IV. Situations mettant en cause les droits de la personne à toutes les étapes de l’emploi

Le droit à « un traitement égal en matière d’emploi » recouvre tous les aspects du milieu et des relations de travail, y compris les demandes d’emploi, le recrutement et l’embauche, la formation, les mutations, les promotions et l’avancement, de même que les conditions d’apprentissage, de congédiement, de mise à pied, et de cessation d’emploi. Il vise aussi les taux de rémunération, les Codes de conduite, les heures supplémentaires, les heures de travail, les congés, les avantages sociaux, les postes de travail, les évaluations du rendement et les mesures disciplinaires. Un cadre de travail respectueux des droits de la personne est un fondement primordial au respect du Code concernant tous les aspects sus mentionnés.

Cette partie du présent document est un énoncé des principes de base et des pratiques exemplaires concernant les droits de la personne dont il est le plus souvent question en contexte professionnel. En voici les aspects fondamentaux :

  1. Création de lieux de travail conformes au Code
  2. Détermination des exigences de l’emploi
  3. Annonce
  4. Préparation des formulaires de demandes d’emploi
  5. Entrevues et décisions d’embauche
  6. Obtention de renseignements sensibles, relatifs à l’emploi
  7. Rémunération, avantages, Codes vestimentaires et autres enjeux
  8. Réponse aux besoins des employés et adaptations requises
  9. Autres renseignements au sujet des mesures d’adaptation à l’intention des personnes handicapées
  10. Formation, promotions et avancement
  11. Gestion du rendement et des mesures disciplinaires
  12. Règlement des problèmes en matière de droits de la personne au travail
  13. Cessation d’une relation d’emploi

1. Création de lieux de travail conformes au Code

En Ontario, environ les trois-quarts des plaintes relatives aux droits de la personne sont en relation avec les lieux de travail. Pour l’employeur, la meilleure façon d’éviter ces plaintes consiste à être parfaitement informé et conscient des responsabilités et des dispositions relatives à la protection des personnes prévues dans le Code. Les organisations doivent aussi chercher à créer des conditions de travail justes et équitables, et qui sont respectueuses des doits de la personne.

En vertu du Code, les organisations, notamment les employeurs, ont un certain nombre d’obligations légales. Elles ont la responsabilité ultime de faire en sorte que l’environnement de travail soit sain et inclusif, ainsi que de prévenir et de traiter les cas de discrimination et de harcèlement. Elles doivent veiller à ce que l’environnement soit à l’abri de la discrimination et du harcèlement. En s’acquittant de ses obligations, l’entreprise peut tirer les bénéfices suivants :

  • attirer, recruter, faire progresser et conserver les meilleurs employés;
  • maximiser le potentiel et le rendement de ces employés;
  • réduire au minimum la frustration, le stress et l’épuisement des employés, ainsi que la rotation du personnel;
  • réduire le nombre de conflits entre les employés;
  • accroître la loyauté des employés;
  • acquérir et conserver une réputation d’employeur progressiste et équitable.

L’employeur avisé planifie ses opérations en fonction des changements démographiques annoncés dans la province et sur le marché du travail de manière à ce que son organisation soit en mesure de s’ajuster. Selon les données gouvernementales et d’autres résultats de recherche, le Conference Board du Canada formule les prévisions suivantes pour la période 2006 2030:[33]

  • la demande de main-d’œuvre devrait excéder l’offre dès 2014, et la pénurie de main-d’œuvre s’aggravera d’année en année à compter de cette date;
  • les femmes constituent 48 % de la main-d’œuvre; leur nombre, à l’inclusion de celles de plus de 65 ans, devrait augmenter;
  • présentement, 12,9 % de la population a atteint l’âge de 65 ans. En 2030, 20,6 % de la population aura atteint cet âge;
  • L’Ontario compte la proportion la plus élevée de personnes nées à l’extérieur de la province :
    • en 2005, 54 % des nouveaux immigrants au Canada s’installaient en Ontario;
    • on prévoit que l’immigration comptera pour 84 % de l’augmentation démographique annuelle totale de l’Ontario en 2030;
  • en 2001, des données de Statistique Canada indiquaient qu’au pays, un Autochtone sur cinq vivait en Ontario; selon les estimations, l’Ontario continuera d’avoir la plus forte densité d’Autochtones de toutes les provinces (leur nombre est projeté pour 2017 à 267 700 en Ontario);
  • selon Statistique Canada, l’Ontario comptait 1,5 million de personnes atteintes d’un handicap en 2001, ce qui équivaut à 13,5 % de la population ontarienne. En 2026, la majeure partie des personnes handicapées au Canada (et en Ontario) auront atteint l’âge de 65 ans.

Il persiste des obstacles discriminatoires à l’accessibilité au travail de la main-d’œuvre protégée en vertu des dispositions du Code, ce qui n’empêche pas des organisations comme le Conference Board du Canada de signaler que pour se maintenir, la productivité et la compétitivité canadiennes nécessitent l’inclusion de ces personnes dans le marché du travail. Cette organisation demande des mesures visant à tirer parti des groupes que sont les jeunes, les femmes, les personnes âgées, les nouveaux venus, les peuples autochtones et les personnes handicapées, qui sont sous utilisés par le marché de l’emploi en Ontario.[34]

Les données démographiques présentées plus haut montrent amplement que les droits de la personne au travail ne sont pas une mince préoccupation, susceptibles d’intéresser seulement quelques employeurs au regard d’un pourcentage réduit d’employés et de candidats à un emploi. Au contraire, les droits de la personne au travail sont, à tout moment source d’importantes préoccupations pour tous les employés, candidats à l’emploi et employeurs. La mise en œuvre des mesures préconisées dans la présente section aidera les employeurs à mettre en place un climat de travail inclusif et diversifié.

a) Stratégie pour prévenir et régler les problèmes en matière de droits de la personne

Une stratégie globale visant à prévenir et à traiter les atteintes aux droits de la personne devrait notamment comporter les éléments ci-après :

  1. un plan d’analyse, de prévention et d’élimination des obstacles
  2. une politique sur le harcèlement et la discrimination
  3. un mécanisme de traitement des plaintes à l’interne
  4. une politique et un mécanisme d’adaptation
  5. un programme de sensibilisation et de formation

Une stratégie efficace fera appel à tous ces éléments combinés et elle dépendra aussi de l’engagement de la haute direction de l’organisation. Les employés ou, dans certains cas, des organismes communautaires seront consultés. Les politiques, les plans et les procédures doivent aussi tenir compte de la taille, de la complexité et de la culture de l’organisation. Une stratégie de communications efficace auprès des employés et d’autres personnes dans l’environnement de travail est essentielle à la réussite de leur mise en œuvre. Il faut régulièrement revoir les politiques, les plans et les procédures pour les garder à jour et de manière à maintenir leur efficacité. Certaines organisations auraient intérêt à obtenir l’aide de conseillers juridiques ou d’autres spécialistes pour élaborer des politiques, des procédures ou des programmes.

Pour plus de renseignements, consulter la version nouvellement révisée du document de la Commission intitulé « Directives concernant l’élaboration de politiques et de procédures en matière de droits de la personne ». Ces directives visent à faciliter l’élaboration de solutions concrètes, efficaces et équitables pour prévenir et pour régler les problèmes en matière de droits de la personne. Les entreprises et les autres organisations y trouveront notamment un libellé type qui les guidera dans la l’examen et la formulation de leurs propres politiques et procédures.

i) Prévention, examen et élimination des obstacles :

Aménagement inclusif : Les lieux de travail doivent être aménagés de manière à inclure tous ceux qui y travaillent, sans égard au sexe, à la race, à la croyance, à l’état familial, au handicap ou à tout autre motif prévu au Code. Au moment d’établir de nouveaux règlements, politiques et procédures, d’acheter du nouvel équipement ou de concevoir les postes de travail, l’employeur doit orienter ses choix de manière à ne pas créer d’obstacles pour les personnes désignées par le Code. Par exemple, dans la politique traitant des pauses, il serait logique de tenir compte, dans la mesure du possible, des besoins des femmes enceintes ou qui allaitent, des personnes appartenant à une religion requérant de prendre du temps pour prier pendant le jour, ou encore des personnes handicapées. En bref, cela signifie que les employeurs doivent adopter une approche proactive, intégrant le concept du respect des droits de la personne à tous leurs projets et initiatives.

Exemple : Le directeur d’un service à la clientèle doit voir au remplacement des réseaux informatique et téléphonique au cours de l’année qui vient. Les nouveaux dispositifs intégreront des polices de plus grande taille, un contraste lumineux accentué et une meilleure sonorité. Ce sont autant d’options donnant aux employés actuels et éventuels la possibilité de s’ajuster en fonction de troubles de l’audition ou de la vision.

L’examen des obstacles : Les méthodes employées pour y procéder diffèrent selon la taille, la nature et la complexité de l’organisation et le type d’obstacle. L’examen des obstacles doit notamment comprendre l’examen des éléments suivants :

  • Accès physique
    • on doit chercher à repérer les obstacles empêchant l’accès aux personnes handicapées, notamment celles atteintes d’un handicap sensoriel, environnemental ou intellectuel;
    • on doit se conformer au Code; il ne suffit pas de se conformer aux normes minimales du Code du bâtiment ou aux normes applicables de la Loi de 2005 sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario. Le respect du Code du bâtiment ou de la Loi n’assure pas que tous les obstacles aient été supprimés de l’environnement physique, ni qu’on se soit conformé au Code. La conformité au Code du bâtiment ou aux normes applicables de la Loi de 2005 sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario ne constitue pas une défense en cas de plainte en matière de droits de la personne en vertu du Code. Consulter aussi l’annexe B pour plus de renseignements sur le Code du bâtiment ou sur la Loi et les normes connexes.
  • Politiques, pratiques et processus décisionnels internes :
    • on doit chercher l’existence d’obstacles dans les politiques et les pratiques de recrutement, de sélection, de rémunération, de formation, de promotion et de cessation d’emploi, etc. Existe-t-il des aspects où les décisions sont prises en fonction de considérations subjectives plutôt qu’objectives?
    • on doit envisager le recours à des mécanismes formels autant qu’informels.
  • Culture d’entreprise :
    • on doit penser à la culture d’entreprise. On doit s’interroger sur les interactions entre les personnes et se demander quels traits et quelles particularités sont valorisés.
    • de quelle manière cela pourrait il marginaliser ceux qui n’appartiennent pas à la culture dominante?

La prévention et l’élimination des obstacles : Lorsque des systèmes et des structures sont déjà en place, les organisations doivent être sensibles à l’existence d’obstacles systémiques possibles, et elles doivent chercher activement à les déceler et à les éliminer.

Peu importe leur nature, les obstacles systémiques peuvent empêcher l’employeur de déterminer quels sont les meilleurs candidats à des postes, des promotions et une formation. Ces obstacles peuvent aussi empêcher les personnes des groupes désignés de maximiser l’expression de leurs aptitudes. Souvent, les obstacles systémiques ne se réduisent pas à une seule règle ou à une seule politique; ils imprègnent plutôt toute une série de politiques ou de procédures qui ont pour effet, lorsqu’elles sont prises ensemble, d’exclure des personnes des groupes désignés.

Dès qu’un obstacle est identifié, l’organisation doit veiller à l’éliminer au lieu d’adopter à la pièce des mesures d’adaptation, dans la mesure où cela n’occasionne pas de préjudice injustifié. L’élimination des obstacles maximise l’intégration à l’environnement, de manière à ce que tout le monde puisse apporter son entière participation et être traité avec dignité. La détermination et l’élimination des obstacles systémiques au travail sont aussi dans le meilleur intérêt de l’organisation. Cela pourrait permettre d’éviter, sinon de réduire le nombre de plaintes déposées en matière de droits de la personne et cela peut rendre les installations et les procédures plus conviviales pour d’autres groupes comme les personnes âgées, comme pour tout le monde.

Les plans visant à éliminer les obstacles doivent notamment :

  • établir des buts précis et mesurables d’élimination des obstacles ainsi relevés;
  • établir des échéances précises pour y arriver;
  • affecter des ressources suffisantes pour l’atteinte des buts fixés;
  • établir les attributions et les responsabilités quant à l’atteinte des buts fixés; et
  • prévoir un mécanisme de suivi régulier et d’évaluation des progrès réalisés dans l’atteinte des buts fixés.
ii) Politiques de lutte contre le harcèlement et la discrimination :

Les politiques de lutte contre le harcèlement et la discrimination doivent clairement établir que le harcèlement et que la discrimination ne sont pas tolérés, et prescrire les normes et les attentes relativement aux comportements à adopter à cet égard. Les procédures régissant les plaintes énoncent la manière dont les infractions à ces politiques sont traitées dans le contexte du travail. Plusieurs organisations consignent leurs politiques et procédures de lutte contre le harcèlement et la discrimination dans un seul et même document. Les éléments qui les composent, sont examinés séparément dans la présente section et dans la suivante.

La rédaction de politiques porte avant tout sur l’organisation comme lieu de travail. Mais il importe de faire en sorte que toutes les politiques en matière de droits de la personne qui ont été mises en place couvrent les autres fonctions de l’organisation. Par exemple, personne ne s’étonnera de ce que ces politiques protègent les droits des enseignants et des autres membres du personnel d’un conseil scolaire, ainsi que des étudiants. Il importe toutefois que les visiteurs, par exemple les clients ou des entrepreneurs, se rendant sur des lieux de travail sachent que l’employeur applique des politiques de lutte contre le harcèlement et la discrimination et qu’ils sachent qu’ils doivent s’y conformer.

Pour leur part, les employés doivent savoir que, malgré les droits qui leur sont reconnus au travail, ils ont également des responsabilités à l’égard du public. L’employeur et les employés sont tenus conjointement d’assurer un traitement égal à chacun, notamment en offrant des mesures d’adaptation, dans la mesure où cela n’occasionne pas de préjudice injustifié, et d’établir un environnement qui n’est pas rendu malsain par une conduite ou le formulation de remarques contraires au Code.

Toute politique de lutte contre le harcèlement et la discrimination doit comprendre ce qui suit :

  • clairement faire état de l’engagement de l’organisation à l’égard de la création et du maintien d’un climat de respect des droits de la personne, ainsi que de la promotion de l’égalité et de l’inclusion;
  • préciser les objectifs visés par celle-ci, notamment la promotion des droits de la personne au sein de l’organisation, la prévention du harcèlement et de la discrimination, et l’énoncé de normes de conduite au travail;
  • préciser les activités et les personnes auxquelles elles s’appliquent, et mentionner que la protection accordée est inclusive (s’appliquant tant aux personnes occupant un emploi à l’essai qu’aux bénévoles), et est appliquée dans tous les contextes de travail (également à l’extérieur du lieu de travail ou hors des heures ouvrables normales);
  • énoncer les motifs visés par le Code et leur définition;
    • l’employeur pourrait aussi étendre la protection contre le harcèlement et la discrimination à d’autres motifs non spécifiquement prévus au Code. Par exemple, il pourrait interdire toute forme de harcèlement psychologique, ou encore toute forme de discrimination ou de harcèlement fondés sur les opinions politiques d’une personne;
  • définir les concepts fondamentaux, et les concepts connexes, relatifs au harcèlement (par exemple, préciser qu’ils s’appliquent à des comportements dont on sait ou devrait savoir qu’ils sont importuns et qu’une plainte au motif de harcèlement peut être retenue même si une personne faisant l’objet de harcèlement ne s’y objecte pas ouvertement);
  • définir les concepts fondamentaux, et les concepts connexes, relatifs à la discrimination (qui n’est pas toujours apparente; elle peut être systémique ou s’exercer de manière subtile);
  • placer le concept de « climat malsain » (un commentaire peut suffire);
  • énoncer les rôles et les responsabilités;
    • toutes les personnes oeuvrant au sein de l’organisation doivent respecter cette politique et s’y conformer;
    • les supérieurs immédiats et les superviseurs doivent prévenir ou arrêter la discrimination et le harcèlement.
iii) Procédures de règlement des plaintes :

L’employeur qui n’a pas mis en place de mécanisme efficace de règlement des plaintes peut être tenu responsable de ne pas s’être acquitté de sa tâche en matière de lutte contre la discrimination et le harcèlement. Il faut à tout le moins s’assurer que :

  • les plaintes soient prises au sérieux;
  • les plaintes soient traitées sans délai dès qu’elles sont reçues;
  • les ressources appropriées soient déployées afin de résoudre les plaintes;
  • un mécanisme efficace de règlement des plaintes soit en place et que son existence ait été communiquée dans l’ensemble de l’organisation;
  • la procédure interne veille à l’instauration et au maintien d’un milieu de travail sain dans lequel le plaignant puisse évoluer; et que
  • les décisions et les mesures prises par l’organisation soient communiquées à toutes les parties.

Il appartient à l’employeur de choisir l’approche qui lui convient le mieux. Certaines organisations adopteront un mécanisme officiel de règlement des plaintes, alors que d’autres choisiront un mécanisme plus simple. Il n’existe pas de mécanisme parfait. Chaque organisation doit concevoir un mécanisme adapté à son propre contexte, en tenant compte de divers facteurs dont le mandat de l’organisation, sa taille, les ressources dont elle dispose et la culture d’entreprise qui y règne. Les éléments suivants pourraient être intégrés à la procédure de règlement des plaintes. Ils sont repris en détail dans le document de la Commission intitulé Directives concernant l’élaboration de politiques et de procédures en matière de droits de la personne.

  • donner l’accès à l’information pertinente et à des conseils judicieux pour les personnes qui ont été témoins d’une situation de discrimination ou de harcèlement ou en ont été l’objet;
    • en principe, le conseiller ne doit pas agir à titre de médiateur ou d’enquêteur; il ne doit pas prendre fait et cause pour l’organisation. Il ne doit pas être susceptible de subir des pressions afin de supprimer des plaintes;
  • il importe de dire explicitement aux employés que l’existence d’une procédure interne de règlement des plaintes n’empêche en rien quiconque de se prévaloir des recours prévus dans le Code, dans les délais prescrits à cet égard (prolongement jusqu’à un an à compter du 1er juillet 2008);
  • mettre en place un mécanisme interne de présentation des plaintes (mais de toute manière, les plaintes devraient être acceptées dans la forme où elles sont présentées);
    • l’auteur de la plainte peut se sentir vulnérable ou craindre des mesures de représailles; cette personne ne devrait pas être tenue de discuter de la situation directement avec la personne visée par la plainte avant de l’avoir déposée;
  • affirmer clairement que les personnes qui déposent une plainte, celles qui les secondent dans cette démarche ou celles appelées à jouer un rôle de témoin ne seront pas pénalisées (toute mesure disciplinaire prise contre telle personne constituerait ce que l’on appelle des « représailles »);
    • toute personne estimant avoir été victime de représailles doit avoir le droit de déposer une plainte à cet effet en vertu de la procédure interne;
  • faire en sorte que l’enquête soit objective, que la personne choisie pour mener l’enquête soit qualifiée et qu’un mécanisme distinct de règlement des plaintes soit mis en place (par exemple, médiation, conciliation ou arbitrage);
    • la personne choisie pour mener l’enquête doit avoir des connaissances en matière de droits de la personne, au sujet des exigences du Code, des procédures de traitement des plaintes et des techniques connexes (par exemple, les méthodes d’enquête ou de résolution des conflits), et elle ne doit pas occuper une fonction de supervision immédiate de l’une ou l’autre des parties à l’enquête ni être susceptible d’être perçue comme ayant un parti pris;
    • l’enquête au sujet d’une plainte doit être menée de manière juste, impartiale et diligente, et porter sur toutes les questions pertinentes au dossier. L’enquêteur doit dresser un compte-rendu des allégations, des dispositions prises au cours de son enquête, de la preuve recueillie et des recommandations;
  • indiquer que les parties en cause dans une procédure interne de règlement d’une plainte doivent avoir le droit de se faire représenter par quelqu’un si elles le désirent à l’occasion d’une médiation ou d’une enquête, ou encore lorsqu’elles s’adressent à la direction. Elles peuvent faire appel à un représentant syndical, à un collègue, à un membre de la famille ou à un conseiller juridique;
  • demander à toutes les parties à une plainte de prendre et de conserver des notes relatives aux incidents à l’origine de celle-ci. Ces notes devraient préciser ce qui s’est passé, quand cela s’est passé, où cela s’est passé et qui a vu ce qui s’est passé, qui est au courant de ce qui s’est passé (noter le nom des témoins); faire la collecte de données se rapportant à la plainte;
  • respecter la confidentialité et la vie privée, tant de la personne qui dépose une plainte que de la personne visée par la plainte. Les renseignements au sujet d’une plainte doivent uniquement être communiqués aux personnes qui doivent impérativement en avoir connaissance;
  • décrire les résultats potentiels prévus;
  • lorsque l’enquête conclut qu’il y a effectivement eu harcèlement ou discrimination, selon le cas, l’employeur doit prendre toutes les mesures qui s’imposent pour faire cesser la discrimination ou le harcèlement et pour parer aux conséquences. Il faut penser à ce qu’il faut faire pour que l’auteur de la plainte soit « rétabli dans ses droits ». Il faut aussi vérifier si la plainte dénote l’existence d’enjeux plus larges, susceptibles de concerner l’ensemble de la main-d’œuvre et auxquels il faut donner suite;
    • normalement, il ne faudrait pas pénaliser les auteurs de plaintes jugées non fondées;
    • prévoir des mesures disciplinaires pour les personnes qui contreviennent aux politiques, telles que de participer à des séances de sensibilisation, une suspension, un transfert ou la cessation d’emploi;
  • s’engager à aviser les parties du résultat du traitement de la plainte.
iv) Politique et procédures en matière de mesures d’adaptation :

Une politique et des procédures claires et efficaces en matière de mesures d’adaptation en vertu des motifs prévus au Code font en sorte que les personnes réclamant la mise en place de telles mesures se sentent à l’aise de faire part de leurs besoins à ce titre et que les demandes à ce sujet sont traitées comme il se doit. Le mécanisme a autant d’importance que les mesures d’adaptation mises en place. Il doit à la fois être efficace et respecter la dignité des personnes qui réclament des mesures. Il convient de noter que les mesures d’adaptation sont parfois assez simples, donc qu’il ne sera pas nécessaire d’entreprendre un processus formel afin de parvenir à les établir. Il peut arriver cependant que le mécanisme et que les mesures soient complexes. Les principes de dignité, d’individualisation, d’inclusion et de pleine participation s’appliquent tant aux mesures d’adaptation qu’au mécanisme prévu en vue de leur mise en place, Pour plus de renseignements sur les principes et sur les mécanismes d’adaptation, consulter la section IV-8 – « Prise en compte des besoins d’adaptation des employés au travail » et l’annexe E – « Modèle d’évaluation des besoins d’adaptation ».

Teneur de la politique : Une politique et une procédure en matière de mesures d’adaptation devraient comprendre les éléments suivants :

  • énoncer clairement l’engagement de l’organisation envers l’aménagement d’un environnement qui soit inclusif et sans aucun obstacle, en prévoyant en outre des mesures d’adaptation dans la mesure où cela n’occasionne pas de préjudice injustifié;
  • énoncer clairement les objectifs poursuivis – par exemple, informer les employés de leurs droits et de leurs obligations, en vertu du Code, en ce qui concerne les mesures d’adaptation, et donner des renseignements sur les procédures et sur les responsabilités de chacun;
  • énoncer la portée – la politique doit s’appliquer à tous les employés (notamment aux employés à l’essai et aux bénévoles), ainsi qu’aux personnes qui postulent un emploi;
  • esquisser un mécanisme de présentation et de traitement des demandes d’adaptation (offrir de l’aide et des mesures d’adaptation aux personnes qui en auraient visiblement besoin, ou qui sont perçues comme des personnes handicapées);
  • préciser dans la demande le motif prévu au Code en vertu duquel elle est formulée, la raison pour laquelle la mesure est demandée (fournir assez de détails pour justifier la nécessité d’obtenir la mesure demandée) et le lien précis entre le besoin à combler et le motif du Code invoqué au soutien de la demande;
  • affirmer que toutes les demandes sont traitées avec toute la considération qu’elles méritent et qu’aucun employé ou utilisateur de services ne sera pénalisé en raison de la présentation d’une demande;
  • indiquer quel renseignements sont collectés, dans quelles circonstances et de quelle façon ils sont conservés. Il faut veiller à respecter le caractère confidentiel de ces renseignements et la vie privée;
  • faire référence à la responsabilité conjointe – travailler en collaboration à l’application de ce mécanisme, partager les renseignements pertinents, et apprécier les solutions possibles;
  • prendre note des étapes franchies dans le cadre du mécanisme d’adaptation et de tout plan d’adaptation, par exemple la description des besoins, les évaluations de spécialistes, les buts, les délais et la reddition de comptes;
  • insister sur les principes :
    • une mesure d’adaptation est réputée appropriée lorsqu’elle procure à une personne une chance égale d’atteindre un même niveau de rendement ou lui procure un même niveau d’avantages ou de privilèges que les autres;
    • une mesure d’adaptation doit respecter les principes de dignité, d’inclusion, et d’individualisation;
    • les mesures d’adaptation accordées sont comparées à un critère élevé (le préjudice injustifié) et le fardeau de la preuve à cet égard repose sur l’employeur, en cas de plainte;
  • lorsque la mesure d’adaptation la plus appropriée entraîne un préjudice injustifié, l’organisation doit alors considérer d’autres scénarios, par exemple la mise en place progressive de mesures d’adaptation, ou la prochaine mesure d’adaptation la plus appropriée eu égard aux circonstances;
  • les procédures de suivi et de rajustement des mesures d’adaptation;
  • un énoncé du droit des employés à présenter dans les délais prescrits une plainte pour atteinte aux droits de la personne afin de remédier à une situation donnée.
v) Sensibilisation et formation des employés sur les politiques et les procédures :

La sensibilisation et la formation sont des éléments fondamentaux de toute stratégie en matière de droits de la personne. Il importe toutefois de se rappeler que la sensibilisation n’est pas une panacée permettant de régler tous les problèmes dans ce domaine. Par exemple, la formation et la sensibilisation ne sauraient, à elles seules, éliminer les obstacles systémiques. La sensibilisation est une stratégie efficace lorsqu’on la conjugue à d’autres stratégies proactives visant à prévenir et à éliminer les obstacles à l’égalité des chances de participer à la société, ainsi qu’à des politiques et des procédures efficaces ciblant les problèmes en matière de droits de la personne lorsqu’ils se présentent.

Un programme efficace de sensibilisation en matière de droits de la personne devrait comporter divers volets, dont la formation :

  • sur les politiques et procédures de l’organisation en matière de droits de la personne;
  • sur les principes sous-jacents et les dispositions du Code à cet égard;
  • sur divers enjeux en matière de droits de la personne (racisme, discrimination fondée sur la capacité physique, sexisme, homophobie, âgisme, etc.)

Il faut assurer régulièrement de la formation axée sur les besoins précis des employés responsables de ce qui suit :

  • le respect de l’ensemble des politiques (en fait, tous les membres de l’organisation);
  • la mise en oeuvre des politiques (les superviseurs et les supérieurs immédiats);
  • la prestation de conseils spécialisés et la conformité (ressources humaines);
  • la stratégie d’ensemble en matière de droits de la personne (conseil exécutif, haute direction, président ou PDG).

Liste de vérification en matière de sensibilisation et de formation

  • Premier niveau de direction (PDG, conseil exécutif, président, haute direction) :
    • Ces personnes connaissent-elles l’existence du Code, de la question des droits de la personne et des principes relatifs à la discrimination et au harcèlement?
    • Ont-elles une idée claire de leurs propres responsabilités et de celles de l’organisation? Par exemple, savent elles que, si elles exercent de la discrimination ou si elles n’y mettent pas un terme lorsqu’elles sont informées de cas discrimination, elles pourraient avoir à verser des dommages intérêts de leur propre poche?
    • Savent elles qu’elles sont ultimement responsables du respect des dispositions du Code et des moyens à prendre à cet effet? Dans la négative, il y aurait lieu de trouver une source externe pour donner de la formation et des conseils spécialisés.
    • Veillent elles à ce que des énoncés de politiques et des rappels soient affichés à divers endroits dans les lieux de travail pour rappeler au personnel et aux visiteurs que l’organisation accorde de l’importance à la question des droits de la personne?
    • Se sont-elles assuré que les autres catégories d’employés ont obtenu de la formation tel que mentionné ci après? S’il manque de ressources internes, il y aurait lieu d’obtenir à l’extérieur les ressources requises en formation et en conseils spécialisés.
    • Comment peuvent elles se tenir régulièrement au courant des changements sur le plan des droits de la personne, par exemple des changements apportés aux politiques de l’entreprise et à celles de la Commission, ou encore se tenir au courant des décisions récentes des tribunaux?
  • Formateurs, conseillers, enquêteurs et aides à la résolution de problèmes de l’entreprise :
    • Les employés responsables de la formation, de la résolution des plaintes, de la prestation de conseils aux autres employés et des enquêtes ont ils eux mêmes obtenu une formation particulière concernant l’exécution de ces tâches et les principes relatifs aux droits de la personne?
    • Ont-ils une idée claire de leurs propres responsabilités et de celles de l’organisation?
    • Les renseignements relatifs aux changements en matière de droits de la personne, par exemple ceux apportés aux politiques de l’entreprise et à celles de la Commission ou encore les décisions récentes des tribunaux, leur sont ils communiqués sur une base régulière?
  • Cadres et superviseurs :
    • Ces personnes connaissent-elles l’existence du Code, de la question des droits de la personne et des principes relatifs à la discrimination et au harcèlement?
    • Ont-elles une idée claire de leurs propres responsabilités et de celles de l’entreprise? Par exemple, savent elles que, si elles exercent de la discrimination ou du harcèlement ou si elles n’y mettent pas un terme lorsqu’elles sont informées de cas discrimination, elles pourraient avoir à verser des dommages intérêts de leur propre poche?
    • Ont-elles été clairement informées que le PDG, le conseil exécutif ou la haute direction attend d’elles de participer activement à l’installation d’une culture de respect des droits de la personne au travail?
    • Les cadres ont-ils tous obtenu de la formation sur la manière de se conformer au Code dans tous les aspects du travail (par exemple au moment de rédiger les descriptions de poste, d’annoncer des postes, d’examiner des candidatures, d’estimer les aptitudes, d’appliquer des mesures disciplinaires ou de congédier un employé)?
    • Les renseignements relatifs aux changements en matière de droits de la personne, par exemple ceux apportés aux politiques de l’entreprise et à celles de la Commission ou encore les décisions récentes des tribunaux, leur sont ils communiqués sur une base régulière?
  • Employés en place et employés nouveaux :
    • Ces personnes connaissent-elles l’existence du Code, de la question des droits de la personne et des principes relatifs à la discrimination et au harcèlement?
    • Ont-elles une idée claire de leurs propres responsabilités? Par exemple, savent elles que, si elles exercent de la discrimination ou du harcèlement à l’endroit d’un autre employé, elles pourraient avoir à verser des dommages intérêts de leur propre poche?
    • Ont-elles toutes été informées des politiques et des procédures mises en place par l’organisation en matière de discrimination et de harcèlement, des procédures en cas de plainte et des mesures d’adaptation possibles?
    • Est-ce que de nombreux employés ont joint les rangs de l’organisation depuis la dernière campagne de formation ou d’orientation où la question des droits de la personne a été soulevée? Dans l’affirmative, quelles mesures doit-on prendre pour les informer?
    • Les renseignements relatifs aux changements en matière de droits de la personne, par exemple ceux apportés aux politiques de l’entreprise et à celles de la Commission ou encore les décisions récentes des tribunaux, leur sont ils communiqués sur une base régulière?
  • Employés siégeant à des comités de santé sécurité, travaillant dans un service de l’entreprise responsable des droits de la personne ou de la diversité, ou encore autres personnes responsables de la planification et de la mise en œuvre de solutions d’adaptation professionnelle :
    • Ces personnes ont-elles une idée claire de leurs propres responsabilités? Par exemple, savent elles que, si elles n’envisagent pas des mesures d’adaptation et ne les mettent pas à exécution, elles pourraient avoir à verser des dommages intérêts de leur propre poche?
    • Connaissent-elles les grands principes qui sont à la base du Code? Notamment :
      • il faut prendre des mesures d’adaptation appropriées et le critère de préjudice injustifié est élevé;
      • les risques pour la santé et la sécurité ne doivent être examinés qu’après avoir trouvé les mesures d’adaptation;
      • le respect des autres lois ne peut être évoqué pour enfreindre le Code?

Formation pour la prévention du racisme : La diversité est un facteur important pour l’obtention d’une main-d’œuvre inclusive, mais ce n’est pas le seul. Nous savons que n’importe qui, même une personne racialisée, peut exercer de la discrimination ou y prendre part. C’est pourquoi, dans le cadre de tout programme d’entreprise de lutte contre le racisme, il importe de compléter les mesures destinées à accroître la diversité par une bonne formation sur les droits de la personne et pour la prévention du racisme. Pour plus de détails sur les programmes des entreprises contre le racisme, consulter la section IV-1f) – « Prévention et mesures prises à l’égard du racisme et de la discrimination ».

La formation donnée contre le racisme ne doit pas mettre l’accent sur la « sensibilité culturelle » ou sur la « tolérance », ni chercher à traiter de cet enjeu en faisant exclusivement la promotion des valeurs que sont la « diversité » et le « multiculturalisme ». Le but de la formation doit être de munir les employés des habiletés et des connaissances requises pour se comporter d’une manière qui n’est ni raciste ni discriminatoire, mais qui est professionnelle, respectueuse, inclusive et sensible aux différences ethnoculturelles, autant entre les employés qu’avec la clientèle.

b) Conformité au Code des conventions collectives

L’employeur ne peut en aucun cas se soustraire à l’application des normes minimales du Code. Lorsqu’ils négocient une convention collective, l’employeur et le syndicat sont tenus de se conformer aux exigences contenues dans le Code. Tous deux doivent veiller à ce que les clauses de la convention collective ne soient pas discriminatoires et qu’elles n’aient pas de conséquences inattendues d’ordre discriminatoire.

Parfois des plaintes en matière de droits de la personne sont déposées suite à des mesures d’ordre professionnel comme les grèves ou l’abandon de services. L’employeur et le syndicat ont le devoir de trouver des solutions d’adaptation pour les besoins des personnes utilisatrices de services de l’organisation avant d’appliquer ces mesures d’ordre professionnel qui seraient susceptibles de limiter l’accessibilité aux services. Ainsi, la Commission a recommandé aux conseils scolaires et aux syndicats représentant les aides-enseignant d’examiner des options relatives à la fermeture d’écoles ou des plans de continuité en prévision d’une grève. L’employeur et le syndicat sont tenus de collaborer de manière à ce que la négociation de la convention collective n’ait pas d’effet plus important sur les étudiants handicapés que sur les autres.[35] Des considérations du même ordre peuvent être soulevées dans d’autres contextes où des employés procurent des services au public. Consulter aussi la section III-4d) – « Syndicats ».

c) Planification et mise en oeuvre d’un programme spécial

L’article 14 du Code permet l’existence de programmes spéciaux au travail dont la mise en œuvre pourrait contrevenir à des dispositions du Code. Les programmes spéciaux satisfont aux besoins précis de certaines personnes qui subissent un comportement discriminatoire, un préjudice ou un désavantage économique, afin de contrer la discrimination dont elles font l’objet, d’améliorer leur situation et de leur procurer l’égalité par des mesures de création d’emplois, des services spécialisés ou d’autres moyens. Les « Directives concernant les programmes spéciaux » présentent une information détaillée sur la façon de planifier et de mettre en œuvre un programme spécial, ainsi que d’en assurer le suivi.

Pour constituer un programme spécial en vertu du Code, il faut satisfaire à l’une des conditions suivantes :

  • être destiné à alléger un préjudice ou un désavantage économique;
  • être destiné à aider des personnes ou des groupes désavantagés à jouir de chances égales;
  • contribuer à l’élimination d’une atteinte à des droits garantis par le Code.

Il importe d’informer le public de l’existence des programmes spéciaux, de même
que des conditions à remplir pour en bénéficier, que ce soit pour pouvoir postuler un
emploi ou pour obtenir certains services.

Exemple : Une publicité pour le recrutement de jeunes dans le cadre d’un programme spécial visant à combattre le chômage chez les jeunes de moins de 25 ans doit préciser, tant auprès du grand public qu’auprès des jeunes, que la campagne de recrutement s’inscrit dans le cadre de ce programme et favorise l’embauche de jeunes de moins de 25 ans.

i) Dire clairement qui est éligible : Le programme doit énoncer clairement à quelles personnes il s’adresse :
  • énoncer les motifs en vertu du Code (la race, l’ascendance, le lieu d’origine, la couleur, l’origine ethnique, la citoyenneté, la croyance, le sexe, l’orientation sexuelle, l’âge, l’état matrimonial, l’état familial, un handicap, l’existence d’un casier judiciaire);
  • énoncer les personnes ou les groupes qui subissent un préjudice ou un désavantage économique.

On doit veiller à ne pas restreindre outre mesure l’admissibilité au programme, surtout si les restrictions imposées pouvaient être «discriminatoires» au sens du Code. Il doit toujours y avoir un lien logique entre les critères d’admissibilité et la raison d’être du programme.

Exemple : Des renseignements émanant de Statistique Canada montrent que les enfants provenant de familles à faible revenu souffrent de sous-emploi de manière chronique. Les services communautaires Sunny Times décident donc de mettre sur pied un programme d’emplois d’été réservé uniquement aux étudiants d’école secondaire de familles à faible revenu. Cette démarche serait acceptable.

Exemple : L’accessibilité à un programme offrant des subventions aux personnes aveugles pour qu’elles se procurent un appareil de lecture est limité aux jeunes. Ce serait discriminatoire à l’égard des personnes âgées qui demanderaient de participer au programme parce qu’il n’y a pas de lien logique entre les critères d’admissibilité et la raison d’être du programme.

ii) Raisons d’être du programme :

Le programme spécial doit aussi :

  • énoncer clairement les raisons qui donnent à croire que les personnes ou groupes visés subissent un préjudice, un désavantage ou une forme de discrimination;
  • expliquer l’effet des mesures proposées sur le préjudice, le désavantage économique ou la discrimination, ou la stratégie qui permettra d’atteindre l’égalité des chances;
  • confirmer sa nature temporaire et préciser la période durant laquelle il sera en vigueur.

La preuve avancée à l’appui de l’existence d’un préjudice ou d’un désavantage doit
être objective et, si possible, quantifiable. Elle ne doit pas être subjective ni basée sur
des impressions personnelles. Les questions qu’il convient de se poser lors de la création d’un programme spécial sont les suivantes : est-ce que ces personnes ou groupes se heurtent à un problème réel et est ce que ce programme permettra de s’y attaquer?

Le Code n’interdit pas de rassembler des données pour contrôler et évaluer l’application d’un programme spécial. Il est aussi permis de recueillir des données de cette nature afin d’établir la sous représentation de certains groupes, ou encore d’autres formes de préjudice et de désavantage. Ces données peuvent servir notamment à établir le profil racial du personnel d’une entreprise en vue de la mise en place d’un programme spécial visant à favoriser l’embauche des groupes sous-représentés.

Exemple : Un employeur veut agrandir son entreprise et embaucher de nouveaux employés. Il décide donc de faire une enquête pour déterminer si son personnel actuel est bien représentatif de la population locale. Il distribue pour cela un questionnaire à l’ensemble de ses employés sur lequel ceux-ci sont invités à indiquer leur appartenance raciale avant de le retourner de façon anonyme à un conseiller de l’extérieur qui ne participe pas aux décisions relatives à l’emploi.

Les statistiques recueillies de façon suivie permettent aussi d’évaluer les résultats que
produisent les programmes spéciaux et la nécessité d’adopter d’autres mesures ou non.

Le Code ne précise pas comment devrait se dérouler la collecte de données ni même s’il faut le faire. Voici toutefois les méthodes couramment utilisées pour repérer les groupes
représentés au sein du personnel ou de la clientèle d’une organisation :

  • les questionnaires de déclaration volontaire;
  • les sondages par un employé;
  • la collecte de données par un expert-conseil externe.

Chacune de ces méthodes a ses avantages et ses inconvénients en ce qui concerne ses coûts, son efficacité, mais aussi l’exactitude des résultats et la protection de la vie privée. En règle générale, les questionnaires de déclaration volontaire sont une façon très courante de recueillir ces données. L’employeur doit choisir la méthode qui lui convient le mieux en fonction de sa culture organisationnelle et des buts du programme spécial envisagé. Peu importe la méthode retenue, la collecte des données doit toujours respecter la vie privée et la dignité des personnes auxquelles elles se rapportent. Les organisations soumises à la législation sur l’accès à l’information et sur la protection de la vie privée doivent veiller à ce que la méthode qu’elles utilisent pour recueillir ces données soit conforme à la législation.

Les employeurs du secteur privé doivent également collecter les données de manière respectueuse de la dignité et de la vie privée des personnes. Par exemple, ils pourraient pour cela adopter une politique interne sur la protection de la vie privée ou encore un Code de déontologie.

Il faut dire à l’avance aux personnes à quoi serviront les renseignements qui leur sont demandés. Ainsi, elles auront moins de réticence à répondre aux questions posées. Comme les données recueillies dans le contexte d’un programme spécial ne doivent servir qu’aux seules fins de ce programme, il faut surveiller scrupuleusement la conservation des données et leur accès.

iii) Mise en oeuvre planifiée :

Tout programme spécial doit comprendre ce qui suit :

Consultation : prendre les mesures appropriées pour identifier et consulter les personnes susceptibles d’être touchées par le programme spécial envisagé.

Élaboration d’un plan : L’organisation qui veut mettre en place un programme doit préparer un plan comportant les renseignements suivants :

  • une esquisse de la façon dont le programme sera appliqué, y compris ses modalités et conditions d’application;
  • la durée du programme;
  • l’énoncé des mesures spéciales qui seront mises en oeuvre;
  • les buts, le calendrier d’exécution et les résultats attendus.
iv) Mécanismes de surveillance et d’évaluation :

Le programme doit comporter un mécanisme de surveillance et d’évaluation des progrès qu’il permet d’accomplir dans le sens des résultats attendus. Il importe :

  • de déterminer l’efficacité du programme;
  • de désigner un responsable du programme au sein de l’organisation;
  • de communiquer les résultats du programme au personnel de l’organisation ou à sa clientèle.

d) Autres renseignements au sujet de l’examen, de la prévention et de l’élimination des obstacles reliés au handicap

Tôt ou tard, beaucoup d’employés souffriront d’un handicap ou pourront être associés à une personne qui en est atteinte. Puisque le risque de plainte pour atteinte aux droits de la personne au travail est bien réel, il est avisé de penser à l’accessibilité. La présente section reprend de façon plus détaillée les mesures que l’employeur peut adopter pour faire en sorte que les lieux de travail soient conçus de façon inclusive et qu’ils soient accessibles aux personnes handicapées.

i) Examen des obstacles – accessibilité pour les personnes handicapées :

La prévention et l’élimination des obstacles doivent permettre aux personnes handicapées d’avoir accès à leur environnement et de faire face aux mêmes devoirs et répondre aux mêmes exigences que toutes les autres personnes, dans la dignité et sans empêchement. L’employeur doit planifier l’examen de l’accessibilité pour ces personnes, procéder à cet examen et apporter les correctifs nécessaires pour donner aux employés handicapés, comme aux utilisateurs de services ou clients handicapés, l’accès aux installations, aux procédures et aux services.

Quant à l’accessibilité pour les personnes handicapées, les principes à la base du Code sont les suivants :

  • L’adaptation requise accorde-t-elle à la personne handicapée l’accessibilité lui assurant l’égalité d’accès (égalité matérielle)?
  • L’adaptation requise procure-t-elle l’accessibilité de façon essentiellement égale?
  • La dignité de la personne est-elle respectée?
ii) Conseils pour un examen des mesures d’accessibilité :

Lorsqu’elles examinent leurs mesures d’accessibilité pour les personnes handicapées, les organisations peuvent évaluer leur degré d’accessibilité et trouver les aspects où il y a place à une amélioration. Tout plan d’examen des mesures d’accessibilité devrait :

  • énoncer le but du plan et en exposer les motifs, le contexte et l’orientation fixée;
  • rappeler les obligations de l’organisation en vertu du Code pour assurer l’accessibilité des employés, des utilisateurs de services et des clients handicapés;
  • cerner les ressources internes et externes qui pourraient orienter le déroulement de l’examen;
  • faire le résumé des initiatives en cours au sein de l’organisation et à l’extérieur;
  • trouver des moyens favorisant la prestation de services de qualité;
  • préciser l’étendue de l’examen et déterminer les obstacles possibles touchant les procédures et les pratiques en cours, les installations, les services et les communications;
  • proposer des délais et définir les responsabilités de chacun dans la mise en oeuvre de l’examen des mesures d’accessibilité de l’organisation;
  • présenter un plan de communication propre à l’examen des mesures d’accessibilité afin que la haute direction, le personnel et les clients soient au courant de l’initiative et de son but, et les appuient.

Les résultats de l’examen des mesures d’accessibilité devraient faire l’objet d’un rapport qui résume les conclusions et les recommandations et qui sera remis à la haute direction. Celle-ci doit faire connaître les résultats à toute partie concernée et élaborer un plan d’élimination des obstacles.

iii) Exemples d’obstacles pour les personnes handicapées :

Lorsqu’on examine la question des obstacles aux handicapés, il faut garder en tête qu’il existe de nombreux types d’obstacles à une participation pleine et entière. Le ministère des Services sociaux et communautaires fournit une liste d’exemples :[36]

  • les obstacles architecturaux et physiques (par exemple les caractéristiques des bâtiments, des entrées trop étroites). Les objets posés dans l’environnement, comme le mobilier ou des accessoires des toilettes peuvent aussi constituer des obstacles physiques;
  • les obstacles au niveau de l’information ou des communications (par exemple, des documents imprimés en caractères trop petits);
  • les obstacles comportementaux (par exemple, le fait de penser que les personnes handicapées sont inférieures ou ne peuvent pas vous comprendre);
  • les obstacles technologiques (par exemple, un site Web qui ne peut être lu avec un lecteur d’écran);
  • les obstacles systémiques (par exemple, une politique d’embauche qui désavantage les personnes handicapées).
iv ) Il ne suffit pas de se conformer au Code du bâtiment et aux normes de la LAPHO :

Il arrive souvent que l’employeur doive dépasser les exigences minimales de la Loi sur le Code du bâtiment de l’Ontario (Code du bâtiment) et toutes les normes applicables en vertu de la Loi sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario (LAPHO) pour se conformer au Code.

Il se peut que le Code du bâtiment ne réponde pas aux besoins des personnes atteintes d’un handicap qui ne nuit pas à leurs déplacements, comme une déficience mentale, un trouble d’apprentissage, un trouble de la vision ou un trouble de l’audition. Par exemple :

  • des panneaux de direction indiquant les sorties ou les ascenseurs pourraient aider des personnes souffrant de troubles de la mémoire;
  • des signaux tactiles peuvent aider les personnes qui ont un trouble de la vision pour des choses aussi simples que d’identifier le bon étage sur le panneau des ascenseurs ou de faire le bon choix de toilettes publiques;
  • des dispositifs d’alarme produisant des signaux visuels autant que sonores peuvent alerter des personnes sourdes, sourdes tardives ou malentendantes.

Ce qui précède ne figure pas dans le Code du bâtiment, cependant il pourrait être inacceptable, sur le plan des droits de la personne, de ne pas ajouter ces moyens.

De façon similaire, les normes édictées en vertu de la LAPHO peuvent énoncer que les exigences n’entrent pas en vigueur avant une certaine date ou peuvent ne pas faire référence au critère de préjudice injustifié. Néanmoins, l’employeur est tenu de satisfaire aux besoins des personnes handicapées, en vertu du Code, dans la mesure où cela ne cause pas de préjudice injustifié, même si la norme applicable de la LAPHO ne l’exige pas. Consulter l’annexe B pour plus de renseignements sur le Code du bâtiment, la LAPHO et les normes connexes.

e) Autres renseignements au sujet de la détermination et du règlement proactif des cas de discrimination systémique

La Commission s’attend à une démarche proactive de la part des employeurs lorsqu’il s’agit de déceler et de régler les cas de discrimination systémique. C’est une étape critique de tout examen des obstacles possibles et de leur élimination, ou encore de l’élaboration d’un programme spécial comme il a été question plus haut.

Trois éléments permettent de déterminer s’il existe de la discrimination systémique : la culture organisationnelle, les données numériques ainsi que les politiques, les pratiques et les mécanismes de prise de décision. L’employeur peut s’appuyer sur les principes suivants pour déceler et régler les cas de discrimination systémique :

i) Culture organisationnelle :

Il s’agit de types de comportements sociaux informels qu’un certain nombre de personnes a en commun, et qui sont le reflet de normes comportementales, de valeurs et de convictions profondes et peut être inconscientes. Le style de communication, les rapports interpersonnels et les aptitudes de leadership sont des qualités qui reflètent les normes prédominantes et qui expriment la culture d’une organisation. Des problèmes peuvent surgir lorsque des personnes de groupes désignés par le Code sont évaluées par comparaison à une grille subjective d’attributs.

Exemple : Aux yeux de ses collègues, le style direct de communication d’un homme de race blanche fait de lui un « homme qui a son franc-parler ». Une Canadienne de race noire qui prend le même ton passe pour être une « personne brusque ».

Exemple : La mère de jeunes enfants remarque que, malgré son efficacité au travail et l’appréciation de son supérieur immédiat, ses collègues s’imaginent qu’elle « ne fait pas sa part » parce qu’elle ne s’attarde pas régulièrement au bureau; et qu’elle fait l’objet de ragots et de remarques amères.

Accessoirement, il se peut que les membres d’une organisation sous estiment les points forts et la contribution de personnes de groupes désignés par le Code.

Exemple : Un enseignant canadien d’ascendance chinoise est mis en disponibilité parce qu’il manque d’expérience concernant un certain nombre d’activités parascolaires figurant sur une liste établie. Or, sur cette liste, le principal de l’école n’a pas inclus d’activités auxquelles des immigrants chinois seraient davantage susceptibles de participer, et il a plutôt marqué des activités auxquelles ces personnes ne participeraient probablement pas. Par conséquent, la candidature de cet enseignant a été écartée.

Exemple : Un policier gai plus âgé a recours à des habiletés bien affinées pour désamorcer des situations où il y a risque de violence. On demande à l’agent s’il est « encore à la hauteur de son travail » et s’il est encore « assez homme » pour utiliser son arme. Le fait qu’il applique des techniques avancées, apprises au terme d’un long entraînement, n’est pas reconnu.

Les réseaux et les rapports sociaux comptent pour beaucoup dans la culture organisationnelle. Ces réseaux peuvent apprendre à certaines personnes comment réussir au sein d’une organisation alors que d’autres seront exclues de cet apprentissage d’importance critique. La qualité des rapports sociaux entretenus peut conduire à une certaine perception de « l’intégration réussie » d’une personne au sein de l’organisation ou au contraire à l’impression qu’elle n’est pas du groupe.

Exemple : Une entreprise pratique une stratégie de versement d’une prime à tout employé d’expérience qui réfère un candidat au directeur des ressources humaines si le candidat est embauché. On invite les employés à en parler aux amis et à faire circuler l’information dans leurs réseaux sociaux, comme au sein des équipes de hockey. Les candidats recommandés de la sorte sont embauchés plus souvent que ceux répondant à une offre d’emploi affichée. S’ils sont embauchés, les candidats recommandés sont intégrés à l’entreprise de manière plus accueillante que les nouveaux venus qui ne connaissent personne. Un processus informel comme celui là tend à avantager les personnes ayant un profil semblable à celui du recruteur et des employés d’expérience et il porte préjudice aux employés handicapés, aux femmes et aux personnes racialisées.

ii) Données numériques :

Les données numériques révélant une disproportion de membres de certains groupes désignés peuvent être révélatrices de discrimination systémique ou autre. Ces données ne suffisent ordinairement pas par elles mêmes à établir l’existence de discrimination systémique. Elles peuvent cependant constituer une lourde preuve circonstancielle de pratiques inéquitables.

Exemple : Des données peuvent révéler que les femmes mères de jeunes enfants sont sous représentées dans les postes élevés et surreprésentées au niveau d’entrée. Cela peut témoigner de pratiques inéquitables d’embauche, de formation, de promotion et d’adaptation de personnes désignées par leur sexe et par leur état familial. L’organisation aurait à examiner sa culture et ses politiques, ses pratiques et son processus décisionnel.

Exemple : Des données peuvent révéler que le pourcentage d’employés racialisés d’une entreprise est très inférieur à ce qu’il devrait être, compte tenu de la disponibilité de personnes qualifiées dans la population ou dans le bassin de candidats. Il peut s’agir soit de discrimination systémique à l’embauche ou de discrimination au travail et échec à conserver des personnes racialisées dans leur poste. L’organisation aurait à examiner sa culture et ses politiques, ses pratiques et son processus décisionnel.

iii) Politiques, pratiques et processus décisionnels :

La Cour suprême du Canada a déclaré que les systèmes doivent être conçus de manière à inclure toutes les personnes.[37] Les systèmes, formels comme informels, doivent être structurés de façon à satisfaire aux besoins de tous, plutôt que seulement aux besoins de ceux faisant partie du groupe dominant. Les politiques, les pratiques et les processus décisionnels qui ne tiennent pas compte de la situation des personnes des groupes désignés peuvent donner lieu à de l’exclusion et à de la discrimination systémique.

Exemple : Par le langage et la teneur, les questions d’un examen normalisé plongent dans la culture majoritaire blanche et ont pour effet de bloquer les personnes racialisées et les immigrants de récente venue. Prenant conscience de la situation, une organisation emploie d’autres formes d’évaluation des candidats.

Exemple : Dans sa politique d’assiduité, un employeur affirme que toute absence au cours des trois mois d’une période d’essai est une cause de cessation d’emploi. La mère d’un nouvel employé subi une grave blessure en tombant. L’employé s’absente pendant deux jours pour s’occuper de sa mère qui est à l’hôpital et pour voir à ce qu’elle obtienne de l’aide à son retour à la maison. À son retour au travail, il est congédié pour ne pas s’être conformé à la politique d’assiduité.

iv) Contexte : désavantage historique :

Au moment d’établir s’il existe de la discrimination systémique, l’employeur doit tenir compte du désavantage historique de certaines personnes ou de certains groupes au sein de la société canadienne. Par exemple, il peut exister des liens entre la situation économique désavantageuse apparente chez les groupes des Premières nations et dans les communautés afro-canadiennes et d’anciennes pratiques discriminatoires qui ont fermé les horizons économiques des membres de ces communautés.

Exemple : Une importante entreprise exige de tous ses employés qu’ils se procurent trois uniformes et qu’ils participent à un stage de formation non rémunéré de deux semaines avant d’entreprendre un travail rémunéré. Toutes les fois qu’il offre de l’emploi à un groupe de 20 personnes, le quart refuse l’offre. Devant ce résultat, l’employeur procède à une enquête pour en découvrir la raison. Bon nombre des personnes qui ont refusé un emploi étaient protégées en vertu d’un motif prévu au Code, comme la race ou le handicap, et ils l’ont fait parce qu’ils ne pouvaient pas défrayer le coût initial. L’employeur se rend compte que le manque de moyens financiers peut présenter un lien avec un désavantage historique. Il modifie ses exigences de façon à ce qu’il n’existe pas d’obstacle à l’emploi des personnes de groupes désignés par le Code.

f) Prévention et mesures prises à l’égard du racisme et de la discrimination raciale

Il est parfois très difficile pour une organisation de régler des problèmes de racisme et de discrimination raciale. Les bons programmes de lutte contre le racisme reconnaissent l’existence de problèmes à l’échelle de la société et à celle des entreprises. Les composantes d’un bon programme sont :

  • un énoncé d’objectifs et une politique globale de lutte contre le racisme;
  • une surveillance proactive continue;
  • des stratégies de mise en oeuvre;
  • une évaluation.

Pour plus de renseignements sur le racisme et sur la façon de préparer des programmes de lutte contre le racisme, consulter le document de la Commission intitulé Politique et directives sur le racisme et la discrimination raciale.

i) Énoncés d’objectifs et politique de lutte contre le racisme :

Pour réussir, il est donc primordial qu’un programme de lutte contre le racisme se donne un énoncé d’objectifs ainsi qu’une politique claire, concrète et globale. Tous les groupes d’importance stratégique d’une organisation doivent participer à leur élaboration. Ils doivent être épaulés par les dirigeants de l’entreprise. L’énoncé d’objectifs qui est imprégné des principes et doté d’objectifs de lutte contre le racisme constitue un bon cadre pour un programme de lutte contre le racisme. Le lecteur trouvera un modèle d’énoncé d’objectifs à la page 55 du document de la Commission intitulé Politique et directives sur le racisme et la discrimination raciale et sur la façon de se doter d’une politique de lutte. Les principes avancés dans le document intitulé Directives concernant l’élaboration de politiques et de procédures en matière de droits de la personne continuent de s’appliquer.

ii) Surveillance proactive continue :

La Commission préconise donc que, si des préoccupations sont exprimées concernant l’effet discriminatoire de politiques ou de pratiques sur des personnes ou des groupes racialisés, l’organisation responsable doit faire le nécessaire pour vérifier si c’est bien le cas. Cette surveillance comporte souvent une collecte de données et la production de statistiques. Mais elle peut aussi comprendre d’autres aspects tels que la consultation de ces groupes, de même que l’examen des systèmes et la recherche de solutions. Il faut aussi prendre des mesures pour modifier les politiques et les pratiques qui ajoutent aux désavantages historiques. Consulter aussi la section IV-1e) – « Autres renseignements au sujet de la détermination et du règlement proactif des cas de discrimination systémique ».

iii) Stratégies de mise en œuvre :

La lutte contre le racisme exige d’apporter des changements fondamentaux aux structures et aux systèmes des organisations. Les « stratégies de mise en œuvre » sont la concrétisation de l’énoncé d’objectifs et de la politique de lutte contre le racisme. La Commission s’attend à ce que les entreprises appliquent toutes les mesures nécessaires à la résolution des problèmes identifiés. Ce sont notamment :

  • des changements organisationnels (la modification des rapports hiérarchiques, la suppression de politiques ou de pratiques anciennes, l’utilisation de processus formels, moins discrétionnaires);
  • des programmes spéciaux;
  • des sondages afin de recueillir des commentaires sur les questions de racisme et de discrimination raciale (par exemple les entrevues de départ);
  • la responsabilisation des personnes racialisées, par exemple par le biais de programmes formels de mentorat;
  • l’anticipation de la résistance au changement et l’élaboration de stratégies pour surmonter les objections éventuelles;
  • l’établissement de partenariats avec d’autres organisations afin de formuler des pratiques exemplaires;
  • des initiatives de sensibilisation et de formation obligatoires à l’intention de tout le personnel;
  • la diffusion d’information sur la politique et l’énoncé d’objectifs de la lutte contre le racisme;
  • l’obtention des services de spécialistes.

De nombreuses organisations se concentrent souvent sur la formation, au détriment des autres stratégies de mise en œuvre. Or, à elle seule, la formation ne suffit pas à instaurer un environnement dénué de discrimination. Et pour être efficace, une formation doit employer la terminologie propre à la lutte contre le racisme, plutôt que de mettre l’accent sur la « sensibilité culturelle » ou la « conscientisation raciale » par exemple. Toute formation qui réduit la discrimination raciale à de simples malentendus d’ordre culturel ne va pas opérer de véritables changements. Il importe de comprendre ce qu’est le racisme et de modifier les attitudes individuelles autant que collectives.

iv) Évaluation :

L’évaluation continue du programme de lutte contre le racisme d’une organisation est importante pour assurer son efficacité. On doit procéder périodiquement à l’examen et à la révision de la politique et de l’énoncé d’objectifs Il est aussi sage de prévoir le réexamen des situations ayant donné lieu à des plaintes en vertu de la politique, ainsi que de la manière dont elles ont été traitées et des points à améliorer.


[33] Rapport du Conference Board du Canada, intitulé Ontario’s Looming Labour Shortage Challenges: Projections of Labour Shortages in Ontario and Possible Strategies to Engage Unused and Underutilized Human Resources (25 septembre 2007), accessible en ligne à : www.workforcecoalition.ca, 20.
[34] Ibid. 20.
[35] Commission ontarienne des droits de la personne, supra, note 30.
[36] Ministère des Services sociaux et communautaires, « Le changement d’attitudes : comprendre les obstacles à l’accessibilité », accessible en ligne à: http://www.mcss.gov.on.ca/mcss/french/pillars/accessibilityOntario/accesson/understand_barriers.
[37] Meiorin, supra, note 6; voir British Columbia (Public Service Employee Relations Commission) c. B.C.G.S.E.U., [1999] 3 S.C.R. à 3 (orientation sexuelle) et Grismer, supra note 7.

Social Areas: 
Organizational responsibility: 

2. Établissement des exigences professionnelles

a) Voir à ce que les exigences professionnelles soient raisonnables et légitimes

Tout emploi comporte l’exécution de certaines tâches qui peuvent être considérées comme des exigences. Il peut arriver qu’une exigence, une qualité requise ou tout autre facteur a priori neutre et non discriminatoire entraîne l’exclusion, la restriction ou la préférence d’un groupe de personnes identifiées par un motif prévu au Code. Cette forme de « discrimination indirecte » ou de « discrimination par suite d’un effet préjudiciable » est interdite en vertu de l’article 11 du Code. Consulter aussi la section III-2g) – « Règles des lieux de travail qui ne sont pas appliquées de bonne foi ».

Exemple : Chez un certain employeur, il est de règle que les employés doivent être rasés de près. C’est en vertu de cette règle qu’un emploi est refusé à un sikh qui, du fait de sa religion, n’a pas le droit de se raser. L’employeur n’a pas créé cette règle dans l’intention d’exclure les sikhs de son personnel, mais le résultat est le même. Cette exigence serait donc jugée discriminatoire.

Lorsqu’une personne est incapable de satisfaire à des exigences en raison d’un motif énuméré au Code, il faut examiner juridiquement ces exigences pour voir si elles ont été établies de façon raisonnable et de bonne foi. L’examen vérifie aussi si la règle est inclusive et s’il est possible de prendre des mesures d’adaptation, sous réserve d’un préjudice injustifié.

Exemple : Même si la règle peut être considérée raisonnable et légitime (autrement dit, même si l’employeur peut démontrer qu’il a adopté la norme de bonne foi, dans un but rationnellement lié à l’exécution du travail en cause), l’employeur ne peut pas insister pour l’appliquer aux hommes sikhs, à moins de pouvoir prouver que faire une exception dans leur cas lui causerait un préjudice injustifié. Si, dans cet exemple, le travail en cause a trait à la préparation d’aliments et que l’employeur a imposé la règle par souci d’hygiène, il pourrait facilement adapter la règle aux employés sikhs en les autorisant à porter un filet sur leur barbe, ce qui ne lui causerait aucun préjudice injustifié.

Si l’employeur peut établir qu’elles sont raisonnables et légitimes, certaines exigences sont sources de discrimination directe sans constituer pour autant une infraction au Code.

Exemple : Un centre de culture physique exige que les personnes assurant l’entretien d’un vestiaire pour hommes soient de sexe masculin. Il s’agirait là d’une exigence considérée comme raisonnable et établie de bonne foi.

i) Critère pour qu’une exigence soit légitime :

Que la discrimination soit directe ou indirecte, la Cour suprême du Canada a formulé un critère à trois volets afin de déterminer si une norme, un facteur, une exigence ou une règle est une exigence professionnelle légitime.[38] La Commission applique ce critère à tous les motifs et elle l’analyse en détail dans beaucoup de ses politiques.

Lors de la présentation d’une plainte pour atteinte aux droits de la personne, le défendeur doit, selon la prépondérance des probabilités, prouver :

  1. qu’il a adopté la norme, le facteur, l’exigence ou la règle dans un but ou objectif rationnellement lié aux fonctions exercées;
  2. qu’il a adopté la norme, le facteur, l’exigence ou la règle de bonne foi, en croyant qu’il était nécessaire de le faire pour réaliser ce but ou cet objectif;
  3. que la norme, le facteur, l’exigence ou la règle est raisonnablement nécessaire à la réalisation de son but ou de son objectif, en ce sens que le défendeur ne peut pas composer avec la situation de personnes présentant le même profil que le demandeur sans en subir un préjudice injustifié.

Conformément à ce critère, la règle ou la norme même doit être inclusive et tenir compte des différences individuelles, sous réserve d’un préjudice injustifié, au lieu de maintenir des normes discriminatoires doublées de mesures d’adaptation pour ceux qui ne peuvent pas y satisfaire. L’inclusion de la notion d’adaptation dans la norme même assure à chaque personne une évaluation selon ses capacités personnelles plutôt qu’en fonction de présumées caractéristiques de groupe.

Exemple : Une femme occupant un poste de supérieur immédiat doit quitter le travail à 17 h pour s’occuper de ses jeunes enfants. L’employeur convoque souvent des réunions des cadres à cette heure là. Cette pratique porte préjudice aux personnes occupant un poste de direction et qui doivent s’occuper d’enfants.

Exemple : La mère d’un employé souffre de la maladie d’Alzheimer et elle requiert davantage de soins et d’aide. L’employé doit s’absenter pendant les heures d’affaires normales pour voir à procurer immédiatement des soins à domicile à sa mère et pour lui trouver un logement dans une maison de soins infirmiers. L’employé pourrait s’absenter seulement quelques matinées au cours de la semaine, mais la politique de l’employeur relative aux congés personnels prévoit que ces congés soient pris par journées entières.

ii) Attitude proactive concernant les exigences légitimes :

Il arrive parfois qu’un traitement différentiel présentant un lien avec un motif prévu au Code soit légitime si l’employeur peut établir qu’il s’agit d’une exigence professionnelle appliquée de bonne foi.

Exemple : Une femme enceinte de sept mois s’est vu refuser un emploi comme aide de cuisine dans un restaurant. Le Tribunal des droits de la personne a entendu des témoignages selon lesquels les fonctions reliées à cet emploi demandaient beaucoup de résistance physique. L’argument de l’employeur consistait aussi à dire que, comme la femme n’avait jamais occupé d’emplois similaires, elle ne pouvait pas se douter des efforts qui seraient attendus d’elle. Dans ce cas particulier, le tribunal a estimé plausible que le fait de ne pas se trouver dans les derniers mois de la grossesse soit une exigence professionnelle raisonnable.

Plutôt que d’attendre le jugement des tribunaux relatifs à des plaintes pour atteinte aux droits de la personne, une pratique exemplaire verrait l’employeur examiner les exigences professionnelles existantes ou nouvelles pour s’assurer qu’elles n’exercent pas d’impact discriminatoire et qu’elles sont nécessaires à l’accomplissement des tâches essentielles associées aux postes. La présente section présente des suggestions pour aider l’employeur à se conformer au Code de manière proactive lorsqu’il applique de nouveaux facteurs, normes, exigences ou règles.

Avant d’appliquer de nouveaux facteurs, normes, exigences ou règles, il est dans le meilleur intérêt de l’employeur de les évaluer par comparaison aux normes établies par la Cour suprême du Canada qui sont reprises dans les politiques de la Commission. Voici certains éléments méritant l’attention des employeurs :

  • En vue de quel but ou quel objectif la norme ou la règle est elle adoptée?
    • Existe t il un lien rationnel entre le but ou l’objectif et l’emploi-même?
  • Pourquoi la norme ou la règle est elle adoptée?
    • Est-elle adoptée de bonne foi?
    • Est elle raisonnablement requise pour atteindre une fin professionnelle légitime? Une norme n’est pas jugée être raisonnable à moins que l’employeur puisse établir que de prendre des mesures d’adaptation dans le cas des personnes présentant le même profil que l’auteur de la plainte, lui ferait subir un préjudice injustifié.
  • Quelles sont les autres approches possibles?
    • Ont-elles été étudiées de façon détaillée?
    • Existe-t-il des approches différentes qui n’ont pas d’effet discriminatoire? Conviennent elles aux objectifs de l’employeur?
  • Existe-t-il une façon moins discriminatoire de répondre à la norme et de répondre aux objectifs légitimes de l’employeur?
    • S’il existe d’autres façons non discriminatoires de répondre aux objectifs légitimes de l’employeur, pourquoi ne sont-elles pas appliquées?
  • Comment concevoir les normes pour qu’elles soient conformes au Code?
    • Peut-on concevoir des normes qui reflètent des différences et des aptitudes individuelles ou de groupes?
    • La norme est-elle conçue de manière à établir les qualités requises sans imposer un fardeau excessif à ceux auxquels elle s’applique?
    • La norme intègre-t-elle la notion d’adaptation?
  • Des adaptations sont-elles préconisées sous réserve d’un préjudice injustifié?
    • Les autres parties qui sont tenues d’aider à la recherche d’adaptations remplissent elles leur rôle?

Il importe de conserver les dossiers relatifs aux examens de ces règles et de ces normes, notamment ceux concernant les efforts d’évaluation et de mise en place de mesures d’adaptation. Ces dossiers pourraient se révéler utiles, en cas de préoccupations au regard des droits de la personne, pour déterminer si les règles et les normes sont discriminatoires.

Il importe également de faire en sorte que toute exigence, politique ou règle appliquée de bonne foi et concernant les critères de sélection soit tenue à jour. Par exemple, une politique en vigueur depuis si longtemps que personne ne se souvient de sa raison d’être initiale pourrait être contestée au motif que l’employeur ne croit pas qu’elle présente un lien avec l’accomplissement du travail (l’autre partie du critère)

iii) Exigences illégitimes :

Certaines exigences ne pourront être considérées comme raisonnables ou comme légitimes, notamment celles qui sont :

  • liées à des obligations accessoires et donc non essentielles à l’emploi;
  • fondées sur les préférences d’un collègue ou d’un client et qui excluent des personnes des groupes désignés par le Code;
  • basées sur des idées préconçues reliées à des motifs du Code tels le handicap, la race, le sexe concernant la capacité de certaines personnes de s’acquitter des obligations inhérentes à un emploi; par exemple, le fait pour une garderie de n’embaucher que des femmes pour s’occuper des enfants serait injuste envers les hommes qui sont tout aussi qualifiés pour faire ce travail;
  • inflexibles quant à la manière d’exécuter un travail, alors qu’il peut exister des possibilités d’adaptation raisonnables.

Exemple : Un tribunal des droits de la personne juge qu’un employeur a exercé de la discrimination contre une employée lorsqu’il a refusé de l’employer dans une section de l’entreprise où certains gaz étaient traités. L’employeur a justifié sa décision en s’appuyant sur le fait qu’il se produit à l’occasion des rejets accidentels de gaz qui pourraient être nocifs pour les femmes en âge de procréer et pour le fœtus. Le tribunal a estimé que le risque de nuire au fœtus est minimal. De plus, la recherche scientifique ne corrobore pas les assertions de l’employeur. Le tribunal fait remarquer que toute femme enceinte ou qui entend le devenir pourrait être transférée de cette section jusqu’après la naissance.

b) Définir et décrire clairement les exigences essentielles

Une description claire des postes et la connaissance des exigences essentielles pour ces postes constituent une base solide sur laquelle élaborer des règles et des normes, procurer des mesures d’adaptation, examiner la performance des candidats et des employés et fonder ses décisions d’embauche, de promotion, de mesures disciplinaires et de cessation d’emploi. Les organisations qui n’ont pas défini les responsabilités essentielles associées aux postes, fourni des mesures d’adaptation ni évalué la capacité des personnes de s’acquitter des responsabilités essentielles d’un poste sont en mauvaise posture pour se défendre contre une plainte pour atteinte aux droits de la personne.

En effet, l’article 17 du Code stipule qu’il n’y a pas atteinte au droit d’une personne à un traitement égal lorsqu’elle est traitée différemment parce qu’elle est incapable de satisfaire aux exigences ou aux responsabilités essentielles d’un poste à cause d’un handicap, lorsque des mesures d’adaptation ont été envisagées, sous réserve d’un préjudice injustifié.

L’employé a le devoir de collaborer avec l’employeur à l’examen de mesures d’adaptation. L’employeur ne peut se contenter de déterminer les limites de l’employé et il doit porter son attention sur les responsabilités dont l’employé peut s’acquitter.

L’employeur a la responsabilité de redistribuer les tâches non essentielles d’un poste et de prendre des mesures d’adaptation, sous réserve d’un préjudice injustifié, concernant les responsabilités essentielles du poste. Lorsque des mesures d’adaptation ont été adoptées, sous réserve d’un préjudice injustifié, et si la personne ne parvient toujours pas à répondre aux exigences essentielles, l’employeur ne fait pas preuve de discrimination en réaffectant l’employé à un autre poste qui convient mieux à ses besoins en termes d’adaptation.

Les emplois peuvent comporter de nombreuses tâches, certaines essentielles, d’autres seulement idéales ou souhaitables. La pratique exemplaire est de dresser la liste des tâches essentielles dans une description de poste et de les afficher clairement au moment d’offrir un poste. À la rédaction de la description de poste, il est prudent d’analyser les exigences physiques nécessaires ou essentielles de l’emploi, puis de fournir ces renseignements aux candidats. Il faut déterminer ces exigences de manière objective et non de façon à contourner les principes à la base du Code. L’employeur doit être en mesure de montrer pourquoi une tâche donnée est essentielle ou non à un poste.

La nature d’un emploi peut par ailleurs changer avec le temps. Cela peut entraîner l’ajout de nouvelles responsabilités, essentielles ou non. En vue de l’embauche, l’employeur peut tenir compte de ce qui suit :

  1. La description de poste reflète-t-elle bien la réalité ou faudrait-il la mettre à jour?
  2. La description de poste reflète-t-elle bien les besoins et les attentes de l’employeur?
  3. Quelles sont les exigences essentielles et les exigences accessoires?

Lorsqu’il évalue si une tâche donnée est essentielle ou non, l’employeur peut s’interroger sur ce qui suit :

  • À quelle fréquence la tâche est-elle effectuée?
  • Combien de temps est consacré à chaque tâche?
  • Comment la tâche s’inscrit elle dans l’ensemble des tâches liées au poste?
  • De quelle façon le poste serait-il modifié si cette tâche était retirée?

c) Penser au stress lors de l’aménagement des postes

Les spécialistes estiment que le stress est à l’origine de 19 % des congés de maladie et qu’il coûte chaque année 3,5 milliards de dollars aux employeurs canadiens.[39] Les spécialistes et les chercheurs ont trouvé que certaines catégories d’emploi sont associées à un stress plus élevé. Lorsqu’il s’ajoute à d’autres, ce stress peut résulter en des formes de handicaps et augmenter le besoin de mesures importantes d’adaptation, pour des motifs prévus au Code, lesquels auraient été évitables autrement.

Exemple : Une employée dont la mère est placée dans un établissement de soins de longue durée éprouve de la difficulté à concilier ses responsabilités de soignante et celles de son emploi. Elle peut difficilement aménager ses tâches professionnelles et elle doit constamment s’occuper d’urgences à la fin de sa journée de travail. Elle doit presque quotidiennement fournir une journée complète de travail, se rendre voir sa mère et travailler tard le soir à partir de son domicile afin de terminer ses tâches en vue de la journée suivante.

L’employeur fait valoir que la charge de travail au bureau est telle qu’il ne peut se permettre de réduire les heures de travail de cette personne. En outre, il incite les employés à ne pas réclamer de temps supplémentaire – selon lui, les employés qui seraient rémunérés pour du temps supplémentaire ne sont tout simplement pas assez productifs pendant la plage normale de travail. L’employée est très efficace, mais elle a le sentiment que sa contribution n’est pas appréciée et qu’elle ne répond pas aux attentes. Elle éprouve de plus en plus de stress sous la charge croissante de travail et l’absence de mesures d’adaptation. La situation est aggravée par un manque total de reconnaissance ou d’appréciation de son travail. Elle s’absente pour un congé prolongé de maladie.

Il est entendu que certains emplois sont des sources de stress plus intenses que d’autres, cependant l’employeur peut prendre des mesures pour éliminer les sources inutiles de stress ou pour aider les employés à combattre le stress au travail – consulter la section IV-8e(viii) – « Demandes d’adaptation liées au stress ».

Des travaux de recherche dont Mental Health Works fait état montrent que dans le cadre de certains emplois, les effets d’un stress indu peuvent se manifester lorsque les conditions professionnelles suivantes sont réunies:[40]

  • emplois très exigeants et peu de prise sur la situation;
    • délais constamment imposés sur de longues périodes;
    • l’employé a peu de prise sur l’organisation quotidienne de son travail;
    • ces emplois peuvent donner lieu à une hausse des demandes de règlement pour invalidité à cause du doublement du nombre de problèmes cardiaques et cardiovasculaires, d’un taux accru de cas d’anxiété, de dépression et de moral à la baisse, d’une hausse de la consommation d’alcool et de drogues ainsi que d’une perte de résistance aux maladies infectieuses;
  • emplois caractérisés par de grands efforts et peu de valorisation;
    • grands efforts physiques ou mentaux;
    • faible rémunération, peu d’avancement, de gain financier et de promotion;
    • ces emplois peuvent donner lieu au triplement des problèmes cardiovasculaires, à une hausse du taux de dépression, d’anxiété et de problèmes d’ordre conflictuel;
  • les emplois très exigeants et offrant peu de prise sur la situation, et caractérisés également par de grands efforts et peu de valorisation peuvent donner lieu à ce qui suit :
    • le doublement du risque de décès par trouble cardiaque;
    • une cholestérolémie et un indice de masse corporelle élevés;
    • une fréquence accrue des lombalgies (3 fois la fréquence observée pour un travail dans des conditions valorisantes et offrant de la prise sur le travail);
    • une hausse des cas de microtraumatismes (jusqu’à 150 %);
    • plus de cinq fois le taux normal de cancer colorectal (lorsque ces conditions sont combinées à d’autres facteurs de stress professionnel);
    • les accidents professionnels (directs ou indirects);
    • la fréquence accrue de conflits entre les employés.

d) Exigences qui peuvent être discriminatoires

Dans cette section, il est question d’exigences qui peuvent donner lieu à une plainte pour discrimination et qu’on ne devrait intégrer à une démarche d’embauche qu’après mûre réflexion :

Évaluation des aptitudes fonctionnelles : Il faut éviter de soumettre les candidats à une évaluation de leurs aptitudes à moins :

  • que l’exigence soit légitime et inclusive;
  • que l’évaluation présente un lien rationnel avec l’exécution des principales tâches de l’emploi;
  • que des mesures d’adaptation soient intégrées à l’évaluation.

Essais et simulations : Tout essai ou toute simulation doit être raisonnable et justifié, et doit constituer un bon indicateur du rendement au travail. Par exemple, les tests psychométriques et psychologiques peuvent comporter un biais en faveur de la culture dominante. L’administration d’un test écrit pour l’obtention d’un poste qui n’exige aucune compétence au plan de l’écrit peut avoir pour effet d’écarter des personnes pour lesquelles le français ou l’anglais est une langue seconde.

Exigences physiques non essentielles : Peu importe lequel, tout emploi a une composante physique. Les activités vont de tâches sédentaires, par exemple s’installer devant l’ordinateur, à des tâches très physiques, par exemple conduire un camion de livraison et soulever des colis lourds. Les exigences physiques non essentielles doivent être exclues des descriptions d’emploi et ne doivent pas servir à l’évaluation des candidats.

Exemple : Un commerce d’ordinateurs cherche à embaucher des vendeurs. La description de poste stipule que les vendeurs doivent pouvoir soulever des charges allant jusqu’à 20 kilos, soit le poids moyen d’un ordinateur, puisque l’emploi comporte la livraison aux acheteurs. Or, si la connaissance des ordinateurs et de la technologie de l’information est bien essentielle à un emploi de vendeur d’ordinateurs, la capacité de manipuler de lourdes charges ne semble pas l’être : ce critère doit donc être retranché des exigences essentielles.

Le permis de conduire : Le permis de conduire renferme des renseignements personnels sur son titulaire, notamment son âge ou l’existence d’un handicap. Ces renseignements pourraient donc permettre à l’employeur d’évaluer les candidats à un emploi en se basant sur un motif de discrimination interdit par le Code. Il serait donc préférable que l’employeur détermine quels sont les emplois pour lesquels la conduite automobile est une exigence essentielle et qu’il inclue cette information dans les descriptions de poste correspondantes.

La langue et la capacité linguistique : Toute description de poste qui requiert certaines capacités d’expression en français, en anglais ou dans toute autre langue ou qui écarte des candidats à cause de leur accent peut être discriminatoire, sauf si les exigences sont légitimes, compte tenu du travail à accomplir.

L’employeur qui exige des candidats à un emploi la « maîtrise » d’une certaine langue doit être en mesure de prouver qu’il a établi cette exigence de façon raisonnable et de bonne foi, soit satisfaire au critère formulé ci-dessus. Il faut par ailleurs que l’exigence porte sur la langue qu’une personne doit pouvoir parler, lire ou écrire pour faire le travail, et non sur son lieu d’origine, son ascendance, son origine ethnique ou sa race.

Exemple : Une agence d’établissement de personnes émigrées de pays du Sud Est asiatique requiert du personnel de soutien. La majeure partie de sa clientèle a immigré depuis peu au Canada. La maîtrise d’au moins une langue parlée dans l’Asie du Sud Est, en plus de l’anglais ou du français, constituerait une exigence légitime pour l’emploi.

L’alinéa 24(1)(a) prévoit une exception pour les employeurs qui seraient des groupes d’intérêt spécial.

Des années d’expérience canadienne : L’exigence « d’années d’expérience canadienne » peut limiter le nombre de candidatures provenant d’immigrants récents, ce qui pourrait être un motif de discrimination fondée sur la race, sur le lieu d’origine ou sur l’origine ethnique. On doit tenir compte de tous les types d’expérience antérieure, peu importe le lieu où cette expérience a été acquise. Il est souvent aisé d’évaluer les habiletés et les capacités des candidats sans avoir à consulter une source de référence canadienne ou insister sur des années d’expérience canadienne.

Exemple : Un employeur est à la recherche d’une personne pour un poste de réceptionniste et de dactylographe. Même si une candidate a obtenu sa formation à l’étranger, il y a différentes façons de vérifier ses habiletés, notamment les examens normalisés (de dactylographie par exemple), les lettres de recommandation ou les périodes d’essai.

Des exigences trop élevées : Des exigences trop élevées peuvent avoir pour effet d’écarter les personnes racialisées ou des personnes handicapées. L’exigence d’un diplôme universitaire lorsqu’un diplôme d’études du secondaire conviendrait, est un exemple d’exigences trop élevées.

La recherche de certains traits de personnalité : Cela peut avoir pour effet d’écarter les personnes de groupes désignés par le Code ou de les dissuader de postuler un emploi. Il arrive parfois que les termes choisis soient perçus comme des euphémismes pour des critères interdits en vertu du Code. Ainsi, de dire que les représentants des ventes doivent « faire preuve d’esprit compétitif » pourrait écarter les femmes racialisées, et de dire que des candidats doivent « montrer du potentiel » pourrait écarter des personnes âgées.

L’employeur ne doit pas mentionner la nécessité pour les candidats d’être en bonne condition physique même s’il est justifié de demander que les candidats passent un examen physique.

Les déplacements fréquents : Lorsque les employés ont des responsabilités importantes de soignants, leur aptitude à se déplacer de façon régulière ou pour de longues périodes peut être limitée. Lorsque les déplacements réguliers comptent au nombre des tâches que comprend un travail, il faudrait que ce soit une exigence essentielle et légitime. Mais, lorsqu’il ne s’agit pas d’une exigence légitime , les employés ne doivent pas se voir refuser certaines possibilités parce que leurs responsabilités de soignants les empêchent d’entreprendre des déplacements réguliers ou de longue durée. Même s’il s’agit d’une tâche essentielle à un emploi, on s’attendrait à ce que l’employeur adapte les déplacements aux besoins familiaux des employés.

Les étudiants ou les titulaires de diplômes récents : D’exiger que les candidats soient titulaires d’un diplôme récent ou qu’ils soient aux études pourrait écarter des candidatures de travailleurs âgés. Il peut s’agir de discrimination fondée sur l’âge à moins qu’une telle exigence soit légitime, présente un lien avec un programme spécial ou fasse l’objet d’une exception prévue au Code.

La citoyenneté canadienne : L’article 16 du Code permet à l’employeur d’exercer de la discrimination fondée sur la citoyenneté dans trois cas très précis :

  • le fait que la citoyenneté canadienne constitue une exigence, une qualité requise ou une considération lorsque la loi impose ou autorise une telle exigence;
  • le fait que la citoyenneté canadienne ou l’admission légale au Canada à titre de résident permanent constitue une exigence, une qualité requise ou une considération adoptée en vue de favoriser et de développer la participation de citoyens canadiens ou de personnes légalement admises au Canada à titre de résidents permanents à des activités culturelles, éducatives, syndicales ou sportives;
  • le fait que l’employeur impose comme exigence, qualité requise ou considération pour l’accession à un poste d’administrateur en chef ou de cadre supérieur la citoyenneté canadienne ou la résidence au Canada avec l’intention d’obtenir la citoyenneté canadienne.

L’employeur doit indiquer ces exigences dans toute description de poste pour éviter les malentendus avec les candidats. Consulter la question de la « Citoyenneté » dans la section Motifs de discrimination illicite III- 3i)


[38] Dans Meiorinsupra, note 6, la Cour s’est demandé si un examen d’aptitude physique, dont il a été décidé qu’il était indirectement discriminatoire à l’endroit des femmes, constituait une exigence professionnelle légitime dans le cas des pompiers forestiers.
[39] Statistiques résumées par Joan Burton, Industrial Accident Prevention Association, The Business Case for a Health Workplace, accessible en ligne à : http://www.iapa.ca/pdf/fd_business_case_healthy_workplace.pdf
[40] Mental Health Works, accessible en ligne à : www.mentalhealthworks.ca/employers/faq/question3.asp.

3. Annonce d’une offre d’emploi

En vertu du paragraphe 23(1) du Code, il y a atteinte au droit à un traitement égal en matière d’emploi lorsque la publication ou l’affichage d’une invitation à poser sa candidature à un emploi ou la parution d’une annonce d’emploi permettent d’établir directement ou indirectement des catégories ou indiquent des qualités requises fondées sur un motif illicite de discrimination.

Le paragraphe 23(2) du Code donne le genre de questions admissibles sur des formulaires de demande d’emploi ou dans le cadre d’autres formes d’enquête fondées sur un motif illicite de discrimination. Cette notion est reprise ci après à la section sur la « Préparation des formulaires de demande d’emploi » ainsi qu’à la section IV-5 – « Entrevues et décisions d’embauche ».

a) Faire en sorte que les annonces d’emploi et que leur affichage soient conformes au Code

Les annonces d’emploi ne doivent jamais mentionner de critères liés, directement ou indirectement, à la race, à l’ascendance, au lieu d’origine, à la couleur, à l’origine ethnique, à la citoyenneté, à la croyance, au sexe, à l’orientation sexuelle, au casier judiciaire, à l’âge, à l’état matrimonial, à l’état familial ou à un handicap.

Certaines exigences des annonces d’emploi risquent, même sans énoncer directement un motif de discrimination interdit par le Code, de décourager ou d’empêcher injustement certaines personnes de présenter leur candidature. Il en était question plus tôt dans la section sur la description de postes, les annonces d’emploi ne doivent pas comprendre d’exigences neutres qui pourraient constituer des obstacles et donner lieu à des plaintes pour atteinte aux droits de la personne. Par exemple, il peut être justifié d’exiger qu’une réceptionniste s’exprime de façon claire et intelligible en français ou en anglais, mais il n’est pas acceptable d’exiger que la personne s’exprime sans accent. S’il est essentiel et légitime d’exiger que le candidat à un poste sache conduire, l’employeur peut préciser dans l’annonce que les candidats doivent être titulaires d’un permis de conduire valide (classe spécifiée). Consulter aussi la section IV 2d) – « Exigences qui peuvent être discriminatoires » pour d’autres exemples de ce qu’il faut éviter d’inscrire dans les annonces.

Voici une liste de vérification énumérant les grandes lignes à suivre pour la rédaction d’une annonce d’emploi :

Liste de vérification :

  • L’emploi est-il décrit de façon non discriminatoire?
  • Les tâches essentielles de l’emploi sont-elles clairement exposées?
  • Les appellations d’emploi sont-elles non sexistes dans la mesure du possible (par exemple responsable de...)?
  • L’annonce rappelle-t-elle que l’employeur souscrit au principe de l’égalité d’accès à l’emploi et que des mesures d’adaptation sont prévues au processus d’embauche?

b) Assurer une large diffusion en ayant recours à divers moyens

L’employeur doit éviter de recourir, à des fins de recrutement, à des réseaux personnels (par exemple l’équipe de hockey de l’agent recruteur), aux relations sociales (par exemple les amis) et au bouche à oreille. Les processus informels de cette nature tendent à exclure les personnes qui n’ont pas le même profil ou qui ne partagent pas l’origine de l’agent recruteur et ils peuvent constituer des obstacles discriminatoires à l’emploi.

En outre, l’affichage des offres d’emploi uniquement par le biais d’annonces de journaux et de sites Internet peut exclure certains groupes désignés par le Code. Par ailleurs, les annonces en ligne peuvent être une excellente façon de rejoindre les personnes qui ne sont pas en mesure de prendre connaissance de contenus imprimés.

La politique exemplaire serait de diffuser largement une offre formelle d’emploi qui énonce clairement la nature du poste et les qualités requises (consulter la section IV-2 – « Établissement des exigences professionnelles » pour d’autres renseignements sur les descriptions de poste). Par exemple, l’employeur peut placer une annonce dans les journaux, sur des sites Web et auprès d’agences de placement, de manière à ce que les offres soient accessibles aux personnes des groupes désignés par le Code.

Certains employeurs qui cherchent activement à accroître la diversité dans leur organisation ont soin d’annoncer dans les journaux des groupes ethnoraciaux. D’autres mettent sur pied des initiatives de diffusion et se rendent dans les milieux à forte représentation de personnes racialisées ou handicapées.

4. Préparation des formulaires de demande d’emploi

a) Grands principes

Dans cette section, on examine certains éléments essentiels des formulaires de demande d’emploi, notamment de certaines parties qui pourraient être préoccupantes sur le plan du respect du Code. L’employeur peut s’inspirer des renseignements présentés ici pour faire en sorte que ses formulaires de demande d’emploi ne soient pas discriminatoires et qu’ils se limitent aux qualités requises et aux exigences qui ont trait à l’emploi et à la décision d’embauche. Si des formulaires comportent des questions non appropriées au regard du Code, il est possible de conclure qu’elles ont pesé dans la décision de ne pas embaucher un candidat.

Le Code prévoit la possibilité d’intégrer exceptionnellement des questions par ailleurs discriminatoires, mais seulement à l’étape de l’entrevue. Pour d’autres renseignements sur les questions admissibles à l’étape de l’entrevue, consulter la section IV-5d – « Conformité au Code des questions demandées en entrevue ».

Le modèle de formulaire présenté à l’Annexe D aide l’employeur à préparer des formulaires adaptés de demande d’emploi qui sont conformes aux dispositions du Code et aux principes abordés dans ces lignes. Bien évidemment, l’employeur peut compléter ou modifier ce modèle pour qu’il satisfasse à ses besoins tout en veillant à ce que la version définitive tienne compte des présentes considérations.

Ne pas demander de renseignements présentant un lien avec les motifs prévus au Code. Le paragraphe 23(2) du Code interdit l’utilisation de tout formulaire de demande d’emploi qui, directement ou non, établit des catégories ou indique des qualités requises fondées sur un motif illicite de discrimination. Les formulaires doivent être exempts de questions directes ou non sur la race, l’ascendance, le lieu d’origine, la couleur, l’origine ethnique, la citoyenneté, la croyance, le sexe, l’orientation sexuelle, le dossier criminel, l’âge, l’état matrimonial, l’état familial ou un handicap. En entrevue comme à l’embauche, il est permis, seulement dans certains cas, d’adresser aux candidats des questions en relation avec les motifs prévus au Code. Il en est question à la section IV-5d(i) – « Embauche fondée sur des motifs prévus au Code dans le cadre d’un programme spécial » et à la section IV-5d(ii) – « Embauche fondée sur des motifs prévus au Code lorsqu’une exception relative à l’emploi s’applique ».

Exemple : Sur son formulaire de demande d’emploi, une agence de services sociaux s’enquiert de la date de naissance des candidats. L’agence affirme que ce renseignement lui sert à vérifier les antécédents judiciaires des candidats. Le fait de recueillir sur ce formulaire des renseignements sur l’âge peut donner lieu à des préoccupations relatives à l’âge si un candidat est écarté tôt dans le processus d’embauche. L’employeur pourrait plutôt présenter une offre d’emploi conditionnelle au fait que la personne ne doit pas être sous le coup de condamnations qui n’ont pas bénéficié de réhabilitation. L’employeur peut demander la date de naissance du candidat à cette étape.

Photos : Il peut arriver qu’un employeur demande d’assortir le formulaire de demande d’emploi d’une photo des candidats. La Commission est fermement d’avis que les employeurs ne doivent pas demander de photos d’employés potentiels car elles peuvent livrer des renseignements en relation avec de nombreux motifs prévus au Code comme la race, la couleur, le sexe ou l’âge.

La communication des renseignements sur la race, la couleur de la peau, le sexe ou l’âge peut être nécessaire dans le cadre de programmes spéciaux destinés à contrer des difficultés ou des désavantages éprouvés par des groupes désignés, mais les photos ne constituent pas une source fiable de tels renseignements. Il serait préférable pour les employeurs qui voudraient mettre sur pied un programme spécial afin de diversifier leur main d’œuvre, de demander aux employés de fournir ces renseignements par eux mêmes tout en prévoyant des mesures appropriées de protection lors de l’utilisation de ce type de données.

Permis de conduire : Le permis de conduire contient des renseignements privés sur la personne qui pourraient permettre de classer un candidat de manière fondée sur un motif illicite de discrimination, comme le handicap. Sur le formulaire d’emploi, l’employeur ne doit ni demander copie du permis de conduire ni formuler aucune question portant sur l’admissibilité d’une personne à un permis de conduire. Lorsque la conduite automobile est une exigence essentielle au travail, l’employeur doit demander copie du permis de conduire uniquement après avoir présenté une offre conditionnelle d’emploi au candidat choisi.

Dans la section suivante, il est question d’autres exigences qu’il ne faut pas inclure sur les formulaires de demande d’emploi parce qu’elles peuvent constituer des obstacles discriminatoires.

b) Préoccupations précises

i) Âge :

Les formulaires de demande d’emploi ne doivent comprendre aucune question sur l’âge, sauf pour déterminer si le candidat a au moins 18 ans. L’employeur ne doit pas s’enquérir de la date de naissance, ni demander copie du certificat de naissance ou de tout autre document où l’âge des candidats paraît (baptistère, permis de conduire, etc.)

Lorsqu’il est nécessaire de connaître l’âge ou la date de naissance à cause d’une exigence essentielle à l’emploi ou pour l’adhésion aux régimes d’avantages sociaux ou de retraite, l’employeur doit demander les renseignements nécessaires seulement après avoir formulé une offre d’emploi conditionnelle.

Exemple : Pour un emploi de conducteur, lorsque la conduite automobile est une exigence essentielle à l’emploi, il est permis de demander sur le formulaire si l’employé est titulaire d’un permis de conduire valide. Toutefois, dans ce formulaire il ne faut pas demander copie du permis puisque ce document comprend des renseignements personnels qui permettraient de catégoriser les candidats selon l’âge et peut-être d’amener ceux dont la candidature a été écartée, à se demander si l’âge, par exemple, n’est pas un des facteurs de refus.

ii) Citoyenneté, lieu d’origine ou origine ethnique :

Sur le formulaire de demande d’emploi, l’employeur peut demander « Avez-vous légalement le droit de travailler au Canada? » Aucune autre question sur ces motifs n’est acceptable. À l’étape de la demande d’emploi, les questions concernant ce qui suit, sont également interdites :

  • le statut d’immigrant ayant reçu le droit d’établissement ou de résident permanent, la citoyenneté canadienne par naturalisation ou le statut de réfugié;
  • le lieu de naissance;
  • le numéro d’assurance sociale, qui peut fournir des indications sur le lieu d’origine ou le statut vis-à-vis de l’Immigration (ce numéro ne peut être demandé qu’après une offre d’emploi conditionnelle);
  • la « communauté » à laquelle le candidat appartient;
  • la participation aux activités d’associations culturelles ou ethniques.

Les renseignements demandés à cette étape préliminaire concernant l’instruction ou la formation d’une personne devraient se limiter au niveau d’études complété et au type de diplôme, de certificat professionnel ou de titre de compétence obtenu. Le nom d’un établissement d’enseignement ou le titre exact d’un diplôme, d’un certificat ou de tout autre agrément professionnel pourrait révéler le lieu d’origine d’une personne. Il est donc préférable que l’employeur ne s’en informe qu’après avoir fait une offre d’emploi conditionnelle.

iii) Croyance/religion :

Aucune question sur la croyance ou la foi n’est admissible dans les formulaires de demande d’emploi. À l’étape de la demande d’emploi, il faut éviter de poser des questions touchant à :

  • l’appartenance religieuse et l’église, le temple ou tout autre lieu de culte fréquenté;
  • les fêtes religieuses respectées;
  • les observances religieuses;
  • le consentement à travailler les jours de la semaine qui sont généralement reconnus comme étant des jours de congé à des fins religieuses; à savoir le vendredi après-midi, le samedi ou le dimanche;
  • des recommandations qui révéleraient l’appartenance religieuse, notamment celles d’un chef religieux ou spirituel;
  • des questions relatives au nom des établissements d’enseignement et au titre des diplômes, certificats et autres titres de compétence, car elles pourraient révéler l’appartenance religieuse.

L’employeur qui aurait des motifs raisonnables de vouloir connaître la disponibilité d’un candidat parce que son personnel travaille par équipes de travail, par exemple, serait avisé d’attendre après avoir présenté une offre d’emploi conditionnelle à un candidat avant de se renseigner sur d’éventuels besoins découlant de sa religion et la façon d’adapter l’emploi pour en tenir compte.

iv) Handicap :

Sinon en ce qui regarde les demandes d’adaptation, à l’étape de l’examen des demandes d’emploi, les questions relatives à l’existence d’un handicap sont interdites, en particulier celles :

  • l’état de santé général et les antécédents médicaux;
  • les maladies;
  • les troubles psychiatriques ou maladies mentales;
  • les limites physiques ou intellectuelles;
  • les handicaps du développement, déficiences intellectuelles ou difficultés d’apprentissage;
  • les lésions;
  • le nombre de jours de congé de maladie utilisé;
  • la demande ou l’obtention de prestations du régime d’assurance désigné par la Loi sur la sécurité professionnelle et l’assurance contre les accidents du travail;
  • la prise de médicaments;
  • l’appartenance à un groupement de personnes atteintes d’une maladie particulière (par exemple les Alcooliques anonymes);
  • la prédisposition à certaines maladies;
  • l’admissibilité à des régimes d’assurance, d’avantages sociaux ou de prestations;
  • la consommation abusive d’alcool ou de drogues ou un traitement s’y rapportant;
  • le permis de conduire;
  • les examens médicaux ou tests de dépistage de la consommation de drogues avant l’embauche;
  • le besoin de mesures d’adaptation.

v) État familial :

Toute question portant sur l’état familial est interdite à l’étape de la demande d’emploi, en particulier toute question visant à établir si la personne :

  • a des enfants ou pourrait en avoir à l’avenir;
  • a des obligations familiales;
  • a des obligations familiales limitant sa disponibilité (notamment pour les heures supplémentaires).

Plutôt que de demander à la personne si ses obligations familiales limitent sa disponibilité, il vaut mieux lui demander, dans la mesure où la nature de l’emploi le justifie, si elle est libre de se déplacer, voire de déménager. L’employeur peut poser cette question uniquement si la disponibilité pour les déplacements est une exigence légitime . Le cas échéant, cette question doit être adressée à tous les candidats. L’employeur ne doit pas présumer qu’une personne s’occupant d’enfants en bas âge ou ayant des responsabilités importantes de soignant n’est pas intéressée par un travail exigeant certains déplacements.

vi) État matrimonial :

Toute question portant sur l’état matrimonial est interdite, en particulier toute question demandant à la personne :

  • si elle est mariée, divorcée, célibataire, séparée ou si elle vit en union de fait;
  • des renseignements sur son conjoint ou sa conjointe (par exemple, est-ce que votre partenaire accepterait de déménager?);
  • dans le cas d’une femme, son nom à la naissance ou son nom de jeune fille;
  • si elle préfère la salutation M., Mme ou Mlle;
  • son lien avec la personne désignée comme bénéficiaire de sa police d’assurance ou la personne à prévenir en cas d’urgence.

Plutôt que de demander à la personne si son conjoint ou sa conjointe accepterait de déménager, il vaut mieux lui demander, dans la mesure où la nature de l’emploi le justifie, si elle est libre de se déplacer, voire de déménager.

vii) Motifs associés à la race :

À l’étape de la demande d’emploi, toute question portant sur des motifs associés à la race d’une personne est interdite. Par conséquent, il est interdit de demander :

  • des précisions sur des caractéristiques physiques, tels que la couleur des yeux ou des cheveux, la taille ou le poids;
  • la remise d’une photo d’identité ou autre;
  • des précisions sur la « communauté » à laquelle appartient la personne.

viii) Existence d’un casier judiciaire :

Il est permis de demander à la personne si elle est sous le coup de condamnations qui n’ont pas bénéficié de réhabilitation. Les questions interdites sont celles qui cherchent à savoir si la personne a déjà :

  • été déclarée coupable de toute infraction (ce qui pourrait être une façon de l’amener à dévoiler une infraction ayant bénéficié de réhabilitation);
  • fait de la prison;
  • été déclarée coupable d’une infraction à une loi provinciale (par ex. le Code de la route);
  • été déclarée coupable d’une infraction ayant bénéficié de réhabilitation.

ix) Sexe et grossesse :

Toute question relative au sexe ou à la grossesse est interdite. À l’étape de la demande d’emploi, les questions interdites sont celles où l’on demande par exemple à la personne :

  • si elle préfère la salutation M., Mme ou Mlle;
  • son nom à la naissance ou son nom de jeune fille;
  • son lien avec la personne désignée comme bénéficiaire de sa police d’assurance ou la personne à prévenir en cas d’urgence;
  • si elle entend avoir une famille;
  • si elle est enceinte, l’a été ou entend l’être.

Plutôt que de demander à la personne si elle a des enfants ou compte en avoir un jour, il vaut mieux lui demander, dans la mesure où la nature de l’emploi le justifie, si elle est libre de se déplacer, voire de déménager.

x) Orientation sexuelle :

Toute question relative à l’orientation sexuelle est interdite, en particulier celles demandant à une personne :

  • si elle préfère la salutation M., Mme ou Mlle;
  • si elle est mariée, divorcée, célibataire ou si elle vit en union de fait;
  • elle participe à la parade de la Fierté gaie;
  • si elle fait partie de groupes communautaires ou de défense de droits;
  • des renseignements sur son conjoint ou son partenaire de même sexe (par exemple, « est-ce que votre partenaire accepterait de déménager? »)

Il vaut mieux lui demander, dans la mesure où la nature de l’emploi le justifie, si elle est libre de se déplacer, voire de déménager.

5. Entrevues et décisions d’embauche

La présente section traite d’enjeux relatifs aux droits de la personne qui sont régulièrement soulevés à l’occasion d’entrevues, du genre de questions acceptables ou non et de la manière de prendre des décisions d’embauche conformes au Code. Les supérieurs immédiats, les superviseurs et le personnel des ressources humaines responsable des décisions d’embauche doivent être sensibilisés et formés à la perception et à l’élimination du harcèlement, de la discrimination et des obstacles à l’avancement des personnes de groupes désignés par le Code.

a) Agences de placement et cabinets de recrutement

Le paragraphe 23(4) du Code stipule qu’il est interdit à l’employeur de passer par une agence de placement pour embaucher des personnes sélectionnées suivant des critères liés à l’âge, à la race, au sexe, au handicap ou à d’autres motifs de discrimination interdits par le Code. Il est interdit aux agences de placement de sélectionner des candidats selon des critères discriminatoires. Il leur est interdit également de conserver des dossiers sur les « préférences » de cette nature de leurs clients. Lorsqu’il fait appel à une agence de placement ou à un cabinet de recrutement, l’employeur doit signaler qu’il souscrit au principe de l’égalité des chances en matière d’embauche et qu’il souhaite obtenir les demandes d’emploi d’une vaste représentation de candidats.

b) Processus d’embauche équitable

L’employeur doit chercher à établir un processus équitable d’embauche portant sur la capacité de chacun des candidat de s’acquitter des tâches essentielles à l’emploi. Tenir des entrevues formelles confiées à un comité de sélection composé de plusieurs personnes constitue une pratique exemplaire. Idéalement, les membres du comité seraient représentatifs de la diversité au sein de l’organisation. Ils devraient préparer des questions qui seraient adressées à tous les candidats. L’interrogatoire devrait porter sur les fonctions essentielles de l’emploi et être fondé sur des exigences légitimes. Avant d’enclencher le mécanisme d’interrogation des candidats, il faut rédiger un guide des réponses attendues et préparer une grille de notation. De la sorte, tous les membres du comité peuvent consigner les réponses des candidats et les noter.

Cette façon de procéder éloigne l’employeur de décisions arbitraires fondées, par exemple, sur la « confiance affichée » par les candidats ou leur « acceptabilité ». L’employeur qui fondrait son choix sur de telles perceptions subjectives est sujet à une plainte au motif de discrimination. En cas de plainte pour atteinte aux droits de la personne, et faute de critères objectifs, il pourra difficilement expliquer, en cas de plainte reliée aux droits de la personne, pourquoi certains candidats étaient ou non qualifiés pour un emploi.

Exemple : Une femme n’a pas accès à un emploi normalement réservé aux hommes. Même si elle a antérieurement fait ce travail, on estime qu’elle n’a pas les habiletés requises. L’employeur n’a ni élaboré ni appliqué de critères objectifs d’évaluation, de sorte qu’il lui a été impossible d’établir que sa décision n’était pas fondée sur des stéréotypes discriminatoires.

Des considérations du même ordre s’appliquent aux examens écrits que des candidats seraient appelés à passer dans le cadre d’un processus d’embauche. Les examens administrés à tous les candidats doivent être identiques et la note attribuée doit être établie par application d’une grille objective de correction préparée avant l’évaluation des copies. Tout examen écrit doit aussi porter sur les fonctions essentielles de l’emploi et être basé sur des exigences légitimes.

Peu importe qu’il s’agisse d’entrevues ou d’examens écrits, le processus appliqué doit être le même pour tous les candidats et il doit être établi d’avance, sinon pour les adaptations requises. Par exemple, un comité d’évaluation pourrait estimer possible d’aider tous les candidats dont les réponses à l’entrevue ne correspondent pas à la question. Ou encore, pour un examen écrit, l’employeur peut mentionner que les réponses seront évaluées uniquement à partir de l’information communiquée par les candidats. Lorsque c’est le cas, il faut aviser les candidats de répondre à toutes les parties de chacune des questions. L’employeur ne peut réserver des questions à certains candidats seulement.

Exemple : L’employeur demande à des candidates racialisées si elles peuvent composer avec des insultes d’ordre racial, ce qu’il ne demande pas à d’autres candidates. Cette attitude a été jugée discriminatoire. Plutôt, l’employeur aurait pu demander à toutes les candidates comment elles se comporteraient avec des clients difficiles ou provocateurs.

Le succès d’un candidat face au processus d’embauche ne doit pas dépendre d’une évaluation informelle réalisée par un seul évaluateur. Les décisions relatives à la dotation qui sont fondées sur des processus informels risquent beaucoup plus que les autres d’être influencées par des partis pris inconscients. Par exemple, le fait de bavarder avec un candidat pour déterminer le degré d’intérêts communs et pour voir si la personne « va intégrer » la culture organisationnelle peut constituer un obstacle pour les personnes qui ne correspondent pas à la norme dans les lieux de travail, ou paraissent ne pas le faire. Lorsque la décision de présenter des candidats aux décideurs principaux s’appuie sur une telle démarche, cette dernière constitue un obstacle majeur pour les personnes des groupes désignés par le Code.

Exemple : Le processus d’embauche d’étudiants se ramène à une rencontre entre un certain nombre d’associés et de partenaires, et tous les candidats vus un à un. Les évaluateurs n’ont pas une liste de questions ou des critères d’embauche établis. Plutôt, le CV de chacun des candidats est le point de départ d’une conversation à bâtons rompus portant sur des sujets qui intéressent les membres du comité, par exemple l’établissement scolaire et le club de golf fréquentés. À la fin de l’entrevue, les candidats sont classés selon leur « degré de correspondance » à l’image de l’entreprise. Au terme de ce classement, certains candidats obtiendront une rencontre avec les décideurs principaux. Les entreprises qui ont recours à des processus de cette nature sont fortement sujettes à des plaintes au motif de discrimination.

Le fait de ne pas se conformer au processus usuel d’embauche peut indiquer l’existence de discrimination même si une personne d’un groupe désigné n’est pas en mesure d’obtenir l’emploi en l’absence de toute discrimination.

Exemple : Une personne se présente à une entrevue en fauteuil roulant. On l’informe qu’il est inutile de passer l’entrevue. Peu importe que cette personne ne soit pas en mesure d’accomplir les tâches essentielles à cet emploi, malgré l’adoption de mesures d’adaptation, et qu’elle soit moins qualifiée que le candidat choisi, le fait de ne pas l’évaluer dans le cadre des entrevues est discriminatoire.

c) Offre et mise en place de mesures d’adaptation en vue d’un examen ou d’une entrevue

En ce qui concerne les motifs prévus au Code, l’employeur est tenu de satisfaire aux besoins des candidats à tout moment du processus d’embauche ou des entrevues, à l’inclusion des examens. Il est tenu d’appliquer les mesures d’adaptation dans la mesure où cela ne lui cause aucun préjudice injustifié. Pour plus de renseignements sur les principes en jeu, consulter aussi la section IV-8 – « Prise en compte des besoins d’adaptation des employés au travail ».

La Commission recommande aux employeurs de proposer à l’ensemble des candidats l’accès à des mesures d’adaptation pour tenir compte des besoins particuliers de certains, au moment de les convoquer à une entrevue ou à un examen. La personne qui demande des mesures d’adaptation afin de pouvoir participer aux entrevues doit faire connaître ses besoins en fournissant suffisamment de détails et doit coopérer avec la personne responsable des mesures pour qu’elle puisse intervenir avant la tenue des entrevues ou des examens. Il n’existe pas de formule établie. Les besoins de chacun sont uniques et il faut les considérer comme tels.

Exemple : Un organisme gouvernemental invite 30 candidats à un examen écrit en vue d’un emploi au ministère des Communications. Les candidats sont prévenus qu’ils auront une heure pour prendre connaissance de la documentation et pour rédiger deux courts documents semblables aux documents qu’ils auraient à rédiger s’ils obtenaient l’emploi, par exemple des communiqués de presse. On leur demande s’ils ont des besoins justifiant des mesures d’adaptation. L’un des candidats mentionne qu’il lui faut un ordinateur muni d’un logiciel de lecture d’écran, un autre demande de disposer de plus de temps pour exécuter les tâches demandées. L’employeur dispose d’assez de temps pour se renseigner davantage, au besoin, et pour planifier l’application des mesures requises afin que les candidats soient évalués équitablement selon leurs compétences.

Exemple : L’employeur convoque des candidats en entrevue. En prenant connaissance de l’heure du rendez-vous, l’une des personnes convoquées le prévient qu’elle n’est pas disponible à ce moment là parce qu’elle doit procurer des soins à quelqu’un, et elle demande que son rendez-vous soit déplacé. Le responsable de l’embauche répond à cette personne que si elle ne peut se présenter au rendez-vous qui lui a été donné, sa candidature n’est pas retenue du fait que de nombreux autres candidats sont intéressés à obtenir l’emploi. La candidate en question n’a pas demandé explicitement une mesure d’adaptation « au motif de son état familial », mais si elle présentait une plainte, un tribunal conclurait que l’employeur ne s’est pas acquitté de son obligation d’adaptation dans la mesure où cela ne lui cause aucun préjudice injustifié.

Exemple : Une personne présente sa candidature par Internet. On l’invite à une entrevue téléphonique. La personne adresse à l’employeur une requête par courriel demandant que l’évaluateur entre en contact avec elle via téléimprimeur ou grâce au Service de relais de Bell Canada, à titre de mesure d’adaptation. L’employeur répond qu’elle ne se qualifie pas pour l’emploi parce qu’une partie du travail est de prendre contact avec les clients par téléphone. Un tribunal pourrait juger qu’il ne s’est pas acquitté de son obligation d’adaptation. En outre, la personne n’a pas eu l’occasion d’établir si elle pouvait s’acquitter des fonctions essentielles à l’emploi, ce qui est discriminatoire.

d) Conformité au Code des questions demandées en entrevue

Si le cas était soulevé, il serait possible de conclure que la décision de ne pas embaucher quelqu’un a été influencée par des questions non appropriées et en relation avec les motifs prévus au Code. L’employeur serait passible de discrimination même s’il n’en n’avait pas l’intention. Le fait de poser des questions illicites suffit à établir qu’il y a discrimination même si le candidat en cause obtenait l’emploi.

Exemple : Au commencement de l’entrevue, un supérieur immédiat responsable de l’embauche parle de manière informelle de sa famille et demande à la candidate si elle même a des enfants. Tout au long de l’entrevue, la candidate ne cesse de se demander si son état familial pèsera sur la décision d’embauche. L’évaluateur a peut-être enfreint le Code même si l’emploi est offert à la candidate et que la réponse à cette question n’a eu aucune incidence sur la décision d’embauche.

On doit veiller à ce que les entrevues servent uniquement à réunir les renseignements sur les compétences en fonction des exigences de l’emploi qui sont nécessaires à la décision d’embauche.

Le paragraphe 23(2) interdit à l’employeur d’adresser aux candidats des questions établissant des catégories, de manière directe ou non, ou indiquant des qualités requises fondées sur un motif illicite de discrimination. Cependant, le paragraphe 23(3) permet de poser des questions concernant des motifs illicites de discrimination lorsque c’est permis en vertu du Code. Cela signifie qu’à l’entrevue, l’employeur a plus de latitude pour poser des questions fondées sur des motifs illicites de discrimination pourvu qu’elles portent sur les exceptions et les interdictions du Code. Ces exceptions concernent les organisations de services spéciaux, les programmes spéciaux et les emplois dont les exigences sont en relation avec des motifs précis, prévus au Code.

i) Embauche fondée sur des motifs prévus au Code dans le cadre d’un programme spécial :

Lorsqu’un employeur répond aux critères d’un programme spécial, il peut cibler et embaucher des personnes en se fondant sur des motifs précis, prévus au Code. Pour plus de renseignements, consulter la section IV-1c) – « Planification et mise en oeuvre d’un programme spécial ».

À l’étape des entrevues, l’employeur peut adresser des questions en relation avec des motifs prévus au Code afin d’évaluer l’éligibilité des candidats au programme spécial en vertu de l’article 14 du Code. Si un programme spécial est mis en place, il est approprié de poser des questions pertinentes sur les formulaires de demande d’emploi ou pendant les entrevues afin de déterminer l’éligibilité des candidats. Par exemple, l’employeur peut s’enquérir de l’appartenance à un groupe désavantagé ou faisant l’objet de préjudice pour savoir si les candidats répondent aux critères du programme spécial. Lorsqu’on adresse ce genre de questions à une personne, on doit veiller à l’informer du programme spécial.

ii) Embauche fondée sur des motifs prévus au Code lorsqu’une exception relative à l’emploi s’applique :

En vertu d’une exception prévue à l’article 24, l’employeur peut embaucher des personnes en se fondant sur des motifs précis prévus au Code, tant et aussi longtemps que les raisons pour agir de la sorte sont raisonnables et qu’elles sont légitimes, compte tenu de la nature de l’emploi. Lorsque c’est le cas, il serait approprié de poser des questions pertinentes dans les formulaires de demande d’emploi ou au cours des entrevues.

Exemple : Une organisation qui procure des services sociaux aux personnes sourdes, sourdes tardives ou malentendantes préférerait peut-être embaucher un agent de liaison communautaire qui aurait lui même un problème d’audition.

Il est loisible à l’employeur de poser des questions en entrevue qui portent sur des motifs prévus au Code et de s’appuyer sur les réponses obtenues pour fonder sa décision d’embauche, pourvu que les questions répondent aux critères associés à l’une des exceptions suivantes :

Organisations d’intérêt spécial : L’alinéa 24(1)(a) permet à certaines organisations d’intérêt spécial d’accorder la préférence à l’embauche de personnes identifiées à certains groupes. On pense ici :

  • aux organisations religieuses qui adhèrent à un système et à une confession de foi comme une église ou un ordre religieux;
  • aux organisations philanthropiques à l’origine d’actions de bienfaisance, à l’inclusion de nombreux organismes de bienfaisance enregistrés en vertu de la Loi sur l’impôt du gouvernement fédéral;
  • aux établissements éducatifs tels que des écoles, des collèges ou d’autres institutions de formation et d’instruction de nature morale, religieuse, professionnelle, intellectuelle ou physique;
  • aux sociétés de secours mutuel sans but lucratif;
  • aux organisations sociales qui procurent des bénéfices sociaux ou culturels (par exemple qui sont au service d’un groupe ethnique en particulier).

Pour qu’elle réponde aux critères associés à une exception, une organisation doit remplir les conditions suivantes :

  • servir avant tout les intérêts de personnes identifiées par la race, l’ascendance, le lieu d’origine, la couleur, l’origine ethnique, la croyance, le sexe, l’âge, l’état matrimonial ou un handicap;
  • employer seulement ou préférer des personnes identifiées par la race, l’ascendance, le lieu d’origine, la couleur, l’origine ethnique, la croyance, le sexe, l’âge, l’état matrimonial ou un handicap;
  • la qualité requise doit être exigée de façon raisonnable et de bonne foi compte tenu de la nature de l’emploi.

Si ces conditions sont respectées, il peut être permissible d’embaucher des personnes identifiées à des motifs prévus au Code ou préférées pour ces motifs.

Exemple : Une école confessionnelle embauche des enseignants et des concierges. Il serait permis de formuler des questions sur l’appartenance religieuse si l’emploi comportait un volet d’enseignement de valeurs religieuses aux étudiants. De telles questions seraient légitimes dans le cas des enseignants, pas dans celui des concierges.

Lien raisonnable et de bonne foi avec des motifs prévus au Code, comme l’âge ou le sexe : L’alinéa 24(1)(b) admet la discrimination en matière d’emploi si l’âge, le sexe, le casier judiciaire ou l’état matrimonial du candidat constitue une qualité requise qui est exigée de façon raisonnable et de bonne foi compte tenu de la nature de l’emploi.

Exemple : Un centre d’hébergement de femmes offre des postes de conseillères auprès des femmes victimes de violence en précisant que seules les candidatures de femmes seront retenues. Dans pareille situation, la nature du travail est telle que le critère du sexe est raisonnable et appliqué de bonne foi.

Embauche de personnes pour dispenser des soins à soi-même, à un enfant ou au conjoint âgé, infirme ou malade : L’alinéa 24(1)(c) permet d’employer une personne pour des raisons fondées sur un motif illicite de discrimination précisé à l’article 5 si les principales fonctions reliées à l’emploi consistent à dispenser des soins médicaux ou personnels au particulier ou à un de ses enfants malade ou à son conjoint ou autre parent âgé, infirme ou malade.

Exemple : Un homme embauche un soignant à domicile pour son père qui souffre de graves handicaps. Le père préférerait recevoir des soins d’un homme. Bien qu’il ait reçu des demandes d’emploi émanant de plusieurs femmes qualifiées, l’homme tient compte de la préférence de son père pour l’embauche. Cette action est permissible.

Politiques relatives à l’autorisation ou à l’interdiction du népotisme : L’alinéa 24(1)(d) permet à l’employeur d’accorder ou de refuser un emploi ou une promotion à une personne qui est son conjoint, son enfant ou son père ou sa mère ou à une personne qui est le conjoint, l’enfant ou le père ou la mère d’un employé.

iii) Questions sur l’aptitude d’un candidat à s’acquitter des tâches jugées essentielles à l’emploi :

Dans le cadre d’une entrevue, l’employeur peut élargir le champ de ses questions jusqu’à la détermination des compétences ou de l’aptitude du candidat à accomplir les tâches essentielles à l’emploi. Au cours de l’entrevue, si le candidat demande que l’employeur offre des mesures d’adaptation professionnelle pour satisfaire à des besoins, au motif de la religion ou de la grossesse par exemple, il est possible d’en discuter à ce moment là. En effet, si une personne soulève cette question en entrevue, il est possible de discuter des besoins liés à son handicap et des mesures d’adaptation en fonction des exigences essentielles à l’emploi. Sauf à la demande d’un candidat, ne jamais discuter d’adaptations professionnelles avant d’avoir présenté une offre d’embauche conditionnelle.

e) Prise de décisions d’embauche non discriminatoires

Le processus de décision doit être uniforme, cohérent, transparent, équitable, impartial, complet et objectif. Les réponses obtenues à un examen écrit ou lors d’une entrevue doivent être notées par comparaison à des critères établis antérieurement et portant sur les exigences essentielles à l’emploi. Au moment de prendre une décision d’embauche, l’organisation doit être en mesure de présenter des raisons non discriminatoires pour embaucher ou non chacun des candidats.

Il est recommandé de conserver pendant au moins six mois des documents écrits sur les entrevues comme sur l’ensemble du processus d’embauche si aucune plainte n’a été formulée, plus longtemps en cas de plainte pour atteinte aux droits de la personne (jusqu’à la décision de la Commission ou d’autres tribunaux). Sauf s’il avait des raisons précises pour détruire les dossiers constitués tout au long du processus, l’employeur a tout intérêt à les conserver car il peut s’en servir en cas de plainte pour atteinte aux droits de la personne. Les employés jugent souvent qu’il est préférable de « ne pas faire de vagues » en présentant une plainte avant d’avoir trouvé un autre emploi ou avant que se soit produite l’étape ultime de la discrimination, par exemple le congédiement.

Exemple : Un employé handicapé de race noire cherche à obtenir une promotion en 2002, en 2005 et en 2006. À son retour d’un congé d’invalidité en 2007, il est congédié. La raison évoquée est qu’il n’a pas le potentiel de gestionnaire et qu’avec la réorganisation de l’entreprise, il ne peut pas continuer d’occuper son poste. Il présente une plainte pour atteinte aux droits de la personne alléguant la discrimination les trois fois qu’il a présenté sa candidature à un emploi et au moment de son congédiement. Dans la mesure où sa demande est déposée dans les délais prescrits, toutes les allégations seraient examinées.

Lorsqu’il prend une décision d’embauche, l’employeur doit veiller à tenir compte uniquement des compétences des candidats et des exigences de l’emploi. Dans le cadre du processus d’embauche, les responsables de la décision ne doivent pas tenir compte des renseignements qu’un candidat aurait pu communiquer librement au sujet des motifs prévus au Code. Lorsque cette situation se présente, l’employeur doit bien faire attention d’évaluer les candidats au regard de facteurs légitimes seulement. C’est seulement lorsque les exceptions inscrites au Code entrent en jeu qu’il peut tenir compte de renseignements concernant les motifs prévus au Code.

Lorsqu’il décide d’offrir ou pas un poste à un candidat, l’employeur ne doit pas tenir compte du fait qu’à cause d’une absence pour cause de maternité, de handicap ou de soins parentaux, celui ci n’est pas en mesure de se présenter au travail à la date prévue d’entrée en fonction. Lorsque le candidat le plus qualifié ne peut occuper immédiatement un emploi, il faut appliquer des mesures de rechange pour la dotation provisoire du poste. Comme c’est le cas avec les autres formes d’adaptation, l’employeur n’a pas à subir un préjudice injustifié.

Exemple : Un poste permanent de directeur adjoint d’école se libère à compter de septembre. Le meilleur candidat est en congé parental jusqu’au mois de janvier suivant. Sauf s’il est établi qu’il y aurait préjudice injustifié, la décision de ne pas offrir ce poste permanent à ce candidat et pour cette raison, serait discriminatoire.

Que ce soit de façon déclarée ou non, les processus décisionnels ne doivent pas avoir pour effet d’exclure des personnes des groupes désignés par le Code.

Exemple : Un employeur rejette la candidature à un emploi d’une femme de race noire après l’avoir rencontrée. Visiblement outré, il rejette carrément sa candidature de la postulante sans même s’informer de ses titres de compétences. Interrogé sur les raisons du rejet, il mentionne vaguement le maintien de l’image de l’entreprise.

Exemple : Un employeur réduit une liste initiale de candidats de dix personnes à trois personnes détenant de l’expérience canadienne. L’une de ces personnes obtient l’emploi. Chacun des sept candidats dont la candidature a été écartée pour défaut d’expérience canadienne pourrait déposer une plainte pour discrimination fondée sur la race et sur des motifs connexes.

Les compétence requises peuvent être légitimement modifiées de temps à autre, mais il faut faire en sorte que les changements touchant aux critères de décision n’aient pas de conséquences discriminatoires à l’endroit des candidats.

Exemple : Normalement, les candidats aux postes de titulaire dans une université sont évalués selon leurs publications, les fonds de recherche qu’ils obtiennent et leur évaluation à titre de professeurs. Au moment d’étudier des candidatures, le comité de sélection choisit de ne pas appliquer ces critères et opte plutôt pour une évaluation subjective du potentiel des candidats. Ultimement, la candidature d’un diplômé récent de race blanche est préférée à celle d’un candidat racialisé qui a acquis une réputation internationale pour son travail à l’université. Il est possible de conclure à de la discrimination.

Toute organisation doit être en mesure de fournir une explication non discriminatoire au fait de ne pas embaucher une personne. Il est conseillé à l’employeur de ne pas avoir recours à des faux fuyants afin de ménager un candidat car il pourrait être amené à penser que la discrimination est derrière le refus de l’embaucher. L’auteur de la plainte peut ne pas être le candidat le mieux qualifié, un verdict de discrimination peut tout de même être prononcé s’il a une raison de penser que la décision de l’employeur est entachée de discrimination.

Exemple : Au terme d’un processus équitable de sélection, un candidat se classe au 19e rang sur 20; des postes sont accordés aux 14 premiers. L’employeur dit au candidat « qu’il ne convenait pas pour ce poste » plutôt que de lui dire qu’il a terminé avant dernier. Le candidat est induit à croire qu’il s’est bien classé, mais que sa candidature a été écartée pour des raisons subjectives comme l’âge ou la race. Même si les documents et d’autres preuves corroborent sa version, l’employeur aura peut être à consacrer du temps et des ressources pour se défendre contre cette plainte.

i) Discrimination à l’embauche :

En général, il y a discrimination à l’embauche lorsqu’une personne qualifiée se voit refuser un emploi ultérieurement confié à une autre personne qui, elle, n’est pas d’un groupe désigné par le Code. Par ailleurs, il peut y avoir discrimination même lorsqu’une personne d’un groupe désigné n’aurait pas été la candidate retenue, sans égard à la discrimination. Par exemple, dans l’éventualité où, de deux personnes également compétentes, la personne non racialisée serait choisie, l’organisation aurait à expliquer son choix en établissant qu’elle n’a pas commis de discrimination, si une plainte pour atteinte aux droits de la personne était présentée. Il peut également s’agir de discrimination si la candidature d’une personne compétente est écartée après examen et que la recherche se poursuit pour trouver un candidat n’appartenant pas à un groupe désigné par le Code.

Les préjugés ou les stéréotypes peuvent conduire à l’élimination de candidats fondée sur des motifs prévus au Code. Voici des exemples de décisions d’embauche peut-être entachées de discrimination :

  • Écarter la candidature de personnes parce qu’elles ne correspondent pas à « l’image de l’entreprise » ou n’ont pas le profil correspondant à la « culture de l’entreprise » : Cela pourrait jouer en défaveur des personnes identifiées par la race ou par des motifs associés à la race, des personnes âgées, des personnes handicapées ou d’autres personnes n’appartenant clairement pas au groupe dominant.
  • Refuser d’embaucher une personne à cause de la perception qu’on a d’un « manque de potentiel professionnel » : Cette exigence porte davantage préjudice aux candidats plus âgés, surtout au niveau d’entrée.
  • Refuser d’embaucher un candidat « trop expérimenté » ou « surcompétent » : Le fait de tourner le dos à des employés « surcompétents » peut parfois nuire aux candidats âgés, aux personnes qui cherchent à réintégrer le marché du travail après s’en être éloignées longtemps (penser aux personnes atteintes d’un handicap ou qui ont dû s’occuper d’autres personnes), ainsi qu’aux nouveaux venus au Canada.
  • Supposer qu’une personne ne convient pas pour l’emploi avant d’avoir étudié complètement ses compétences : Parfois, les personnes handicapées sont frappées d’un « handicap social » parce qu’on les croit incapables d’accomplir le travail même si leur handicap n’est aucunement en cause. Cette attitude peut nuire aux candidats âgés, aux femmes et aux personnes racialisées.
  • Éliminer des candidats à cause de lacunes dans leur CV : On pense surtout aux femmes plus âgées qui retournent sur le marché du travail après avoir élevé des enfants et obtenu une nouvelle formation. Cela peut aussi constituer un obstacle pour des personnes handicapées qui ont été longtemps tenues à l’écart du marché du travail pour des raisons médicales.
  • Juger qu’une personne ne convient pas pour l’emploi parce qu’il faut des mesures d’adaptation dans le cadre du processus d’embauche : Dans ses décisions d’embauche, l’employeur ne doit pas tenir compte du fait qu’une personne a demandé des mesures d’adaptation au cours du processus d’embauche.
  • Penser qu’un candidat sera une source de problèmes ou de dérangement parce qu’il a protesté contre une conduite ou des remarques discriminatoires au cours de l’entrevue : De pénaliser un candidat compétent pour avoir protesté en entrevue contre une conduite ou des remarques discriminatoires, relatives à un motif prévu au Code, constitue une forme de représailles. Ainsi, l’employeur demande à la candidate si elle est célibataire. Elle rétorque que cette question est déplacée et demande que l’entrevue porte sur ses compétences. L’employeur en déduit qu’elle n’entretient pas « de bonnes relations sociales » et met sa candidature de côté.
  • Tenir compte de préférences discriminatoires de la clientèle : L’employeur peut penser que ses clients s’objecteraient à l’embauche d’une personne à cause de son appartenance à un groupe désigné, mais il est interdit d’en tenir compte dans la décision d’embauche. Par exemple, ce serait discriminatoire si le directeur d’un petit bureau d’affaires au service d’une clientèle principalement blanche écartait la candidature d’une personne de race noire parce qu’il croit que les clients seraient mal à l’aise s’ils étaient accueillis par une réceptionniste racialisée.

L’employeur doit voir à ce que les responsables de l’évaluation ou de la notation des candidats à des emplois aient obtenu de la formation afin de reconnaître les préjugés sur l’âge, la classe sociale, l’expérience de vie et d’autres facteurs personnels qui sont susceptibles d’altérer leur perception et éventuellement leur évaluation des candidats.

Exemple : Dans son processus d’embauche, une société aérienne note tous les candidats en fonction de critères tels que « l’affirmation de soi », « le travail en équipe » et « la capacité de se détendre ». Ces critères neutres en apparence quant à l’âge des candidats font place à un préjugé associé à la perception subjective qu’ont les évaluateurs, nombreux à avoir moins de 35 ans. Ceux ci ont tendance à choisir des candidats du même âge, du même rang social et du même passé qu’eux. Bref, les candidats de plus de 35 ans sont désavantagés au regard des plus jeunes.

L’employeur doit aussi veiller à ce que les compétences de tous les candidats soient examinées et évaluées de façon égale. Lorsque le processus d’embauche est écourté, il faut s’assurer qu’il n’existe aucun lien avec les motifs prévus au Code, et que ce changement n’aura pas d’effets plus importants pour les personnes de groupes désignés.

Exemple : La candidature de certaines personnes est peu appréciée en raison des perceptions relatives à la race, à l’origine ethnique, au handicap, à l’orientation sexuelle, à l’état familial ou à d’autres motifs prévus au Code. L’employeur n’examine pas les compétences de ces personnes de manière aussi détaillée que d’autres. Il décide également d’abolir l’étape normale de la vérification des références. S’ils étaient prouvés, ces changements apportés au processus normal donneraient lieu à un verdict de discrimination, même si la candidature de ces personnes était écartée au terme d’une évaluation équitable de leurs compétences.

f) Préoccupations spécifiques aux motifs prévus au Code

i) Âge :

En vertu de l’alinéa 24(1)(a) du Code, l’employeur peut poser des questions sur l’âge s’il s’agit d’une organisation d’intérêt spécial au service de personnes d’un certain groupe d’âge. Ce sont des organisations religieuses ou philanthropiques, des établissements éducatifs, des sociétés de secours mutuel et des organisations sociales procurant principalement des services aux personnes de certains groupes d’âge. L’employeur peut embaucher des personnes en tenant compte de leur âge si c’est une exigence essentielle et légitime de l’emploi.

Exemple : Un club de jeunes compte embaucher un coordonnateur des activités sociales, et l’organisation aimerait que cette personne ait moins de 25 ans. C’est possible si le club établit qu’il s’agit d’une exigence légitime .

L’employeur peut ne pas être une organisation de service spécial et néanmoins opérer des distinctions selon l’âge si ce critère correspond à une exigence raisonnable et légitime par la nature de l’emploi. Le cas échéant, l’exception de l’alinéa 24(1)(b) du Code s’applique peut être. Aucune autre question ni aucune déclaration en relation avec l’âge ne peut être permise.

Toute remarque concernant l’apparence ou la santé d’un candidat, ou toute remarque à l’effet que le candidat s’inscrit peut-être mal dans une culture d’entreprise jeune, peut signaler l’existence de discrimination fondée sur l’âge. Il faut toujours éviter de s’engager sur ce terrain. Les commentaires suivants pourraient raisonnablement passer pour autant d’euphémismes, c’est-à-dire des façons indirectes de formuler des commentaires sur l’âge des candidats :

  • « Pensez-vous être en mesure de vous acquitter de ce travail? »
  • « Il nous faut quelqu’un qui déborde d’énergie et d’entrain. »
  • « Nous cherchons un candidat en mesure de rajeunir notre équipe. »

ii) Citoyenneté :

L’employeur peut demander si une personne a légalement le droit de travailler au Canada. il ne faut toutefois pas demander de renseignements sur la nationalité, le lieu de naissance ou l’origine ethnique, même lorsqu’ils sont requis par l’organisation de réglementation professionnelle. Sauf les trois exceptions suivantes, l’employeur ne peut prendre de renseignements relatifs à la citoyenneté.

  • Exigences relatives à la citoyenneté autorisées ou imposées par la loi 
    Le paragraphe16(1) du Code signifie qu’il est permis de questionner des personnes sur leur citoyenneté lorsque l’exigence de citoyenneté canadienne est imposée ou autorisée par la loi pour un emploi donné. S’il existe une exigence légale à l’effet de détenir la citoyenneté canadienne ou d’autres compétences acquises ou réglementées au Canada, la loi invoquée doit être raisonnable et non discriminatoire. L’employeur doit garder en tête que la conformité à des lois relevant d’autres instances ne lui permet pas d’évoquer le paragraphe 16(1). Consulter aussi i) – « Citoyenneté » à la section III-3 – « Motifs de discrimination illicites : définitions et portée des dispositions relatives à la protection conférée par le Code ».

Exemple : L’employeur canadien exige de tous ses employés qu’ils détiennent uniquement la citoyenneté canadienne ou la citoyenneté américaine et il pose la question en entrevue. Cette exigence étant d’origine américaine, ce type de question serait jugé contraire au Code.

  • Promotion de la participation de citoyens canadiens et de résidents permanents
    Le paragraphe16(2) du Code signifie que dans certains cas il est permis de questionner des personnes sur leur citoyenneté ou sur leur résidence permanente. Par exemple, telle exigence a pu être imposée afin de promouvoir la participation à des activités culturelles, éducatives, syndicales ou athlétiques auprès d’autres citoyens ou des résidents permanents.
     
  • Cadres supérieurs
    L’employeur peut aussi questionner les candidats à des postes d’administrateurs en chef ou de cadres supérieurs sur leur citoyenneté ou sur leur statut de résident. Le paragraphe16(3) du Code permet de questionner ces personnes si l’organisation impose comme préférence pour l’accession à un poste de chef de direction ou de cadre supérieur la citoyenneté canadienne ou le statut de résident permanent au Canada avec l’intention de l’obtenir.

iii) Race et motifs connexes :

Les questions sur « l’expérience canadienne » sont parfois à l’origine de problèmes particuliers pour les immigrants récents et peuvent nuire aux candidats au motif du lieu d’origine, de l’origine ethnique ou de la race. L’employeur doit orienter ses questions de manière à déterminer si les candidats ont des compétences techniques ou professionnelles sans mentionner l’expérience canadienne et sans insister sur cette expérience.

Dans le cadre des entrevues, l’employeur doit éviter les questions ou les commentaires relatifs :

  • à l’obtention ou non d’une expérience canadienne;
  • au statut d’immigrant ayant reçu le droit d’établissement, de résident permanent, de sujet naturalisé ou de réfugié;
  • au lieu de naissance;
  • à l’appartenance à une « communauté » particulière ou à l’origine du candidat;
  • à l’appartenance à des organisations telles que des associations culturelles ou ethniques;
  • au nom ou encore à l’apparence du candidat;
  • au nom ou à l’emplacement des établissements scolaires fréquentés.

Les organisations de service spécial à caractère religieux, philanthropique, éducatif, de secours mutuel ou social peuvent employer des personnes provenant uniquement de certains groupes racialisés si l’organisation procure des services principalement à ce groupe. Lorsque c’est le cas, l’employeur peut embaucher des personnes selon des critères de race, de lieu d’origine ou d’origine ethnique. Cette exception ne s’applique cependant pas à la citoyenneté et elle n’est permise que si l’appartenance au groupe désigné par le Code est exigée de façon raisonnable et de bonne foi, compte tenu de la nature de l’emploi.

Exemple : Les recruteurs pour le compte d’une organisation sociale principalement au service des collectivités autochtones et qui souhaite embaucher un conseiller de travail, peuvent préférer trouver un candidat d’ascendance autochtone. L’organisation pourrait agir de la sorte si elle pouvait établir que cette exigence est légitime.

Lors des entrevues, l’employeur peut soulever des questions concernant la capacité linguistique même s’il peut exister un lien indirect entre une telle exigence et le contexte racial d’une personne, pourvu que la capacité linguistique soit une exigence légitime .

Exemple : Un établissement financier doit combler un poste de service à la clientèle dans l’une de ses succursales située dans un secteur ethniquement diversifié de la ville. Pour occuper ce poste, il faut pouvoir s’exprimer dans au moins une des langues en usage dans ce secteur. Il serait acceptable de demander quelles langues parle le candidat s’il s’agissait d’une exigence légitime .

En entrevue, l’une des formes les plus courantes de discrimination à l’endroit des personnes racialisées est de se faire demander d’où elles proviennent ou quelle est l’origine de leur nom. On peut penser que ces questions, qui ont pour effet de classer les candidats selon la race, le lieu d’origine ou l’origine ethnique, ne seraient pas adressées à un candidat d’origine caucasienne. Par conséquent, elles sont discriminatoires. Le responsable de l’entrevue peut très bien agir sans arrière pensée ou même chercher à établir un climat de cordialité, il demeure qu’il faudrait toujours éviter ces questions. Les candidats racialisés et les tribunaux estiment couramment que ces questions sont discriminatoires. Lorsque la connaissance d’un pays en particulier ou de la langue qui y est parlée constitue une compétence professionnelle justifiée, les questions qui s’y rattachent doivent clairement porter sur cette compétence.

Exemple : Au lieu de demander « d’où vient » un candidat, l’employeur pourrait s’appuyer sur la description de poste et déclarer : « Nous sommes une ONG ontarienne qui recrute des travailleurs pour fournir des services en Zambie. Pour les coopérants, la connaissance et l’expérience de la géographie, de la politique et des langues locales sont essentielles à cause de la courte durée du contrat. Voulez-vous nous dire quelles connaissances et quelle expérience vous aideraient à accomplir les fonctions liées à ce poste? »

iv) Croyance/religion :

Lors d’une entrevue, si un candidat formule une demande de mise en place de mesures d’adaptation professionnelle pour un motif religieux, il est possible d’en discuter. Sinon, l’employeur devrait soulever cette question après avoir formulé une offre d’emploi conditionnelle.

Exemple : Une musulmane pratiquante qui postulerait un emploi exigeant le port de l’uniforme peut formuler une demande d’adaptation pour tenir compte des préceptes religieux lui demandant de porter le hijab (la tête couverte).

Les organisations de service spécial à vocation religieuse, philanthropique, éducative, de secours mutuel ou sociale peuvent préférer l’embauche de personnes d’une religion particulière si elles procurent des services principalement aux personnes de ce groupe. Lorsque l’exception de l’alinéa 24(1)(a) s’applique, une telle organisation peut questionner les candidats sur leur croyance ou leur religion.

À noter qu’en vertu de l’article 19 du Code, les dispositions du Code n’ont pas pour effet de porter atteinte aux protections et droits constitutionnels dont jouissent les écoles catholiques romaines.

v) Handicap :

Lorsque le handicap d’un candidat devient le sujet de discussion lors d’une entrevue, l’employeur doit examiner à fond le besoin de mesures d’adaptation. Faute d’agir de la sorte, et si cette candidature est écartée, la personne pourrait déposer une plainte pour atteinte aux droits de la personne fondée sur le handicap.

Lorsqu’une personne aborde la question de son handicap lors d’une entrevue, l’employeur peut s’enquérir de ses besoins en matière d’adaptation et de sa capacité de s’acquitter des tâches essentielles du poste si les mesures requises étaient adoptées. Il faut faire preuve de la plus grande circonspection et de la plus grande vigilance avec toute question qui dépasserait ce cadre précis car cela pourrait donner lieu à une plainte fondée sur le handicap au cas où la personne ne serait pas embauchée. On doit éviter les questions illégitimes comme « Comment vous êtes-vous retrouvé en fauteuil roulant » ou « Êtes-vous aveugle de naissance? »

Les organisations de service spécial à vocation religieuse, philanthropique, éducative, de secours mutuel ou sociale qui procurent des services principalement aux personnes handicapées peuvent adresser des questions portant sur le handicap. L’exception prévue à l’alinéa 24(1)(a) du Code s’applique à la condition qu’un handicap précis constitue une exigence raisonnable et légitime par la nature de l’emploi.

S’il existe un lien avec l’emploi, l’employeur doit demander le numéro du permis de conduire ou une copie de ce document seulement après avoir formulé une offre d’emploi conditionnelle. Les autres aspects entourant le handicap doivent être soulevés seulement après avoir formulé l’offre d’emploi conditionnelle. Toute autre question concernant le handicap d’un candidat est interdite.

vi) État familial :

L’employé qui a d’importantes responsabilités de soignant n’est peut-être pas en mesure de voyager régulièrement. On ne doit pas supposer qu’un employé ou qu’un candidat ayant des enfants ne serait pas intéressé par un travail où il serait appelé à se déplacer.

Si les déplacements ne constituent pas une exigence légitime , il ne faudrait pas priver des employés de belles perspectives d’avenir parce que leurs responsabilités de soignants les empêchent de se déplacer régulièrement ou pendant longtemps. Et si les déplacements constituent une exigence légitime , il ne faut pas éliminer d’office la candidature d’une personne mentionnant qu’elle ne peut pas se déplacer souvent à cause de ses responsabilités familiales. Si elle est par ailleurs compétente et qu’elle répond aux attentes pour cet emploi, on pourrait s’attendre de l’employeur à ce qu’il adapte le travail aux besoins du candidat, dans la mesure où cela ne lui cause aucun préjudice injustifié (par exemple, en acceptant comme dépenses des frais associés aux responsabilités familiales ou en prenant des mesures de soutien appropriées).

Un employeur peut accorder ou refuser un emploi ou une promotion à une personne qui est l’enfant ou le parent de l’employeur ou d’un employé. Lorsque l’employeur s’est doté d’une politique à cet égard, les questions visant à déterminer si le candidat a un lien de parenté filiale avec un employé en place, seraient permises. Cependant, cette politique doit être appliquée de manière cohérente et sans égard au profil du candidat interrogé.

vii) État matrimonial :

Il est permis d’adresser des questions fondées sur l’état matrimonial lorsque l’organisation procure des services à un groupe particulier de personnes identifiées par leur état matrimonial. Les organisations de service spécial à vocation religieuse, philanthropique, éducative, de secours mutuel ou sociale qui procurent des services principalement à des personnes identifiables à leur état matrimonial, tels que des célibataires ou des personnes divorcées, peuvent adresser des questions portant sur l’état matrimonial. Le Code permet que la préférence soit accordée à des personnes en fonction de leur état matrimonial dans la mesure où cet état constitue une exigence raisonnable et justifiée par la nature de l’emploi.

Il se peut que l’état matrimonial constitue une exigence raisonnable et justifiée pour certains emplois offerts par d’autres employeurs. Le cas échéant, il est possible de soulever au stade de l’entrevue des questions au sujet de la compétence précise en cause. Aucune autre question sur l’état matrimonial n’est admise.

L’employeur peut accorder ou refuser un emploi ou une promotion à une personne qui est le conjoint de l’employeur ou d’un employé. Lorsque l’employeur s’est doté d’une politique à cet égard, les questions visant à déterminer si le candidat est le conjoint d’un employé en place ou de l’employeur, seraient permises. Cependant, cette politique doit être appliquée de manière cohérente et sans égard au profil du candidat interrogé.

Exemple : Un homme présente sa candidature à un poste dans l’entreprise où travaille son épouse. Après l’examen de son formulaire de demande d’emploi, de son CV et d’un examen écrit, sa candidature est retenue. Il est convoqué en entrevue. Au cours de l’entrevue, il signale un besoin de mesures d’adaptation afin de pouvoir accomplir les tâches essentielles liées à son emploi. Le responsable de l’entrevue lui demande alors de confirmer qu’il est bien le conjoint d’une employée (un renseignement connu dès l’étape de la sélection préalable). Lorsqu’il confirme ce lien, on l’informe que sa candidature n’est pas retenue en vertu d’une politique non écrite de népotisme. Ce scénario ouvre la porte à la conclusion à l’effet d’un traitement discriminatoire fondé sur le chevauchement des motifs de handicap et de l’état matrimonial.

Aucune autre question sur l’état matrimonial n’est admise.

viii) Existence d’un casier judiciaire :

L’employeur peut se renseigner sur les condamnations qui n’ont pas bénéficié de réhabilitation en vertu du Code criminel, et en tenir compte dans sa décision d’embauche. Il est toutefois discriminatoire de prendre en considération des renseignements relatifs à des offenses en vertu du Code criminel et à des offenses en vertu de lois provinciales qui ont fait l’objet d’une réhabilitation, sauf si une exception s’applique.

Lorsque l’employeur est en mesure d’établir qu’il s’agit d’une exigence raisonnable et de bonne foi compte tenu de la nature de l’emploi, l’exception prévue à l’alinéa 24(1)(b) s’applique et l’employeur peut ou non embaucher un candidat en fonction de son casier judiciaire.

Exemple : Un conseil scolaire embauche comme conducteurs d’autobus uniquement des personnes qui n’ont pas été condamnés pour conduite négligente. Cette exigence est raisonnable et légitime.

Les questions visant à déterminer si un candidat est cautionnable sont aussi permises s’il s’agit d’une exigence raisonnable et justifiée par la nature de l’emploi. Toute autre question est prohibée.

ix) Sexe (et grossesse) :

Dans certains cas, à cause de la nature de l’emploi, le fait d’être un homme ou une femme constitue une condition raisonnable et légitime. L’employeur peut discuter de cette question avec le candidat à l’étape de l’entrevue. Pour toute décision d’embauche fondée sur le sexe du candidat, l’employeur doit être en mesure d’établir que l’exigence à l’origine de cette décision est raisonnable et légitime, et que des mesures d’adaptation seraient à l’origine d’un préjudice injustifié.

Exemple : L’employeur embauche uniquement des préposés masculins pour les postes de nuit d’un établissement de soins aux personnes âgées qui souffrent de handicaps les rendant agressives. Cette attitude est jugée discriminatoire parce qu’elle est fondée sur un stéréotype à l’effet que les femmes sont moins en mesure que les hommes de composer avec des comportements agressifs. Il existe des solutions moins discriminatoires comme de former adéquatement des préposées.

Les organisations à vocation religieuse, philanthropique, éducative, de secours mutuel ou sociale peuvent préférer l’embauche d’hommes ou de femmes seulement si elles procurent des services principalement à l’un de ces groupes et si le fait d’être un homme ou une femme est une exigence raisonnable et justifiée par la nature de l’emploi.

À cause du droit à un traitement égal dans l’emploi, sans discrimination fondée sur le sexe, il est interdit d’adresser des questions concernant la grossesse au cours d’une entrevue pour un emploi. Ainsi, il est interdit à l’employeur de demander à une candidate si elle est enceinte ou si elle a ou si elle compte avoir des enfants, à moins que les questions ne présentent un lien avec une exigence raisonnable et justifiée par la nature de l’emploi. Si la candidate soulève la question de mesures d’adaptation à des besoins relatifs à la grossesse, il est possible de discuter de ces besoins à l’étape de l’entrevue. À ce stade, il est possible d’élargir le champ des questions relatives à l’emploi de manière à déterminer les compétences de la candidate ou sa capacité de s’acquitter des tâches essentielles de l’emploi avec des mesures d’adaptation. Cependant il peut suffire d’indiquer que le processus de mise en place de mesures d’adaptation est discuté à l’étape d’une offre d’emploi conditionnelle.

L’employeur peut refuser d’embaucher une candidate en se fondant sur la grossesse à la condition qu’il puisse établir que sa décision est raisonnable, qu’elle est prise de bonne foi et qu’elle est justifiée par la nature de l’emploi. Mais pour bénéficier de cette exception, il doit aussi établir que les exigences ou que les compétences essentielles ne peuvent être changées et que des mesures d’adaptation ne sont pas applicables sans causer de préjudice injustifié, notamment à l’égard de coûts exagérés et de considérations relatives à la santé et à la sécurité. Consulter aussi la section IV-2a) – « Voir à ce que les exigences professionnelles soient raisonnables et légitimes ».

x) Orientation sexuelle :

Les questions sur l’orientation sexuelle sont interdites au cours des entrevues, et ce même si l’employeur est une organisation à vocation religieuse, philanthropique, éducative, de secours mutuel ou sociale. La raison à cela est que l’orientation sexuelle n’est pas un motif inscrit à l’alinéa 24(1)(a). Il est possible d’adresser des questions relatives à l’orientation sexuelle afin de déterminer l’éligibilité à un programme spécial. Dans aucun autre cas des questions de cette nature sont elles permises.

6. Demandes de renseignements reliés à l’emploi et jugés délicats

On doit demander le type de renseignements suivants seulement s’il s’agit d’une exigence justifiée par la nature de l’emploi. À cause de leur nature délicate, il faut demander de les obtenir seulement après avoir présenté une offre d’emploi (par écrit, de préférence) :

  • permis de conduire (peut indiquer des handicaps, l’âge, le sexe, et l’identité sexuelle);
  • certificat de naissance (peut indiquer l’âge, le sexe, et l’identité sexuelle);
  • permis de travail d’Immigration Canada (contient des renseignements sur la date d’arrivée au Canada);
  • attestations scolaires ou professionnelles (peuvent indiquer le lieu d’origine);
  • numéro d’assurance sociale (peut contenir des renseignements sur la date d’arrivée au Canada ou le statut de résident);
  • des renseignements sur l’âge ou la santé nécessaires à l’adhésion aux régimes de pension, d’invalidité, de retraite, d’assurance-vie et d’avantages sociaux [peuvent indiquer des handicaps, l’âge, le sexe (cas de grossesse) ou l’identité sexuelle];
  • vérification des dossiers de la police (peut contenir des renseignements sur la santé mentale);
  • résultats d’évaluations psychologiques, s’ils sont vraiment nécessaires pour évaluer la capacité de la personne de faire le travail;
  • nom d’un proche ou de la personne à prévenir en cas d’urgence (peut indiquer l’état familial, l’état matrimonial, l’orientation sexuelle);
  • nom du bénéficiaire de la police d’assurance (peut indiquer l’état familial, l’état matrimonial ou l’orientation sexuelle);
  • besoins en matière d’adaptation.

Il importe que ces renseignements demeurent confidentiels.

a) Mesures d’adaptation en fonction d’exigences physiques et d’autres tâches essentielles

Lorsqu’une offre d’emploi conditionnelle a été présentée, l’employeur peut demander à une personne d’examiner les tâches essentielles du poste et de l’informer de ses besoins en matière d’adaptation, le cas échéant. L’employé n’est pas tenu de révéler des besoins reliés à son handicap ou autres, ni des renseignements médicaux sans rapport avec les tâches essentielles du poste.

Il ne faut pas soumettre des personnes en particulier à un interrogatoire en s’appuyant uniquement sur leur apparence – plutôt, il faut demander les mêmes questions sur le besoin de mesures d’adaptation à tous les employés. Établir un lien entre les questions et la politique de l’employeur en matière d’adaptation et indiquer que les demandes de mesures d’adaptation peuvent faire référence à plus d’un motif prévu au Code. Expliquer clairement aux employés les raisons de la collecte de ces renseignements – par exemple, ils aident à satisfaire à tout besoin d’adaptation pour des motifs prévus au Code, dans la mesure où cela ne cause aucun préjudice injustifié.

Exemple : L’employeur demande à ses employés de compléter un formulaire après l’embauche. Une des questions sur le formulaire se lit comme suit : « Estimez-vous que vous êtes désavantagé dans votre emploi en raison d’un déficit physique, mental, psychiatrique, sensoriel ou d’apprentissage? » Il pourrait être légitime de demander des renseignements de cet ordre après l’embauche, mais la question est difficile à comprendre, les mots choisis ont une résonance négative et on voit mal à quoi sert cette question puisqu’elle ne fait pas mention de l’adaptation. Le résultat obtenu est que les employés qui présentent un de ces handicaps tendent à répondre « non » à cette question. Ils commencent dans leur emploi sans avoir obtenu les mesures d’adaptation appropriées.

Certains employés requièrent peut-être des mesures d’adaptation pour s’acquitter des tâches physiques essentielles de leur poste. L’employeur est en droit de s’attendre à ce que, avec de telles mesures, l’employé puisse s’acquitter des tâches essentielles si elles ont été fixées de bonne foi. Des employeurs s’appuient parfois sur des analyses de tâches pour juger de la capacité d’un employé d’accomplir les tâches physiques de son poste. Il faut cependant être prudent avec ce genre d’analyses parce qu’elles sont souvent réalisées en fonction de personnes qui ne souffrent pas de handicap. Elles devraient être conçues ou modifiées de manière à ne pas être exclusives et de manière à ce que les mesures d’adaptation y soient intégrées.

b) Examens médicaux

Dans le passé, les employeurs se sont souvent appuyés sur les renseignements médicaux exigés sur les formulaires de demande d’emploi ou obtenus grâce à des examens médicaux préalables à l’embauche pour écarter les personnes qui avaient un handicap. La Commission estime que de demander des renseignements de ce genre à l’étape initiale du processus d’embauche est en contravention du paragraphe 23 (2) du Code.

Tout examen médical visant à établir ou à décider si une personne est capable de satisfaire aux exigences essentielles d’un emploi ne doit avoir lieu que lorsqu’une offre d’emploi conditionnelle lui a été faite, de préférence par écrit. Cette condition permet aux personnes handicapées de voir leur candidature évaluée sur la seule base du mérite lors du processus de sélection, comme elles y ont droit.

Les renseignements tirés d’un examen médical risquent d’exposer les personnes ayant un handicap à une discrimination par suite d’un effet préjudiciable. Il est donc préférable de ne divulguer à un employeur que les résultats d’un examen médical concernant la capacité d’une personne de s’acquitter des tâches essentielles de l’emploi, et, s’il y a lieu, toute restriction susceptible de limiter cette capacité. Il appartient à la personne de communiquer assez de détails sur ses éventuels besoins d’adaptation pour aider l’employeur à y satisfaire.

L’employeur qui prend possession directement de renseignements portant sur l’état de santé d’une personne postulant un emploi risque de se trouver dans une situation délicate, car toute décision prise ultérieurement, peu importe que ce soit une décision sur l’embauche d’un autre candidat ou concernant des mesures disciplinaires ou le congédiement de l’employé, pourrait être perçue comme fondée sur ces renseignements.

C’est pourquoi la Commission estime que, pour protéger l’employeur au même titre que le candidat ou le titulaire d’un emploi, ce type de renseignements doit n’être connu que du médecin qui procède à l’examen et ne pas être versé au dossier constitué par le service du personnel concernant cette personne. Le médecin pourra toujours, sur demande, fournir les renseignements pertinents à l’employeur, par exemple concernant toute restriction relative à la capacité d’une personne d’effectuer les tâches essentielles d’un emploi, sans pour autant dévoiler la nature du handicap.

Certaines entreprises mettent en place un mécanisme de cloisonnement entre ces renseignements et les décisions d’emploi en confiant à certains membres du personnel, par exemple des infirmières, la responsabilité de la protection de la confidentialité des renseignements médicaux transmis par un médecin et de la mise en place de mesures d’adaptation. Les lois sur la protection des renseignements peuvent s’appliquer à la saisie, au stockage et à l’élimination des renseignements médicaux des employés. Pour plus de renseignements sur ces lois, consulter l’annexe B – « Lois applicables aux droits de la personne au travail ».

La liste de vérification suivante délimite le champ des obligations de l’employeur qui souhaite mettre en place une procédure d’examens médicaux :

  1. Les candidats à un emploi ont-ils été informés du fait que le processus d’embauche inclut un examen médical?
    L’employeur qui peut justifier l’emploi d’un examen médical et qui a l’intention de l’exiger doit en informer les candidats au moment de l’offre d’emploi. Il doit expliquer clairement et à quelle étape l’examen devrait avoir lieu.
     
  2. Existe-t-il une raison objective d’exiger l’examen médical?

    L’employeur doit s’assurer que l’examen médical est bien nécessaire et justifié. Pour décider dans quelles conditions il faut procéder à un examen, l’employeur doit prendre en considération les questions suivantes, le cas échéant :

    a) Existe-t-il une justification objective pour procéder à cet examen relativement au rendement professionnel? Autrement dit, existe-t-il un lien rationnel entre les examens ou les tests et le rendement?
    b) Existe-t-il une raison objective de penser que le degré, la nature et la portée d’un handicap ainsi que les risques associés à son existence compromettent la sécurité des autres membres du personnel ou du public?

  3. A-t-on pris des dispositions visant à assurer la manutention compétente des échantillons soumis à l’analyse?

    L’administration des tests doit être confiée à des professionnels compétents et les analyses doivent être effectuées dans des laboratoires reconnus. De plus, il incombe à l’employeur de s’assurer que les échantillons prélevés sont correctement étiquetés et protégés en tout temps.

  4. A-t-on passé en revue les résultats d’examen avec la personne?

    L’employeur doit établir des procédures qui permettent au médecin de passer en revue les résultats d’examen avec la personne.

  5. A-t-on pris des dispositions pour veiller à la confidentialité des résultats d’examen?

    Afin d’assurer la confidentialité des résultats, toutes les données liées à l’évaluation de l’état de santé doivent demeurer sous la garde exclusive du médecin qui procède à l’examen et ne doivent jamais être versées au dossier de la personne qui est conservé par le service du personnel. Ces renseignements doivent être protégés conformément aux pratiques et en vertu des lois sur la confidentialité des renseignements.

    Pour plus de renseignements, consulter l’analyse des exigences professionnelles légitimes à la section IV-2 – « Établissement des exigences professionnelles ».

c) Tests psychométriques et psychologiques

L’employeur utilise parfois des tests pour établir le profil psychologique ou sonder la personnalité des candidats à un emploi. Or, le recours à de tels tests à l’étape initiale du processus de sélection des candidats soulève des questions quant à une atteinte aux droits de la personne. Il ne faudrait jamais procéder à ces tests avant d’avoir présenté une offre d’emploi conditionnelle et, de toute manière, il faut procéder avec soin.

Le paragraphe 23 (2) du Code interdit d’utiliser un formulaire de demande d’emploi qui établit, de manière directe ou non, des catégories fondées sur un motif illicite de discrimination ou de soumettre un candidat à un interrogatoire oral ou écrit ayant le même effet. Cette interdiction s’applique aussi aux tests psychologiques et psychométriques. La validité des tests axés sur le comportement pour prévoir le rendement éventuel au travail peut aussi donner lieu à une plainte pour atteinte aux droits de la personne.

Les profils de comportement soulèvent deux questions importantes. La première est celle de savoir si l’établissement d’un tel profil constitue de la discrimination directe fondée sur un motif prévu au Code. Il pourrait y avoir discrimination directe si le test administré identifie des personnes selon un motif de discrimination illicite ou s’il établit des catégories fondées sur un de ces motifs. Un test qui chercherait par exemple à déterminer l’appartenance religieuse d’un candidat serait directement discriminatoire, donc inadmissible.

La seconde question se rapporte aux profils de comportement établis de façon raisonnable et de bonne foi qui risquent néanmoins d’être contraires au Code s’ils aboutissent à l’exclusion d’un groupe de personnes identifiées par un motif de discrimination illicite. Ce serait le cas, par exemple, si la candidature des membres de certains groupes ethniques était involontairement, mais systématiquement écartée parce que la conception d’un test comporterait une erreur systématique qui avantagerait d’autres cultures.

Tous les tests doivent constituer une façon raisonnable et légitime d’évaluer la capacité montrée par un candidat de faire le travail. Il ne faut pas utiliser de test ne répondant pas à ces critères. Les tests doivent être conçus sur mesure pour les tâches réellement effectuées. On doit veiller à ce qu’ils tiennent compte des diverses façons de les accomplir et on doit prévoir des mesures d’adaptation appropriées. L’employeur est tenu de satisfaire aux besoins des personnes désignées par le Code, dans la mesure où cela ne cause aucun préjudice injustifié, à la lumière des coûts, de sources extérieures de financement et des éventuels risques pour la santé et la sécurité.

L’employeur doit éviter les tests visant à évaluer les centres d’intérêt, les attitudes et les valeurs morales des candidats. Et lorsque leur utilisation est justifiée pour mesurer la capacité d’une personne d’accomplir un certain travail, il faut redoubler de vigilance en les employant et voir à ce qu’ils n’avantagent pas les personnes de certaines cultures, par exemple. Beaucoup de ces tests sont dépassés et peut-être même ont-ils été construits sur des stéréotypes ou des préjugés couverts par le Code. Il est conseillé, avant d’administrer un test à des employés potentiels ou en place, de se renseigner sur son origine et de voir s’il est fiable, à jour, valide et conforme au Code ainsi qu’à toute directive ou pratique établie par une association professionnelle reconnue, comme la Société canadienne de psychologie. Cette façon de procéder est utile en cas de présentation d’une plainte pour atteinte aux droits de la personne. Peu importe que le test soit équitable, l’employeur doit s’assurer de la mise en place de mesures visant à réduire le plus possible les biais involontaires de la part les évaluateurs. On peut, par exemple, faire appel à plus d’une personne pour les évaluations.

d) Tests de dépistage de la consommation de drogues et d’alcool avant l’embauche

Il est légitime pour l’employeur de vouloir assurer la sécurité des lieux de travail. À cette fin, il a parfois recours à des tests de dépistage de la consommation de drogues et d’alcool. Depuis quelques années, le nombre de désaccords, reliés aux droits de la personne, entourant ces tests se multiplient au Canada, particulièrement dans les entreprises affiliées à d’autres entreprises faisant des affaires à l’étranger, notamment aux États Unis. Ces tests sont controversés et souvent donnent lieu à des plaintes pour discrimination.

La dépendance à l’égard des drogues et de l’alcool en tant que handicap
La dépendance à l’égard de l’alcool et des drogues, réelle ou présumée, est une forme de handicap au sens du Code. Or, les personnes ayant ou ayant eu un handicap sont protégées contre toute forme de discrimination dans le domaine de l’emploi ou à l’embauche.

Exemple : Un employeur refuse une promotion à un employé parce qu’il a l’impression que ce dernier souffre d’une dépendance à l’égard de l’alcool. En raison de cette perception et des actes de l’employeur qui en résultent, il est possible que le droit de l’employé à un traitement égal en vertu du Code ait été violé.

Exemple : La personne qui, dans le passé, a présenté une dépendance à la drogue ou à l’alcool, mais qui ne souffre plus de ce handicap, demeure protégée par les dispositions du Code.

i) Principes fondamentaux :

L’administration de tests de dépistage de la consommation de drogues et d’alcool est à première vue discriminatoire au vu de la législation canadienne sur les droits de la personne. L’employeur peut néanmoins justifier l’application de règles discriminatoires s’il peut satisfaire à un critère à trois volets, exposé à la section IV-2 – « Établissement des exigences professionnelles » – IV-2a) « Voir à ce que les exigences professionnelles soient raisonnables et légitimes ».

Lors de l’application du critère à trois volets aux tests de dépistage de la consommation de drogues et d’alcool, l’employeur doit, s’il y a lieu, prendre ce qui suit en considération :

  1. Existe-t-il une raison objective de penser que le rendement professionnel pourrait être amoindri par une dépendance aux drogues ou à l’alcool? Autrement dit, y a-t-il un lien rationnel entre les tests et le rendement professionnel?
  2. Existe-t-il une raison objective de penser, à l’égard d’un employé en particulier, que des absences imprévues et répétées, des retards habituels ou un comportement non approprié ou excentrique au travail sont liés à l’alcoolisme ou à une dépendance ou à une accoutumance aux drogues? Ces éléments pourraient constituer un fondement à l’administration de tests « pour motif valable » ou « par suite d’un incident », pourvu que les conclusions qui en sont tirées soient légitimes.
  3. Existe-t-il une raison objective de penser que le degré, la nature et la portée de la dépendance aux drogues ou à l’alcool ainsi que les risques que cette dépendance peut comporter ont un effet indésirable sur la sécurité des autres travailleurs ou des membres du public?

On a jugé que l’administration de tests de dépistage de la consommation de drogues et d’alcool en l’absence d’un lien démontrable avec la sécurité et le rendement professionnel portait atteinte aux droits des employés.[41] Le rapport ou lien rationnel entre les tests de dépistage de la consommation de drogues et d’alcool et le rendement professionnel est une composante importante de toute politique respectueuse de la loi en la matière. La politique ne doit pas à cet égard être arbitraire quant aux groupes d’employés qui seront assujettis à ces tests.

Exemple : Il ne serait pas justifiable qu’un employeur exploitant une entreprise d’expédition soumette aux tests de dépistage de la consommation d’alcool uniquement les employés nouvellement embauchés ou réembauchés, et non le personnel en place. Par ailleurs, il peut être justifié d’administrer des tests uniquement aux membres du personnel qui occupent des postes critiques du point de vue de la sécurité (par exemple les camionneurs et les conducteurs de chariots élévateurs.

ii) Les tests de dépistage constituent une forme d’examen médical :

Les tests de dépistage de la consommation de drogues et d’alcool constituent une forme d’examen médical. Et en règle générale, il est interdit de procéder à des enquêtes ou à des examens médicaux administrés à l’étape de la sélection initiale de candidats. La tenue de tests de dépistage de la consommation de drogues et d’alcool dans un cadre professionnel est acceptable dans certaines circonstances seulement. Consulter la section IV-9k) – « Tests de dépistage de la consommation de drogues et d’alcool ». Avant l’embauche, il faut se conformer aux principes suivants :

  1. À l’étape de l’entrevue, les questions posées et les examens médicaux préalables à l’emploi doivent se limiter à déterminer l’aptitude de la personne à exécuter les tâches principales de l’emploi.
  2. Si l’employeur veut mettre en œuvre un programme de dépistage avant l’embauche, il doit pouvoir démontrer que les tests préalables à l’embauche lui procurent une évaluation juste de la personne. La Commission est d’avis que l’employeur ne doit pas administrer de tests à l’embauche qui ne mesurent pas effectivement le handicap. De récents jugements indiquent que les tests de certification de la sécurité sur le dépistage de drogues, fondés sur des analyses d’urine, peuvent être acceptables dans certains cas pourvu qu’ils soient assortis de mesures d’adaptation en cas de résultats positifs. Les tribunaux débattent présentement de l’acceptabilité des tests pré-emploi. L’employeur doit faire preuve de circonspection.
  3. Lorsque l’administration considère l’emploi de tests de dépistage de la consommation de drogues et d’alcool comme exigence légitime au regard des tâches essentielles, l’employeur doit informer les candidats de cette exigence au moment de l’offre d’emploi. Les raisons pour ce genre de tests médicaux doivent être exposées clairement.
  4. Dans sa politique sur la consommation de drogues et d’alcool, l’employeur doit prévoir des mesures d’adaptation à l’intention de ceux qui obtiendraient des résultats positifs à ces tests.
  5. Si la personne demande des mesures d’adaptation pour pouvoir s’acquitter des principales fonctions de l’emploi, l’employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires, à moins que l’adaptation ne lui occasionne un préjudice injustifié.

e) Renseignements relatifs à l’identité sexuelle

L’identité sexuelle est une caractéristique personnelle, que l’on peut faire connaître ou non à autrui. La plupart des gens ne s’inquiètent pas de ce que les autres la connaissent, mais ce n’est pas toujours le cas pour les transsexuels et les transgenres.

L’employeur ou le fournisseur de services qui a légitimement besoin de certains renseignements personnels doit, si ces renseignements lui permettent de connaître directement ou indirectement le sexe d’une personne, prendre toutes dispositions utiles pour en préserver la confidentialité. La raison à cela est que le sexe indiqué sur certains documents comme le certificat de naissance ou le permis de conduire peut différer de l’identité sexuelle de la personne en question. Cette règle vaut dans tous les cas et dans toutes les situations, à l’inclusion des dossiers et des fiches d’emploi, des dossiers des compagnies d’assurance et des dossiers médicaux. Les renseignements peuvent être requis pour permettre à un employé ou à toute autre personne d’adhérer à un régime d’assurance ou d’en demander des prestations.

Afin de protéger la vie privée des personnes, tous les renseignements de cette nature doivent être confiés à des membres du personnel désignés à cette fin et être conservés dans un système de rangement des dossiers qui soit fermé à clef. L’employeur ou le fournisseur de services qui néglige de protéger correctement des renseignements portant sur le sexe ou sur l’identité sexuelle d’une personne est passible d’une plainte pour avoir contrevenu aux dispositions du Code si l’employé est victime de discrimination en raison de son identité sexuelle.

f) Vérification des dossiers de la police

Une personne atteinte d’une maladie mentale ou qui a souffert d’un trouble mental dans sa vie peut avoir été transportée à l’hôpital par la police en vertu de la Loi sur la santé mentale de l’Ontario. Le dossier qui résulte de ce contact à caractère non pénal avec la police pourrait avoir des répercussions préjudiciables pour elle tout au long de sa vie.

La Commission est bien consciente du devoir qui incombe aux organismes et aux corps de police de protéger le public et d’assurer sa sécurité. Toutefois les vérifications des dossiers de la police soulèvent des questions d’atteinte aux droits de la personne si elles ne sont pas effectuées et utilisées correctement.

Les organisations demandent de plus en plus aux candidats à un poste, rémunéré ou bénévole, de consentir à une vérification des dossiers de la police. Dans des cas exceptionnels, cette vérification peut se révéler nécessaire en vue de protéger des personnes vulnérables; on pense par exemple à des fonctions qui exigent des contacts avec des enfants, des personnes âgées ou des personnes atteintes de certains handicaps. Dans d’autres cas, les vérifications ne sont pas nécessaires, mais simplement privilégiées comme moyen additionnel d’évaluation. Dans tous les cas, les dispositions du Code des droits de la personne s’appliquent si la vérification a des répercussions préjudiciables sur la personne atteinte d’un handicap mental qui a eu un contact à caractère non pénal avec la police par le passé. Il est donc primordial que les particuliers et que les organisations qui demandent une vérification des dossiers de la police comprennent la portée juridique de l’obtention de ces renseignements.

L’article 23 du Code indique que la détermination de l’aptitude d’une personne à occuper un poste rémunéré ou bénévole ne doit pas reposer sur des présomptions liées à des motifs énoncés dans le Code, comme la maladie mentale. Le fait de conserver l’information relative aux contacts avec la police pour un motif prévu dans la Loi sur la santé mentale de l’Ontario, à l’inclusion des transferts volontaires ou non à des ressources médicales, est à la source d’importantes préoccupations sur le plan des droits de la personne.

Les articles 11 et 17 du Code indiquent clairement que même des exigences neutres, qui semblent ne pas cibler certaines personnes ou certains groupes précis, pourraient involontairement avoir un effet discriminatoire. La vérification des dossiers de la police peut être préjudiciable aux personnes racialisées ou aux personnes atteintes de maladies mentales qui ont peut-être eu un nombre disproportionné de contacts avec la police à cause de la discrimination ou du profilage racial.

Exemple : Un homme racialisé est accusé d’avoir troublé la paix même si des jeunes de race blanche se sont livrés à des comportements pires et n’ont pas eu d’accusations portées contre eux. Cet homme n’a pas les moyens de faire appel à un avocat. Il plaide coupable sans faire état de ses allégations de profilage racial. Lorsqu’il présentera sa candidature à un poste requérant normalement une vérification des dossiers de la police, cet incident sera signalé et il risque de ne pas obtenir l’emploi.

Face aux risques de préjudices fondés sur les droits de la personne, la vérification des dossiers de la police concernant des personnes doit être pratiquée uniquement lorsqu’il est raisonnable et légitime de le demander à cause de la nature du travail, peu importe que ce soit du travail rémunéré ou bénévole. Une organisation peut souhaiter détenir le plus de renseignements possible sur des personnes, il demeure que les droits de la personne prévalent.

Toute organisation souhaitant connaître les antécédents de personnes doit être en mesure de justifier son besoin au regard du critère déterminé par la Cour suprême du Canada pour évaluer si une politique, une pratique ou une exigence est raisonnable et légitime. Consulter la section IV-2a(i) – « Critère pour qu’une exigence soit légitime ». Les organisations qui peuvent établir le besoin légitime de procéder à une vérification des antécédents ne doivent demander cette vérification qu’après avoir pris la décision d’offrir l’emploi à un candidat, conditionnellement aux résultats de la vérification. En d’autres mots, les vérifications de cette nature doivent constituer la dernière étape du processus de recrutement. Il devrait s’agir de la mesure finale de détermination de l’acceptabilité d’un candidat. Consulter également le document de la Commission intitulé Politique sur la discrimination fondée sur la santé mentale et les vérifications des dossiers de la police - Ébauche, affiché sur le site Web de la Commission le 11 février 2008 ou toute version définitive qui sera approuvée par la Commission dans l’avenir.


[41] Entrop, supra, note 6.

7. Rémunération, avantages, Codes vestimentaires et autres enjeux

a) Formation et sensibilisation aux droits de la personne à l’intention des employés

Il en était question à la section IV-1a(v) – « Sensibilisation et formation des employés sur les politiques et les procédures », la Commission s’attend à ce que tous les employés obtiennent de la formation sur les droits de la personne afin qu’ils connaissent et comprennent leurs obligations au travail. Il importe particulièrement de former les employés qui procurent des services à des membres du public ainsi que le personnel de direction responsable de l’embauche, de la gestion du rendement, des mesures d’adaptation, des mesures disciplinaires et du traitement des situations touchant aux droits de la personne. Un manque de formation de ces personnes donne lieu à des plaintes pour atteinte aux droits de la personne.

b) Protection des renseignements personnels en relation avec le Code

L’employeur ou le fournisseur de services qui réunit certains renseignements personnels dont il a légitimement besoin doit, si ces renseignements permettent d’identifier directement ou indirectement la personne selon un motif interdit, prendre toutes les dispositions utiles pour en préserver la confidentialité en toutes situations et circonstances, notamment lorsqu’il s’agit de dossiers d’emploi, d’assurance et d’antécédents médicaux. Les renseignements en cause peuvent se révéler nécessaires pour permettre à un employé ou à toute autre personne d’adhérer, par exemple, à un régime d’assurance, de retraite ou d’avantages sociaux et de présenter des réclamations liées à ces régimes,. Afin de protéger la vie privée des employés, ces renseignements doivent être confiés uniquement au personnel désigné à cette fin (ainsi le responsable des ressources humaines) et être conservés dans un système sécurisé.

Les documents où figurent des renseignements tels que le nom du plus proche parent ou le nom du bénéficiaire d’une police d’assurance de même que les formulaires de demande de prestations peuvent renfermer des indications sur l’orientation sexuelle de la personne. Si le caractère confidentiel de ces renseignements n’est pas protégé, les employés gais ou bisexuels ou ceux qui ont un partenaire de même sexe peuvent se sentir exposés à des actes de discrimination ou de harcèlement, que ce soit de manière subtile ou manifeste.

De même, les employés qui présentent une demande d’adaptation peuvent à juste titre s’inquiéter de la possibilité de divulgation de certains renseignements relatifs, par exemple, à la croyance, au handicap ou à la grossesse.

Exemple : Une employée infectée par le VIH a produit des documents à l’appui de sa demande d’un horaire souple et de périodes de repos, en raison d’accès de fatigue et de rendez-vous avec des professionnels de la santé. Cependant, l’employée n’a pas l’obligation de divulguer qu’elle est infectée par le VIH. L’employeur a le droit de savoir que l’employée a un handicap et qu’elle a besoin de certaines mesures d’adaptation pour demeurer productive au travail.

Le maintien de la confidentialité à l’égard des personnes souffrant d’une maladie mentale peut être particulièrement important, à cause des stigmates et des stéréotypes sociaux marqués qui persistent en rapport avec ce genre de handicap.

Les documents établissant le besoin de mesures d’adaptation données (horaire souple, aide technique particulière, par exemple) ne doivent être fournis qu’à ceux qui en ont besoin. Dans certaines circonstances, il peut être préférable que les renseignements soient transmis au service de santé de l’entreprise ou au personnel des ressources humaines plutôt que directement au superviseur, pour mieux protéger leur caractère confidentiel. Les documents médicaux doivent être conservés ailleurs que dans le dossier d’emploi de la personne.

L’employeur ou le fournisseur de services qui néglige de protéger correctement les renseignements personnels d’un employé pourrait contrevenir aux dispositions du Code. Il pourrait être passible d’une plainte si, à cause de sa négligence, cette personne est victime de discrimination ou de harcèlement.

Conseils pratiques :

  • Renseignements requis aux fins des régimes d’avantages sociaux : Dans certaines circonstances, il peut être nécessaire de réunir des renseignements sur la religion, le handicap ou l’orientation sexuelle de l’employé. Par exemple, des renseignements touchant aux motifs de discrimination peuvent être nécessaires en vue de l’adhésion aux régimes de retraite et d’avantages sociaux de l’employeur. Seuls les renseignements dont l’employeur a réellement besoin devraient être réunis. Il est concevable que les renseignements nécessaires aux fins des régimes d’avantages sociaux de l’employé comprennent l’âge, le sexe, l’état matrimonial, l’état familial, mais non la race, la religion, l’origine ethnique et l’orientation sexuelle. La divulgation de ces renseignements dans un but étranger à ces adaptations ou avantages contrevient au Code.
  • Renseignements requis aux fins de l’adaptation : Le paragraphe 17(2) du Code contraint l’employeur à appliquer des mesures d’adaptation aux besoins d’un employé identifiés par un des motifs de discrimination prévus au Code. Il peut être nécessaire de réunir et d’utiliser des renseignements sur la religion, le handicap ou d’autres motifs prévus au Code pour satisfaire aux besoins de l’employé. La divulgation de ces renseignements dans un but étranger à ces adaptations ou avantages contrevient au Code.
  • Divulgation des renseignements à une tierce partie : Les renseignements peuvent être divulgués à l’organisme gouvernemental qui a exigé la collecte des données, par exemple l’Agence du revenu du Canada ou la Direction des normes d’emploi du ministère du Travail. Ces organismes sont chargés de l’exécution de lois exigeant des employeurs qu’ils réunissent et conservent divers types de renseignements, autorisant ces organismes à demander ces renseignements et exigeant des employeurs qu’ils produisent ces renseignements lors d’une inspection ou d’une vérification.
  • Tenue de dossiers distincts : Ne doivent être divulgués que les renseignements qui sont nécessaires à l’organisme. Par exemple, l’Agence du revenu du Canada n’a nul besoin de connaître la race, le handicap ou l’orientation sexuelle d’un employé. Autrement dit, il ne faut jamais fournir le dossier général d’un employé, lequel pourrait renfermer des renseignements relatifs à l’un quelconque des motifs de discrimination interdits par le Code. Il faut plutôt conserver les renseignements sous une forme qui permette la récupération et la divulgation uniquement de celles qui sont nécessaires.

c) Code de conduite (et Code vestimentaire)

Si l’employeur décide d’établir un Code de conduite et exige des employés en place ou des nouveaux employés qu’ils s’y conforment, et qu’ils respectent notamment un Code vestimentaire, ou qu’ils signent un engagement de ne pas adopter certains types de comportement, il doit s’assurer que ses attentes ne contreviennent pas au Code.

i) Codes de conduite :

Le Code de conduite ne doit pas s’ancrer dans des stéréotypes fondés sur un motif de discrimination que le Code interdit. Il ne doit pas, non plus, s’appliquer relativement plus souvent aux personnes des groupes désignés qu’aux autres. L’employeur est tenu d’appliquer les mesures d’adaptation requises par un employé dans la mesure où cela ne lui cause aucun préjudice injustifié.

Exemple : L’employeur applique des lignes de conduite interdisant au personnel de proférer des jurons sur les lieux de travail. À cause d’un trouble mental, un employé ne parvient pas à respecter les lignes de conduite. Il demande des mesures d’adaptation à sa situation lorsqu’il est menacé de mesures disciplinaires. Malgré cela, l’employeur suspend l’employé. Au regard des besoins de ce dernier, la mesure disciplinaire est discriminatoire.

Déclarations morales : Des plaintes pour atteinte aux droits de la personne pourraient être déposées si l’employeur adoptait une politique exigeant des employés en place ou des nouveaux employés de se conformer aux termes d’une « déclaration morale ». Ces déclarations leur demandent ordinairement de ne pas se livrer à un certain nombre de comportements énumérés. Une telle approche peut contrevenir au Code si les comportements en question présentent un lien avec des motifs prévus au Code, tels que l’orientation sexuelle ou l’état matrimonial, et si ce ne sont pas des exigences professionnelles légitimes.

Exemple : Une organisation adopte une politique interdisant aux employés d’avoir des relations entre personnes de même sexe et indiquant que les mesures disciplinaires prévues vont jusqu’à la cessation d’emploi pour le non-respect de cette politique. L’adoption d’une politique comme celle là est discriminatoire au motif de l’orientation sexuelle, sous réserve de toute défense en vertu du Code.

L’employeur peut chercher à obtenir le statut d’organisation religieuse comme argument de défense en vertu du Code, mais la détermination de ce statut complexe ne peut être faite que par un tribunal. Nous l’avons vu plus tôt, dans le Code les raisons invoquées pour justifier la discrimination doivent être interprétées de manière restrictive, et l’employeur doit être en mesure d’établir que l’exception s’applique à son cas. Il existe une réelle possibilité à l’effet qu’un tribunal estime que l’exception demandée ne s’applique pas et que l’exigence a un caractère discriminatoire.

ii) Code vestimentaire :

L’employeur peut appliquer un Code vestimentaire ou adopter des règles répondant aux besoins commerciaux de l’entreprise dans la mesure où il respecte le Code. Le Code vestimentaire peut s’appliquer au port de l’uniforme ou à celui d’habits de protection. Le Code vestimentaire doit être inclusif, hommes ou femmes, personnes handicapées ou personnes ayant besoin de mesures d’adaptation pour un motif religieux. On doit faire en sorte que toutes les exigences sont légitimes et nécessaires à l’exécution des tâches.

Exemple : Tous les employés doivent porter des vêtements de couleur bleue au logo de l’entreprise lorsqu’ils sont en service. Des options s’offrent : le pantalon long ou le short, la chemise à manches longues ou courtes et la jupe au genou ou à la cheville. Le Code vestimentaire précise qu’avec l’uniforme, les femmes qui le souhaitent, peuvent se couvrir la tête pour un motif religieux. Les employées ne sont pas tenues de porter une jupe et, de fait, la majorité préfère le pantalon. Celles qui optent pour une tenue modeste en raison de leurs convictions religieuses apprécient la possibilité de porter la jupe à la cheville sans avoir à présenter une demande d’adaptation.

Bien que l’uniforme des hommes puisse différer de celui des femmes, l’employeur doit faire en sorte que toute politique touchant à la tenue vestimentaire n’entame en rien la dignité et le droit à la participation pleine et entière au travail des employés des deux sexes. L’employeur doit être en mesure d’établir que les différences entre l’uniforme des hommes et celui des femmes sont liées à des exigences professionnelles légitimes. Il faut éviter d’imposer aux femmes des contraintes plus importantes que celles imposées aux hommes, et il ne faut pas s’attendre, non plus, à ce qu’elles se vêtent de façon aguichante pour plaire aux clients. C’est de la discrimination fondée sur le sexe que de demander à des employées de porter des chaussures à talon haut, des jupes courtes et des blouses ajustées.

Dans le cas des employés qui fournissent des services à des membres du public, le porte nom accroché aux vêtements peut contribuer à la prévention du racisme et à la lutte contre le racisme. Par exemple, les agents de police ou de sécurité à l’origine de profilage racial pendant le travail seront identifiés plus facilement.

L’employeur doit satisfaire aux besoins d’adaptation, sous réserve d’un préjudice injustifié, en ce qui regarde les problèmes avec le Code vestimentaire qui ne peuvent être résolus par une démarche inclusive. Consulter aussi la section IV-8f(ii) – « Croyance – Prise en compte des besoins des personnes croyantes et pratiquantes et la section » IV-8e(vi) –« Demandes d’adaptation liées à la tenue vestimentaire ».

d) Heures de travail et pauses

Certaines décisions concernant les horaires de travail, la durée du travail et les pauses donnent lieu à des plaintes pour atteinte aux droits de la personne déposées par des employés de groupes désignés par le Code. Dans certains cas, la plainte porte sur une démarche inclusive déficiente, parfois sur le manque de mesures d’adaptation.

Ainsi une politique pour les postes de travail fondée sur une démarche inclusive tiendrait compte du fait qu’en raison de motifs prévus au Code, certains employés ne sont pas en mesure de travailler de nuit ou en équipes alternantes :

  • les spécialistes estiment que 4 % ou 5% de la population en général souffrent de troubles bipolaires qui sont souvent bien gérés grâce à une combinaison de sommeil régulier, de médicaments et d’un bon suivi médical;
  • les employés qui ont des enfants en bas âge peuvent être incapables de trouver quelqu’un pour s’en occuper les nuits où ils sont au travail, la plupart des garderies n’ouvrant leurs portes que durant les heures régulières de travail de bureau.

Il existe beaucoup de situations où l’employeur doit proposer des mesures d’adaptation pour satisfaire aux besoins énumérés dans le Code en fonction des heures de travail et des pauses. Parmi les mesures d’adaptation possibles, on pourrait ainsi s’attendre de l’employeur qu’il permette à un employé de passer d’un poste de nuit ou de postes alternants à un poste de jour. Le manque d’accorder des mesures d’adaptation dans les situations suivantes équivaut à de la discrimination :

  • un employé doit travailler le vendredi soir malgré ses observances religieuses et sa demande de mesures d’adaptation afin de lui permettre de prendre un autre poste de travail (croyance);
  • un employé fait l’objet de mesures disciplinaires pour avoir changé de poste de travail avec un autre employé afin de satisfaire à un besoin relié à des soins à apporter à une personne – il existe une règle générale interdisant ces échanges informels (état familial);
  • on ne permet pas à une employée handicapée d’ajuster son horaire à celui d’un circuit de transport adapté (7h30 le matin, 16 h à la fin de la journée). En conséquence, elle doit manquer des heures de travail malgré le fait qu’elle pourrait s’acquitter de tout son travail avec des ajustements à son horaire (handicap);
  • on informe une employée qui doit exprimer son lait pour le donner plus tard à son nourrisson qu’elle ne peut pas prolonger ses pauses sous peine de retenues salariales pour chaque minute de retard (sexe);
  • un employé de foi musulmane demande un horaire variable afin de pouvoir prier à des heures précises de la journée. L’employeur refuse en évoquant le fait que, s’il donne suite à sa demande d’adaptation, d’autres employés lui demanderont aussi un horaire variable (croyance).

On ne doit pas obliger un employé à travailler à temps partiel, à titre de mesure d’adaptation, sans avoir envisagé d’autres solutions. Suite à une demande d’adaptation, le fait d’abaisser beaucoup le nombre d’heures de travail pourrait être interprété comme une mesure de représailles ou un manque à satisfaire à un besoin d’adaptation d’un employé.

L’horaire souple fait partie d’une démarche inclusive susceptible de satisfaire aux besoins d’adaptation à de nombreux motifs. Les femmes enceintes ou les personnes âgées ou handicapées peuvent y trouver leur compte pour ce qui est des rendez vous médicaux, par exemple. Elles parviendront peut être à ajuster leur horaire de manière à être au travail lors de leurs périodes les plus productives de la journée si leurs besoins ou leurs symptômes changent selon le moment de la journée. Les personnes procurant des soins ou de l’aide à leurs enfants, à un dépendant souffrant d’un handicap ou à des parents âgés ou handicapés tireraient parti d’un aménagement des heures de travail. Par ailleurs, l’horaire souple peut être une façon pour les employés manifestant un besoin au motif de la croyance de concilier leur vie professionnelle et leurs croyances religieuses.

L’horaire souple prend plusieurs formes :

  • la souplesse avec l’heure des pauses;
  • des heures d'arrivée et de départ différentes les jours où la personne ne peut pas travailler tout le jour;
  • le travail à temps partiel;
  • le travail durant l'heure de repas pour compenser le départ anticipé ou l’horaire échelonné;
  • si la personne a épuisé sa banque de congés payés pour des fêtes religieuses, ses jours de vacances ou les autres congés auxquels elle a droit, l’employeur doit aussi penser à permettre à l’employé de remettre le temps perdu en utilisant ses congés mobiles ou en prenant d’autres arrangements professionnels. Consulter aussi à la section IV-8(f)ii – « Croyance – Demandes de jours de congé payés pour observances religieuses ».

Lorsqu’il envisage des mesures d’adaptation, l’employeur doit garder à l’esprit que le Code prime sur les dispositions législatives sauf si une loi mentionne explicitement que des dispositions s’appliquent nonobstant le Code.

Exemple : Un employé demande un congé pour respecter une fête religieuse. Il propose de reprendre les heures de travail perdues durant l’heure des repas. L’employeur connaît les dispositions de la Loi sur les normes d’emploi concernant les heures de repas, mais il sait qu’en vertu du Code, il doit s’acquitter en premier de son obligation de prendre des mesures d’adaptation.

e) Attribution des tâches

Il faut attribuer les tâches de manière cohérente et de manière équitable, et tenir compte des besoins d’adaptation des employés. Le genre de situations suivantes peut donner lieu à des plaintes pour atteinte aux droits de la personne :

  • Une agente de police se voit confier des tâches de bureau peu de temps après avoir appris à son superviseur qu’elle est enceinte, malgré qu’elle n’ait pas cherché à obtenir des mesures d’adaptation et bien qu’elle soit en mesure de s’acquitter de ses tâches habituelles.
  • Des employés handicapés se voient confier des fonctions moins exigeantes dans le seul secteur d’une organisation où de telles fonctions existent. Ce service a acquis une très mauvaise réputation et tout le personnel le désigne par un jeu de mots offensant bâti sur sa désignation officielle.
  • Un employé racialisé affirme qu’on lui attribue plus souvent qu’aux autres le poste de travail de nuit qui est détesté, et qu’on lui demande souvent de nettoyer les toilettes même si cette tâche ne fait pas normalement partie de ce travail.
  • Une employée occupe un poste à temps partiel à titre de mesure d’adaptation pour des raisons médicalement documentées. Son docteur déclare qu’elle n’est en mesure de travailler que 20 heures par semaine, mais on lui confie régulièrement des tâches correspondant à une semaine de travail à temps plein. Elle fait l’objet de mesures disciplinaires lorsqu’elle na pas fini le travail qu’on lui confie.
  • Un employé fait l’objet d’une restriction précisée dans un certificat médical l’empêchant de soulever des objets lourds. Ces tâches sont confiées à ses collègues qui se plaignent ouvertement et se moquent de lui. L’employeur n’intervient pas.

f) Salaires et primes

La rémunération des employés prend différentes formes, comme le versement d’un salaire et de primes, la contribution à des primes pour des avantages sociaux ou l’octroi d’heures de congé. Lorsque, de manière courante, l’employeur verse une indemnité sous une forme ou sous une autre à des employés en congé, les employés en congé d’invalidité y ont aussi droit.[42] Les salaires et les primes doivent être versés sans égard aux motifs prévus au Code, comme le sexe ou la race. À travail égal, il est discriminatoire de moins payer les femmes, les personnes racialisées ou les autres personnes désignées par le Code que les autres employés.

Exemple : La plupart des employés d’un service effectuent les mêmes tâches, cependant les employés racialisés ou les nouveaux venus dont la langue maternelle n’est pas l’anglais sont moins bien payés que les employés de race blanche. L’écart salarial se creuse davantage lorsqu’il s’agit d’un employé racialisé et de sexe féminin ou qui souffre d’un handicap. À moins que l’employeur ne parvienne à établir que les écarts salariaux reposent sur des facteurs légitimes comme la date d’embauche ou les tâches effectuées, il s’agit de discrimination.

Il est parfois délicat d’établir un lien entre les primes versées, les échelles ou les augmentations salariales et l’assiduité du fait que les employés handicapés, ceux qui ont des responsabilités de soignants ou ceux qui sont désignés par le Code pour un motif quelconque peuvent être davantage touchés que d’autres par ces décisions. Une approche de cette nature pourrait conduire à des disparités salariales affectant les personnes handicapées ou d’autres personnes désignées d’autre façon par le Code.

Exemple : Un employeur a pour politique que tout employé qui s’absente du travail plus de quatre fois en quatre mois n’a pas droit à une augmentation ou à une prime. Une employée souffrant d’une maladie chronique prend davantage de congés. Ses absences sont justifiées par des documents médicaux, mais elle n’obtient pas d’augmentation annuelle. Elle demande que son taux d’absentéisme soit calculé en fonction des absences autres que celles liées à ses besoins d’ordre médical ou à d’autres motifs prévus au Code. Sa demande est refusée. Cette politique est discriminatoire car elle n’a pas été conçue de manière inclusive et elle ne tient pas compte des besoins d’adaptation de l’employée. L’employeur ne s’est pas acquitté de ses obligations sur le plan des mesures d’adaptation à prendre et un tribunal pourrait conclure qu’il a exercé de la discrimination à l’endroit de cette employée.

La discrimination prend parfois la forme de disparités salariales entre des groupes professionnels (par exemple, dans les causes portant sur l’équité salariale, on compare le salaire versé pour des emplois ordinairement occupés par des femmes à des emplois exigeant des compétences similaires qui sont ordinairement occupés par des hommes) ou entre des personnes occupant un même poste.

Exemple : Même si les salaires sont calculés selon l’ancienneté, un employé ayant peu d’ancienneté est mieux payé que selon son ancienneté. Il s’avère qu’il a pu réclamer du temps supplémentaire de manière officieuse alors que les femmes occupant le même poste doivent obtenir l’autorisation en vertu d’une politique relative au surtemps. Il s’agit de discrimination sexuelle.

g) Vacances

Les congés pour un motif prévu au Code ne devraient pas influer sur les décisions relatives au droit aux vacances. Par exemple, il pourrait être discriminatoire de baser en partie l’octroi de vacances sur le handicap d’un employé, ou encore de se laisser influencer par cet état.

Exemple : Une employée prend congé pendant deux mois parce qu’elle souffre de sclérose en plaques, elle revient au travail pour trois mois et s’absente de nouveau pour deux mois à cause d’un autre problème de santé. Elle est congédiée au retour de vacances parce que la direction estime qu’elle s’est absentée trop longtemps du travail au cours des mois précédents. Pour parvenir à cette décision, l’employeur a tenu compte de congés d’invalidité en fonction desquels il aurait dû offrir des mesures d’adaptation dans la mesure où cela ne lui causait aucun préjudice injustifié. On pourrait conclure que l’employeur a enfreint le Code.

Un employé en congé pour un motif prévu au Code a le droit d’accumuler des jours de congé annuel. Le droit à une indemnité de vacances dépend des clauses du contrat d’emploi ou de la convention collective. Si la durée et l’indemnité de vacances sont liées au service, elles continuent de s’accumuler pendant les congés de l’employé. Par ailleurs, si l’indemnité est fonction des gains et que la personne touche des prestations en vertu de l’assurance-emploi ou de la Loi sur la sécurité professionnelle et l’assurance contre les accidents du travail seulement durant un congé, l’accumulation de jours de vacances, mais pas d’une indemnité de vacances, pendant la période de congé n’est pas discriminatoire. Si l’employeur accorde normalement une indemnité complémentaire aux employés qui touchent des prestations pendant un congé prévu par le Code, ces derniers ont droit à une indemnité de vacances calculée selon cette indemnité.

Exemple : Une employée prend un congé de maternité et un congé parental d’une durée d’un an. Elle touche pendant 50 semaines les prestations maximales auxquelles elle a droit en vertu de l’assurance emploi. L’employeur accorde une indemnité portant ses revenus à 95 % de son salaire pendant les deux premières semaines (période où elle n’est pas éligible aux prestations) et pendant les 35 semaines suivantes. Elle a droit à l’équivalent de 4 % de ces indemnités à titre d’indemnité de vacances et accumule 2 semaines de vacances, tout comme si elle n’avait pas été en congé.

h) Cumul de l’ancienneté

Il existe un lien direct entre l’ancienneté et la capacité des employés de se faire une place sur les lieux de travail et d’y connaître la réussite. En général, on tient compte de l’ancienneté pour les promotions, pour l’avancement et au moment des mises à pied et des rappels, et elle peut être déterminante lors du choix entre des employés.

Les employés en congé à cause d’un handicap ou pour une grossesse, ou pour tout autre motif prévu au Code, comme l’état familial, doivent cumuler l’ancienneté comme les autres employés. Sur un lieu de travail, par exemple, aucune des infirmières en congé d’invalidité non payé n’accumulait d’ancienneté. La Cour d’appel de l’Ontario a déclaré que le traitement d’employés déclarés invalides doit être comparé à celui de tous les employés, et non seulement à celui d’autres employés en congé pour des raisons différentes. Puisque les infirmières en congé d’invalidité étaient traitées différemment des autres, l’employeur contrevenait au Code.[43]

Exemple : Une entente collective prévoit que tout employé en congé n’accumule pas d’ancienneté pendant qu’il est en congé. À son retour d’un congé de maternité, une employée est désignée pour une mise à pied parce qu’elle a le moins d’ancienneté. Ce scénario soulève des préoccupations relatives aux droits de la personne.

L’établissement de l’ancienneté fondé sur des facteurs prévus au Code ou influencé par ceux-ci peut donner lieu à des plaintes pour discrimination. Ainsi, l’ancienneté ne doit pas être établie en fonction de l’âge lorsque plus d’un employé sont embauchés le même jour.

i) Adhésion à des régimes d’assurance-groupe :

Il peut s’exercer de la discrimination lorsqu’un contrat d’embauche stipule que les employés doivent adhérer à un régime d’assurance-groupe et qu’un candidat ne répond pas aux conditions d’adhésion à cause d’un handicap (ou pour tout autre motif prévu au Code). En vertu du paragraphe 25(1) du Code, la clause du contrat ne serait pas conforme au Code.

Le paragraphe 25(2) du Code permet que des contrats d’assurance-groupe passés entre un employeur et un assureur accordent un traitement différent selon le sexe dans la mesure où ils sont conformes à la Loi de 2000 sur les normes d’emploi et ses règlements. Les règlements pris dans le cadre de cette Loi ne comportent aucune clause permettant un traitement différent de personnes en congé pour des raisons de santé associées à la grossesse ou en congé de maternité. En vertu de cette Loi et de ses règlements, l’employeur doit procurer les mêmes indemnités à toutes les employées en congé de maternité ou aux employés en congé parental que celles accordées pour d’autres types de congé.

Il peut également exister de la discrimination lorsqu’un employé fait l’objet d’un traitement différent des autres, relativement à un régime d’assurance, à cause d’un motif prévu au Code.

Exemple : On demande à une employée de payer d’avance ses cotisations à un régime d’assurance médicale avant son congé de maternité, alors que les employés de sexe masculin en congé de maladie ne sont pas tenus de le faire. Cela serait discriminatoire.

j) Régimes d’avantages sociaux et régimes de retraite

La question des avantages sociaux et des prestations de retraite est souvent complexe car elle dépend de régimes complexes et de considérations actuarielles.

Les dispositions du Code s’appliquent également aux régimes d’avantages sociaux et de retraite. Les régimes d’avantages sociaux prévoyant des avantages pour les personnes à charge doivent aussi respecter la protection accordée aux personnes désignées par le Code, notamment aux motifs de l’état familial, du sexe ou du handicap. Les préoccupations les plus fréquentes ont le plus souvent trait à l’âge, au handicap, au sexe (notamment la grossesse), à l’état matrimonial et à l’état familial.

Les prestations de retraite sont versées à partir d’un certain âge. Par conséquent, ces régimes préoccupent beaucoup les personnes plus âgées. Par ailleurs, d’autres motifs de discrimination, comme l’état matrimonial ou familial, ou encore le handicap, peuvent intervenir lorsqu’il est question de prestations de retraite.

Les plaintes pour discrimination au niveau des régimes de retraite et d’avantages sociaux doivent être examinées au cas par cas. En général, l’employeur doit justifier le choix d’un tel régime à titre d’exigence professionnelle légitime. Par exemple, il faut établir que le fait de prendre la durée d’emploi comme repère pour des décisions relatives à l’éligibilité à des prestations de retraite ou d’avantages sociaux est une exigence légitime. Faute de quoi il peut s’agir de discrimination à l’encontre des jeunes, des femmes qui reviennent sur le marché du travail ou des personnes handicapées qui peuvent avoir changé d’emploi.

L’article 25 du Code prévoit des règles précises concernant les régimes de retraite et d’avantages sociaux. En vertu du paragraphe 25(1) : Constitue une atteinte au droit, reconnu à l’article 5, à un traitement égal en matière d’emploi le fait de refuser un emploi ou de le rendre conditionnel parce qu’une condition d’emploi exige la participation de l’employé à un régime d’avantages sociaux, une caisse ou un régime de retraite, ou à un contrat d’assurance-groupe entre un assureur et un employeur, qui établit une distinction entre des personnes, les exclut ou leur accorde la préférence pour des raisons fondées sur un motif illicite de discrimination.

Toutefois, certaines distinctions faites au niveau des régimes de retraite ou d’avantages sociaux peuvent ne pas être discriminatoires au regard de la législation relative aux droits de la personne. Ainsi, les mesures suivantes ne contreviennent pas au Code :

  • un régime ou une caisse de retraite, ou encore un contrat d’assurance-groupe passé entre un assureur et un employeur qui est conforme à la Loi de 2000 sur les normes d’emploi et à ses règlements [paragraphe 25(2) du Code]. Les motifs considérés ici sont le sexe, l’état matrimonial ou l’état familial.
  • un régime d’avantages sociaux ou un régime ou une caisse de retraite, ou encore un contrat d’assurance-groupe passé entre un assureur et un employeur qui est conforme à la Loi de 2000 sur les normes d’emploi et à ses règlements [paragraphe 25(1) du Code]. Le motif considéré ici est l’âge, et cette disposition s’applique indépendamment du fait qu’un régime ou qu’une caisse fasse ou non l’objet d’un contrat d’assurance entre un employeur et un assureur.
  • une distinction, une exclusion ou une préférence établie de façon raisonnable et de bonne foi est pratiquée dans un régime d’assurance-invalidité ou d’assurance-vie à l’intention d’employés ou dans une prestation consentie aux termes de ces régimes parce qu’un handicap préexistant augmente considérablement le risque [alinéa 25(3)(a) du Code].
  • une distinction, une exclusion ou une préférence établie de façon raisonnable et de bonne foi est pratiquée à cause d’un handicap préexistant en ce qui concerne des prestations consenties dans le cadre d’un programme où l’employé ou le participant paie toutes les cotisations d’un régime d’avantages sociaux, d’un régime ou d’une caisse de retraite, ou d’un contrat d’assurance-groupe, ou en ce qui concerne un régime, une caisse ou une police qu’un employeur offre à ses employés lorsque leur nombre est inférieur à vingt-cinq [alinéa 25(3)(b)].

Le Règlement 286/01 de l’Ontario pris en vertu de la Loi de 2000 sur les normes d’emploi réglemente les régimes de prestations d’invalidité, de prestations de maladie, de frais dentaires, de médicaments, d’assurance vie et de retraite. Consulter aussi la section ii) « Âge », ci-après.

i) Handicap :

Le paragraphe 25(4) du Code stipule que, si un employé est exclu d’un régime d’avantages sociaux, d’un régime ou d’une caisse de retraite, ou d’un contrat d’assurance-groupe entre un assureur et l’employeur à cause d’un handicap, l’employeur doit verser une indemnité compensatrice équivalente à son apport à ce régime, à cette caisse ou à ce contrat pour un employé qui n’est pas atteint d’un handicap.

Les régimes d’assurance-invalidité ne doivent pas établir de distinctions quant au degré ou à la nature d’un handicap. Par exemple, un régime d’assurance-invalidité qui limiterait les prestations versées pour un handicap mental, mais pas pour un handicap physique serait en contravention du Code.[44] En outre, l’exclusion d’employés d’un régime de prestations d’invalidité de longue durée pourrait contrevenir au Code si ces personnes étaient traitées d’une manière différente de celle dont sont traités d’autres employés handicapés.

ii) Âge :

S’il s’opère des distinctions relatives au droit à des prestations en fonction de l’âge, l’employeur doit s’assurer que les dispositions du régime répondent à des exigences légitimes. Les régimes de congés de maladie qui établissent un lien entre les prestations et l’âge ont été jugés discriminatoires.[45]

Exemple : Une entente collective prévoit que l’éligibilité à des prestations d’assurance santé cesse à 55 ans sans égard à la durée de versements de prestations avant d’atteindre la limite d’âge. En vertu de cette disposition, un employé qui a touché des prestations pendant deux ans devient inéligible à de nouvelles prestations. Le régime est jugé être discriminatoire du fait que de plus jeunes employés pourraient toucher des prestations jusqu’à une durée limite de 15 ans, et que l’employeur n’est pas en mesure d’établir que l’établissement d’une date-limite est une exigence légitime .

Le versement de prestations de retraite réduites à des personnes qui prennent une retraite anticipée peut ne pas être discriminatoire si la valeur actuarielle de ces prestations est au moins égale à la présente valeur du régime pour les personnes qui attendent jusqu’à l’âge requis pour être éligibles à la pleine pension. En outre, de faire reposer sur l’âge l’admissibilité à des prestations de retraite ne serait sans doute pas jugé être discriminatoire. Les régimes de retraite comportant des dispositions relatives au facteur 80 sont un exemple.

Cependant, les dispositions prévues au Code concernant la discrimination à cause de l’âge, relativement aux prestations, ne s’appliquent pas aux personnes qui ont plus de 65 ans. En effet, le Code renvoie expressément à la Loi de 2000 sur les normes d’emploi. L’article 4 du Règlement 286/01 de l’Ontario permet un traitement différentiel fondé sur l’âge selon des calculs actuariels et lorsque les lois régissant les régimes de retraite le permettent. Il donne la définition suivante au terme «âge» : « S’entend de 18 ans ou plus et de moins de 65 ans ». Cela signifie que les dispositions des régimes de retraite et d’avantages sociaux relatives au plafond de 65 ans ne peuvent pas être contestées en vertu du Code. La Commission encourage néanmoins les employeurs et les syndicats à élaborer et à mettre en vigueur des politiques et des programmes relatifs à la retraite et aux avantages sociaux se conformant à l’esprit du Code, n’appliquant pas de critères d’âge et s’appuyant sur des exigences légitimes.

iii) État matrimonial et état familial :

Le paragraphe 25(2) du Code permet de conclure entre des employeurs et des assureurs des contrats relatifs à des régimes d’assurance-groupe et de retraite qui prévoient un traitement différentiel selon l’état matrimonial ou familial, dans la mesure où ils sont conformes à la Loi de 2000 sur les normes d’emploi et ses règlements.

iv) Orientation sexuelle :

Il est discriminatoire de ne pas prévoir de prestations d’avantages sociaux à l’intention des partenaires ou des conjoints du même sexe au motif de leur orientation sexuelle. Les contrats relatifs à des régimes d’assurance-groupe et de retraite passés entre des employeurs et des assureurs doivent traiter les couples du même sexe de la même façon que les autres. Cela vaut pour les régimes ou les caisses de retraite comme pour les contrats d’assurance-groupe passés entre un employeur et un assureur qui sont conformes aux lois et règlements pertinents.

Exemple : L’employeur doit procurer aux personnes engagées dans une relation avec une personne du même sexe les mêmes avantages au profit du conjoint qui sont offerts aux personnes engagées dans une relation matrimoniale entre un homme et une femme en vertu des régimes en place de retraite et d’assurance santé.

Exemple : L’employeur doit procurer aux employés gais ou aux employées lesbiennes les mêmes prestations au survivant que celles offertes aux employés hétérosexuels.

Exemple : Le refus par un assureur de verser des prestations au survivant à une personne dont le conjoint ou le partenaire de même sexe est décédé, constitue une infraction au Code.

De plus, il ne faut pas pratiquer de distinction en fonction de l’orientation sexuelle lors de l’évaluation de demandes de congé parental ou d’indemnité complémentaire émanant de parents gais ou lesbiennes. Aux fins de la Loi de 2000 sur les normes d’emploi, le terme « parent » désigne un parent naturel, un parent adoptif (que l'adoption ait été reconnue ou non par la loi) ou une personne qui vit une relation d'une certaine permanence avec un parent d'un enfant et qui prévoit s'occuper de l'enfant comme s'il s'agissait du sien. Cela signifie qu’un parent, gai ou lesbienne, pourrait avoir droit à un congé parental d’une durée de 35 – 37 semaines, sans compter le congé de maternité de 17 semaines de la mère naturelle.

Exemple : Une femme lesbienne demande un congé parental de 15 semaines pour s’occuper de l’enfant après que sa conjointe, la mère naturelle, soit retournée au travail. Ordinairement, ces demandes sont approuvées. Toutefois, l’employeur refuse d’acquiescer à la demande parce qu’il ne reconnaît pas que l’employée est le parent de l’enfant (à cause de son orientation sexuelle et à cause du fait qu’elle n’est pas la mère naturelle). Cette décision est discriminatoire.

En vertu de la Loi de 2000 sur les normes d’emploi, lorsqu’un enfant est adopté, les deux parents ont droit uniquement à un congé parental d’une durée maximale de 37 semaines. Toutefois, lorsqu’un régime d’avantages sociaux prévoit des prestations complémentaires pour le parent autre que la mère naturelle pour encourager la création d’un lien d’affection à l’arrivée de l’enfant au foyer, ces prestations devraient être consenties sans égard à l’orientation sexuelle ou au fait qu’il puisse s’agir d’une adoption.

Exemple : Le régime d’avantages sociaux d’un employeur prévoit au total 3 à 5 journées de congé payées pour le parent autre que la mère naturelle (sans égard au sexe) au cours du premier mois suivant la naissance ou l’adoption de l’enfant. Un employé gai peut demander d’utiliser ces congés lorsqu’il adopte un enfant avec son conjoint.

v) Avantages sociaux en relation avec la grossesse (sexe ou handicap) :

Les régimes d’avantages sociaux ou les pratiques d’emploi à l’origine d’un désavantage attribuable à la grossesse sont discriminatoires en vertu du Code, aux motifs du sexe et de la grossesse. Par exemple, il peut exister de la discrimination dans les circonstances suivantes :

  • l’employeur refuse à une employée les congés de maladie qu’elle réclame pour des raisons de santé en rapport avec la naissance de son enfant (elle a décidé de ne pas se prévaloir tout de suite du congé de maternité prévu en vertu de la Loi de 2000 sur les normes d’emploi).
  • Les employées enceintes qui prennent des congés de maladie non payés retirent des avantages différents de ceux des autres employés en congé de maladie non payé (notamment les indemnités de congé annuel).

Le paragraphe 25(2) du Code permet que les contrats d’assurance-groupe passés entre un employeur et un assureur appliquent un traitement différentiel selon le sexe, dans la mesure où ils respectent la Loi de 2000 sur les normes d’emploi et ses règlements. Ceux ci exigent de l’employeur qu’il accorde aux employées qui prennent un congé de maternité ou aux employés qui prennent un congé parental le droit aux mêmes avantages que ceux accordés aux employés se prévalant d’autres types de congés.

La Cour suprême du Canada a aussi affirmé que, bien qu’elle ne soit ni une maladie ni un handicap, la grossesse constitue une raison de santé valable pour s’absenter de son travail.[46] Par conséquent, il est interdit de traiter les employées enceintes qui éprouvent des besoins liés à leur état de santé plus mal que les employés en congé pour d’autres raisons de santé, peu importe qu’il s’agisse d’une maladie, d’un accident ou d’un handicap.

Lorsque l’employeur a mis en place un régime d’avantages sociaux qui procure une certaine rémunération en cas de congé pour des raisons de santé ou qui prévoit des prestations d’invalidité pour les employés, une femme doit avoir droit à des prestations d’invalidité pendant la partie de son congé de maternité ou de son congé parental où elle n’est pas en mesure de travailler pour des raisons de santé en rapport avec sa grossesse ou la naissance de son enfant. Le versement des prestations doit commencer aussitôt que cette femme s’absente de son travail pour des raisons de santé. Il faut accorder, au regard de toute partie d’un congé de maternité où la personne n’est pas en mesure de travailler pour des raisons de santé, le même traitement qu’on accorde aux autres congés pour des raisons de santé, comme les congés de maladie ou d’invalidité. L’employée doit être rémunérée essentiellement au même degré et elle doit être sujette aux mêmes conditions que celles d’employés qui deviennent malades, et on pense notamment à la présentation d’un certificat médical justifiant l’absence du travail.

Les employées enceintes doivent être rémunérées pendant l’entièreté de leur congé pour raisons de santé, peu importe que ce soit avant ou après la naissance et notamment pendant la période de rétablissement suivant la naissance. Aucune femme n’ayant une grossesse pareille aux autres, les demandes de congé pour raisons de santé doivent être examinées au cas par cas.

En vertu de la Loi de 2000 sur les normes d’emploi, les femmes en congé de maternité demeurent éligibles à d’autres avantages sociaux en vertu des régimes d’avantages sociaux destinés aux employés, notamment de retraite, d’assurance vie, de mort accidentelle et d’assurance vie complémentaire et de soins dentaires. De plus, si elles sont éligibles, ces personnes peuvent demander des prestations de maternité en vertu de la Loi sur l’assurance emploi du gouvernement fédéral.

Il se peut qu’une femme ait des problèmes de santé attribuables à sa grossesse qui l’obligent à s’absenter de son travail avant ou après son congé de maternité ou son congé parental. Dans ce cas, elle a droit à des prestations de maladie en vertu d’un régime d’assurance-invalidité ou d’assurance-santé à son travail. Il arrive qu’en vertu de la Loi de 2000 sur les normes d’emploi, la date du premier versement de prestations maternelles ou parentales soit reportée à la fin du congé de maladie et après le versement des prestations de l’assurance santé au travail. Ces cas doivent être transigés entre l’employé et la Direction des normes d’emploi, qui a établi des règles pour déterminer à quel moment une femme enceinte a droit à des prestations et à un congé. Lorsqu’une employée a droit à des prestations de maladie en plus de ses prestations de congé de maternité et de congé parental, et qu’elle est en congé pour une longue durée, la recherche de mesures d’adaptation peut obliger l’employeur à garder ouvert le poste de l’employée, dans la mesure où cela ne lui cause aucun préjudice injustifié.

Lorsque l’employeur prévoit des prestations complémentaires à celles prévues pour les congés de maternité et les congés parentaux, ces prestations doivent être consenties également à tous les employés, notamment les nouveaux venus au sein de l’entreprise, dans la mesure où cela ne lui cause aucun préjudice injustifié.

Les tribunaux ont reconnu que la grossesse et l’accouchement créent des exigences majeures pour les femmes. Ils ont jugé que l’octroi de prestations de maternité aux femmes enceintes, qui ne sont pas octroyées à d’autres parents, n’est pas discriminatoire dans la mesure où ces prestations sont accordées au vu des besoins et des exigences psychologiques et physiques uniques des femmes enceintes. On pense notamment aux changements physiques et aux risques associés à leur état, aux exigences physiques sérieuses reliées à l’accouchement, aux besoins pendant la période de rétablissement post-partum et aux demandes associées à l’allaitement.[47] Cependant, les programmes de congés ou les politiques relatives à des avantages sociaux qui reposent sur des stéréotypes relatifs au genre masculin ou au genre féminin, ou encore sur des préjugés relatifs à l’état familial sont sujets à des contestations judiciaires relatives aux droits de la personne.

Exemple : Un médecin demande de toucher des prestations parce qu’il reste à la maison pour prendre soin de son enfant nouveau né après le retour au travail de son épouse. Sa demande est refusée parce que le programme accorde ces prestations uniquement aux médecins de sexe féminin. Il porte plainte pour discrimination au motif du sexe.

Exemple : Un régime prévoit que la mère naturelle d’un enfant a droit à des prestations de maternité pendant 15 semaines en plus des 35 semaines de prestations parentales. Par ailleurs, une femme qui adopte un enfant a droit uniquement aux prestations parentales de 35 semaines. Cela n’est sans doute pas discriminatoire.

Les tribunaux ont indiqué que les prestations de maternité servent à remplacer les revenus et à protéger l’emploi des mères naturelles pendant le temps qu’elles donnent naissance à un enfant et qu’elles se rétablissent. Ces dispositions ne sont pas destinées à encourager la création d’un lien d’attachement avec l’enfant. Par exemple, ces prestations sont accordées aux mères qui donnent leur enfant en adoption. Par ailleurs, l’employeur doit veiller à ne pas créer l’impression que les parents adoptifs sont moins importants que les parents naturels, et il pourrait leur verser une indemnité complémentaire aux prestations parentales s’il le fait pour les parents naturels.

Exemple : Un employeur complète la rémunération à hauteur de 95 % du salaire régulier des employées en congé de maternité pendant 17 semaines s’il s’agit de mères naturelles. Le régime d’avantages sociaux complète la rémunération à hauteur de 95 % du salaire régulier pendant les 17 premières semaines de congé parental dans le cas de parents adoptifs.

Lorsqu’une employée perd son emploi à cause de sa grossesse, cela peut aussi la rendre inéligible aux prestations d’assurance emploi. En général, une femme placée dans cette situation aurait droit à une indemnité pour la perte des prestations auxquelles elle aurait normalement eu droit si on ne lui avait pas retiré la possibilité de travailler.

Exemple : Un employeur offre un emploi de commis à une femme enceinte, mais l’offre est retirée lorsqu’il apprend qu’elle est enceinte. S’il l’avait embauchée comme convenu, elle aurait touché un salaire duquel une partie aurait été prélevée aux fins de l’assurance emploi, et elle aurait été éligible à des prestations d’assurance emploi. Elle serait en droit de réclamer le salaire perdu et les prestations d’assurance emploi en déposant une plainte d’atteinte aux droits de la personne.


[42] À l’inverse, dans la cause Ontario Nurses’ Association v. Orillia Soldiers’ Memorial Hospital (1999), 42 O.R. (3d) 692 (C.A.), [demande d’autorisation à la C.S.C. rejetée (10 décembre 1999), Bulletin 27176 de la C.S.C.] (Ontario Nurses), les infirmières en congé d’invalidité non payé n’accumulaient pas de service passé les périodes prévues dans la convention collective. En outre, l’employeur n’avait pas à contribuer aux régimes d’avantages sociaux des employés après que les employées aient touché des prestations pour congé de longue durée pendant une période définie. La Cour d’appel de l’Ontario a soutenu qu’il n’y avait pas contravention au Code du fait que les infirmières n’étaient pas traitées différemment des personnes d’un groupe comparable, nommément les employés en congé pour d’autres raisons.
[43] Ibid.
[44] Gibbs v. Battlefords & District Co-operative Ltd. [1996], 3 R.C.S. 566.
[45] Heidt v. Saskatoon (City) (1988), 9 C.H.R.R. D/5380 (Sask. Bd. Inq.), confirmé 10 C.H.R.R. D/5808 (Sask. Q.B.), révisé 12 C.H.R.R. D/387 (C.A.), permission d’appeler refusée 74 D.L.R. (4th) vii (C.S.C.) Le Human Rights Code de la Saskatchewan contenait une disposition prévoyant que l’interdiction de discrimination fondée sur l’âge en matière d’emploi n’empêchait pas l’application de n’importe quelle condition d’un régime d’assurance-groupe ou d’assurance des employés établie de bonne foi. La Cour d’appel a maintenu que la défense n’avait pas été établie parce qu’aucune preuve n’avait été présentée pour démontrer que la discrimination était raisonnablement nécessaire pour permettre à l’employeur de mettre en place un régime d’assurance-santé qui soit à la fois viable et rentable.
[46] Brooks, supra note 23.
[47] Consulter Schafer c. Procureur général du Canada (1997), 149 D.L.R. (4th) 705, demande d’autorisation à la C.S.C. rejetée le 29 janvier 1998, et Tomasson c. Procureur général du Canada, 2007 CAF 265 (CanLII).

8. Prise en compte des besoins d’adaptation des employés au travail

a) L’obligation d’adaptation sous réserve du préjudice injustifié

Sous réserve d’un préjudice injustifié, le Code exige qu’un effort soit fait pour tenir compte des besoins des personnes qui bénéficient de sa protection. Il serait injuste d’exclure quiconque du milieu de travail ou des activités qui se déroulent dans le milieu de travail parce que leurs besoins protégés en vertu du Code sont différents de ceux de la majorité. Le principe de l’adaptation s’applique à tous les motifs du Code, mais les problèmes d’adaptation en milieu de travail se rapportent le plus souvent aux besoins :

  • des employés handicapés (handicap);
  • des travailleurs âgés (âge);
  • des employés qui observent une religion (croyance);
  • des femmes enceintes (sexe);
  • des employés qui doivent apporter des soins à quelqu’un (état familial).

La présente section porte sur le principe de l’adaptation, sur les obligations et les responsabilités liées au processus d’adaptation et sur les limites de l’obligation d’adaptation. On y aborde ensuite certains points particuliers concernant les motifs de discrimination présentés ci-dessus.

b) Le principe de l’adaptation

Le droit des personnes au respect de leurs besoins et l’obligation qu’ont les employeurs et les syndicats de tenir compte de ces besoins sont, de nos jours, bien ancrés dans la loi et la jurisprudence. Les principes de l’adaptation, aussi désignée par le terme accommodement, sont exposés en détail dans le document de la Commission intitulé Politique et directives concernant le handicap et l’obligation d’accommodement et sont résumés ci-dessous.

L’adaptation est une partie fondamentale et intégrante du droit à l’égalité de toute personne. Le principe de l’adaptation recouvre trois facteurs: le respect de la dignité, l’adaptation individualisée et l’intégration.

  • Respect de la dignité : L’adaptation doit se faire de la façon la plus respectueuse possible de la dignité de la personne, soit dans le respect de la vie privée et de la confidentialité des renseignements personnels, du confort et de l’autonomie de la personne.
  • Adaptation individualisée : En matière d’adaptation, il n’existe aucune formule préétablie. Les besoins de chaque personne sont uniques et doivent être considérés de nouveau lorsque des mesures d’adaptation sont demandées. Bien que certaines mesures d’adaptation soient avantageuses pour un grand nombre de personnes, il est possible qu’une solution satisfaisante pour les uns ne le soit pas pour les autres.
  • Intégration : Pour en arriver à l’intégration et à la pleine participation, on devra promouvoir une conception inclusive et éliminer les obstacles existants. Pour prévenir et éliminer les obstacles, toute personne doit pouvoir accéder à son lieu de travail et satisfaire aux mêmes obligations et aux mêmes exigences que les autres, avec dignité et sans empêchements. Consulter la section IV-1a(i) – « Prévention, examen et élimination des obstacles ».

Les mesures d’adaptation les plus appropriées doivent être identifiées et mises en place sans toutefois causer de préjudice injustifié. Toute décision sur ce qui constitue ou non une adaptation appropriée nécessite une analyse distincte de celle du préjudice injustifié. L’adaptation est jugée appropriée si elle offre à la personne visée des chances égales d’atteindre le même niveau de rendement ou de jouir des mêmes avantages et privilèges que les autres employés, ou si elle est proposée ou exécutée dans le but d’atteindre l’égalité des chances et à répondre aux besoins liés à un motif prévu par le Code. L’adaptation la plus appropriée sera celle qui favorise le plus l’inclusion et une pleine participation, et qui permet de régler efficacement tout problème systémique.

Exemple : Au lieu de faire une seule exception pour un employé qui a d’importantes responsabilités en tant qu’aidant naturel, un employeur se penche à nouveau sur la question de savoir si les quarts de travail de 10 heures à temps plein constituent une exigence justifiée. Si l’employeur décide qu’elle ne l’est pas, il modifie la règle en instaurant des quarts de huit heures et des modalités de travail à temps partiel.

L’adaptation aux besoins peut se faire de deux façons : en offrant des solutions fondées sur les besoins du groupe auquel la personne appartient (voir, par exemple, le paragraphe 11(2) du Code) ou des solutions axées sur les besoins particuliers d’une personne (dans le cas notamment d’une personne qui a un handicap) lesquels sont évalués de façon individuelle (voir, par exemple, les paragraphes 17(2) et 24(2) du Code).

Il est possible de mettre des mesures d’adaptation en place en modifiant les termes et conditions de l’emploi ou encore les aspects physiques d’un lieu ou d’un poste de travail. Par exemple, lorsque la conduite automobile est une exigence essentielle d’un emploi, l’employeur peut essayer de tenir compte des besoins particuliers d’une personne ayant un handicap en apportant certaines modifications à un véhicule de l’entreprise, à moins que cette mesure ne lui cause un préjudice injustifié. Les adaptations aux besoins vont de celles qui ne respectent guère la vie privée, l’autonomie ou la dignité d’une personne à celles qui les respectent parfaitement. Les adaptations qui n’ont aucun égard pour la vie privée, l’autonomie ou la dignité d’une personne sont inacceptables.

L’employeur peut, selon les circonstances, avoir de la difficulté à financer sur-le-champ la totalité d’une adaptation. Dans ce cas, il lui est permis de prendre des mesures d’adaptation provisoires ou d’échelonner la mise en œuvre de l’adaptation définitive, à condition de ne pas retarder cette dernière indûment. Cette façon de faire pourrait le mettre à l’abri d’une éventuelle plainte pour défaut. La question de savoir si une adaptation provisoire ou progressive est acceptable sera toutefois tranchée à la lumière d’une analyse visant à déterminer si une adaptation définitive et immédiate causerait réellement un préjudice injustifié à l’employeur.

Les conventions collectives et autres dispositions contractuelles ne doivent pas entraver la mise en place de mesures d’adaptation. Les tribunaux ont statué que les dispositions des lois régissant les droits de la personne primaient sur celles des conventions collectives et des autres contrats.[48] La situation contraire autoriserait les parties à se soustraire par contrat aux dispositions du Code, renonçant ainsi aux droits et obligations que celui-ci prévoit à leur égard. Par conséquent, sous réserve de la norme du préjudice injustifié, les modalités d’une convention collective ou d’autres dispositions contractuelles ne peuvent justifier une situation de discrimination interdite par le Code.

Les employeurs et les syndicats doivent unir leurs efforts pour trouver une solution lorsqu’une mesure d’adaptation est incompatible avec une convention collective. La Cour suprême du Canada a toutefois noté que, malgré le principe de la responsabilité partagée, il demeure que l’employeur est responsable du lieu de travail, et, de ce fait, est le mieux placé pour prendre des mesures d’adaptation.[49] En conséquence, il incombe à l’employeur d’entamer le processus d’adaptation. La Cour suprême a toutefois relevé que le syndicat était également dans l’obligation de proposer des solutions de rechange envisageables et qu’il sera tenu responsable de sa décision s’il ne le fait pas. L’employeur et le syndicat ont la responsabilité partagée d’éliminer tout traitement discriminatoire ou d’en atténuer la source.

Si un employeur et un syndicat ne peuvent s’entendre sur les mesures à adopter pour résoudre un problème d’adaptation, l’employeur doit procéder à ces mesures en dépit de la convention collective, sous réserve d’un préjudice injustifié. Si le syndicat s’objecte aux mesures d’adaptation ou ne coopère pas au processus de leur mise en place, il peut être mis en cause à titre d’intimé dans le cadre d’une plainte déposée devant la Commission.

Les syndicats sont soumis aux mêmes exigences en ce qui concerne la norme du préjudice injustifié. Ainsi, si l’on peut démontrer que la modification d’une convention collective entraîne des coûts directs, ce fait peut être pris en compte en vertu de la norme des coûts.

La méthode visant à évaluer l’adaptation est aussi importante que la substance de l’adaptation.[50] Tout manquement de l’employeur à l’obligation d’examiner et d’évaluer individuellement les différentes possibilités d’adaptation peut être vue comme une infraction distincte au Code.

Exemple : Une femme est engagée comme aide familiale en résidence pour deux jeunes enfants. Au début de son emploi, elle dit à son employeur qu’elle est enceinte et souffre de nausées, mais qu’elle souhaite quand même travailler. L’employeur décide cependant de ne pas continuer de l’employer car il craint que la femme ne satisfasse pas aux exigences physiques de l’emploi, étant donné les symptômes de grossesse qu’elle éprouve. L’employeur ne s’est pas acquitté de son obligation procédurale de prendre des mesures d’adaptation.

Exemple : Un homme révèle qu’il a un handicap, soit un trouble bipolaire, peu après son embauche. Au lieu d’évaluer la nature de ses besoins en matière d’adaptation par rapport aux tâches essentielles du poste et à la norme du préjudice injustifié, l’employeur se fonde sur des stéréotypes discriminatoires et conclut hâtivement que l’employé ne peut pas exercer les fonctions du poste. L’employé est renvoyé huit jours après le début de sa période probatoire. L’employeur ne s’est pas acquitté de son obligation procédurale de prendre des mesures d’adaptation.

Les tribunaux des droits de la personne ont conclu que l’employé avait fait l’objet de discrimination dans ces deux exemples. Leur décision dans ces deux affaires s’appuie notamment sur l’élément clé voulant que l’employeur n’ait pas amorcé un processus approprié pour déterminer s’il était possible de prendre des mesures d’adaptation sans que cela entraîne un préjudice injustifié. Consulter la section IV-8d) – « Que faut-il entendre par préjudice injustifié? » et l’annexe E – « Modèle de formulaire d’évaluation des besoins d’adaptation ».

c) Vue d’ensemble des obligations et responsabilités

Dans les lieux de travail, les employeurs sont tenus de prévoir des politiques et des procédures en matière d’adaptation. Les syndicats et les employeurs doivent collaborer pour veiller à ce que des politiques soient élaborées et que tous les membres du personnel en prennent connaissance pour qu’ils soient au courant de leurs droits. Les superviseurs et les supérieurs immédiats doivent également connaître la marche à suivre lorsqu’une demande d’adaptation est présentée. Pour obtenir de plus amples renseignements sur la façon d’élaborer une politique en matière d’adaptation, consulter la section IV-1a(iv) – « Politique et procédures en matière de mesures d’adaptation ».

L’adaptation appropriée qui vise à répondre aux besoins fondés sur un motif prévu au Code peut également changer avec le temps. Les demandes d’adaptation et les mesures adoptées doivent donc être surveillées et rajustées au besoin, selon les changements qui surviennent en ce qui a trait à l’employé, à l’employeur et au lieu de travail.

Les employés, les employeurs et les syndicats ont tous des obligations et des responsabilités à respecter au cours du processus d’adaptation.

i) L’employé :

  • demander la mesure d’adaptation appropriée;
  • donner les raisons pour lesquelles l’adaptation est nécessaire, de façon à faire connaître ses besoins;
  • décrire le mieux possible la nature de ses besoins, de préférence par écrit;
  • répondre aux questions ou fournir de l’information sur ses restrictions ou limites pertinentes à l’emploi, en incluant au besoin de l’information provenant de professionnels de la santé;
  • participer aux discussions sur les mesures d’adaptation possibles;
  • collaborer avec les spécialistes dont l’aide s’avère nécessaire;
  • satisfaire aux normes de travail et de rendement convenues une fois que les mesures d’adaptation ont été prises;
  • continuer de collaborer avec l’employeur dans la gestion du processus d’adaptation;
  • discuter de ses besoins en matière d’adaptation uniquement avec les personnes qui ont le droit d’en être informées, notamment le superviseur, le représentant syndical ou un responsable en matière de droits de la personne.

De nombreuses plaintes pour discrimination résultent de ce qu’un employeur interrompt un processus d’adaptation parce que l’employé ne lui semble pas remplir les exigences du poste. Par ailleurs, il existe certainement des circonstances où, en dépit de ses efforts pour accommoder l’employé, l’employeur ne peut y arriver à cause de la réticence de l’employé à coopérer.

Exemple : Une employée a de très mauvais antécédents d’assiduité. L’employeur offre de prendre des mesures d’adaptation et demande des renseignements concernant les motifs prévus au Code qui peuvent influer sur la capacité de l’employée d’être assidue. Même si l’employée est informée des politiques et procédures en matière d’adaptation, elle signale son handicap à l’employeur, mais ne lui demande pas de l’accommoder. L’employeur lui recommande un programme d’aide aux employés (PAE) et lui offre de prendre un congé rémunéré pour consulter des professionnels ou obtenir un examen médical. L’employée refuse ces deux options.

Étant donné que le problème d’assiduité persiste sur une longue période, l’employeur prend progressivement des mesures disciplinaires qui aboutissent au renvoi. Pendant toute cette période, il s’assure que l’employée sait qu’il est disposé à l’accommoder dans la mesure où il n’en subira pas de préjudice injustifié. Vu le refus de l’employée de collaborer au processus, cette dernière aura du mal à prouver qu’elle a fait l’objet de discrimination.

Par ailleurs, craignant la stigmatisation ou la discrimination, certains employés taisent leurs besoins d’adaptation jusqu’à ce qu’il soit absolument nécessaire de les communiquer, ce qui est tout à fait compréhensible. Le fait qu’un employé mente au sujet de ses besoins au début du processus de sélection ou au moment de faire une demande d’emploi n’est pas pertinent lorsqu’on détermine si l’employeur a satisfait à son obligation de prendre des mesures d’adaptation à l’intention des employés dont les besoins sont connus.

De même, un employé peut refuser de se soumettre à tout processus d’adaptation défectueux géré par l’employeur. Pour évaluer toute allégation voulant que le manque de coopération d’un employé ait entravé le processus d’adaptation, on doit toujours soumettre à un examen critique les événements qui ont précédé la rupture du processus d’adaptation. Si le processus d’adaptation est inflexible, punitif ou n’est pas appliqué de bonne foi par l’employeur, un tribunal peut conclure que l’employé a agi de façon raisonnable dans les circonstances et que c’est l’employeur qui a manqué à son obligation de prendre des mesures d’adaptation.

ii) Le syndicat :

  • jouer un rôle actif en tant que partenaire dans le processus d’adaptation;
  • partager avec l’employeur la responsabilité de faciliter l’adaptation, notamment en jouant un rôle actif dans la proposition et la mise à l’essai d’approches parallèles et en coopérant pleinement lorsque des solutions sont proposées;
  • respecter le caractère confidentiel de la demande;
  • appuyer les mesures d’adaptation peu importe les dispositions de la convention collective à cet égard, sous réserve d’un préjudice injustifié.

Consulter la section III-4d) – « Syndicats ».

iii) L’employeur :

  • accepter de bonne foi la demande d’adaptation présentée par l’employé, à moins d’avoir des raisons légitimes d’agir autrement;
  • obtenir l’opinion ou les conseils de spécialistes, au besoin;
  • veiller activement à ce qu’on examine d’autres approches et solutions de rechange et faire des démarches pour découvrir diverses formes d’adaptation et de solutions de rechange, dans le cadre de l’obligation d’adaptation;
  • conserver dans ses dossiers la demande d’adaptation et consigner les mesures prises;
  • respecter le caractère confidentiel de la demande;
  • limiter les demandes d’information aux questions qui se rapportent raisonnablement à la nature des limites de la personne handicapée, de manière à pouvoir répondre à la demande d’adaptation;
  • accorder l’adaptation demandée en temps opportun et dans la mesure où elle n’entraîne pas un préjudice injustifié, même lorsque la demande n’est pas présentée en bonne et due forme;
  • assumer les frais de tout renseignement ou de tout document à caractère médical (par exemple, les coûts associés aux notes et lettres du médecin précisant les besoins d’adaptation de la personne devraient être assumés par l’employeur);
  • si l’adaptation entraîne un préjudice injustifié, en faire part clairement à l’employé et être disposé à démontrer pourquoi.

iv) Rôle du fournisseur d’assurances – L’employeur demeure responsable de prendre les mesures d’adaptation

L’impartition, par un employeur, d’une partie ou de la totalité du processus d’adaptation à un fournisseur d’assurances peut soulever des questions en matière de droits de la personne. Il est dans l’intérêt du fournisseur d’assurances de favoriser le retour au travail de l’employé et de limiter les coûts. Cependant, ces objectifs s’opposent parfois à la mise en œuvre d’une adaptation appropriée et à la norme du préjudice injustifié. Le fournisseur d’assurances peut être assigné à titre d’intimé avec l’employeur dans le cadre d’une plainte en matière de droits de la personne.

Exemple : La note du médecin d’un employé indique que celui-ci est incapable de retourner au travail en raison de son handicap et fixe un délai de trois mois pour la réintégration de l’employé. Le fournisseur d’assurances conteste le pronostic sans motif valable et, en bout de ligne, adopte la position selon laquelle l’employé n’a plus de handicap, n’est pas admissible aux prestations et doit se présenter au travail sur-le-champ. Sur l’avis du fournisseur d’assurances, l’employeur applique des mesures disciplinaires progressives à l’endroit de l’employé pour son défaut de se présenter au travail. L’employé est congédié pour avoir « abandonné son poste ». Même si l’employeur comptait sur l’avis et les compétences du fournisseur d’assurances, l’employeur ne s’est pas acquitté de ses propres obligations en vertu du Code. Le fournisseur d’assurances a également enfreint le Code.

Même si la compagnie d’assurances a aussi des obligations en tant que fournisseur de services, l’employeur a avant tout la responsabilité de prendre en compte les besoins de son employé, sous réserve d’un préjudice injustifié. La compagnie d’assurances n’est pas elle même en mesure de modifier l’emploi, le lieu de travail ou ses règles et politiques du lieu de travail; ces mesures sont du ressort de l’employeur.[51]

L’employeur n’est pas dégagé de ses obligations en vertu du Code même si l’assureur est le principal point de contact dans la planification des mesures d’adaptation ou du retour au travail d’un employé à l’issue d’un congé d’invalidité de courte ou de longue durée. L’employeur est censé collaborer activement avec l’assureur et avec l’employé pour faire en sorte que le retour au travail éventuel se déroule de façon appropriée, selon les renseignements médicaux pertinents. L’évaluation du préjudice injustifié pour la compagnie d’assurances fournissant des services se distingue de l’évaluation du préjudice injustifié pour l’employeur.

d) Que faut-il entendre par « préjudice injustifié »?

Le préjudice injustifié est une défense prévue au Code. L’employeur doit prouver que cette défense est légitime, sous peine de voir le tribunal conclure à la discrimination. Il n’incombe pas à la personne qui demande l’adaptation de prouver que les mesures peuvent être prises sans entraîner de préjudice injustifié.

Selon le Code, seuls trois facteurs peuvent être pris en compte afin de déterminer si les mesures d’adaptation entraînent un préjudice injustifié; ce sont, aux paragraphes 11(2), 17(2) et 24(2) :

  • le coût;
  • les sources extérieures de financement, le cas échéant;
  • les exigences en matière de santé et de sécurité, le cas échéant.

L’employeur doit donc pouvoir apporter la preuve que le coût de l’adaptation (même en tenant compte d’éventuelles sources extérieures de financement) ou les risques qu’elle crée pour la santé et la sécurité lui causeraient un préjudice injustifié.

Il ne fait aucun doute que l’employeur devra déployer certains efforts afin de prendre des mesures d’adaptation pour ses employés. Cependant, il faut s’attendre à un certain degré de préjudice, ce qui explique pourquoi le critère prévu au Code est celui du « préjudice injustifié », et non du « préjudice mineur » ou du « préjudice raisonnable ». L’employeur pourra conclure qu’une demande d’adaptation entraîne un préjudice injustifié seulement après pris soigneusement et rigoureusement en considération tous les éléments de la demande et l’aptitude de l’entreprise à y répondre. Une telle conclusion ne doit jamais constituer la première réponse de l’employeur à la demande d’adaptation. Pour obtenir des conseils sur le processus d’adaptation, consulter l’annexe E – « Modèle de formulaire d’évaluation des besoins d’adaptation ».

Exemple : Un employé demande une semaine de congé pour s’occuper d’un membre de sa famille qui est atteint d’une maladie mentale. L’employeur répond : « Désolé, mais si je vous accorde ce congé, tout le monde voudra s’absenter et cela constituerait un préjudice injustifié pour l’entreprise. »

Dans les circonstances, l’employeur serait vu comme ayant manqué à ses obligations à la fois au point de vue du processus, en n’étudiant pas tous les aspects de la demande d’adaptation, et au point de vue de la substance, en ne prenant aucune mesure d’adaptation. Que l’employeur déclare l’existence du préjudice injustifié ne suffit pas à prouver que le préjudice injustifié existe bel et bien.

La preuve nécessaire pour établir le préjudice injustifié doit être objective, réelle, directe, et, s’il s’agit du coût, quantifiable. L’employeur doit fournir des faits, des chiffres ainsi que des avis ou données scientifiques à l’appui de l’argument du préjudice injustifié éventuellement entraîné par les mesures proposées. Il ne suffit pas de déclarer que le risque ou le coût est « trop élevé » à partir d’impressions ou d’idées reçues, sans preuves à l’appui.

L’employeur ne peut pas invoquer de facteurs autres, tels qu’une perturbation de ses pratiques commerciales, le moral des employés ou les préférences de sa clientèle. L’incompatibilité avec certaines dispositions d’une convention collective ne peut pas non plus entraver la prise de mesures d’adaptation.

Seules des circonstances existantes peuvent entrer en ligne de compte au moment de déterminer si une adaptation pourrait causer un préjudice injustifié. Aucune conjecture quant aux risques ou circonstances à venir n’est permise. L’employeur ne doit pas, par exemple, faire de conjectures sur le degré futur d’un handicap au moment d’évaluer les besoins présents d’une personne dont l’état pourrait se détériorer avec le temps. Une personne atteinte de sclérose en plaques pourrait ultérieurement se fatiguer plus rapidement, mais il est impossible de prévoir exactement quand, pendant combien de temps ni de quelle manière cette détérioration pourrait se produire.

Le fait d’avoir pris des mesures d’adaptation pour d’autres employés ou pour ce même employé dans le passé ne dégage pas l’employeur de son obligation de répondre à d’autres besoins en matière d’adaptation à l’heure actuelle et dans l’avenir. Par ailleurs, il peut y avoir des circonstances dans lesquelles la prise de mesures d’adaptation visant à répondre à tous les besoins de nombreux employés entraînerait un préjudice injustifié. Cela aussi devra faire l’objet d’une évaluation par rapport aux critères énumérés ci-après.

i) Frais quantifiables entraînés par l’adaptation (y compris les sources extérieures de financement)

L’employeur peut être en mesure de prouver que le coût d’une adaptation représente un préjudice injustifié si les conditions suivantes sont réunies :

  • les frais sont quantifiables;
  • ils sont réputés découler de l’adaptation nécessaire;
  • ils ont une importance telle qu’ils modifieraient la nature essentielle de l’entreprise ou ont une incidence telle qu’ils influeraient considérablement sur sa viabilité.

Les frais quantifiables entraînés par l’adaptation comprennent tous les frais prévus que l’on peut quantifier et dont on peut démontrer la pertinence pour l’adaptation envisagée. Cependant, les conjectures, par exemple, sur les pertes financières pouvant découler de l’adaptation aux besoins de la personne handicapée ne sont généralement pas acceptables. Sont compris dans le coût financier de l’adaptation :

  • les dépenses d’immobilisation, ainsi l’installation d’une rampe d’accès, l’achat d’un logiciel de grossissement d’écran;
  • les frais d’exploitation, ainsi la rémunération d’interprètes gestuels, d’accompagnateurs ou de personnel supplémentaire;
  • les sommes engagées par suite d’une restructuration exigée par l’adaptation;
  • toute autre dépense quantifiable engagée directement par suite de l’adaptation.

Il faudra d’abord étudier l’accessibilité à des sources extérieures de financement ainsi que les autres considérations et pratiques d’entreprise qui pourraient atténuer le coût des mesures d’adaptation.

Les sources extérieures de financement comprennent les subventions, octrois ou prêts offerts par les gouvernements et les organisations non gouvernementales en vue d’améliorer l’accessibilité des immeubles, les exonérations d’impôt ou mesures incitatives visant à faciliter ces changements, ainsi que les subventions et services directement accessibles par la personne qui a un handicap.

Considérations et pratiques liées à l’entreprise :

  • La taille de l’organisation – Ce qui pourrait être coûteux au point d’entraîner un préjudice injustifié pour un petit employeur pourrait ne pas l’être pour une entreprise d’envergure.
  • Y a-t-il possibilité de récupérer les frais dans le cadre normal des activités de l’entreprise?
  • Les autres divisions, usines ou services de l’entreprise pourraient-ils absorber une partie des coûts?
  • Y a-t-il possibilité de répartir les frais sur plusieurs années ou de les financer au moyen de prêts?
  • Y a-t-il possibilité pour l’employeur de placer dans une réserve une certaine somme annuelle aux fins des mesures d’adaptation?

Tant la réalisation progressive des mesures que l’établissement d’un fonds de réserve ne doivent être envisagés qu’après démonstration, par le responsable de l’adaptation, que les mesures indiquées ne peuvent pas être mises en place dans l’immédiat.

ii) Risques pour la santé et la sécurité

Les exigences en matière de santé et de sécurité peuvent être imposées par une loi ou un règlement, ou découler de règles, pratiques ou procédures établies de façon autonome ou en collaboration avec d’autres entreprises ou services, du même secteur ou de secteurs analogues. Lorsqu’une exigence en matière de santé et de sécurité a pour effet de créer un obstacle pour une personne identifiée par un motif interdit par le Code, il peut s’avérer nécessaire pour l’employeur d’y apporter des modifications ou d’y renoncer.

Si l’abolition d’une exigence en matière de santé et de sécurité risque d’entraîner la violation de la Loi sur la santé et la sécurité au travail (LSST), l’employeur doit trouver des solutions de rechange en fonction des clauses d’équivalence de la LSST. Ces clauses autorisent le recours à des mesures autres que celles qui sont stipulées dans les règlements, à condition que ces mesures de rechange offrent une protection égale ou meilleure aux intéressés. Les mesures de rechange qui sont prises doivent être consignées par écrit.

La modification d’une exigence en matière de santé et de sécurité ou la renonciation à celle-ci peut susciter des risques qu’il faut étudier à la lumière du droit de l’employé à un traitement égal. Si, une fois la mesure d’adaptation en place, ces risques demeurent d’une telle importance qu’ils l’emportent sur les avantages d’une plus grande égalité, ils sont réputés donner lieu à un préjudice injustifié.

En cherchant à déterminer si le fait de modifier une exigence en matière de santé et de sécurité ou d’y renoncer engendre un risque important pour quiconque, l’employeur doit considérer les facteurs suivants :

  • L’employé est-il disposé à assumer le risque dans les cas où est en jeu uniquement sa propre santé ou sa propre sécurité?
  • Le risque est-il évalué après que toutes les mesures d’adaptation ont été prises pour le réduire (comme on s’y attend)?
  • La modification de l’exigence ou la renonciation à celle ci est-elle raisonnablement susceptible d’entraîner un risque grave pour la santé et la sécurité de personnes autres que l’intéressé?
  • Quels sont les autres types de risques assumés au sein de l’entreprise?
  • Quels sont les types de risques tolérés dans la société en général, ainsi qu’en attestent les normes légales concernant, par exemple, la délivrance des permis ou l’exploitation d’entreprises analogues?

Les risques pour la santé et la sécurité de l’employé : Un employeur peut être d’avis que l’adaptation aux besoins d’une personne peut entraîner la modification de l’exigence en matière de santé ou de sécurité ou la renonciation à cette exigence et que cela pourrait compromettre la sécurité de la personne en question. Dans ce cas, il doit faire part de ce risque à la personne afin qu’elle puisse décider en connaissance de cause si elle désire l’assumer. Cette obligation ne vaut que dans les cas où le risque éventuel vise la santé et la sécurité de cette seule personne. Si l’employeur peut démontrer que le risque qui demeure à l’issue d’une adaptation ou de ses solutions de rechange est tel qu’il élimine les avantages d’une égalité accrue, on peut conclure que l’adaptation entraînerait un préjudice injustifié.

Les risques pour la santé et la sécurité d’autrui : Si l’employeur est d’avis que la modification d’une exigence en matière de santé et de sécurité ou la renonciation à cette exigence entraînerait un risque pour la santé et la sécurité d’autrui, il doit évaluer le risque en question. Au moment d’évaluer la gravité de ce risque, il doit tenir compte des autres types de risques assumés au sein de l’entreprise. L’évaluation des risques potentiels créés par les mesures d’adaptation doit se faire à la lumière de ces autres sources de risques plus répandues sur les lieux de travail.

La gravité du risque doit être établie en supposant que des précautions convenables ont été prises afin de réduire ce risque. En établissant la gravité du risque, l’employeur peut prendre en compte les facteurs suivants :

  • La nature du risque : quel tort pourrait s’ensuivre, le cas échéant?
  • La gravité du risque : quelle serait la gravité du tort causé, le cas échéant?
  • La probabilité du risque : quelle est la probabilité que le tort s’ensuive effectivement? S’agit-il d’un risque réel, ou purement hypothétique? Des retombées fréquentes sont-elles à prévoir?
  • L’étendue du risque : quelles sont les personnes qui en subiraient les conséquences?

Si le risque de causer du tort est minime et s’il est peu probable que le tort se concrétise, le risque ne doit pas être considéré comme grave. Si la sécurité publique est en jeu, l’employeur doit tenir compte du nombre de personnes qui pourraient subir les retombées du risque et de la probabilité que le risque devienne réalité.

iii) Qu’en est-il d’autres facteurs qui ne sont pas énumérés dans le Code?

Certaines décisions judiciaires et décisions d’arbitre prises au cours de procédures de griefs laissent supposer que des facteurs tels que l’ancienneté ou l’incidence sur d’autres membres d’un syndicat peuvent être pris en considération dans l’évaluation visant à établir le préjudice injustifié. Cependant, la Commission maintient que le Code mentionne seulement trois facteurs à prendre en compte dans l’évaluation du préjudice injustifié (le coût, les sources extérieures de financement, et la santé et la sécurité). Les autres facteurs ne sont pas pertinents, sauf dans la mesure où ils peuvent être insérés dans ces trois considérations.

Exemple : Un employeur et un syndicat sont tous deux d’avis que la prise des mesures d’adaptation demandées entraînera un préjudice injustifié aux points de vue de l’ancienneté et du moral des employés. Si rien ne prouve que l’incidence sur d’autres employés ou sur l’ancienneté entraînera un préjudice injustifié compte tenu du coût, du financement et de la santé et de la sécurité, la Commission conclura que les tribunaux ne devraient pas prendre ces autres facteurs en considération.

e) L’obligation d’adaptation : questions pratiques

La présente section aborde certaines des questions courantes auxquelles les employeurs font face lorsqu’ils reçoivent des demandes d’adaptation des employés. Par exemple, quels renseignements l’employeur est-il en droit d’attendre et qu’arrive-t-il lorsqu’une demande d’adaptation est incompatible avec les droits d’une autre personne?

i) Quels renseignements l’employeur est-il en droit d’attendre?

Une demande d’adaptation peut exiger la divulgation de renseignements confidentiels ou de nature très délicate. L’auteur de la demande ne devrait être tenu de fournir que l’information nécessaire pour permettre de préparer le terrain et de répondre à la demande d’adaptation de façon appropriée.

Dans certains cas, la nécessité de prendre des mesures d’adaptation est évidente et aucune documentation spéciale n’est requise. Par exemple, les personnes qui circulent en fauteuil roulant auraient de la difficulté à entrer dans un édifice accessible par un escalier et les employées enceintes ont souvent besoin de prendre plus de pauses pour se rendre aux toilettes. Même lorsqu’une certaine documentation se révèle nécessaire, une « chasse à l’information » n’est pas pour autant justifiée. Par exemple, une demande visant à faire adapter du matériel informatique pour tenir compte d’une baisse de la vue ne justifie pas généralement le besoin d’examiner le dossier médical complet de l’auteur de la demande. L’emploi d’une approche avisée pour obtenir la documentation voulue protège la vie privée de l’auteur de la demande et protège la personne qui acquiesce à la demande contre toute plainte potentielle. Toutes les parties doivent faire preuve de bonne foi en demandant et en donnant l’information.

L’employeur peut demander de plus amples renseignements concernant la demande d’adaptation dans les circonstances suivantes :

  • la demande d’adaptation n’indique pas clairement un besoin lié à un motif prévu au Code;
  • il est nécessaire d’obtenir de plus amples détails sur les limites ou les restrictions de l’employé pour pouvoir déterminer quelles seraient les mesures d’adaptation appropriées;
  • il existe une raison objective de mettre en doute le bien-fondé de la demande d’adaptation.

ii) Quels documents l’employeur devrait-il conserver et pendant combien de temps?

L’employeur doit conserver les types de renseignement suivants :

  • la demande d’adaptation;
  • tout document fourni par l’auteur de la demande ou par des spécialistes;
  • les notes prises lors des réunions;
  • les autres solutions d’adaptation qui ont été examinées;
  • la mesure d’adaptation qui a été prise.

Afin que les employés soient suffisamment en confiance pour présenter leurs demandes d’adaptation, ils doivent avoir la certitude que les renseignements fournis demeureront confidentiels et seront communiqués seulement dans le but de permettre la prise des mesures d’adaptation. Les renseignements personnels doivent être conservés en lieu sûr, ailleurs que dans les dossiers du personnel, et être communiqués uniquement aux personnes qui en ont besoin pour prendre les mesures d’adaptation ou pour enquêter dans l’éventualité d’une plainte en matière de droits de la personne pouvant découler de la demande d’adaptation et de la réponse de l’employeur. Ces dispositions devraient être expliquées aux employés dans la politique et la procédure relatives à l’adaptation. Consulter la section IV-1a(iv) – « Politique et procédures en matière de mesures d’adaptation ».

Sous réserve des dispositions législatives et des règles relatives à la protection de la vie privée qui sont stipulées dans la Loi sur les normes d’emploi, ces documents doivent être conservés tant et aussi longtemps qu’ils répondent aux objectifs suivants :

  • aider la partie responsable de l’adaptation à prendre les mesures d’adaptation appropriées (tout plan d’adaptation peut nécessiter une mise à jour à mesure que les besoins changent);
  • documenter la réponse de l’employeur aux questions soulevées par l’employé en matière de droits de la personne et à des demandes d’adaptation dans l’éventualité d’une action ou d’une audience en cour. Les documents ne devraient pas être détruits avant l’expiration de toute période de restriction ou, lorsqu’une action ou une plainte a été introduite, tant que celle-ci n’a pas pris fin.

La Loi sur les normes d’emploi stipule que les documents relatifs au congé d’un employé doivent être conservés pendant trois ans après la fin du congé et que d’autres types de documents doivent l’être pendant trois ans après la cessation d’emploi. Ces délais minimaux doivent être prolongés lorsqu’une plainte en matière de droits de la personne est déposée. L’employeur doit conserver tous les documents relatifs à la plainte et peut être tenu responsable si des documents pertinents sont détruits. En détruisant prématurément des documents relatifs à une adaptation, l’employeur risque de ne pas pouvoir prouver qu’il a pris des mesures d’adaptation appropriées quant au processus et à la substance, ni établir l’existence du préjudice injustifié.

Exemple : En 2002, un employeur a pris des mesures d’adaptation à l’endroit d’un employé, notamment en lui accordant un congé. Cet employé est retourné au travail au printemps 2003 et a été renvoyé à l’automne 2005. Au cours de la réunion tenue au moment de la cessation d’emploi, l’employé a déclaré son intention de déposer une plainte en matière de droits de la personne. Cependant, avant la réception de la plainte et conformément aux politiques de l’entreprise, tous les documents d’emploi concernant les mesures d’adaptation et le congé de l’employé ont été détruits au début de 2006.

Une plainte en matière de droits de la personne est reçue au cours de l’été 2006. L’employé prétend que l’employeur n’a pris aucune mesure d’adaptation concernant son handicap en 2002 et en 2003, et que ce facteur a contribué à sa cessation d’emploi en 2005. L’affaire n’est portée devant un tribunal des droits de la personne que beaucoup plus tard. L’employeur s’est sans doute acquitté de ses obligations en vertu du Code et la cessation d’emploi a peut-être été non discriminatoire, mais lorsque l’affaire sera instruite, l’employeur aura du mal à le prouver sans les documents qui ont été créés lorsque les incidents se sont produits.

iii) Qu’arrive-t-il si un employé ne peut pas satisfaire à une norme, même après l’adaptation?

Si un employé ne semble pas pouvoir satisfaire à une norme, même lorsque des mesures d’adaptation ont été prises, l’employeur doit prendre un certain recul afin de s’assurer que les exigences sont justifiées. Pour obtenir de plus amples renseignements sur la façon d’évaluer les exigences d’un poste, consulter la section IV-2 – « Établissement des exigences professionnelles ».

iv) La prise de mesures d’adaptation malgré l’incompatibilité apparente des droits

Un employeur peut se trouver aux prises avec une situation où la demande d’adaptation d’un employé semble incompatible avec un autre droit prévu en vertu du Code. Il peut s’agir des droits d’autres employés ou de ceux des personnes qui constituent la clientèle de l’entreprise.

Exemple : Conformément à sa responsabilité d’offrir un traitement égal en matière de services en vertu du Code, un hôpital fournit une vaste gamme de services, y compris l’avortement. Cependant, l’hôpital est également tenu de prendre en compte les besoins liés aux croyances des médecins et des infirmiers, qui peuvent demander à être dispensés de fournir de tels services pour des motifs religieux.

Ce cas diffère des situations où une personne ou un groupe a des besoins prévus au Code dont la prise en compte est contestée par d’autres personnes qui ne revendiquent pas elles-mêmes un droit protégé par le Code ou un droit prévu par la Charte. Les droits protégés par le Code doivent être respectés sans égard à d’autres considérations telles que les préférences de la clientèle ou l’incompatibilité avec une convention collective.

Exemple : Des employées musulmanes présentent une demande d’adaptation afin d’obtenir la permission de porter un foulard de tête avec leur uniforme. Les employés masculins non musulmans se plaignent du fait qu’il ne leur est pas permis de porter une casquette de baseball et demandent pourquoi ces employées bénéficient d’un traitement spécial. Il n’y a ici aucune incompatibilité entre l’obligation de prendre des mesures d’adaptation et un autre droit prévu au Code.

Les employeurs ont la responsabilité de prendre des dispositions à l’avance afin de pouvoir accommoder les utilisateurs de services et les employés qui ont des besoins en matière d’adaptation. Si une entreprise fournit des services au public, elle doit les fournir à tous de façon égale et sans discrimination. Cette question demeure distincte des obligations d’une entreprise envers ses employés. Le fait qu’un employeur ait pris des mesures d’adaptation pour ses employés ne constitue pas forcément une défense contre les allégations d’un utilisateur de services qui se plaint d’avoir fait l’objet de discrimination parce qu’il a reçu un niveau de service inférieur ou s’est vu refuser un service.

Exemple : Un conducteur employé par une entreprise est chargé de passer prendre un homme aveugle avec son chien. Le conducteur, qui est musulman, ne permet pas au chien de monter dans la voiture. Il affirme que la foi musulmane proscrit tout contact avec les chiens et refuse donc de conduire l’homme. La situation se traduit par un déni de service et une plainte pour atteinte aux droits de la personne fondée sur le handicap est déposée. L’employeur ne peut pas fonder sa défense uniquement sur les besoins religieux de l’employé musulman. Il devra prouver qu’il a pris des dispositions pour éviter tout déni de service, même s’il lui faut prévoir des mesures d’adaptation pour certains de ses conducteurs, sous réserve de la norme du préjudice injustifié.

Ces types de situation liées à des droits concurrents soulèvent des problèmes complexes et font actuellement l’objet de travaux de recherche et d’élaboration de politiques à la Commission. Avant d’entreprendre une action qui priverait un employé ou un utilisateur de services de toute possibilité d’exercer ses droits en vertu du Code, l’employeur doit s’assurer d’examiner avec soin des solutions créatives qui pourraient lui permettre de satisfaire aux besoins des deux parties. Les employeurs qui se trouvent dans une telle situation sont invités à communiquer avec la Commission pour obtenir des conseils.

v) Réintégration d’un emploi après une absence liée à un motif prévu au Code

 Toute personne qui revient au travail après une absence liée à un motif prévu au Code, telle qu’un congé d’invalidité, un congé de maternité ou un congé permettant de s’occuper d’un parent par suite d’une urgence médicale, bénéficie de la protection du Code. Elle doit en principe pouvoir réintégrer le dernier emploi occupé avant son départ ou un emploi analogue, sous réserve d’un préjudice injustifié. Par conséquent, il sera souvent nécessaire de remplacer l’employé de façon temporaire seulement et de lui conserver son poste jusqu’à son retour. Si l’employé est remplacé de façon permanente et n’a aucune possibilité de revenir au travail, il sera considéré que l’employeur ne s’est pas acquitté de son obligation d’adaptation.

Exemple : Une employée informe son employeur qu’elle sera absente de son lieu de travail pendant un an au cours de son congé de maternité et de son congé parental. Cependant, l’employeur dote le poste à titre permanent et à son retour, l’employée apprend qu’elle doit postuler un autre emploi vacant car le sien n’est plus disponible. Les droits qui sont conférés à cette employée en vertu du Code n’ont pas été respectés.

La prise en compte des besoins fait partie intégrante du droit à un traitement égal des personnes qui réintègrent un emploi. Lorsqu’il est avisé qu’un employé a l’intention de réintégrer son emploi, l’employeur doit déterminer s’il existe des exigences en matière d’adaptation, que ce soit à court ou à long terme. L’employeur et le syndicat doivent collaborer pour tenir compte des besoins des employés qui reviennent au travail après une absence liée à un motif prévu au Code. Toutes les parties concernées par le processus d’adaptation doivent connaître leurs obligations et leurs responsabilités. Consulter la section IV-8c) – « Vue d’ensemble des obligations et responsabilités ».

Même si des modifications ont été apportées au poste ou au lieu de travail pour des raisons commerciales légitimes pendant l’absence de l’employé, l’employeur est tenu d’examiner d’autres options pour s’assurer que l’employé n’est pas pénalisé à cause de son absence liée à un motif prévu au Code.

Exemple : Une employée occupe le poste de coordonnatrice des programmes dans une école privée au moment où elle prend congé. À son retour au travail, elle apprend que son poste a été « fermé » en raison d’une diminution des inscriptions et de difficultés financières. L’employée aurait pu travailler comme enseignante puisqu’elle a donné des cours complexes dans le passé, mais cette possibilité n’est pas envisagée. Il y a discrimination parce que l’employeur n’avait aucune raison commerciale légitime de ne pas offrir cette possibilité à l’employée lorsque le poste qu’elle occupait précédemment a été éliminé.

vi) Demandes d’adaptation liées à la tenue vestimentaire :

Si la nature de l’emploi soulève des problèmes valides de santé ou de sécurité, un employeur peut légitimement imposer une certaine tenue vestimentaire. Par exemple, les travailleurs de la restauration peuvent être obligés de couvrir leurs cheveux avec un filet ou toute autre coiffure appropriée, ou les travailleurs d’un chantier de construction peuvent être tenus de porter des vêtements de protection. Les facteurs que l’employeur doit prendre en considération pour toute demande d’adaptation liée au Code en ce qui concerne la tenue vestimentaire sont les suivants :

  • la nature exacte de la demande;
  • le motif du Code qui s’applique;
  • la raison justifiant le Code vestimentaire ou le port de l’uniforme ou d’équipement de sécurité;
  • les mesures envisageables pour tenir compte des besoins d’une personne, y compris d’éventuelles solutions de rechange;
  • les facteurs de santé et de sécurité entrant en jeu, aussi bien pour la personne qui fait la demande d’adaptation que pour d’autres employés, et la preuve que ces risques entraînent un préjudice injustifié pour l’employeur.

Sexe : Des mesures d’adaptation doivent être prises pour tenir compte des besoins liés à la grossesse.

Croyance : En règle générale, l’employeur qui impose le port d’un uniforme sans aucune justification aux plans de la santé ou de la sécurité doit modifier cette exigence de façon à permettre à une personne croyante et pratiquante de se conformer aux exigences vestimentaires de sa religion.

Exemple : Un employeur exige de son personnel au comptoir le port d’un uniforme qui comprend un chapeau. Une employée musulmane se couvre la tête d’un foulard pour des motifs religieux. L’employeur a l’obligation de prendre des mesures d’adaptation à l’égard de l’employée et de l’autoriser à porter le foulard plutôt que la coiffure de l’uniforme.

Même lorsque certains articles vestimentaires constituent une exigence professionnelle justifiée, l’employeur doit modifier cette exigence, sous réserve d’un préjudice injustifié. Il doit s’efforcer de modifier la tenue exigée de façon à permettre à la personne de porter en toute sécurité la tenue prescrite par sa religion.

Tout employeur doit agir avec circonspection s’il s’agit d’interdire à un employé sikh de porter la dague cérémoniale, ou kirpan, au travail. Dans la plupart des cas, on peut atténuer les risques pour la santé et la sécurité en prenant par exemple des dispositions pour exiger que la dague soit bien dissimulée. Consulter la section IV-8f(ii) : « Croyance – Prise en compte des besoins des personnes croyantes et pratiquantes ».

vii) Modalités de travail flexibles – Pauses et journées de congé :

Dans le passé, la participation au monde du travail suivait le principe du « tout ou rien », c’est-à-dire travail à temps plein, retraite ou congé autorisé. Pour les employés plus âgés qui, tout au long de leur vie active, ont travaillé à temps plein, le fait de passer du jour au lendemain à un arrêt absolu d’activité constitue cependant un changement majeur, qui a des conséquences sociales, psychologiques et financières. En outre, il y a des répercussions importantes lorsque des employés ayant des responsabilités en matière de prestation de soins ou un handicap sont obligés de cesser complètement de travailler, alors qu’ils pourraient continuer de contribuer à la productivité de l’organisme à temps partiel.

L’approche idéale consiste à prévoir inclusivement des moyens tels que des heures de travail flexibles, le mentorat, le travail à temps partiel et la retraite progressive, de manière à permettre l’intégration de tous les employés, y compris les personnes handicapées ou celles qui ont des responsabilités en matière de prestation de soins, dans le milieu de travail. On peut ensuite prendre les mesures d’adaptation nécessaires pour tenir compte d’autres besoins éventuels.

Certains employés observent des périodes de prière à des moments précis de la journée ou prennent part à des observances religieuses à un jour particulier. D’autres ont des rendez-vous ou des obligations qui peuvent les retenir pendant toute une journée ou une partie de la journée. Par exemple, une employée handicapée peut avoir besoin d’aller voir son médecin de famille ou un travailleur dont le fils a un handicap grave peut avoir besoin de quitter le travail plus tôt pour s’occuper de son fils après l’école. Un travailleur plus âgé peut aussi être obligé de prendre des périodes de repos supplémentaires au cours de la journée.

Ces types de besoins protégés en vertu du Code peuvent entrer en conflit avec l’horaire normal de l’entreprise ou le déroulement des activités courantes. L’employeur doit cependant prendre des mesures d’adaptation, sous réserve d’un préjudice injustifié. Il peut à cet effet, entre autres, modifier sa politique concernant les pauses, instaurer un horaire souple ou réserver une aire ou un local privé aux dévotions ou à l’allaitement. Ainsi, les employés qui ont besoin de pauses pour des raisons prévues au Code devraient pouvoir les prendre sans perdre leur pause-repas ou faire des heures supplémentaires pour compenser, à moins que l’employeur puisse prouver qu’il en subit un préjudice injustifié.

L’une des mesures d’adaptation courantes consiste à prévoir une certaine souplesse dans l’horaire de travail, afin de permettre aux employés de modifier ou de reporter leurs jours de travail en fonction de leurs observances religieuses ou d’autres besoins prévus au Code. L’employeur peut s’acquitter de son obligation d’adaptation en apportant certaines modifications à l’horaire; dans certains cas, ces modifications représentent la mesure d’adaptation la plus raisonnable et la plus équitable.

Exemple : Les adventistes et les Juifs observent le sabbat depuis le coucher du soleil, le vendredi, jusqu’au coucher du soleil, le samedi. Les adeptes de ces religions ne peuvent travailler pendant cette période. L’employeur répond à ces besoins en aménageant un horaire souple.

Consulter la section IV-8f(ii) intitulée « Croyance – Prise en compte des besoins des personnes croyantes et pratiquantes », laquelle comprend une sous-section qui porte sur les demandes de congé payé pour observances religieuses.

viii) Demandes d’adaptation liées au stress :

Le stress n’est pas en soi un motif prévu au Code, bien qu’il puisse être lié à des motifs énumérés au Code, tels que le handicap, l’état familial ou le sexe (grossesse), ou en découler. Le stress peut se rapporter à des événements positifs, comme un mariage, un déménagement ou un nouvel emploi. Un employé peut aussi ressentir un stress négatif en rapport avec des événements tels que la maladie, le décès d’un être cher, des problèmes familiaux ou la discrimination et le harcèlement au travail.

Certains personnes emploient le terme « stress » pour faire référence en « langage clair » à des troubles médicaux réels, qu’ils soient physiques (comme l’hypertension) ou psychologiques (comme l’anxiété ou la dépression). La stigmatisation liée à la maladie ou l’ignorance d’une terminologie médicale particulière incite parfois à parler de « stress » au lieu de handicap. Ces troubles peuvent équivaloir ou non à des handicaps exigeant des mesures d’adaptation. Dans d’autres situations, le stress peut être le symptôme d’un handicap. Avec le temps, il peut également provoquer un handicap ou des problèmes de santé graves, y compris des maladies mentales ou la toxicomanie.

Dans certains cas, même s’il n’équivaut pas à un handicap, le stress peut nécessiter la prise de mesures d’adaptation parce qu’il s’apparente à un autre motif prévu au Code. Par exemple, un médecin peut conseiller à une femme enceinte éprouvant beaucoup de stress de demander une adaptation à cause des craintes que suscite l’effet du stress sur la grossesse.

Le stress est souvent un effet secondaire survenant lorsqu’une approche inflexible ou punitive est adoptée pour tenir compte du handicap d’un employé ou d’un autre besoin énuméré au Code. Dans certains cas, il peut s’ensuivre une prolongation de l’absence de l’employé à son travail.[52]

Exemple : Un employé souffrant du syndrome de fatigue chronique est tenu de présenter un billet du médecin à chacune de ses absences, même si son employeur a déjà un billet attestant que l’employé a besoin de s’absenter régulièrement chaque mois. Cette règle ne s’applique pas à d’autres employés ayant aussi un handicap et a pour effet de prolonger les absences de l’employé du bureau. Lorsque l’employé fait part de ses préoccupations à ses supérieurs, ceux-ci ne lui donnent que des réponses évasives. Ce sentiment de frustration constitue une source de stress qui aggrave ses symptômes et augmente le nombre de ses absences de quatre à six par mois. Un tribunal conclut à la discrimination.

Lorsqu’une personne demande des mesures d’adaptation pour des raisons de « stress », il serait sensé que l’entreprise considère les points suivants :

  • Existe-t-il un besoin d’adaptation lié à un handicap?
    • De quelle nature sont les limites de la personne?
  • Existe-t-il une autre situation exigeant des mesures d’adaptation?
    • Par exemple, les sources de stress se rapportent-elles à la grossesse, à des responsabilités en matière de prestation de soins ou à la difficulté de trouver un juste milieu entre des besoins d’ordre religieux et les règles du milieu de travail?
    • Comment peut-on répondre aux besoins de l’employé en matière d’adaptation?
    • À quelle source d’aide extérieure l’employé peut-il aussi être adressé?
  • Y a-t-il une autre source de stress en milieu de travail qui exige des mesures de suivi supplémentaires?
    • Quelles conditions de travail peuvent intensifier le stress?
    • L’employé a-t-il fait l’objet de discrimination et de harcèlement? Si c’est le cas, comment ces problèmes ont-ils été réglés?

Outre les mesures d’adaptation visant à tenir compte de besoins individuels, une approche axée sur le design inclusif peut aider un employeur à réviser les exigences d’un emploi pour augmenter la satisfaction au travail et réduire le stress pour tous les employés. La section IV-2c) – « Penser au stress lors de l’aménagement des postes » décrit les types de conditions de travail qui sont associés à des degrés de stress élevés pour les employés.

Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), on peut réduire le stress professionnel par différentes interventions visant soit à améliorer la capacité d’un employé de composer avec des facteurs de stress au travail, soit à réduire les facteurs de stress en milieu de travail.[53] Il a été démontré que les programmes de gestion du stress sont efficaces pour améliorer la santé mentale des employés et leur aptitude à composer avec le stress. L’OMS propose les moyens suivants pour réduire les sources de stress :

  • modifier les tâches du poste ou les conditions de travail, par exemple en assurant l’enrichissement des tâches, en diminuant la charge de travail ou en améliorant les postes de travail, notamment par l’ergonomie ou la réduction du bruit;
  • clarifier les rôles et améliorer les relations sociales grâce à la résolution des conflits ou à la communication afin d’atténuer encore davantage les sources de stress;
  • appliquer simultanément ces deux stratégies en les adaptant aux employés et au lieu de travail.

f) Préoccupations particulières en rapport avec des motifs visés par le Code

i) Âge (travailleurs âgés) :

Les travailleurs âgés peuvent avoir besoin de mesures adaptées pour des motifs tels qu’un handicap, et de congés pour raisons familiales et matrimoniales (par exemple, la nécessité de s’occuper d’un membre de la famille ou du conjoint qui est malade). Ces obligations existent sans égard à l’âge des employés; cependant, à cause du rapport qui existe entre l’âge et le handicap, ces besoins peuvent se manifester parallèlement au vieillissement des travailleurs et des membres de leur famille.

Lorsqu’un travailleur âgé effectue la transition vers la retraite, son employeur peut être appelé à prendre des mesures d’adaptation en offrant un horaire variable et des conditions de travail flexibles, des modalités de travail à temps partiel et le partage d’emploi. Dans certains cas, une personne retraitée peut être réengagée à titre de conseiller ou en vertu d’un contrat à court terme. Il peut aussi se révéler nécessaire de modifier des postes de travail, de fournir une formation complémentaire ou de prendre d’autres moyens pour aider les travailleurs âgés à s’acquitter des tâches essentielles de leur emploi. Les capacités du travailleur âgé doivent être évaluées de façon individuelle pour assurer que l’adaptation répond à des exigences et à des aptitudes changeantes.

Exemple : Un travailleur âgé trouve difficile de répondre aux exigences physiques d’une tâche. L’employeur devrait affecter cette tâche à un autre membre du personnel s’il ne s’agit pas de fonctions essentielles du poste, ou, dans le cas contraire, trouver d’autres solutions, à moins qu’il n’en découle un préjudice injustifié.

ii) Croyance : Prise en compte des besoins des personnes croyantes et pratiquantes :

La croyance d’une personne peut entrer en conflit avec une exigence, qualité requise ou pratique liée à l’emploi. Dans pareil cas, l’adaptation aux besoins peut nécessiter la dérogation à tout ou partie d’une règle ou sa modification. Le plus souvent, les demandes d’adaptation concernent :

  • la tenue vestimentaire;
  • les règles relatives aux pauses;
  • le recrutement et les demandes d’emploi;
  • l’horaire des quarts de travail et les heures de travail;
  • la modification de l’horaire et les absences pour observances religieuses.

L’employeur est dans l’obligation de tenir compte des besoins liés à la religion d’une personne si les règles ou pratiques en vigueur sur un lieu de travail ont sur celle-ci un effet préjudiciable ou si elles créent des conditions auxquelles la personne ne peut pas se conformer pour un motif prévu au Code.

Exemple : Un certain employeur préfère engager des hommes qui ont les cheveux courts. Cependant, certaines religions interdisent aux hommes de se couper les cheveux. L’employeur agit donc de façon discriminatoire, sous réserve d’une exception légale aux termes du Code.

Au moment d’évaluer une demande d’adaptation liée à la croyance, l’employeur doit éviter de contester la validité de la demande en s’appuyant sur son opinion personnelle de la religion de l’employé ou sur l’opinion des autres, même des experts. En effet, le critère à satisfaire consiste à déterminer si l’employé exerce sa croyance de façon sincère et conforme à la religion, et non si l’employé interprète correctement les principes de sa croyance ou si d’autres personnes ont la même interprétation.[54] Consulter la section III-3j) – « Croyance » dans la partie intitulée « Motifs de discrimination illicites- définitions et portée des dispositions relatives à la protection conférée par le Code ».

Exemple : Un employé demande un congé pour observances religieuses. L’employeur se renseigne et apprend auprès de certains experts que la foi ou la croyance de l’employé ne comporte pas cette exigence. L’employeur agirait probablement de façon discriminatoire en se fondant sur cette raison pour refuser la demande d’adaptation.

Les Sikhs sont autorisés à porter la dague cérémoniale, appelée kirpan, en vertu de la législation sur les droits de la personne et dans la plupart des cas, ce droit n’est pas considéré comme un risque pour la santé et la sécurité équivalant à un préjudice injustifié. Au cours d’une affaire particulière, un employeur a suggéré à l’auteur de la plainte de porter une réplique en plastique ou de coudre le kirpan dans sa gaine. Cependant, aucune de ces adaptations n’a été jugée acceptable par le tribunal. On a plutôt conclu qu’il est juste de s’attendre à ce que le kirpan soit dissimulé, bien engainé et de dimensions raisonnables.

De même, le droit de porter une coiffure religieuse telle que la kippa ou le turban est protégé en vertu du Code, sous réserve des critères liés aux exigences professionnelles justifiées et à la norme du préjudice injustifié. Les employeurs doivent s’attendre à devoir prendre des dispositions centres sur un design inclusif, à prendre des mesures d’adaptation et à évaluer individuellement les risques pour la santé et la sécurité en fonction de la norme du préjudice injustifié lorsqu’un employé demande à être exempté de l’exigence du casque de protection pour pouvoir porter une coiffure religieuse. Il est préférable d’éviter toute tentative pour limiter le port des coiffures religieuses en raison de préoccupations liées à l’image ou aux préférences de la clientèle. Consulter la section IV-7c(ii) – « Code vestimentaire ».

Il peut également y avoir discrimination lorsqu’un employeur ne prend aucune disposition visant à fournir une adaptation liée à la croyance, même s’il offre des mesures d’adaptation fondées sur d’autres motifs, tels que le handicap.

Demandes de jours de congé payés pour observances religieuses : Lorsque des employés demandent des jours de congé pour observances religieuses ou d’autres absences liées au Code, les employés qui sont tenus de prendre ces journées sans salaire peuvent faire l’objet de discrimination. De nombreuses plaintes pour atteinte aux droits de la personne procèdent de demandes de congé payé pour des jours d’observance religieuse autres que ceux qui sont prévus à titre de fêtes légales. Conformément à la Loi sur les normes d’emploi, les employés ont maintenant droit à huit fêtes légales obligatoires en Ontario (le jour de l’An, le Vendredi saint, la fête de Victoria, la fête du Canada, la fête du Travail, l’Action de grâces, le jour de Noël et le lendemain de Noël). Un autre congé survenant en février, soit le « jour de la Famille », a été instauré en 2008. Cet horaire est traditionnellement fondé sur le calendrier chrétien et deux de ces congés tombent sur des jours d’observance religieuse chrétienne : le Vendredi saint et Noël. Certains employeurs offrent aussi le congé payé pour un troisième jour d’observance religieuse chrétienne, le lundi de Pâques.

La Cour suprême du Canada a déclaré que le calendrier moderne est maintenant considéré comme laïque, c’est-à-dire que les fêtes légales sont instaurées comme des « jours de repos » sans but religieux particulier. Cependant, la Cour suprême a également affirmé que ce calendrier laïque a des conséquences discriminatoires sur les non-chrétiens. En effet, sans les mesures d’adaptation de l’employeur, les non-chrétiens doivent prendre congé et perdre le salaire d’une journée pour observer leur jour saint. Par contraste, la majorité de leurs collègues chrétiens ont leurs jours saints reconnus comme fêtes légales.[55]

Dans l’affaire susmentionnée, trois enseignants juifs avaient besoin de prendre un jour de congé pour Yom Kippour. L’employeur a consenti à leur donner un congé sans salaire. Les enseignants ont formulé un grief, alléguant que cette décision était discriminatoire parce qu’elle les obligeait à renoncer au salaire d’un jour pour observer leurs pratiques religieuses. La Cour suprême du Canada a souscrit à ce point de vue. La perte du salaire d’un jour aurait été considérable pour les enseignants, qui étaient rémunérés selon un horaire de 200 jours de travail par an, mais rien ne prouvait que l’obligation de payer le congé imposerait un fardeau financier déraisonnable à l’employeur.

La Commission est d’avis que les employés devraient bénéficier de jours religieux payés dans la même mesure que les jours religieux chrétiens qui sont aussi des fêtes légales, à moins que l’employeur puisse montrer qu’il en subirait un préjudice injustifié.[56] L’employé aurait droit à deux congés payés si le lieu de travail observe seulement les fêtes chrétiennes du Vendredi saint et de Noël. Il aurait droit à un jour de congé payé supplémentaire si son lieu de travail offre un congé payé le lundi de Pâques.

La question est donc de savoir ce que les employeurs sont censés faire concernant les demandes de congés supplémentaires qui sont fondées sur la croyance. Il est clair que l’employeur a l’obligation de prendre des mesures d’adaptation sous réserve d’un préjudice injustifié. Cela dit, il y a plus d’une façon de satisfaire à cette obligation. L’approche doit être adaptée aux circonstances et aux besoins de l’employeur et de l’employé, mais quelques options peuvent être envisagées. Les mesures possibles pourraient comprendre des congés payés additionnels tels que des congés mobiles ou des congés pour raisons familiales, si ces dispositions existent dans la politique de l’entreprise ou la convention collective. Les congés non payés et la modification de l’horaire sont d’autres options possibles.

Selon la Loi sur les normes d’emploi, lorsqu’un employé en convient par écrit, il peut travailler le jour d’une fête légale au taux normal (c’est-à-dire sans prime de jour férié) et prendre un congé payé un autre jour.

Une autre option pourrait être de faire travailler l’employé pendant un nombre égal d’heures un autre jour n’étant pas régulièrement prévu à l’horaire (par exemple, un samedi ou un dimanche) et de compenser en lui accordant son congé payé un autre jour. Cette solution peut fonctionner si l’employé a suffisamment de travail productif à faire au cours de la journée non régulière.

Il peut être possible de permettre à un employé d’accumuler des heures de « réserve » en modifiant son horaire et d’utiliser cette réserve afin de prendre des jours de congé payés pour observances religieuses. Par exemple, l’employé peut faire une « semaine de travail comprimée » (en travaillant plus d’heures par jour, en raccourcissant son dîner, et ainsi de suite) et appliquer ce temps supplémentaire à des congés payés. La Cour d’appel a conclu dans une affaire particulière que l’employeur s’était acquitté de son obligation d’adaptation en permettant à son employé de modifier son horaire pour accumuler du temps au cours d’une semaine de travail comprimée et de s’en servir pour observer des jours saints additionnels.[57]

Exemple : La politique d’un employeur prévoyait deux congés payés et permettait la semaine de travail comprimée, de sorte qu’en temps normal, un employé travaillant une demi-heure de plus par jour pouvait prendre une journée de congé au bout des trois semaines nécessaires pour la gagner. L’employé, membre de la Worldwide Church of God, avait besoin de 11 jours pour observances religieuses et l’employeur a convenu qu’il pouvait accumuler les heures de sa semaine de travail comprimée et les utiliser à sa guise. L’employeur a rempli son obligation de prendre des mesures d’adaptation.

En résumé, il est judicieux pour l’employeur d’accorder deux ou trois jours de congé payés pour observances religieuses, et de faire preuve de sens pratique et de souplesse en cherchant des solutions lorsque des employés demandent des congés additionnels, sous réserve de la norme du préjudice injustifié.

Dans certaines circonstances, la modification de l’horaire peut soulever des problèmes dans un lieu de travail syndiqué si le syndicat considère que cette mesure va à l’encontre du principe d’ancienneté. Cependant, comme il est mentionné plus haut, le Code a priorité sur les conventions collectives et un syndicat peut être passible d’une action s’il entrave les efforts d’un employeur pour être souple et accommoder ses employés.[58]

iii) Sexe : Prise en compte des besoins des femmes enceintes :

Les besoins particuliers d’une femme enceinte peuvent nécessiter des mesures d’adaptation, notamment pour des traitements d’infertilité, une fausse couche ou un avortement, des complications durant la grossesse, la récupération après l’accouchement et l’allaitement maternel. L’employeur agit de façon discriminatoire en ne tenant pas compte des besoins liés à la grossesse de l’employée.[59]

Exemple : Une employée commence à travailler comme associée aux ventes et tombe enceinte peu après. Elle souffre de nausées et de fatigue. Bien qu’elle soit en mesure de remplir les fonctions de son poste, elle doit s’asseoir pour se reposer de temps à autre. En raison de problèmes de grossesse, elle prend un congé et réduit la durée de sa journée de travail. Ses ventes chutent brusquement et l’employeur la renvoie. La cessation d’emploi est considérée comme discriminatoire parce que l’employeur n’a pas pris en compte l’incidence possible de la grossesse et de la réduction des heures de travail sur le rendement de l’employée.

Les employeurs peuvent tenir compte des besoins des femmes pendant les périodes prénatale et postnatale, y compris pendant l’allaitement, de plusieurs façons sans subir un préjudice injustifié, à savoir :

  • en mutant une femme vers un autre poste de travail de façon temporaire;
  • en l’assignant à des fonctions modifiées;
  • en lui offrant un horaire de travail flexible pour qu’elle puisse aller voir son médecin, y compris pour subir des examens prénatals et postnatals et pour suivre un traitement contre l’infertilité;
  • en l’autorisant à prendre des pauses selon ses besoins – les employées qui ont besoin de pauses pour, par exemple, exprimer du lait ou allaiter, ou pour aller aux toilettes pendant la grossesse devraient normalement pouvoir prendre ces pauses sans que ce temps leur soit retranché, sans être pénalisées et sans devoir faire des heures supplémentaires pour compenser, à moins que l’employeur ne puisse prouver qu’il y a un préjudice injustifié;
  • en créant un milieu propice à l’allaitement, par exemple en autorisant la gardienne ou le gardien à amener le nourrisson au travail pour qu’il soit allaité, en changeant l’horaire de la mère pour exprimer le lait ou allaiter au travail et en aménageant un coin confortable, approprié et ne portant pas atteinte à la dignité où elle peut nourrir son enfant ou exprimer et entreposer du lait maternel au travail (par exemple, un endroit offrant une certaine intimité). Dans certains cas, ceci peut se traduire par un congé autorisé.

L’application d’une règle qui désavantage les femmes qui sont enceintes ou qui peuvent le devenir peut constituer une atteinte aux droits que leur reconnaît le Code. L’employeur doit tenir compte des besoins particuliers de ces femmes, à moins de ne pouvoir le faire sans subir lui-même un préjudice injustifié.

Exemple : Une agente de police avait demandé la permission de travailler en service réduit au dernier stade de sa grossesse. Or, la police, qui avait pour principe de ne pas accorder de modification de service à ses agents ou agentes, rejeta sa demande. La police a par contre offert à l’agente enceinte la possibilité d’une mutation vers un poste administratif à temps partiel, dont la rémunération était bien inférieure à son salaire habituel. Elle aurait pour cela dû démissionner du corps de police. Le refus d’accorder une modification de service s’appliquait à l’ensemble des agents et des agentes, sans exception, mais cette règle avait clairement des conséquences pour les femmes enceintes, du fait que le service actif pose plus de risques pour elles vers la fin de la grossesse. La solution proposée était inacceptable, étant donné qu’un agent de sexe masculin qui ne pouvait travailler en raison d’accusations avait été assigné à un service réduit. On a conclu que la police avait fait de la discrimination fondée sur le sexe.

Dans l’exemple précité, l’employeur, autrement dit la police, appliquait le même principe à tous ses agents et agentes et ne faisait donc a priori pas de discrimination. Toutefois, l’application du principe avait un effet défavorable sur les agentes enceintes et constituait une forme de discrimination fondée sur le sexe.

Le refus d’assigner d’autres fonctions à des employées enceintes, alors que les employés de sexe masculin peuvent se prévaloir de cette possibilité pour des raisons de santé et autres, peut être jugé discriminatoire.

Congé pour grossesse : Obliger une femme enceinte à prendre un congé, en l’absence de toute preuve tangible qu’il existe un risque pour cette employée, peut constituer une pratique discriminatoire. Il est interdit à un employeur d’obliger une femme enceinte à prendre un congé sans d’abord étudier toutes les autres mesures qu’il pourrait prendre pour tenir compte de ses besoins, et cela en consultation avec l’intéressée. L’employeur doit mettre en œuvre les mesures les plus opportunes, sous réserve de la norme du préjudice injustifié.

Si une femme enceinte peut apporter la preuve qu’elle doit s’absenter du travail pour motif de santé à quelque stade que ce soit de sa grossesse, il est interdit de lui réserver un traitement différent ou défavorable par rapport à celui assuré à d’autres employés qui s’absentent pour « motif de santé ».

L’interprétation de « santé » recouvre :

  • la santé physique et psychologique de la femme;
  • la santé, le bien-être, la croissance et le développement du fœtus;
  • la capacité d’une femme de fonctionner en société et notamment d’interagir avec les membres de sa famille, son employeur et d’autres personnes jouant un rôle important dans sa vie.

Le congé de maternité permet aux mères de former des liens affectifs avec leurs enfants et de leur donner toute l’attention dont ils ont besoin au premier stade de leur vie. Les femmes n’ont par ailleurs pas toutes les mêmes besoins physiques et psychologiques après un accouchement, et de ce fait leur durée de récupération varie. Comme chaque femme réagit différemment à la grossesse et à l’accouchement, les demandes d’absence pour des raisons de santé devraient être, en général, évaluées et accordées ou refusées au cas par cas. Les femmes enceintes qui ont besoin d’un congé pour motif de santé à cause de problèmes liés à une grossesse doivent suivre les procédures de demande d’indemnité mises en place par l’employeur et apporter la preuve que le motif de l’absence est valable.

Il se peut que des raisons de santé liées à la grossesse forcent une femme à s’absenter du travail avant ou après son congé de maternité ou son congé parental. Dans ce cas, elle a droit aux prestations d’assurance-santé ou d’assurance-invalidité offertes par son employeur. La décision de prendre un congé d’invalidité de courte ou de longue durée risque toutefois d’influer sur ses droits en matière de congé de maternité ou de congé parental. Consulter la section IV-7j(v) – « Avantages sociaux en relation avec la grossesse (sexe ou handicap)». En l’absence d’un régime de santé au travail ou d’un régime d’assurance individuelle, l’employée peut prendre un congé non payé ou des jours de vacances pour des raisons de santé, y compris sa santé physique et mentale ou la santé et le bien-être du fœtus ou de l’enfant.

Lorsqu’une employée est en congé de maladie, soit pendant la grossesse, soit pendant l’hospitalisation de son enfant prématuré et ce, avant le début du congé de maternité et du congé parental, l’employeur doit en tenir compte au moment de déterminer pendant combien de temps il tiendra ouvert le poste de l’employée. Il n’est pas acceptable pour l’employeur de fixer arbitrairement une date limite un an après la date du départ de l’employée. L’employeur est censé prendre des mesures d’adaptation sous réserve d’un préjudice injustifié, comme il le ferait pour tout employé qui s’absente du travail pendant une période prolongée en raison d’un handicap.

Exemple : La date prévue pour la naissance de l’enfant d’une employée enceinte est le 1er janvier 2006. L’employée tombe en congé le 1er septembre 2005 en raison de complications liées à la grossesse. Elle reçoit les prestations de maladie offertes par son employeur au cours d’une période de repos complet d’un mois et pendant les trois mois d’hospitalisation de son enfant né prématurément en octobre 2005. Elle commence son congé de maternité le 1er février 2006 et reçoit les prestations d’assurance-emploi à partir de cette date. Elle communique avec son employeur pour prendre les dispositions relatives à son retour au travail le 1er février 2007, date à laquelle les prestations d’assurance-emploi et celles du congé parental cesseront de lui être versées. Son employeur lui apprend alors qu’elle n’a plus d’emploi, étant donné qu’elle s’est absentée pendant plus d’un an. L’employée dépose une plainte pour discrimination fondée sur le sexe et l’état familial. L’employeur devra montrer qu’en dotant le poste de façon temporaire afin de le rendre à l’employée à son retour, il subirait un préjudice injustifié.

iv) Prise en compte des besoins des employés ayant des obligations familiales :

La question de l’obligation d’adaptation ne se posera que si un cas probable de discrimination au motif de l’état familial a été démontré. Dans le contexte de l’état familial, l’adaptation est habituellement associée aux besoins en matière de prestation de soins.

En matière d’emploi, l’adaptation joue un rôle central pour surmonter les désavantages auxquels font face les pourvoyeurs de soins et n’est la plupart du temps ni gênante ni coûteuse; c’est plutôt une affaire de flexibilité. Une approche flexible et adaptée représente en dernière analyse un avantage notable pour les employeurs qui veulent attirer et conserver de bons employés,

Généralement, l’obligation d’adaptation ne posera un problème que dans les cas où les règles, les politiques, les pratiques ou les structures institutionnelles, les a priori ou la culture perpétuent ou encouragent le désavantage des personnes identifiées par un état familial particulier. Dans ces circonstances, l’employeur devra montrer que l’exigence est justifiée et que les mesures d’adaptation ont été assimilées au critère et fournies dans la mesure où il n’en résultait pas un préjudice injustifié.

Pour décider si une obligation d’adaptation s’impose, les considérations suivantes peuvent être utiles :

  • La nature de la responsabilité en matière de prestation de soins et le conflit entre cette responsabilité et les règles, exigences, normes, processus et autres facteurs de l’organisme.
    • Plus l’obligation en matière de prestation de soins en cause est importante et plus l’interférence de cette règle, exigence ou facteur est grave, plus il y a de chances qu’une obligation d’adaptation s’impose.
  • Les obstacles systémiques auxquels font face les pourvoyeurs de soins, y compris les effets de recoupement avec les motifs du handicap, de l’âge, du sexe, de l’orientation sexuelle, de la race et des motifs liés à la race, et de l’état matrimonial.
    • Les organismes devraient s’interroger sur les obstacles systémiques qui risquent d’exister dans leur propre établissement et se poser des questions sur la représentation qu’ils se font des personnes avec d’importantes responsabilités en matière de prestation de soins, sur leur culture organisationnelle et sur le caractère inclusif de leurs politiques, procédures et pratiques en matière de prise de décisions.
  • La disponibilité et la pertinence des soutiens sociaux disponibles pour répondre aux besoins des pourvoyeurs de soins.
    • Les pourvoyeurs de soins ne devraient pas être obligés de placer les personnes qu’ils aiment dans des situations de risque notable, de préjudice physique, émotionnel ou psychologique afin de répondre aux besoins de leur employeur.

Un employeur n’a pas besoin d’offrir plus que ce que la personne requiert afin de répondre aux besoins réels identifiés liés à l’état familial. Par exemple, si le changement de l’emploi du temps permet à l’employé de s’acquitter d’une responsabilité importante en matière de prestation de soins, l’employeur n’a pas besoin de lui offrir un jour de congé payé.

Pour un organisme qui n’a pas pris les mesures nécessaires pour examiner et mettre en place des politiques et des pratiques qui soutiennent et incluent les pourvoyeurs de soins, il sera plus difficile de justifier son refus des demandes individuelles de flexibilité. Les employeurs devraient prendre des mesures pour veiller à ce que le lieu de travail soit favorable à la famille, qu’il y règne une culture de vie et de travail positive, et qu’il assure l’intégration des personnes ayant des responsabilités en matière de prestation de soins. Voici certains points à prendre en considération :

  • un énoncé visible exprimé au niveau des cadres supérieurs assurant le soutien continu à un milieu de travail inclusif et bienveillant envers la famille;
  • des programmes d’éducation et de formation pour les cadres et le personnel sur les exigences du Code eu égard à l’état familial;
  • l’élaboration d’une stratégie organisationnelle pour assurer la création d’un lieu de travail inclusif;
  • des programmes et des politiques qui reconnaissent et soutiennent la gamme et la diversité des familles canadiennes contemporaines;
  • l’accroissement de la flexibilité et des options offertes à tous les travailleurs, par exemple des heures flexibles, une semaine de travail comprimée, des heures réduites, le partage de l’emploi, des congés autorisés, des services de garde d’enfants et de soins aux personnes âgées, des programmes d’aide aux employés et des programmes de travail à domicile.

Pour en savoir davantage sur l’adaptation et l’état familial, consulter la politique de la Commission intitulée Politique et directives concernant la discrimination au motif de l’état familial.


[48] Parry Sound, supra note 28.
[49] Renaudsupra note 29.
[50] Meiorinsupra note 6, au par. 65, et Grismersupra note 7.
[51] Voir, par exemple, Datt v. McDonald’s Restaurants (No. 3), 2007 B.C.H.R.T. 324 (Datt).
[52] Keays v. Honda Canada Inc. (2006), 274 D.L.R. (4th) 107 (Ont. C.A.), autorisation d’en appeler à la C.S.C. accordée, [2006] S.C.C.A. No. 470 (Keays) au par. 8. Au moment de la publication, la C.S.C. avait instruit l’affaire mais n’avait pas encore rendu sa décision.
[53] Organisation mondiale de la Santé, « Prevention of Mental Disorders: Effective Interventions and Policy Options, Summary Report », accessible en ligne à : http://www.who.int/mental_health/evidence/en/prevention_of_mental_disorders_sr.pdf
[54] Amselemsupra note 20.
[55] Commission scolaire régionale de Chambly c. Bergevin, [1994] 2 R.C.S. 525 (Chambly).
[56] Commission ontarienne des droits de la personne, Politique sur la croyance et les mesures d’adaptation relatives aux observances religieuses, partie 7.4.
[57] Cette approche a été employée dans l’affaire Ontario (Ministère des Services sociaux et communautaires) c. SEFPO (2000) 50 O.R. (3d) 560 (C.A.).
[58] Renaudsupra note 29.
[59] Brooks, supra note 23.

9. Autres renseignements au sujet des mesures d’adaptation à l’intention des personnes handicapées

L’adaptation en fonction des besoins des personnes handicapées constitue l’une des questions les plus courantes en matière de droits de la personne sur les lieux de travail. Bien que la présente section repose sur les principes décrits auparavant, on y fait ressortir les problèmes particuliers auxquels les employeurs peuvent être confrontés lorsqu’ils prennent les mesures nécessaires pour satisfaire aux demandes d’adaptation des employés handicapés.

a) Grands principes

Selon l’article 17 du Code, les personnes atteintes d’un handicap ont le droit de demander à leur employeur de prendre les mesures nécessaires pour tenir compte de leurs besoins particuliers et leur permettre de s’acquitter des obligations essentielles de leur emploi à condition que ces mesures ne lui causent pas de préjudice injustifié. Lorsqu’une personne est incapable de s’acquitter des obligations essentielles de son emploi même si l’employeur prenait des mesures d’adaptation ou si de telles mesures créait un préjudice injustifié à l’employeur, la décision de ne pas l’embaucher ne serait pas discriminatoire. Une fois que l’employeur est au courant des besoins d’une personne handicapée, il est tenu de prendre les mesures qui s’imposent pour respecter son obligation en matière d’adaptation.

b) Détermination des tâches essentielles et prise de mesures d’adaptation

L’employeur doit d’abord différencier les tâches d’un poste selon qu’elles sont essentielles ou non. Pour plus de renseignements sur les tâches essentielles, consulter aussi la section IV-2b) – « Définir et décrire clairement les exigences essentielles ». Si l’employé est incapable d’exécuter les tâches non essentielles, l’employeur doit prendre les mesures d’adaptation qui lui permettront de les accomplir ou affecter ces tâches à une autre personne. L’employeur est tenu de prendre les mesures d’adaptation qui s’imposent pour qu’une personne handicapée puisse exécuter les tâches essentielles qui lui sont attribuées, à moins que ces dispositions n’entraînent un préjudice injustifié.

Il ne faut pas tirer de conclusions quant à la capacité d’une personne handicapée à exécuter les tâches essentielles d’un emploi avant d’avoir réellement vérifié son aptitude à le faire. Il ne suffit pas de tenir pour acquis que la personne est incapable de satisfaire à une exigence essentielle. Ce fait doit être vérifié de manière objective.

Exemple : Une personne qui travaille dans un service de photocopie présente une mobilité restreinte du bras en raison d’une blessure à l’épaule. Elle doit se servir du matériel de photocopie pour exécuter les commandes de la clientèle. Les divers types de papier à photocopie livrés sur les lieux par camion chaque semaine doivent être empilés et mis en entrepôt après livraison. L’utilisation du matériel de photocopie pour remplir les commandes constitue une tâche essentielle. Les tâches consistant à soulever, à empiler et à entreposer le papier livré hebdomadairement sont moins susceptibles d’être essentielles, car la livraison de papier pourrait avoir lieu à un autre moment de la semaine, ou parce que ces tâches pourraient être confiées un autre travailleur.

Si les tâches essentielles ne peuvent être exécutées d’une autre manière, l’employeur doit examiner les autres moyens d’adaptation qui pourraient permettre à l’employé de les réaliser. Il pourrait prévoir, entre autres, d’adapter la norme de rendement si cela ne lui fait pas subir un préjudice injustifié.

c) Handicaps non apparents

L’obligation d’adaptation vise les handicaps connus. En règle générale, on ne s’attend pas à ce que les entreprises et les personnes responsables des adaptations prennent les mesures voulues pour les handicaps dont elles ne connaissent pas l’existence. Cependant, certaines personnes sont incapables de communiquer leurs besoins en raison de la nature même de leur handicap. En pareilles circonstances, l’employeur doit tenter d’aider la personne qui se porte manifestement mal ou qu’il soupçonne être atteinte d’un handicap, en lui offrant un soutien et en lui proposant d’accommoder ses besoins. Il est très important que l’employeur agisse ainsi avec les personnes qu’il soupçonne de souffrir d’une maladie mentale. Par ailleurs, on ne s’attend pas à ce que l’employeur puisse diagnostiquer une maladie ou « présume » de l’état de santé d’un employé.

Exemple : Un employeur ne sait pas qu’un employé est toxicomane, mais il soupçonne chez lui un handicap. Il constate que l’employé a de la difficulté à accomplir ses tâches et manifeste des signes de détresse. Le fait d’imposer à la personne des sanctions graves ou de la licencier parce que son rendement est médiocre sans gérer progressivement son rendement ni lui proposer de l’accommoder pourraient contrevenir aux dispositions du Code.

d) Renseignements médicaux auxquels a droit l’employeur

Toutes les parties doivent s’engager dans le processus d’adaptation dans un esprit de concertation. L’employeur doit accepter de bonne foi les demandes d’adaptation à moins d’avoir des motifs légitimes de ne pas le faire. L’employé doit répondre aux questions de l’employeur ou lui fournir des précisions concernant ses limites. Pour sa part, l’employeur doit restreindre ses demandes de renseignements sur la nature des restrictions de l’employé qui sont jugées raisonnablement nécessaires afin de déterminer les mesures d’adaptation qui s’imposent pour satisfaire aux besoins l’employé. Consulter aussi la section IV-8c) – « Vue d’ensemble des obligations et responsabilités ».

L’objet des questions doit être soigneusement pris en considération : ces dernières ne doivent servir qu’à obtenir les renseignements normalement requis pour déterminer les besoins de l’employé et prendre les mesures d’adaptation nécessaires. Les renseignements demandés seront plus ou moins détaillés selon les circonstances. Par exemple, dans le cas d’un premier congé suivant un départ brusque et imprévu, il peut être indiqué de demander plus de précisions que lorsqu’il s’agit d’un congé pour un handicap existant, connu et au sujet duquel l’employeur a préalablement reçu des renseignements médicaux. Il ne faut pas demander de « renseignements médicaux » généraux au sujet de l’employé ni une copie de son dossier médical.

Le meilleur scénario serait celui où l’employeur détermine clairement quels sont les renseignements nécessaires et pour quels motifs ils le sont. À cette fin, il peut, par exemple, fournir une série de questions destinées au médecin :

  • Suzanne doit-elle être absente pendant toute la durée du congé de six semaines, ou est il possible d’envisager qu’elle continue de travailler si on lui offre de prendre des mesures d’adaptation comme le temps partiel, un horaire variable, le travail à domicile ou la modification des tâches ou du lieu de travail?
  • Suzanne pourrait-elle réintégrer progressivement le travail? Dans l’affirmative, à quel moment et comment la réintégration doit-elle être effectuée?
  • Voici une analyse des exigences physiques de l’emploi. Prière d’indiquer, s’il y a lieu, les tâches que Suzanne peut continuer d’exécuter.

L’employeur ne doit pas formuler ses questions de manière à ce que les réponses révèlent le diagnostic du médecin. Par exemple, l’employeur peut demander si des adaptations sont nécessaires pour tenir compte de tout effet secondaire des médicaments sur ordonnance, mais il ne doit pas tenter de savoir quels médicaments ont été prescrits à l’employé, car ceux ci pourraient révéler le diagnostic, lequel n’est pas requis pour déterminer les mesures d’adaptation à prévoir. Si le médecin fournit un diagnostic ou des renseignements non demandés, l’employeur doit faire preuve d’une grande circonspection et s’assurer que toute prise de décision est fonction des limites et des besoins d’adaptation associés au handicap de l’employé et non pas d’hypothèses reposant sur le diagnostic ou d’autres renseignements fournis.

L’employeur doit alors accepter les renseignements et prendre les mesures d’adaptation qui s’imposent. Si la note de médecin n’est pas claire ou n’est pas suffisamment détaillée pour déterminer les mesures à prendre, on s’attend à ce que l’employeur demande des précisions raisonnables à l’employé. Par exemple, si la note explique simplement que l’employé est apte à retourner au travail, l’employeur doit demander à la personne quels sont, le cas échéant, les adaptations qui lui seront nécessaires.

e) Faire en sorte que les demandes de notes de médecin soient raisonnables

Les lignes directrices relatives aux notes de médecin doivent être raisonnables et tenir compte du fait qu’un employé ne sera peut-être pas en mesure de consulter un médecin le jour même de son absence. Selon une décision antérieure de la Commission, le fait de n’accepter que les notes datées du jour même de l’absence pour incapacité de l’employée est discriminatoire.[60] Pour certains problèmes de santé comme le syndrome de la fatigue chronique, il n’existe aucun test diagnostique, et seul l’employé est en mesure d’évaluer son état. Dans de tels situations, l’utilité de demander une note de médecin peut être discutable.[61]

Lorsqu’un employé remet à l’employeur des renseignements médicaux pour justifier des absences futures, il sera fort utile pour l’employeur d’adopter une façon judicieuse de lui demander des notes de médecin pour ses absences particulières et de ne pas en dévier. Dans le cas de congés prolongés pour une affection chronique, l’employeur doit accepter les notes à caractère plus général et ne pas exiger de notes pour chaque absence du travail. Les demandes peuvent être jugées discriminatoires lorsqu’une note du médecin n’est pas obligatoire, que l’employeur impose différemment l’obtention de notes selon le type de handicap ou que les demandes ont comme conséquence de prolonger l’absence de l’employé.[62]

Exemple : Le médecin d’un employé remplit un formulaire dans lequel il porte le diagnostic de syndrome de fatigue chronique et précise que l’employé devra être absent du travail quatre jours par mois. L’employeur exige que la personne obtienne une note de médecin attestant de chaque absence avant de lui permettre de réintégrer son emploi. Une telle demande est discriminatoire car, en raison de la nature du problème de santé, le médecin ne pourra que fournir les explications que l’employé lui a présentées. Cette exigence ne touche pas la plupart des personnes atteintes d’un handicap et n’a comme conséquence que de prolonger les absences.

f) Dans quelles situations convient-il de demander un deuxième avis?

Bien que d’une part, l’employeur soit habilité à obtenir tous les renseignements essentiels aux mesures adaptation, d’autre part, il est tenu d’accepter les demandes d’adaptation de bonne foi et de respecter la dignité de l’employé qui les lui présentent. Il ne peut exiger un second avis d’un spécialiste ou d’un médecin examinateur indépendant que si un tel avis est nécessaire pour répondre aux besoins d’adaptation de l’employé. Un second avis ne doit pas servir à démontrer qu’un employé n’est pas atteint d’un handicap ou à éviter de l’accommoder.

Exemple : Une employée remet à son employeur une note de son médecin. Dans sa note, le médecin demande à l’employeur de prendre des mesures d’adaptation, mais ne fournit aucun diagnostic particulier. Comme l’employée ne présente aucun symptôme visible d’affection lorsqu’elle se trouve sur les lieux du travail, l’employeur soupçonne qu’elle simule un handicap pour qu’il assouplisse ses modalités de travail. Il souhaiterait que l’employée subisse un examen médical indépendant pour le prouver, mais une telle démarche ne se conformerait pas aux dispositions du Code.

En règle générale, il est déconseillé à l’employeur de remettre en question la validité de l’avis du médecin d’une personne simplement parce qu’il soupçonne que les recommandations ne sont pas objectives étant donné qu’elles reposent sur les propres perceptions de l’employé. L’employeur doit éviter de contester une note de médecin ou d’exiger un second avis à moins qu’il ait des motifs de croire que les mesures que recommande le médecin pour veiller au rétablissement de l’employé se fondent sur des considérations autres que son meilleur jugement.

Le bien-fondé d’une demande de second avis dépend des renseignements médicaux déjà reçus. Une telle demande est appropriée si l’employeur possède des motifs raisonnables et plausibles de juger que les renseignements initiaux sont incomplets ou inexacts. Ce serait le cas, par exemple, si le médecin consulté initialement ne semble pas posséder le degré ou le type d’expertise voulu ou si l’employeur possède des motifs raisonnables de croire que l’employé n’est pas apte à travailler contrairement à ce que précise le rapport du médecin. Le cas échéant, l’employeur doit documenter les motifs pour lesquels il exige des preuves médicales supplémentaires.

Exemple : Le médecin dit à une employée ayant eu un accident de voiture grave qu’elle peut réintégrer son emploi. Toutefois, l’employée, qui est machiniste, est atteinte d’étourdissements à plusieurs reprises vers la fin de son poste de nuit de 12 heures, et il s’en est fallu de peu pour qu’elle se blesse. L’employeur lui demande d’obtenir de son médecin des renseignements supplémentaires au sujet des mesures d’adaptation possibles. À nouveau, la note que l’employée obtient de son médecin précise simplement qu’elle est apte au travail et qu’aucune mesure d’adaptation n’est indiquée. L’employeur demande alors à l’employée de subir un examen par un spécialiste en adaptation des lieux de travail et lui laisse le choix du médecin.

Si un deuxième avis ou un examen médical indépendant est justifié, il est conseillé de faire en sorte qu’un médecin que toutes les parties (l’employé, l’employeur et, s’il y a lieu, le syndicat) jugent acceptable soit retenu au lieu d’insister que l’employé consulte un médecin du choix de l’employeur. L’employeur doit fournir à l’employé suffisamment de renseignements pour lui permettre de comprendre les motifs de l’évaluation et lui préciser quel médecin fera l’examen et quels tests il subira.

g) Marche à suivre en cas de recommandations ou de rapports médicaux contradictoires

Les employeurs doivent accepter les rapports médicaux de bonne foi. Dans certaines situations, les rapports de deux spécialistes peuvent être contradictoires. Par exemple, le rapport du médecin ou du spécialiste que consulte un employé peut préciser des besoins d’adaptation qui diffèrent de celles du rapport d’un médecin-examinateur indépendant.

L’employeur décidera du rapport à prendre en compte en fonction des faits particuliers au cas et de facteurs comme les suivants :

  • Quelles sont les compétences et le niveau d’expertise des deux spécialistes – quel spécialiste possède le plus d’expérience pertinente?
  • Dans quelle mesure l’interaction avec l’employé est-elle poussée?
    • Les conclusions médicales reposent-elles sur des consultations échelonnées sur de nombreux mois sur une évaluation de 15 minutes seulement?
  • Quelles méthodes d’évaluation ont été employées?
  • Dans quelle mesure les rapports diffèrent-ils?
  • La dignité et l’autonomie de l’employé sont-t-elles pareillement respectées dans les deux rapports?
  • Quelles seront les conséquences de retenir un rapport plutôt que l’autre?
  • Si un handicap comporte des risques graves, il peut être préférable de prendre les mesures d’adaptation les plus « sages ». Par exemple, si l’un des spécialistes précise que l’employé est susceptible de faire une crise cardiaque si aucune mesure d’adaptation n’est prise et que l’autre affirme qu’aucune adaptation n’est nécessaire, il peut être prudent de retenir l’avis du premier.
  • Dans quelle mesure l’employé estime-t-il que chacun des avis est exact selon son propre vécu?

h) Facteurs que l’employeur doit prendre en compte lorsqu’il communique avec un employé en congé

L’employeur peut communiquer avec un employé en congé dans les situations raisonnablement nécessaires. Il peut, par exemple, avoir à le faire pour déterminer les besoins d’adaptation, connaître la durée de l’absence et les changements de pronostic ou pour savoir si une date de retour au travail éventuelle est prévue. Si le congé de l’employé est d’une durée « indéterminée », l’employeur peut communiquer avec lui au bout d’une période d’une durée raisonnable (par exemple, à des intervalles de 3 à 6 mois) pour lui demander si le pronostic a changé et si la date de retour au travail a été fixée.

Les communications avec un employé peuvent aussi servir à lui montrer que sa présence manque et qu’il joue un rôle important au sein de l’entreprise. Cela montre à la personne qu’elle continue de faire partie intégrante de l’entreprise et pourrait contribuer à ce que son retour au travail se fasse de façon harmonieuse. Toutefois, les communications répétées, particulièrement en une courte période, pour obtenir des renseignements, faire valoir à l’employé que sa présence est requise ou lui demander de reprendre le travail plus tôt que prévu (que cela soit formulé de manière implicite ou explicite) pourraient constituer du harcèlement.

Idéalement, l’employeur doit, dans la mesure du possible, déterminer rapidement à quelle fréquence et de quelle manière l’employé souhaite qu’on communique avec lui. La fréquence et le mode de communication peuvent varier selon la nature de l’affection pour laquelle l’employé doit s’absenter du travail. Par exemple, on peut demander à un employeur de ne pas communiquer avec une personne qui s’absente en raison d’une dépression clinique liée au travail et souhaite ne pas dévoiler son état, alors qu’on peut lui recommander de communiquer régulièrement avec un employé atteint d’un cancer qui est en congé durant son traitement et désire qu’on le tienne au courant du déroulement des activités au travail. Les stigmates et les stéréotypes associés, en autres, aux maladies mentales ne doivent pas influer sur les décisions concernant la fréquence des communications avec un employé.

Voici certaines questions qu’on devrait se poser afin de déterminer la fréquence à laquelle il convient de communiquer avec un employé en congé :

  • Quels sont les motifs et la durée du congé d’invalidité?
  • À quelle fréquence l’employé a-t-il demandé qu’on communique avec lui?
  • Combien de temps s’est-il écoulé depuis la dernière communication?
  • À quelle fin servira la nouvelle communication?
  • Des renseignements supplémentaires sont-ils réellement nécessaires ou l’information déjà fournie est-elle suffisante?
  • À la lumière de ce qui précède, comment peut-on s’attendre à ce qu’une personne raisonnable accueille une autre communication?

i) Retour au travail après un congé d’invalidité prolongé

L’adaptation constitue une partie fondamentale et intégrante du droit à l’égalité de toute personne. Tant l’employeur que le syndicat sont tenus de faire preuve de collaboration pour ce qui est d’accommoder les employés réintégrant leur poste après un congé d’invalidité. Les comités mixtes de santé et de sécurité, qui comprennent des représentants de la direction et des employés, peuvent être d’une grande aide dans la mise en place de mesures d’adaptation individualisées à l’intention des employés handicapés.

D’après l’article 17 du Code, une personne ayant un handicap ne peut revendiquer le droit de réintégrer son emploi que si elle peut satisfaire aux exigences essentielles de son poste une fois que l’employeur remplit son obligation de prendre les mesures d’adaptation nécessaires, sous réserve d’un préjudice injustifié. Si la personne est incapable d’accomplir ses tâches essentielles en dépit des mesures d’adaptation que prend l’employeur, sous réserve d’un préjudice injustifié, ce dernier n’est plus tenu de la réintégrer. Cette disposition du Code est applicable à toutes les entreprises, peu importe leur importance ou la durée de la période pour laquelle les employés en cause ont travaillé pour elles. Elle diffère des dispositions correspondantes de la Loi sur la sécurité professionnelle et l’assurance contre les accidents du travail. Consulter aussi la section II-2b) – « Prévalence du Code » et l’annexe B – « Lois applicables aux droits de la personne au travail ».

Par ailleurs, aucune règle absolue ne dicte la durée de la période pendant laquelle une personne handicapée peut s’absenter du travail avant que l’employeur ait satisfait à l’obligation d’adaptation. Tout dépend de l’aptitude de la personne handicapée à satisfaire aux exigences essentielles de l’emploi compte tenu des circonstances particulières de ses absences et de son état. Un autre facteur important est la prévisibilité de l’absence, c’est-à-dire, d’une part, quand elle prendra fin et, d’autre part, si elle risque de se reproduire et, le cas échéant, à quelle fréquence. Il est aussi indispensable de tenir compte du pronostic et de la durée de l’absence de l’employé. Si le pronostic est bon, il est probable que l’employeur doive continuer de tenir compte des besoins de cette personne, sans égard à la durée de l’absence.

L’obligation d’un employeur de tenir compte des besoins d’une personne handicapée ne garantit pas nécessairement à cette dernière un droit illimité à la réintégration de son emploi. Cela étant dit, un programme de réintégration d’emploi qui prévoirait une limite arbitraire de la durée d’absence ou qui imposerait une date de réintégration pourrait être contesté comme étant contraire au Code.

Même si un employeur souhaite qu’un employé réintègre son poste dans les meilleurs délais, le fait de le contraindre à le faire trop rapidement risque de compromettre sa réinsertion en milieu de travail.[63]

Exemple : On prévient un employé qu’il ne touchera plus de prestations d’invalidité de longue durée étant donné que le médecin de l’assureur juge qu’il est apte au travail. Même si le médecin de l’employé fournit des renseignements qui font preuve du contraire, l’employé est contraint de réintégrer son emploi. Cette situation aggrave son état, ce qui se traduit par des présences irrégulières au travail et déclenchent une série de situations discriminatoires aboutissant à son licenciement.

j) Autre travail

L’expression « autre travail » signifie un travail différent ou pour lequel les compétences, les responsabilités et la rémunération ne sont pas les obligatoirement les mêmes. Bien qu’il soit toujours préférable que l’employé réintègre le poste qu’il occupait avant que le handicap survienne, cela n’est pas possible dans tous les cas. La Commission est d’avis que l’adaptation dans le cadre d’un poste autre que celui détenu avant que survienne un handicap peut être appropriée dans certaines circonstances.

Voici certaines questions que peuvent se poser les employeurs afin de déterminer s’ils sont en mesure offrir une telle adaptation :

  • Est-il possible de confier un autre travail à l’employé? Un autre travail est-il disponible à l’heure actuelle ou dans un proche avenir?
  • Si aucun poste n’est disponible, est-il possible d’en créer un sans que cela ne se traduise par un préjudice injustifié?
  • Ce poste entraînera-t-il la nécessité d’offrir une formation additionnelle? Cette formation imposera-t-elle un préjudice injustifié?
  • La politique relative à l’offre d’un autre travail va-t-elle à l’encontre de la convention collective de l’employé?
  • Quelles sont les dispositions de la convention collective ou du contrat de travail de l’employé à cet égard?
  • Quelle est la pratique établie sur ce lieu de travail?
  • Dans quelle mesure les employés sont-ils interchangeables? Changent-ils fréquemment d’emploi, de façon permanente ou temporaire, pour des raisons autres qu’une adaptation découlant d’un handicap?

Le poste offert peut être temporaire ou permanent :

  • Autre travail temporaire : Un autre travail temporaire peut constituer une adaptation appropriée soit dans le contexte d’un retour au travail, soit dans une situation où, étant frappé d’un handicap, un employé est temporairement incapable de remplir les fonctions du poste qu’il occupait avant l’événement. Il peut aussi être approprié d’offrir un emploi temporaire à l’employé lorsque la nature du handicap et les limites qui en résultent sont temporaires ou épisodiques.
  • Autre travail permanent : Comme il est précisé ci-dessus, il peut être approprié, dans certaines situations, de réaffecter un employé handicapé à un poste permanent vacant. Une telle réaffectation ne doit toutefois être considérée comme une adaptation appropriée que si les mesures prises à cette fin pour le poste actuel causeraient un préjudice injustifié à l’employeur. Le poste en question doit être vacant dans un délai raisonnable, et l’employeur n’est pas tenu d’accorder une « promotion » à l’employé. Si la réaffectation entraîne un différend au titre d’une convention collective, les besoins en matière d’adaptation devraient prévaloir. Pour être admissible à une réaffectation, l’employé doit avoir les compétences requises pour exercer les nouvelles fonctions. Le poste vacant doit être équivalent au poste actuel, bien qu’un poste d’une équivalence moindre soit acceptable faute d’autres solutions.

k) Tests de dépistage de la consommation de drogues et d’alcool

i) Autorisés dans certaines circonstances :

D’après le Code, un « handicap » englobe les troubles physiques, psychologiques et mentaux. La toxicomanie grave, comme l’alcoolisme et la consommation abusive de drogues légales et illégales, se range parmi les formes de dépendance aux intoxicants, laquelle a été reconnue comme une forme de handicap au sens du Code. La consommation de drogues ou d’alcool qui atteint un niveau tel qu’elle constitue une toxicomanie, une accoutumance ou une dépendance grave peut se traduire par un affaiblissement considérable des facultés ou une détresse marquée

Dans le domaine de l’emploi, le Code prévoit la protection des personnes qui sont perçues comme ayant une accoutumance ou une dépendance aux drogues ou à l’alcool, y compris celles qui consomment de l’alcool et des drogues à des fins récréatives. Cette protection s’étend aux personnes qui ont déjà été aux prises avec un problème de cet ordre dans le passé, mais qui ont pu le surmonter.

Selon la Commission, il est généralement interdit d’administrer des tests de dépistage de la consommation de drogues et d’alcool préalablement à l’emploi. La Cour divisionnaire de l’Ontario a toutefois conclu que l’offre d’un poste critique sur le plan de la sécurité conditionnel à l’administration d’un test de dépistage d’usage de drogues par analyse d’urine ne contrevenait pas au Code et que la politique de l’employeur ne permettait pas le licenciement automatique lorsqu’un test de dépistage de consommation de drogues était positif mais prévoyait plutôt le recours à des mesures d’adaptation sous réserve d’un préjudice injustifié.[64] Consulter aussi la section IV-6d) – « Tests de dépistage de la consommation de drogues et d’alcool avant l’embauche ».

Les tests de dépistage de la consommation de drogues et d’alcool peuvent être justifiés dans certaines circonstances. Pour déterminer s’il y a lieu d’administrer un tel test, l’employeur devrait prendre en considération les questions suivantes :

  • Existe-t-il une raison objective de penser que le rendement professionnel pourrait être amoindri par une dépendance aux drogues ou à l’alcool? Autrement dit, y a-t-il un lien rationnel entre les tests et le rendement professionnel?
  • Existe-t-il une raison objective de penser, à l’égard d’un employé en particulier, que des absences imprévues et répétées, des retards habituels ou un comportement inapproprié ou excentrique au travail sont liés à l’alcoolisme ou à une dépendance ou accoutumance aux drogues?
  • Existe-t-il une raison objective de penser que le degré, la nature et la portée des risques que crée la dépendance aux drogues ou à l’alcool ont un effet indésirable sur la sécurité des autres travailleurs ou des membres du public?

Les tests de dépistage de la consommation de drogues et d’alcool effectués sans lien démontrable entre cette consommation et le rendement professionnel constituent une atteinte aux droits de la personne. L’administration de ces tests ne doit donc pas être arbitraire quant aux groupes d’employés qui y sont assujettis.

Exemple : Un employeur n’exige l’administration de ce test qu’aux nouveaux employés ou à ceux qui réintègrent leur poste après une période d’absence prolongée. Une telle pratique ne pourrait sans doute pas être justifiée en fonction des objectifs établis de la politique en la matière.

Comme les tests de dépistage des drogues au moyen d’une analyse d’urine permettent simplement de déceler la présence de drogues dans l’organisme et non pas de mesurer l’affaiblissement des facultés, leur administration aléatoire constitue une atteinte injustifiable aux droits des intéressés. En outre, même si l’administration aléatoire de tests de dépistage au moyen d’échantillons de salive offre potentiellement des mesures plus fiables de l’affaiblissement des facultés, elle a été jugée contraire aux dispositions d’une convention collective. Un arbitre de l’Ontario a récemment conclu ce qui suit : « Les arbitres ont jugé que, hors du contexte d’un plan de réadaptation d’une personne dont le problème est reconnu, le fait de faire subir aux employés des tests de dépistage d’alcool ou de drogues sans avoir des motifs raisonnables de le faire ou s’il ne s’est produit aucun accident ni accident évité de justesse constitue une atteinte injustifiée à leur dignité et à leur vie privée qui ne peut être conciliée avec tout droit ou obligation légitime de l’employeur, dont la dissuasion et la mise à exécution de pratiques de sécurité».[65] (TRADUCTION)

En ce qui a trait aux tests aléatoires de dépistage de la consommation d’alcool, l’utilisation de l’ivressomètre permet une mesure exacte tant de la consommation que de l’affaiblissement réel des facultés, avec un minimum d’ingérence. En conséquence, la Commission estime que le recours aléatoire aux tests de dépistage de la consommation d’alcool est acceptable dans le cas de postes critiques pour la sécurité, surtout lorsque la supervision du personnel est minime ou non existante, mais uniquement si l’employeur s’acquitte de son devoir de tenir compte des besoins en matière d’adaptation des personnes dont les résultats sont positifs.

L’administration de tests de dépistage de la consommation soit de drogues, soit d’alcool, « pour motif valable » ou « par suite d’un incident » peut être acceptable dans certaines circonstances. Par exemple, par suite d’accidents ou de comportements dangereux, l’employeur a légitimement intérêt à déterminer si l’employé en cause a consommé des substances psychotropes susceptibles d’y avoir contribué. Les résultats de l’évaluation peuvent permettre d’expliquer la cause de l’incident. De tels tests ne doivent être administrés que dans le cadre d’une évaluation globale de la consommation abusive de drogues et d’alcool (par exemple, un Programme d’aide aux employés (PAE), un examen médical direct, un suivi par les pairs et un suivi par les superviseurs).

Lors de l’élaboration de critères en vue des tests de dépistage en cours d’emploi, les employeurs devraient également tenir compte des facteurs suivants :

  1. A-t-on pris des dispositions pour veiller à ce que le traitement des échantillons soit assuré par des personnes qualifiées? Les tests de dépistage de la consommation de drogues et d’alcool doivent être réalisés par des professionnels compétents, et les analyses doivent être effectuées dans des laboratoires reconnus. De plus, il incombe à l’employeur de s’assurer que les échantillons prélevés sont bien étiquetés et protégés en tout temps.
  2. A-t-on pris des dispositions pour veiller à la confidentialité des résultats d’examen? Afin de préserver la confidentialité des résultats, tous les renseignements propres à l’évaluation de l’état de santé doivent demeurer sous la garde exclusive du médecin qui réalise l’examen et ne doivent, dans aucune situation, être versés au dossier personnel de l’intéressé.
  3. A-t-on examiné les résultats des tests avec l’employé visé? L’employeur doit établir des procédures qui permettent au médecin de se pencher sur les résultats d’examen avec l’intéressé.
  4. Dans les situations où une politique concernant les drogues et l’alcool en milieu de travail exige que l’employé fasse une déclaration, prévoit-elle à cette fin une période d’une durée raisonnable? Lorsqu’une telle politique oblige les membres du personnel à faire une déclaration relative à leur consommation, elle doit établir une période d’une durée raisonnable dans le passé au cours de laquelle l’employé a fait un usage abusif d’alcool ou d’autres drogues qui sera jugée pertinente pour évaluer son aptitude actuelle à s’acquitter des fonctions essentielles de l’emploi. On estime que la durée de la période est raisonnable quand la probabilité d’une rechute ou d’une récidive est plus élevée en ce cas que la probabilité qu’un membre de la population en général éprouve un problème de consommation abusive. Les tribunaux ont établi que la déclaration obligatoire de toutes les toxicomanies passées sans aucune limite raisonnable quant à leur durée constituait une violation prima facie des droits des employés.[66]
  5. A-t-on employé des méthodes de rechange comme l’administration de tests du rendement fonctionnel? La Commission encourage les employeurs à se servir de méthodes autres que les tests de dépistage de la consommation de drogues et d’alcool, le cas échéant (par exemple, des tests du rendement fonctionnel) ou, dans la mesure du possible, d’élaborer de tels tests de substitution pour évaluer l’affaiblissement des facultés. La Commission préconise également l’élaboration et la mise en oeuvre de PAE ainsi que le suivi par les pairs.

ii) Obligation de prendre des mesures d’adaptation :

Lorsque les résultats des tests sont positifs, le Code exige que l’employeur prennent des mesures d’adaptation personnalisées ou individualisées. Par conséquent, des politiques qui entraînent d’office une perte d’emploi ou à une réaffectation, ou qui imposent des conditions de réintégration inflexibles sans tenir compte de la situation personnelle de l’employé en cause, ne sont pas susceptibles de répondre à cette exigence.[67]

iii) Obligation de l’employé de coopérer avec l’employeur :

La personne qui nécessite des mesures d’adaptation pour s’acquitter des tâches essentielles de son emploi est tenue de faire connaître ses besoins en la matière de façon suffisamment précise et de se prêter à des consultations, afin de permettre à la personne responsable de répondre à sa demande. Cela ne dégage toutefois pas l’employeur de son obligation de traiter la personne de façon équitable, même s’il croit ou perçoit (même pour un motif valable) que l’employé souffre d’un problème de toxicomanie.

Exemple : Un employé qui occupe un poste de soutien administratif semble fréquemment en état d’ébriété pendant les heures de travail. L’employeur discute avec lui de la situation. L’employé refuse d’admettre l’existence du problème et de consulter aux frais de l’employeur. Peu après, l’employé est congédié sans préavis formel.

En l’occurrence, il est clair que l’employeur avait « perçu » l’existence chez la personne d’un problème de toxicomanie. Par conséquent, la protection du Code entre en jeu. Le fait qu’une personne refuse un traitement ou des mesures d’adaptation ne justifie pas en soi le licenciement immédiat. L’employeur doit démontrer, par l’application de mesures disciplinaires progressives, que l’employé a été averti et qu’il est incapable d’accomplir les fonctions essentielles rattachées à son poste. Si l’employé refuse les mesures d’adaptation offertes et si des mesures disciplinaires progressives ainsi que certaines mesures de gestion du rendement ont été mises en oeuvre, des sanctions disciplinaires peuvent être imposées.

Si un employé présente un problème de dépendance ou d’accoutumance aux drogues ou à l’alcool, l’employeur doit d’abord lui assurer l’appui nécessaire pour qu’il puisse participer à un programme de réadaptation, sous réserve d’un préjudice injustifié. S’il croit objectivement que la présence de l’employé sur le lieu de travail crée des risques de santé et de sécurité, l’employeur peut lui accorder un congé rémunéré pour lui permettre de se renseigner sur les possibilités de traitement.

iv) Solutions de rechange :

On encourage les employeurs à envisager des solutions telles que l’établissement d’un Programme d’aide aux employés (PAE), y compris des services de consultation et d’orientation externes. Ce type de programme peut aider non seulement les personnes qui éprouvent déjà un problème de dépendance ou d’accoutumance, mais aussi celles qu’une mauvaise gestion du stress pourrait pousser à une consommation abusive de drogues ou d’alcool. Consulter aussi la section IV-8e(viii) – « Demandes d’adaptation liées au stress ». Au nombre des autres mécanismes possibles, il existe des tests de rendement pour les titulaires de postes qui sont critiques pour la sécurité et qui exigent une bonne coordination physique ou mentale, voire les deux.

v) Ententes de la dernière chance :

De telles ententes sont souvent conclues avec un employé ayant un problème de dépendance ou d’accoutumance aux drogues ou à l’alcool qui reprend le travail après avoir participé à un programme de réadaptation. Ces ententes ont ceci en commun qu’elles prévoient que l’employé peut être licencié s’il a une autre rechute. Ce type d’entente soulève un certain nombre de préoccupations en matière de droits de la personne.

L’employeur doit s’assurer de convaincre un employé de conclure une entente de dernière chance sans coercition ni contrainte, car cela constituerait une forme de harcèlement ou de discrimination fondé sur un handicap. Dans certains cas, les ententes de dernière chance peuvent préciser que les employés qui ne se conforment pas à ces dispositions renoncent aux droits dont ils bénéficient au titre de la législation sur les droits de la personne. On peut interpréter une telle clause comme une forme d’abandon contractuel des dispositions du Code, lequel n’est pas permis. Pour plus de précisions à ce sujet, consulter la section IV-12e) – « Facteurs à prendre en compte pour le règlement de plaintes à l’interne ».

Même si toutes les parties sur le lieu de travail (employeur, syndicat et employé) ont convenu de la teneur de l’entente de dernière chance, l’employeur et le syndicat ne sont pas pour autant libérés de l’obligation qui leur incombe en vertu du Code de prendre les mesures d’adaptation nécessaires pour tenir compte des besoins de l’employé sous réserve d’un préjudice injustifié. Le fait qu’un employé ne respecte pas les obligations que lui impose un contrat de dernière chance ne veut pas nécessairement dire qu’on a le « feu vert » pour le licencier. L’employeur ou le syndicat doit alors s’assurer que des mesures d’adaptation supplémentaires entraîneraient un préjudice injustifié en raison des coûts, des sources de financement extérieures et des éventuels risques pour la santé et la sécurité. Ce type d’évaluation doit être effectué au cas par cas.

l) Harcèlement fondé sur les adaptations

Les tribunaux ont nettement établi que les employeurs sont tenus de traiter avec dignité et respect les personnes handicapées lorsqu’ils prennent à leur intention des mesures d’adaptation liées à l’emploi. Les employés handicapés ont le droit d’être à l’abri de tout harcèlement. Par conséquent, il faut s’abstenir de leur appliquer des épithètes injurieuses et autres propos vexatoires, et il est interdit à l’employeur de les soumettre à des exigences onéreuses ou arbitraires.[68]

Exemple : Un employé souffre du syndrome de la fatigue chronique. Même s’il fournit à l’employeur des renseignements au sujet de son handicap, ce dernier lui crée de nombreux d’obstacles en ce qui concerne ses demandes d’adaptation. Il met fin à tort au versement de ses prestations d’invalidité à long terme, surveille ses absences dues à son handicap, l’oblige à présenter un certificat médical pour chacune d’elles et exige qu’il obtienne un deuxième avis auprès du médecin de l’entreprise tout en refusant de le renseigner sur les tests qu’il subira. L’employeur licencie enfin l’employé pour avoir refusé de se soumettre à l’examen médical. Il a été conclu qu’il s’agissait d’un cas de discrimination et de harcèlement en vertu du Code. Dans la poursuite civile intentée à l’employeur, le tribunal a ordonné à ce dernier de verser à l’employé d’importants dommages-intérêts pour renvoi injustifié afin de le dédommager de cette série d’événements.

m) Maladies mentales en milieu de travail

Les maladies mentales comme la dépression ou la schizophrénie créent des défis particuliers pour les employeurs. Les employés atteints peuvent être réticents à obtenir un diagnostic et un traitement ou à demander des mesures d’adaptation par crainte d’être stigmatisés. De plus, la discrimination en milieu de travail peut, dans certains cas, aggraver l’état des personnes souffrant d’une maladie mentale ou faire naître des affections comme la dépression ou des troubles de stress post traumatique.

À mesure que les taux de maladies mentales augmentent à l’échelle mondiale, leur impact est également à la hausse en milieu de travail. L’Organisation mondiale de la Santé estime que d’ici 2020, la dépression arrivera au deuxième rang des causes de handicap dans le monde, après les maladies du cœur.[69] En dépit de ce fait, les maladies mentales demeurent un sujet tabou au sein de la société et de nombreux lieux de travail. Dans un tel contexte d’interdits et de gêne, les stéréotypes ne cessent de croître, et les employés atteints de maladie mentale font l’objet d’une stigmatisation et de craintes irrationnelles extrêmes. Les employés aux prises avec des troubles de santé mentale sont souvent isolés et marginalisés en milieu au travail, et les obstacles raciaux et culturels peuvent exacerber la situation.

Les personnes atteintes de maladies mentales ont droit à un emploi et aux mesures d’adaptation qui leur sont nécessaires sur le lieu de travail à condition qu’il n’en découle pas un préjudice injustifié pour l’employeur. Il n’est malheureusement pas rare que les personnes qui souffrent de telles maladies soient illégalement exclues du processus d’embauche, soient traitées différemment en milieu de travail ou soient licenciées si elles demandent des adaptations.

Une telle situation est inacceptable. Selon le Code, l’employeur doit s’en tenir au même processus pour déterminer les mesures d’adaptation appropriées et établir si ces mesures lui causeront un préjudice injustifiable dans le cas d’une personne atteinte d’une maladie mentale que dans celui d’un employé ayant tout autre handicap. Une décision récente du Tribunal des droits de la personne de l’Ontario dans l’affaire Lane c. ADGA Group Consultants Inc.[70] met nettement en évidence que les employeurs qui ne tiennent pas adéquatement compte des besoins d’adaptation des employés souffrant de maladies mentales contreviennent au Code et peuvent être tenus de leur verser d’importants dommages-intérêts.

i) Étude de cas – Traitement inapproprié d’un employé atteint d’une maladie mentale :

Après son entrée en fonctions, M. Lane a révélé à son employeur qu’il lui fallait prendre des mesures d’adaptation. De plus, il lui a signalé que son comportement devait être surveillé et que, s’il semblait présenter des signes avant-coureurs d’une épisode de manie, il aurait peut-être à s’absenter du travail pendant une courte période pour éviter que ces symptômes ne se transforment en un véritable épisode (ce qui l’obligerait à s’absenter pendant une période beaucoup plus longue). Face à la réaction de l’employeur, M. Lane a senti qu’il n’aurait pas dû lui communiquer ces renseignements.

Peu de temps après, l’employeur a observé chez M. Lane des symptômes avant-coureurs d’une épisode de manie. Se fondant uniquement sur des stéréotypes et des hypothèses, il a simplement conclu que M. Lane n’était pas en mesure d’occuper son poste qui exigeait d’être stable et fiable. Il ne possédait aucune politique ou directive en matière d’adaptation et n’a pas évalué la situation pour déterminer s’il pouvait accommoder l’employé. Même si M. Lane ne pouvait être présent au travail pour des motifs légitimes, l’employeur n’a pas examiné les possibilités comme celle de le mettre en congé pendant qu’il tentait de déterminer s’il pouvait prendre les mesures d’adaptation nécessaires au poste sans subir lui-même un préjudice injustifié.

Au lieu de remplir ces obligations, l’employeur a licencié M. Lane le huitième jour de sa période probatoire. Personne n’a appelé son épouse ou son médecin pour offrir un soutien même si certains signes permettaient de croire que M. Lane éprouvait les symptômes précurseurs d’un épisode de manie. Cela a eu de lourdes conséquences : M. Lane a souffert d’épisodes majeures de manie et de dépression, a dû être hospitalisé à quelques reprises, s’est séparé de son épouse (lui laissant sa fille) et a perdu sa maison.

Le tribunal a accordé 80 000 $ en dommages-intérêts (dont 10 000 $ pour souffrance morale) au plaignant et a ordonné à l’employeur d’élaborer une politique exhaustive d’anti discrimination et de retenir les services d’un consultant pour former le personnel en la matière.

ii) Conseils pour assurer le respect des employés atteints de handicaps mentaux :

  • Avoir recours à l’avis des membres du personnel ou des établissements de santé mentale au cours de l’élaboration des politiques de l’entreprise.
    • Toutes les politiques élaborées doivent tenir compte du vécu de personnes ayant été confrontées à des problèmes de discrimination fondée sur la santé mentale en milieu de travail.
  • Reconnaître la valeur d’un employé souffrant d’un handicap mental et qu’il peut continuer d’apporter sa contribution au milieu de travail.
    • Mettre l’accent sur ses points forts, sa résistance, ses réalisations et son avis au sujet de ses propres besoins.
    • Prendre en compte les circonstances propres à chaque personne et ne pas se fonder sur des stéréotypes.
    • Reconnaître les préjugés associés au handicap mental et la vulnérabilité des personnes atteintes d’un tel handicap et prendre des mesures pour les atténuer.
  • Traiter la personne de la même façon que les employés atteints d’un autre type de handicap, comme les maladies du cœur.
    • S’adresser à l’employé d’une manière professionnelle et responsable de la même manière qu’avec les employés non atteints d’une maladie mentale.
    • Maintenir la confidentialité.
  • S’entretenir franchement avec l’employé.
    • Prendre en compte l’avis de l’employé au sujet des mesures qui satisferont à ses besoins.
    • Déterminer comment l’employé envisage l’avenir et le rôle que jouera l’employeur.
    • Suivre les recommandations de l’employé et non pas celles de personnes prétendant agir dans son meilleur intérêt (à moins qu’une telle personne ne possède une procuration).
    • S’assurer de communiquer clairement avec un employé atteint d’une maladie mentale diagnostiquée ou non.
    • Ne pas tenir de propos qui laissent entendre des jugements négatifs à l’égard de l’employé (tant en s’adressant à l’employé qu’en s’entretenant avec d’autres à son sujet).
  • Se renseigner au sujet des besoins d’adaptation.
    • Obtenir l’approbation du médecin de l’employé et discuter avec lui de besoins d’adaptation.
    • Ne pas demander de diagnostic - se concentrer sur les besoins de l’employé.
    • Si le médecin transmet quand même le diagnostic, ne pas en tenir compte et poursuivre en lui demandant quelles sont les mesures d’adaptation nécessaires.
    • Garder à l’esprit qu’un diagnostic de maladie mentale peut être erronée et que les personnes atteintes d’une telle affection sont stigmatisées.
      • Ne pas s’attarder aux étiquettes.
  • Ne pas simplement conclure que les mesures d’adaptation causeront un préjudice injustifié.
    • Suivre le même processus que pour les autres employés atteints d’autres types de handicap.
    • Évaluer, à l’aide de preuves tangibles, les risques pour la santé et la sécurité une fois que les mesures d’adaptation auront été prises.
    • S’assurer que des décisions ne reposent pas sur le stéréotype selon lequel les personnes souffrant de maladies mentales sont dangereuses et violentes.
  • Examiner la question dans son ensemble.
    • Tenter de comprendre les obstacles, comme le racisme systémique, auxquels un employé est confronté et dont l’effet est aggravé par une maladie mentale.
    • Se renseigner sur les ressources et les soutiens communautaires.
  • Travailler en équipe pour appuyer l’employé.
    • S’informer au sujet du propre réseau de soutien de l’employé, particulièrement lorsque ce dernier n’est pas en mesure de participer entièrement à la planification des adaptations.
    • Démontrer sa volonté de travailler en équipe avec l’employé afin de trouver des solutions créatrices pour répondre à ses besoins d’adaptation.

iii) Accessibilité aux services de santé mentale appropriés :

Les employés atteints de handicaps mentaux ont le droit de demander et d’obtenir des services de santé mentale personnalisés. En raison d’évaluations biaisées et non éclairées, on peut interpréter un comportement jugé approprié dans une certaine culture comme un signe de maladie mentale. Par exemple, on pourrait penser que le fait qu’un employé hésite à répondre aux demandes de renseignements personnels constitue un symptôme d’une maladie mentale comme la paranoïa alors qu’en réalité, sa prudence provient d’un traumatisme subi dans son lieu d’origine.

Cependant, la réalité est que les fournisseurs de services et les professionnels de la santé sont susceptibles de ne pas être assez nombreux dans la région pour aider les personnes ayant un handicap mental dans des langues autres que l’anglais et le français. Cette situation peut empêcher un employé d’obtenir un diagnostic et un traitement fiables de façon opportune. Dans un tel cas, l’employeur doit tenir compte des démarches que fait l’employé pour obtenir des services convenables avant de conclure qu’il ne participe pas au processus d’adaptation.

Exemple : Un employeur demande à un employé atteint d’une maladie mentale de subir un examen médical pour déterminer en quoi consistent ses besoins d’adaptation. L’employé, un résident permanent venu du Sri Lanka, a du mal à trouver un médecin, un psychiatre ou un psychologue pouvant l’évaluer dans sa langue maternelle. Pendant que l’employé est inscrit sur une liste d’attente afin d’obtenir un tel service, l’employeur prend des mesures d’adaptation provisoires en se fondant sur l’information que lui fournit l’employé même et un organisme communautaire qui lui vient en aide. L’employeur diminue le stress qu’éprouve l’employé en lui confirmant qu’il a droit à une évaluation adaptée culturellement et qu’il attendra qu’il l’obtienne.

iv) Comment favoriser la réintégration au travail d’un employé à la fin d’un congé d’invalidité pour des motifs de santé mentale :

Selon Mental Health Works, la réintégration efficace d’un employé aux prises avec une maladie mentale repose sur les trois exigences fondamentales suivantes:[71]

  1. La présence de l’employé et l’exécution de ses tâches sur le lieu de travail ne doivent pas créer de risques pour la personne même ni pour ses collègues.
  2. L’employé doit être en mesure d’exercer ses fonctions avec le niveau de compétente voulu à l’aide d’adaptations appropriées.
  3. Le milieu de travail doit être accueillant et l’employé doit y être à l’abri de tout harcèlement et de toutes autres pressions susceptibles de retarder son rétablissement.

Pour déterminer quelles sont les mesures d’adaptation qui s’imposent, Mental Health Works recommande à l’employeur de tenir compte des exigences du poste et des progrès de l’employé, dont les facteurs suivants :

  1. les symptômes que l’employé manifeste et leur gravité,
  2. l’efficacité du traitement,
  3. la résistante de l’employé,
  4. l’aptitude de l’employé à prévenir une rechute (en repérant et en évitant les situations qui les provoquent),
  5. l’acuité mentale et l’endurance qu’exigent les fonctions de l’employé.

Comme c’est le cas pour les adaptations nécessaires à d’autres formes de handicap, on s’attend à ce que l’employeur consulte d’abord l’employé et éventuellement ses médecins et les organismes communautaires qui lui viennent en aide. Pour obtenir des conseils plus pratiques sur la réintégration dans le lieu de travail d’un employé à la fin d’un congé d’invalidité pour des motifs de santé mentale, consulter le site Mental Health Works à : http://www.mentalhealthworks.ca/.

v) Adhésion au traitement médical :

Pour bien fonctionner au travail, l’employé doit adhérer au traitement médical qui lui est prescrit. L’employeur doit toutefois se garder d’agir simplement parce qu’il présume qu’un employé n’y adhère pas ou qu’il ne répond peut-être pas bien aux traitements réservés aux maladies mentales.

Exemple : Une employée fournit à son employeur une note de son médecin précisant qu’elle est schizophrène. Le médecin y affirme qu’elle ne requiert aucune adaptation vu que son traitement médical a été efficace à ce jour. L’employeur avait soupçonné que l’employée souffrait de dépression, mais il est stupéfait d’apprendre le diagnostic (l’employeur n’est normalement pas autorisé à connaître le diagnostic). Il décide que l’entreprise ne peut courir le risque que la personne ne prenne pas ses médicaments et la licencie. Cette décision est susceptible d’avoir des répercussions pour l’employeur puisqu’il n’avait aucune raison valable de croire que l’employée ne prendrait pas ses médicaments et qu’il n’avait aucun renseignement pouvant motiver un licenciement fondé sur des risques pour la santé et la sécurité.

Exemple : Un employeur se rend compte que le rendement d’un employé diminue. Il lui écrit une lettre dans laquelle il lui dit que, selon toute apparence, il ne prend pas ses médicaments et qu’il ne doit pas se présenter au travail avant d’être apte à travailler. Dans cet exemple, l’employeur a failli à son obligation de prendre des mesures d’adaptation.

Exemple : Un employeur se rend compte que le rendement d’un employé diminue. Il s’entretient avec la personne et, avec son consentement, communique avec son médecin pour lui demander quelles sont les mesures d’adaptation à prendre tant à court qu’à long terme. L’employeur est sur la bonne voie!

vi) Mesures pour vaincre la stigmatisation et le harcèlement :

On s’attend aussi à ce que l’employeur prenne des moyens pour que les stigmates associés aux maladies mentales n’entraînent pas d’infractions aux droits de la personne. Par exemple, l’attitude discriminatoire des autres employés ne doit pas nuire au succès des mesures d’adaptation visant un employé atteint d’un handicap mental ni se traduire par du harcèlement ou un « climat malsain » dans le milieu de travail. Consulter aussi la section IV-12a(iv) – « Harcèlement psychologique et intimidation en milieu de travail ».

Exemple : Pour accommoder une employée atteinte d’un handicap mental, l’employeur combine des tâches et crée un nouveau poste au sein d’une autre unité. Les autres membres du personnel de ce service ont entendu dire que cette personne souffre de maladie mentale et signalent qu’ils craignent de travailler avec elle. L’employeur ne renonce pas à la mise en œuvre des mesures d’adaptation les plus appropriées en raison des attitudes stéréotypées et des craintes discriminatoires initiales des autres employés. Il fournit à ces derniers une formation concernant l’obligation d’adaptation et les protections prévues au Code contre le harcèlement et la création d’un « climat malsain » en milieu de travail. Il veille à dissiper toutes les autres préoccupations qui persistent tout en assurant la confidentialité des renseignements personnels de la personne handicapée. Il énonce clairement que tout autre commentaire ou comportement discriminatoire est susceptible d’entraîner des mesures disciplinaires et il surveille la situation de près.

vii) Évaluation objective des risques présumés pour la santé et la sécurité :

Lorsque des employés prétendent qu’un collègue atteint d’un handicap mental représente un risque pour la santé et la sécurité, l’employeur doit d’abord s’assurer qu’il est en mesure d’apporter des adaptations sans subir un préjudice injustifié. Il doit aussi avoir des preuves tangibles que la présence de l’employé en question créera véritablement un risque pour la santé et la sécurité même s’il prend de telles mesures. Il ne doit pas simplement présumer que ce risque est réel d’après le stéréotype voulant que les personnes souffrant d’un handicap mental soient dangereuses et violentes. Sans la confirmation d’un médecin ou d’autres spécialistes, l’employeur aurait du mal à démontrer que des mesures d’adaptation ne permettront pas de réduire le risque. Lorsqu’il évalue le risque à l’aide de preuves médicales, l’employeur ne doit pas automatiquement en tirer des conclusions basées sur le diagnostic, s’il est révélé.

viii) Gestion du rendement d’un employé que l’employeur soupçonne d’être atteint de troubles mentaux :

Un employé atteint de troubles ou d’un handicap mental peut avoir un bon rendement au travail lorsqu’il bénéficie d’un appui et de mesures d’adaptation appropriés. Bien que l’employeur puisse gérer le rendement de ses employés, il a tout avantage à le faire d’une manière à favoriser l’estime de soi et le bien-être. Voici l’approche coopérative que propose Mental Health Works pour accompagner un employé en détresse:[72]

  • reconnaître les points forts de l’employé dont l’équipe et le milieu de travail tire profit ce qui donne le ton aux échanges sur le rendement,
  • expliquer clairement la baisse de rendement et ses incidences sur l’entreprise pour que l’employé sache à quoi on s’attend de lui,
  • établir des buts, des objectifs et des échéances en collaboration avec l’employé,
  • effectuer des contrôles réguliers et évaluer les progrès accomplis, y compris en demandant à l’employé de s’auto évaluer, et lui expliquer clairement les conséquences de tout problème de rendement non réglé,
  • reconnaître les progrès, encourager l’employé lorsqu’il atteint ses objectifs et le tenir responsable de leur non-respect,
  • déterminer, en collaboration avec l’employé, quelles seront les prochaines mesures à prendre s’il n’a pas atteint ses buts.

L’employeur dont un employé est susceptible d’être atteint d’une maladie mentale doit d’assurer que la personne comprend les solutions possibles et les conséquences de ses décisions, en particulier en ce qui a trait aux mises à pied et au licenciement. L’employeur doit aussi se garder de précipiter le licenciement en ne tenant compte que des renseignements médicaux sans avoir d’abord examiné les autres possibilités d’adaptation.

Exemple : Comme un employé se comporte étrangement, l’employeur lui demande de subir un examen médical. Selon le médecin, la personne éprouve des épisodes psychotiques. En se basant sur ces seuls renseignements, l’employeur prévient d’autres membres du personnel d’être aux aguets et donne à l’employé en question un préavis de licenciement précisant que sa présence sur les lieux de travail crée des risques de santé et de sécurité. L’employeur n’a pas évalué l’importance de tous les risques éventuels et n’a pas offert à l’employé visé d’examiner les possibilités d’adaptation. On peut penser qu’il a créé ainsi un « climat malsain ».

ix) Autre source de renseignements utile pour les employeurs dans les cas de santé mentale :

De l’avis de la Commission, les cas de santé mentale donnent davantage de mal aux employeurs en matière d’adaptation du lieu de travail que toute autre besoin prévu par le Code. La Commission recommande aux employeurs qui soupçonnent ou savent qu’un employé est atteint d’une maladie mentale mais qui ne sont pas certains de la façon de procéder pour répondre à ses besoins d’adaptation de consulter le site Web de Mental Health Works à : www.mentalhealthworks.ca/.

Le mandat de Mental Health Works est d’aider les entreprises à gérer leur obligation de prendre des mesures d’adaptation sur les lieux de travail à l’intention des employés atteints de handicaps mentaux comme la dépression ou l’anxiété. Il offre aux entreprises des services, y compris des ateliers et des présentations, et son site Web constitue une excellente source de renseignements que les employeurs peuvent consulter afin de prévenir les problèmes reliés à la santé mentale et de soutenir les employés qui souffrent d’une maladie mentale. Les employeurs y trouveront des conseils sur la façon de discuter de problèmes de rendement avec des employés qu’ils soupçonnent d’être atteints d’une maladie mentale, des mesures d’adaptation à l’intention des employés ayant un tel handicap et des moyens de réintégrer avec succès des personnes de retour d’un congé pour des troubles de santé mentale. Le site renferme aussi un outil d’auto évaluation permettant d’établir son profil de bien être émotionnel (voir « emotional wellness survey »), des feuilles d’information sur la santé mentale et des renseignements à l’intention des employés.

n) Hypersensibilité environnementale et allergies aux noix

Les mesures d’adaptation à l’intention des employés souffrant d’hypersensibilité environnementale ou d’allergies graves, comme les allergies aux noix, constituent un nouvel enjeu sur de nombreux lieux de travail. La Commission a affirmé dans le passé que ces dernières constituaient des handicaps. Par exemple, si un employé atteint d’asthme et d’hypersensibilité environnementale ou d’allergies graves était désavantagé en milieu de travail, elle serait une personne handicapée au sens du Code. Les employeurs peuvent donc être tenus de prendre des mesures d’adaptation qui tiennent compte des besoins d’une telle personne.

Entre autres, ils pourraient avoir à limiter dans la mesure du possible les risques d’exposition aux produits courants qui déclenchent l’asthme ou des allergies. Par exemple, l’employeur pourrait créer une politique pour un lieu de travail « sensible aux parfums » ou « sans parfums » ou « sans arachides ». Selon le lieu de travail et de la situation particulière des personnes visées, il peut exister d’autres solutions d’adaptation. Pour être jugées appropriées, les mesures d’adaptation doivent respecter la dignité des personnes handicapées, tenir compte de leurs besoins particuliers et favoriser leur intégration et leur inclusion. La Commission canadienne des droits de la personne a récemment affiché des renseignements relatifs à l’hypersensibilité environnementale sur son site Web, situé à : www.chrc-ccdp.ca/.

o) Troubles d’apprentissage

D’après la Learning Disabilities Association of Ontario (LDAO), au moins 10 p. cent des Ontariens auraient des troubles d’apprentissage. Ces difficultés constituent un handicap non apparent qui influe sur la façon dont une personne traite l’information. En milieu de travail, elles peuvent donc nuire aux aptitudes visuelles, auditives et organisationnelles de l’employé. Il existe toute une gamme de mesures d’adaptation qui peuvent aider les personnes atteintes de tels troubles à participer pleinement en milieu de travail.

Voici ce que recommande la LDAO:[73]

  • fournir des documents écrits ou un enregistrement sur bande magnétique aux personnes qui ont du mal à traiter l’information verbale,
  • attribuer plus de temps et des logiciels sonores aux employés qui ont des troubles d’écriture,
  • diviser les tâches en plus petites parties et encadrer les délais d’exécution pour les personnes qui manquent de sens de l’organisation.

Les coordonnées de la LDAO sont présentées dans la Liste des ressources, à l’annexe C.


[60] Commission ontarienne des droits de la personne, Conclusion d’une entente en matière de droits de la personne avec la société des loteries et des jeux de l’Ontario relativement à la mise en place d’une politique à l’égard des personnes handicapées, accessible en ligne à : http://www.ohrc.on.ca/fr/resources/news/olg_settlement.
[61] Keays, supra, note 52.
[62] Ibid.
[63] Ibid.
[64] Weyerhaeuser c. Ontario Human Rights Commission, [2007] O.J. No. 640 (Div. Ct.), demande d’appel refusée (21 août 2007) (non rapporté, dossier M34351 de la Cour d’appel).
[65] Imperial Oil v. Communications, Energy and Paperworkers Union of Canada, Local 900 [2006] O.L.A.A. No. 721 (selon l’arbitre Picher).
[66] Entrop, supra, note 6.
[67] Ibid.
[68] Voir, par exemple : Keays, supra, note 52.
[69] Voir, par exemple : Mental Health Works, Cubicle bullies: Mobbing at Work, accessible en ligne à : www.mentalhealthworks.ca/articles/mobbing_at_work.asp.
[70] Lane v.ADGA, 2007 HRTO 34 (CanLII) (Lane). Au moment de la parution, cette décision avait été portée en appel.
[71] Mental Health Works, “Accommodations“, accessible en ligne à : www.mentalhealthworks.ca/employers/faq/question11.asp.
[72] Mental Health Works, “Coaching Distressed Employees”, accessible en ligne à : www.mentalhealthworks.ca/articles/coaching_distressed_employees.asp.
[73] Pour d’autres renseignements, voir : Learning Disabilities Association of Ontario and Ministry of Citizenship and Immigration, Learning Disabilities on the Job! (brochure) (Queen’s Printer for Ontario, 2004), accessible en ligne à : www.ldao.ca/what_helps/helping_at_work.php.

10. Formation, promotions et avancement

a) Formation et mentorat

Les employeurs ont intérêt à ce que tous les membres du personnel soient motivés à apprendre, à améliorer leurs aptitudes et à contribuer pleinement au succès de l’entreprise. Le fait de ne pas assurer une égalité d’accès à la formation et aux autres possibilités d’apprentissage peut être lourd de conséquences. Non seulement l’employeur est susceptible d’avoir à prendre des redressements en vertu du Code mais, avec le temps, les employés visés accusent de plus en plus de retard et sont susceptibles d’être moins aptes à progresser dans la hiérarchie que leurs collègues qui ont pu profiter de ces occasions.

Exemple : Un employeur estime qu’une employée âgée aurait trop de difficulté à suivre une formation et que, de toute façon, elle est « sur la voie de garage », en attente de la retraite. L’employeur ne lui offre pas de perfectionnement et évalue son rendement sans bien définir ses points forts et les points sur lesquels elle pourrait s’améliorer. Par conséquent, l’employée ne peut mettre à jour ses compétences, ne peut améliorer ses points faibles. Elle est moins motivée dans son travail parce qu’elle sent qu’elle n’est pas appréciée à sa juste valeur, qu’on ne s’attend pas à un bon rendement de sa part et que sa contribution ne sera jamais reconnue.

D’après le Code, toute personne a droit à l’égalité d’accès aux possibilités de formation interne et externe qu’un employeur offre à son personnel. Cela signifie donc que l’employeur doit prendre toutes les décisions relatives à la participation aux activités de formation sans faire preuve de discrimination.

Exemple : Un employé dévoile à son supérieur qu’il se travestit. L’employeur lui signale par la suite qu’il ne sera plus admissible à une promotion ou à une formation professionnelle parce que les clients et ses collègues seront mal à l’aise avec lui.

L’employeur qui laisse aux membres de la direction le pouvoir discrétionnaire de décider quelles sont les personnes admissibles à une formation s’expose à une plainte pour atteinte aux droits de la personne si un employé estime être exclu des possibilités offertes pour un motif de discrimination prévu au Code. L’employeur peut s’éviter de tels problèmes en autorisant tous les employés à participer à une activité de formation une fois par an, à condition que celle-ci soit prévue dans leurs objectifs de rendement et que le coût ne dépasse pas un montant établi au préalable.

Les possibilités de formation qui ne s’adressent qu’aux employés occupant des postes de niveau supérieur peuvent se traduire par l’exclusion des personnes racialisées, des femmes et des jeunes personnes dont la plupart sont susceptibles d’occuper des postes de bas niveau. Dans d’autres cas, la formation destinée aux employés occupant un poste de niveau inférieur peut être axée sur les compétences associées aux fonctions actuelles, tandis que la formation offerte aux employés de haut niveau peut servir à les préparer en vue d’une promotion. Une pratique exemplaire à adopter pour les employeurs est d’offrir une formation appropriée à tous les membres du personnel. La formation doit viser tant le perfectionnement des compétences nécessaires au poste actuellement occupé que la préparation en vue de l’affectation à un autre poste ou de la promotion à un poste de niveau supérieur.

Le fait de mettre les employés au courant des possibilités de formation de manière informelle (par exemple, par bouche à oreille ou en confiant la sélection aux superviseurs) peut être discriminatoire. L’employeur doit veiller à l’égalité d’accès aux renseignements sur les possibilités de formation. Ces renseignements doivent être transmis à tous les intéressés par des moyens formels, notamment par courriel, note de service et affichage sur les babillards. L’employeur doit permettre la participation volontaire aux séances de formation ou inciter tous les employés à profiter de l’ensemble des activités offertes sans limiter leur choix à certaines d’entre elles (à moins qu’il ne s’agisse d’un programme spécial). Pour ce faire, l’employeur doit se servir de directives équitables, objectives et claires.

L’absence de programmes de mentorat appropriés représente aussi un important obstacle à la formation et au perfectionnement en cours d’emploi de nombreuses personnes visées par le Code. Les initiatives informelles qui encouragent les gestionnaires à prendre certains employés « sous leur aile » peuvent exclure les personnes racialisées. Les programmes formels peuvent permettre de s’assurer que le mentorat est accessible à tous et de faire en sorte que d’autres personnes puissent servir de modèle.

b) Possibilités d’avancement

Les études portant sur l’équité en matière d’emploi révèlent sans cesse qu’au sein des entreprises, les personnes racialisées, les femmes et les personnes handicapées continuent d’occuper principalement des postes de niveau inférieur et que la mobilité ascendante demeure difficile. Il est important que les entreprises sachent dans quelle mesure les processus de promotion et d’avancement peuvent entraver le cheminement de carrière de leurs employés. Les principes, obstacles et pratiques exemplaires dont traite la section IV-5 « Entrevues et décisions d’embauche » sont également applicables aux possibilités de promotion et d’avancement offertes aux candidats à l’interne.

La présente section fait ressortir les facteurs à prendre en compte lorsque les employés ont l’occasion d’être promus à un poste supérieur dans la hiérarchie de l’entreprise. Selon les dispositions du Code, tous les membres du personnel ont droit à un accès égal à l’avancement. C’est donc dire que les décisions concernant les affectations intérimaires, les détachements ou les promotions doivent reposer sur des mesures tangibles du rendement ou des aptitudes et non pas sur des évaluations subjectives basées sur des stéréotypes ou sur des allégations injustifiées liées à un motif interdit par le Code.

Exemple : Une entreprise s’inquiétait du vieillissement de son personnel et du fait que de nombreux gestionnaires prendraient leur retraite au cours des 15 années qui suivraient. On y a donc modifié les pratiques de recrutement pour tenir compte des « besoins à long terme en spécialistes des services ». Selon les résultats d’un calcul statistique de la répartition des employés selon l’âge effectué après une période de recrutement, la plupart des employés étaient âgés de moins de 40 ans et la vaste majorité des recrues, de moins de 30 ans. Le tribunal a conclu que l’entreprise avait pris des mesures pour recruter des personnes plus jeunes et qu’elle n’avait pas offert au plaignant, qui était âgé de 43 ans et travaillait pour l’entreprise depuis sept ans, une promotion à un poste particulier parce que, entre autres raisons, son profil ne correspondait pas à celui des candidats que l’entreprise entendait embaucher pour ce poste.

Les pratiques d’avancement suivantes soulèvent des préoccupations en matière de droits de la personne et peuvent exclure des personnes protégées par le Code :

  • les postes intérimaires sont attribués de manière informelle et servent de tremplins en vue d’une future promotion;
  • bien qu’il existe un processus formel d’attribution de postes intérimaires, les employés ne sont pas tous au courant des affectations possibles;
  • la direction repère les personnes « aptes à être promues » et leur demande de poser leur candidature à des postes de niveaux plus élevés;
  • un gestionnaire aide un employé favori à se préparer en vue d’un processus de sélection.

La pratique exemplaire consiste à attribuer les postes intérimaires par le truchement d’un processus formel qui prévoit la transmission de l’information sur les possibilités offertes à tous les membres du personnel admissibles et le recours à un processus de sélection bien défini qui repose sur des critères objectifs comme une épreuve écrite, une entrevue formelle et les évaluations de rendement écrites. Il n’est pas recommandé d’encourager certaines personnes seulement à poser leur candidature à moins que les postes en question fassent partie intégrante d’un programme spécial ou d’un programme de mentorat visant à enrayer les préjudices passés. Il faut également s’assurer que toute aide, comme les entrevues simulées ou les documents de référence de base, est accessible également à tous les candidats et tient compte de tous les besoins d’adaptation et des programmes spéciaux susceptibles d’exister.

11. Gestion du rendement et des mesures disciplinaires

La Commission reconnaît le droit des employeurs de gérer leur personnel et, au besoin, de prendre des mesures disciplinaires. À cet égard, la pratique exemplaire consiste à employer une méthode de gestion progressive du rendement, uniforme et documentée, qui tient compte des besoins d’adaptation des employés.

a) Évaluation et gestion du rendement

Il est dans le meilleur intérêt d’une entreprise de se conformer à de saines pratiques en matière de ressources humaines comme la réalisation d’évaluations de rendement sur une base régulière et l’adoption d’une méthode documentée de gestion progressive du rendement de tous les employés.

i) Évaluations de rendement :

Les évaluations de rendement constituent un outil permettant aux employés de savoir s’ils répondent aux attentes et qui leur offre une possibilité de s’améliorer. Ces appréciations doivent être effectuées de façon régulière, uniforme et équitable. Le processus et la fréquence d’évaluation doivent être clairement établis pour que tous les supérieurs immédiats, les superviseurs et les membres du personnel sachent à quoi s’attendre. Une telle mesure bénéficie tant à l’employeur qu’à l’employé.

Les employeurs qui n’ont pas adopté de saines méthodes d’évaluation de rendement ou ne se conforment pas aux pratiques normales en la matière s’exposent à des allégations de discrimination au sein de leur entreprise.

Exemple : Un employeur effectue rarement des évaluations de rendement et est plutôt laxiste à l’égard de la gestion du rendement – ayant le plus souvent recours à des avertissements verbaux non documentés. Un employé racialisé signale qu’il craint faire l’objet d’un traitement discriminatoire. Peu après, son superviseur commence l’évaluation de rendement des membres du personnel. On demande à l’employé de rencontrer son superviseur tous les mois pour discuter de son rendement. Bien qu’objectivement, sa performance ne laisse pas plus à désirer qu’auparavant et ne diffère pas de celui de ses collègues, son dossier personnel se remplit brusquement de rapports faisant état de problèmes à cet égard. Il reçoit enfin une lettre l’avisant qu’il est licencié parce que ses rapports d’évaluation ont été insatisfaisants au cours des six derniers mois. L’employé allègue qu’il s’agit d’une mesure de représailles. En dépit de l’existence d’une « trace écrite », on surveillera de près les actes de l’employeur si jamais une plainte pour atteinte aux droits de la personne est déposée contre lui.

Certains processus d’évaluation de rendement peuvent avoir des effets préjudiciables sur les personnes des groupes visés par le Code. Par exemple, on peut demander à un employé de faire son auto évaluation, puis de discuter des résultats avec son patron, Une telle situation peut être préjudiciable aux personnes racialisées, aux nouveaux employés, aux personnes âgées, aux femmes ou aux personnes handicapées qui peuvent avoir subi une discrimination ou une ségrégation culturelle qui les rendent moins aptes à « se faire valoir ».

ii) Application progressive de mesures disciplinaires :

Une pratique exemplaire que peut adopter une entreprise est d’établir des politiques claires relativement aux mesures disciplinaires et à leurs résultats. L’employeur doit prévoir des avertissements verbaux et écrits et, comme dernier recours, le licenciement, en s’assurant de l’objectivité des critères d’évaluation. Les sanctions prises dans une situation donnée doivent respecter les politiques établies et les pratiques de l’entreprise en matière de mesures disciplinaires.

Exemple : On accorde moins de temps à une employée enceinte, dont le rendement n’a pas fait l’objet d’une évaluation écrite, pour atteindre ses objectifs de rendement qu’aux autres employés. L’employée est rétrogradée avant de prendre son congé de maternité. On pourrait juger qu’il s’agit d’un traitement discriminatoire fondé sur le sexe.

b) Principes des mesures disciplinaires non discriminatoires

Les employeurs doivent veiller à ce que la gestion du rendement et les autres formes de mesures disciplinaires n’entraînent pas de traitements discriminatoires fondés sur des stéréotypes ou des critères interdits par le Code. Par exemple, un employeur est susceptible d’enfreindre le Code s’il n’offre pas à un employé âgé des possibilités de s’améliorer aux moyens d’évaluations de rendement parce qu’il estime que le rendement est lié à l’âge ou s’il surveille un employé de plus près pour des motifs de discrimination interdits par le Code comme le sexe ou l’orientation sexuelle.

De même, les mesures disciplinaires ne doivent pas être liées à des évaluations ou à des critères discriminatoires.

Exemple : On remet à une jeune femme occupant un poste de gestionnaire de compte un avertissement écrit, et on refuse de lui verser une prime parce que son rendement est inférieur à celui de ses collègues. Le fait qu’on ne lui ait attribué que des comptes personnels et non pas de comptes d’entreprise pour lesquels les commissions sont nettement plus élevées a contribué à cette situation. L’employeur ne lui a pas confié de tels dossiers parce qu’il estime qu’elle n’inspirerait pas autant confiance aux clients, dont plusieurs l’appellent « la jeune femme », que ses collègues masculins plus âgés. L’employée pourrait déposer une plainte invoquant la discrimination fondée sur l’âge et le sexe.

L’employeur doit imposer des sanctions semblables aux employés ayant des problèmes de rendement similaires. Les plaintes pour atteinte aux droits de la personne déposées devant les tribunaux et les commissions d’enquête portent souvent sur des situations où des personnes identifiées par un motif illicite de discrimination prévu au Code ont, dans le passé, été traitées plus sévèrement, assujetties à des sanctions ou licenciées dans des circonstances où des employés qui n’étaient pas ainsi identifiés n’ont fait l’objet d’aucune mesure disciplinaire ou ont simplement reçu un avertissement verbal.

Exemple : M. Blondin, un employé de race blanche, est sans cesse en retard au travail, mais son superviseur ne lui a jamais donné d’avertissement à ce sujet. Un de ses collègues d’ascendance chinoise, M. Lyn, a reçu une lettre d’avertissement du même superviseur dès son deuxième retard. M. Lyn pourrait à juste titre se demander si le superviseur ne fait pas de discrimination, étant donné que M. Blondin n’a jamais reçu de lettre similaire.

c) Déterminer si les motifs des mesures disciplinaires ou du licenciement sont liés à un handicap

Avant de licencier un employé ou de lui imposer des sanctions en raison d’un « comportement inacceptable », l’employeur doit se demander si ce comportement n’est pas attribuable à un handicap, surtout lorsqu’il sait ou soupçonne que l’employé possède un tel handicap. Un changement marqué dans le comportement d’un employé peut signaler à l’employeur que la situation mérite d’être examinée de plus près. Une gestion progressive du rendement, l’imposition graduelle de mesures disciplinaires et des renvois aux programmes d’aide aux employés s’imposent avant que l’employeur n’envisage des sanctions ou un licenciement.

Comme tout autre handicap, la maladie mentale doit faire l’objet de mesures d’adaptation en milieu de travail. Une récente décision du Tribunal des droits de la personne de l’Ontario a confirmé qu’un employeur peut être convaincu de discrimination s’il ne prend pas les mesures d’adaptation nécessaires pour tenir compte des besoins d’un employé atteint d’une maladie mentale comme une maladie bipolaire. L’employeur est tenu de déterminer quelles sont les adaptations requises et de prendre les mesures qui s’imposent avant de prendre pour acquis qu’un employé est incapable de satisfaire aux obligations essentielles d’un poste.[74] D’importants redressements peuvent être imposés aux employeurs qui contreviennent à ces obligations. Consulter aussi la section IV-13b(i) – « Licenciement d’un employé en période probatoire » et la section IV-9m (viii) – « Gestion du rendement d’un employé que l’employeur soupçonne d’être atteint de troubles mentaux ».

Dans certains cas, l’employeur peut être tenu d’accorder une attention particulière aux situations pouvant être reliées à un handicap mental. Même si un employeur n’a pas été formellement avisé de l’existence d’un tel handicap mental, la perception d’un tel handicap déclenche les mécanismes de protection prévus par le Code. Les employeurs prudents essayeront d’offrir aide et soutien aux employés avant de leur imposer des sanctions graves. On doit se rappeler que certaines maladies mentales peuvent rendre un employé incapable d’identifier ses propres besoins.

Exemple : Jean souffre d’anxiété et de dépression grave, dont il a choisi de ne pas révéler l’existence à son employeur. En effet, il s’inquiète de la façon dont on se comporterait avec lui au travail, si on venait à savoir qu’il a un handicap mental. Par suite d’une crise qui survient au travail, il s’absente durant plusieurs jours. Cette situation préoccupe l’employeur de Jean qui reconnaît qu’il est encore trop tôt pour songer à le congédier pour défaut de se présenter au travail. Une fois que Jean reçoit un traitement et que la situation s’est stabilisée, l’employeur lui donne l’occasion de s’expliquer. En apprenant l’existence d’un problème d’ordre médical, il offre de l’aide et propose des mesures d’adaptation.

d) Programmes et politiques en matière de gestion de l’absentéisme

Les employeurs doivent faire en sorte que les politiques en matière d’absentéisme ou les programmes de gestion de l’assiduité qui existent ou sont envisagés n’auront pas d’effets discriminatoires sur les personnes visées par le Code. Ils doivent mettre en œuvre ces politiques et programmes de manière à respecter leurs obligations de prendre des mesures d’adaptation, y compris de réaliser des évaluations particulières, dans la mesure où cela ne leur cause aucun préjudice injustifié.

Une politique ou un programme prévoyant un counselling, des mesures disciplinaires automatiques, l’inscription à un programme punitif de gestion de l’assiduité ou le licenciement au bout d’un certain nombre d’absences est susceptible d’entraîner des plaintes de discrimination fondées sur des motifs comme le handicap, l’état familial, le sexe et la croyance.[75] Par exemple, le fait de soumettre une femme enceinte qui est victime de violence au foyer à des politiques rigides d’absentéisme pourrait aboutir à des mesures disciplinaires qui soulèvent des préoccupations en matière de droits de la personne.

La Commission a entendu dire que bon nombre d’employeurs mettent en oeuvre des politiques énonçant que tout employé qui prend plus de six jours de congé de maladie dans une année sera inscrit à un programme de gestion de l’assiduité et fera l’objet de mesures de gestion du rendement dont les conséquences peuvent aller jusqu’au licenciement. L’application rigide de ce genre de politique suscite des enjeux en ce qui a trait aux droits de la personne. Il serait discriminatoire d’appliquer cette politique également à tous les employés, y compris à ceux dont les absences sont associées à des motifs prévus au Code.

Exemple : Un employeur a adopté une politique de gestion de l’absentéisme qui repose sur le nombre moyen de congés de maladie que prennent les employés. Les employés dont les congés de maladie dépassent ce nombre font l’objet de mesures disciplinaires, comme des entretiens avec leur supérieur, des avertissements et des demandes de renseignements médicaux détaillés. De telles mesures sont prises à l’égard d’une employée atteinte d’un handicap qui a fourni des notes de son médecin justifiant chacun de ses congés, mais dont le handicap n’a pas été retenu comme facteur atténuant. On pourrait conclure que cette politique est discriminatoire, et le recours à des demandes de renseignements médicaux en guise de mesure disciplinaire pourrait constituer du harcèlement.

Bien que l’employeur ait le droit de compter sur la présence des employés au travail, il est toutefois tenu de prendre les mesures d’adaptation nécessaires à la mise en œuvre de sa politique d’absentéisme, lesquelles englobent la réalisation d’évaluations particulières. La jurisprudence reconnaît qu’il est discriminatoire pour un employeur de prendre en compte les absences liés à un handicap lorsqu’il licencie une personne parce qu’elle s’absente trop souvent du travail.

Exemple : Sur un total de neuf années de service, une employée manque 365 jours de travail pour divers motifs de santé. L’employeur adopte une nouvelle politique de gestion de l’assiduité exigeant que les personnes se rangeant parmi les 25 p. cent des employés ayant pris le plus de jours de congé soient interrogées sur leur taux d’absentéisme. L’employeur s’entretient avec l’employée et lui demande de fournir un certificat médical. L’employée le lui remet, mais elle continue de s’absenter pendant le mois qui suit et est finalement congédiée parce que l’employeur estime que son assiduité est peu susceptible de s’améliorer dans le futur. Un tribunal conclut que ce motif de licenciement est discriminatoire, car l’employeur n’a pas tenu compte du fait que bon nombre des congés qu’a pris l’employée étaient liés à son handicap.

Par ailleurs, une règle prévoyant que les employés doivent obtenir une note de leur médecin pour justifier chacune de leurs absences sous peine de subir des sanctions peut avoir des répercussions démesurées sur les personnes handicapées. Puisqu’une politique qui exclut l’évaluation individualisée des besoins d’adaptation et la prise des mesures nécessaires en ce sens est déficiente, l’employeur s’expose à une plainte pour atteinte aux droits de la personne.

Les politiques créant des incitatifs comme des récompenses pécuniaires ou des primes peuvent désavantager les personnes devant s’absenter du travail pour des besoins d’adaptation liés à un motif de discrimination interdit par le Code.

L’employeur n’est pas tenu de retenir indéfiniment les employés qui sont dans l’incapacité de travailler en permanence ou dont le dossier révèle un nombre excessif d’absences non associées aux motifs cités par le Code. Il ne doit toutefois pas discipliner ou licencier un employé en raison du nombre de congés qu’il a pris dans le passé pour des raisons prévues par le Code ou parce que ces absences sont peu susceptibles de diminuer dans le futur sans d’abord avoir satisfait à son obligation d’adaptation, sous réserve d’un préjudice injustifié.

Même si le taux d’absentéisme passé d’un employé est élevé, ce qui importe pour l’employeur est le fait de savoir si ses absences futures pour des motifs reconnus par le Code seront telles qu’il pourra prendre les mesures d’adaptation nécessaires sans que cela lui impose un préjudice injustifié. Cette décision fait appel au jugement de l’employeur et devra reposer sur une évaluation personnalisée objective de trois facteurs : les coûts, les sources de financement extérieures et les risques pour la santé et la sécurité. Les employeurs concluent souvent trop rapidement que les mesures d’adaptation nécessaires pour tenir compte des absences pour des motifs cités par le Code leur feraient subir un préjudice injustifiable.

Exemple : Pendant ses neuf années de service, un employé s’est absenté du travail pour des raisons liées à son handicap durant 300 journées complètes et de nombreuses parties de journées. Dans ce cas, le licenciement de la personne a été jugé discriminatoire.

Exemple : Les absences d’un employé au cours de ses douze années de service dépassent 160 journées complètes et 30 parties de journées. L’employeur a été en mesure de prouver que le fait de satisfaire à son obligation de prendre des mesures d’adaptation dans le cas de l’employé en question lui causerait un préjudice injustifié, et la validité du licenciement d’un employé en raison de ses absences a été admise.

Pour des renseignements sur la façon de déterminer si une situation crée un préjudice injustifié, consulter la section IV-8d) – « Que faut-il entendre par « préjudice injustifié »? » et l’annexe E – « Modèle de formulaire d’évaluation des besoins d’adaptation ».

i) S’assurer de prendre les mesures d’adaptation nécessaires avant d’exécuter des mesures disciplinaires pour absentéisme :

Avant de prévenir un employé des conséquences d’un « taux d’absentéisme excessif » ou de l’assujettir à des mesures disciplinaires pour ce motif, l’employeur doit, sous réserve d’un préjudice injustifié, avoir pris les mesures d’adaptation nécessaires pour répondre aux besoins liés aux motifs prévus par le Code, lorsque ces besoins sont connus ou devraient l’être. Si l’employeur ne satisfait pas à cette obligation, toute lettre ou discussion laissant entendre à l’employé qu’il pourrait l’assujettir à des mesures disciplinaires est susceptible d’être jugée discriminatoire.

Exemple : Une employée demande à son employeur de se prévaloir de l’horaire souple comme mesure d’adaptation à son état familial. Cela lui permettra de répondre aux besoins particuliers liés à l’âge et à un handicap de sa mère. L’employeur l’en autorise. Au bout de plusieurs mois, l’employeur soupçonne que la personne abuse de ce « privilège », car elle s’absente de plus en plus souvent durant les heures de travail. Il lui envoie une lettre dans laquelle il la prévient qu’elle subira des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au renvoi pour toute absence supplémentaire. L’employeur n’a pas tenté de déterminer si l’employée s’était absentée plus souvent pour des raisons légitimes prévues au Code et n’a manifesté aucune intention de prendre les mesures d’adaptation nécessaires à l’égard de ces absences, sous réserve d’un préjudice injustifié. Une telle démarche ne se conforme pas à l’objet du Code et est donc à éviter.

Pour un employeur se préoccupant des absences d’un employé, une pratique exemplaire consisterait à manifester clairement sa volonté d’accommoder les besoins légitimes prévus au Code de ce dernier, sous réserve d’un préjudice injustifié, et de lui demander les renseignements qu’il lui faut pour y parvenir. Si l’employé ne fournit pas ces renseignements et continue néanmoins de s’absenter, l’employeur pourrait avoir le droit de prendre des mesures disciplinaires appropriées.

Exemple : Le tableau d’absences d’une employée éveille des soupçons chez son employeur. L’employée prend souvent un « congé de maladie » les vendredis, particulièrement au cours de l’été ou avant les fins de semaine suivies d’un jour férié. L’employeur sait que la personne peut avoir des raisons de santé valables ou d’autres motifs que justifie le Code de s’absenter et lui demande si c’est le cas. Il lui précise qu’il accommodera tout besoin visé par le Code. L’employée lui répond qu’elle n’a aucun besoin nécessitant des mesures d’adaptation et lui fournit diverses excuses pour ses absences. Comme elle continue de s’absenter les vendredis, l’employeur la soumet à des mesures disciplinaires progressives. Une telle approche n’est pas susceptible de soulever de préoccupations en raison d’infractions possibles au Code.

L’employeur doit tenir compte du fait qu’un employé puisse être atteint de maladie mentale non diagnostiquée avant de le licencier en raison de ses absences trop fréquentes. Consulter aussi la section IV-9m) –« Maladies mentales en milieu de travail ».

Exemple : Un employé ayant un bon dossier d’assiduité commence brusquement à s’absenter durant des jours entiers ou des parties de journée. Son comportement est nettement déséquilibré lorsque qu’il est présent, et ses collègues ont affirmé ne plus vouloir travailler avec lui. Il n’a fournit aucun renseignement médical à son superviseur et celui-ci ne lui en a pas fait la demande. Le superviseur envoie une lettre à l’employé précisant les dates de ses absences et le prévenant que si celles-ci se poursuivent, il subira des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au renvoi. Dans sa lettre, le superviseur ne manifeste pas sa volonté de prendre les mesures d’adaptation nécessaires pour tenir compte de tout besoin de santé que prévoit le Code, sous réserve d’un préjudice injustifié, et ne lui demande aucun renseignement pertinent pour agir en ce sens. Plus tard, l’employé est licencié par suite de l’augmentation de son taux d’absentéisme. Ce scénario pourrait conduire à une allégation de discrimination.

e) Traitement discriminatoire se traduisant par une baisse de rendement

Les employés faisant l’objet d’un traitement discriminatoire peuvent légitimement s’y opposer – le comportement d’une personne peut constituer une réaction à un tel traitement ou être le fait d’un « climat malsain ». Dans certains cas, les personnes qui s’objectent à un traitement discriminatoire sont assujetties à des mesures disciplinaires ou à d’autre formes de surveillance pour avoir eu des conflits avec leurs collègues ou avec leurs superviseurs.

Lorsqu’un employé affirme que son comportement a été causé par un traitement discriminatoire envers lui ou était lié à un traitement discriminatoire, l’employeur doit enquêter sur les allégations qui sous-tendent cette affirmation. Si l’on estime que le comportement de l’employé peut être une réaction liée à un traitement discriminatoire sur lequel l’entreprise ne s’est pas penchée, on devra en tenir compte pour déterminer les mesures qui s’imposent. La décision d’imposer des sanctions disciplinaires, dont le licenciement, sans avoir examiner les effets d’ un « climat malsain » est susceptible d’être jugée discriminatoire.[76]

f) Prolongation de la période probatoire

La prolongation de la période de probation est un motif couramment invoqué dans les plaintes de discrimination fondée sur la race, le handicap ou d’autres motifs prévus par le Code. L’employeur doit s’assurer qu’aucune considération discriminatoire ne le pousse à prolonger une telle période. Une façon d’éviter que cela se produise est d’établir des critères clairs et objectifs du rendement attendu d’un employé et de l’en informer dès le début de sa période de probation. Une pratique exemplaire serait de fournir une rétroaction à l’employé au cours de cette période afin de lui permettre d’améliorer les points pour lesquels il ne semble pas atteindre les objectifs de rendement fixés.

L’employeur doit être conscient que le fait de prolonger une période de probation peut constituer un indice de discrimination ou une mesure d’adaptation appropriée, selon les circonstances et le contexte. Lorsqu’il envisage une telle prolongation, il doit être certain de se conformer aux principes des droits de la personne et à son obligation d’adaptation.

Exemple : En raison d’une maladie liée à sa grossesse, une employée s’absente du travail pendant un mois au cours de sa période probatoire de trois mois. Contrairement à la pratique normale, sa probation est prolongée de trois mois même si elle ne s’est absentée que durant un mois. Dans ce cas, le fait de ne pas avoir eu recours à la pratique habituelle pourrait être interprété comme un acte de discrimination fondée sur le sexe

Exemple : Un employé atteint d’un handicap s’absente fréquemment du travail. Même s’il ne demande aucune mesure d’adaptation, il est clair que son handicap nuit à l’exécution de ses tâches. L’employeur lui signale qu’il devra quitter son emploi à la fin de sa période probatoire. L’employé lui demande alors de prendre les mesures d’adaptation qui lui sont nécessaires et de prolonger sa période de probation afin de lui permettre de démontrer qu’il peut effectivement remplir ses fonctions. Dans de telles circonstances, l’employeur devrait songer à accorder la prolongation à moins d’être en mesure de démontrer que cela lui causerait un préjudice injustifié.


[74] Lane, supra, note 70.
[75] Voir, par exemple : Keays, supra, note 52.
[76] Voir Naraine c. Ford Motor Co. of Canada (1996), 27 C.H.R.R. D/230, [1996] O.H.R.B.I.D. No. 23 (Ont. Bd. of Inquiry); confirmé (1999), 34 C.H.R.R. D/405, 124 O.A.C. 39 (Ont. Div. Ct.); décision infirmée pour d’autres motifs, [2001] O.J. No. 4937, 41 C.H.R.R. D/349 (Ont. C.A.); demande d’appel refusée [2002] S.C.C.A. No. 69 (Naraine).

 

12. Règlement des problèmes en matière de droits de la personne au travail

Cette section traite des multiples questions pratiques qui se posent à l’employeur pour régler une situation mettant en jeu les droits de la personne en s’appuyant sur les politiques de protection des droits de la personne et les procédures de règlement de plaintes en vigueur. Pour plus d’information sur l’établissement d’une stratégie proactive des droits de la personne destinée à prévenir et à régler les problèmes de discrimination, consulter la section IV-1a) – « Stratégie pour prévenir et régler les problèmes en matière de droits de la personne ».

a) Obligation de l’employeur de mettre fin à la discrimination et de régler le problème

Il incombe à tous les employeurs de régler efficacement, promptement et équitablement les situations qui donnent lieu à des plaintes pour harcèlement et discrimination. Les employeurs doivent à tout le moins prendre les initiatives suivantes pour donner suite aux plaintes de discrimination à l’interne :

  • mettre en place un mécanisme de traitement des plaintes;
  • veiller à ce que le personnel sache ce qui constitue un acte de discrimination;
  • s’attaquer sérieusement au problème une fois que la plainte a été déposée à l’interne;
  • agir promptement (ce qui exige notamment d’enquêter sur la plainte déposée à l’interne);
  • fournir au plaignant un climat de travail sain;
  • informer le plaignant des initiatives qu’ils comptent prendre pour donner suite à la plainte.

i) L’absence de plaintes ne veut pas dire qu’aucun problème n’existe :

Dans certains cas, les employés décident de formuler leurs allégations de harcèlement ou de discrimination aussitôt que les faits se produisent. Il est toutefois plus fréquent, surtout dans les cas de harcèlement sexuel, que les employés choisissent de gérer eux-mêmes la situation au moyen d’une série de stratégies, qui peuvent ou non comprendre le signalement des faits. Les stratégies qu’adoptent les employés en présence de harcèlement et de discrimination peuvent être influencées par divers facteurs : le comportement de la haute direction, l’incertitude quant au type de réaction qu’ils susciteront s’ils soulèvent la question et les solutions qui s’offrent à eux s’ils perdent leur emploi parce qu’ils ont remis en cause l’ordre établi. L’ensemble de ces facteurs peut empêcher les employés de rapporter les faits, surtout quand ils appartiennent à des groupes visés par plusieurs motifs de discrimination qui doivent peut-être surmonter des obstacles importants pour accéder au marché de l’emploi.

Exemple : Une femme autochtone, qui travaille dans un milieu composé en majorité d’hommes, fait l’objet d’actes de discrimination et de harcèlement déclarés et répétés. Elle subit la situation, n’en parle à personne au travail et trouve réconfort dans le soutien de sa famille. Elle ne veut pas suivre la procédure interne de son entreprise pour déposer une plainte parce qu’elle sait ce qui est arrivé à d’autres employés qui se sont aventurés à le faire et qui ont été ensuite taxés de «fauteurs de troubles», et aussi parce la direction semble se désintéresser de la culture d’entreprise et qu’une plainte ne changerait rien à la situation. Elle sait aussi à quel point il lui a été difficile de trouver un emploi qui lui offrait un horaire fixe et de bons avantages sociaux. Elle finit malgré tout par perdre son emploi par suite de ces actes de harcèlement et entreprend les procédures prévues par le Code. L’entreprise peut être tenue responsable de n’avoir pas réglé les problèmes de harcèlement et de discrimination dont elle avait ou aurait dû avoir connaissance, même si l’employée n’a pas formulé ses allégations pendant sa période d’emploi.

Les employeurs sont parfois étonnés d’apprendre que les femmes victimes de harcèlement sexuel au travail considèrent souvent que le fait de rapporter un acte de harcèlement peut être aussi sinon plus dommageable que le harcèlement lui-même. Dans de nombreux cas, les femmes qui soulèvent des allégations de violation des droits de la personne subissent les répercussions de leur geste sur leur vie professionnelle, leur vie privée et leur santé, en plus d’affronter le problème immédiat que pose la discrimination ou le harcèlement. Par exemple, il se peut que leurs collègues ne les croient pas ou qu’ils les tiennent responsables du problème. Dans les cas les plus graves, ces attitudes donnent lieu à des représailles qui empêchent la personne d’être pleinement productive, et qui peuvent par ailleurs devenir le motif d’autres plaintes pour atteinte aux droits de la personne. Les personnes qui travaillent auprès de victimes de discrimination au travail et qui pourraient être appelées à fournir des renseignements à titre de témoins peuvent également devenir parties prenantes des représailles. Consulter la section III-2h) – « Discrimination sous forme de représailles et de menaces de représailles ».

Dans de nombreux cas, un employé peut supporter un climat de travail discriminatoire tout en cherchant activement un autre emploi, puis démissionnent une fois qu’il a trouvé un nouveau travail. Le fait qu’un employé choisisse de démissionner plutôt que de formuler des allégations de discrimination ne libère pas l’employeur de son obligation de prévenir et de régler les problèmes de discrimination.

Exemple : Deux femmes démissionnent brusquement. Il est connu que leur démission est due au harcèlement sexuel de la part de leur supérieur immédiat. L’employeur n’enquête pas sur l’existence possible d’un problème de harcèlement sexuel, ne prend aucune mesure pour que le personnel se conforme dorénavant au Code et n’élucide pas non plus la situation entre les deux employées et le supérieur immédiat. Si l’une de ces deux femmes dépose une plainte en vertu des doits de la personne ou si d’autres employés font plus tard l’objet d’actes discriminatoires, l’inertie de l’entreprise et de sa direction sera prise en considération.

Le meilleur plan d’action que peut adopter un employeur est de créer un climat de travail qui décourage la discrimination et le harcèlement, et où les employés peuvent exprimer leurs préoccupations aussitôt qu’elles se manifestent au lieu d’ignorer ou de supporter en silence les situations troubles. Il faut prévoir que l’instauration fructueuse de politiques et de procédures en matière de droits de la personne entraînera vraisemblablement une hausse des plaintes à court terme du fait que les employés seront plus conscients de leurs droits et plus aptes à les faire valoir.

L’employeur doit être attentif aux inégalités, aux abus de pouvoir ou à d’autres signes de discrimination ou de harcèlement qui pourraient se manifester en milieu de travail, même si aucune plainte officielle n’est déposée. Dans certains cas, il peut être nécessaire d’entreprendre une enquête proactive plutôt que d’attendre qu’un employé formule des allégations.

Exemple : Les femmes d’un certain groupe sont affectées à un terrain de stationnement extérieur durant les pénibles mois d’hiver pour y exécuter des tâches qui ne font pas normalement partie de leurs fonctions. La plupart sont racialisées et l’anglais n’est pas leur langue maternelle. Les taux d’absentéisme et de roulement du personnel sont plus élevés chez les femmes de ce groupe que chez d’autres femmes qui relèvent d’autres supérieurs immédiats. Quand l’un des services de cette entreprise affiche un poste temporaire, les femmes de ce groupe posent leur candidature, même si le taux horaire est bien moindre. Bien qu’aucune plainte de harcèlement n’ait encore été déposée, cette situation nécessite enquête.

ii) Assurer la sécurité des employés harcelés :

Le harcèlement en milieu de travail peut menacer la sécurité du personnel et provoquer d’importants problèmes de santé, comme la dépression, l’anxiété, les migraines, la fatigue, l’insomnie et une hausse de la pression artérielle. Il atteint profondément l’estime de soi, l’intégrité et le bien-être des personnes qui en sont victimes, à la fois au travail et en dehors du travail. Il arrive que le harcèlement donne lieu à des actes de violence (réels ou latents) à l’encontre d’un employé. Dans de rares circonstances, l’auteur du harcèlement peut recourir à la violence physique et provoquer une tragédie. Quand il y a motif raisonnable de craindre un acte de violence, l’employeur doit prendre toutes les mesures possibles pour minimiser les risques que cet acte pourrait présenter pour le personnel et, si les circonstances l’exigent, aviser les services de police.

Quand l’employeur démet un harceleur présumé de ses fonctions ou qu’il fait appeler la police, il doit veiller avec le plus grand soin à ce que les jugements qu’il porte ne soient pas influencés indûment par un préjugé racial ou d’autres stéréotypes ou préjugés. L’une des meilleures pratiques exemplaires à adopter serait de définir à l’avance les situations où on fera appel à la police et d’appliquer ces directives de manière équitable et uniforme.

Il arrive que les employés qui vivent ou redoutent une situation de harcèlement préfèrent ne pas se rendre au travail plutôt que d’affronter le stress qui les attend. Le harcèlement en milieu de travail provoque fréquemment des maladies chroniques reliées au stress. Dans certains cas, les victimes de harcèlement démissionnent de mauvais gré pour mettre fin à une situation difficile ou tentent par divers moyens d’éviter l’auteur du harcèlement. Dans les cas les plus graves, elles sont blessées ou tuées. Pour éviter les situations graves ainsi que la responsabilité juridique éventuelle en vertu du Code, les employeurs devraient instituer des politiques et des procédures destinées à prévenir et à régler les problèmes de harcèlement, les mettre en pratique et organiser des séances de formation pour y sensibiliser le personnel. Le respect, le soutien et l’information sont également essentiels aux personnes qui ont subi un harcèlement en milieu de travail. Le recours à un centre d’aide aux victimes d’agression sexuelle peut être utile dans certains cas, mais n’est pas toujours indiqué.

Quand l’employé qui allègue le harcèlement et l’auteur présumé du harcèlement travaillent ensemble ou l’un à côté de l’autre, l’employeur doit envisager de déplacer l’une de deux personnes dans une autre partie du bureau. Dans certains cas, il peut être nécessaire d’accorder un congé payé à l’une ou l’autre des personnes en attendant que le problème soit réglé. Les employeurs doivent faire preuve de prudence lorsqu’ils proposent un arrêt de travail à une victime présumée de harcèlement en milieu de travail à moins que la personne en fasse elle-même la demande, car ce type d’intervention peut être perçu comme une forme de représailles.

Exemple : Une secrétaire allègue qu’elle est victime de harcèlement sexuel de la part de son patron, qui est vice-président des finances. Elle affirme que le climat dans lequel elle travaille est malsain et qu’elle ne se sent plus en sécurité aux côtés de son patron. Bien que des preuves objectives confirment que le harcèlement a probablement eu lieu, la direction décide que la secrétaire prendra congé en attendant les résultats de l’enquête. Cette décision est dictée par le fait que plusieurs secrétaires peuvent la remplacer, alors que le poste de vice-président des finances est jugé essentiel aux exploitations de l’entreprise. De plus, l’entreprise cherche à minimiser l’impact des allégations sur la réputation du vice-président et juge préférable d’écarter l’employée. Dans un tel cas, l’entreprise n’aura pas rempli les obligations auxquelles elle est tenue en vertu du Code, sera susceptible de faire l’objet d’allégations de représailles et risquera d’exposer d’autres employés à un « climat malsain ».

Les récentes recommandations d’un jury de coroner insistent sur l’importance des politiques contre la violence en milieu de travail, de l’information sur la violence conjugale, des mécanismes servant au repérage des risques qu’une personne présente en milieu de travail indépendamment de l’évaluation qu’elle en fait elle-même, et d’une sensibilisation aux inégalités de pouvoir, par exemple entre un médecin et les autres employés d’un hôpital.[77] Consulter aussi la section III-2k) – « Harcèlement sexuel » pour en savoir plus au sujet du Code et du harcèlement sexuel ainsi que la section IV-12a(iv) – « Harcèlement psychologique et intimidation en milieu de travail ».

iii) « Climat malsain » :

Des tribunaux ont statué que l’atmosphère d’un lieu de travail, y compris ses composantes émotionnelles et psychologiques, est une condition d’emploi au même titre que l’horaire et le salaire. Les employeurs, y compris les supérieurs immédiats, sont tenus de prendre les mesures nécessaires pour remédier à un « climat de travail malsain »dont ils ont ou devraient avoir connaissance. Cette obligation vaut même dans les cas suivants :

  • Ils n’ont personnellement rien dit ou fait qui puisse envenimer le climat de travail d’un employé.
  • Ils n’ont pas été personnellement témoins de situations discriminatoires. (Par exemple, tout le monde sait que Jean fait des blagues racistes, mais le superviseur n’en a jamais entendu aucune.)
  • Personne n’a déposé de plainte officielle.
  • Les actes discriminatoires sont le fait de clients ou de parties tierces qui ne sont pas des employés de l’entreprise.
  • Le harcèlement est anonyme, est le fait d’un groupe ou n’est pas dirigé contre une personne en particulier. (Par exemple, de graffitis apparaissent sur le casier d’un employé racialisé, mais personne ne sait qui en est l’auteur.)

iv) Harcèlement psychologique et intimidation en milieu de travail :

Le harcèlement psychologique consiste à être victime d’intimidation systématique et constante par ses collègues. De façon similaire à ce qui se produit dans les écoles, le harcèlement psychologique en milieu de travail résulte des pressions exercées par les pairs et est habituellement le fait d’un groupe de personnes. Selon certains, il est plus courant que d’autres comportements destructeurs comme le harcèlement sexuel et la discrimination raciale.

Le harcèlement psychologique peut se traduire par des comportements manifestes, comme la grossièreté et l’intimidation physique. Plus souvent, toutefois, il prend des formes subtiles (on ignore quelqu’un ou on l’exclut des rencontres entre employés ou des activités sociales, par exemple). Le harcèlement psychologique peut être intentionnel ou involontaire. Dans les deux cas, l’effet cumulatif de tels incidents sur l’employé peut être important. Les recherches indiquent que les victimes de harcèlement psychologique consacrent jusqu’à 50 % du temps qu’ils passent au travail à se défendre et à lutter contre le harcèlement ambiant.[78]

Bien que le harcèlement psychologique ne soit pas spécifiquement prohibé par le Code, un tel comportement prive clairement les personnes qui en sont touchées des moyens de s’intégrer avec dignité au milieu de travail et doit retenir l’attention de l’employeur, même si aucun motif de discrimination prévu au Code ne semble entrer en jeu. Il est manifestement dans l’intérêt de l’entreprise d’agir, dans la mesure où le harcèlement psychologique et l’intimidation empêchent l’employé d’atteindre sa productivité maximale. D’autre part, le harcèlement psychologique et l’intimidation créent une culture d’entreprise où la dignité humaine n’est pas respectée et où les situations de discrimination évoquées dans le Code peuvent proliférer, ce qui rend l’employeur vulnérable aux plaintes pour atteinte aux droits de la personne.

Les employés protégés par le Code sont peut-être plus particulièrement vulnérables au harcèlement psychologique et à l’intimidation de groupes qui appartiennent à la culture dominante parce qu’ils n’ont pas les mêmes croyances, la même orientation sexuelle, le même sexe ou les mêmes capacités. Les personnes ayant un handicap mental sont souvent la cible d’un harcèlement psychologique nourri par la stigmatisation et les stéréotypes.

Dans de nombreux cas, l’intimidation en tant que telle peut, selon le Code, créer un « climat malsain », dont l’employeur peut être tenu responsable s’il ne le détecte pas et n’y remédie pas. Le fait qu’un employeur ne réagisse pas adéquatement à l’intimidation psychologique dont fait l’objet une personne peut décourager les autres employés de se prévaloir des droits que leur confère le Code. Il arrive ainsi qu’un employé n’ose pas demander des mesures d’adaptation et qu’il ne se décide à le faire que lorsque la situation a atteint un point critique. L’impression générale que les droits de la personne ne sont pas respectés en milieu de travail empêche une intervention efficace de l’employeur et laisse perdurer les problèmes non résolus.

Dans certains cas, le harcèlement psychologique peut provoquer chez ses victimes des symptômes comme des maux de dos, des douleurs musculaires, des migraines, des troubles digestifs, des manifestations d’anxiété ou de dépression ou d’autres problèmes de santé mentale qui nécessiteront des mesures d’adaptation. Conjugués au stress relié aux tâches quotidiennes, à des handicaps préexistants ou à des obligations familiales, le harcèlement psychologique et l’intimidation peuvent rendre le climat de travail intolérable, et exiger parfois un congé de longue durée.

Exemple : Un employé gai est systématiquement ignoré par ses collègues. Quand ils sont en sa présence, ils parlent de lui comme s’il n’était pas là. Ils ne l’invitent jamais aux anniversaires qu’ils fêtent entre eux et son propre anniversaire est le seul qu’ils ne soulignent pas. Il occupe un poste exigeant qui nécessite fréquemment la collaboration de ses collègues. Or, ceux-ci ne font pas le travail qu’il demande à temps, s’amusent à le faire attendre et font des plaisanteries à ce sujet. En quelques mois, des symptômes de troubles mentaux commencent à se manifester, alors que sa santé mentale était stable depuis de nombreuses années avant qu’il ne se joigne à ce groupe.

b) Aviser les employés de leur droit de déposer une plainte en matière de droits de la personne ou de soumettre un grief

i) Le recours à une procédure interne n’exclut pas la présentation d’une plainte aux termes du Code :

Les politiques internes contre le harcèlement et la discrimination n’éliminent pas la possibilité de déposer une plainte en vertu du Code. Si la procédure ou la politique interne ne permet pas de régler le différend, l’employé peut très bien déposer une plainte pour atteinte aux droits de la personne en vertu du Code, comme nous l’expliquons plus en détail ci dessous. Il est important d’informer les employés que l’existence d’une procédure interne de règlement des plaintes ne les empêche en aucune façon de s’adresser à la Commission, à un tribunal administratif ou à un tribunal judiciaire, s’ils le désirent. Les délais fixés dans de tels cas devraient être portés à la connaissance des employés concernés par un problème de droits de la personne.

ii) Procédure de grief prévue par les conventions collectives :

Certains employés peuvent également se prévaloir des autres options en matière de plaintes auxquelles leur donne droit leur convention collective, comme une procédure de grief. Les droits et les obligations prévus au Code sont intégrés aux collections collectives, de sorte que toute infraction présumée au Code constitue aussi une infraction présumée à la convention collective. La Cour suprême du Canada a confirmé que les arbitres des griefs de l’Ontario doivent appliquer et faire respecter les droits et les obligations de fond du Code et de toute autre loi reliée à l’emploi comme s’ils faisaient partie intégrante de la convention collective.[79]

iii) Ne pas attendre de connaître les résultats d’autres démarches pour régler la situation :

Les employeurs devraient éviter les stratégies de temporisation et s’atteler sans tarder à clarifier et à résoudre les allégations avant l’issue des démarches entreprises par l’employé pour obtenir les recours prévus au Code en réponse à leur soumission de grief ou leur plainte en matière de droits de la personne. L’employé ne sera peut-être pas en mesure de prouver qu’il y a eu discrimination, mais le fait d’attendre l’issue des démarches avant d’agir présente malgré tout des risques importants :

  • L’instabilité, les rumeurs et la nervosité peuvent miner le climat de travail et entraîner une baisse de la productivité, du rendement et de la satisfaction des employés.
  • La réputation de l’employeur pourrait être ternie par des allégations de violation des droits de la personne encore en suspens.
  • Des employés pourraient décider de changer d’employeur, ce qui pourrait faire augmenter l’absentéisme, le roulement du personnel et les départs d’effectifs qualifiés.
  • L’entreprise peut très bien faire l’objet d’autres plaintes tant qu’elle n’a pris les mesures nécessaires pour prévenir et régler les problèmes de discrimination internes.
  • Le tribunal tiendra compte de tout défaut d’agir de la part de l’entreprise et de sa haute direction dans son évaluation de la responsabilité corporative et personnelle.
  • Une entreprise a plus de chances de régler une plainte de manière jugée satisfaisante quand elle s’y prend en début de processus.
  • L’employeur pourrait être tenu de verser au plaignant une somme considérable ainsi que les coûts des recours d’intérêt public, lesquels dépassent généralement ceux qui peuvent être négociés aux premières étapes du processus.
  • L’employeur pourrait d’être tenu d’indemniser le plaignant pour les pertes accumulées de la date à laquelle l’infraction au Code s’est produite à la date à laquelle le tribunal ordonne des mesures de redressement, ce qui peut prendre plusieurs années.

Exemple : Au début de 2005, une employée se plaint qu’on lui a refusé une promotion en 2004 et qu’elle est harcelée au travail. L’employeur a connaissance de ces problèmes mais, au lieu de tenter de les régler, il décide d’attendre le règlement d’une plainte formelle que la femme a déposée en vertu du Code. Au bout d’une période où elle tente à plusieurs reprises mais sans succès d’obtenir un autre poste à l’interne et où le harcèlement se poursuit, elle est atteinte d’une dépression en 2006 et n’est plus en mesure de retourner au travail. D’après les preuves fournies, durant cette même période, d’autres personnes occupant un poste équivalent à celui que la plaignante occupait en 2004 ont obtenu deux promotions même si elles possédaient moins d’expérience que cette dernière et étaient moins qualifiées qu’elle. En 2007, un tribunal a conclu que la femme avait fait l’objet de discrimination et a ordonné qu’on lui verse une somme correspondant à la différence du salaire touché de 2004 à 2007, une importante compensation monétaire pour tenir compte du fait qu’elle n’était plus apte au travail et des correctifs d’intérêt public comme une formation et l’élaboration de politiques. L’employeur aurait pu éviter un tel résultat si, en 2005, il avait pris des mesures pour supprimer la politique discriminatoire et pour prévenir tout harcèlement supplémentaire et trouver une solution pour remédier aux incidences sur l’employée de ces deux facteurs.

c) Mise en œuvre des politiques et des procédures internes

Lorsqu’un problème propre aux droits de la personne survient, des politiques et des procédures internes établies au préalable seront utiles pour toutes les parties concernées. Ces politiques et procédures fourniront un processus structuré et transparent pour remédier à la situation en temps opportun. Pour plus de renseignements au sujet de l’établissement de politiques et de procédures, voir la section IV-1a – « Stratégie pour prévenir et régler les problèmes en matière de droits de la personne ». Consulter aussi les Directives concernant l’élaboration de politiques et de procédures en matière de droits de la personne de la Commission qui ont été récemment mises à jour.

Pour veiller à ce que les situations portant atteinte aux droits de la personne soient réglées de façon équitable, il est d’une importante capitale que les parties comprennent en quoi consiste la discrimination et soient en mesure de repérer un traitement discriminatoire. Sans cela, les entreprises s’exposent à être tenues légalement responsables d’avoir mené une enquête erronée ou de n’avoir pris aucune autre mesure pour supprimer le traitement discriminatoire. Consulter la section IV-12d) – « Respect des principes des droits de la personne lors de la tenue des enquêtes sur les allégations » qui porte sur les principes pertinents des enquêtes et des erreurs couramment commises au cours de ces dernières.

Exemple : Un employé racialisé atteint d’un handicap prétend avoir fait l’objet de commentaires déplacés en raison de sa race et de son handicap. Un gestionnaire fait enquête sur la situation et rédige un rapport dans lequel il précise que les dispositions du Code n’ont pas été enfreintes parce qu’aucune des observations alléguées ne faisait explicitement référence à la race ou au handicap de l’employé et que ce dernier ne s’est jamais objecté à ces propos. Le gestionnaire y conclut qu’il n’y eu pas eu discrimination car, bien que la preuve révèle qu’il s’est produit un incident grave, il faut une série de commentaires ou de comportements déplacés pour qu’il y ait harcèlement. On estimerait sans doute que cette démarche ne respecte pas les exigences du Code étant donné qu’on n’y applique pas correctement les principes des droits de la personne. Le gestionnaire ne sait pas que même un seul commentaire, s’il est suffisamment grave, peut créer un « climat malsain », ce qui constitue une infraction au Code.

Dans certains cas, les représentants d’une entreprise peuvent posséder assez d’expertise et d’objectivité pour régler les problèmes qui surviennent sans aucune aide extérieure. Dans d’autres, cependant, l’entreprise devra avoir recours au service d’une tierce partie qui se spécialise dans le règlement des problèmes mettant en cause les droits de la personne au travail ou les enquêtes qu’ils régissent pour régler entièrement ces questions. Tout dépend de la complexité et de la gravité de la situation, des connaissances, des aptitudes et du degré d’impartialité des représentants de l’entreprise. On pourrait, par exemple, juger qu’un gestionnaire en ressources humaines qui est habituellement chargé des mesures disciplinaires, ne fera pas preuve d’assez d’objectivité et d’impartialité pour enquêter sur les allégations d’atteinte aux droits de la personne que formule un employé à l’égard d’un gestionnaire.

Bien que le recours à une tierce partie pour enquêter à fond sur les problèmes liés aux droits de la personne en milieu de travail ou pour régler ces questions par d’autre moyens puissent entraîner des coûts, c’est un faible prix à payer pour qu’une plainte soit réglée dans les meilleurs délais et de façon satisfaisante. Il peut être extrêmement utile de confier le dossier à des experts lorsqu’on est en présence d’allégations de discrimination subtile.

Exemple : Un employé se plaint à un cadre supérieur qu’un gestionnaire l’a discipliné plus sévèrement que d’autres employés en raison de sa race et que cette même personne lui a imposé des mesures de représailles lorsqu’il lui a fait part de ses préoccupations. Bien qu’une telle situation se soit produite dans le passé, on n’a alors pas tenu compte de l’avis de l’employé parce qu’on a supposé que les sanctions étaient légitimes. Cette fois, l’employeur décide d’embaucher un spécialiste en ressources humaines pour enquêter sur la question. L’enquête révèle que les mesures disciplinaires ne sont pas imposées de façon uniforme, ce qui semble avoir un effet systémique sur les employés racialisés, dont bon nombre ont été licenciés au cours de la dernière année. Elle fait aussi ressortir une tendance à imposer des mesures de représailles aux personnes soulevant des questions relatives aux droits de la personne et, de manière plus générale, une culture véhiculant directement ou indirectement le message de « ne pas faire de vagues ».

Conformément aux recommandations du spécialiste, l’entreprise supprime le rapport disciplinaire du dossier de l’employé, uniformise les descriptions d’emploi et les mesures du rendement, met en œuvre un programme de gestion progressive du rendement, adopte des politiques en matière de droits de la personne et crée un processus formel par l’intermédiaire duquel les membres du personnel peuvent signaler leurs préoccupations ainsi qu’un système de suivi des incidences de ces changements. L’employé est satisfait et n’exige aucune autre mesure. L’employeur est davantage en mesure d’attirer des recrues et de conserver un personnel diversifié.

d) Respect des principes des droits de la personne lors de la tenue des enquêtes sur les allégations

Toutes les personnes occupant des postes de pouvoir au sein des organisations ont le devoir de veiller à ce que l’on prenne au sérieux les allégations de discrimination. Le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario a reconnu que, sur les lieux de travail ou dans les autres milieux sociaux, cette obligation englobe le devoir de ne pas tolérer les actes de discrimination et d’enquêter sur les plaintes en la matière.[80]

Une enquête liée aux droits de la personne exige la mise en application adéquate des principes qui sous-tendent ces droits et le respect de certaines exigences fondamentales d’objectivité. Les Directives concernant l’élaboration de politiques et de procédures en matière de droits de la personne de la Commission présentent ces exigences de façon détaillée. Consulter aussi la section IV-1a(iii) – « Procédure de règlement des plaintes » qui résume des volets clés de ces directives. De l’avis de la Commission, les enquêtes en milieu de travail qui sont réalisées par les employeurs comportent souvent des lacunes, de sorte que les entreprises éprouvent de la difficulté à repérer et à régler les cas de discrimination. La présente section met en relief les principes clés à retenir au cours de l’exécution d’une qu’enquête.

Il n’est pas nécessaire d’établir l’intention de discrimination pour conclure à son existence. Dans un tel dossier, c’est le fait de déterminer qu’il y a bel et bien eu traitement discriminatoire qui est essentiel.[81]

Le fait de faire subir un traitement discriminatoire à une personne parce qu’elle est perçue comme appartenant à un groupe protégé par le Code est discriminatoire même s’il s’avère que la personne en fait bel et bien partie.

Même s’il existe une explication plausible à une série d’incidents, une enquête fouillée permettra d’établir si des motifs prévus au Code sont également intervenus dans les événements. Un élément essentiel de toute enquête sur des allégations de traitement discriminatoire comme le profilage racial consiste à déterminer si les événements se seraient déroulés autrement si le plaignant n’était pas visé par le Code.

On peut conclure à un acte de discrimination si le traitement discriminatoire n’est pas l’unique facteur, voire même le principal facteur, à prendre en compte pour expliquer le traitement dont a fait l’objet un employé.[82]

Exemple : 
Un employé racialisé doit s’assurer que les portes du magasin sont bien verrouillées à la fin de son poste de soirée. Son compagnon de travail, une personne de race blanche ayant plus d’ancienneté, a la charge des clés et doit verrouiller les portes. Un matin, en entrant au magasin, un gestionnaire se rend compte que la porte arrière n’est pas fermée à clé et que le système d’alarme n’est pas enclenché, ce qui contrevient aux règles de l’entreprise. C’est la première fois que chacun des deux employés subissent des mesures disciplinaires. L’employé de race blanche reçoit un avertissement verbal tandis que l’employé racialisé obtient un avertissement par écrit et une suspension de trois jours sans traitement. La disparité des mesures disciplinaires est discriminatoire, car elle n’est pas fondée sur des considérations légitimes comme les obligations des postes, l’existence de dossiers disciplinaires ou les années de service.

Dans les cas de mesures disciplinaires ou de renvoi pour insubordination, emportements verbaux ou autres comportements déplacés en milieu de travail, l’employeur doit tenir compte de tout facteur révélant que ces conduites sont associées à des incidents de harcèlement ou de discrimination non résolus.

Exemple : Une employée refuse de travailler avec un collègue en particulier et allègue que ce dernier la harcèle sexuellement. L’allégation passe sous silence et l’on remet à l’employée une série d’avertissements écrits de cesser ses emportements grandissants envers le collègue en question. C’est la goutte qui fait déborder le vase lorsque la femme menace de faire venir un membre de sa famille au travail pour battre le présumé coupable. Une enquête interne confirme que ces actes ont eu lieu, et comme ces derniers enfreignent les politiques existantes de l’entreprise, l’employée est congédiée même si elle proteste qu’elle a ainsi agi parce que la situation de harcèlement s’envenimait et que le climat de travail était malsain. Dans ce cas, tant les résultats de l’enquête que le congédiement sont irréguliers parce que l’employeur n’a pas tenu compte de la discrimination qu’a subi la femme.

Dans les cas de harcèlement, l’observation de structures de comportements similaires qui persistent chez la personne accusée d’avoir enfreint le Code, des divergences marquées entre les descriptions de la situation que fournit l’une ou l’autre des parties ou la tenue d’un dossier minutieux et crédible concernant la personne qui formule les allégations peuvent aussi révéler un traitement discriminatoire.

Il est important de ne pas rejeter la version des faits d’un employé, même s’il n’a personne pour l’appuyer étant donné que le harcèlement a souvent lieu hors de la vue de témoins éventuels.

Exemple : Une employée prétend que son patron l’a harcelée sexuellement et lui a fait des avances sexuelles pendant qu’ils travaillaient en tête à tête. Pour enquêter sur une telle situation, on pourrait, entre autres, demander aux autres employés du service de décrire comment la situation s’est déroulée lorsqu’ils ont eux-mêmes travaillé en tête à tête avec le gestionnaire. Toutefois, bien que les observations recueillies puissent constituer des renseignements de base utiles étant donné que personne n’a été témoin du prétendu harcèlement sexuel, elles ne permettraient pas en soi de régler le problème.

La discrimination peut aussi être exercée de manière subtile ou systémique. Pour des témoins non avertis, il peut être extrêmement difficile de déceler ces formes de discrimination. Bon nombre attribuent le même sens aux termes « discrimination » et « harcèlement », ce qui peut se refléter dans les propos des témoins.

Exemple : On demande à un témoin s’il a eu connaissance d’actes discriminatoires envers le plaignant, un homme de race noire atteint d’un handicap qui a récemment immigré au Canada. L’employé répond dans la négative puisque il n’a jamais entendu personne attribuer à l’endroit du plaignant une épithète injurieuse liée à sa race ou à son handicap. Ce témoin ne sait peut-être pas qu’au cours du récent concours, les exigences artificiellement gonflées rattachées aux qualités d’emploi pourraient constituer des obstacles discriminatoires à l’égalité d’accès, que le directeur a agi de façon discriminatoire en annulant le concours quand il s’est rendu compte que le plaignant le gagnerait ou que le fait que le plaignant ait à travailler pendant la pause du déjeuner en dépit de ses besoins d’adaptation appuyés par des preuves médicales traduisait un traitement discriminatoire.

Avant de pouvoir se fier à un tel témoignage, l’employeur doit faire en sorte que tous les employés connaissent en quoi consistent les divers types de discrimination et qu’ils soient en mesure de les repérer. Une pratique exemplaire à cet égard serait d’offrir à tous les employés des programmes de sensibilisation et de formation dans le cadre de la stratégie visant les droits de la personne ou sur une base continue. Consulter aussi la section III-2 – « Que faut-il entendre par discrimination? »

Au cours d’une enquête menée en bonne et due forme, l’interrogation des témoins sert à recueillir des renseignements sur des incidents et des faits particuliers plutôt qu’à obtenir des avis de nature générale à l’égard de l’existence ou de l’inexistence de discrimination. Au lieu de demander à un témoin, par exemple, s’il croit que Raj a fait l’objet de discrimination, un enquêteur pourra d’abord lui fournir l’information nécessaire à la compréhension de base des principes des droits de la personne, puis lui poser des questions précises sur les allégations formulées par le plaignant.

Par exemple, une personne enquêtant sur des allégations de défaut d’apporter des mesures d’adaptation pourraient d’abord préciser à l’employé servant de témoin qu’en vertu du Code, l’employeur est tenu, sous réserve d’un préjudice injustifié, de prendre des mesures d’adaptation pour satisfaire aux besoins liés à l’état familial, à la religion, au handicap et à d’autres motifs prévus par le Code et que les adaptations doivent être individualisées et peuvent englober des mesures pour accommoder des éléments comme les congés payés, les pauses prolongées ou la modification des responsabilités. Elle pourrait ensuite poser des questions comme les suivantes au témoin :

  • Avez-vous déjà demandé à votre employeur de prendre des mesures d’adaptation pour un besoin prévu au Code?
  • Comment votre employeur a-t-il tenu compte de votre demande?
  • Avez-vous eu connaissance si d’autres employés ont présenté de telles demandes?
  • Comment l’employeur les a-t-il accueillies?

Même si tous les employés savent reconnaître les divers types de discrimination, les déclarations des témoins ne permettent pas toujours d’établir qu’il y véritablement eu discrimination à l’encontre du plaignant. Le fait qu’un autre employé n’ait pas fait l’objet de discrimination ou qu’il ne soit pas en mesure de déceler les actes de discrimination peut être sans pertinence s’il n’est pas concerné par tous les motifs prévus au Code qu’invoquent le plaignant. Les personnes visées par un motif particulier ou par une combinaison de motifs ou d’autres facteurs peuvent faire l’objet d’incidents de discrimination répétés et connaissent mieux que quiconque la dynamique, les insinuations et les suppositions qui peuvent entrer en jeu dans de telles situations.

Exemple : Un Autochtone âgé de 60 ans qui a des troubles de vision soutient qu’il est confronté à des obstacles systémiques, dont une culture organisationnelle non inclusive, des règles sévères concernant l’utilisation des ordinateurs et le défaut d’apporter des mesures d’adaptation. Au cours de l’enquête à laquelle ces allégations donnent lieu, on demande à tous les employés racialisés s’ils ont subi un traitement discriminatoire fondé sur leur race, et on interroge toutes les personnes handicapées sur les éventuels incidents dont ils ont pu faire l’objet. Les réponses obtenues révèlent qu’aucun employé n’a été témoin de traitement discriminatoire ou n’en a été victime personnellement. La pertinence de ces témoignages est limitée dans le cas des allégations particulières de ce dossier. Étant donné qu’aucune des personnes interrogées ne présente le même profil que le plaignant, les témoignages n’ont pas permis de déterminer si le ce dernier avait fait l’objet de discrimination en tant qu’Autochtone et de personne handicapée.

On peut déterminer s’il se produit un traitement inégal en établissant si les incidents auxquels ont été confrontés les personnes visées par un motif particulier du Code se distinguent de ceux qu’ont subis les personnes d’un autre groupe de comparaison approprié dans des circonstances similaires. Toutefois, le fait que toutes les personnes d’un groupe visé par un motif énuméré ne subissent pas le même degré d’irrespect ne devrait pas empêcher de conclure à un traitement inéquitable.[83]

Exemple : Deux femmes racialisées célibataires qui sont dans la trentaine travaillent pour un cadre supérieur. Lorsque l’une d’elle dépose une plainte de harcèlement sexuel contre ce dernier, le président de l’entreprise se charge de l’enquête. Dans ce cas, le fait que la collègue de la plaignante ne fasse pas aussi l’objet de harcèlement sexuel ne permet pas de conclure que l’allégation est non fondée.

Il est important de faire en sorte que les mythes courants au sujet du racisme qui sont présentés ci-après ne nuisent pas à l’impartialité des enquêtes sur les allégations de discrimination raciale :

  • les Canadiens sont « aveugles à la race » c’est-à-dire qu’ ils ne font pas de distinction entre les races;
  • le racisme n’existe pas au Canada;
  • les personnes racialisées possèdent moins de crédibilité de sorte que leurs affirmations doivent être corroborées et examinées de plus près;
  • les personnes racialisées sont trop sensibles, ont des réactions exagérées ou cherchent querelle;
  • les personnes racialisées sont elles-mêmes responsables du racisme ou de la discrimination raciale;
  • une personne racialisée qui a fait l’objet d’un traitement acceptable dans le passé ne peut subir de traitement discriminatoire dans le futur (par exemple, lorsqu’on affirme : « Il est évident que je ne me comporterais pas de manière discriminatoire avec cette personne, la preuve, je l’ai embauchée »).

Les personnes qui enquêtent sur les plaintes ne doivent pas présumer que deux employés de même identité raciale ou ethnique n’exerceraient pas de harcèlement ou de la discrimination l’un envers l’autre.

Exemple : Sur un lieu de travail, un conflit éclate entre deux personnes d’origine égyptienne. L’une des personnes, une femme de foi chrétienne qui habite le Canada depuis dix ans, prétend que l’autre, un Égyptien de foi musulmane qui a récemment immigré au pays, la harcèle. L’employeur refuse de mener une enquête parce qu’il est persuadé qu’un tel comportement est impossible puisque les deux personnes sont de même origine et qu’elles doivent se disputer au sujet de « questions politiques égyptiennes ». L’employeur a failli à son obligation de prendre les mesures d’adaptation.

Dans le même ordre d’idée, lorsqu’une plainte est déposée contre un superviseur racialisé, on doit s’assurer que l’enquête qui s’ensuit et le règlement de la plainte se fassent aussi efficacement que si le superviseur avait été de race blanche.

Exemple : Auprès de son personnel, une femme gestionnaire fait preuve de plus de dureté envers les femmes de race noire qu’envers les autres membres. L’une des employées tente de déposer une plainte de discrimination fondée sur la race et le sexe à l’interne, mais on lui répond qu’il est impossible que la gestionnaire ait exercé de la discrimination à son égard car, comme elle est d’origine asiatique, elle sait, pour l’avoir vécu elle-même, ce que représente une telle situation.

i) Erreurs commises couramment au cours des enquêtes

  • Ne pas observer de discrimination durant l’enquête à cause d’un manque de compréhension au départ de ce que sont les principes pertinents des droits de la personne. Par exemple, on peut conclure à tord qu’il ne s’est produit aucune discrimination par défaut d’intention.
  • Ne pas faire preuve d’impartialité ou avoir une idée toute faite du résultat de l’enquête. Par exemple, on estimera qu’une enquête visant à justifier qu’un licenciement ne constitue pas un acte de discrimination en dépit de preuves du contraire est erronée.
  • Ne pas prendre en compte l’avis de la personne qui formule les allégations parce qu’on présume qu’elle ment malgré l’absence de preuves raisonnables. Une telle situation se produirait si une enquête était fondée sur le mythe voulant qu’il ne faille pas croire les propos non corroborés des personnes racialisées alors qu’on croit sur parole les déclarations des témoins de race blanche.
  • Se servir de facteurs non pertinents afin de miner la crédibilité de l’auteur des allégations, comme dans les exemples suivants :
    • prendre en compte le comportement sexuel antérieur d’une femme qui prétend avoir fait l’objet de harcèlement sexuel;
    • accorder moins de crédibilité aux témoignages de personnes racialisées par rapport à ceux des personnes de race blanche et exiger, par conséquent, qu’ils soient corroborés.
  • Être exagérément sympathique à l’endroit des sentiments d’« être victime » et d’« atteinte à la réputation » qu’éprouvent la personne accusée de comportement discriminatoire. Un tel témoignage de sympathie pourrait diminuer la rigueur avec laquelle le comportement discriminatoire est examiné.
  • Conclure qu’une personne n’a pas été harcelée parce qu’elle semble accepter les commentaires ou le comportement en cause ou rendre la pareille. De nombreuse personnes subissent le harcèlement sans mot dire parce qu’elles sont vulnérables.
  • Conclure qu’une personne racialisée est responsable d’une l’altercation au même titre que l’employé en cause sans tenter de déterminer si cette personne s’objectait à subir une discrimination fondée sur la race ou un autre motif prévu par le Code. Certaines personnes peuvent s’emporter ou se mettre en colère et devenir émotives dans une situation de discrimination.
  • Amorcer une enquête systématique en présence de preuves préliminaires uniquement et ne prendre néanmoins aucune mesure pour prévenir que les actes de discrimination se perpétuent jusqu’à la fin du processus. Non seulement l’employeur doit prévoir des dispositions à long terme, mais il est tenu, à court terme, de régler toute question soulevée au cours de l’enquête.
  • Contraindre le plaignant à prendre des congés payés ou non payés pendant toute la durée de l’enquête. La personne pourrait croire qu’il s’agit d’une mesure de représailles.
  • Conclure qu’il n’y a pas eu de harcèlement parce que le plaignant a participé de son plein gré à l’activité sexuelle ou y a déjà consenti antérieurement. Une telle conclusion exige des preuves de consentement aux actes particuliers qui font l’objet de la plainte.
  • Rédiger des déclarations identiques niant l’existence de discrimination et pousser les employés à les signer – les déclarations obtenues sous une telle contrainte seront surveillées de près et sont susceptibles d’avoir peu de poids auprès d’un tribunal administratif ou judiciaire si elles parviennent à ce stade.

e) Facteurs à prendre en compte pour le règlement de plaintes à l’interne

Lorsque les plaintes sont réglées à l’interne, les employeurs doivent s’assurer que l’entente de règlement et toute renonciation susceptible d’être signée sont raisonnables et ne font ressortir aucun déséquilibre des pouvoirs, et que les parties en comprennent les modalités. Il faut permettre aux employés d’obtenir un avis juridique avant de signer tout règlement ou toute renonciation. Une entente de règlement doit refléter de façon raisonnable l’évaluation de la preuve à l’appui des allégations, l’incidence de l’infraction sur le plaignant et les redressements éventuels si le tribunal donne raison à ce dernier.

Exemple : Une femme allègue avoir fait l’objet de sollicitations et de harcèlement à caractère sexuel et possède une foule de courriels pour le démontrer. Comme solution, on offre à l’employée de changer de poste de travail et on lui dit de cesser de faire des heures supplémentaires pour qu’elle ne se retrouve pas seule avec son patron. L’employée s’oppose aux mesures et, puisqu’elle ne peut pas se permettre de prendre de congés non payés, elle signe le règlement amiable de même qu’une renonciation. Un tel règlement créerait des difficultés à l’employeur si l’employée déposait ultérieurement une plainte pour atteinte aux droits de la personne

i) Raisons pratiques de régler promptement les plaintes :

D’après la Commission, bon nombre de plaintes entraînent des litiges coûteux parce que l’employeur refuse d’accorder toute forme de redressement aux employés qui ont sans doute fait l’objet de discrimination en milieu de travail et ne souhaitent, en contrepartie, qu’une modeste indemnisation. De nombreux employeurs ont précisé que, pour eux, les demandes d’indemnisation des employés constituaient du « chantage ». De même, on entend souvent les employeurs affirmer que c’est « par principe » qu’ils refusent de verser toute somme à un employé en raison d’une atteinte aux droits de la personne, car cela déclencherait une « avalanche » de plaintes non fondées de la même nature.

Bien que cette attitude soit compréhensible, il n’est habituellement pas dans l’intérêt d’un employeur d’adopter une telle position. En règle générale, les inconvénients que cause cette position peuvent être nettement plus marqués que les avantages qu’elle procure. Lorsque les plaintes pour atteinte aux droits de la personne sont réglées promptement, les deux parties admettent normalement ne pas savoir qui aurait eu raison de l’autre. Un plaignant est donc susceptible d’accepter une indemnisation bien moindre que la somme à laquelle il aurait droit. Les coûts que devra assumer pour sa défense une entreprise jusqu’à la conclusion des poursuites devant un tribunal administratif ou judiciaire peuvent être considérables, particulièrement si elle a recours aux services d’avocats.

Par ailleurs, les employeurs qui se représentent eux-mêmes peuvent avoir du mal à présenter une défense pour contester les allégations et finir par être confrontés à des ordonnances strictes. En outre, dans le cas où un plaignant gagne sa cause, il devrait normalement avoir droit aux intérêts sur les sommes d’argent pouvant lui être dues à partir de la date où est survenu le différend relatif aux droits de la personne. Si la période en question équivaut à des années, cela pourrait représenter des milliers de dollars. Qui plus est, l’employeur pourrait être tenu d’apporter d’importantes modifications à ses politiques et procédures.

Exemple : Une enquête interne révèle que, selon toute vraisemblance, en raison d’un traitement discriminatoire au travail, une employée a été injustement soumise à des mesures disciplinaires et rétrogradée pour une période de trois mois, avant de démissionner pour occuper un emploi ailleurs. Dans le but de régler le différend sans contestation en justice, l’employée a demandé qu’on lui paie une partie du revenu perdu pendant la période suivant sa rétrogradation et que les lettres d’avertissement qui lui avaient été envoyées soient retirées de son dossier personnel. Malgré les éléments de preuve à l’appui des allégations de l’employée, l’employeur consent seulement à lui fournir une lettre confirmant qu’elle a travaillé pour lui. Et il refuse de payer quoi que ce soit à l’employée, pour des raisons de principe.

L’employée décline cette offre et entame des recours en réparation, qu’elle obtient, de sorte que l’employeur est soumis à une ordonnance quelques années plus tard. Celui-ci doit lui payer des dommages-intérêts généraux de 10 000 $ et des dommages intérêts spéciaux de 5 000 $, ainsi que des intérêts sur le total de 15 000 $, et instaurer un nouveau processus disciplinaire et des politiques et procédures relatives aux droits de la personne. De surcroît, l’employeur doit payer 30 000 $ à son avocat pour les innombrables heures passées à la préparation du dossier en prévision de l’audience.

Outre les frais inhérents aux litiges et les incidences sur les entreprises en cause et leur réputation, les contentieux en matière de droits humains en suspens ont des conséquences personnelles et sociales pour les intimés. La Commission a été mise au fait par de nombreuses parties en cause, y compris des employeurs, de l’incidence négative sur leur réputation, leur capacité de travailler et leur vie familiale et du stress causés par les allégations relatives aux droits de la personne et les litiges de longue durée.

ii) Faire en sorte que le règlement des plaintes en matière de droits de la personne prévoie des redressements éventuellement disponibles :

Tout redressement dont conviennent les parties doit tenir compte des pertes réelles qu’a subies le plaignant, des redressements prévus par les lois visant les droits de la personne et de l’intérêt qu’ont toutes les parties à parvenir rapidement à un règlement équitable.

Le principe qui sous-tend le règlement des plaintes relatives aux droits humains consiste à placer le plaignant dans la position où il se serait trouvé s’il n’avait pas fait l’objet de discrimination, dans la mesure où celui ci a pris des mesures pour réduire ses pertes (« atténuation des dommages »). Le règlement des plaintes pour infraction aux droits de la personne a également pour but de protéger l’intérêt public et de veiller à ce que des mesures soient prises pour prévenir d’autres cas de discrimination. Si un plaignant prouve qu’il a fait l’objet de discrimination et qu’il mérite réparation, le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario pourrait ordonner ce qui suit à son employeur et à toute personne nommée dans la plainte :

  • payer une compensation financière au plaignant pour la perte de revenus ou d’occasions d’emploi (si celui-ci peut prouver qu’il a pris des mesures pour réduire ses pertes le plus possible);
  • payer des intérêts au plaignant sur les sommes auxquelles il a droit rétroactivement à la date à laquelle l’infraction au Code a été commise;
  • payer des dommages-intérêts au plaignant pour la souffrance morale causée par l’infraction;
  • payer des dommages-intérêts généraux au plaignant pour avoir violé ses droits et réparer l’effet sur sa dignité et son estime de soi;
  • accorder au plaignant un congé payé jusqu’à ce que l’ordonnance du Tribunal soit respectée;
  • promouvoir le plaignant au poste qu’il aurait occupé s’il n’y avait pas eu de discrimination ou le faire réintégrer ce poste;
  • modifier les politiques qu’on a considérées comme discriminatoires ou comme ayant un effet discriminatoire;
  • prendre des mesures de formation (cela peut comprendre le recours aux services d’un consultant, la participation du plaignant à la conception de ces mesures et/ou l’imposition de la formation à l’ensemble des employés);
  • mettre en place un processus de règlement à l’interne des plaintes relatives aux droits humains (cela pourrait comprendre l’obligation de faire enquête à la suite de plaintes de harcèlement et de discrimination en milieu de travail ou de soumettre les cas à une médiation par un tiers de l’extérieur);
  • élaborer et mettre en oeuvre des politiques efficaces d’antidiscrimination et de lutte contre le harcèlement. L’employeur peut être tenu de retenir les services d’un consultant pour ce faire ou encore de faire de la conformité à de telles politiques un élément des évaluations du rendement des superviseurs et des supérieurs immédiats;
  • assurer un suivi permanent de la conformité à une ordonnance ou à une entente (par exemple, faire rapport au Tribunal ou à un tiers désigné par celui ci);
  • mettre à disposition la décision du Tribunal, ou un résumé de celle ci, sur le lieu de travail et la faire connaître aux employés.

f) Facteurs à prendre en compte lorsqu’on demande à un employé de signer une renonciation

i) En quoi consiste une renonciation?

Une renonciation est une forme de contrat par lequel une personne convient de ne plus porter plainte contre quelqu’un d’autre. Selon les tribunaux, pour qu’un tel contrat existe, les parties doivent convenir qu’aucune autre plainte ne sera portée, il doit y avoir contrepartie (valeur cédée en échange du droit visé) et les deux parties doivent respecter les conditions de l’entente. Si l’un ou l’autre de ces trois éléments est absent, le contrat ne peut être exécuté.

Exemple : Un employeur soutient qu’une employée congédiée doit signer une renonciation pour obtenir l’argent qui lui est dû en vertu de la Loi sur les normes d’emploi, comme des indemnités de départ et une paie de vacances. Il n’y a pas de contrepartie, car l’employée a déjà droit à l’argent que l’employé lui versera si elle signe la renonciation. Dès lors, même si elle signe la renonciation pour obtenir l’argent, il n’y a pas de contrat et cette renonciation est sans effet.

ii) Abandon contractuel des droits ou présentation d’une plainte

L’article 32 de la version actuelle du Code garantit le droit de porter plainte à quiconque estime que ses droits au titre du Code ont été violés. De même, selon le paragraphe 34(1) de la version récemment modifiée du Code, une personne peut présenter une requête au Tribunal des droits de la personne de l’Ontario en vue d’obtenir une ordonnance corrective, tel que prévu à l’article 45.2. Cette protection fait en sorte qu’on ne peut demander à quelqu’un d’abdiquer ses droits, ni son droit de les faire respecter, par voie de contrat. La Cour suprême a nettement établi que : « Les mesures législatives relatives aux droits de la personne établissent " des limites en deçà desquelles les parties ne peuvent se soustraire par contrat aux dispositions de la loi " et que tout contrat ayant cet effet est nul ».[84]

Par ailleurs, il est autorisé de régler un problème, une préoccupation ou une plainte ayant trait aux droits de la personne. Pour que cela puisse se faire, les parties en cause doivent connaître les droits de la personne visée et l’employé doit recevoir une valeur en reconnaissance de ces droits. Dans le langage juridique, cette valeur est appelée contrepartie; il peut s’agir d’argent ou d’autre chose ayant une valeur, telle qu’une lettre de référence ou une excuse.

Exemple : Au moment où il informe un employé qu’il est remercié sur le champ, un employeur l’avertit qu’il retiendra son indemnité de cessation d’emploi à moins qu’il ne signe une renonciation complète et finale à toute revendication en souffrance, y compris toute plainte relative aux droits de la personne. L’employé signe les formulaires même s’il ne comprend pas le langage juridique et quitte son lieu de travail en état de choc, en se demandant s’il aurait dû mentionner qu’il était en train de déposer une plainte relative aux droits de la personne. Il est probable qu’une situation de ce genre serait considérée comme la libération contractuelle de l’application de dispositions visant la protection des droits de la personne et ne serait pas permise.

Exemple : Au moment où une personne quitte son emploi, celle-ci et son employeur négocient un règlement. Après avoir obtenu des conseils juridiques, cette personne atteste qu’il n’y a pas de problème ni de préoccupation lié aux droits de la personne, et le règlement est négocié sur cette base. Dans ce cas, la conclusion du règlement et la signature d’une renonciation ne seraient pas considérées comme l’abandon contractuel de droits.

Exemple : Un employé et un employeur négocient un règlement dans le but de mettre fin à des instances en cours en vertu de la Loi sur les normes d’emploi et du Code, ce que les conditions du règlement indiquent clairement. Les parties sont conscientes de toute la portée de leurs revendications et de leurs droits au titre de ces deux lois. L’employé, qui a reçu les conseils juridiques d’un tiers indépendant, signe une renonciation spécifiant que l’employeur est libéré de toute responsabilité sur la base du règlement conclu de bonne foi par les parties. Ce cas serait vraisemblablement considéré comme un règlement et non comme l’abandon contractuel d’un droit.

iii) Conseils à l’intention des employeurs – Élaboration et signature par l’employé d’une renonciation :

En ce qui concerne la question de déterminer s’il s’agit de l’abandon contractuel d’un droit ou du règlement d’une plainte, la Commission offre les conseils suivants aux employeurs au cours de l’élaboration d’une renonciation au droit de déposer une plainte pour atteinte aux droits de la personne que devra signer un employé ou un ancien employé :

  • Un employeur devrait, au moment du licenciement, demander à l’employé, de préférence par écrit, s’il existe une préoccupation ou un différend non réglé en matière de droits de la personne.
  • Il est important de donner à l’employé une possibilité raisonnable de consulter un avocat ou un conseiller indépendant avant d’avoir à répondre à cette question et à signer la renonciation.
  • Si la réponse est « affirmative », l’employeur devrait demander des détails, afin d’être en mesure d’évaluer de manière juste ce qui serait une offre raisonnable pour régler le différend relatif aux droits de la personne.
  • Si la réponse est « affirmative », il est également souhaitable de préparer un procès verbal du règlement, en plus de la renonciation, qui traitera expressément du différend relatif aux droits de la personne.
  • En outre, si la réponse est « affirmative », le texte de la formule standard de renonciation devrait être modifié pour inclure une clause reconnaissant de manière distincte qu’il existe une plainte ou un différend relatif aux droits de la personne qui a été totalement et définitivement résolu par les parties.
  • Si la réponse est « négative » et que l’employé a obtenu ou eu la possibilité d’obtenir des conseils indépendants, il est approprié d’indiquer dans la renonciation que l’employé a obtenu des conseils juridiques indépendants, qu’il connaît ses droits aux termes du Code et qu’il garantit qu’il ne fera pas valoir de tels droits ou qu’il ne présentera pas de réclamation ou de plainte pour atteinte aux droits de la personne.

L’annexe G fournit d’autres conseils aux employés et aux employeurs et présente un exemple de texte de renonciation au droit de déposer une plainte relative aux droits de la personne.

iv) Alinéa 34(1)b) et renonciations :

Selon la version actuelle du Code, en vigueur jusqu’au 30 juin 2008, la Commission peut, à sa discrétion, décider de ne pas traiter une plainte en vertu de l’alinéa 34(1)b) si la plainte est faite de mauvaise foi. Cette disposition est touchée par les modifications récemment apportées au Code. Selon la version amendée du Code, le paragraphe 34(11) fait obstacle à une requête lorsque la question a fait l’objet d’un règlement. Consulter aussi la section IV-12g), intitulée « Réception et traitement des plaintes pour infraction aux droits de la personne ». Le texte qui suit porte sur les pratiques de la Commission en matière d’analyse des requêtes présentées en vertu de l’article 34 de la version actuelle du Code, qui continuera de s’appliquer pendant six mois après le 30 juin 2008. De plus, il est basé sur les principes généraux sur lesquels s’appuie la Commission pour déterminer si un règlement contrevient aux principes des droits de la personne.

Selon l’article 34 de la version actuelle du Code, les parties passibles de plainte, des employeurs par exemple, peuvent faire valoir que les plaignants agissent de mauvaise foi vu qu’ils ont déposé ou maintenu une plainte pour infraction aux droits de la personne en vertu du Code après avoir signé une renonciation.

Dans l’étude des plaintes, la Commission examine les circonstances entourant la signature de la renonciation et détermine s’il y a intention de tromper de la part du plaignant. La Commission applique les quatre facteurs suivants pour déterminer si la renonciation équivaut ou non au règlement d’une plainte pour infraction aux droits de la personne de telle sorte que la plainte est réputée être faite de mauvaise foi:[85]

  1. Le plaignant a-t-il saisi l’importance de la renonciation? Habituellement, il s’agit de déterminer si on lui a accordé suffisamment de temps et l’occasion d’obtenir des conseils.
  2. Le plaignant a-t-il été indemnisé pour la violation alléguée de ses droits? Par exemple, s’il a reçu seulement un montant semblable à celui auquel il aurait eu droit en vertu d’une loi (comme une indemnité de départ en vertu de la Loi sur les normes d’emploi), cela peut vouloir dire qu’il n’a pas été indemnisé pour la violation de ses droits.
  3. Le plaignant était-il soumis à une pression économique de façon à ce qu’elle fasse obstacle à son libre consentement?
  4. Le plaignant était-il soumis à une pression psychologique ou émotive de façon à ce qu’elle fasse obstacle à son libre consentement?

Pour obtenir plus de renseignements sur les règlements, les renonciations et l’application du paragraphe 34(1)b) du Code, consulter le Guide concernant les renonciations relatives aux plaintes pour atteinte aux droits de la personne de la Commission.

g) Réception et traitement des plaintes pour infraction aux droits de la personne

Ci-dessous à la section intitulée « Ancien régime » on décrit les processus actuels de traitement des plaintes de la Commission et du Tribunal des droits de la personne de l’Ontario (le Tribunal). La Commission continuera de recevoir et de traiter toutes les plaintes déposées jusqu’au 30 juin 2008, au moment où les dispositions transitoires de la version récemment amendée du Code entreront en vigueur. Durant les six mois qui suivront, elle se consacrera au traitement des dossiers qui lui ont été présentés jusqu’au 30 juin 2008 inclusivement.

La section intitulée « Nouveau régime » décrit le cadre établi dans la version amendée du Code en vue de la mise en place d’un régime de droits de la personne transformé intégrant les trois entités visées par la législation amendée : la Commission, le Tribunal et le Centre d’assistance juridique en matière de droits de la personne. Au moment de la publication, l’information détaillée sur le fonctionnement du régime de droits de la personne pendant et après la transition n’était pas disponible. Pour connaître les coordonnées de la Commission ontarienne des droits de la personne, du Tribunal des droits de la personne de l’Ontario et du Centre d’assistance juridique en matière de droits de la personne, consulter l’annexe C.

i) Ancien régime :

Dans l’ancien régime, toutes les plaintes étaient traitées par deux entités : la Commission et le Tribunal.

Commission ontarienne des droits de la personne : Le processus de traitement des plaintes est décrit de façon détaillée dans le document intitulé Guide interne de la CODP pour le traitement des plaintes, qui se trouve sur le site Web de la Commission : www.ohrc.on.ca.

Toutes les plaintes doivent être déposées devant la Commission dans les six mois suivant la date de la dernière infraction aux droits. Toute personne qui croit que les droits qui lui sont conférés en vertu du Code ont été enfreints peut communiquer avec la Commission. Un membre du personnel de la commission déterminera si le motif de la plainte est prévu par le Code.

La Commission reste neutre et ne prend pas parti pour ou contre les plaignants. Le personnel de la Commission répondra aux questions relatives au Code et à la procédure de traitement des plaintes des deux parties. Cependant, pour obtenir des conseils juridiques, les parties doivent s’adresser à un avocat.

Le Code n’exige pas de la Commission qu’elle traite toutes les plaintes. En vertu de l’article 34 du Code, l’intimé peut demander à la Commission de ne pas traiter la plainte ou la Commission peut décider de ne pas la traiter s’il lui appert que, selon le cas :

  • la plainte pourrait ou devrait plutôt être traitée en vertu d’une autre loi;
  • la plainte est futile, frivole, vexatoire ou faite de mauvaise foi;
  • la plainte n’est pas de son ressort;
  • les faits sur lesquels la plainte est fondée se sont produits plus de six mois avant son dépôt, à moins que la Commission ne soit convaincue que le retard s’est produit de bonne foi et qu’il ne causera de préjudice important à personne.

À moins que la Commission décide de ne pas traiter la plainte, son personnel essaie, en collaboration avec les parties, de régler le différend dans la mesure du possible. Des services de médiation volontaire confidentiels sont offerts aux parties si elles le désirent. Si la médiation ne porte pas fruit ou qu’une des parties refuse d’y prendre part, les parties doivent fournir des documents à la Commission sur sa demande et participer à une réunion d’instruction. Dans certains cas, la médiation et l’instruction peuvent être combinées.

La réunion d’instruction fait partie du processus d’enquête visant à recueillir des éléments de preuve et à aider les parties à résoudre le litige par la conciliation. Si la situation n’est toujours pas résolue après cette réunion, l’agent chargé de l’enquête achève celle-ci et présente un « rapport d’analyse de cas » ou une « lettre de divulgation » aux parties. Ces documents présentent la preuve pertinente et l’analyse et recommandent ou non que l’affaire soit renvoyée au Tribunal. À ce stade, les parties auront l’occasion de présenter leurs observations sur le contenu du rapport d’analyse de cas ou de la lettre de divulgation, observations que la Commission (les commissaires nommés) prendra en considération au moment de décider si l’affaire doit être déférée au Tribunal. Une copie écrite de la décision de la Commission est envoyée à l’intimé et au plaignant.

Si l’affaire n’est pas déférée au Tribunal, le plaignant peut présenter à la Commission une demande de réexamen dans les 15 jours suivant la date figurant sur la lettre de décision. L’intimé a la possibilité de faire des observations sur la demande du plaignant. Dans les affaires complexes, un rapport de réexamen est produit et l’intimé a également la possibilité de présenter des observations en réaction au rapport. Les commissaires prennent la décision finale quant à savoir si la décision initiale de la Commission doit être annulée.

S’il est décidé que l’affaire doit être déférée au Tribunal, la Commission prend charge de la plainte. Elle tente de prouver qu’il y a eu discrimination et demande réparation dans l’intérêt public. À ce stade, le plaignant peut choisir de se faire défendre par la Commission ou par un avocat.

Tribunal des droits de la personne de l’Ontario : Le Tribunal est l’organisme qui entend la preuve, conclut s’il y a eu ou non discrimination et détermine les mesures qui doivent être prises pour remédier à la situation. Il est indépendant de la Commission. Le plaignant, le(s) répondant(s) et la Commission sont les parties à l’instance du Tribunal. L’audience est publique.

Avant le début de l’instance, les parties ont la possibilité de régler le différend au moyen d’une médiation tenue par un arbitre du Tribunal. À défaut de règlement, la plainte est déposée devant le Tribunal. Au cours des audiences du Tribunal, le plaignant est tenu de prouver qu’il y a eu discrimination. Le répondant doit répondre aux accusations portées contre lui en fournissant une explication plausible et non discriminatoire de ses actes. Si le répondant est en mesure de le faire, le plaignant doit alors défaire l’argument du répondant, entre autres, en démontrant que l’explication du répondant est fausse ou qu’il ne s’agit que d’un prétexte pour camoufler la discrimination.

En règle générale, il incombe au plaignant de prouver qu’il est plus probable qu’il y a eu discrimination et qu’il est admissible à des recours. La « prépondérance des probabilités » constitue la norme de preuve imposée au plaignant. Cette norme est nettement moins stricte que le critère en droit pénal, où il revient à la Couronne de prouver « hors de tout doute raisonnable » le bien-fondé de la cause.

Si le tribunal conclut à la discrimination, il peut ordonner toute une gamme de redressements. Pour en savoir plus à ce sujet, consulter aussi la section IV-12e(ii) – « Faire en sorte que le règlement des plaintes en matière de droits de la personne prévoit des redressements éventuellement disponibles ». En vertu du Code, le principe général sur lequel repose les ordonnances du Tribunal est celui de replacer le plaignant dans la même situation que celle qui aurait prévalu n’eût été de la violation du Code (recours particuliers) et de veiller à ce que l’ensemble des dispositions du Code soient respectées par la suite (recours d’intérêt public). Les ordonnances du Tribunal ont force de loi, sous réserve de tout appel et de tout contrôle judiciaire – lesquels sont deux recours prévus dans le cadre du régime actuel.

ii) Nouveau régime :

Le projet de loi 107, La Loi de 2006 modifiant le Code des droits de la personne a reçu la sanction royale en décembre 2006. Mais, ce qui importe avant tout, c’est que la version amendée du Code prévoit qu’à compter du 30 juin 2008, les plaintes pour atteinte aux droits de la personne seront déposées directement auprès du Tribunal des droits de la personne de l’Ontario (« le Tribunal ») et non plus auprès de la Commission ontarienne des droits de la personne. En outre, la version amendée du Code prévoit la création d'un nouvel organisme, à savoir le Centre d'assistance juridique en matière de droits de la personne, qui sera chargé d’assurer la prestation de services juridiques auprès des plaignants. Dans le texte qui suit, le lecteur aura un aperçu du nouveau cadre législatif, notamment en ce qui concerne les compétences de chaque organisme, le traitement des plaintes et les mesures de transition.

Commission ontarienne des droits de la personne : La Commission continuera de traiter toutes les plaintes pour violation des droits de la personne d’ici le 30 juin 2008, au moment où les requêtes pourront être déposées directement auprès le Tribunal. À compter du 30 juin 2008, toutes les nouvelles plaintes devront être présentées directement au Tribunal, mais la Commission achèvera le traitement de celles dont elle a été saisie avant cette date.

D’ici la fin de décembre 2008, la Commission continuera de mener des enquêtes, de soumettre à la médiation et à la conciliation ainsi que de rendre des décisions conformément aux articles 34, 36 et 37 du Code, comme on l’explique de façon plus détaillée dans la section portant sur l’ancien régime ci-dessous. À n’importe quel moment pendant cette période de six mois, toute personne ayant déposé une plainte peut présenter une demande de renonciation et présenter une requête au Tribunal à l’égard de l’objet de la plainte pour que celle-ci soit traitée rapidement [(paragraphe 53(3)]. En vertu du paragraphe 53(5), les plaignants disposent de six mois de plus pour déposer une requête auprès du Tribunal à l’égard de l’objet de la plainte sauf dans le cas de plaintes réglées, retirées ou autrement traitées. Toute personne dont l’objet de la plainte est renvoyé par la Commission au Tribunal pour instruction est assujettie aux Règles de pratique de ce dernier, lesquelles sont en vigueur depuis le 31 janvier 2008.

Au bout de la dite période de six mois, soit à la fin de décembre 2008, la Commission cessera de mener des enquêtes, de soumettre à la médiation et à la conciliation et de rendre des décisions, comme le prévoient les articles 34, 36 et 37 du Code.

D’après la version amendée du Code, le Tribunal peut tenir compte des politiques approuvées par la Commission, et il doit en tenir compte si une partie à une instance ou un intervenant le demande (article 45.5). La Commission peut intervenir dans le cadre de requêtes d’un intérêt particulier ou y intervenir à titre de partie (article 37), de même qu’amorcer des enquêtes ou prendre d’autres mesures dans les situations de discrimination qui sont portées à son attention (article 29). Cela veut dire que les employeurs devront continuer de se tenir au courant des politiques de la Commission et de tenter de s’y conformer, même s’il n’incombera plus à celle ci de traiter les plaintes particulières pour atteinte aux droits de la personne

Tribunal des droits de la personne de l’Ontario : À compter du 30 juin 2008, toutes les plaintes liées aux droits de la personne porteront le nom de « requêtes » et seront déposées auprès du Tribunal des droits de la personne de l’Ontario (« le Tribunal ») proprement dit. Toutes les plaintes dont l’objet est renvoyé devant le Tribunal pour instruction par la Commission seront assujetties à ses Règles de pratique en vigueur depuis le 31 janvier 2008.

Dès le 30 juin 2008, toutes les requêtes présentées directement au Tribunal devront respecter les dispositions définitives des Règles de pratique proposées par le Tribunal et qui ont fait l’objet de consultations du 1er février au 14 mars 2008.

Il importe de souligner que la version amendée du Code précise qu’une « requête » peut être présentée au Tribunal dans l’année qui suit l’incident auquel se rapporte la requête. Le Tribunal peut accepter les requêtes tardives s’il est convaincu que le retard s’est produit de bonne foi et qu’il ne causera de préjudice important à personne. La version amendée du Code prévoit aussi qu’une personne ou un organisme peut présenter une requête au nom d’une autre personne si celle-ci consent à cette dernière [(section 34(5)].

La version amendée du Code interdit les requêtes des parties d’une instance civile pendante qui veulent obtenir les mêmes recours, si un tribunal judiciaire a enfin déterminé s’il y a eu atteinte à un droit ou si le litige a été résolu. Notamment, une requête qui est du ressort du Tribunal ne doit pas être décidée de façon définitive sans que les parties aient eu la possibilité de présenter des observations orales conformément aux règles et sans fournir de motifs écrits à l’appui [(section 43(2.2)].

Selon la version amendée du Code, le Tribunal est habilité à simplifier ses pratiques et procédures afin de faire en sorte que les requêtes soient traitées rapidement et équitablement. De surcroît, le Tribunal a le pouvoir d’établir des règles qui lui permettent de limiter les procédures (par exemple, en définissant ou en restreignant les questions nécessaires pour décider d’une requête et en limitant les éléments de preuve et les observations des parties sur ces questions)

Pour plus de renseignements au sujet des éventuelles règles à respecter relativement aux requêtes et aux audiences dans le cadre du nouveau régime, communiquer directement avec le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario. Consulter aussi la Partie IV du Code, accessible en ligne à : www.e-laws.gov.on.ca/.

Centre d’assistance juridique en matière de droits de la personne : La nouvelle version du Code prévoit la création du nouvel organisme du nom de Centre d'assistance juridique en matière de droits de la personne qui fournira des conseils et un soutien à caractère juridique ou autre relativement aux atteintes aux droits faisant l’objet de la Partie I du Code. Il offrira aussi des services juridiques dans les domaines suivants :

  • la présentation d’une requête au Tribunal (Partie IV);
  • les instances dont est saisi le Tribunal (Partie IV);
  • les requêtes en révision judiciaire découlant des instances tenues par le Tribunal;
  • les instances relatives aux exposés de cause
  • l’exécution des ordonnances du Tribunal.

Pour plus de renseignements, consulter la Partie IV.1 du Code ou faire parvenir un courriel à : HRLSC@Ontario.ca.

h) Traitement des allégations de discrimination déposées devant les tribunaux judiciaires et administratifs

Outre les plaintes pour atteinte aux droits de la personne qui font l’objet du processus de traitement de la Commission et du Tribunal qui est présenté ci dessus, les dossiers d’allégations de discrimination peuvent, dans certaines circonstances, être confiés à des tribunaux judiciaires et à d’autres tribunaux administratifs

i) Ancien régime :

En Ontario, les tribunaux administratifs ont la compétence de traiter des questions en matière de droits de la personne, à moins d’avoir été investis du pouvoir explicite de refuser de les entendre. Dans une récente décision, la Cour suprême du Canada a précisé que les tribunaux administratifs peuvent refuser d’appliquer certaines dispositions des lois qui les définissent s’opposant au Code.[86]

Bien qu’une atteinte aux dispositions du Code ne puisse constituer le seul motif d’une action en justice, une poursuite reposant sur un prétendu renvoi déguisé ou injustifié peut être fondée sur des allégations de discrimination.[87] Dans certaines situations, d’importants dommages intérêts ont été accordés aux personnes ayant fait objet d’un renvoi injustifié pour des motifs interdits par le Code. Dans l’affaire Keays c. Honda Canada Inc,[88] par exemple, le juge de première instance à conclu au harcèlement en raison d’un handicap allant jusqu’au licenciement et a ordonné le versement de 500 000 $ en dommages-intérêts. En cour d’appel, cette somme a été réduite à 100 000 $. Les deux parties ont de nouveau porté la décision du juge en appel à la Cour suprême du Canada.

ii) Nouveau régime :

Les modifications apportées au Code ont favorisé une tendance de la jurisprudence à ordonner des recours dans des causes de droits de la personne dans le cadre d’autres poursuites. En vertu du paragraphe 46.1(1) du Code, un tribunal judiciaire est investi du pouvoir de condamner l’intimé à verser des dommages-intérêts et à d’autres mesures de redressement prévues au Code s’il conclut à une violation de ce dernier. Le paragraphe 46.1(2) confirme qu’une atteinte aux droits de la personne ne peut constituer le seul motif d’une action en justice. Autrement dit, cette disposition ne crée pas un nouveau « droit d’action » ou motif de litige devant les tribunaux

Ces amendements précisent le fait qu’un employé ne soit pas tenu de présenter une requête auprès du Tribunal des droits de la personne de l’Ontario pour obtenir des redressements par suite d’une atteinte aux droits de la personne en milieu de travail. C’est plutôt les tribunaux judiciaires qui sont habilités à accorder des recours pour atteinte aux droits de la personne ainsi que d’autres redressements propres au droit du travail comme l’indemnité de départ, la prime de séparation ou le versement d’un paiement forfaitaire à la place d'un préavis,

Exemple : Un homme subit des mesures disciplinaires, fait l’objet de harcèlement et est licencié en raison de son âge et de son handicap. L’employé intente une poursuite en justice pour licenciement injuste au cours de laquelle il soulève ses allégations de discrimination. L’homme gagne sa cause et l’employeur doit lui verser une indemnisation parce qu’il ne lui a pas donné de pré-avis. Il devra lui offrir une compensation n’ayant pas respecté les droits de la personne.


[77] Voir le Verdict du jury du coroner concernant l’homicide de Lori Dupont perpétré par Marc Daniel, accessible en ligne à : http://www.mcscs.jus.gov.on.ca/french/pub_safety/office_coroner/verdicts_and_recs_fr.html. Noter également que le Projet de loi d’initiative parlementaire 29 (Loi modifiant la Loi sur la santé et la sécurité au travail pour protéger les travailleurs contre le harcèlement et la violence dans le lieu de travail) a fait l’objet d’une première lecture le 13 décembre 2007.
[78] Pour plus de renseignements au sujet du harcèlement psychologique et l’intimidation, voir Mental Health Works, « Cubicle Bullies : Mobbing at Work » accessible en ligne à : www.mentalhealthworks.ca/articles/mobbing_at_work.asp.
[79] Laskowska, supra, note 28.
[80] Voir, par exemple, Laskowska, supra note 26.
[81] Robichaud c. Brennan (1987), 8 C.H.R.R. D/4326 (S.C.C.); Ontario (Human Rights Comm.) c. Simpson-Sears Ltd. (1985), 7 C.H.R.R. D/3012 (S.C.C.); Nishimura c. Ontario (Human Rights Comm.) (1989), 1 C.H.R.R. D/246 (Ont. Div. Ct.).
[82] Voir Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Montréal (Communauté urbaine), [2004] 1 S.C.R. 789 et I.U.E.CLocal 50 c. Otis Canada Inc., 2004 CarswellOnt 6340, 112 C.L.R.B.R. (2d) 252, [2004] O.L.R.B. Rep 1174, 135 L.A.C. (4th) 193 (Ont. L.R.B.).
[83] Martin c. Nova Scotia (Workers’ Compensation Board), [2003] 2 S.C.R. 504.
[84] Heerspink, supra, note 4,à 158.
[85] Voir Pritchard c. Ontario Human Rights Commission (1999), 45O,R. (rd) 97 (Div. Ct).
[86] Tranchemontagne, supra, note 5.
[87] Voir, par exemple, L’Attiboudeaire c.Royal Bank (1996), 88 O.A.C. 70 (C.A.).
[88] Keays, supra, note 52.

13. Cessation d’une relation d’emploi

Dans de nombreux cas, une cessation d’emploi, qu’elle prenne la forme d’un licenciement, d’une mise à pied, d’une suppression de poste, d’un programme de retraite anticipée ou d’une démission de l’employé, est jugée acceptable et non discriminatoire. L’une des principales conditions qu’il faut toutefois respecter est de s’assurer que la cessation de la relation d’emploi n’est pas dictée ou influencée par une attitude discriminatoire. Cette condition s’applique même aux cas où un employé est licencié au cours de sa période probatoire ou au moment où elle prend fin.

Exemple : Une employée sollicite un congé en raison de son état familial et de besoins reliés à un handicap durant sa période de probation de trois mois. Il est inacceptable que l’employeur tienne compte de ce fait pour décider de la congédier à la fin de sa période d’emploi.

L’une des pratiques exemplaires que pourraient adopter les employeurs est d’organiser des sondages ou des entrevues anonymes pour recueillir les commentaires des employés qui quittent l’entreprise, démissionnent, sont mis à pied ou sont licenciés. Ces commentaires aideront les employeurs à déterminer si la discrimination, le harcèlement ou l’absence de mesures d’adaptation entrent en jeu dans la décision des employés de quitter l’entreprise.

a) Démission et congédiement déguisé

Le fait qu’un employé démissionne ne libère pas l’employeur de la responsabilité qu’il pourrait avoir dans tout acte de discrimination dont l’employé pourrait avoir fait l’objet au travail. Si un employé démissionne par suite de pratiques discriminatoires, l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour enquêter sur ces pratiques et les prévenir. Un tribunal judiciaire ou administratif peut juger que les employés qui quittent un emploi parce qu’ils refusent de travailler dans des conditions malsaines sont susceptibles de se prévaloir d’un congédiement déguisé.

La Commission a instruit des affaires où les employés se sont vus donner la possibilité d’éviter le licenciement en choisissant volontairement de quitter leur emploi. Si le départ de l’employé est dicté par un motif prévu au Code, il peut être considéré comme discriminatoire, même si l’employeur peut arguer que l’employé a quitté son emploi de son propre gré.

Quand un employé démissionne brusquement dans des circonstances qui laissent croire que sa décision a pu être dictée par une maladie mentale ou un autre handicap, l’employeur doit prendre les initiatives nécessaires pour déterminer s’il y a lieu de prendre des mesures d’adaptation avant d’accepter sa démission. S’il n’envisage pas de telles mesures, l’employeur doit malgré tout s’assurer que l’employé comprend les conséquences de son geste, dispose d’un certain temps pour réfléchir sur sa décision et a la possibilité de revenir sur sa démission dans un délai raisonnable.

Exemple : Une stagiaire employée dans une société de placement annonce son intention d’abandonner le stage au milieu de l’année et décline l’offre lucrative de se joindre à la société à titre permanent à partir de l’année suivante. Le directeur des ressources humaines soupçonne que la stagiaire est déprimée ou qu’elle agit sous l’influence d’une forme ou une autre de maladie mentale parce que son rendement a récemment posé quelques problèmes et qu’elle tient des propos illogiques, où elle prétend qu’elle préférerait travailler comme balayeuse de rue. Malgré cela, la société s’empresse de remplir les papiers administratifs et confirme la démission de l’employée avant qu’elle ne change d’avis. Quand la stagiaire prend conscience qu’elle a agi de manière précipitée, elle demande de réintégrer son poste, mais on lui répond qu’il est trop tard pour le faire. La société pourrait se trouver dans une position vulnérable si l’employée déposait une plainte en vertu du Code des droits de la personne.

Dans certains cas, la démission d’un employé ou les actions d’un employeur peuvent être perçues comme une forme de « licenciement déguisé ». Si un tribunal judiciaire ou administratif rend un jugement dans ce sens, un employé a droit à tous les recours dont il aurait bénéficiés s’il avait de fait été licencié.

Exemple : De retour au travail après un congé d’invalidité, un vice président des finances apprend que son poste a été confié à un autre employé. On lui explique qu’il peut reprendre le travail à condition d’accepter un poste de cadre débutant, avec un salaire et des responsabilités moindres. L’employée démissionne et dépose une plainte en vertu du Code des droits de la personne. L’employeur peut être accusé d’avoir failli à son obligation d’adaptation, auquel cas l’employé aura droit à la fois aux dommages pour atteinte à la dignité (dommages-intérêts généraux) et aux dommages pour perte d’emploi (dommages-intérêts particuliers).

Exemple : Une employée est victime d’une agression sexuelle de la part d’un client en milieu de travail. Son poste est suspendu en attendant les résultats de l’enquête et des procédures pénales. Le processus prend plus de deux ans. Cette suspension de poste peut être considérée comme cessation d’emploi discriminatoire.

Exemple : Une employée en congé de maternité se voit contrainte de payer son assurance médicale. De retour au travail, elle doit accepter un poste de salaire et de classification inférieurs. Elle décide de démissionner. Les employés de sexe masculin ayant bénéficié d’un congé pour raisons médicales de durée équivalente n’ont pas été soumis aux mêmes exigences. L’employée pourra sans doute se prévaloir d’un congédiement déguisé et obtenir de ce fait l’indemnisation prévue par le Code dans ces situations.

b) Licenciements

Un grand nombre de personnes qui déposent une plainte pour atteinte aux droits de la personne en milieu de travail allèguent que leur cessation d’emploi repose sur des motifs discriminatoires. Certaines personnes font valoir leurs droits pendant qu’elles sont encore à l’emploi de leur société. Toutefois, la plupart des employés composent avec la discrimination et le harcèlement en milieu de travail jusqu’à ce que leur emploi prenne fin, puis déposent une plainte où elles réclament des indemnités pour une série de situations discriminatoires survenues pendant leur période d’emploi. Dans d’autres cas, les employés estiment qu’ils ont été traités équitablement jusqu’à la cessation effective de leur emploi ou jusqu’aux dernières étapes de la dotation de leur poste. Pour certains, c’est la manière dont la cessation d’emploi se produit qui est jugée discriminatoire.

Quand un employé concerné par un motif de discrimination prévu au Code est licencié et que sont poste est comblé par un autre employé qui n’est pas concerné dans la même mesure par un motif de discrimination prévu au Code, la situation laisse inférer une attitude discriminatoire. L’inférence peut être plus forte lorsque l’employeur justifie la cessation de l’emploi par un faux prétexte comme une restructuration du service, alors que rien n’indique qu’une telle restructuration a lieu.

Exemple : Un vendeur de 69 ans dont le rendement est excellent est remercié de ses services. Son employeur prétend que son poste est devenu excédentaire, mais il apprend de diverses sources qu’il sera remplacé par un employé célibataire plus jeune chez lequel l’employeur voit un plus grand potentiel de carrière.

Exemple : Une femme demande et obtient des mesures d’adaptation à l’égard de sa situation familiale. Ces mesures prennent la forme d’un horaire flexible qui lui permet de prodiguer les soins nécessaires à sa mère et à son fils, qui ont tous deux de graves problèmes de santé. Quelques mois plus tard, l’employée est licenciée sur le motif que sa productivité est inférieure à celle de ses collègues et que son licenciement fait partie d’une restructuration d’ensemble du personnel. Or, aucune autre personne n’est licenciée et un homme, réputé être un bourreau de travail, est nommé à son poste.

Comme nous l’avons noté plus haut à propos des mesures disciplinaires, de nombreuses plaintes pour atteinte aux droits de la personne portent sur des situations où les mesures disciplinaires, dont le licenciement, sont appliquées de manière inéquitable ou disproportionnée aux personnes concernées par l’un des motifs de discrimination prévus par le Code.

Exemple : Deux employées d’une garderie s’occupent de dix enfants d’âge préscolaire. Un accident se produit et aucune des deux employées ne remplit le rapport d’incident requis. L’employée racialisée est congédiée, tandis que sa collègue de race blanche, qui a le même dossier disciplinaire sans tache et le même niveau de responsabilité, ne reçoit qu’un avertissement par écrit.

La cessation d’emploi doit se dérouler en conformité avec les dispositions du Code et dans le respect de la dignité des employés. Des agissements comme le refus de remplir les documents de cessation d’emploi ou la création d’obstacles pour empêcher que l’employé ne bénéficie des droits que lui confère la loi, comme l’indemnité de départ, constituent des infractions au Code. Consulter aussi la section IV-13b(viii) – Forme du licenciement.

i) Licenciement d’un employé en période probatoire :

De nombreux employeurs croient à tort qu’ils peuvent licencier un employé en période d’essai pour n’importe quelle raison, y compris un motif fondé sur le Code. Ils croient aussi que l’indemnisation qu’ils doivent verser à un tel employé en vertu des lois sur les droits de la personne sera minimale. Ce n’est pas le cas.

On ne peut se défendre contre une plainte pour discrimination en alléguant que l’employé était en période probatoire. Toute personne licenciée durant ou à la fin d’une période d’essai pour des raisons discriminatoires ou au vu de facteurs discriminatoires, a le droit de déposer une plainte pour atteinte aux droits de la personne et de réclamer des recours, y compris des dommages-intérêts.

Une récente décision du Tribunal des droits de la personne de l’Ontario illustre les conséquences importantes qu’ont eues le traitement discriminatoire et le licenciement d’un employé en période d’essai qui venait d’être embauché. L’affaire Lane c. ADGA Group Consultants Inc.[89] portait sur un employé en période d’essai licencié au bout de huit jours de travail seulement pour des raisons liées à un handicap mental. Le Tribunal a ordonné à l’intimé de :

  • verser à l’employé 35 000 $ en dommages intérêts généraux pour violation de ses droits en vertu du Code, 10 000 $ en dommages-intérêts pour souffrance morale et près de 35 000 $ en dommages-intérêts spéciaux pour perte de salaire découlant de la violation de ses droits.
  • payer les intérêts avant jugement calculés sur ces montants à compter de la date où M. Lane a déposé sa plainte, ainsi que les intérêts après jugement sur le montant complet à compter de 30 jours après la date du jugement.
  • retenir à ses propres frais les services d’un consultant qualifié pour fournir au personnel, aux superviseurs et aux supérieurs immédiats une formation sur les dispositions du Code et les mesures d’adaptation prévues en cas de maladie mentale;
  • formuler par écrit des directives antidiscriminatoires complètes dans les trois mois qui suivent le jugement, les afficher très visiblement dans tous les endroits où l’employeur exerce ses activités d’affaires et les inclure dans les programmes d’orientation des employés. L’intimé a également été tenu de joindre des exemplaires de ces directives à toutes les réponses aux demandes de proposition qu’il soumet.

ii) Comportements reliés à un motif de discrimination prévu au Code :

En présence d’un « climat malsain », le licenciement d’un employé sera replacé dans le contexte de ce climat.[90] Avant de mettre fin à un emploi sous un motif d’insubordination ou de propos injurieux au travail, l’employeur doit prendre toutes les mesures de diligence raisonnable pour déterminer si un environnement de travail malsain ou une discrimination latente a contribué à créer cette situation. Les tribunaux tiendront compte de l’existence de conditions de travail pour évaluer si un licenciement a ou non des mobiles discriminatoires.

Exemple : Un employé est licencié sur le motif que son dossier disciplinaire révèle une tendance aux conflits avec certains collègues, malgré des faits qui semblent indiquer que son comportement soit provoqué par l’attitude discriminatoire que ces collègues observent à son égard. Un licenciement survenant dans ces circonstances pourrait être jugé discriminatoire.

Les employés souffrant de handicap mental sont particulièrement vulnérables au licenciement. Dans de nombreux cas, un handicap mental non diagnostiquée peut influer sur le rendement professionnel d’un employé. Tout employeur a le droit d’exiger que des normes de rendement soient respectées et que le lieu de travail ne présente aucun risque pour les employés. Cependant, il doit aussi proposer des mesures d’adaptation avant d’évaluer si l’employé pourra ou non répondre aux normes de rendement. Les attentes en matière de rendement de l’employé doivent être établies dans le cadre d’un plan d’adaptation concerté.

iii) Risques perçus du handicap mental pour les autres employés :

Dans certains cas, un employeur peut juger que le handicap mental d’un employé présente des risques pour les autres employés et que sa gravité justifie un licenciement. L’employeur peut, dans certaines conditions, prendre des mesures légitimes pour protéger les employés, mais il doit le faire en tenant compte de ses devoirs et de ses obligations à l’égard de l’employé atteint de handicap mental.

Exemple : Un employé fait des déclarations bizarres à plusieurs de ses collègues de sexe féminin et leur laisse des lettres d’amour à l’extérieur de leur vestiaire. Ces femmes se plaignent à la direction. L’employeur demande à l’employé de passer un examen médical parce qu’il craint qu’un handicap mental ne soit à l’origine de ce comportement. Les dossiers médicaux indiquent en effet que l’employé souffre d’un grave handicap mental, empiré par le stress, et qu’il nourrit des pensées obsessives et compulsives à l’égard de ses collègues de sexe féminin. L’employeur informe le personnel féminin de la situation. Une semaine plus tard, il licencie l’employé pour prévenir toute escalade du harcèlement sexuel. Cet employeur pourrait être soupçonné d’avoir enfreint les dispositions du Code (climat malsain et licenciement sans mesures d’adaptation préalables).

Exemple : Un employeur placé devant la même situation note que l’employé exécute depuis peu des tâches supplémentaires et se demande si ce surplus de travail n’aggrave pas son stress. L’employeur obtient rapidement le consentement de l’employé pour parler à son médecin, demander une évaluation réaliste des risques que courent les employés de sexe féminin et mettre en place des mesures d’adaptation. De concert avec le médecin et l’employé, l’employeur accorde un congé payé à l’employé pour lui permettre de se reposer et de suivre un traitement. À son retour au travail, l’employé bénéficie de mesures d’adaptation qui l’aident à gérer convenablement sa charge de travail et son handicap. Les droits de tous les employés ont été respectés.

Si l’employeur a suivi les conseils du médecin de l’employé, obtenu, au besoin, l’avis de spécialistes et pris les mesures d’adaptation recommandées et qu’il a des motifs valables de croire qu’il subsiste malgré tout de graves risques pour les autres employés, il est vraisemblablement en droit de prendre les mesures nécessaires pour réduire ces risques sans être taxé de discrimination.

Toutefois, l’employeur est toujours tenu de proposer des mesures d’adaptation et de retenir la solution la moins discriminatoire. Par exemple, il peut accorder à l’employé un congé d’invalidité à court ou à long terme et faire évaluer régulièrement son état de santé pour déterminer s’il peut ou non reprendre le travail en toute sécurité.

Si le pronostic de santé de l’employé ne change pas et que les données médicales indiquent qu’il ne pourra pas reprendre le travail même après une longue absence, les circonstances pourraient causer un préjudice injustifié à l’employeur. L’employeur doit toutefois faire preuve de patience et de prudence avant de licencier un employé en congé prolongé pour handicap mental. De nombreux employeurs mettent fin à un emploi beaucoup plus tôt qu’ils ne devraient le faire, et bien avant qu’ils n’atteignent le seuil de ce qu’un tribunal des droits de la personne pourrait qualifier de préjudice injustifié. Consulter ci-dessous la section vi) - Clauses de cessation d’emploi automatique et la section vii) - Cessation d’emploi durant ou après un congé octroyé pour des motifs fondés sur le Code.

iv) Absentéisme :

Il est contraire aux dispositions du Code de congédier un employé sur le motif d’absences répétées sans s’être d’abord acquitté de son obligation d’adaptation. Tout employeur décidant de mettre fin à l’emploi d’un employé agit de manière discriminatoire s’il se fonde sur des absences dues à une raison fondée sur le Code, à moins qu’il ne prouve que l’autorisation d’absences additionnelles pour accommoder l’employé constitue un préjudice injustifié. Consulter aussi la section IV-11d(i) – S’assurer de prendre les mesures d’adaptation nécessaires avant d’exécuter des mesures disciplinaires pour absentéisme, la section IV-13b(vi) – Clauses de cessation d’emploi automatique et la section IV-13b(vii) – Cessation d’emploi durant ou après un congé octroyé pour des motifs fondés sur le Code.

v) Rendement médiocre susceptible d’être relié à un motif de discrimination prévu au Code :

Les employeurs ne peuvent mettre fin à un emploi pour cause de rendement médiocre si ce dernier est susceptible d’être relié à un motif de discrimination prévu au Code, à moins d’avoir prévu des mesures d’adaptation conformes au Code, sous réserve d’un préjudice injustifié (consulter la section IV-8 – Prise en compte des besoins d’adaptation des employés au travail ) et créer un climat de travail non discriminatoire.

Exemple : Au bout de six années de performance impeccable, une employée originaire du Portugal se met à faire de nombreuses erreurs qui ralentissent considérablement la production. Il est connu parmi les employés que le nouveau supérieur immédiat que l’entreprise a engagé il y a trois mois a mauvais caractère et qu’il « cherche querelle » aux employés de sexe féminin dont l’anglais est la langue seconde. L’employée avertie qu’elle sera licenciée, fait valoir que le climat discriminatoire dans lequel elle travaille est la principale raison de sa baisse de rendement. L’employeur devrait prendre les mesures nécessaires pour enquêter sur la situation, examiner le problème et prévenir toute autre discrimination au lieu d’opter immédiatement pour le licenciement.

Les employés souffrant de handicap mental sont particulièrement vulnérables au licenciement. Dans de nombreux cas, un handicap mental non diagnostiqué peut influer sur le rendement professionnel d’un employé. Tout employeur a le droit d’exiger que des normes de rendement soient respectées et que le lieu de travail ne présente aucun risque pour les employés. Cependant, il doit aussi proposer des mesures d’adaptation avant d’évaluer si l’employé pourra ou non répondre aux normes de rendement. Les attentes en matière de rendement de l’employé doivent être établies dans le cadre d’un plan d’adaptation concerté.

vi) Clauses de cessation d’emploi automatique :

Certains employeurs et syndicats établissent parfois des ententes en vertu desquelles un employé perd son ancienneté ou (et) son emploi au bout d’une période d’absence déterminée. La Cour suprême du Canada a statué que l’inclusion d’une telle clause dans une convention collective ou tout autre entente n’est pas discriminatoire, mais que cette clause ne peut prendre effet que si elle s’accompagne de l’obligation de prendre des mesures d’adaptation en fonction des circonstances.[91] Dans ce cas, une employée ayant quinze ans d’ancienneté a quitté le travail il y a trois ans et rien n’indique qu’elle pourra le reprendre dans un avenir prévisible.

Dans tous les cas, et qu’il y ait ou non clause de cessation d’emploi automatique, l’employeur et le syndicat doivent évaluer individuellement chaque employé et soupeser la situation au vu des critères de préjudice injustifié.

Exemple : En vertu d’un contrat d’emploi, tout employé absent du travail depuis trois ans est assujetti à une clause de cessation d’emploi. Robert ne travaille pas depuis deux ans et onze mois en raison d’interventions chirurgicales et de traitements qu’il a dû subir. Il reçoit des médecins l’autorisation de reprendre son travail, peu après le délai de trois ans qui a suivi la date de son départ. L’obligation de prendre des mesures d’adaptation à l’égard de Robert exige normalement de l’employeur qu’il n’observe pas le délai de trois ans, à moins qu’il ne prouve que cela n’entraîne entraîne un préjudice injustifié.

Exemple : Hélène, une collègue de Robert, a commencé à être en congé d’invalidité à peu près à la même date que Robert. De l’avis de son spécialiste, elle ne sera pas en mesure d’occuper un quelconque poste dans l’entreprise pendant les années à venir, même si elle bénéficie de mesures d’adaptation. La clause de la convention collective s’applique à cette situation et l’emploi d’Hélène prend fin au bout de trois ans. Cette cessation d’emploi sera probablement considérée comme non discriminatoire.

Un employeur n’est pas tenu de conserver indéfiniment un employé parmi ses effectifs, si rien n’indique que l’employé pourra reprendre son travail à l’avenir. En revanche, et même si l’employé est absent depuis longtemps, l’employeur ne sera pas en mesure de se prévaloir d’un préjudice injustifié si les coûts associés à cette absence ne sont pas déraisonnables.

Exemple : Un employé de longue date a dû interrompre son emploi il y a deux ans en raison d’une insuffisance rénale. Il doit attendre de un à cinq ans pour obtenir une greffe de rein, mais il est possible qu’il soit complètement rétabli après la greffe. L’employeur souhaite mettre fin à la relation d’emploi sur le motif d’un préjudice injustifié en s’appuyant sur une clause de la convention collective qui permet de mettre fin à un emploi au bout de deux ans. Un arbitre statue que les mesures d’adaptation requises ne constituent pas un préjudice injustifié, car le seul coût que défraie l’employeur est le versement des prestations de maladie de l’employé, qui représentent un montant d’environ 300 $ par mois.[92]

Consulter aussi la section IV-13b(iv) – Absentéisme, la section IV-11d(i) – S’assurer de prendre les mesures d’adaptation nécessaires avant d’exécuter des mesures disciplinaires pour absentéisme et la section IV-11d) – Programmes et politiques en matière de gestion de l’absentéisme.

vii) Cessation d’emploi durant ou après un congé octroyé pour des motifs fondés sur le Code :

Tout employeur doit agir avec prudence lorsqu’il décide de mettre fin à l’emploi d’une personne en congé pour des motifs fondés sur le Code. Bien qu’il puisse avoir des raisons légitimes de prendre cette décision, il lui faudra prouver que la discrimination n’entrait pas en ligne de compte dans cette initiative si une plainte pour atteinte aux droits de la personne était déposée contre lui.

Exemple : Un employé se trouve brusquement en congé d’invalidité après un accident de voiture survenu durant l’exercice de ses fonctions. Quatre jours plus tard, il reçoit une lettre de licenciement. L’employeur y explique que cette décision est dictée par le rendement médiocre qu’avait l’employé avant l’accident et qu’il a résolu de la mettre en exécution malgré la nouvelle tournure des événements. Ce cas laisse inférer un motif de discrimination que l’employeur devra surmonter.

Même si le licenciement repose sur des raisons légitimes, un jugement de discrimination peut être rendu si le fait que la personne est en congé autorisé entre en jeu d’une quelconque manière dans cette décision. Par exemple, un service qui restructure ses activités choisit d’attribuer les postes aux personnes qui montrent le plus d’intérêt et d’enthousiasme. Même s’ils en sont informés par téléphone ou par écrit, les employés en congé autorisé seront désavantagés par cette décision. Les enjeux de ce type sont analysés de manière plus approfondie dans les cas de restructuration et de réduction des effectifs, à la section IV-13c) – Restructuration, réduction des effectifs et mises à pied.

Un employeur ne peut licencier, rétrograder ou mettre à pied une employée pour la seule raison qu’elle est enceinte ou qu’elle est en congé de maternité. Quel que soit son sexe, tout employé en congé parental ou en congé d’invalidité a le droit de reprendre son travail, de bénéficier d’avantages sociaux et de profiter des débouchés qu’offre son entreprise, comme les programmes de formation et les affectations de projet. Le fait que le poste doit être pourvu durant l’absence de l’employé ne protège pas totalement l’employeur contre une plainte de discrimination, d’autant plus que ce type de situation donne rarement lieu à un préjudice injustifié. L’employeur est censé pourvoir le poste à titre temporaire.

Exemple : Une employée entame un congé de maternité doublé d’un congé d’invalidité d’une durée de 14 mois. L’employeur affiche et dote le poste vacant en tant que poste à l’interne d’une durée d’un an avec prorogation possible tous les mois. La nouvelle titulaire sait que le poste « appartient » à une autre employée et qu’elle est uniquement engagée pour un contrat à court terme. Quand la première employée annonce son retour au travail, l’employeur indique à sa remplaçante à quelle date s’achèvera son contrat à court terme. L’employeur a rempli les obligations auxquelles il est tenu en vertu du Code ainsi que ses besoins légitimes en dotation de personnel.

Les employés qui reprennent leur travail après un congé octroyé pour des motifs fondés sur le Code, comme l’état familial, l’état matrimonial, un handicap, et le sexe (y compris la grossesse et l’identité sexuelle) sont souvent exposés à des actes discriminatoires. Les employeurs doivent faire preuve de prudence lorsqu’ils envisagent de mettre fin à l’emploi de personnes qui reviennent d’un congé autorisé. Dans de nombreux cas, en effet, de tels licenciements ont été prouvés et jugés discriminatoires.

Exemple : Une employée avise son employeur qu’elle doit prendre un congé pour subir une chirurgie de changement de sexe. L’employeur lui accorde le congé demandé. Quand elle revient au travail après la chirurgie, elle apprend qu’elle est licenciée. Le licenciement a été associé à la transition de l’employée, qui est protégée par le Code en vertu de raisons fondées sur le sexe.

viii) Forme du licenciement :

Certaines plaintes pour atteinte aux droits de la personne découlent de la manière dont se produit le licenciement. Il serait sage que l’employeur traite l’employé avec respect et dignité et qu’il lui donne accès aux services de soutien nécessaires avant de mettre fin à la relation d’emploi qu’il entretient avec lui.[93]

Exemple : Une employée sollicite des tâches modifiées ou une affectation plus adaptée à ses besoins de personne handicapée. L’employeur n’envisage aucune mesure d’adaptation. Au lieu de lui accorder le rendez-vous qu’elle demande pour discuter d’éventuelles tâches modifiées, il organise une réunion au cours de laquelle l’employée se voit signifier son licenciement par une personne qu’elle connaît à peine, avec laquelle elle n’a jamais travaillé et qui n’a pas pris la peine d’explorer les débouchés d’emploi qui pourraient être disponibles. Un tribunal lui a ordonné de verser à l’employée 25 000 $ pour atteinte à la dignité associée au licenciement.

Quand un employeur soupçonne qu’un employé manifeste des symptômes de maladie mentale, il est particulièrement important qu’il mette en place des mécanismes de soutien adéquats avant de le licencier (s’il n’a pas déjà déployé des mesures d’adaptation et s’il y a des raisons légitimes et non discriminatoires au licenciement). Cette initiative sert autant les intérêts de l’employé que ceux de l’employeur. Par contre, si les motifs du licenciement sont discriminatoires, l’employeur pourra être contraint d’indemniser l’employé pour les dommages découlant de la forme du licenciement, en plus des dommages subis pour tout autre motif de discrimination.[94]

Exemple : Un employé atteint d’une maladie mentale est congédié. Même s’il est au fait des difficultés que vit l’employé de par son handicap, l’employeur n’avise ni son docteur ni son épouse qu’il l’a congédié. L’employé est plongé dans une profonde détresse qui nécessite une hospitalisation et n’est plus en mesure de travailler pendant de nombreux mois. En octroyant les recours, on a tenu compte des répercussions que le licenciement a eues sur l’employé, et l’employeur a été contraint de verser à celui-ci des dommages-intérêts importants, y compris des dommages pour souffrance morale.

c) Restructuration, réduction des effectifs et mises à pied

Les entreprises ont un droit légitime de réorganiser, de restructurer ou de rationaliser leurs activités, mais elles doivent néanmoins se plier aux dispositions du Code lorsqu’elles entreprennent de mettre à exécution leurs plans d’action. Les personnes concernées par un motif de discrimination prévu au Code ne doivent pas être ciblées par les mises à pied et ne doivent pas, de manière générale, être traitées différemment des autres employés quand la direction décide quels employés elle va conserver et quels employés elle va mettre à pied.

Exemple : Dans le cadre d’une réorganisation, une entreprise licencie un certain nombre de femmes qui reviennent d’un congé de maternité. La décision de l’entreprise est dictée par le désir de se doter d’effectifs de base et part de la perception que les femmes ayant de jeunes enfants sont plus susceptibles de quitter l’entreprise. On a déterminé que cette situation constituait bel et bien un cas de discrimination.

Exemple : En raison d’un ralentissement économique, une entreprise se voit contrainte de réduire ses effectifs. Deux contremaîtres, l’un de 56 ans et l’autre de 57 ans, qui ont tous deux plus de 32 années d’ancienneté, sont mis à pied. Tous deux reçoivent de généreuses indemnités de retraite. Les deux contremaîtres restants sont plus jeunes que ceux qui ont été mis à pied. Le vice-président rédige une note où il annonce le départ des deux contremaîtres plus âgés, explique que la réduction des effectifs était nécessaire et ajoute que l’entreprise souhaite « conserver les employés à grand potentiel de carrière ». Cette affirmation constitue un acte discriminatoire fondé sur l’âge, compte contenu des bons antécédents professionnels du plaignant, de l’âge des personnes mises à pied par rapport à celui des personnes retenues et de la déclaration de l’employeur, qui fait indirectement allusion à l’âge.

Exemple : Afin de réduire ses coûts, une entreprise se dote d’un plan de restructuration où elle prévoit licencier tous les employés en congé de maladie et conserver les autres employés. Cette décision contrevient aux dispositions du Code, même si elle n’enfreint pas d’autres lois comme la Loi sur les normes d’emploi ou la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies.

La sélection subjective et informelle des employés qui feront l’objet de mises à pied peut léser les personnes concernées par un motif de discrimination prévu au Code et entraîner des plaintes pour discrimination. Il est plus judicieux de prendre les décisions de mises à pied à partir de critères clairement définis que l’on applique de manière uniforme. Ces critères devraient être objectifs et indépendants de l’enthousiasme, de la souplesse, de la facilité à s’adapter ou du potentiel de carrière d’employés en particulier. Ils devraient découler des objectifs de la réorganisation et des besoins que définit l’entreprise. Idéalement, ce ne sont pas des employés qu’il faudrait mettre à pied, mais des postes qu’il faudrait supprimer et ne plus rétablir par la suite.

Exemple : En raison d’une baisse des profits et des pressions de la concurrence, une entreprise décide de mettre en place un nouveau système de production, plus automatisé. Elle détermine le nombre de postes à pourvoir et définit les fonctions de chacun d’eux. Elle établit également la liste des postes qui ne seront plus utiles et les raisons de leur abolition. Elle présente la situation à toutes les personnes dont le poste est devenu excédentaire et leur explique comment elle a pris ses décisions. Elle invite ensuite tous ces employés à présenter leur candidature aux nouveaux postes. Elle étudie les candidatures en fonction de critères neutres, objectifs et indépendants des raisons fondées sur le Code, et applique un système de notation qui permet d’évaluer les candidats d’après les mêmes critères. Des mesures d’adaptation sont fournies, si nécessaire. Les examens du rendement antérieurs sont pris en considération. Les candidats qui obtiennent les meilleures notes sont sélectionnés et invités à suivre une formation.

Les décisions concernant les mises à pied doivent s’appuyer sur une évaluation objective des qualifications. Elles peuvent être remises en cause quand une évaluation objective montre que les employés concernés par un motif de discrimination prévu au Code sont mis à pied, alors que d’autres employés moins qualifiés ne le sont pas. Cette situation peut être associée à une tendance à sous-estimer les points forts et la contribution des employés racialisés[95] ou d’autres personnes concernées par un motif de discrimination prévu au Code.

Exemple : Un enseignant canadien d’origine chinoise est déclaré surnuméraire parce qu’il ne cadre pas avec la conception étroite que le directeur se fait d’une activité « parascolaire ». Le directeur retient les activités qu’un immigrant chinois a peu de chances de faire et exclut celles qu’il serait plus susceptible de faire. Il est déterminé qu’il s’agit d’un cas de discrimination.

Quand un employeur réembauche des employés après une mise à pied, il doit offrir du travail à tous les employés qualifiés, sans tenir compte du fait qu’ils sont en congé pour des raisons fondées sur le Code et qu’ils sont temporairement non disponibles.

Exemple : Un employeur ne réembauche pas une employée parce qu’elle est en congé de maternité. L’employeur soutient qu’aucun des employés en congé n’a été réembauché et qu’il n’y a pas par conséquent de discrimination. Ce règlement défavorise les femmes qui sont en congé de maternité et ne peuvent pas se rendre disponibles et les employés qui sont en congé pour des motifs fondés sur le Code, comme l’invalidité. Cette condition d’emploi n’a pas été jugée une exigence établie de bonne foi.

Quand une entreprise entreprend de restructurer ses activités, elle peut en évaluer les conséquences possibles sur les droits de la personne en se posant les questions suivantes :

  • Quelle est la raison de la restructuration et comment peut-elle être réalisée sans discrimination envers le personnel?
    • Sur quels critères faut-il s’appuyer pour sélectionner les employés qui seront mis à pied?
    • En quoi la restructuration influera-t-elle sur le personnel?
    • Comment peut-on intégrer les principes d’inclusion et d’adaptation au processus?
    • La restructuration aura-t-elle des répercussions négatives sur les employés protégés par le Code?
    • Quelles mesures peut-on prendre pour atténuer ces répercussions?
  • Y a-t-il des employés absents pour congé parental, congé d’invalidité ou pour d’autres motifs fondés sur le Code?
    • A-t-on pris en considération l’impact de la restructuration sur ces employés?
    • Est-ce que ces employés auront les mêmes chances de conserver leur travail que les autres?
    • Quelles mesures peut-on déployer pour s’assurer que les employés en congé autorisé ne seront pas désavantagés par rapport aux autres?
  • Les employés sont-ils syndiqués?
    • Quel est le rôle du syndicat?
    • La convention collective contient-elle des clauses de protection des droits de la personne dont il faut tenir compte?

En répondant à ces questions, on réduira les risques d’une situation discriminatoire non désirée et de plaintes pour atteinte aux droits de la personne qui pourraient s’ensuivre. Consulter aussi la section IV-2a(ii) – Attitude proactive concernant les exigences légitimes.

d) Retraite

i) Primes et programmes de retraite anticipée :

Il arrive souvent que des entreprises proposent des programmes de retraite anticipée dans le cadre d’une restructuration ou d’une réduction des effectifs. Ces programmes ont pour but d’inciter certains employés désignés à quitter volontairement l’entreprise. Ces programmes présentent de nombreux avantages pour le personnel, d’abord parce qu’ils offrent aux employés plus âgés des primes lucratives qui leur permettent de se consacrer à d’autres intérêts ou de réaliser d’autres projets, ensuite parce qu’ils réduisent le nombre d’employés qui devront abandonner leur emploi contre leur gré.

Bien conçus, les programmes de retraite anticipée sont équitables et ne posent pas de problèmes sur le plan des droits de la personne. Toutefois, comme les programmes de retraite anticipée visent par définition les employés âgés, il faut veiller avec le plus grand soin à les justifier par les objectifs de réduction des effectifs.

Le fait que le programme de retraite soit généreux n’invalide pas une plainte de discrimination fondée sur l’âge si l’option de retraite anticipée n’est pas vraiment volontaire (ou, en d’autres termes, si l’employé a subi des pressions directes ou implicites qui l’ont forcé à l’accepter).

Exemple : Une entreprise détermine qu’elle est dans l’obligation de réduire ses effectifs de 10 %. Le service des ressources humaines passe en revue tous les dossiers du personnel et retient ceux des employés âgés de plus de 60 ans. Tous les employés de ce groupe sont convoqués à une réunion avec la direction, au cours de laquelle on leur explique qu’ils vont bientôt atteindre l’âge de la retraite et qu’il serait bon d’accepter le programme de retraite anticipée qu’on leur propose pour permettre aux employés plus jeunes de conserver leur emploi. On les avertit que, s’ils refusent, on pourra abolir leur poste, auquel cas ils recevront uniquement une indemnité de départ et ne pourront pas bénéficier des avantages du programme de retraite anticipée. Dans ces circonstances, certains employés se sentent contraints d’accepter l’offre, même s’ils avaient l’intention de travailler plus longtemps. Cette situation peut faire l’objet d’une plainte pour atteinte aux droits de la personne.

Les employeurs peuvent prendre certaines mesures pour s’assurer que l’offre de retraite anticipée n’est pas coercitive :

  • Définir les critères d’admissibilité au programme de retraite volontaire et les communiquer à tous les employés, sans égard à leur âge, par un moyen neutre tel qu’un document écrit. Le document doit donner une date butoir pour les réponses et le nom d’une personne ressource de manière à ce que les employés admissibles et intéressés puissent donner suite à l’offre sans pression de la direction. Il arrive même que certains employeurs proposent des programmes de départ volontaire analogues à des personnes qui n’approchent pas l’âge de la retraite.
  • Ne pas faire de lien entre l’acceptation de l’offre et la suppression de l’emploi. Si les effectifs doivent être réduits, indiquer sur quels critères on se fondera pour sélectionner les postes qui seront éliminés. L’employeur peut même garantir aux employés que l’admissibilité au programme de départ volontaire n’entrera pas en jeu dans les décisions sur les éliminations de postes.

Cela dit, un employé ne peut pas invoquer la discrimination fondée sur l’âge si l’employeur ne lui propose pas un programme de départ volontaire parce qu’il a encore besoin de ses services.

ii) Retraite obligatoire :

Jusqu’au 12 décembre 2006, le Code ne prohibait pas la discrimination fondée sur l’âge à l’égard des employés de 65 ans et plus. Il en résultait que les politiques qui imposaient une retraite obligatoire à l’âge de 65 ans ne pouvaient pas être contestées en vertu du Code. Ce n’est plus le cas. Désormais, les personnes âgées de 65 ans et plus qui estiment avoir fait l’objet d’une discrimination fondée sur l’âge, y compris dans le cadre de politiques de retraite obligatoire, peuvent déposer une plainte pour ce motif.

Cette disposition n’interdit pas aux employeurs d’offrir des programmes de retraite à partir d’un certain âge. Elle signifie plutôt que ces programmes ne peuvent pas être obligatoires, sauf dans le cas des juges, des protonotaires et des juges de paix, qui sont tenus de prendre leur retraite dans des conditions déterminées en vertu de la Loi sur les tribunaux judiciaires. Ces professions font l’objet d’une exemption spécifique dans le Code.

Dans certaines professions, les employeurs peuvent juger nécessaire d’imposer une retraite obligatoire à partir d’un certain âge. Pour obéir aux dispositions du Code, l’employeur doit prouver que l’âge inférieur à l’âge fixé constitue une exigence légitime pour occuper la profession. Par exemple, les politiques de retraite obligatoire à compter d’un certain âge ont été jugées légitimes dans les cas suivants :

  • retraite obligatoire à 60 ans pour des policiers, des pompiers et un chef de la prévention des incendies.
  • retraite obligatoire à 65 ans pour un conducteur d’autobus scolaire, sur le motif que, selon les recherches médicales, les personnes de plus de 65 ans sont dans l’ensemble plus susceptibles d’avoir des accidents et qu’il est impossible d’évaluer individuellement chaque personne de ce groupe d’âge pour déterminer qui peut avoir des problèmes de santé ou présenter des risques pour les autres.

Au vu de la méthode en trois étapes de la Cour suprême du Canada, étudiée en détail à la section IV-2a(i) – « Critère pour qu’une exigence soit légitime », il est inacceptable d’invoquer les caractéristiques supposées d’un groupe d’âge. Pour justifier une retraite obligatoire à partir d’un certain âge, l’employeur doit montrer que l’évaluation individuelle, en tant que forme d’adaptation, n’est pas possible. Il doit prouver qu’il n’existe pas de méthode pour faire une évaluation individuelle ou que celle-ci constitue un préjudice injustifié. Il incombe à l’employeur de démontrer que sa politique est justifiable dans les conditions de travail particulières de son entreprise.

Sauf dans les cas où la retraite obligatoire s’impose comme une exigence légitime , les conventions collectives contenant des clauses de retraite obligatoires ne peuvent plus être appliquées.

iii) Traitement égal pour les employés en congé autorisé :

Quand il offre un programme de retraite anticipée ou d’indemnités de départ volontaire, ou quand il apporte des changements aux avantages sociaux des employés, comme l’assurance médicale ou les prestations de retraite, l’employeur doit s’assurer que les employés ne sont pas traités de manière inéquitable pour des raisons fondées sur le Code et qu’ils sont pleinement informés de leurs droits. Cette obligation s’applique aussi aux employés en congé pour des motifs fondés sur le Code, comme le sexe (grossesse), l’état familial ou un handicap (ce qui inclut les congés de maladie, les congés de CSPAAT, les congés d’assurance de longue durée ou tout autre congé d’invalidité payé ou non payé)[96].

Exemple : Avant de fermer une usine, un employeur et le syndicat de ses employés concluent une entente qui établit les modalités de réclamation et d’obtention des prestations de retraite pour trois catégories d’employés : 1) employés ayant plus de trente années de service, indépendamment de l’âge; 2) employés de 60 à 64 ans ayant au moins dix années de service et 3) employés en état d’invalidité totale ou permanente ayant au moins dix années de service. Des clauses spécifiques sont négociées pour chacune de ces catégories d’employés. La plupart des employés ayant une invalidité sont en congé d’invalidité de longue durée ou (et) en congé de CSPATT. N’étant pas présents au travail, ils ignorent qu’ils doivent faire une demande de retraite anticipée avant que l’usine ne ferme ses portes. En conséquence, ils font leur demande après la fermeture de l’usine, mais aucune prorogation ne leur est accordée, alors même que certains employés de la deuxième catégorie bénéficient d’une prorogation. Cette situation a donné lieu à des plaintes pour discrimination, qui ont été réglées dans le cadre d’un litige dont a été saisi un tribunal des droits de la personne.

Dans le cas où un employeur offre un programme de départ volontaire sous forme de paiement forfaitaire ou d’indemnités dans le but de réduire ses coûts de main-d’œuvre, il doit veiller à ce que les employés ayant une invalidité, y compris les employés en congé d’invalidité, bénéficient des mêmes conditions d’admissibilité et que l’obligation d’adaptation à leur égard soit remplie. Il a été déterminé que les politiques qui fondent l’admissibilité à un programme de départ volontaire sur le nombre d’heures travaillées l’année antérieure sont discriminatoires.[97]

Exemple : Un employeur propose aux employés un programme d’indemnités de départ sous forme d’un paiement forfaitaire et leur donne deux options : quitter leur emploi ou être réembauché comme nouvel employé avec un salaire inférieur. Ce programme n’est offert qu’aux employés qui ont travaillé un nombre d’heures déterminé au cours des 52 dernières semaines. Plusieurs employés en congé d’invalidité de longue durée ne sont pas admissibles au programme du fait qu’ils n’ont pas travaillé le nombre d’heures requis. Ni le syndicat ni l’employeur n’ont rempli leur obligation d’adaptation, parce que l’application du programme aux personnes ayant une invalidité n’aurait pas constitué un préjudice injustifié.


[89] Lane, supra note 70.
[90] Voir Naraine, supra, note 76. Suivi dans l’affaire Smith c.Mardana Ltd. (2005), (Cour de secteur), 52 C.H.R.R. 89. Voir aussi Moffatt c. Kinark Child & Family Services (1988), 35 C.H.R.R. D/205, 52 C.H.R.R. 89.
[91] Centre universitaire de santé McGill (L’Hôpital général de Montréal) c. Syndicat des employés de l’Hôpital général de Montréal) [2007] S.C.R. 161.
[92] Masonite International Corp. and U.B.C.J.A., Loc. 1072 (Ganeshamoorthy) (Re)], (2007) L.A.C. (4th) 426.
[93] Voir, par exemple, Datt, supra, note 51.
[94] Lane, supra, note 70.
[95] Commission ontarienne des droits de la personne, Politique et directives sur le racismeet la discrimination raciale (2005). Voir aussi Wong v. Ottawa (City) Bd. of Education (No. 3) (1994), 23 C.H.R.R. D/37 (Ont. Bd. of Inquiry).
[96] Voir Kimberly Altenburg et al. v. Johnson Controls Limited (Partnership) and Johnson Control Inc. (Tribunal Settlement), Décrit dans les décisions judiciaires de la Commission ontarienne des droits de la personne “Settlements and Tribunal Decisions” (Communiqués de presse : année fiscale 2006-2007), accessible en ligne à : www.ohrc.on.ca/en/resources/news/settle/view.
[97] Voir, par exemple, United Food and Commercial Workers, Local 401 v. lberta Human Rights and Citizenship Commission (2003), 231 D.L.R. (4th) 285, (Alta. C.A.), leave to appeal to S.C.C. refused 236 D.L.R. (4th) viii.