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Partie B : Commentaires reçus - 7. Stéréotypes à l’égard des personnes aux prises avec des troubles mentaux ou des dépendances

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Les gens portent beaucoup de jugements à propos de nous. Ils nous traitent de « paresseux » et de « fous ». Ils pensent que nous « manquons de motivation », que nous devrions « essayer davantage » ou tout simplement « cesser d’être déprimés ».

- People Advocating for Change through Empowerment (PACE)

Les stéréotypes sont des suppositions faites à propos de personnes en raison des qualités présumées du groupe auquel ces personnes appartiennent. Les stéréotypes peuvent entraîner l’évaluation erronée des caractéristiques personnelles des gens. Tout au long de la consultation, les participants nous ont fait part des stéréotypes négatifs auxquels ils ont été exposés en raison de leur handicap, et de la « stigmatisation » dont ils ont fait l’objet en raison de leurs troubles mentaux et dépendances[32]. Les stéréotypes peuvent être à l’origine de gestes discriminatoires. Ils peuvent aussi mener à l’adoption de politiques, de procédures et de processus organisationnels de prise de décisions qui excluent ou marginalisent les personnes aux prises avec des handicaps psychosociaux. Ce genre de mesures organisationnelles constitue un type de « discrimination systémique ».

Les stéréotypes à l’égard des personnes handicapées sont le résultat d’un système répandu de croyances fondées sur la capacité physique. Le « capacitisme » fait référence aux attitudes sociales qui dévalorisent les personnes handicapées et limitent leur potentiel. Selon ce système de croyances, les personnes handicapées sont moins dignes de respect et de considération; elles sont moins aptes à contribuer et à participer à la société, et ont moins de valeur que les autres. Le capacitisme est parfois conscient, parfois inconscient, et fait partie intégrante des institutions, des systèmes ou de la culture générale de la société[33]. Bien que toutes les personnes handicapées puissent faire l’objet de « capacitisme », les personnes aux prises avec des handicaps psychosociaux font face à des formes particulières de stéréotypage[34].

Les stéréotypes courants à propos des personnes aux prises avec des handicaps psychosociaux abondent. Par exemple, beaucoup de gens ont tendance à qualifier toutes les personnes ayant une maladie mentale de personnes violentes et imprévisibles, malgré que la plupart ne le soit pas. Dans son analyse de la documentation, l’Association canadienne pour la santé mentale – Ontario (ACSM – Ontario) souligne les difficultés entourant l’évaluation des taux de violence chez les personnes aux prises avec une maladie mentale en raison de la variabilité des types de méthodes de recherche utilisés. Elle fait aussi remarquer qu’aucun rapport de causalité définitif n’a été établi entre la maladie mentale et la violence[35].

Chaque fois qu’il y a un incident et qu’ils en parlent dans les médias, et qu’ils disent « maniaco-dépression » ou « trouble bipolaire » ça veut seulement dire que je ne peux maintenant plus l’annoncer aux gens. – Participant(e) à la table ronde de Toronto

Selon certains, don le bureau de l’ACSM de Sudbury-Manitoulin, les médias jouent un rôle important lorsqu’il s’agit de véhiculer les stéréotypes et de façonner l’opinion publique. L’ACSM recommande aux médias d’élaborer une approche équilibrée de reportage sur la santé mentale, en s’assurant d’inclure le point de vue des usagers/survivants, membres des familles et fournisseurs de soins[36].

Certains mémoires reçus parlaient de la tendance à qualifier des personnes handicapées de « risque à la sécurité » en raison de suppositions à propos de leur handicap. Lorsqu’il n’existe en réalité aucun signe de « risque », ce genre de comportement pourrait constituer une forme de « profilage » fondé sur la santé mentale. Par exemple, un fournisseur de services se préoccupait du fait que des hôpitaux demandaient couramment au personnel de sécurité d’être présent lorsqu’on examinait des patients dont le dossier faisait état de troubles mentaux.

Parmi les autres stéréotypes véhiculés à propos des personnes aux prises avec des troubles mentaux ou des dépendances figurent le fait qu’elles manqueraient de « crédibilité » et qu’elles seraient incapables d’évaluer correctement les situations et de prendre des décisions concernant leur propre vie. Des personnes ont établi un lien entre ces suppositions et leurs propres préoccupations à l’égard de la façon dont le milieu médical aborde les handicaps. Selon d’autres personnes, le modèle médical attribue une dimension « pathologique » aux personne handicapées et présume qu’elles ne sont pas expertes de leurs propres expériences. Ce genre d’attitude perpétue l’idée que les personnes aux prises avec des troubles mentaux ou des dépendances ont moins de valeur que les autres.

De l’avis de certains participants, des attitudes paternalistes répandues dévaluent les expériences, les pensées et les choix des personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale et des dépendances, et sont responsables du peu d’attentes de la société envers ces personnes. On nous a dit qu’il était difficile de se plaindre, de s’affirmer ou de faire valoir ses droits dans un tel contexte étant donné que les expériences de la personne handicapée sont minimisées et attribuées au handicap.

Toute tentative en vue de comprendre ou de remettre en question le diagnostic qui me paraissait complètement erroné m’a valu un sourire de suffisance, une attitude d’« expert » et un rejet. Je n’ai jamais senti autant d’impuissance et de désespoir, ou eu autant d’idées suicidaires. Tous les sentiments, toutes les expériences ou toutes les pensées que je relate et que mon psychiatre n’aime pas, malgré qu’ils soient valides, salutaires ou normaux, perdent sur le champ toute leur pertinence. Je n’ai plus aucune importance.

– Participant(e) au sondage 

Si [vous] n’allez pas bien, et si vous croyez avoir fait l’objet de discrimination, on ne tient pas compte de votre réaction. Par exemple, j’ai entendu du personnel clinique dire qu’une personne atteinte de troubles mentaux n’avait pas de plainte valide, c’est plutôt sa maladie qui avait « déclenché » sa réaction [quelque chose avait causé l’apparition de symptômes liés à son handicap]. C’est très frustrant, parce qu’il est difficile de prouver la validité de ses sentiments.

– Usager(ère)/survivant(e)/intervenant(e) au nom des survivants

Parmi les préjudices à propos des personnes aux prises avec des troubles mentaux et des dépendances figure aussi le fait qu’elles sont responsables de l’apparition du handicap en raison de leur manque de force morale[37], d’intelligence ou d’« humanité ». De plus, les maladies physiques peuvent être jugées « plus légitimes » que les troubles psychiques ou les dépendances[38]. Toutes ces perceptions erronées peuvent entraîner des attitudes discriminatoires et un traitement inéquitable.

Certains types de handicaps sont davantage stigmatisés que d’autres compte tenu des stéréotypes qui leur sont associés. On nous a dit que les personnes aux prises avec des dépendances sont généralement perçues de façon plus négative que les personnes aux prises avec des troubles mentaux en raison de présomptions à l’endroit de leur responsabilité envers leur handicap et de leur participation à des actes criminels[39].

Les personnes atteintes de schizophrénie ou aux prises avec une dépendance aux drogues peuvent se heurter à des attitudes particulièrement négatives de la part d’autrui en raison de croyances relatives à leur dangerosité ou comportements antisociaux, ou à quelconques risques leur étant associés.

Compte tenu des stéréotypes, bon nombre de personnes ayant pris la parole durant la consultation ont dit craindre de faire part de leur handicap à autrui. Beaucoup ont dit être étiquetées, avoir subi les attitudes négatives d’autrui, avoir perdu leur emploi ou logement, ou avoir fait l’objet de traitements inégaux en matière de services après avoir fait part d’un trouble mental ou d’une dépendance. La peur de la discrimination peut aussi empêcher certaines personnes d’obtenir du soutien pour un problème de santé mentale ou de dépendance[40].

7.1. Stéréotypes rebelles

Bon nombre de personnes recommandent fortement à la CODP et à d’autres organismes d’éduquer le public afin de dissiper les stéréotypes et de sensibiliser la population aux droits de la personne, à la maladie mentale et aux dépendances. Une des façons efficaces de changer les attitudes négatives à propos de la maladie mentale est d’avoir des face-à-face avec des usagers/survivants ou des personnes aux prises avec des dépendances. Un rapport sur la lutte contre la stigmatisation recommande de cibler des groupes définis attentivement comme les fournisseurs de soins de santé, d’établir un leadership organisationnel et de veiller à ce que des usagers/survivants participent à l’élaboration et à la direction des initiatives mises en place[41].

Cependant, d’autres personnes ont souligné l’importance de faire valoir les droits des personnes handicapées. À elle seule, la formation n’apportera probablement pas de changements à l’échelle systémique. La recherche a démontré que l’éducation en matière de santé mentale ne suffit pas à changer à long terme les comportements des gens et devrait être accompagnée d’autres approches[42].

Recommandation :

3. Les organisations et citoyens des quatre coins de l’Ontario devraient collaborer à l’amélioration des efforts de remise en question des stéréotypes à propos des troubles mentaux et des dépendances en mettant en œuvre des campagnes d’éducation et de lutte contre la stigmatisation, et en prenant activement part à ces campagnes.

Engagements de la CODP :  

E2. La CODP collaborera avec les intervenants de la collectivité pour améliorer l’éducation publique sur les droits de la personne et la santé mentale.

E3. La CODP offrira de la formation sur sa politique régissant la maladie mentale et les dépendances dans l’ensemble de la province, aux usagers/survivants, personnes aux prises avec des dépendances, administrations publiques et organisations des secteurs public et privé.

 


 

[32] Le terme « stigmatisation » est utilisé pour rendre une variété de concepts différents en lien avec la maladie mentale et les dépendances. Link et Phelan qualifient les stigmates, ou préjugés, de « convergence de composantes interreliées ». Des stigmates surviennent quand des composantes d’étiquetage, de stéréotypage, de séparation, de perte de statut et de discrimination ont lieu en même temps dans le contexte d’une situation de pouvoir qui permet leur apparition. Bruce G. Link et Jo C. Phelan, « Conceptualizing Stigma », Annul. Rev. Sociol, vol. 27, 2001, p. 377.

[33] Commission du droit de l’Ontario, Promouvoir l’égalité des personnes handicappées par l’entremise des lois, des politiques et des pratiques : cadre provisoire, mars 2012, p. 3.

[34] Par exemple, le terme anglais « sanism » a été utilisé pour décrire les « préjudices irrationnels » dont font preuve la collectivité, et le système juridique en particulier, à l’endroit de certaines personnes en raison de handicaps. Michael Perlin, « International Human Rights and Comparative Mental Disability Law: the Use of Institutional Psychiatry as a Means of Suppressing Political Dissent », Israel Law Review, vol. 39, no 3, 2006, p.73.

[35] La documentation montre que les risques de violence augmentent chez les personnes aux prises avec des troubles mentaux graves qui consomment des drogues. Cependant, selon l’Association canadienne pour la santé mentale – Ontario, les taux de violence parmi les personnes qui ont une maladie mentale mais ne consomment pas de drogues ont tendance à avoisiner ceux de la population générale. Les personnes qui ont des troubles mentaux graves sont plus suseptibles d’être victimes de violence que les membres de la population générale. Association canadienne pour la santé mentale – Ontario, Violence and Mental Health: Unpacking a Complex Issue. A discussion paper, septembre 2011. Accessible en ligne : Association canadienne pour la santé mentale, www.ontario.cmha.ca/backgrounders.asp?cID=1081747.

[36] L’ACSM – Ontario recommande aux médias de se reporter aux lignes directrices sur la couverture médiatique responsable élaborées par des organisations comme l’Association des psychiatres du Canada et le Centre de toxicomanie et de santé mentale, ibid., à 10.

[37] Lors d’un sondage mené en 2008 auprès de 1 000 Canadiennes et Canadiens par la firme Ipsos Reid, près de la moitié (46 %) des personnes sondées étaient d’avis que le terme « maladie mentale » était utilisé pour excuser des mauvais comportements (Association médicale canadienne. 8e Bulletin national annuel sur la santé,2008. Accessible en ligne : Association médicale canadienne, http://www.cma.ca/multimedia/CMA/Content_Images/Inside_cma/Annual_Meeting/2008/GC_Bulletin/National_Report_Card_FR.pdf, à 4.

[38] Gerald B. Robertson, « Mental Disability and Canadian Law », Health L. Rev., vol. 2, no 1, 1993, p. 23; Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, supra note 6 à 40.

[39] Par exemple, un modèle psychiatrique des dépendances couramment adopté entre les années 1940 et 1970 attribuait la dépendance d’une personne à des « défauts » de personnalité. Caroline J. Acker, « Stigma or legitimation? A Historical Examination of the 27 Social Potentials of Addiction Disease Models », J. of Psychoactive Drugs, vol. 25, no 3,1993, p. 202, tel qui cité dans Centre de toxicomanie et de santé mentale, The Stigma of Substance Abuse: A Review of the Literature, 18 Août 1999, à 7.

[40] Neasa Martin et Valerie Johnston, Passons à l’action : Lutte contre la stigmatisation et la discrimination, rapport à la Commission de la santé mentale du Canada, 2007.

[41] Ibid. De plus, durant les dernières années, des organisations privées et publiques comme Bell Canada et la Commission de la santé mentale du Canada se sont  mobilisées autour de vastes campagnes de lutte contre la stigmatisation pour sensibiliser le public aux troubles mentaux et dépendances. Le Globe and Mail a aussi préparé une série sur la santé mentale.

[42] Ibid.

 

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