrevue, 8 avril 2003, pp. 3 et 4.
[19] Entrevue, 14 mai 2003, p. 2; entrevue, 13 mai 2003, p. 2.

II. Contexte

En Ontario, les premières mesures sérieuses visant l’adoption d’une politique de tolérance zéro en matière de discipline dans les écoles ont été prises à partir du milieu des années 1990. Vers la fin de 1993, le conseil scolaire de Scarborough a adopté une politique de sécurité dans les écoles portant sur la violence et les armes, laquelle semble avoir été la première politique de tolérance zéro officielle dans la province. À peine quelques mois plus tard, les parents d’élèves de race noire et les groupes communautaires déclaraient publiquement que la politique avait un effet disproportionné sur les élèves de race noire[20].

En 1995, le Solliciteur général du Canada a publié la première étude importante sur le sujet au Canada. L’étude, intitulée La violence à l'école et la tolérance zéro, a recueilli des renseignements et des opinions auprès de la police, d’enseignants, de représentants scolaires, de jeunes, du grand public et de la presse écrite. L’étude a conclu que « [l]es politiques de tolérance zéro recueillaient l’appui de beaucoup de participants » et a énoncé neuf principes qui doivent guider la police et les autorités scolaires[21]. Malgré la preuve de longue date selon laquelle les politiques de tolérance zéro avaient un effet disproportionné sur les élèves de race noire et les élèves handicapés aux États-Unis, ainsi que les allégations bien connues selon lesquelles la politique en vigueur à Scarborough avait un effet semblable sur les élèves de race noire, l’auteur de l’étude n’a pas inclus ce problème dans sa recherche. Toutefois, il semble que certains des participants à la recherche aient abordé le problème, puisque l’une des recommandations se lit comme suit : « Les élèves doivent être tenus responsables de leurs actes et reconnaître que leur inconduite découle de choix faits sciemment et qu’elle n’est pas le résultat d’une vie dans un milieu défavorisé, d’une forme de discrimination ni d’autres facteurs de ce genre[22] ». [C’est moi qui souligne.]

Dans la période précédant les élections provinciales de 1999 en Ontario, le Parti progressiste-conservateur a promis une [TRADUCTION] « politique de tolérance zéro pour les mauvais comportements » dans les écoles[23]. La promesse a commencé à se préciser en avril 2000, lorsque la ministre de l’Éducation, Janet Ecker, a publié un Code de conduite à l’intention des écoles ontariennes. Un communiqué du ministère de l’Éducation a indiqué que le Code « rend les expulsions et les suspensions obligatoires pour des infractions graves comme l'introduction d'armes ou de drogues illicites dans l'école et établit une politique de tolérance zéro pour les mauvais comportements »[24]. Un mois plus tard, la ministre a introduit la Loi sur la sécurité dans les écoles, qui proposait de modifier la Loi sur l'éducation pour donner force exécutoire au Code de conduite et accorder aux directeurs et enseignants un pouvoir accru de suspendre et renvoyer des élèves[25]. La Loi a été adoptée par l’Assemblée législative en juin 2000[26] et elle est entrée en vigueur en septembre 2001[27].

Les débats de l’Assemblée législative de l’Ontario sur la Loi sur la sécurité dans les écoles démontrent que la question de l’incidence prévue de la loi sur les élèves handicapés a été débattue[28]. Toutefois, il semble n’y avoir eu aucun débat au sujet de l’incidence prévue de la loi sur les élèves issus de minorités raciales. Dans le même ordre d’idées, bien que le ministère de l’Éducation ait consulté certains groupes de revendication et organismes de santé mentale au sujet de l’incidence prévue de la Loi sur la sécurité dans les écoles et de ses règlements sur les élèves handicapés[29], il semble y avoir eu très peu, sinon pas du tout, de consultations au sujet de l’incidence prévue de la loi sur les élèves issus de minorités raciales[30].

Les débats de la Chambre démontrent également que la ministre Ecker avait expressément promis que le gouvernement veillerait à ce que les élèves suspendus et renvoyés aient accès à des programmes parallèles :

[TRADUCTION]

Grâce à nos consultations au cours des deux dernières années, nous avons appris que les gens veulent non seulement des normes uniformes ainsi que le respect et la responsabilité en salle de classe, mais aussi des mesures de soutien pour les élèves ayant été renvoyés ou suspendus. Nous sommes certes d’accord. Envoyer ces enfants dans la rue ne fait que déplacer le problème et crée en fait des problèmes supplémentaires, non seulement pour ces élèves, mais aussi pour la collectivité [...] Les parents et tuteurs [...] veulent des programmes appropriés pour les élèves suspendus, car ces derniers peuvent souvent prendre encore plus de retard dans leurs études. Si le projet de loi 81 était adopté, il nous permettrait de veiller à ce que tous les conseils scolaires offrent une structure et des mesures de soutien aux élèves suspendus, afin que ceux-ci puissent continuer à étudier, corriger leur comportement et éviter d’autres ennuis. Certains conseils scolaires en Ontario offrent déjà aux élèves suspendus différents types de programmes leur permettant de poursuivre leurs études et d’obtenir des connaissances élémentaires utiles, telles que la maîtrise de la colère et la résolution de conflits. Toutefois, nous voulons être certains d’avoir les meilleurs programmes et nous assurer que chaque conseil scolaire peut les offrir aux élèves suspendus ainsi qu’aux élèves faisant l’objet d’un renvoi[31].

Les conseils scolaires en Ontario ont commencé à modifier et à compléter leurs politiques sur la sécurité dans les écoles avant même que la Loi sur la sécurité dans les écoles ne soit entrée en vigueur. Par exemple, le Toronto District School Board (TDSB) avait déjà adopté une politique intitulée Safe Schools Foundation Statement Policy comportant un volet de « tolérance zéro »[32], un protocole entre la police et l’école[33], ainsi qu’une politique intitulée Safe Arrivals for Elementary Schools Policy[34].


[20] Paul Irish, « Probe of Black legal issues slams school violence policy », Toronto Star, 20 mars 1994.
[21] Thomas Gabor, La violence à l'école et la tolérance zéro, Ottawa, Ministre des Approvisionnements et Services, 1995, p. 4. Voir l’annexe I, onglet 47.
[22] L’auteur de l’étude a remercié de nombreuses personnes, surtout les services de police et les représentants scolaires, dont M. Bob Heath, du conseil scolaire de Scarborough. Ibid. à la p. 1.
[23] Blueprint: Mike Harris’ Plan to Keep Ontario on the Right Track, Toronto, Parti progressiste-conservateur de l’Ontario, avril 1999 à la p. 42.
[24] Ministère de l’Éducation de l’Ontario, communiqué, « L'Ontario publie le Code de conduite provincial et prend des mesures pour rendre les écoles plus sûres », 26 avril 2000.
[25] Ministère de l’Éducation de l’Ontario, communiqué, « La ministre Ecker introduit la Loi sur la sécurité dans les écoles », 31 mai 2000.
[26] Ministère de l’Éducation de l’Ontario, communiqué, « L'Assemblée législative adopte la Loi sur la sécurité dans les écoles », 14 juin 2000.
[27] Ministère de l’Éducation de l’Ontario, communiqué, « L'Ontario va de l'avant avec sa stratégie pour accroître la sécurité dans les écoles », 3 septembre 2001.
[28] Ontario, Assemblée législative, Débats de l’Ontario (Hansard), Session 37:1, 6 juin 2000, à http://hansardindex.ontla.on.ca/hansardeissue/37-1/l067b.htm; Ontario, Assemblée législative, Débats de l’Ontario (Hansard), Session 37:1, 8 juin 2000, à http://hansardindex.ontla.on.ca/hansardeissue/37-1/l069.htm.
[29] Le directeur exécutif d’un organisme desservant les personnes ayant le syndrome de la Tourette a assisté à une réunion au ministère de l’Éducation avec 10 à 12 organismes qui traitent des questions relatives aux personnes handicapées et au comportement des enfants, mais a déclaré ce qui suit : [TRADUCTION] « J’ai gaspillé mon après-midi car on n’a nullement tenu compte de ce que j’ai dit ». Précité, note 19, 14 mai 2003, à la p. 4. Le directeur exécutif d’un centre de santé mentale pour enfants a assisté à une séance de consultation avec une association d’organismes de santé mentale, mais a indiqué ce qui suit : [TRADUCTION] « Malgré son nom, il ne s’agissait pas d’une séance de consultation. Ils savaient ce qu’ils voulaient faire et ils allaient le faire peu importe ce que nous disions ». Entrevue, 10 avril 2003, pp. 3 et 4.
[30] La présidente d’une organisation de parents d’enfants de race noire a déclaré ce qui suit : [TRADUCTION] « [I]l n’y a eu aucune consultation [...] À ma connaissance, aucun membre de ma collectivité n’a été consulté au sujet de la Loi sur la sécurité dans les écoles ». Entrevue, 22 avril 2003, p. 4. Un avocat d’une clinique juridique qui dessert la communauté noire a précisé ce qui suit : [TRADUCTION] « La question de l’incidence prévue de la loi a été soulevée grâce à l’initiative des groupes communautaires ». Précité, note 13 à la p. 3. Le coordonnateur d’un centre de jeunesse tamoul a souligné ce qui suit : [TRADUCTION] « Nous avions un travailleur d’approche qui aurait pu fournir certains commentaires ». Précité, note 17 à la p. 6.
[31] Débats de l’Ontario (Hansard), 6 juin 2000, précité, note 28.
[32] Adoptée le 23 juin 1999, révisée le 3 mai 2000, à la p. 3. Voir l’annexe I, onglet 22.
[33] Adopté le 3 mai 2000.
[34] Adoptée le 5 septembre 2000.

III. Le cadre de réglementation

A. L’ancien régime

Avant l’adoption de la Loi sur la sécurité dans les écoles, l’article 23 de la Loi sur l'éducation régissait la suspension et le renvoi des élèves[35]. Le pouvoir de suspendre un élève était réservé au directeur[36], tandis que seul le conseil scolaire pouvait renvoyer un élève[37]. Dans les deux cas, l’exercice du pouvoir était discrétionnaire. La suspension ne pouvait dépasser vingt jours[38]. Quant au renvoi, même s’il pouvait être d’une durée indéterminée, le conseil scolaire avait le pouvoir discrétionnaire de réadmettre un élève en tout temps[39]. Les motifs de suspension étaient les suivants : absences répétées, opposition constante à l'autorité, manquement habituel au devoir, destruction volontaire des biens de l'école, usage d'un langage blasphématoire ou inconvenant, conduite préjudiciable à l'ambiance morale de l'école ou au bien-être physique ou mental des autres personnes à l'école[40]. L’élève pouvait être renvoyé de toutes les écoles du conseil en raison d'une « indocilité » telle que sa présence était « préjudiciable aux autres élèves »[41].

B. Le nouveau régime

Le nouveau régime, qui fait maintenant partie de la partie XIII de la Loi sur l'éducation, est plus complexe et, pour tenir compte de la philosophie de tolérance zéro de ses adeptes, adopte une approche plus sévère quant aux problèmes de comportement, de discipline et de sécurité[42].

1. Pouvoir de suspension et de renvoi

Tant les directeurs que les enseignants peuvent suspendre un élève. Le directeur peut suspendre l’élève pendant une période maximale de vingt jours de classe[43], tandis que l’enseignant peut soit suspendre l’élève pendant un jour, soit soumettre la question au directeur[44]. Le pouvoir de renvoi a également été élargi et il est partagé entre les conseils scolaires et les directeurs. Il existe désormais deux genres de renvoi : (1) le renvoi partiel de l’école que fréquentait l’élève, jusqu’au dernier en date des jours suivants : a) le jour précisé par le directeur ou le conseil (de vingt et un jours à un an); b) le jour où l’élève satisfait aux conditions que fixe le conseil[45]; et (2) le renvoi complet de toutes les écoles (publiques) de la province jusqu’à ce que l’élève ait terminé avec succès un programme de discipline rigide[46]. Avant la tenue d’une enquête sur un incident, le directeur qui croit qu’un élève a peut-être commis une infraction punissable d’un renvoi obligatoire doit le suspendre[47], tandis que le directeur qui croit qu’un élève s’est peut-être livré à une activité punissable d’un renvoi discrétionnaire peut le suspendre[48]. Le directeur peut imposer un renvoi partiel ou soumettre la question au conseil scolaire[49], tandis que le conseil scolaire peut imposer un renvoi partiel ou complet[50].

2. Suspension et renvoi obligatoires

Le changement le plus important au sein du nouveau régime est sans doute la disposition prévoyant la suspension obligatoire, le renvoi obligatoire ainsi que l’intervention de la police. Il est obligatoire de suspendre l'élève qui commet une des infractions suivantes :

  1. Menacer verbalement d'infliger des dommages corporels graves à autrui.
  2. Être en possession d'alcool ou de drogues illicites.
  3. Être en état d'ébriété.
  4. Dire des grossièretés à un enseignant ou à une autre personne en situation d'autorité.
  5. Commettre un acte de vandalisme qui cause des dommages importants aux biens scolaires de son école ou aux biens situés sur les lieux de celle-ci.
  6. Se livrer à une autre activité punissable d'une suspension obligatoire aux termes d'une politique du conseil.[51]

Il est obligatoire de renvoyer l'élève qui commet une des infractions suivantes :

  1. Être en possession d'une arme, notamment une arme à feu.
  2. Se servir d'une arme pour infliger ou menacer d'infliger des dommages corporels à autrui.
  3. Faire subir à autrui une agression physique qui cause des dommages corporels nécessitant les soins d'un professionnel de la santé.
  4. Commettre une agression sexuelle.
  5. Faire le trafic d'armes ou de drogues illicites.
  6. Commettre un vol qualifié.
  7. Donner de l'alcool à un mineur.
  8. Se livrer à une autre activité punissable d'un renvoi obligatoire aux termes d'une politique du conseil.[52]

3. Intervention de la police

Le Code de conduite provincial exige également l’intervention de la police, selon le protocole entre la police et l’école, dans le cas de toutes les infractions énumérées ci-haut, sauf celles qui suivent : proférer des menaces, être en possession de drogues et commettre un acte de vandalisme (dans ces cas, la police intervient « au besoin »); dire des grossièretés et être en possession d’alcool ou en état d'ébriété (dans ces cas, l’intervention de la police n’est pas obligatoire)[53].

4. Facteurs atténuants

Toutefois, la Loi et ses règlements prévoient des facteurs atténuants. La suspension ou le renvoi d'un élève n'est pas obligatoire dans l'un ou l'autre des cas suivants :

  1. l'élève est incapable de contrôler son comportement;
  2. l'élève est incapable de comprendre les conséquences prévisibles de son comportement;
  3. la présence continue de l'élève dans l'école ne pose pas de risque inacceptable pour la sécurité de qui que ce soit.[54]

En outre, pour décider de la durée d’une suspension, du genre de renvoi ou de la durée d’un renvoi, le directeur ou le conseil doit tenir compte des antécédents de l’élève et des autres facteurs que prescrivent les règlements (aucun à l’heure actuelle) et peut tenir compte des autres éléments qu’il estime appropriés[55]. La durée minimale d’un renvoi obligatoire est de vingt et un jours[56].

5. Suspension et renvoi discrétionnaires

La suspension ou le renvoi discrétionnaire de l’élève dépend de la politique du conseil scolaire[57]. Autrement dit, on a délégué aux conseils scolaires le pouvoir d’énumérer les infractions punissables d’une suspension discrétionnaire par un enseignant ou le directeur ou d’un renvoi discrétionnaire par le directeur ou le conseil. Par conséquent, la politique du conseil scolaire doit indiquer les infractions énumérées dans la Loi qui sont punissables d’une suspension ou d’un renvoi obligatoire, mais elle peut aussi (1) ajouter des infractions à la catégorie des infractions punissables d’une suspension ou d’un renvoi obligatoire et (2) établir une liste d’infractions punissables d’une suspension ou d’un renvoi discrétionnaire.

6. Avis, réexamen et appel

L’avis écrit de la suspension ou du renvoi doit être remis promptement à l’élève et, s’il est mineur, à son père, à sa mère ou à son tuteur[58]. Une suspension d’un jour n’est pas susceptible d’appel[59]. Une suspension de deux à vingt jours peut faire l’objet d’un réexamen par la personne que précise la politique du conseil et d’un appel subséquent au conseil, dont la décision est définitive[60]. Le conseil scolaire entend et tranche l’appel de la décision d’imposer un renvoi partiel que prend le directeur et la décision du conseil est définitive[61]. La Commission de révision des services à l'enfance et à la famille est désignée pour entendre et trancher l'appel de la décision de renvoyer un élève que prend un conseil scolaire[62]. L’appel de la suspension ou du renvoi se conduit conformément aux exigences que précise la politique du conseil scolaire[63].

7. Programmes parallèles

La Loi prévoit que le ministre peut exiger des conseils scolaires qu’ils créent et maintiennent des cours et des services précisés à l’intention des élèves qui sont suspendus ou renvoyés[64]. À ce jour, malgré la promesse faite par la ministre pendant les débats de la Chambre sur la Loi sur la sécurité dans les écoles[65], aucun cours ou service de ce genre n’a été créé. La Loi précise également que le ministre peut créer un ou plusieurs programmes à l’intention des élèves renvoyés pour les préparer à retourner à l’école. De tels programmes ont été créés. Le Règlement de l’Ontario 37/01 prévoit que l'élève qui fait l'objet d'un renvoi complet peut fréquenter une école de l'Ontario s'il termine avec succès un programme de discipline rigide ou atteint les objectifs nécessaires à cette fin[66].

Dans la pratique, cela signifie que les conseils scolaires et écoles ne sont présentement pas tenus par la loi d’offrir des programmes d'aide aux devoirs ou des programmes parallèles aux élèves qui font l’objet d’une suspension ou d’un renvoi partiel. Toutefois, les élèves qui font l’objet d’un renvoi complet ont le choix de terminer avec succès un programme de discipline rigide s’ils souhaitent retourner à l’école en Ontario. Lorsque la Loi sur la sécurité dans les écoles est entrée en vigueur en septembre 2001, sept programmes de discipline rigide avaient déjà été mis en oeuvre en Ontario[67]. Le ministère de l’Éducation a approuvé quinze fournisseurs de programmes de discipline rigide[68].


[35] Loi sur l’éducation, L.R.O. 1990, ch. E.2, modifiée par L.O. 1993, ch. 11.
[36] Ibid., par. 23(1).
[37] Ibid., par. 23(3).
[38] Ibid., par. 23(1.1).
[39] Ibid., par. 23(5).
[40] Ibid., par. 23(1).
[41] Ibid., par. 23(3).
[42] Loi sur l’éducation, L.R.O. 1990, ch. E.2, modifiée par L.O. 2000, ch. 12. Voir l’annexe I, onglet 14.
[43] Ibid., par. 306(2) et (4).
[44] Ibid., par. 306(2), (3) et (6).
[45] Ibid., par. 309(14) et (18).
[46] Ibid., par. 309(16); Règl. de l’Ont. 37/01, art. 3. Voir le Règlement 37/01 à l’annexe I, onglet 15.
[47] Loi sur l’éducation, ibid., par. 309(2).
[48] Ibid., par. 310(2).
[49] Ibid., par. 309(7) et 310(3).
[50] Ibid., par. 309(11).
[51] Ibid., par. 306(1). Voir le tableau sur les renvois obligatoires à l’annexe I, onglet 13.
[52] Ibid., par. 309(1). Voir le tableau sur les renvois obligatoires à l’annexe I, onglet 13.
[53] Écoles de l’Ontario : Code de conduite, entré en vigueur par proclamation le 1er septembre 2001, aux pp. 10 et 11. Voir l’annexe I, onglet 16.
[54] Loi sur l’éducation, précitée, note 42, par. 306(5) et 309(3); Règl. de l’Ont. 106/01, art. 1; Règl. de l’Ont. 37/01, art. 2. Voir les Règlements 106/01 et 37/01 à l’annexe I, onglet 15.
[55] Loi sur l’éducation, ibid., par. 306(9) et 309(19).
[56] Ibid., par. 309(18).
[57] Ibid., par. 307(1) et 310(1).
[58] Ibid., par. 306(10), 309(5) et 309(20).
[59] Ibid., par. 308(4).
[60] Ibid., par. 308(3) et (6).
[61] Ibid., par. 311(3).
[62] Ibid., par. 311(5); Règl. de l’Ont. 37/01, par. 4(1).
[63] Loi sur l’éducation, ibid., par. 308(5) et 311(2).
[64] Ibid., par. 312(1) et (2).
[65] Précité, note 28.
[66] Règl. de l’Ont. 37/01, par. 3(1).
[67] Précité, note 27.
[68] Ministère de l’Éducation, Politique/Programmes Note no 130, Programmes des conseils scolaires à l’intention des élèves ayant fait l’objet d’un renvoi complet, 19 septembre 2001, annexe B. Voir Politique/Programmes Note no 130 à l’annexe I, onglet 17 du présent rapport.

IV. Conseils scolaires : le Toronto District School Board

Les conseils scolaires en Ontario sont tenus par la loi d’adopter et de réviser des politiques, des lignes directrices et des procédures en conformité avec la Loi sur la sécurité dans les écoles et ses règlements d’application et le Code de conduite des écoles de l’Ontario[69]. Par exemple, le Toronto District School Board (TDSB) a adopté ou révisé, entre autres choses, un code de conduite et une politique de tenue appropriée[70], ainsi que des procédures de suspension, des procédures de réexamen et d’appel des suspensions, des procédures de renvoi et des procédures d’appel des renvois, lesquelles sont toutes énoncées dans son manuel intitulé Safe Schools Procedures Manual (ci-après, le « manuel du TDSB »).

A. Suspension et renvoi

Le TDSB a exercé son choix d’ajouter des infractions à la liste d’infractions punissables d’une suspension ou d’un renvoi obligatoire et de créer une liste d’infractions punissables d’une suspension ou d’un renvoi discrétionnaire[71]. Il a créé un tableau sur les conséquences des problèmes de comportement des élèves qui énumère toutes les infractions, prévoit la durée minimale d’une suspension ou d’un renvoi et indique si le directeur « peut » ou « doit » aviser la police. Voici les infractions supplémentaires punissables d’une suspension obligatoire :

  1. Agression physique.
  2. Menaces de dommages corporels graves.
  3. Extorsion.
  4. Harcèlement sexuel.
  5. Harcèlement en raison de la race.
  6. Distribution de propagande haineuse.
  7. Violence motivée par la haine.
  8. Utilisation inacceptable des moyens de communication et médias électroniques.
  9. Possession ou mauvais usage de substances nocives.
  10. Altercation physique.
  11. Intimidation, menaces.

Il n’y a qu’une seule infraction supplémentaire punissable d’un renvoi obligatoire : la possession d’une substance explosive.

La nouvelle liste d’infractions punissables d’une suspension discrétionnaire comprend notamment ce qui suit :

  1. Absences répétées.
  2. Opposition constante à l'autorité.
  3. Manquement habituel au devoir.
  4. Destruction volontaire des biens de l'école; acte de vandalisme causant des dommages aux biens de l’école ou du conseil ou aux biens situés sur le terrain ou dans les locaux de l’école ou du conseil.
  5. Usage d'un langage blasphématoire ou inconvenant.
  6. Conduite préjudiciable à l'ambiance morale de l'école ou au bien-être physique ou mental des autres personnes à l'école.
  7. Usage du tabac.
  8. Vol.
  9. Aide ou incitation à un comportement préjudiciable.

La liste d’infractions punissables d’un renvoi discrétionnaire contient certaines des infractions punissables d’une suspension obligatoire :

  1. Menace verbale d'infliger des dommages corporels graves à autrui.
  2. Acte de vandalisme commis à l’école de l’élève et causant de graves dommages aux biens de l’école ou aux biens situés sur le terrain ou dans les locaux de l’école.
  3. Agression physique.
  4. Menaces de dommages corporels graves.
  5. Extorsion.
  6. Distribution de propagande haineuse.
  7. Violence motivée par la haine.
  8. Utilisation inacceptable des moyens de communication et médias électroniques.
  9. Possession ou mauvais usage de substances nocives.

B. Facteurs atténuants

Le manuel du TDSB indique clairement que, même lorsque l’existence d’un ou de plusieurs des facteurs atténuants énoncés dans la Loi sur l’éducation et ses règlements d’application écarte la possibilité d’une suspension ou d’un renvoi obligatoire, le directeur peut tout de même imposer une suspension ou un renvoi discrétionnaire[72].

Le manuel du TDSB énonce aussi les facteurs dont le directeur doit tenir compte pour choisir le genre de mesure et la durée de la mesure qui conviennent le mieux à la situation :

  • la nature et les circonstances de l’incident;
  • le nombre de personnes impliquées dans l’incident;
  • l’étendue du préjudice causé à la victime et à la communauté scolaire (tant aux personnes qu’aux biens);
  • l’intention de causer un préjudice;
  • l’âge des personnes visées;
  • les antécédents d'infractions;
  • l’application uniforme au sein du conseil;
  • la volonté de la personne de participer à un programme de dédommagement ou de réadaptation.

Dans le cas d’un élève ayant une anomalie, le directeur doit aussi tenir compte des facteurs suivants :

  • la nature de l’anomalie;
  • les circonstances atténuantes (obtenir les observations des parents);
  • le niveau de compréhension et de communication de l’élève;
  • la nature de l’intention;
  • les déclencheurs environnementaux;
  • le plan d’enseignement individualisé (PEI) de l’élève;
  • le caractère approprié des mesures négatives compte tenu de l’anomalie.[73]

L’enseignant qui suspend un élève doit observer les mêmes règles. Même lorsque l’existence d’un ou de plusieurs des facteurs atténuants écarte la possibilité d’une suspension obligatoire, l’enseignant peut tout de même imposer une suspension discrétionnaire[74]. L’enseignant doit aussi tenir compte des facteurs énoncés ci-haut pour choisir la mesure qui convient le mieux à la situation[75]. Toutefois, dans la pratique, les associations d’enseignants en Ontario ont avisé leurs membres de ne pas imposer de suspension et de soumettre toute question de discipline au directeur[76].

C. Réexamen et appel

Le manuel du TDSB énonce les procédures relatives au réexamen et à l’appel d’une suspension, ainsi que celles relatives à l’appel d’un renvoi. La demande visant le réexamen de la décision du directeur d’imposer une suspension de plus d’un jour doit être présentée dans un délai de sept jours et sera examinée par le surintendant des écoles. Tout appel de cette décision doit être interjeté au conseil dans un délai de sept jours. Un comité du conseil constitué de trois personnes (conseillers) siégera à l’appel et sa décision sera définitive. Tant le surintendant que le comité peuvent confirmer la décision du directeur, modifier le genre de suspension ou la durée de la suspension, ou annuler la décision du directeur et ordonner la réintégration de l’élève[77].

Le directeur qui croit qu’un élève a commis une infraction punissable d’un renvoi doit le suspendre pendant vingt jours. La suspension ne peut faire l’objet d’un réexamen ou d’un appel qu’après que le directeur ait mené une enquête et pris une décision concernant le renvoi. Si le directeur décide de ne pas imposer de renvoi et qu’une suspension est justifiée, la suspension peut alors faire l’objet d’une demande de réexamen. Tout appel de la décision du directeur d’imposer un renvoi partiel doit être interjeté au conseil dans un délai de sept jours. Un comité du conseil constitué de trois personnes siégera à l’appel et sa décision sera définitive. Le comité peut confirmer la décision du directeur, modifier le genre de suspension ou la durée de la suspension, ou annuler la décision du directeur et ordonner la réintégration de l’élève. Sa décision est définitive.

Lorsqu’un directeur soumet la question à l’examen du conseil et qu’un comité du conseil décide d’imposer un renvoi partiel ou complet, un appel peut être interjeté à la Commission de révision des services à l'enfance et à la famille selon les procédures établies par le ministère de l’Éducation et la Commission de révision des services à l'enfance et à la famille[78].

D. Application régulière de la loi et équité procédurale

Le manuel du TDSB reconnaît que l’élève qui fait face à des mesures disciplinaires doit être traité équitablement. L’équité procédurale exige que l’administrateur scolaire soit impartial et objectif et qu’il observe notamment les règles suivantes :

  • il doit donner à l’élève un avis raisonnable de la règle en cause;
  • l’élève doit avoir l'occasion de se faire entendre, c'est-à-dire de donner sa version des faits;
  • l’élève a le droit d'être informé de ce qu'on lui reproche[79].

Le manuel du TDSB prévoit également que les audiences en révision d’une suspension et les audiences en vue d’une suspension sont régies par la Loi sur l'exercice des compétences légales, laquelle exige ce qui suit :

  • les parties ont le droit d'être représentées par un avocat ou un représentant;
  • les parties peuvent appeler et interroger des témoins, présenter des arguments et faire des observations;
  • les parties peuvent contre-interroger les témoins;
  • le témoin a le droit d'être renseigné sur ses droits par son avocat ou son représentant; toutefois, ceux-ci ne peuvent par ailleurs participer à l'audience sans l'autorisation du conseil scolaire ou du comité du conseil[80].

E. Programmes parallèles

Le TDSB gère quatre programmes de soutien destinés aux élèves suspendus (Alternative to Suspension (A2S), Alternative Curriculum for Excluded and Suspended Students (ACE), Community Alternative Programming for Suspended Students (CAPSS) et SAFETY) et un programme à l’intention des élèves faisant l’objet d’un renvoi partiel (Support Program for Expelled Students (SPES))[81]. Les conseils scolaires ne sont pas tenus par la loi de gérer ces programmes et aucun financement du gouvernement provincial ne leur est réservé. Le manuel du TDSB exige également que les écoles offrent des travaux scolaires pertinents aux élèves suspendus, y compris ceux dont le renvoi est envisagé, s'il est raisonnable et possible de le faire compte tenu des circonstances[82].

En partenariat avec deux centres de santé mentale pour enfants, le TDSB gère deux programmes de discipline rigide dans le cadre d’un projet pilote de deux ans dans la RGT. Ces programmes sont exigés par la loi et financés par le ministère de l’Éducation. Selon les critères applicables aux projets pilotes, les programmes doivent comporter un volet éducatif (60 %) ainsi qu’un volet non éducatif (40 %) et répondre aux besoins académiques, psychologiques, sociaux et affectifs de l’élève, de même qu’à ses besoins en matière de rattrapage scolaire. Chaque élève dispose d’un programme personnalisé[83].

F. Collecte de données sur les incapacités et la race

Des données de base sur l’élève sont recueillies à la suite d’une suspension. Le manuel du TDSB exige que le directeur ou l’enseignant, selon le cas, remplisse un formulaire de rapport de suspension. Le formulaire contient des sections sur les renseignements démographiques, le motif de suspension et les services de soutien, ainsi qu’un sommaire détaillé de l’incident. Dans la section sur les services de soutien, le directeur ou l’enseignant doit préciser si l’élève a été désigné comme élève « en difficulté » par le Comité d’identification, de placement et de révision et, s’il y a lieu, indiquer l’anomalie ou les anomalies de l’élève, notamment les anomalies de comportement ou de communication (difficulté d’apprentissage, autisme, surdité et surdité partielle, trouble de la parole, trouble du langage), les anomalies d'ordre intellectuel (élève surdoué, déficience intellectuelle légère, handicap de développement) ou physique (cécité et basse vision, handicap physique) et les anomalies associées (anomalies multiples). Aucun renseignement sur la race de l’élève n’est recueilli[84].


[69] Précitée, note 42, art. 302.
[70] Adoptés le 10 avril 2002. Voir l’annexe I, onglet 24.
[71] Toronto District School Board, Policy C.010, Code of Conduct, adopté le 10 avril 2002, aux pp. 13-15. Voir l’annexe I, onglet 23. Voir aussi la brochure du TDSB, A Safe Learning Environment, révisée le 1er mai 2001, à l’annexe I, onglet 21.
[72] Section E – Suspension Procedures, E.3.2; Section G – Expulsion Procedures, G.2.2.
[73] Section D – General Considerations Related to Discipline, D.4.
[74] Section E – Suspension Procedures, E.3.2.
[75] Section D – General Considerations Related to Discipline, D.14.
[76] Fédération des enseignantes et des enseignants de l’élémentaire de l’Ontario, « Suspension of Students », Advisory to Members; Bill Reith, « Suspensions and expulsions under Bill 81 », Update: Ontario Secondary School Teachers’ Federation, vol. 29, no 5, 27 novembre 2001. Voir l’annexe I, onglet 20.
[77] Section F – Suspension Review/Appeal Procedures, F.1.1 et F.2.1.
[78] Section H – Expulsion Appeal Process, H.1.1, H.1.4 et H.2.
[79] Section D – General Considerations Related to Discipline, D.5.
[80] Section G – Expulsion Procedure, G.6.1.
[81] Toronto District School Board, Attendance/At-risk/Alternative/Safe Schools/SALEP Programs for Suspended/Expelled Students, Report No. 01-03-0228, 31 janvier 2003, annexe A.
[82] Section E – Suspension Procedures, E.4.
[83] Toronto District School Board, Safe Schools Procedures Manual, Section A – Safe Schools Project Plan – A.4; East Metro Youth Services et Toronto District School Board, « Expelled Students Program », A Strict Discipline Project. Voir l’annexe I, onglet 27.
[84] Section E – Suspension Procedures, E.4, E.6.

 

V. Tolérance zéro

Le principe de la « tolérance zéro » est, dans une certaine mesure, suffisamment explicite, mais il n’existe aucune définition universellement acceptée. Selon l’American Heritage Dictionary, la tolérance zéro s’entend de [TRADUCTION] « [l]a politique ou pratique qui consiste à ne pas tolérer un comportement indésirable, tel que la violence ou l’usage de drogues illicites, notamment en imposant automatiquement des peines sévères pour les premières infractions[85] ». Skiba souligne que les définitions de la tolérance zéro mettent habituellement l’accent sur [TRADUCTION] « la même sévérité des peines pour un éventail de comportements, qu’ils soient d’importance majeure ou mineure[86] ». Selon le National Center for Education Statistics des États-Unis, une politique de tolérance zéro est [TRADUCTION] « une politique de l’école ou du district qui prévoit des conséquences ou des peines préétablies pour des infractions particulières[87] ». Dans le cadre de ses recherches sur la violence dans les écoles et la tolérance zéro au Canada, Gabor a conclu que, pour la plupart des participants, la tolérance zéro « consistait à délimiter clairement ce qui constitue un comportement acceptable et à déterminer les répercussions de toute violation de ces limites[88] ».

Bien que le gouvernement de l’Ontario eût promis la « tolérance zéro » pour les mauvais comportements dans les écoles avant que la Loi sur la sécurité dans les écoles ait été adoptée, et même si la Loi prévoit des suspensions et des renvois « obligatoires », la présence de facteurs atténuants dans la loi actuelle l’empêche d’être strictement qualifiée de loi de « tolérance zéro ». Dans le même ordre d’idées, bien que la politique du TDSB intitulée Safe Schools Foundation Statement Policy mentionne la « tolérance zéro » et les suspensions et renvois « obligatoires », la directive selon laquelle les directeurs et enseignants doivent appliquer les facteurs atténuants en matière de discipline l’empêche d’être strictement qualifiée de politique de « tolérance zéro ». La véritable question est celle de savoir si la « tolérance zéro » est pratiquée. Au moins un groupe d’experts sur la violence en milieu scolaire au Canada soutient que la tolérance zéro ne peut en fait exister qu’en tant que pratique :

À notre avis, la tolérance zéro n'est ni une politique ni un programme, mais plutôt une pratique. Elle consiste en l'établissement d'une conséquence (ou d'une gamme de conséquences) précise pour une infraction donnée et en l'application uniforme de cette conséquence. Autrement dit, si, dans une situation donnée, un acte entraîne inévitablement une conséquence précise, c'est qu'on pratique la tolérance zéro. Par exemple, la possession d'un couteau à l'école entraîne un renvoi de cinq jours. Si cet acte entraîne toujours la même conséquence, on peut dire que l'école applique la tolérance zéro. Aucun écart n'est permis quant à la conséquence. On en est venu récemment à considérer la tolérance zéro comme une politique prévoyant le renvoi temporaire ou permanent dans les cas d'infractions à la politique, c'est-à-dire des conséquences disciplinaires absolues. À notre avis, on peut dire que la tolérance zéro est pratiquée dans un milieu lorsqu'une conséquence, quelle qu'elle soit, est absolument inévitable.[89]

Pour déterminer si la tolérance zéro est pratiquée au sein du système scolaire en Ontario, il importe de garder à l’esprit que les directeurs et enseignants reçoivent deux messages contradictoires, l’un préconisant la « tolérance zéro » et l’imposition de mesures « obligatoires » et l’autre exigeant qu’ils appliquent des facteurs atténuants.


[85] The American Heritage Dictionary of the English Language, 4e éd., Boston, Houghton Mifflin, 2000.
[86] R. Skiba, Zero Tolerance, Zero Evidence: An Analysis of School Disciplinary Practice, Indiana Education Policy Center, 2000, p. 3 (fn. 1). Voir l’annexe I, onglet 31. En ligne à http://www.indiana.edu/~safeschl/ztze.pdf.
[87] U.S. Department of Education, National Center for Education Statistics, Violence and Discipline Problems in U.S. Public Schools: 1996-97, Washington D.C., U.S. Government Printing Office, 1998), p. 18. En ligne à http://nces.ed.gov/pubs98/98030.pdf.
[88] Précité, note 21 à la p. 5.
[89] D.M. Day, C.A. Golench, J. MacDougall et C.A. Beals-Gonzalez, La prévention de la violence à l’école au Canada : Résultats d’une étude nationale des politiques et programmes, Ottawa, Approvisionnements et Services Canada, 2002 à la p. 41 (fn. 2). Voir l’annexe I, onglet 48.

 

VI. Effet disproportionné dans d’autres ressorts

A. États-Unis

1. Le rapport du Civil Rights Project de l’Université Harvard

Le rapport national le plus complet sur la tolérance zéro et les politiques de discipline au sein du système d’éducation américain, intitulé Opportunities Suspended: The Devastating Consequences of Zero Tolerance and School Discipline Policies, a été coécrit par l’Advancement Project et le Civil Rights Project de l’Université Harvard et publié en 2000[90]. L’un des principaux sujets abordés par le rapport était l’effet disproportionné des politiques de tolérance zéro sur les enfants issus de minorités raciales et les enfants handicapés.

Plusieurs décennies de recherche et d’analyse portant sur de telles données ont démontré que les politiques de discipline en milieu scolaire ont un effet disproportionné sur les élèves de couleur[91]. Deux études récentes sont examinées. En 1998, le ministère de l’Éducation a conclu que les élèves afro-américains se voyaient imposer 32 % des suspensions à l’extérieur de l’école, même s’ils ne représentaient que 17 % du nombre d’élèves inscrits dans les écoles publiques à l’échelle nationale. À titre de comparaison, les élèves de race blanche, qui représentent 63 % de l’effectif scolaire, ne se voyaient imposer que 50 % des suspensions et 50 % des renvois. Une étude effectuée en 1999 par l’Applied Research Center a aussi démontré que les enfants de race noire, notamment les garçons, faisaient l’objet de mesures disciplinaires plus fréquentes et sévères que les membres d’autres groupes minoritaires[92]. Toujours selon le rapport, les politiques de tolérance zéro ont un effet « profond » sur les enfants ayant des besoins spéciaux, bien que les modifications apportées en 1997 à l’Individuals with Disabilities Education Act leur offrent une protection[93].

Le rapport critique le Bureau des droits civils (OCR) du ministère de l’Éducation des États-Unis pour son défaut d’appliquer de façon uniforme la doctrine de l’effet défavorable lors du traitement des plaintes en matière de discipline dans les écoles, ainsi que pour son défaut d’ouvrir des enquêtes sans attendre que des plaintes soient déposées. Les cas connus donnent à penser que l’OCR a tendance à appliquer la norme de discrimination intentionnelle. Toutefois, dans un cas où l’OCR a conclu que la discipline appliquée avait un effet disproportionné sur des élèves latino-américains et afro-américains, il semble avoir appliqué la doctrine de l’effet défavorable, après n’avoir pu trouver de preuve de discrimination intentionnelle. Il a ensuite négocié, avec le district scolaire, la mise en œuvre de stratégies positives, telles que la résolution de conflits, l’entraide, des ateliers sur les questions concernant la race, ainsi que la formation du personnel administratif sur le stéréotypage racial, le profilage et les styles de communication. Cela a entraîné une réduction importante des différences raciales[94].

Le rapport présente également des éléments de preuve pour faire ressortir les points suivants au sujet de l’application de la tolérance zéro en matière de discipline :

  • Elle est contraire aux besoins des enfants pour assurer leur sain développement, notamment celui des élèves à risque, dont les problèmes ont tendance à s’aggraver plutôt qu’à disparaître[95].
  • Elle entraîne des conséquences néfastes à long terme pour l’enfant, notamment la perte des possibilités de s’instruire et un risque d’abandon scolaire accru, l’adoption d’un comportement qui nuit à la sécurité de sa famille et de sa collectivité, ainsi que l’incarcération[96].
  • On souligne la nécessité de fournir des programmes parallèles d’éducation de grande qualité dont les normes et ressources correspondent à celles des écoles ordinaires[97].
  • On constate une criminalisation accrue de l’enfance, souvent pour des comportements qui ne constituent aucun danger pour la sécurité d'autrui[98].
  • Cette approche n’a pas réduit la violence ni augmenté la sécurité dans les écoles[99].
  • Certaines écoles défient le statu quo en créant un environnement sécuritaire où on fait rarement appel à de telles mesures disciplinaires. Les caractéristiques communes de ces écoles comprennent notamment celles qui suivent : un modèle de discipline positif et plus inclusif; la formation des enseignants sur les techniques de gestion de classe positives et les causes profondes des mauvais comportements; la promotion d’un code de conduite dans l’ensemble des écoles; un accent sur la prévention et les stratégies de règlement des crises; l’application de sanctions au cas par cas; la mise en œuvre de programmes tels que les tribunaux pour adolescents, la résolution de conflits, l’intervention précoce, le mentorat, la médiation et la formation du caractère[100].

2. L’Individuals with Disabilities Education Act

Plusieurs personnes aux États-Unis estiment que l’Individuals with Disabilities Education Act[101], une loi fédérale, fournit un cadre juridique solide pour l’adaptation des élèves handicapés au sein du système scolaire, notamment en ce qui concerne l’application des mesures disciplinaires[102]. La Loi a pour but de [TRADUCTION] « veiller à ce que tous les enfants handicapés aient accès à une instruction publique gratuite et appropriée qui répond à leurs besoins particuliers en mettant l’accent sur l’éducation de l'enfance en difficulté et les services connexes [...] » [c’est moi qui souligne]. Les dispositions en matière de discipline prévues par la Loi découlent de ce principe[103].

Premièrement, l’enfant handicapé qui est renvoyé de l’école doit tout de même avoir accès à des services éducatifs. Ainsi, selon la règle, des mesures d’adaptation doivent être offertes, au sein d’un programme d’éducation alternative provisoire et approprié, à l’enfant handicapé qui est suspendu ou renvoyé de l’école pendant plus de 10 jours.

Deuxièmement, l’enfant handicapé ne peut être renvoyé d’une école ordinaire pendant une période indéterminée. Il existe des limites, même pour les infractions les plus graves. L’enfant handicapé qui se voit imposer des mesures disciplinaires par le personnel de l’école pour avoir porté une arme à l’école, sciemment eu en sa possession ou utilisé des drogues illégales, ou vendu une substance contrôlée, peut être renvoyé de l’école pendant une période maximale de 45 jours. Un agent d’audition peut aussi ordonner que l’enfant handicapé soit renvoyé de l’école, pendant une période maximale de 45 jours, s’il existe une preuve suffisante selon laquelle l’enfant est susceptible de se blesser ou de causer des blessures à autrui et que des efforts raisonnables ont été faits pour minimiser le risque de préjudice dans le milieu scolaire où il se trouve.

Troisièmement, des mesures d’adaptation doivent être offertes à l’enfant dont le comportement était la manifestation de son incapacité. Toute mesure disciplinaire ayant pour effet de modifier le placement d’un élève handicapé pendant plus de 10 jours est assujettie à un réexamen du rapport entre l’incapacité de l’enfant et le comportement visé par la mesure disciplinaire. L’équipe du plan d’enseignement individualisé (PEI) qui procède au réexamen peut conclure que le comportement n’était pas la manifestation d’une incapacité seulement si les conditions suivantes sont réunies :

  1. le PEI et le placement de l’enfant étaient appropriés et les services à l'enfance en difficulté, les mesures d’aide et services supplémentaires et les stratégies d’intervention en matière de comportement étaient compatibles avec le PEI et le placement de l’enfant (c.-à-d., des mesures d’adaptation ont été prises à l’égard de l’enfant);
  2. l’incapacité de l’enfant n’a pas nui à sa capacité de comprendre l’effet et les conséquences de son comportement;
  3. l’incapacité de l’enfant n’a pas nui à sa capacité de contrôler son comportement.

Si, par suite du réexamen, il est décidé que le comportement de l’enfant n’était pas une manifestation de son incapacité, les mesures disciplinaires pertinentes s’appliqueront à l’enfant de la même manière qu’elles s’appliqueraient à un enfant non handicapé. Toutefois, si l’enfant handicapé est suspendu ou renvoyé de l’école pendant plus de 10 jours, des mesures d’adaptation doivent lui être offertes au sein d’un programme d’éducation alternative[104].

Enfin, la Loi exige que les États et le secrétaire à l’Intérieur procèdent à la collecte de statistiques pour déterminer s’il existe des différences importantes fondées sur la race au niveau du placement dans certains programmes d’éducation, ainsi qu’à l’examen et, le cas échéant, à la révision des politiques, procédures et pratiques[105]. Cela comprendrait le placement des élèves handicapés de race noire ou issus d’autres minorités raciales dans des programmes d’éducation alternative suite à l’application de mesures disciplinaires.

B. Royaume-Uni

Au Royaume-Uni, la preuve démontre aussi que l’application des mesures disciplinaires dans les écoles a un effet disproportionné sur les élèves de race noire, surtout ceux originaires des Caraïbes. Des données de 1997-1998 obtenues auprès des écoles d’Angleterre indiquaient que les élèves de race noire originaires des Caraïbes représentaient 6,2 % des élèves exclus en permanence des écoles, mais seulement 1,5 % de la population scolaire (les rapports chez les garçons de race noire originaires d’Afrique et les autres garçons de race noire étant de 1,6 % : 1,0  % et de 2,3 % : 0,7 % respectivement). À titre de comparaison, les élèves de race blanche représentaient 83,9 % des élèves exclus en permanence des écoles, mais 88,6 % de la population scolaire. Toutefois, les exclusions permanentes n’ont pas eu un effet disproportionné sur tous les élèves issus de minorités raciales. Chez les élèves d’origine asiatique (indiens, pakistanais, bangladais et chinois), tout comme chez les élèves de race blanche, le nombre d’exclusions permanentes était proportionnellement moins élevé[106]. Les données de 1994-1995 obtenues auprès des écoles d’Angleterre et du pays de Galles étaient similaires[107].

C. Nouvelle-Écosse

Collecte de statistiques sur la race et rejet de la tolérance zéro

La Nouvelle-Écosse semble être la seule province canadienne où les statistiques d’un conseil scolaire sur la race et l’application des mesures disciplinaires ont été recueillies et analysées. Le Comité consultatif sur l'apprentissage des Noirs a réussi à obtenir du conseil scolaire régional de Halifax des données pour les années 1987 à 1992 qui démontraient que l’application des suspensions avait un effet disproportionné sur les élèves de race noire. Alors que les élèves de race noire ne représentaient que huit pour cent de la population scolaire, ils étaient visés par seize à vingt pour cent des suspensions[108].

Récemment, la Nouvelle-Écosse a aussi examiné et rejeté l’adoption d’une politique de tolérance zéro au sein du système d’éducation. Tout comme en Ontario, le Parti progressiste-conservateur avait promis, dans la période précédant les élections provinciales de 1999, une [TRADUCTION] « politique de tolérance zéro pour les comportements violents et les drogues » dans les écoles[109]. Cependant, contrairement à l’Ontario, le gouvernement a décidé en bout de ligne de ne pas adopter de politique de tolérance zéro en matière de discipline dans les écoles.

Peu après que le gouvernement ait été formé, un comité sur la conduite dans les écoles, qui représentait un vaste éventail d’intervenants dans le domaine de l’éducation, a été établi. Le comité avait pour mandat d’élaborer un code de conduite en vue de son examen et de son adoption par le ministre de l’Éducation. Il devait notamment établir des lignes directrices sur la tolérance zéro. Le comité a examiné les politiques de tolérance zéro en vigueur dans certains ressorts en Amérique du Nord et a décidé de recommander qu’une politique de tolérance zéro ne soit pas adoptée en Nouvelle-Écosse. Selon le comité, la notion de tolérance zéro n’était pas conforme aux principes d’uniformité et d’équité, lesquels sont nécessaires afin qu’une politique disciplinaire soit acceptée par les intervenants et qu’elle soit ainsi efficace. En ce qui concerne l’équité, le comité s’inquiétait que les politiques de tolérance zéro affectent un [TRADUCTION] « nombre disproportionné d’élèves pauvres, membres d'une minorité ou ayant des besoins spéciaux »[110]. Le gouvernement a accepté la recommandation du comité[111].

Pour l’année scolaire 2003-2004, le ministère de l’Éducation prévoit aussi la mise en œuvre d’un système provincial de collecte de données sur les mauvais comportements et les conséquences connexes, lesquelles peuvent comprendre la distinction fondée sur la race et les besoins spéciaux[112].


[90] Advancement Project et Civil Rights Project, Opportunities Suspended: The Devastating Consequences of Zero Tolerance and School Discipline Policies, Boston, Harvard University, 2000. Voir l’annexe I, onglet 29.
[91] Ibid. Des exemples d’études se trouvent à la note de bas de page 21 du rapport : Children’s Defense Fund, School Suspensions: Are They Helping Children?, Cambridge, Massachusetts, Washington Research Project, 1975; Clarence H. Thornton et William T. Trent, « School Desegregation and Suspension in East Baton Rouge Parish: A Preliminary Report » (1988), 57 Journal of Negro Education 482; Anna C. McFadden, George E. Marsh II, Barrie Jo Price et Yunhan Hwang, « A Study of Race and Gender Bias in the Punishment of Handicapped Children » (1992), 24 The Urban Review 239; Kids First Coalition, Locked Out: Exposing the Suspension Epidemic in the Oakland Public Schools, Oakland, Californie, juin 1999.
[92] Ibid., p. 7.
[93] Ibid., pp. 8 et 9.
[94] Ibid., pp. 33 et 34.
[95] Ibid., pp. 10 et 11.
[96] Ibid., pp. 11 et 12.
[97] Ibid., p. 13.
[98] Ibid., pp. 13 et 14.
[99] Ibid., pp. 14 et 15.
[100] Ibid., pp. 24 et 25.
[101] 20 U.S.C., articles 1400 et suivants. Voir l’annexe I, onglets 34 et 35.
[102] Selon le rapport Opportunities Suspended, la loi prévoit [TRADUCTION] « une multitude de protections destinées aux enfants ayant des besoins spéciaux qui, une fois pleinement mises en place, seraient extrêmement utiles à ce groupe d’élèves ». Précité, note 90 à la p. 35.
[103] Précitée, note 101, al. 1400d).
[104] Ibid., al. 1415k).
[105] Ibid., al. 1418c).
[106] L. Appiah et N. Chunilal, Examining School Exclusions and the Race Factor, Londres, The Runnymede Trust, 1999 à la p. 2. Voir l’annexe I, onglet 39.
[107] Commission for Racial Equality, Exclusion from School and Racial Equality: A Good Practice Guide, Londres, 1997 à la p. 3. Voir l’annexe I, onglet 40.
[108] BLAC Report on Education: Redressing Inequality-Empowering Black Learners, vol. 1, Halifax, Comité consultatif sur l'apprentissage des Noirs, 1994.
[109] John Hamm’s Plan for Nova Scotia: Strong Leadership... a clear course, Halifax, Parti progressiste-conservateur de la Nouvelle-Écosse, 1999, à la p. 25.
[110] School Code of Conduct Committee, Report on School Conduct Code, décembre 2000, aux pp. 1 et 9. Voir l’annexe I, onglet 41.
[111] A. Power, Rethinking Zero Tolerance: Beyond the Quick Fix, document présenté au 2nd Annual Human Rights Symposium: Focus on Racial Discrimination, Osgoode Hall Law School Professional Development Program, 23 mai 2003 [non publié], à la p. 1. Voir l’annexe I, onglet 42.
[112] Ibid., à la p. 5.

VII. Effet disproportionné en Ontario

Les conseils scolaires en Ontario ne recueillent pas de statistiques sur la race des élèves qui sont suspendus et renvoyés et ne comptent pas le faire. Un représentant supérieur d’un conseil scolaire de la RGT a déclaré qu’il n’était [TRADUCTION] « pas au courant d’un débat quelconque sur l’adoption d’une telle pratique à l’heure actuelle » et a dit craindre que les statistiques [TRADUCTION] « soient mal utilisées et que les gens les prennent isolément et les interprètent pour leurs propres fins[113] ». Un représentant supérieur d’un autre conseil scolaire de la RGT a exprimé un point de vue similaire : [TRADUCTION] « Je ne crois pas que cela soit approprié. Au sein de notre conseil scolaire, il n’y a eu aucun débat sur une tentative quelconque de recueillir des statistiques fondées sur la race et l’origine ethnique[114] ». Des statistiques sur le nombre d’élèves ayant des anomalies et faisant l’objet d’une suspension sont recueillies, mais elles n’ont pas encore été mises à la disposition du public[115].

En raison de l’absence complète de statistiques sur la race et de l’inaccessibilité des statistiques sur les incapacités, il est impossible de déterminer avec certitude si l’application des mesures disciplinaires dans les écoles a un effet disproportionné sur les élèves issus de minorités raciales et les élèves handicapés. Toutefois, d’autres sources contiennent des renseignements non scientifiques et une certaine preuve empirique qui vont dans ce sens. La section suivante du rapport examine une partie de cette preuve conjointement avec les points de vue des responsables des conseils scolaires.

A. Étude sur les perceptions des élèves issus de minorités raciales

Contrairement à ce qui se passe aux États-Unis et au Royaume-Uni, les conseils scolaires et écoles au Canada ne recueillent que rarement, voire jamais, des statistiques sur la race des élèves qui sont suspendus et renvoyés (du moins pas de façon systématique). En l’absence de telles données, il est impossible de déterminer avec certitude si les suspensions et renvois ont un effet disproportionné sur les élèves issus de minorités raciales. Cependant, une étude relativement récente, intitulée Racial and Ethnic Minority High School Students’ Perceptions of School Disciplinary Practices: A Look at Some Canadian Findings, présente une preuve importante fondée sur les perceptions[116].

L’étude s’est penchée sur les perceptions des élèves du secondaire à Toronto au sujet de la différence de traitement concernant les pratiques disciplinaires dans les écoles. Les élèves appartenaient aux groupes raciaux suivants : Noirs, Asiatiques du sud, Asiatiques, Blancs et « autres » (Autochtones, Latino-Américains et de sang mêlé). Selon les résultats de l’étude, les élèves issus de minorités raciales, notamment les élèves de race noire, sont beaucoup plus susceptibles que les élèves de race blanche de percevoir de la discrimination au niveau du traitement par les enseignants, des pratiques de suspension de l’école, du recours à la police par les autorités scolaires et du traitement par la police à l’école. Voici les résultats précis :

  • Traitement par les enseignants. Les élèves de race noire étaient beaucoup plus susceptibles que les élèves d’origine sud-asiatique et asiatique, les élèves de race blanche et les élèves issus d’« autres » minorités raciales de croire que les élèves de leur groupe racial font l'objet d'un traitement plus dur ou beaucoup plus dur de la part des enseignants de leur école. Les élèves d’origine sud-asiatique étaient aussi plus susceptibles que les élèves de race blanche de croire qu’ils feraient l'objet d'un traitement plus dur ou beaucoup plus dur.
  • Pratiques de suspension de l’école. Les élèves de race noire étaient plus susceptibles que les élèves d’origine sud-asiatique et asiatique, les élèves de race blanche et les élèves appartenant à d’« autres » groupes raciaux de croire que les membres de leur propre groupe racial étaient plus susceptibles d’être suspendus. Les élèves d’origine sud-asiatique étaient beaucoup plus susceptibles que les élèves d’origine asiatique et les élèves de race blanche de percevoir un traitement discriminatoire, tandis que les élèves appartenant à d’« autres » groupes raciaux étaient beaucoup plus susceptibles que les élèves de race blanche de percevoir un traitement discriminatoire.
  • Recours à la police par les autorités scolaires. Les élèves de race noire étaient beaucoup plus susceptibles que les élèves d’origine sud-asiatique et asiatique, les élèves de race blanche et les élèves appartenant à d’« autres » groupes raciaux de croire que les élèves membres de leur propre groupe racial étaient plus susceptibles de faire l’objet d’une intervention policière. Les élèves d’origine sud-asiatique étaient plus susceptibles que les élèves de race blanche et les élèves d’origine asiatique de percevoir un traitement discriminatoire, tandis que les élèves appartenant à d’« autres » groupes raciaux étaient beaucoup plus susceptibles que les élèves de race blanche de percevoir un traitement discriminatoire.
  • Traitement par la police à l’école. Les élèves de race noire étaient beaucoup plus susceptibles que les élèves d’origine sud-asiatique et asiatique, les élèves de race blanche et les élèves appartenant à d’« autres » groupes raciaux de croire qu’ils feraient l'objet d'un traitement plus dur ou beaucoup plus dur de la part de la police à l’école. De plus, les élèves d’origine sud-asiatique et asiatique et les élèves appartenant à d’« autres » groupes raciaux étaient tous beaucoup plus susceptibles que les élèves de race blanche de percevoir un traitement discriminatoire[117].

La probabilité que les élèves de race noire perçoivent un traitement discriminatoire est particulièrement forte. Par exemple, si on les compare aux élèves de race blanche, les élèves de race noire étaient 7,41 fois plus susceptibles de percevoir un traitement discriminatoire de la part des enseignants, 17,5 fois plus susceptibles de percevoir un traitement discriminatoire au niveau de l’application des pratiques de suspension, 31,6 fois plus susceptibles de percevoir un traitement discriminatoire concernant le recours à la police par l’école et 26,9 fois plus susceptibles de percevoir un traitement discriminatoire de la part de la police à l’école. L’écart entre les élèves de race noire et les élèves d’origine sud-asiatique, lesquels arrivent au deuxième rang des élèves plus susceptibles de percevoir de la discrimination, est très important (si on les compare aux élèves de race blanche, les élèves d’origine sud-asiatique sont 2,86, 4,38, 7,25 et 8,28 fois plus susceptibles de percevoir un traitement discriminatoire dans les catégories mentionnées ci-haut)[118].

Bien qu’il y ait peu de preuves quantitatives permettant de déterminer si les perceptions des élèves dans l’étude correspondent exactement à la réalité, les auteurs soulignent qu’il faut se pencher sur le fait même que les élèves issus de minorités raciales ont ces perceptions, parce qu'il s'agit d'« une réalité psychologique qui influe sans aucun doute sur l'apprentissage et le rendement des élèves » et [TRADUCTION] « dont les conséquences importantes doivent être examinées afin que les écoles puissent élaborer des mesures pour s’assurer que les élèves de tous les groupes raciaux et ethniques aient l’impression d’avoir des chances d'accès égales à l'enseignement[119] ».

B. Monographie sur l’éducation de l’enfance en difficulté no 5

Depuis plus de cinq ans, le gouvernement de l’Ontario sait que le recours aux suspensions et renvois dans les écoles peut avoir un effet disproportionné sur les élèves handicapés et être considéré comme de la discrimination si des mesures d’adaptation ne sont pas prises à leur égard. En 1997, le ministère de l’Éducation a fait circuler une ébauche interne de la Monographie sur l’éducation de l’enfance en difficulté no 5, intitulée Guidelines for the Implementation of the Ministry of Education and Training’s Violence-Free Schools Policy with respect to Exceptional Pupils and Others with Special Needs. Il vaut la peine d’en citer l’extrait clé dans son intégralité :

[TRADUCTION]

3.0 EFFET DISPROPORTIONNÉ POSSIBLE DE LA VFSP

Au départ, les politiques sur la prévention de la violence mettent habituellement l’accent sur les élèves qui commettent des actes de violence intentionnels. On se sert de stratégies telles que l’imposition de suspensions et de renvois pour protéger d’autres personnes à l’école contre les comportements dangereux et pour signaler clairement à l’élève ayant commis un acte de violence que la violence est inacceptable.

Toutefois, certains élèves qui ont des réactions violentes ne sont pas entièrement responsables de leur comportement. Certains élèves gravement handicapés affichent divers niveaux de compréhension et de contrôle en ce qui a trait au comportement acceptable. Il se peut que ces élèves aient besoin d’un soutien supplémentaire pour comprendre en quoi consiste un comportement acceptable, modifier leur comportement et manifester un comportement acceptable de façon constante au fil du temps.

D’habitude, les élèves ayant de graves problèmes de comportement auront été officiellement identifiés par un comité d’identification, de placement et de révision. En vertu du règlement 305, tous les élèves ayant une anomalie doivent avoir un plan d’enseignement individualisé (PEI) qui énonce les programmes et services destinés à l'enfance en difficulté dont ils ont besoin pour réaliser leurs objectifs sur le plan des études. Le PEI indiquera notamment les besoins de l’élève qui ont été identifiés par le comité d’identification, de placement et de révision et énoncera les objectifs d’ordre scolaire et éducatif de l’élève. Le PEI énoncera les objectifs d’ordre social ou de comportement pour les élèves ayant des problèmes de comportement.

Le ministère craint que de tels élèves n’aient jamais accès à l’éducation dont ils ont besoin pour réussir s’ils sont suspendus ou renvoyés lorsqu’ils ont des problèmes de comportement. Si on impose des suspensions et des renvois avant de faire appel, conformément au PEI, à d’autres stratégies éducatives, l’élève n’aura pas accès au type de programme d’éducation susceptible de réduire, voire d’éliminer, son comportement inacceptable.

De la même manière que nous offrons des mesures de rattrapage à l’élève qui échoue un test en mathématiques ou un test de langue, nous devons, plutôt que de faire appel aux suspensions ou renvois, examiner les stratégies de rattrapage qui peuvent être utilisées lorsque l’élève ne répond pas aux objectifs de comportement prévus dans son PEI. Agir autrement pourrait être considéré comme de la discrimination à l’égard d’un enfant du fait de son handicap[120]. [C’est moi qui souligne.]

La monographie no 5 n’a jamais été officiellement adoptée, mais les facteurs atténuants prévus par la Loi sur la sécurité dans les écoles et ses règlements d’application tiennent compte du principe selon lequel certains élèves ne sont pas entièrement responsables de leur comportement. Toutefois, la nouvelle législation ne tient nullement compte du principe (énoncé par ailleurs dans l’Individuals with Disabilities Education Act, une loi américaine) selon lequel il faut tenter de fournir des mesures d’adaptation à l’élève handicapé avant de recourir à la suspension ou au renvoi.

C. Perceptions générales

1. Élèves de race noire

Si l’on se fie aux entrevues menées auprès d’avocats, d’un conseiller scolaire, de travailleurs communautaires, de jeunes, de parents et de professeurs d’université de la communauté noire dans la RGT, il semble exister une forte perception selon laquelle la Loi sur la sécurité dans les écoles et les nouvelles politiques des conseils scolaires en matière de discipline ont un effet disproportionné sur les élèves de race noire. On semble d’avis que les politiques disciplinaires ont toujours eu un effet disproportionné sur les élèves de race noire, mais que la Loi et les politiques de « tolérance zéro » ont beaucoup aggravé le problème, de sorte qu’un nombre considérablement plus élevé d’élèves de race noire sont suspendus et renvoyés.

Selon la présidente d’une organisation de parents d’enfants de race noire, lorsque l’organisation a été fondée en 1980, les parents étaient d’avis que la question des suspensions et du traitement inéquitable des élèves de race noire était « grave ». Cependant, depuis l’entrée en vigueur de la Loi sur la sécurité dans les écoles, elle remarque que l’organisation reçoit plus d’appels au sujet des renvois et de la présence accrue de la police dans les écoles. Elle souligne également que [TRADUCTION] « [t]ous les groupes [de revendication et d’éducation] importants de la communauté afro-canadienne [...] sont conscients du problème. Certains lui donnent le nom de profilage racial[121] ».

D’après une conseillère scolaire qui a également travaillé pendant trente-cinq ans au sein d’une collectivité multiraciale à faible revenu ayant une population noire importante, notamment pour défendre ses intérêts, l’effet des politiques disciplinaires dans les écoles sur les élèves de race noire a toujours constitué un problème, mais [TRADUCTION] « [il] s’agit maintenant d’un problème de premier plan parce que les chiffres ont augmenté[122] ». Elle a précisé ce qui suit au sujet des écoles de son quartier :

[TRADUCTION]

Au cours de l’année scolaire 2002-2003, qui n’est pas encore terminée, la situation dans les trois écoles secondaires que je représente à titre de conseiller scolaire est la suivante : [à la première école], 131 suspensions ont été imposées; [la deuxième école] affiche 145 suspensions; [la troisième école] en a imposé 65. Ce ne sont là que les suspensions enregistrées. Presque toutes visent des élèves de race noire ou issus de minorités visibles[123].

Un avocat d’une clinique juridique qui dessert la communauté noire souligne qu’il y a eu une [TRADUCTION] « rétroaction accrue de la part de la communauté noire » sur la question et que l’effet sur les élèves de race noire est [TRADUCTION] « certainement devenu plus important » depuis l’entrée en vigueur de la Loi sur la sécurité dans les écoles[124]. La clinique, qui offre aux Afro-Canadiens des services de représentation juridique relativement à diverses questions, a donc fait de la représentation des élèves de race noire en matière de suspension et de renvoi l’un de ses domaines de travail prioritaires[125].

Selon le directeur exécutif d’un organisme de services sociaux somalien, l’effet sur les élèves d’origine somalienne n’est devenu problématique que lorsque les politiques de tolérance zéro ont fait leur apparition : [TRADUCTION] « Nous avons constaté une augmentation du nombre de suspensions et de renvois chez les élèves d’origine somalienne depuis que ces politiques sont entrées en vigueur, mais pas pour les bonnes raisons[126] ». D’après un travailleur des services à la famille d’un organisme de services sociaux qui dessert les communautés noire et antillaise, les nouvelles politiques ont [TRADUCTION] « eu un effet sur l’ensemble des élèves, mais surtout sur les enfants de race noire[127] ».

Un spécialiste en matière de race et de relations ethniques d’un conseil scolaire de la RGT souligne ce qui suit : [TRADUCTION] « D’après mes observations et mes entretiens avec des parents membres de minorités visibles, ces derniers se sont plaints de l’interprétation des politiques relatives à la sécurité dans les écoles qui ont eu des effets préjudiciables sur leurs enfants[128] ».

La perception selon laquelle les politiques disciplinaires ont un effet disproportionné sur les élèves de race noire n’existe pas seulement dans la communauté noire. La directrice exécutive d’une clinique juridique au service des enfants et des jeunes a précisé ce qui suit : [TRADUCTION] « Les écoles ayant d’importantes communautés racialisées, notamment celles dans le secteur Jane et Finch, ont toujours affiché un nombre élevé de suspensions, de renvois et d’élèves qui ne retournent pas à l’école[129] ». Le directeur de cours de la faculté d’éducation d’une université ontarienne a sans doute émis le commentaire le plus franc :

[TRADUCTION]

À mon avis, quiconque se penche honnêtement sur le problème doit reconnaître l’effet disproportionné [sur les élèves de race noire]. Beaucoup de gens croient réellement ne pas tenir compte de la race. C’est aussi pour cette raison qu’ils ne recueillent pas de statistiques. Ainsi, on garde l’impression que tout le monde est traité de la même manière, de sorte qu’il ne peut y avoir de discrimination. Je ne puis dire si la plupart des gens dans le système [scolaire] sont au courant de l’effet disproportionné, mais je crois que quiconque se penche sur le problème est conscient de cet effet et que beaucoup de gens savent qu’il existe mais ne voudront jamais l’admettre[130].

2. Élèves d’origine autochtone et latino-américaine et élèves originaires de l’Asie du Sud, de l’Asie de l’Est et de l’Asie du Sud-Est

La perception d’un effet disproportionné existe aussi dans d’autres communautés raciales minoritaires. Selon le coordonnateur d’un centre de jeunesse tamoul, les élèves d’origine tamoule étaient suspendus en assez grand nombre par le passé, mais la Loi sur la sécurité dans les écoles et les nouvelles politiques des conseils scolaires ont beaucoup aggravé le problème[131]. Un avocat d’une clinique juridique desservant la communauté autochtone précise qu’il ne considérait pas les politiques disciplinaires comme un problème particulièrement important avant l’entrée en vigueur de la Loi, mais que les élèves autochtones sont maintenant touchés de façon disproportionnée[132]. Un travailleur communautaire dans une clinique juridique desservant la communauté latino-américaine a émis des propos similaires au sujet de celle-ci[133]. Le directeur exécutif d’une clinique juridique qui dessert les communautés chinoise et asiatique du Sud-Est a constaté une augmentation du nombre de cas mais ne sait pas si celle-ci témoigne d’un effet disproportionné sur les élèves d’origine chinoise ou vietnamienne[134].

Un représentant supérieur d’un conseil scolaire de la RGT n’a pas voulu confirmer ni nier que les élèves de race noire ou issus d’autres minorités raciales sont touchés de façon disproportionnée. Il semble plutôt croire que les élèves à risque sont touchés de façon disproportionnée et qu’il est nécessaire d’examiner tous les facteurs (pas seulement le racisme) qui créent un risque pour les enfants :

[TRADUCTION]

Les enfants qui ne vont pas régulièrement à l’école ne réussissent pas à l’école. Si vous ne réussissez pas à l’école, vous ne vous sentez pas aussi bien dans votre peau. Si vous ne vous sentez pas aussi bien dans votre peau, vous avez tendance à mal vous comporter. Si vous avez tendance à mal vous comporter, votre comportement n’est pas acceptable, et ainsi de suite. Nous savons certaines choses. Nous savons qui habite dans les régions ayant différents groupes socio-économiques. Nous savons que les enfants vivant au sein d'une famille biparentale réussissent habituellement mieux à l’école que les enfants vivant au sein d'une famille monoparentale. Nous savons que les garçons n’obtiennent pas d’aussi bons résultats lors des évaluations provinciales en lecture et en mathématiques. Nous savons aussi que les garçons apprennent différemment des filles. Nous savons également que beaucoup plus de garçons que de filles sont suspendus [...] Suis-je inquiet au sujet du nombre de garçons de race noire qui éprouvent des difficultés? Oui, je le suis. Cependant, je m’inquiète tout autant des élèves appartenant à d’autres groupes qui éprouvent des difficultés [...] Il y a une multitude de facteurs qui peuvent avoir un rôle à jouer à plusieurs égards lorsque vous avez des enfants à risque. Je pense que [le racisme] est un des facteurs, mais pas le seul. Par conséquent, j’aimerais avoir une discussion qui traiterait des nombreux facteurs et tenter de les aborder sous toutes leurs facettes[135].

Il soutient également que les perceptions au sujet de l’effet disproportionné ne correspondent pas toujours à la réalité. Il cite l’exemple d’une communauté à faible revenu du centre-ville de Toronto où la question a été soulevée : [TRADUCTION] « La communauté a soulevé la question et, avec d’autres personnes, j’ai rencontré les membres de la communauté en vue d’élaborer des programmes d’intervention et de soutien destinés notamment aux élèves de première, deuxième et troisième années faisant l’objet d’une suspension. Mais lorsque nous avons enfin examiné les statistiques, les taux de suspension étaient moins élevés qu’ailleurs[136] ».

Un représentant supérieur d’un autre conseil scolaire de la RGT ne croit pas que les élèves de race noire ou issus d’autres minorités raciales soient touchés de façon disproportionnée, parce que les directeurs appliquent les mesures disciplinaires objectivement :

[TRADUCTION]

En ce qui concerne la race, non, je ne suis pas d’accord, bien que je sois conscient de la perception qui existe dans certaines collectivités. Puisque je m’occupe des suspensions et des réexamens, je puis affirmer qu’ils sont fondés sur le comportement objectif de l’élève, quelle que soit son origine raciale [...] D’après mon expérience, dans le processus décisionnel, le directeur recueille les renseignements, décide si le comportement en cause a eu lieu ou non et identifie les gestes de chacun. Il n’est pas tenu compte de l’origine ethnique de l’élève dans le processus décisionnel. Nos directeurs nous disent qu’ils ne font qu’examiner les faits de l’incident, l’âge et le sexe de l’élève, la gravité de la blessure ou de l’incident, la question de savoir si le comportement a déjà eu lieu, ainsi que les mesures, s’il en est, ayant été prises dans le passé pour que l’enfant modifie son comportement[137].

Il prétend aussi que la perception erronée d’un effet disproportionné pourrait découler du fait que la population scolaire dans certains établissements est constituée en grande partie d’un groupe racial ou ethnique :

[TRADUCTION]

Certaines écoles représentent les communautés latino-américaines, certaines représentent les communautés philippines, d’autres représentent les communautés chinoises et d’autres encore les communautés afro-canadiennes. La population de l’école est constituée principalement des membres de ce groupe et il peut y avoir divers autres groupes minoritaires. Je ne serais pas étonné d’apprendre que les enfants faisant partie du groupe majoritaire à l’école se voient imposer le plus grand nombre de suspensions parce qu’ils sont les plus nombreux et non en raison d’un préjugé quelconque dans le processus décisionnel[138].

3. Élèves handicapés

Des entrevues menées auprès d’un travailleur social, d’un travailleur communautaire, d’avocats, d’experts en santé mentale, de groupes qui défendent les gens handicapés et d’autres personnes révèlent qu’il existe une forte perception selon laquelle la Loi sur la sécurité dans les écoles et les nouvelles politiques des conseils scolaires ont un effet disproportionné sur les élèves handicapés, notamment les élèves souffrant de troubles affectifs ou de comportement, d’une déficience intellectuelle ou d’un problème d’apprentissage, d’autisme, ou du syndrome de la Tourette (y compris les troubles associés tels que l’hyperactivité avec déficit de l'attention, le trouble obsessivo-compulsif et le trouble du contrôle des impulsions).

Le directeur exécutif d’un centre de santé mentale pour enfants est d’avis que les politiques en matière de suspension et de renvoi constituaient, avant que la Loi entre en vigueur, un problème important pour les élèves souffrant de troubles affectifs ou d’un problème d’apprentissage, mais qu’[TRADUCTION] « il s’agit maintenant d’un plus grand problème[139] ». Un conseiller en comportement d’un conseil scolaire du nord de l’Ontario précise qu’il constate désormais la suspension et le renvoi d’élèves souffrant de troubles affectifs ou de comportement [TRADUCTION] « tout le temps [...] [I]l y a eu une augmentation importante du nombre de suspensions et de renvois[140] ».

Le directeur exécutif d’un organisme qui dessert les personnes ayant le syndrome de la Tourette indique qu’il y a eu une [TRADUCTION] « augmentation en chiffres absolus » du nombre de suspensions et de renvois chez les élèves ayant le syndrome de la Tourette : [TRADUCTION] « On s’en inquiétait auparavant, mais il y a certainement eu une augmentation depuis l’entrée en vigueur de la Loi[141] ». Le coordonnateur d’un groupe qui défend les intérêts des élèves handicapés précise qu’il y a certainement eu [TRADUCTION] « plus de suspensions » chez les élèves handicapés depuis l’entrée en vigueur des politiques de zéro tolérance[142]. La directrice exécutive d’une clinique juridique au service des enfants et des jeunes a aussi remarqué que, depuis l’entrée en vigueur des nouvelles politiques des conseils scolaires, [TRADUCTION] « [l]’attente du public concernant les mesures obligatoires a poussé les écoles à agir plus agressivement envers les élèves ayant des problèmes d’apprentissage[143] ».

Un représentant supérieur d’un conseil scolaire de la RGT n’a pas voulu confirmer ni nier que les élèves handicapés sont touchés de façon disproportionnée, mais il a souligné que les directeurs appliquent les facteurs atténuants pour s’assurer que les élèves handicapés sont traités équitablement :

[TRADUCTION]

La Loi sur la sécurité dans les écoles prévoit des facteurs atténuants. Il y en a trois. Nous cherchons à nous servir en tout temps des facteurs atténuants. Dans le cas des élèves en difficulté (un sujet dont nous discutons présentement et que nous sommes en train d’examiner), quels sont les besoins des élèves et quel est leur rôle? Nous faisons tout notre possible pour ne pas suivre une ligne droite du point A au point B. Certaines personnes regardent le tableau des conséquences et choisissent de s’en servir comme d’un menu déroulant. Je peux vous dire que les directeurs et les membres du conseil qui travaillent avec moi dans les écoles ne s’en servent pas comme d’un menu déroulant. Il peut être prescriptif et exigé par la loi, mais nous ne nous en servons pas comme d’un menu déroulant et faisons tout notre possible pour tenir compte de tous les facteurs et de toutes les circonstances[144].

Un représentant supérieur d’un autre conseil scolaire de la RGT a précisé que le conseil n’avait pas encore procédé à l’analyse de ses statistiques pour déterminer si les élèves handicapés étaient touchés de façon disproportionnée, mais que des mesures seraient prises pour redresser la situation si l’analyse indiquait un effet disproportionné :

[TRADUCTION]

On a présenté [à notre comité de l’enfance en difficulté] un rapport identifiant, dans l’ensemble de notre système, le nombre d’élèves ayant été suspendus qui avaient une anomalie, le genre d’anomalie, ainsi que d’autres données. Nous n’avons pas encore analysé ces renseignements. À la fin de l’année scolaire, nous pourrions donner la base de données à notre service de recherche et nous poser les questions suivantes : que pouvons-nous apprendre de tout cela? Pouvons-nous cibler des ressources supplémentaires? Pouvons-nous identifier un groupe qui semble représenté de façon disproportionnée? Pouvons-nous analyser les raisons qui expliquent ce qui s’est passé? Pourquoi ces élèves éprouvent-ils des difficultés? Pouvons-nous lancer des programmes et des stratégies d’intervention positives pour remédier au problème? Cependant, nous n’en sommes pas encore arrivés au point où je pourrais dire qu’ils sont représentés de façon disproportionnée[145].

D. Audition de l’appel du renvoi ou de la suspension

1. Élèves de race noire

Plusieurs conseillers scolaires d’un conseil scolaire de la RGT qui tranchent les appels interjetés à l’encontre des suspensions et des renvois ont indiqué qu’ils voyaient un nombre disproportionné d’élèves de race noire lors des audiences. Un conseiller scolaire ayant tranché de 15 à 20 appels depuis novembre 2000 a déclaré ce qui suit : [TRADUCTION] « D’après mon expérience et mes entretiens avec des collègues, je crois que notre conseil renvoie beaucoup plus de garçons de couleur, qu’ils soient de race noire ou indienne ou issus de minorités visibles, que de jeunes de race blanche [...] Toujours d’après mon expérience, les garçons de race noire sont les plus susceptibles de se retrouver à une audience de renvoi »[146]. Un autre conseiller scolaire ayant siégé à « plusieurs » audiences de renvoi avant l’entrée en vigueur de la Loi sur la sécurité dans les écoles, ainsi qu’à deux audiences depuis lors, a indiqué ce qui suit : [TRADUCTION] « Lors des audiences de renvoi, on constate un nombre disproportionné de garçons de race noire [...] Si je siège à six audiences de renvoi, cinq visent des Noirs ou des membres de minorités visibles. La [nouvelle] politique n’a rien changé. Elle a empiré les choses[147] ».

Une récente émission radiophonique de la SRC sur la discipline dans les écoles et le profilage racial a fait état de conclusions similaires à la suite d’entrevues menées auprès de onze conseillers scolaires du TDSB : [TRADUCTION] « Chaque conseiller scolaire avec qui nous avons communiqué et ayant siégé à une audience de renvoi a indiqué [avoir constaté un nombre disproportionné de minorités visibles]. Lors des audiences, au moins 80 % des élèves sont membres de minorités visibles. La grande majorité sont de race noire[148] ».

Par contre, un représentant supérieur d’un conseil scolaire de la RGT soutient que les observations de chaque conseiller scolaire devraient être considérées avec prudence : [TRADUCTION] « À mon avis, il n’est pas tout à fait juste que les conseillers fassent des déclarations de ce genre alors qu’ils ne siègent pas à toutes les audiences[149] ».

E. Avocats

Les avocats qui donnent des conseils sommaires à des élèves ayant été suspendus ou renvoyés de l’école, ou qui les représentent, indiquent qu’ils constatent un nombre disproportionné d’élèves de race noire et d’élèves handicapés. De plus, les cliniques juridiques communautaires qui desservent les communautés autochtones, latino-américaines et asiatiques du Sud et du Sud-Est, ainsi que les personnes handicapées, font face à une plus forte demande de services à cet égard.

1. Élèves de race noire

Un avocat ayant représenté des élèves lors de cinq audiences de renvoi au cours des dix dernières années précise que ces clients étaient tous de race noire. Par ailleurs, sur environ cent clients recommandés ou contacts faisant l’objet d’une suspension, tous sauf deux étaient des élèves de race noire[150]. Deux avocats exerçant ensemble au sein du même cabinet et ayant représenté environ cinq élèves lors d’audiences de renvoi soulignent que tous sauf un étaient afro-canadiens ou d’origine somalienne[151]. La directrice exécutive d’une clinique juridique au service des enfants et des jeunes précise qu’environ la moitié des clients représentés par la clinique lors d’audiences sont des élèves membres de minorités visibles et que les deux tiers de ces élèves sont de race noire. De plus, 75 % des élèves auxquels la clinique fournit de brefs services ou des conseils sommaires sont membres de minorités visibles[152].

2. Élèves d’origine autochtone et latino-américaine et élèves originaires de l’Asie de l’Est et de l’Asie du Sud-Est

Les cliniques juridiques desservant les communautés autochtone, latino-américaine et asiatiques de l’Est et du Sud-Est, qui ne faisaient aucun travail dans le domaine de la discipline dans les écoles avant l’adoption de la Loi sur la sécurité dans les écoles, communiquent désormais avec les parents et élèves au sujet de questions disciplinaires au moins une fois par mois. Une clinique juridique qui dessert la communauté autochtone reçoit la visite d’environ un élève à toutes les trois semaines[153], tandis qu’une clinique juridique qui dessert la communauté latino-américaine reçoit un appel environ une fois par mois[154]. Enfin, une clinique juridique desservant les communautés asiatiques de l’Est et du Sud-Est a reçu presque vingt appels au cours des 12 à 24 derniers mois[155].

3. Élèves handicapés

Un avocat d’une clinique juridique communautaire située au nord-est de la RGT indique qu’au cours de la dernière année, sa clinique a traité des « retombées » de la Loi sur la sécurité dans les écoles : [TRADUCTION] « Les appels que nous recevons de la part de clients et qui concernent une suspension, un renvoi, une exclusion, ou toute autre forme de mesure disciplinaire, ne portent pas tant sur l’application de cette loi aux enfants non handicapés que sur son application aux enfants handicapés[156] ». La directrice exécutive d’une clinique juridique au service des enfants et des jeunes précise que 95 % des élèves auxquels sa clinique fournit de brefs services ou des conseils sommaires et 85 % des élèves représentés lors d’audiences sont des élèves en difficulté[157].

F. Programmes parallèles

L’auteur du présent rapport n’a pas réussi à interviewer le personnel des programmes parallèles et des programmes de discipline rigide de la RGT. Les appels téléphoniques sont demeurés sans réponse; une demande d’entrevue a été rejetée et renvoyée à un représentant supérieur d’un conseil scolaire de la RGT[158]. Selon ce représentant, les élèves inscrits à de tels programmes [TRADUCTION] « ont sensiblement le même profil racial et culturel que les élèves dans nos écoles, sauf qu’il y a beaucoup plus de garçons que de filles[159] ». Toutefois, certains autres sujets interrogés sont d’avis qu’il y a, dans ces programmes, un nombre disproportionné d’élèves handicapés et d’élèves issus de minorités raciales, notamment des élèves de race noire.

Un travailleur communautaire d’un organisme de services sociaux desservant des jeunes d’origine antillaise et de race noire a vu les élèves inscrits à des programmes parallèles pour élèves faisant l’objet d’une exclusion ou d’une suspension, tels que le programme ACE, et a indiqué ce qui suit : [TRADUCTION] « [S]i vous prenez [...] les élèves qui sont envoyés à des écoles [pour élèves en difficulté], là où les enfants faisant l’objet d’une exclusion sont envoyés, vous constatez qu’il y a un nombre disproportionné d’enfants de race noire[160] ». Un conseiller scolaire ayant siégé à des comités sur l'apprentissage parallèle dirigé pour élèves dispensés de fréquentation scolaire (SALEP) précise ce qui suit : [TRADUCTION] « Je dois vous avouer que je suis atterré et horrifié par le nombre d’élèves de race noire inscrits à ces programmes. Si je vois un élève qui n’est pas de race noire, je me pose des questions. Je me demande ce qui se passe. Avez-vous le bon élève[161] »?

La directrice exécutive d’une clinique juridique au service des enfants et des jeunes souligne qu’elle a parlé à une personne qui travaille dans un programme destiné aux élèves renvoyés et qu’on lui a dit que, sur les trente élèves inscrits au programme, un seul était de race blanche et tous avaient des troubles d’apprentissage[162]. Un avocat d’une clinique juridique qui dessert la communauté noire s’est fait dire par les directeurs des programmes de discipline rigide ainsi que par des élèves y ayant participé qu’il y a un nombre disproportionné d’élèves de race noire dans ces programmes[163].

G. Personnel de première ligne

Les jeunes, les travailleurs communautaires et sociaux, ainsi que les enseignants et conseillers en comportement qui offrent des services de première ligne aux élèves ayant été suspendus ou renvoyés, indiquent qu’ils constatent un nombre disproportionné d’élèves handicapés et d’élèves issus de minorités raciales, notamment des élèves de race noire.

1. Élèves de race noire

Une conseillère au sein d’un programme d’emploi pour les jeunes d’une collectivité multiraciale à faible revenu ayant une population noire importante a indiqué ce qui suit :

[TRADUCTION]

Je vois surtout des élèves de race noire [...] Plusieurs d’entre eux subissent les effets négatifs de la tolérance zéro. À ce jour, je n’ai rencontré aucun élève de race blanche. J’ai rencontré quelques élèves d’origine latino-américaine et hispaniques, mais pas un seul élève de race blanche [...] [N]ous avons conclu que nous avions auparavant une liste d’attente de trente élèves, mais qu’il y a maintenant de cinquante à cinquante-sept élèves qui tentent d’obtenir une place dans notre programme, parce qu’ils veulent avoir quelque chose à faire pendant leur suspension [...] Je leur demande maintenant pourquoi ils ne sont pas à l’école, surtout les élèves de race noire. Ils disent avoir été suspendus ou renvoyés en raison de la tolérance zéro [...][164].

Elle s’est également souvenue d’avoir assisté, à Metro Hall, à un atelier contre la violence auquel étaient présents de nombreux élèves ayant été suspendus ou renvoyés de l’école. Elle a indiqué qu’ [TRADUCTION] « [i]l y avait surtout des enfants de race noire et quelques jeunes d’origine indienne orientale[165] ».

Un travailleur communautaire d’un organisme de services sociaux desservant des jeunes d’origine antillaise et de race noire a ajouté ce qui suit : [TRADUCTION] « [D]ans certaines écoles, il y a beaucoup moins d’élèves de race noire, mais ils sont plus nombreux à être suspendus. C’est notamment le cas [d’une école secondaire de la RGT ayant de nombreux élèves d’origine asiatique et peu d’élèves de race noire]. Seulement 10 % environ des élèves de cette école sont de race noire, mais plusieurs élèves vous diront qu’ils se voient imposer des suspensions à un rythme alarmant, beaucoup plus rapidement que d’autres groupes[166] ».

Un travailleur social auprès des jeunes à risque d’une école secondaire située dans une collectivité multiraciale à faible revenu a déclaré ce qui suit : [TRADUCTION] « [L]a grande majorité des suspensions auront un effet sur les élèves membres de minorités visibles, en raison du profil démographique de l’école. Toutefois, au sein de cette école où règne la diversité, certains groupes défavorisés sont plus touchés que d’autres. À mon avis, les groupes les plus touchés sont les jeunes garçons de race noire, les garçons d’origine tamoule et, dans une certaine mesure, les garçons d’origine afghane[167] ».

Le président d’un organisme de services sociaux musulman, qui s’occupe de la mise en œuvre d’un programme communautaire destiné aux élèves du primaire qui sont suspendus, a déclaré ce qui suit : [TRADUCTION] « Il ne fait aucun doute que les élèves de race noire sont suspendus plus souvent que les élèves de race blanche [...] En ce qui concerne l’application de la loi, j’ai remarqué que l’élève de race blanche peut être suspendu pendant un jour ou deux, mais que l’élève de race noire est suspendu pendant cinq jours[168] ».

2. Élèves d’origine latino-américaine

Une travailleuse communautaire d’une clinique juridique desservant la communauté latino-américaine a indiqué que tous les parents qui avaient communiqué avec elle étaient des membres « visibles » de la communauté latino-américaine : [TRADUCTION] « D’après mon expérience, chez les élèves d’origine latino-américaine, ce sont ceux de race noire, d’origine autochtone et de sang mêlé qui sont suspendus et renvoyés, pas ceux de race blanche[169] ».

3. Élèves handicapés

Selon un enseignant d’une école élémentaire située dans une collectivité à faible revenu, la plupart des élèves ayant certains types de handicaps mentaux sont plus durement touchés par les politiques de tolérance zéro :

[TRADUCTION]

Si vous examinez les chiffres pour savoir quels élèves sont les plus touchés par la politique de tolérance zéro, vous constatez que la majorité ont un type d’incapacité quelconque, comme une déficience intellectuelle légère, un trouble d’apprentissage ou un problème de comportement. Voilà les trois catégories dans lesquelles sont classés les enfants en difficulté [...] Je dirais qu’un grand nombre d’élèves suspendus et renvoyés se trouvent dans l’une quelconque de ces trois catégories. Ils sont les plus touchés parce qu’ils sont plus susceptibles de se retrouver dans une situation où la tolérance zéro doit être appliquée[170].

Par ailleurs, un travailleur social auprès des jeunes à risque d’une école secondaire située dans une collectivité à faible revenu a indiqué que les suspensions étaient imposées [TRADUCTION] « assez librement » aux élèves ayant des difficultés à contrôler leurs pulsions et que le pouvoir discrétionnaire de ne pas imposer de suspension n’était pas exercé : [TRADUCTION] « Il y a moins de ressources en milieu scolaire pour aider les enfants en difficulté, de sorte que l’école a peut-être les mains liées. L’école n’a pas de choix. Il y a un pouvoir discrétionnaire, mais aussi beaucoup de pression de la part des enseignants qui ne veulent pas que la salle de classe soit un milieu dangereux[171] ». Un conseiller en comportement d’un conseil scolaire du nord de l’Ontario a constaté des tendances similaires dans les écoles où il travaille :

[TRADUCTION]

La Loi sur la sécurité dans les écoles vise en fait les enfants ayant des troubles affectifs ou de comportement. Elle les exclut effectivement des programmes ordinaires [...] Je vois plusieurs directeurs qui ont l’impression d’avoir les mains liées et qui se sentent obligés de suspendre l’enfant si celui-ci commet un certain acte. Même s’il y a des circonstances atténuantes, elles ne sont généralement pas appliquées[172].

H. Classes pour enfants en difficulté et enfants ayant des problèmes de comportement

Le directeur de cours de la faculté d’éducation d’une université ontarienne fait remarquer que les politiques disciplinaires doivent avoir un effet disproportionné sur les élèves de race noire parce que la preuve démontre que les classes pour enfants en difficulté et enfants ayant des problèmes de comportement ont un nombre disproportionné d’élèves de race noire et que les élèves inscrits dans ces classes font l’objet d’un nombre disproportionné de mesures disciplinaires :

[TRADUCTION]

Il en est de même des classes pour enfants ayant des problèmes de comportement et enfants en difficulté : il y a un nombre disproportionné d’élèves de race noire. Les enfants qui ne réussissent pas à l’école sur le plan académique seraient logiquement ceux qui passent ensuite à l’acte de différentes manières et pour différentes raisons, dissimulant ainsi leurs problèmes académiques ou autres. Cela les porte à commettre des actes qui mènent à une suspension. Lorsque je donnais des cours pour enfants ayant des problèmes de comportement dans [un conseil scolaire de la RGT], il y avait un groupe de travail appelé le groupe de travail sur le comportement. Plusieurs personnes de [la ville] ont travaillé au sein de ce groupe pendant deux ans. Le groupe de travail a publié un rapport sur [un quartier à faible revenu avec sept écoles]. Nous avons effectué une étude sur les enfants de ces sept écoles qui suivaient des cours pour enfants ayant des problèmes de comportement. Les statistiques ont démontré qu’une écrasante majorité étaient de race noire. Je ne mentionne pas pour rien les classes pour enfants ayant des problèmes de comportement, car lorsque vous prenez les élèves qui finissent par être suspendus, une écrasante majorité sont des enfants de race noire[173].

I. Enfants à risque

Selon un expert sur les enfants à risque d’une université ontarienne, si les enfants de race noire et les enfants handicapés [TRADUCTION] « manifestent un comportement antisocial plus accentué que d’autres enfants ou risquent de manifester un tel comportement, [les politiques disciplinaires] sont susceptibles d’avoir un effet disproportionné sur eux[174] ».

1. Élèves de race noire

Selon l’expert, étant donné la preuve disponible concernant la probabilité qu’un enfant pauvre soit désigné comme ayant des problèmes de comportement, et vu le lien entre la pauvreté et la race, les politiques disciplinaires doivent avoir un effet disproportionné sur les enfants de race noire :

[TRADUCTION]

Si vous grandissez dans la pauvreté en Ontario, vous êtes dix fois plus susceptible d’être désigné par votre enseignant comme élève ayant de multiples problèmes de comportement qu’un enfant de la classe moyenne [...] [I]l est évident que ces enfants éprouvent de plus grandes difficultés à l’école et que la Loi [sur la sécurité dans les écoles] aura un plus grand effet sur eux [...] [I]l se peut que les enfants de race noire affichent des niveaux de comportement antisocial plus élevés et ce, du seul fait qu’ils sont défavorisés sur le plan économique. Selon une étude britannique, si l’on tient compte du désavantage économique, les effets de la race et de l’origine ethnique sur l’ampleur des troubles affectifs et de comportement des enfants disparaissent. Il semble que la différence soit attribuable au fait que les enfants de race noire sont infiniment plus nombreux à vivre dans la pauvreté[175].

Il ajoute que la question qu’il reste à régler est celle de savoir si la discrimination aggrave l’effet disproportionné : [TRADUCTION] « La deuxième [question] est celle de savoir s’il y a distorsion de leur comportement et s’ils sont traités inéquitablement par rapport à d’autres enfants, compte tenu des niveaux de comportement antisocial. Nous n’avons pas de données solides à cet égard[176] ».

2. Élèves handicapés

L’expert présente des observations similaires au sujet des élèves ayant des troubles d’apprentissage : [TRADUCTION] « Il faut tenir compte de deux choses. Premièrement, les enfants ayant des troubles d’apprentissage risquent davantage d’avoir des problèmes de comportement. Ils sont davantage visés par la Loi que d’autres enfants, en raison de leur comportement antisocial plus accentué. Deuxièmement, compte tenu du comportement antisocial accentué, nous ne savons pas s’ils subissent un traitement inéquitable par rapport aux autres enfants[177] ».


[113] Précité, note 2, 14 mai 2003, aux pp. 10 et 12.
[114] Ibid., 16 mai 2003, à la p. 5.
[115] Le représentant du conseil scolaire a indiqué qu’une demande d’accès à l’information devait être faite parce que les renseignements n’avaient pas encore été présentés aux conseillers et qu’ils ne sont généralement pas rendus publics avant d’être présentés aux conseillers. Ibid.
[116] M.D. Ruck et S. Wortley, « Racial and Ethnic Minority High School Perceptions of School Disciplinary Practices: A Look at Some Canadian Findings » (2002), 31(3) Journal of Youth and Adolescence, aux pp. 185-195. Voir l’annexe I, onglet 43.
[117] Ibid. à la p. 190.
[118] Ibid. à la p. 192.
[119] Ibid. aux pp. 186 et 194.
[120] Ministère de l’Éducation et de la Formation, Monographie sur l’éducation de l’enfance en difficulté no 5, intitulée Guidelines for the Implementation of the Ministry of Education and Training’s Violence-Free Schools Policy with respect to Exceptional Pupils and Others with Special Needs, révisée le 2 octobre 1997, aux pp. 2 et 3. Voir l’annexe I, onglet 44.
[121] Précité, note 30 aux pp. 1 et 2.
[122] Précité, note 12 à la p. 4.
[123] Ibid., à la p. 1.
[124] Précité, note 13 aux pp. 1 et 3.
[125] Le directeur exécutif de la clinique a récemment déclaré ce qui suit : [TRADUCTION] « Ces questions ont pris toute la place dans notre charge de travail [...] Il s’agit vraiment d’un énorme problème ». Christian Cotroneo, « Schools target blacks: Lawyer », Toronto Star, 6 décembre 2002.
[126] Entrevue, 17 mars 2003, pp. 1 et 2.
[127] Entrevue, 18 mars 2003, p. 1.
[128] Entrevue, 15 mai 2003, p. 1.
[129] Entrevue, 5 mars et 28 mai 2003, p. 1.
[130] Entrevue, 23 mai 2003, p. 3.
[131] Précité, note 17 aux pp. 2, 6 et 7.
[132] Entrevue, 3 avril 2003, aux pp. 1 et 3.
[133] Entrevue, 26 mars 2003, aux pp. 1 et 3.
[134] Précité, note 16 aux pp. 1 et 3.
[135] Précité, note 2, 14 mai 2003, aux pp. 8-10.
[136] Ibid., à la p. 11.
[137] Ibid., 16 mai 2003, à la p. 4.
[138] Ibid. à la p.  5.
[139] Précité, note 29 à la p. 4.
[140] Précité, note 19, 13 mai 2003, à la p. 3.
[141] Précité, note 19, 14 mai 2003, à la p. 4.
[142] Entrevue, 8 mai 2003, p. 11.
[143] Précité, note 129 à la p. 1.
[144] Précité, note 2, 14 mai 2003, à la p. 8.
[145] Ibid., 16 mai 2003, aux pp. 4 et 5.
[146] Entrevue, 7 avril 2003, pp. 1 et 2.
[147] Précité, note 12 à la p. 6.
[148] « The Colour of Zero Tolerance », The Current, CBC Radio One, 20 novembre 2002. La SRC a demandé à chaque conseiller scolaire d’indiquer le nombre d’audiences de renvoi auxquelles il avait siégé et le nombre d’élèves qui semblaient être membres de minorités visibles. Le tableau brut donnait 56 audiences et 52 élèves membres de minorités visibles. (La SRC n’a pas croisé les données pour tenir compte du chevauchement des nombreux conseillers scolaires siégeant à une audience, mais précise que les chiffres représentés par l’expression « au moins 80 % » sont justes.) Entrevue du réalisateur, CBC Radio One, 20 mai 2003, p. 1.
[149] Précité, note 2, 14 mai 2003 aux pp. 11 et 12.
[150] Entrevue, 14 mai et 28 mai 2003, p. 2.
[151] Entrevue, 24 avril 2003, p. 1; entrevue, 11 avril 2003, p. 1.
[152] Précité, note 129 à la p. 2.
[153] Précité, note 132.
[154] Précité, note 133.
[155] Précité, note 16.
[156] Précité, note 18 à la p. 1.
[157] Précité, note 129 à la p. 2.
[158] Par exemple, l’auteur du présent rapport a communiqué avec la directrice d’un des programmes parallèles de la RGT. Celle-ci a refusé d’être interviewée et a renvoyé l’auteur à un représentant supérieur du conseil scolaire. L’auteur a aussi obtenu de façon indépendante, par l’entremise d’un réseau de courriel à l’intention des travailleurs communautaires, une entrevue avec des travailleurs auprès des jeunes dans un centre communautaire qui gère un programme ACE destiné aux élèves suspendus ou renvoyés. Juste avant le début de l’entrevue, une travailleuse auprès des jeunes a appelé le directeur du programme pour s’assurer que la question de l’effet disproportionné puisse être abordée. Le directeur lui a dit de ne répondre à aucune question, d’annuler l’entrevue et de renvoyer l’auteur au même représentant supérieur.
[159] Précité, note 2, 14 mai 2003, à la p. 9.
[160] Entrevue, 16 avril 2003, p. 2.
[161] Précité, note 12 à la p. 1.
[162] Précité, note 129 à la p. 1.
[163] Précité, note 103 à la p. 1.
[164] Précité, note 11 aux pp. 1 et 2.
[165] Ibid. à la p. 3.
[166] Précité, note 160 à la p. 1.
[167] Entrevue, 15 avril 2003, p. 1.
[168] Précité, note 14 aux pp. 2 et 3.
[169] Précité, note 133 à la p. 2.
[170] Entrevue, 11 avril 2003, p. 2.
[171] Précité, note 167 à la p. 2.
[172] Précité, note 19, 13 mai 2003, à la p. 1.
[173] Précité, note 130 à la p. 2.
[174] Entrevue, 6 mai 2003, p. 1.
[175] Ibid., pp. 1 et 2.
[176] Ibid., p. 2.
[177] Ibid.

Organizational responsibility: 

VIII. Discrimination

Presque tous les sujets interrogés ont précisé que la discrimination (directe et systémique) est la raison principale pour laquelle l’application des mesures disciplinaires dans les écoles a un effet disproportionné sur les élèves issus de minorités raciales et les élèves handicapés. Certains sujets interrogés ont aussi souligné qu’il existe des motifs de discrimination multiples et croisés, notamment la race, l’incapacité, la pauvreté et le statut d’immigrant ou de réfugié.

A. Perceptions générales

1. Élèves de race noire

Plusieurs élèves de race noire croient qu’ils sont suspendus ou renvoyés pour des motifs de discrimination :

  • Un travailleur communautaire d’un organisme de services sociaux desservant des jeunes d’origine antillaise et de race noire précise que la discrimination est [TRADUCTION] « habituellement la première chose qui sort de la bouche des enfants[178] ».
  • Un travailleur social auprès des jeunes à risque d’une école secondaire a indiqué ce qui suit : [TRADUCTION] « Les élèves auxquels je parle sont d’avis qu’elle est discriminatoire [...] Les élèves appartenant aux groupes touchés de façon disproportionnée savent ce qui se passe[179] ».
  • Un conseiller au sein d’un programme d’emploi pour les jeunes précise ce qui suit : [TRADUCTION] « [Les élèves de race noire] se comparent aux élèves de race blanche. L’élève de race blanche fait exactement la même chose et peut rester à l’école, alors que l’élève de race noire est soit renvoyé, soit suspendu pendant une période de trente à quarante jours [...] Si un élève de race noire se dispute avec un élève de race blanche, le premier est renvoyé tandis que le deuxième peut rester à l’école[180] ».
  • Un travailleur des services à la famille d’un organisme de services sociaux desservant les communautés antillaise et noire souligne ce qui suit : [TRADUCTION] « Les enfants de race noire qui se font harceler sont suspendus après un affrontement, mais les enfants de race blanche qui les ont harcelés ne le sont pas. Les enfants de race noire sont suspendus pour des actes qui ne mènent pas à une suspension chez les enfants de race blanche. Les enfants de race noire sont d’avis que les enfants de race blanche ne font pas l’objet des mêmes mesures disciplinaires[181] ».

Les commentaires énoncés ci-haut vont dans le sens de l’étude sur les perceptions des élèves issus de minorités raciales concernant les pratiques disciplinaires dans les écoles de Toronto, laquelle étude a été examinée plus tôt dans le présent rapport[182].

Plusieurs parents de race noire croient également que la discrimination a un rôle à jouer, non seulement en ce qui concerne la manière dont les enfants de race noire sont traités, mais aussi en ce qui a trait à la façon dont les parents de race noire sont traités. Un spécialiste en matière de race et de relations ethniques d’un conseil scolaire de la RGT souligne ce qui suit : [TRADUCTION] « Certains parents estiment que les résultats sont discriminatoires, puisqu’ils ont fait valoir qu’il existe un système à deux paliers en vertu duquel les élèves membres de minorités visibles ne sont pas traités de la même manière que les élèves de la culture dominante pour la même infraction[183] ». La présidente d’une organisation de parents d’enfants de race noire précise ce qui suit :

[TRADUCTION]

Dans bon nombre de ces cas, les parents [...] diront qu’il est question de racisme. La plupart du temps, ils diront que le racisme est à la source du problème. Certains élèves ont soutenu que des affrontements à l’école avaient commencé par des propos racistes [...] Dans certains cas, les parents se sont plaints que l’élève de race blanche avait provoqué l’affrontement mais n’avait pas été suspendu. Ou alors, les parents peuvent demander pourquoi leur enfant se voit imposer la même suspension que l’élève de race blanche qui a provoqué l’affrontement. Ils croient que quelque chose se cache derrière la façon dont leur enfant est traité[184].

Un conseiller au sein d’un programme d’emploi pour les jeunes a indiqué ce qui suit : [TRADUCTION] « Parfois, les parents sont traités de la même manière que les élèves. Certains parents m’ont dit qu’ils s’étaient rendus à l’école pour tenter de régler le problème et qu’on leur avait demandé de façon désobligeante de quitter les lieux[185] ». Un avocat qui représente des élèves de race noire partage le même avis :

[TRADUCTION]

[L]es parents sont tout à fait visés. Les enfants se feront imposer une suspension, mais les parents se verront interdire l’accès à l’école et feront eux-mêmes l’objet de mesures assez agressives [...] [Les] stéréotypes racistes sous-jacents des directeurs et enseignants [...] apparaissent au moment où la mère de race noire se présente à l’école. Celle-ci tente simplement de parler de ce qui se passe. Cependant, son attitude est immédiatement considérée violente, hystérique et menaçante. Si [une mère de race blanche] se présentait à l’école et agissait comme moi, un dialogue pourrait être établi[186] ».

Un avocat d’une clinique juridique qui dessert la communauté noire a aussi indiqué que certains parents se sont vu interdire l’accès à l’école au moment de défendre les droits de leurs enfants et que l’école avise même parfois la société d’aide à l’enfance :

[TRADUCTION]

Il y a un autre problème énorme : si les parents défendent leurs enfants en s’affirmant ou en refusant de collaborer, les écoles appellent parfois la société d’aide à l’enfance. L’école reproche aux parents de ne pas avoir discipliné l’enfant convenablement. Dans quatre de mes six dossiers actuels, on a appelé la société d’aide à l’enfance. Dans tous les cas, celle-ci a fait enquête et conclu que la plainte était non fondée et le dossier a été classé. Dans un des cas, l’école voulait que l’enfant soit désigné comme élève souffrant d’hyperactivité avec déficit de l'attention et qu’on lui prescrive des médicaments, mais le parent a refusé de collaborer et on a appelé la société d’aide à l’enfance[187].

2. Élèves d’origine tamoule

Le coordonnateur d’un centre de jeunesse tamoul a précisé que, dans certaines écoles de la RGT, si des élèves d’origine tamoule se battent contre des élèves d’un autre groupe, ils se voient imposer une suspension alors que les élèves de l’autre groupe s’en tirent indemnes. Il a remarqué que cela était arrivé dans une école à quatre ou cinq reprises et qu’une telle situation ne se produisait que dans certaines écoles[188].

3. Élèves autochtones

Il semble y avoir une perception selon laquelle les élèves autochtones ne sont pas traités de la même manière que d’autres élèves en ce qui concerne l’application des mesures disciplinaires. Selon un avocat d’une clinique juridique desservant la communauté autochtone, si un élève autochtone se bat contre un autre élève, [TRADUCTION] « notre expérience démontre que c’est l’élève autochtone qui se fait renvoyer, à moins que les deux élèves soient d’origine autochtone[189] ». Un analyste des politiques en matière d’éducation travaillant au sein d’un organisme des Premières nations du nord de l’Ontario dit constater des situations dans lesquelles des élèves appartenant à différents groupes raciaux commettent la même infraction, mais où les élèves autochtones sont traités plus sévèrement, comme dans la situation suivante :

[TRADUCTION]

On a surpris cinq élèves (deux élèves autochtones et trois élèves de race blanche) à prendre de la drogue ensemble. Conformément à la politique, ils auraient tous dû recevoir la même sanction. Or les deux élèves autochtones ont été suspendus pendant cinq jours, un des élèves de race blanche a été suspendu pendant trois jours et les deux autres élèves ne se sont vu imposer aucune suspension. L’école a indiqué aux parents des élèves autochtones que les deux élèves de race blanche n’avaient pas été suspendus parce qu’ils s’étaient présentés en premier[190].

4. Élèves d’origine latino-américaine

Selon un travailleur communautaire d’une clinique juridique desservant la communauté latino-américaine, les parents d’origine latino-américaine sont d’avis que leurs enfants font l’objet de mesures disciplinaires en raison du racisme, puisque les administrateurs scolaires choisissent toujours de croire l’élève de race blanche plutôt que l’élève d’origine latino-américaine, ou parce que l’élève de race blanche est moins sévèrement puni que l’élève d’origine latino-américaine pour la même infraction. En voici un exemple :

[TRADUCTION]

Dans un cas, un élève de race blanche avait attaqué un élève d’origine latino-américaine. Les parents de l’élève d’origine latino-américaine voulaient que l’élève de race blanche soit suspendu, mais l’école a simplement indiqué que tout le monde devait se calmer et qu’il serait possible de régler le problème sans avoir recours à une suspension. Je ne reçois jamais d’appels de la part de parents parce que l’école veut régler un problème lorsqu’un élève d’origine latino-américaine s’est mal comporté[191].

5. Élèves handicapés

Plusieurs sujets interrogés croient que la Loi sur la sécurité dans les écoles facilite la discrimination contre les élèves handicapés. Selon un conseiller en comportement d’un conseil scolaire du nord de l’Ontario, la Loi ne protège plus autant les droits des élèves en difficulté, lesquels sont minoritaires, protégeant plutôt les droits de la majorité :

[TRADUCTION]

Il y a quelques années, l’éducation de l’enfance en difficulté était axée sur les besoins de l’élève en difficulté. De nos jours, les administrateurs scolaires disent qu’ils doivent penser aux autres. Par conséquent, les besoins de l’élève ont cédé le pas aux besoins du groupe majoritaire. Ainsi, afin de répondre aux attentes de la Loi sur la sécurité dans les écoles, les décisions visent à protéger la majorité plutôt que les besoins individuels des enfants[192].

Le conseiller a aussi indiqué que la Loi [TRADUCTION] « vise en fait » les élèves ayant des troubles affectifs ou de comportement et [TRADUCTION] « les exclut effectivement des programmes ordinaires[193] ». Le directeur exécutif d’un centre de santé mentale pour enfants partage l’avis selon lequel la Loi est elle-même discriminatoire parce qu’elle vise expressément les élèves ayant des troubles affectifs et d’apprentissage[194]. Le coordonnateur d’un groupe qui défend les intérêts des élèves handicapés croit aussi que ces derniers attirent l’attention et sont traités différemment en vertu de la Loi, en raison de leur apparence ou comportement différent[195].

B. Discrimination directe

1. Élèves de race noire

Très peu de sujets interrogés croient qu’il existe une discrimination intentionnelle et directe généralisée contre les élèves de race noire, mais certains estiment qu’elle existe. La directrice exécutive d’une clinique juridique au service des enfants et des jeunes soutient qu’il existe un [TRADUCTION] « véritable » racisme[196]. Selon un conseiller scolaire, [TRADUCTION] « certains enseignants et éducateurs sont racistes[197] ». D’après un avocat qui représente des élèves, [TRADUCTION] « le racisme est involontaire dans l’ensemble mais peut être délibéré dans certains cas[198] ». Un travailleur social auprès des jeunes à risque d’une école secondaire a l’impression qu’il existe à la fois de la discrimination intentionnelle et de la discrimination involontaire :

[TRADUCTION]

J’ai entendu des commentaires au sujet de certains groupes qui semblent discriminatoires. Lorsqu’il y a une politique comme celle sur la sécurité dans les écoles, je m’inquiète de la façon dont le pouvoir discrétionnaire est utilisé. Je ne veux pas paraître complètement pessimiste. En règle générale, je crois que les gens se préoccupent des autres et veulent que les élèves réussissent. Toutefois, il y a certainement des décisions qui me préoccupent parce qu’elles me semblent discriminatoires[199].

Selon un avocat d’une clinique juridique qui dessert la communauté noire, même si la discrimination est involontaire, elle est tout de même directe : [TRADUCTION] « Ça commence habituellement par un enseignant. Nous constatons que les enfants de race noire ne disposent pas d’une marge d’erreur. Certains enseignants et directeurs ont des présomptions et des stéréotypes au sujet des enfants de race noire. La discrimination peut être involontaire, mais elle agit selon leurs attentes à l’égard des garçons de race noire. J’estime qu’il s’agit là de la discrimination directe[200] ».

Quelques sujets interrogés soulignent qu’il existe des règles de discipline sur les cheveux et la tenue vestimentaire qui, selon certains, visent expressément les élèves de race noire. Un travailleur communautaire d’un organisme de services sociaux desservant des jeunes d’origine antillaise et de race noire précise ce qui suit :

[TRADUCTION]

[Les élèves de race noire] ont l’impression d’être pris à partie. Ils se sentent visés par certaines règles. Par exemple, dans le livre de règlements [d’une école secondaire], il y a une règle qui interdit essentiellement aux élèves de mettre un peigne ou une pointe dans leurs cheveux. Selon les élèves, la règle visait manifestement les Noirs. Ils se sont sentis ciblés en tant qu’élèves de race noire, parce que les élèves appartenant à d’autres groupes raciaux ne mettent pas de tels objets dans leurs cheveux. On a demandé à certains élèves de suivre cette règle. À leur avis, la règle était ainsi discriminatoire à leur égard[201].

Un ancien conseiller en équité auprès d’un conseil scolaire de la RGT indique ce qui suit : [TRADUCTION] « Je ne comprends pas pourquoi les écoles mettent l’accent sur les chapeaux et sur ce que les enfants portent à l’école. Lors d’un forum sur la diversité, il y avait une personne qui ne pouvait arrêter de parler des pantalons bouffants [...] Ceux-ci irritent les enseignants car ils sont considérés comme une forme de résistance aux autorités scolaires. La question de la tenue vestimentaire appropriée n’est pas soulevée aussi souvent à l’égard des autres groupes [raciaux][202] ». Un conseiller scolaire se plaint que les élèves de race noire sont suspendus pour avoir [TRADUCTION] « porté un foulard de tête, lequel peut être considéré comme l’attirail d’un membre d’une bande, sans qu’il ne soit tenu compte de la question de la culture pop nord-américaine et de la façon dont les enfants en sont captifs[203] ». Un conseiller au sein d’un programme d’emploi pour les jeunes a donné un exemple concret d’un élève de race noire suspendu pour avoir porté une amulette :

[TRADUCTION]

Il y avait un élève africain qui portait quelque chose que l’enseignant trouvait offensant, mais l’élève estimait que l’objet faisait partie de sa culture [...] Il portait une tenue africaine, mais c’était le collier qu’il avait au cou que l’enseignant trouvait offensant, même s’il n’en comprenait pas la signification et qu’il s’en fichait par ailleurs. Il s’agissait d’une amulette africaine; selon l’enseignant, le symbole était inquiétant[204].

Fait révélateur, le coordonnateur d’un centre de jeunesse tamoul précise que les administrateurs scolaires se plaignent également des vêtements hip hop que portent les jeunes d’origine tamoule[205].

D’autres sont d’avis que l’effet disproportionné sur les élèves de race noire pourrait être attribué aux suspensions imposées pour des infractions plus « subjectives », là où les stéréotypes et les préjugés raciaux peuvent jouer un rôle plus important dans la prise de décisions. En fait, certaines études américaines démontrent que les élèves de couleur font le plus souvent l’objet de mesures disciplinaires relativement aux infractions les plus subjectives, par exemple, pour avoir [TRADUCTION] « semé le trouble à l’école », « défié les autorités ou manqué de respect envers celles-ci »[206]. La situation pourrait être similaire en Ontario. Bien que plusieurs sujets interrogés aient précisé que les élèves de race noire se font suspendre pour s’être battus ou avoir commis des actes de violence, plusieurs ont aussi indiqué qu’ils sont suspendus pour des infractions plus subjectives, comme le manque de respect envers l’enseignant ou la mise en doute de l’autorité.

2. Élèves handicapés

Plusieurs sujets interrogés sont d’avis que la Loi sur la sécurité dans les écoles et ses règlements d’application[207] permettent aux directeurs et aux conseils scolaires d’établir une discrimination directe contre les élèves handicapés, parce qu’ils peuvent suspendre ou renvoyer un élève pour un comportement lié à son incapacité. Un avocat d’une clinique juridique au service des personnes handicapées précise ce qui suit :

[TRADUCTION]

Premièrement, en ce qui concerne les suspensions et renvois, [la Loi sur la sécurité dans les écoles] n’empêche pas les écoles de suspendre ou de renvoyer des élèves handicapés lorsque le comportement reproché est lié à l’incapacité de l’enfant. Elle ne l’interdit pas. Elle prévoit expressément que le directeur peut imposer une suspension et un renvoi dans une telle situation. Lorsque le comportement est directement lié à l’incapacité, il devrait être excusable, mais la Loi sur la sécurité dans les écoles prévoit que, même dans un tel cas, le directeur peut suspendre ou renvoyer l’élève. Il y a alors discrimination directe fondée sur l’incapacité [...] Lorsque le comportement d’une personne résulte de son incapacité, la suspendre ou la renvoyer pour ce comportement revient à la suspendre ou à la renvoyer en raison de son incapacité. Le Code des droits de la personne indique très clairement que la suspension ou le renvoi d’une personne en raison de son incapacité est discriminatoire. Cependant, la Loi sur la sécurité dans les écoles prétend légitimiser les mesures prises par un directeur ou un conseil scolaire.

[...]

L’école devrait se préoccuper des comportements qui ont lieu même lorsque des mesures d’adaptation existent. Punir un enfant pour des comportements liés à son incapacité et qu’il ne peut contrôler n’a aucun sens. Dans une telle situation, on ne peut justifier l’imposition d’une sanction à l’enfant. Celui-ci ne peut rien se faire enseigner ou apprendre dans une telle situation[208]. [C’est moi qui souligne.]

Il se sert de l’exemple d’un élève ayant le syndrome de la Tourette :

[TRADUCTION]

J’ai entendu les avocats du conseil scolaire se servir à l’excès de l’exemple du syndrome de la Tourette pour affirmer que, lorsqu’un élève a le syndrome de la Tourette, ce qui explique par ailleurs pourquoi il dit des grossièretés, le recours à la Loi sur la sécurité dans les écoles ne serait pas nécessaire. Néanmoins, la Loi sur la sécurité dans les écoles permet au directeur d’imposer des mesures disciplinaires à l’enfant ayant le syndrome de la Tourette qui a dit des grossièretés. Aucune disposition de la Loi ne l’interdit, tandis que le Code des droits de la personne interdit sûrement l’imposition de mesures disciplinaires à un enfant pour un tel comportement[209].

Selon un avocat d’une clinique juridique communautaire située au nord-est de la RGT, le ministère de l’Éducation et les conseils scolaires [TRADUCTION] « souscrivent au point de vue qui existait avant la Charte et selon lequel les personnes se trouvant dans des situations similaires devraient être traitées de façon similaire. Dans le cas des élèves, tous les élèves se trouvent dans des situations similaires parce qu’ils sont des élèves, de sorte qu’ils devraient être traités de façon similaire[210] ».

La directrice exécutive d’une clinique juridique au service des enfants et des jeunes soutient également que la Loi sur la sécurité dans les écoles et ses règlements d’application permettent d’établir une discrimination directe :

[TRADUCTION]

[Les] règlements ne sont pas conformes au Code des droits de la personne. Par exemple, dire des grossièretés à un enseignant est une infraction entraînant une sanction obligatoire. À mon avis, en vertu du Code, il est interdit de suspendre un élève ayant le syndrome de la Tourette à moins de lui avoir fourni des mesures d’adaptation. Toutefois, les règlements ne mentionnent pas les mesures d’adaptation; ils indiquent simplement que la suspension n’est pas obligatoire. Les règlements comportent de graves lacunes car ils ne prévoient pas qu’il est interdit d’imposer une suspension à moins d’avoir fourni des mesures d’adaptation, tel que l’exige le Code des droits de la personne. Rares sont les directeurs d’école qui iraient au-delà des règlements pour examiner le Code. En fait, on ne peut, en toute justice, s’attendre à ce qu’ils examinent et saisissent la superposition des différents régimes juridiques[211].

Elle croit aussi que le défaut d’exiger la prise de mesures d'adaptation raisonnables entraîne inévitablement de la discrimination : [TRADUCTION] « [l]e traitement identique des élèves constitue de la discrimination. Il y a discrimination si vous n’avez pas tenté de fournir des mesures d’adaptation raisonnables à l’élève handicapé dans la mesure où celles-ci n’imposent pas de contrainte excessive[212] ».

Le directeur exécutif d’un organisme qui dessert les personnes ayant le syndrome de la Tourette confirme que les élèves ayant le syndrome de la Tourette qui disent des grossièretés se voient imposer des suspensions :

[TRADUCTION]

L’usage de jurons est une [infraction] qui est très mal comprise. Des parents me disent que certains enfants souffrant de coprolalie sont suspendus pour avoir dit des grossièretés. La coprolalie est le terme médical qui désigne l’expression de mots obscènes [...] La coprolalie [...] ne vise personne. Elle se manifeste au milieu d’une phrase. Elle est tout à fait hors contexte. Nous devons transmettre le message que ces mots et gestes ne visent personne. Il est très difficile pour l’enseignant de devoir expliquer ce concept au reste de la classe. La situation est difficile pour le parent d’un enfant dans cette salle de classe qui entend ces choses-là. Il se peut que le parent estime que de telles choses ne conviennent pas aux oreilles de son enfant. Entre adultes raisonnables, il faut discuter de ce qui se passe et expliquer la situation. Les éducateurs doivent savoir de quoi il s’agit vraiment[213].

Un conseiller en comportement d’un conseil scolaire du nord de l’Ontario a aussi constaté de telles situations et a précisé ce qui suit : [TRADUCTION] « [l]e pouvoir d’appréciation appartient au directeur, qui décide alors que les grossièretés n’ont rien à voir avec le syndrome de la Tourette et qu’elles ont été dites intentionnellement[214] ».

C. Discrimination systémique

1. Élèves de race noire

La plupart des sujets interrogés croient que la discrimination systémique constitue le facteur principal menant au nombre disproportionné de suspensions et de renvois chez les élèves de race noire. Des études effectuées à Toronto au cours des deux dernières décennies démontrent que les élèves de race noire sont orientés de manière disproportionnée vers les classes de niveau fondamental et les classes pour l’enfance en difficulté, qu’ils quittent l’école plus tôt et qu’ils abandonnent leurs études en nombres disproportionnés[215]. On croit que les facteurs systémiques qui entraînent un effet disproportionné sur les élèves de race noire à cet égard entraînent également un effet disproportionné sur les élèves de race noire pour ce qui est des suspensions et des renvois[216].

La présidente d’une organisation de parents d’enfants de race noire est d’avis qu’il existe une ligne de démarcation bien établie entre, d’une part, les obstacles systémiques dans le système d’éducation et, d’autre part, la suspension et le renvoi des élèves de race noire :

[TRADUCTION]

J’ai l’impression que nous avons dû travailler aussi fort et exercer des pressions et défendre des intérêts aussi vigoureusement en raison des obstacles systémiques. Nous avons demandé des changements structurels et profonds en vue d’obtenir un système d’éducation ouvert à tous et fondé sur l’équité et la lutte contre le racisme, où tous nos élèves seront traités équitablement et iront à l’école en pensant qu’ils font partie du milieu. Ils doivent pouvoir se reconnaître dans le programme d’enseignement. Nous croyons que de nombreux changements systémiques sont nécessaires. Il me semble que les suspensions et renvois découlent des stéréotypes et des faibles attentes à l’égard de nos élèves. Tout est lié aux suppositions racistes et à la façon dont ces élèves sont perçus comme les fauteurs de troubles dans la classe[217].

La directrice exécutive d’une clinique juridique au service des enfants et des jeunes constate aussi une corrélation entre la discrimination systémique et la discipline :

[TRADUCTION]

Il y a une discrimination systémique. Les enfants immigrants et les enfants de différentes origines culturelles doivent, avec d’autres enfants, subir des épreuves de dépistage en troisième année. Ces épreuves sont conçues pour les élèves de race blanche de la classe moyenne. Il se peut que les résultats d’épreuves ne les placent pas dans la catégorie des enfants en difficulté, mais on considère qu’ils ont un Q.I. moins élevé et on entretient des attentes moins élevées à leur égard [...] Tout cela mène à une moins bonne estime de soi, laquelle entraîne à son tour d’autres mauvais comportements, suivis des suspensions et renvois et de l’abandon scolaire[218].

Un avocat d’une clinique juridique qui dessert la communauté noire a indiqué que les écoles ne se demandent jamais si des facteurs systémiques sont la cause du mauvais comportement de l’élève :

[TRADUCTION]

La discrimination est systémique parce que la majorité des enseignants et des directeurs sont de race blanche et le programme d’enseignement n’est pas global. Elle peut avoir une incidence sur les liens des élèves avec l’école et sur leur participation scolaire. Si un élève de race noire est touché par la discrimination systémique et commence ensuite à mal se comporter, on ne tient pas compte de la discrimination. Elle n’est pas considérée comme une raison sous-jacente du comportement. On met l’accent uniquement sur le comportement de l’élève et on n’en examine pas les causes[219].

Le directeur de cours de la faculté d’éducation d’une université ontarienne explique qu’il en est ainsi parce que la Loi sur la sécurité dans les écoles et les politiques de tolérance zéro sont l’expression de la notion archaïque selon laquelle l’équité s’entend d’un traitement identique :

[TRADUCTION]

Je crois que les problèmes systémiques permettent au directeur et à l’enseignant d’agir conformément à leurs stéréotypes plutôt que de combattre ces derniers. Aucun directeur ou enseignant ne dirait qu’il impose une suspension en se fondant sur la couleur de la peau ou la race, mais personne ne prend le temps de se demander pourquoi tant d’élèves qui s’attirent des ennuis et qui sont envoyés au bureau du directeur sont de race noire. Les gens choisissent de penser que tout le monde est traité de la même manière, de sorte qu’ils ne posent jamais les questions les plus importantes. En ne se demandant jamais pourquoi certaines choses se passent ainsi, on maintient en fait la situation d’inégalité[220].

2. Élèves autochtones

Les sujets interrogés ont indiqué que les facteurs systémiques étaient la cause de l’effet disproportionné sur les élèves autochtones. Selon un intervenant du tribunal de la jeunesse travaillant dans une clinique juridique qui dessert la collectivité autochtone, la Loi sur la sécurité dans les écoles ne prévoit rien pour intégrer la perspective autochtone : [TRADUCTION] « [E]lle est punitive alors que, du point de vue autochtone, elle devrait favoriser davantage un processus décisionnel collectif. Le directeur adjoint ou la personne responsable impose le fardeau de la preuve au jeune. La décision n’est pas collective et la loi n’a aucun sens du point de vue autochtone. Les enfants autochtones sont habitués à l’intervention de la collectivité[221] ».

3. Élèves handicapés

Plusieurs sujets interrogés ont indiqué que le défaut répété d’offrir des mesures d’adaptation aux élèves handicapés au sein du système scolaire en Ontario est le principal facteur systémique menant à l’application disproportionnée des suspensions et renvois. Par ailleurs, certains sont d’avis que la Loi sur la sécurité dans les écoles vient renforcer la résistance à offrir des mesures d’adaptation parce qu’elle donne aux écoles et aux conseils scolaires un autre moyen d’exclure des élèves.

Le coordonnateur d’un groupe qui défend les intérêts des élèves handicapés a précisé que [TRADUCTION] « [les élèves handicapés] ont dû subir une ségrégation pendant des années parce qu’ils n’ont pas obtenu [...] les mesures d’adaptation dont ils avaient besoin ». Bien que l’obligation légale de fournir des mesures d’adaptation aux élèves dans les classes ordinaires ait pris plus d’importance au fil des années, [TRADUCTION] « [les directeurs] disposent maintenant d’un autre outil, soit la Loi sur la sécurité dans les écoles [...], qui leur permet de dire : « votre enfant peut être ici, mais je peux l’expulser si les choses vont mal »[222] ». Selon un conseiller en comportement d’un conseil scolaire du nord de l’Ontario, la Loi est utilisée comme une [TRADUCTION] « menace voilée » : [TRADUCTION] « [P]lusieurs directeurs imposent des suspensions « informelles », en vertu desquelles on exerce des pressions sur les parents pour que leurs enfants demeurent à la maison. Il y a une relation de coercition entre les autorités scolaires et les parents[223] ».

Selon un avocat d’une clinique juridique au service des personnes handicapées, les écoles ne considèrent jamais leur défaut d’offrir des mesures d’adaptation comme une cause du comportement ayant mené à la suspension ou au renvoi :

[TRADUCTION]

L’école ne semble jamais se pencher sur ce qui s’est passé et se demander si son défaut d’offrir des mesures d’adaptation est en fait l’un des facteurs de causalité liés au comportement reproché. En n’offrant aucune mesure d’adaptation, l’école agit d’une manière qui contribue à causer le comportement dont elle se sert ensuite pour justifier le recours aux dispositions de la Loi sur la sécurité dans les écoles relatives aux suspensions ou renvois[224].

4. Compression des ressources

Certains sujets interrogés sont d’avis que la réduction des mesures de soutien destinées aux élèves qui a été apportée en même temps que la mise en œuvre des politiques de tolérance zéro pour les mauvais comportements exacerbe l’effet sur les élèves à risque. Depuis 2001, en raison des compressions budgétaires, le TDSB a dû réduire considérablement ou éliminer une partie de son effectif, lequel comprend les postes suivants : conseillers en matière de sécurité dans les écoles, conseillers communautaires, conseillers à la jeunesse, conseillers d’assiduité et travailleurs sociaux. Des compressions importantes ont aussi été apportées entre 1998 et 2001[225]. Selon un conseiller scolaire, la Loi sur la sécurité dans les écoles et les compressions ont créé ensemble la trajectoire suivante :

[TRADUCTION]

Avec la réduction des ressources, les élèves à risque deviennent encore plus à risque. Lorsqu’il y a moins de soutien d’une façon générale, ce sont les enfants qui ont le plus besoin de ce soutien qui sont les plus à risque. Ensuite, vous avez une politique qui met l’accent sur la punition plutôt que sur la prévention. C’est précisément ce que fait la Loi sur la sécurité dans les écoles. Si un enfant manifeste ces comportements, la loi ne désigne pas au directeur le programme dans lequel l’enfant doit être placé. Si l’enfant manifeste ces comportements, la loi prévoit qu’il peut être suspendu ou renvoyé[226].

Selon un travailleur social auprès des jeunes à risque d’une école secondaire, le taux de suspension plus élevé peut s’expliquer au moins en partie par la perte de mesures de soutien dans le système scolaire : [TRADUCTION] « Il est symptomatique des compressions apportées au sein du système. Depuis déjà un certain temps, il n’y a pas suffisamment de ressources dans les départements d'éducation de l'enfance en difficulté, de sorte que je ne sais pas si seules les compressions récentes sont à blâmer. Les enseignants se sentent très stressés et les écoles ne savent plus quoi faire, alors ils imposent des suspensions aux élèves[227] ».

Selon un représentant supérieur d’un conseil scolaire de la RGT, il n’y a pas de lien direct entre la réduction des services et l’augmentation du nombre de suspensions et de renvois, mais les compressions ont réduit la capacité des écoles d’aider les élèves à risque : [TRADUCTION] « Je peux certainement affirmer qu’on exerce une pression sur les écoles et les directeurs, afin qu’ils travaillent avec les élèves et familles en situation de crise ou ayant besoin d’une intervention d’appoint. À mon avis, certaines des réductions n’améliorent pas les choses[228] ».

Le coordonnateur d’un centre de jeunesse tamoul croit que les compressions ont nettement exacerbé l’effet des suspensions et renvois sur les élèves d’origine tamoule :

[TRADUCTION]

Il y a trois ans, le Toronto District School Board avait au moins quatre ou cinq employés de soutien d’origine tamoule, qui étaient soit des conseillers, soit des intervenants auprès de la jeunesse. Présentement, il n’y a aucun employé de soutien d’origine tamoule au TDSB qui fait ce genre de travail. Deux d’entre eux étaient des conseillers d’orientation qui avaient été engagés pour offrir de l’aide dans les situations impliquant des élèves ou des familles d’origine tamoule, notamment lorsqu’il y avait des obstacles linguistiques. Un autre était intervenant auprès de la jeunesse. Pour nous, la perte de ce dernier a été la plus importante, parce qu’il s’occupait directement des suspensions et des renvois [...] Lorsqu’il y avait une suspension de vingt jours, l’intervenant auprès de la jeunesse était là. Il aidait l’élève à trouver une nouvelle école, travaillait avec ce dernier à la nouvelle école et veillait à ce qu’il termine convenablement l’année scolaire. Maintenant, ça ne se passe plus comme ça. En vertu du protocole visant à assurer la sécurité dans les écoles, l’élève est transféré dans une nouvelle école mais ne bénéficie d’aucun soutien. Il est laissé pour compte[229].

D. Motifs de discrimination multiples et croisés

Comme nous l’avons vu ailleurs dans le présent document, des études démontrent que les élèves de race noire sont représentés de façon disproportionnée dans les classes pour l’enfance en difficulté[230]. Il serait donc logique de conclure que les suspensions et renvois toucheraient encore plus durement les élèves de race noire dans les classes pour l’enfance en difficulté. En outre, d’autres facteurs, tels que la pauvreté et le statut d’immigrant ou de réfugié, pourraient aggraver la situation.

Plusieurs sujets interrogés croient effectivement que d’autres facteurs, tels que la pauvreté et le statut d’immigrant ou de réfugié, sont des facteurs de causalité importants qui, à tout le moins, exacerbent l’effet sur les élèves issus de minorités raciales. Selon un analyste des politiques d’une clinique juridique desservant la communauté noire, bien que d’autres facteurs soient importants, la race est le facteur déterminant pour les élèves de race noire :

[TRADUCTION]

L’effet comporte plusieurs couches. Il varie selon l’accent, la nationalité, la classe sociale et le sexe. Tous ces facteurs ont un rôle à jouer, mais la question sous-jacente est celle de savoir ce que représente le fait d'être Noir. Par exemple, les enfants d’origine somalienne peuvent éprouver des difficultés en raison de leur accent, mais les enfants dont la famille est ici depuis des générations éprouvent eux aussi des difficultés. Le racisme apparaît dans toutes ces situations. Je travaille tant avec les enfants nés ici qu’avec les immigrants. Le racisme semble être partout. Tous les enfants de race noire sont victimes de racisme dans les écoles. Celui-ci touche toutes les classes sociales. J’ai visité des écoles privées. Bien que la Loi ne s’applique pas aux écoles privées, les enfants de race noire font face aux mêmes problèmes. Nous constatons encore bon nombre des mêmes stéréotypes et problèmes. La classe sociale peut offrir une certaine protection, mais elle ne vous protège pas du racisme[231].

En fait, il existe aux États-Unis des études multivariées démontrant que, même si l’on tient compte du statut socio-économique, les élèves de race noire sont encore visés de façon disproportionnée par les suspensions[232].

Cependant, certains sujets interrogés sont d’avis que d’autres facteurs, tels que la pauvreté ou le statut d’immigrant, sont des facteurs de causalité aussi importants que la race. Un conseiller scolaire précise ce qui suit : [TRADUCTION] « Je crois que d’autres facteurs, tels que la pauvreté ou le statut d’immigrant, sont extrêmement importants [...] Il y a de multiples préjugés dans le système[233] ». Un travailleur des services à la famille d’un organisme de services sociaux qui dessert les communautés noire et antillaise a déclaré ce qui suit :

[TRADUCTION]

À mon avis, lorsque les enfants viennent au Canada, ils éprouvent des difficultés parce que la question de la réunification avec la culture et de l’adaptation n’est pas abordée. Je constate qu’un enfant peut aller à l’école en ayant plusieurs problèmes différents (économiques et sociaux) et que, lorsqu’un problème de comportement se présente, on le considère étrange et on ne prend pas le temps de comprendre ce qui se passe [...] J’ai l’impression qu’il existe des préjugés fondés sur la race. La situation est pire si vous recevez de l’aide sociale. L’enfant dont on sait qu’il est pauvre, Noir et immigrant est plus ciblé en raison de son statut socio-économique[234].

D’après le président d’un organisme de services sociaux musulman situé dans une collectivité multiraciale à faible revenu, les parents immigrants, surtout s’ils sont pauvres, ont souvent plus de mal à défendre les intérêts de leurs enfants, ce qui accentue l’effet disproportionné sur l’élève de race noire :

[TRADUCTION]

Un parent m’a raconté qu’un enfant de race noire et un enfant de race blanche s’étaient battus, mais qu’on avait permis à l’enfant de race blanche de retourner à l’école avant l’enfant de race noire, même si l’enfant de race blanche avait provoqué l’affrontement. J’en conclus que le parent de race blanche s’exprime beaucoup mieux que le parent immigrant qui ne comprend pas comment le système fonctionne. Plus vous connaissez le système, mieux ils vous traitent. La grande majorité des enfants suspendus ont des parents qui ne connaissent pas le système. Voilà une des principales raisons de cette inégalité. Les parents immigrants sont incapables de défendre les droits de leurs enfants[235].

Selon le directeur exécutif d’un organisme de services sociaux somalien, les administrateurs scolaires omettent souvent de tenir compte des antécédents de réfugié des élèves d’origine somalienne au moment d’appliquer des mesures disciplinaires pour de mauvais comportements :

[TRADUCTION]

Les enseignants observent les politiques qui sont censées s’appliquer aux enfants en temps normal. Dans certaines situations, un enfant d’origine somalienne n’agit pas de façon normale parce qu’il vient de passer du temps dans des camps de réfugiés [...] Nous disons aux éducateurs que l’enfant n’agit pas de façon normale en raison de la situation qu’il a connue. Je leur présente des photos de la Somalie montrant un enfant courant dans la même direction que des soldats américains qui tirent des coups de feu, un enfant tenant un pistolet et des enfants qui regardent des cadavres. J’essaie de dire aux éducateurs qu’ils devraient, au moment d’appliquer les politiques, se rappeler d’où viennent les enfants d’origine somalienne[236].

Il a aussi précisé que certains parents d’origine somalienne croient qu’ils sont défavorisés à trois égards : [TRADUCTION] « Plusieurs parents nous disent que la race et les antécédents ont un rôle à jouer. Certains parents nous disent qu’ils ont un triple handicap parce qu’ils sont noirs, des immigrants et des Musulmans[237] ».


[178] Précité, note 160 à la p. 1.
[179] Précité, note 167 à la p. 3.
[180] Précité, note 11 à la p. 1.
[181] Précité, note 127 à la p. 2.
[182] Précité, note 116.
[183] Précité, note 128 à la p. 1.
[184] Précité, note 30 à la p. 3.
[185] Précité, note 11 à la p. 1.
[186] Précité, note 151, 11 avril 2003, aux pp. 1 et 2.
[187] Précité, note 13 à la p. 2.
[188] Précité, note 17 à la p. 2.
[189] Précité, note 132 à la p. 1.
[190] Précité, note 15 à la p. 1.
[191] Précité, note 133 aux pp. 1 et 2.
[192] Précité, note 19, 13 mai 2003, à la p. 2.
[193] Ibid., à la p. 1.
[194] Précité, note 29 à la p. 2.
[195] Précité, note 142 à la p. 4.
[196] Précité, note 129 à la p. 3.
[197] Précité, note 12 à la p. 2.
[198] Précité, note 151, 11 avril 2003, à la p. 3.
[199] Précité, note 167 à la p. 3.
[200] Précité, note 13 à la p. 2.
[201] Précité, note 160 à la p. 1.
[202] Entrevue, 17 avril 2003, p. 2.
[203] Précité, note 12 à la p. 3.
[204] Précité, note 11 à la p. 2.
[205] Précité, note 17 à la p. 3.
[206] Opportunities Suspended, précité, note 90 aux pp. 7 et 8; K. Carrillo, « Suspend Negative Behaviours, not Students who Perform Them », Albuquerque Journal, 20 décembre 2001. Voir l’annexe I, onglet 33. En ligne à http://www.abqjournal.com/opinion/guest_columns/guest12-20-01.htm.
[207] Loi sur l’Éducation, précitée, note 42, aux par. 306(5) et 309(3); Règl. de l’Ont. 106/01, art. 1; Règl. de l’Ont. 37/01, art. 2.
[208] Entrevue, 10 avril 2003, p. 2.
[209] Ibid. à la p. 5.
[210] Précité, note 18 à la p. 6.
[211] Précité, note 129 à la p. 5.
[212] Ibid. à la p. 3.
[213] Précité, note 19, 14 mai 2003, à la p. 2.
[214] Ibid., 13 mai 2003, à la p. 2.
[215] Voir, par ex., S. Larter, S. Draffin, M. Power et M. Cheng, Identification, placement and review process: Parent's/Guardian's opinions (Report # 179), Toronto, The Board of Education for the City of Toronto, Information Services Division, 1986; M. Cheng, G. Tsuji, M. Yau et S. Ziegler, The every secondary student survey, Fall 1987 (Report # 191), Toronto, Research Section, Toronto Board of Education, 1989; M. Cheng, M. Yau et S. Ziegler, The 1991 every secondary student survey, part II: Detailed profiles of Toronto’s secondary school students (Report #204), Toronto, Research Services, Toronto Board of Education, 1993; G. Dei, J. Mazzuca, E. McIsaac et R. Campbell, Drop-Out or Push Out? The Dynamics of Black Students Disengagement from School, Toronto, University of Toronto Press, 1995; K. Braithwaite et C. James, éd., Educating African Canadians, Toronto, James Lorimer, 1996; G. Dei, J. Mazzuca, E. McIsaac et J. Zine, Reconstructing “Drop-Out”: A Critical Ethnography of the Dynamics of Black Students Disengagement from School, Toronto, University of Toronto Press, 1997.
[216] Par exemple, un avocat qui représente des élèves indique ce qui suit : [TRADUCTION] « [D]e la même manière que les enfants de race noire ont été traditionnellement orientés vers les écoles techniques parce qu’on croyait que là était leur place naturelle, ces mêmes attitudes ont un effet sur les questions de discipline ». Précité, note 151, 24 avril 2003 à la p. 2.
[217] Précité, note 30 à la p. 3.
[218] Précité, note 129 à la p. 3.
[219] Précité, note 13 à la p. 2.
[220] Précité, note 130 aux pp. 2 et 3.
[221] Entrevue, 3 avril 2003, p. 2.
[222] Précité, note 142 à la p. 3.
[223] Précité, note 19, 13 mai 2003, à la p. 2.
[224] Précité, note 208 à la p. 5.
[225] Aux termes de la formule de financement de l'éducation du gouvernement provincial, le Toronto District School Board a dû subir des compressions de 418 millions de dollars depuis 1998. TDSB, The Real Costs of Public Education, Toronto, TDSB, 2001-2002, à la p. 1; TDSB, Minutes, Committee of the Whole (Private Session), Report No. 14, 4 mai 2001, à la p. 454; TDSB Supervisor, Highlights of Cost Saving Management Plan, Toronto, TDSB, 2002-2003.
[226] Précité, note 146 à la p. 2.
[227] Précité, note 167 aux pp. 2 et 3.
[228] Précité, note 2, 14 mai 2003, à la p. 7.
[229] Précité, note 17 aux pp. 2 et 4.
[230] Précité, note 215.
[231] Entrevue, 3 mars 2003, p. 2.
[232] R.J. Skiba et R. Peterson, « The Dark Side of Zero Tolerance: Can Punishment Lead to Safe Schools? » (1999), 80(5) Phi Delta Kappan, aux pp. 372-382. Voir l’annexe I, onglet 32. En ligne à http://www.pdkintl.org/kappan/kski9901.htm.
[233] Précité, note 146 à la p. 2.
[234] Précité, note 127 aux pp. 1 et 2.
[235] Précité, note 14 à la p. 3.
[236] Précité, note 126 à la p. 1.
[237] Ibid. à la p. 1.

 

Discrimination Type: 

IX. Effet général

Plusieurs sujets interrogés croient que le nombre accru de suspensions et de renvois d’élèves entraîne un effet général négatif sur l’élève, sa famille, sa communauté et la société dans son ensemble. Les éléments les plus couramment relevés sont un impact psychologique négatif, la perte de scolarité, des taux d’abandon scolaire plus élevés, une tendance accrue à voir les enfants comme des délinquants, ainsi que les comportements antisociaux.

A. Impact psychologique

Certains sujets interrogés croient que les suspensions et renvois peuvent avoir un impact psychologique négatif assez grave sur l’élève. Selon un expert sur les enfants à risque d’une université ontarienne, [TRADUCTION] « les enfants qui se sont fait renvoyer ont l’impression d’être différents. Il ont l’impression de ne plus faire partie de l’enfance canadienne et cela tend à les pousser vers l’extérieur[238] ».

Un conseiller au sein d’un programme d’emploi pour les jeunes a précisé ce qui suit : [TRADUCTION] « L’estime de soi [des élèves] baisse. Ils n’avaient jamais pensé qu’ils seraient victimes de racisme ou que celui-ci existait encore, mais ils croient maintenant que c’est vrai, qu’ils sont inférieurs en raison de la couleur de leur peau. Ils se disent : vous savez, si c’est ce que les gens pensent, je vais prouver qu’ils ont raison[239] ». Un travailleur d’approche d’un centre de jeunesse tamoul souligne l’existence de problèmes psychologiques : [TRADUCTION] « Plusieurs enfants avec lesquels je travaille ont déjà des problèmes d’estime de soi; s’ils sont suspendus, ils pensent qu’ils ne réussiront pas dans la vie. Leur estime de soi chute d’un coup. Ils perdent espoir[240] ». Le président d’un organisme de services sociaux musulman a fait remarquer que [TRADUCTION] « [la suspension] attise la colère de plusieurs jeunes et les fait détester l’école [...] Ils sont humiliés devant leurs collègues lorsqu’on les suspend[241] ». Un travailleur des services à la famille d’un organisme de services sociaux qui dessert les communautés noire et antillaise précise ce qui suit : [TRADUCTION] « Ça les affecte psychologiquement [...] Plusieurs élèves n’ont pas la volonté nécessaire pour continuer [242] ». Selon le directeur exécutif d’un organisme de services sociaux somalien, [TRADUCTION] « [c]’est un stigmate qui marque l’élève[243] ».

La directrice exécutive d’une clinique juridique au service des enfants et des jeunes souligne que plusieurs enfants handicapés ont besoin de continuité (c’est-à-dire, un régime établi et prévisible), laquelle peut être brisée par une suspension, aussi courte soit-elle[244]. Selon un travailleur communautaire d’une clinique juridique au service des personnes handicapées, les enfants handicapés qui ne font l’objet d’aucune mesure d’adaptation dans le système d’éducation connaissent une baisse d’estime de soi et peuvent même devenir suicidaires[245].

B. Perte de scolarité

Plusieurs sujets interrogés soulignent que la perte de scolarité, tant présente que future, est la perte la plus concrète que subit l’élève suspendu ou renvoyé. Selon un chef de file au sein de la jeunesse, [TRADUCTION] « [s]i vous renvoyez un élève, il ne peut s’instruire, ce qui aura d'énormes conséquences néfastes[246] ». Le président d’un organisme de services sociaux musulman fait valoir que [TRADUCTION] « [l’]enfant qui est exclu de l’école n’apprendra rien[247] ». D’après un enseignant d’une école élémentaire située dans une collectivité multiraciale à faible revenu, [TRADUCTION] « [p]lus vous passez du temps en dehors d’un milieu d’apprentissage structuré, moins vous en apprenez[248] ». Selon un avocat d’une clinique juridique desservant les personnes handicapées, [TRADUCTION] « [l]orsque l’élève ne suit pas de programme scolaire, il perd du terrain sur le plan des études[249] ». Un avocat d’une clinique juridique desservant la communauté noire soutient que [TRADUCTION] « la perte de scolarité a une incidence sur leur projet de faire des études postsecondaires[250] ».

Le manuel du TDSB exige que les écoles offrent des travaux scolaires pertinents aux élèves suspendus, s'il est raisonnable et possible de le faire[251]. Un représentant supérieur d’un conseil scolaire de la RGT est convaincu que les directeurs ont la [TRADUCTION] « responsabilité morale » de s’assurer que les élèves suspendus reçoivent des travaux de rattrapage[252]. Cependant, plusieurs sujets interrogés indiquent que les élèves suspendus reçoivent rarement des travaux scolaires. Selon une conseillère scolaire, dans le quartier qu’elle représente, [TRADUCTION] « aucun [des élèves] ne reçoit de travaux de rattrapage lorsqu’il est suspendu[253] ». Un travailleur des services à la famille d’un organisme de services sociaux qui dessert les communautés noire et antillaise précise ce qui suit : [TRADUCTION] « peu [d’élèves] reçoivent des travaux à faire à la maison [...] Je ne constate aucun soutien éducatif dans la plupart des cas, à moins que les parents exercent une pression énorme sur l’école[254] ». Un conseiller au sein d’un programme d’emploi pour les jeunes a déclaré ce qui suit :

[TRADUCTION]

[Les élèves] n’ont rien à faire. On ne leur donne pas le travail qu’on est censé leur donner. Supposons qu’on ne leur donne pas suffisamment de travail. Ils ne peuvent aller à l’école parce qu’ils n’ont pas le droit d’y mettre les pieds. Ils ne peuvent rencontrer un enseignant pour obtenir le travail dont ils ont besoin. C’est insensé. Lorsque les parents tentent d’appeler l’école, soit celle-ci est fermée, soit le message qu’ils laissent reste sans réponse[255].

Selon un avocat qui représente des élèves, l’élève qui est sur le point d’être renvoyé ne reçoit pas de travaux scolaires parce que l’école ne veut pas qu’il retourne à l’école :

[TRADUCTION]

Je n’ai jamais vu un enfant obtenir des travaux de rattrapage. Je n’ai jamais entendu une école dire à un élève : « tu fais l’objet d’une suspension de vingt jours en attendant l’audience de renvoi; entre-temps, voici le travail que nous te donnons et que nous évaluerons ». L’école veut se débarrasser de l’élève et exclure ces enfants du système. Si tel est son but, pourquoi créerait-elle un environnement de soutien[256]?

Le TDSB gère quatre programmes destinés aux élèves suspendus et un programme à l’intention des élèves faisant l’objet d’un renvoi partiel[257], mais certains sujets interrogés soutiennent qu’il est difficile d’obtenir une place dans ces programmes. Le président d’un organisme de services sociaux musulman fait remarquer qu’il n’existe aucun programme parallèle pour les élèves de la prématernelle jusqu’à la sixième année : [TRADUCTION] « Il y a des lacunes dans ce groupe d’âge au niveau des services et programmes disponibles. Les programmes actuels ne visent que les élèves suspendus de septième année et des années supérieures et il n’y a rien pour les élèves des années inférieures. Or dans certaines écoles, avec l’entrée en vigueur de la loi de tolérance zéro, on impose désormais des suspensions dès la prématernelle et jusqu'en sixième année[258] ».

Un conseiller scolaire a indiqué qu’après la septième année, plusieurs élèves sont incapables d’obtenir une place dans les programmes du conseil : [TRADUCTION] « Je connais un élève qui ne va plus à l’école depuis octobre dernier et qui vient d’avoir 17 ans. Il ne va toujours pas à l’école et n’a pas été inscrit dans un programme. Ils ne cessent de lui faire des promesses[259] ». Un avocat qui représente des élèves a lui aussi remarqué qu’il y avait [TRADUCTION] « très peu de places » dans ces programmes et qu’aucun de ses clients n’y était inscrit[260].

Un autre conseiller scolaire précise qu’il manque de places dans les programmes du conseil parce que le ministère de l’Éducation ne soutient pas les programmes parallèles destinés aux élèves suspendus ou faisant l’objet d’un renvoi partiel :

[TRADUCTION]

Suivant la norme du ministère, tous les élèves qui sont expulsés pendant un an ou moins sont censés se débrouiller tout seuls. Le ministère ne finance pas les programmes destinés aux élèves suspendus ou faisant l’objet d’un renvoi partiel. Puisque nous ne pouvons admettre tous ces enfants dans nos programmes, ils doivent se débrouiller tout seuls pendant quatre mois. Ils sont à la maison. Un enfant dont le dossier d'assiduité scolaire est peu reluisant et ayant éprouvé des difficultés à l’école... nous lui disons de se débrouiller tout seul pendant quatre mois[261].

Tel que mentionné ci-haut, les choses auraient dû se passer autrement. Pendant les débats de la Chambre sur la Loi sur la sécurité dans les écoles, la ministre de l’Éducation avait expressément promis que le gouvernement appuierait les programmes parallèles destinés aux élèves suspendus et renvoyés[262].

Toutefois, un représentant supérieur d’un conseil scolaire de la RGT indique que son conseil offre des programmes parallèles à de tels élèves, même s’il n’y est pas tenu par la loi :

[TRADUCTION]

Il n’y a pas d’exigence législative, mais chaque élève ayant fait l’objet d’un renvoi partiel cette année a eu l’occasion d’obtenir des mesures de soutien dans un programme. En raison du nombre de places limité, nous avons eu certaines difficultés au début de l’année au niveau de la synchronisation, mais depuis l’automne, nous avons trois fois plus de ressources et de places pour ces élèves. Nous attendons septembre avec impatience; nous examinerons alors d’autres moyens (des programmes plus flexibles) de soutenir les enfants dans ces circonstances[263].

Quelques sujets interrogés disent qu’il est difficile pour certains élèves d’obtenir une place dans une autre école, ou que cette école est trop éloignée de leur foyer. Selon un avocat d’une clinique juridique desservant la communauté autochtone, [TRADUCTION] « ce qui est si frustrant pour les élèves, c’est qu’ils ne vont plus [à l’école] et que personne ne semble savoir quoi faire pour qu’ils y retournent, notamment lorsqu’il y a une accusation au pénal[264] ». Le directeur exécutif d’un organisme de services sociaux somalien a constaté que, dans certains cas, [TRADUCTION] « les élèves ne peuvent obtenir une place dans une autre école » et les parents doivent [TRADUCTION] « lutter » pour les placer dans une école islamique privée[265]. Une travailleuse sociale auprès des jeunes à risque d’une école secondaire a précisé que les élèves [TRADUCTION] « peuvent être transférés dans des écoles éloignées et que, si [les parents] sont pauvres, il se peut qu’ils n’aient pas assez d’argent pour que leurs enfants puissent utiliser les transports en commun ». Elle cite un cas où une élève a dû attendre quatre ou cinq mois avant d’être placée dans un programme parallèle : [TRADUCTION] « Elle n’était pas heureuse à la maison et voulait aller à l’école, mais son transfert s’est heurté à de nombreux obstacles. Il semble que le transfert d’un élève dans un autre programme soit une question politique. La prise en charge d’un élève fait l’objet de négociations[266] ». Un travailleur communautaire d’un organisme de services sociaux desservant des jeunes d’origine antillaise et de race noire a lui aussi donné un exemple des difficultés éprouvées par un élève :

[TRADUCTION]

Les écoles sont si pleines qu’il y a des listes d’attente. L’enfant dont j’ai parlé, qui était ici, n’a pu s’inscrire à une autre école pendant trois ou quatre mois. Il est arrivé ici en novembre et n’a obtenu une place dans une autre école qu’en février. Les élèves trouvent la période d’attente difficile. Même lorsque l’enfant a finalement été admis à l’école, s’y rendre posait un problème. Il y a seulement quelques-unes de ces écoles en ville. Il habitait dans [l’est de la ville] et devait se rendre jusque dans l’ouest de la ville [...] là où l’école était située[267].

Un représentant supérieur d’un conseil scolaire de la RGT a confirmé qu’environ 30 % des élèves faisant l’objet d’un renvoi partiel ne participent pas à des programmes parallèles. Il admet que certains élèves sont incapables d’y participer en raison de facteurs incontrôlables, mais fait valoir que d’autres choisissent de s’en abstenir alors qu’ils sont en mesure d’y participer : [TRADUCTION] « La semaine dernière, quelqu’un qui travaille pour moi m’a raconté qu’un élève faisant l’objet d’un renvoi partiel jusqu’à la fin de l’année scolaire a refusé de participer à un programme situé à un kilomètre de chez lui. Sa mère a dit que c’était trop loin et il a dit qu’il voulait obtenir un emploi[268] ».

C. Abandon scolaire

Plusieurs sujets interrogés sont d’avis que le recours accru aux suspensions et renvois portent les élèves à décrocher. En fait, certaines études américaines démontrent que la suspension est un prédicteur fiable (de moyen à excellent) de décrochage et que la suspension et le renvoi comptent parmi les trois principaux motifs de décrochage liés à l'école[269]. Selon un ancien conseiller en équité auprès d’un conseil scolaire de la RGT, si des études étaient réalisées à Toronto, elles démontreraient que les suspensions et renvois augmentent le taux d’abandon scolaire des élèves de race noire et d’autres élèves défavorisés :

[TRADUCTION]

Nous avons effectué quelques recherches sur l’abandon scolaire au sein d’[un conseil scolaire de la RGT] et les résultats sont assez inquiétants. Il y avait une corrélation entre les écoles affichant des taux d’abandon élevés et la proportion d’élèves de race noire et d’élèves socialement et économiquement défavorisés. Si les suspensions et renvois ont un effet disproportionné sur ces élèves, il en résulte que le taux d’abandon disproportionné de ces groupes s’élèvera encore davantage[270].

D’après un travailleur communautaire d’un organisme de services sociaux desservant des jeunes d’origine antillaise et de race noire, [TRADUCTION] « [l]es suspensions ou renvois multiples mènent habituellement à l’abandon scolaire [...][271] ». Un conseiller scolaire, qui est aussi un travailleur communautaire au sein d’une collectivité multiraciale à faible revenu ayant une population noire importante, a souligné ce qui suit : [TRADUCTION] « Le taux d’abandon scolaire est beaucoup plus élevé dans la communauté noire en raison des politiques de tolérance zéro adoptées par le ministère [...] [I]l y a des garçons de race noire de seize et de dix-sept ans dans ce quartier qui ont été expulsés de l’école; certains ont un problème d’apprentissage, souffrent de dyslexie et n’ont pas de compétences professionnelles [...] Ce sont des décrocheurs chroniques qui n’ont rien, même pas des connaissances élémentaires[272] ». Le coordonnateur d’un centre de jeunesse tamoul a précisé qu’[TRADUCTION] « une suspension de vingt jours représente un mois sans école ainsi que le facteur déclencheur de l’abandon scolaire[273] ». Selon un travailleur communautaire d’une clinique juridique desservant la communauté latino-américaine, les suspensions et renvois [TRADUCTION] « font augmenter le taux d’abandon scolaire » dans la communauté latino-américaine[274]. Un avocat d’une clinique juridique desservant la communauté autochtone a précisé ce qui suit : [TRADUCTION] « Les élèves autochtones ont tendance à ne pas se rendre aussi loin dans leurs études. Tout obstacle que vous créez est une autre raison qui les pousse à décrocher[275] ».

D. Criminalisation et comportement antisocial

Plusieurs sujets interrogés sont d’avis que l’application de la tolérance zéro entraîne une criminalisation accrue des élèves et aggrave le comportement antisocial. On s’inquiète beaucoup du pouvoir accru de surveiller les élèves de race noire qui a été conféré à la police, surtout à la lumière de la preuve selon laquelle les Noirs font déjà l’objet d’un profilage racial disproportionné de la part de la police[276]. La présidente d’une organisation de parents d’enfants de race noire précise que certains parents de race noire se disent inquiets de la [TRADUCTION] « présence accrue de la police dans les écoles[277] ». Elle cite l’exemple d’un garçon de treize ans qui a été menotté par la police à son école parce qu’une note violente anonyme avait été trouvée et que quelqu’un avait allégué qu’il en était l’auteur. Il a été menotté même avant qu’une enquête ait été menée pour vérifier cette allégation[278].

Une conseillère scolaire se souvient d’un incident similaire dont elle a été témoin dans une école secondaire. Un adolescent a été menotté par la police parce qu’il avait volé de l’argent : [TRADUCTION] « J’ai vu un élève de race noire [...] qui a été menotté et emmené par des agents de race blanche. On l’a emmené comme ça sous les yeux de ses copains. Il avait volé un peu d’argent, mais il ne s’agissait pas d’une question de vie ou de mort ou d’utilisation d’une arme justifiant de telles mesures[279] ».

La directrice exécutive d’une clinique juridique au service des enfants et des jeunes souligne que les élèves suspendus ont tendance à passer du temps dans la rue et les centres commerciaux pendant les jours d’école, de sorte que [TRADUCTION] « la police a une excellente excuse pour les interpeller et leur demander pourquoi ils ne sont pas à l’école. Il en résulte une surveillance accrue des enfants racialisés par la police[280] ». D’après un avocat d’une clinique juridique qui dessert la communauté noire, cela entraîne une [TRADUCTION] « criminalisation plus rapide[281] » des élèves de race noire.

Selon un avocat d’une clinique juridique qui dessert les personnes handicapées, la criminalisation des élèves handicapés résulte aussi directement de la Loi sur la sécurité dans les écoles :

[TRADUCTION]

Dans le cadre de l’approche uniforme en matière de comportement, la police reçoit des appels au sujet d’élèves qui manifestent un comportement lié à un handicap. Le comportement est excusable, mais il est traité de la même manière qu’un acte de violence inexcusable. Il est incroyable de penser qu’une personne handicapée, du seul fait qu’elle manifeste un comportement lié à son handicap, puisse être arrêtée par la police et inculpée d’infractions criminelles[282].

Selon un expert sur les enfants à risque d’une université ontarienne, il existe une [TRADUCTION] « preuve valable » selon laquelle la suspension et le renvoi des élèves ont pour effet d’augmenter le risque qu’ils deviennent antisociaux ou d’accentuer leur comportement antisocial :

[TRADUCTION]

Une fois que les enfants ne suivent plus la filière habituelle et qu'ils sont expulsés, ils sont décidément sur une autre voie. Tout d'abord, ils n'ont pas grand-chose à faire pendant la journée. Ils peuvent rencontrer des jeunes plus âgés ou d'autres jeunes qui éprouvent des difficultés. Cela peut accentuer leur comportement antisocial [...]. Dans certains écrits, on souligne que si l'on met ensemble des jeunes à caractère antisocial, cela a pour effet d'accentuer leur comportement antisocial. Les jeunes à caractère antisocial ont besoin de fréquenter souvent les jeunes à caractère sociable. Lorsqu’ils sont rejetés vers l’extérieur et rencontrent d’autres jeunes à caractère antisocial, leur comportement s’accentue. Cela peut avoir un impact sur la collectivité où ils vivent et, bien entendu, contribuer à amplifier un problème important au Canada, celui d'un comportement antisocial grave, avec ou sans violence. Une fois que les enfants ne suivent plus la filière habituelle et qu’ils ne vont plus à l’école, le risque qu’ils deviennent antisociaux augmente. S’ils ont déjà un caractère antisocial, il y a augmentation du risque que leur comportement antisocial s’accentue.[283]

Les observations de plusieurs sujets interrogés, notamment ceux qui travaillent dans les collectivités à faible revenu, corroborent les commentaires de l’expert. Un travailleur social auprès des jeunes à risque d’une école secondaire indique ce qui suit : [TRADUCTION] « Dans le cas d’une suspension de trois ou quatre jours, je m’inquiète au sujet de ces enfants car ils sont habituellement déjà plus à risque et plus susceptibles que d’autres enfants de s’attirer d’autres ennuis. Ce sont justement ces enfants qui ont besoin de plus de soutien, pas de moins[284] ». Selon le président d’un organisme de services sociaux musulman situé dans une collectivité à faible revenu, [TRADUCTION] « lorsque l’enfant est suspendu, il rentre à la maison et devient une recrue de choix pour les trafiquants de drogues[285] ». D’après un travailleur communautaire d’un organisme de services sociaux desservant des jeunes d’origine antillaise et de race noire, [TRADUCTION] « [l]es suspensions ou renvois multiples mènent habituellement à l’abandon scolaire et, par la suite, portent l’élève à devenir membre d’un gang dans le quartier ou à s’associer au trafiquant de drogues du quartier[286] ».

Une conseillère au sein d’un programme d’emploi pour les jeunes d’une collectivité à faible revenu a remarqué de ses propres yeux que [TRADUCTION] « [l]es élèves qui sont suspendus viennent au centre commercial et passent du temps ensemble. Ils commettent des actes de vandalisme [...] ensemble ». Elle s’est également entretenue avec des élèves qui s’inquiètent d’être entraînés dans des activités antisociales :

[TRADUCTION]

Cela affecte leur famille et la collectivité, parce qu’ils sont désoeuvrés au sein de la collectivité. À l’école, ils peuvent au moins être utiles ou apprendre quelque chose d’utile. Présentement, ils ne font que traîner sans rien faire. Les enfants ont dit qu’ils finissaient par passer du temps avec les délinquants et par se retrouver avec un casier judiciaire pour vol d’autos ou des infractions semblables, infractions qu’ils ne commettraient pas en temps normal. Ils sont tout simplement désoeuvrés[287].

Un directeur d’école élémentaire ayant beaucoup travaillé dans des écoles situées dans des collectivités à faible revenu a fait une observation semblable : [TRADUCTION] « Cette communauté [...] n’est pas l’endroit le plus sûr pour un enfant laissé à lui seul pendant la journée, alors que tout le monde est à l’école [...] Certains enfants suspendus ont commis des infractions beaucoup plus graves que celles pour lesquelles ils avaient été suspendus[288] ».

Le gouvernement savait que cela allait se produire. Pendant les débats de la Chambre sur la Loi sur la sécurité dans les écoles, la ministre de l’Éducation de l’époque a déclaré que le gouvernement offrirait des mesures de soutien aux élèves suspendus et renvoyés car [TRADUCTION] « envoyer ces enfants dans la rue ne fait que déplacer le problème et crée en fait des problèmes supplémentaires, non seulement pour ces élèves, mais aussi pour la collectivité [...][289] ». Cependant, à ce jour, le gouvernement n’a toujours pas rempli sa promesse d’offrir ces mesures de soutien destinées aux élèves suspendus et à ceux faisant l’objet d’un renvoi partiel.


[238] Précité, note 174 à la p. 2.
[239] Précité, note 11 aux pp. 2 et 3.
[240] Entrevue, 15 mai 2003, p. 5.
[241] Précité, note 14 à la p. 5.
[242] Précité, note 127 à la p. 3.
[243] Précité, note 126 à la p. 2.
[244] Précité, note 129 à la p. 4.
[245] Entrevue, 10 avril 2003, p. 6.
[246] Entrevue, 19 mars 2003, p. 1.
[247] Précité, note 14 à la p. 6.
[248] Précité, note 170 à la p. 3.
[249] Précité, note 208 à la p. 5.
[250] Précité, note 13 à la p. 2.
[251] Précité, note 82.
[252] Précité, note 2, 14 mai 2003, à la p. 3.
[253] Précité, note 12 à la p. 5.
[254] Précité, note 127 aux pp. 2 et 3.
[255] Précité, note 11 à la p. 3.
[256] Précité, note 151, 24 avril 2003, à la p. 4.
[257] Précité, note 81.
[258] Précité, note 14 à la p. 1.
[259] Précité, note 12 à la p. 5.
[260] Précité, note 151, 11 avril 2003, à la p. 4.
[261] Précité, note 146 à la p. 3.
[262] Débats de l’Ontario (Hansard), 6 juin 2000, précité, note 28.
[263] Précité, note 2, 14 mai 2003, à la p. 4.
[264] Précité, note 132 à la p. 2.
[265] Précité, note 126 à la p. 2.
[266] Précité, note 167 à la p. 3.
[267] Précité, note 160 à la p. 3.
[268] Précité, note 2, 14 mai 2003, à la p. 4.
[269] Skiba, précité, note 232; L.M. DeRidder, « How Suspension and Expulsion Contributes to Dropping Out », The Education Digest, février 1991.
[270] Précité, note 202 à la p. 3.
[271] Précité, note 160 à la p. 2.
[272] Précité, note 12 aux pp. 1-3.
[273] Précité, note 17 à la p. 5.
[274] Précité, note 133 à la p. 2.
[275] Précité, note 132 à la p. 3.
[276] Voir, par ex., la série du Toronto Star sur le profilage racial, publiée en octobre 2002 : http://www.thestar.com.
[277] Précité, note 30 à la p. 4.
[278] Ibid. à la p. 2.
[279] Précité, note 12 à la p. 2.
[280] Précité, note 129 à la p. 4.
[281] Précité, note 13 à la p. 2.
[282] Précité, note 208 à la p. 6.
[283] Précité, note 174 aux pp. 2 et 3.
[284] Précité, note 167 à la p. 2.
[285] Précité, note 14 à la p. 5.
[286] Précité, note 160 à la p. 2.
[287] Précité, note 11 aux pp. 2 et 3.
[288] Précité, note 130 à la p. 4.
[289] Débats de l’Ontario (Hansard), 6 juin 2000, précité, note 28.

 

X. Recommandations des sujets interrogés

Les sujets interrogés ont présenté certaines recommandations concernant la façon d’améliorer le régime actuel établi par la Loi sur la sécurité dans les écoles ou les solutions de rechange qui réduiraient ou élimineraient l’effet disproportionné (perçu) sur les élèves issus de minorités raciales et les élèves handicapés. Voici les principales recommandations, accompagnées au besoin d’une explication supplémentaire :

1. Recueillir, publier et analyser les statistiques sur la race et l’incapacité (ou les incapacités) de tous les élèves suspendus ou renvoyés, dans le but de remédier à toute inégalité au niveau de l’application des suspensions et des renvois. Comme dans la loi américaine intitulée Individuals with Disabilities Education Act[290], l’analyse devrait comprendre l’intersection entre la race et l’incapacité.

2. Éliminer la référence au concept de « tolérance zéro » dans la politique du Toronto District School Board intitulée Safe Schools Foundation Statement Policy et dans les politiques des autres conseils scolaires en Ontario. Le gouvernement et les responsables des conseils scolaires ne devraient plus qualifier de régime de « tolérance zéro » la Loi sur la sécurité dans les écoles et ses règlements et les politiques des conseils scolaires.

3. Garantir à tous les enfants le droit de recevoir une éducation gratuite et appropriée. Le ministère de l’Éducation et les conseils scolaires seraient notamment tenus par la loi de créer et de financer intégralement des programmes parallèles destinés à tous les élèves suspendus et renvoyés. Tout au moins, ce droit devrait être garanti aux enfants handicapés, comme dans la loi américaine intitulée Individuals with Disabilities Education Act (voir ci-dessous)[291]. Il convient de souligner une fois de plus que, pendant les débats de la Chambre sur la Loi sur la sécurité dans les écoles, la ministre de l’Éducation a promis que le gouvernement appuierait les programmes parallèles destinés aux élèves suspendus et renvoyés[292].

4. Garantir à tous les élèves handicapés les protections prévues dans l’ébauche de la Monographie sur l’éducation de l’enfance en difficulté no 5 du ministère de l’Éducation de l’Ontario et dans la loi américaine intitulée Individuals with Disabilities Education Act, notamment celles qui suivent :

  • l’accès garanti à un programme d’éducation alternative provisoire;
  • le droit de retourner à son établissement scolaire d’origine dans un délai déterminé (par exemple, un maximum de 45 jours);
  • l’obligation de l’école d’offrir des mesures d’adaptation raisonnables à l’élève handicapé qui manifeste un comportement lié à son handicap avant de le suspendre ou le renvoyer[293].

Tout au moins, la Loi sur l’éducation et ses règlements devraient être modifiés de manière à interdire la suspension ou le renvoi d’un élève pour un comportement lié à son handicap. On devrait plutôt fournir à l’élève des mesures d’adaptation raisonnables (qui peuvent comprendre une modification du placement mais non une suspension ou un renvoi).

5. Offrir à ceux qui sont chargés de la discipline, notamment les directeurs, les enseignants et les conseillers scolaires, une formation sur le stéréotypage racial et le profilage, les différences transculturelles, l’adaptation des personnes handicapées et l’expérience des immigrants et réfugiés.

6. Établir un meilleur équilibre entre le maintien de la paix (approches fondées sur l’intervention et la sécurité), l’établissement de la paix (approches fondées sur la gestion des différends et la négociation) et la consolidation de la paix (approches à plus long terme visant à prévenir l’intensification future des conflits ou à rétablir des relations saines après des éruptions de violence en remédiant aux inégalités sous-jacentes et en mettant fin aux conflits sociaux). Autrement dit, le régime disciplinaire actuel devrait établir un meilleur équilibre entre les mesures punitives, d’une part, et la résolution de conflits, la médiation par les pairs, la prévention, la protection des droits de la personne et l’équité, d’autre part.

7. Prévoir des suspensions à l’école, notamment lorsque l’élève ne pose aucun danger pour la sécurité d’autrui, afin de s’assurer que l’élève suspendu est surveillé pendant la journée. Certaines écoles font déjà appel aux suspensions à l’école.

8. Prévoir des séances de médiation obligatoire avant une audience pour tenter de faire ressortir les problèmes sous-jacents et de résoudre le problème aussitôt que possible.

9. Imposer les suspensions et renvois aux élèves autochtones et de race noire individuellement, mais aussi différemment, pour tenir compte des facteurs systémiques et de l’effet disproportionné, conformément aux principes de détermination de la peine du Code criminel[294]. L’alinéa 718.2e) du Code exige que le juge examine toutes les sanctions substitutives applicables, plus particulièrement en ce qui concerne les délinquants autochtones. Il vise à atténuer le grave problème de la surreprésentation des Autochtones dans les prisons. L’alinéa 718.2e) exige que le juge aborde la détermination de la peine à infliger à de tels délinquants d'une façon individualisée, mais différente parce que la situation des Autochtones est particulière. Pour déterminer la peine à imposer à un délinquant autochtone, le juge doit tenir compte des aspects suivants : a) les facteurs systémiques ou historiques distinctifs qui peuvent être une des raisons pour lesquelles le délinquant autochtone se retrouve devant les tribunaux; b) les types de procédures de détermination de la peine et de sanctions qui, dans les circonstances, peuvent être appropriées à l'égard du délinquant en raison de son héritage ou attaches autochtones. Les infractions particulièrement violentes ou graves entraîneront généralement l'emprisonnement, mais dans le cas d'infractions mineures, le délinquant peut se voir imposer une peine non privative de liberté qui met l’accent sur la justice corrective[295]. Les principes énoncés ci-haut s’appliquent aussi, compte tenu de quelques modifications, aux délinquants de race noire[296].

10. Rétablir les postes de conseillers communautaires, d’intervenants auprès de la jeunesse, de conseillers d’assiduité et de travailleurs sociaux qui ont été éliminés par le Toronto District School Board.


[290] Voir la partie VI ci-dessus.
[291] Voir la partie VI ci-dessus.
[292] Débats de l’Ontario (Hansard), 6 juin 2000, précité, note 28.
[293] Voir la partie VI ci-dessus.
[294] Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C-46.
[295] R. c. Gladue, [1999] 1 R.C.S. 688.
[296] Voir R. v. Borde (10 février 2003), C38189 (C.A. Ont.).

XI. Conclusion

Le 1er septembre 2003 marquera le deuxième anniversaire de l’adoption de la Loi sur la sécurité dans les écoles en Ontario. Au cours des vingt-deux derniers mois, les conseils scolaires ont modifié et adopté des politiques et des procédures régissant l’application des mesures disciplinaires dans les écoles, le nombre de suspensions et de renvois a augmenté et on s'est inquiété de plus en plus des répercussions du nouveau régime sur les droits de la personne. Tout le monde s’accorde à dire que l'école devrait être un lieu sûr et à l'abri de la violence. Il se peut que des personnes raisonnables ne s’entendent pas sur la meilleure façon de s’en assurer, mais du point de vue des droits de la personne, certaines préoccupations ont été soulevées. Elles peuvent être résumées dans les paragraphes qui suivent.

Premièrement, le ministère de l’Éducation et les conseils scolaires font passer deux messages contradictoires aux administrateurs scolaires et au grand public. D’une part, le nouveau régime est mis en valeur pour sa politique de tolérance zéro à l’égard des mauvais comportements dans les écoles. D’autre part, la présence de facteurs atténuants dans la Loi et les politiques des conseils scolaires l’empêche d’être strictement qualifié de régime de « tolérance zéro ». Cette contradiction laisse la porte ouverte à une application non uniforme. Alors que certains administrateurs scolaires peuvent appliquer les facteurs atténuants, d’autres peuvent pratiquer la tolérance zéro. La pratique de la tolérance zéro entrerait inévitablement en conflit avec la législation antidiscrimination, surtout si elle vise les comportements liés à un handicap.

Deuxièmement, bien que le ministère de l’Éducation et les conseils scolaires aient, dans une certaine mesure, reconnu et abordé la possibilité que l’application des mesures disciplinaires ait un effet disproportionné sur les élèves handicapés, on a observé une forte résistance à reconnaître ou aborder l’effet disproportionné possible sur les élèves issus de minorités raciales. La résistance est d’autant plus forte qu’il existe une preuve claire et crédible d’un effet disproportionné sur les élèves issus de minorités raciales dans d’autres ressorts et que les groupes communautaires noirs de la RGT soulèvent publiquement la question au moins depuis le milieu des années 1990.

Troisièmement, dans la RGT comme dans d’autres régions de l’Ontario, il existe une forte perception, fondée sur une certaine preuve empirique, selon laquelle la Loi et les politiques des conseils scolaires ont un effet disproportionné sur les élèves issus de minorités raciales, notamment les élèves de race noire, ainsi que sur les élèves handicapés. Si les perceptions mentionnées dans le présent rapport correspondaient à la réalité, il y aurait lieu de s’inquiéter. Cela voudrait dire que certains des élèves les plus défavorisés au sein du système scolaire sont de plus en plus marginalisés. Il est établi que les élèves à risque qui quittent le système scolaire sont beaucoup plus susceptibles de recevoir de l’aide sociale, d’avoir des emplois de bas niveau, de commettre des crimes ou d’être emprisonné. Toutefois, même si les perceptions s’avéraient fausses, il faudrait tout de même s’inquiéter du fait que les élèves et les collectivités croient que le système scolaire est discriminatoire à leur égard. De tels élèves sont plus susceptibles d’être désengagés de l’école et d’abandonner leurs études, une éventualité qui entraînerait toutes sortes d’occasions manquées et de problèmes sociaux.

En dernier lieu, les recommandations des sujets interrogés vers la fin du rapport font ressortir la forte perception selon laquelle le régime disciplinaire actuel ne tient pas suffisamment compte de la protection des droits de la personne. Tous les sujets interrogés sont d’avis qu’il est possible de créer un régime disciplinaire qui assure la sécurité et la non-violence dans les écoles et protège les droits de la personne de tous les élèves au sein du système scolaire.