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CODP Mémoire à l’intention de la Commission de services policiers de Toronto concernant son Rapport sur la réforme de la police à Toronto destiné à lutter contre le racisme systémique, à établir d’autres modèles de sécurité communautaire et d’intervention

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I. Introduction

La Commission ontarienne des droits de la personne (CODP) remet le présent mémoire à la Commission de services policiers de Toronto (CSPT) en réponse à son rapport du 11 août 2020 intitulé Police Reform in Toronto: Systemic Racism, Alternative Community Safety and Crisis Response Models and Building New Confidence in Public Safety et aux recommandations qui y sont formulées (ci-après, le Rapport sur la réforme de la police)[1], qui seront à l’examen pour approbation à sa réunion du 18 août 2019.

 

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II. Résumé

Sans mécanisme de responsabilisation ni force exécutoire, un plan d’action n’a aucune pertinence. La CODP craint que le Rapport sur la réforme de la police et ses recommandations ne soient qu’un amas de vœux pieux – un rapport de plus, voué à rester sur les étagères sans entraîner aucun changement de fond.

Dans l’état actuel des choses, la CODP ne saurait appuyer ce rapport et ses recommandations en raison des lacunes de procédure et de fond qui y figurent.

Sur le plan de la procédure, le Rapport sur la réforme de la police est largement en deçà de la préconisation faite par la CODP dans Un impact disparate consistant à instaurer, en collaboration avec les communautés noires et la CODP, un processus permettant d’adopter des recours juridiquement contraignants pour combattre et éliminer le racisme systémique dans le SPT. À la place, le rapport renferme principalement des directives non contraignantes enjoignant le personnel de police à envisager des réformes supplémentaires.

Par ailleurs, le fait de publier ce rapport, assorti de 81 recommandations, en ne laissant au public et à la CODP qu’une semaine pour en examiner, analyser et commenter la teneur va à l’encontre des principes généraux de régularité de la procédure, constitue une insulte à l’appel lancé par la CODP en vue d’un processus de consultation transparent, et soulève de sérieux doutes quant à la volonté de la CSPT de travailler de bonne foi pour éliminer le racisme systémique au sein du SPT[2]. Étant donné que la CODP a interagi avec la CSPT au cours de l’enquête, ces recommandations auraient pu être communiquées plus tôt, et non le lendemain de la publication par la CODP de son rapport Un impact disparate. La CODP aurait ainsi été en mesure de faire part de son expertise en matière de droits de la personne et de ses avis étayés par ses consultations auprès des communautés noires.

Sur le fond, les recommandations formulées dans le Rapport sur la réforme de la police comportent d’importantes lacunes, notamment en ce qui concerne l’examen et le traitement des cas d’inconduite policière, ainsi que les grandes orientations sur le recours à la force et le dépôt d’accusations. En outre, les communautés noires ont clairement appelé à plusieurs reprises au définancement, à la décriminalisation et à la démilitarisation. Sensible aux appels lancés par les communautés noires en vue d’un changement systémique de la nature et de la portée du secteur de maintien de l’ordre, la CODP affirme son plein soutien à une telle transformation. La CODP convient qu’il est temps de repenser le rôle de la police. Les demandes des communautés doivent être entendues, prises en compte et comblées de façon substantielle par la CSPT.

Pour toutes ces raisons, et compte tenu des principales lacunes relevées dans les 81 recommandations, la CODP ne peut donner son appui au Rapport sur la réforme de la police. Bien que le rapport puisse servir de première étape, il est impératif de mener des consultations complètes et ciblées auprès des organisations et communautés noires et de la CODP, dans le but d’établir des recours juridiquement contraignants pour remédier aux lacunes de procédure et de fond observées dans le Rapport sur la réforme de la police.

 

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III. Contexte

Comme la CSPT le sait très bien, la CODP mène actuellement une enquête, en vertu de l’article 31 du Code des droits de la personne de l’Ontario, sur la discrimination raciale et le profilage racial effectués par le SPT à l’endroit des personnes noires. Lancée en 2017, cette enquête s’appuie sur des décennies de travail pour mettre fin aux préjugés dans le secteur du maintien de l’ordre.

 

A. Un impact collectif

La CODP a publié son premier rapport d’enquête provisoire, Un impact collectif, en décembre 2018.

Dans ce rapport, le criminologue Scot Wortley analyse les données obtenues par la CODP auprès de l’Unité des enquêtes spéciales (UES). Il aboutit notamment à la conclusion qu’entre 2013 et 2017, les personnes noires étaient près de 20 fois plus susceptibles que les personnes blanches d’être abattues lors d’une fusillade par le service de police de Toronto.

Un impact collectif contient également un examen de différentes décisions judiciaires rendues sur des cas de discrimination raciale impliquant le service de police de Toronto. Il comporte également un examen des rapports du directeur de l’UES, dont il ressort des éléments déconcertants, parmi lesquels les interpellations et les détentions illégales de civils dès le début des interactions, les fouilles inappropriées ou injustifiées, les accusations sans fondement et la non-coopération de la police aux enquêtes de l’UES.

Enfin, Un impact collectif comprend les résultats de la vaste consultation menée par la CODP auprès de 130 membres des communautés noires de Toronto. Il documente le sentiment de peur de ces communautés, leurs traumatismes, leur exposition à un risque prévisible de mauvais traitements et leur méfiance à l’égard de la police.

Un impact collectif renferme des conclusions particulièrement troublantes, qui continuent aujourd’hui de trouver un écho auprès du public. La Cour suprême du Canada a reconnu que ce rapport était crédible et faisait autorité en la matière.

 

B. Un impact disparate

La semaine dernière, le 10 août 2020, la CODP a publié Un impact disparate, qui rassemble deux nouveaux rapports de Scot Wortley concernant les disparités raciales observées dans les interpellations, les accusations et les cas de recours à la force par le SPT.

Les résultats des rapports, très inquiétants, confirment ce que les communautés noires affirment depuis des décennies, à savoir qu’elles pâtissent de mesures policières de façon disproportionnée. Les rapports démontrent de manière probante que :

  • les personnes noires sont plus susceptibles d’être interpellées, d’être inculpées et de faire l’objet d’accusations excessives par la police de Toronto
  • les personnes noires sont plus susceptibles d’être frappées, abattues ou tuées par la police de Toronto

Le premier rapport porte sur les disparités raciales dans les interpellations et les accusations entre 2013 et 2017. Sur la base des infractions impliquant l’exercice d’un large pouvoir discrétionnaire de la part des agents de police, le rapport explique comment la race peut influer sur les décisions d’interpellation, de mise en accusation et de traitement post-interpellation. Il ressort ainsi que les personnes noires sont largement surreprésentées dans les statistiques sur les accusations discrétionnaires de faible gravité. Par exemple, elles ne représentent que 8,8 % de la population de Toronto, mais près de 38 % des personnes accusées de possession de cannabis. Pourtant, les taux de condamnation et de nombreuses études démontrent que les personnes noires consomment du cannabis à peu près dans les mêmes proportions que les personnes blanches. Les personnes blanches et les personnes issues d’autres groupes racialisés sont, quant à elles, sous-représentées.

Le deuxième rapport comporte, d’une part, une analyse plus poussée des données de 2013 à 2017 de l’UES que la CODP a examinées dans son premier rapport d’enquête provisoire, Un impact collectif, et, d’autre part, une analyse des cas de recours à la force de faible intensité entre 2016 et 2017. Un cas de recours à la force de faible intensité désigne une intervention qui, certes, ne donne pas lieu à des blessures graves, à un décès ou à des allégations d’agression sexuelle (auxquels cas l’UES entre en jeu), mais qui peut tout de même avoir de graves conséquences physiques et émotionnelles.

Ce rapport indique que les personnes noires sont non seulement nettement surreprésentées dans les cas de recours à la force examinés par l’UES, mais aussi largement surreprésentées dans les cas de recours à la force de faible intensité ayant entraîné des blessures physiques (telles que des ecchymoses et des lacérations), sans atteindre toutefois le seuil de gravité fixé par l’UES.

Cette surreprésentation ne peut pas s’expliquer par des facteurs tels que les zones de patrouille dans les quartiers à faible et à forte criminalité, les taux de criminalité violente ou le revenu moyen.

Les personnes noires étaient plus susceptibles de subir des cas de recours à la force dans le cadre d’une intervention policière proactive (par exemple, lorsqu’un agent décide d’interpeller et d’interroger une personne) que dans le cadre d’une intervention réactive (par exemple, lorsque la police répond à un appel à l’aide). À l’inverse, les cas de recours à la force (de faible intensité ou plus graves) visant les personnes blanches résultaient plus souvent d’une intervention policière réactive.

Ces résultats démontrent à quel point il est impérieux que la CSPT, le SPT, la Ville de Toronto et l’Ontario s’attaquent concrètement aux inégalités raciales, regagnent la confiance des communautés et instaurent des changements significatifs et contraignants pour transformer le secteur du maintien de l’ordre et mettre fin à la souffrance.

Un impact disparate comporte ainsi deux appels à l’action. Premièrement, la CODP demande à la CSPT, au SPT et à la Ville de Toronto d’instaurer officiellement, en collaboration avec les communautés et organisations noires et la CODP, un processus permettant d’adopter des recours juridiquement contraignants qui changeront radicalement les pratiques et la culture dans le secteur du maintien de l’ordre, et d’éliminer le racisme systémique et les préjugés raciaux anti-Noirs dans les services policiers. Deuxièmement, la CODP demande au gouvernement de l’Ontario d’établir un cadre législatif et réglementaire destiné à lutter directement contre le racisme systémique et les préjugés raciaux anti-Noirs dans le secteur du maintien de l’ordre.

Toutefois, le lendemain de la publication d’Un impact disparate, la CSPT a décidé de publier son Rapport sur la réforme de la police sans aucun préavis et sans tenir le moindre compte des appels à l’action de la CODP. Le Rapport sur la réforme de la police et les recommandations qui y sont formulées sont l’objet du présent mémoire.

 

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IV. Lacunes de procédure dans la démarche de la CSPT

 

A. Les réformes doivent faire l’objet d’une surveillance indépendante et prévoir des mesures juridiquement contraignantes

Le Rapport sur la réforme de la police ne prévoit aucun recours exécutoire et ne répond pas aux appels à l’action de la CODP. Si l’on veut éviter les incertitudes, la procrastination ou l’inaction qui ont suivi les rapports précédents, il faut que les recommandations actuelles s’inscrivent dans un cadre juridiquement contraignant qui empêchera l’instauration d’un climat d’indécision et d’inertie. Bien que l’inégalité de traitement des communautés noires ait été étudiée et documentée à maintes et maintes reprises, les choses n’ont guère évolué du fait de l’absence perpétuelle de mesures de responsabilisation. Cette situation a contribué à saper la confiance entre la communauté et les organismes de surveillance, comme la CSPT, et à générer, dans l’ensemble de la société, un sentiment de lassitude à l’égard des rapports sur le sujet.

En essence, l’histoire montre malheureusement que le SPT et la CSPT ne sont jamais parvenus – et certains estiment même qu’ils sont inaptes – à mettre en œuvre un processus de réforme tant que les résultats à atteindre n’ont pas été clairement fixés et qu’ils ne sont pas étayés par la force du droit. Les réformes doivent faire l’objet d’une surveillance indépendante et avoir force exécutoire, car :

  • il existe une impunité structurelle du racisme systémique au sein du SPT et de la CSPT
  • aucun changement de fond n’a eu lieu dans le passé
  • les recours juridiquement exécutoires produisent des résultats à condition d’être mesurables et surveillés de façon objective

Les appels à l’action de la CODP soulignent que les propositions et les promesses de la CSPT s’avèrent insuffisantes pour amorcer un virage significatif et engager une véritable réforme. Il faut, en effet, établir des recours juridiquement contraignants pour combattre et éliminer le racisme systémique au sein du SPT. Or, comme la CODP et les communautés racialisées l’ont constaté par le passé, les recommandations et les politiques de la CSPT semblent certes insuffler une nouvelle donne sur le papier, mais ne parviennent pas à produire des résultats pertinents et concrets.

Hélas, malgré les nombreuses décisions rendues par le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario (TDPO) et des cours de justice, malgré les rapports détaillés de la CODP et d’autres entités, et malgré les engagements pris par le SPT et la CSPT par le passé, aucun changement majeur n’a eu lieu. De graves et troublantes disparités raciales persistent.

Le racisme systémique anti-Noirs et la méfiance entre les communautés noires et le service de police de Toronto se poursuivront tant qu’un solide système de responsabilisation n’aura pas été mis en place. Les réformes doivent faire l’objet d’une surveillance indépendante et prévoir des mesures juridiquement contraignantes.

La CODP suggère que le caractère exécutoire du processus pourrait être assuré par une ordonnance sur consentement déposée auprès du Tribunal des droits de la personne de l’Ontario, selon une formule semblable aux jugements d’expédient qui sont employés avec succès dans de nombreuses grandes municipalités des États-Unis.

 

B. Impunité structurelle du racisme systémique au sein du SPT et de la CSPT

Les données recueillies à ce jour par la CODP dans le cadre de son enquête témoignent de l’absence criante de systèmes efficaces de surveillance et de responsabilisation face au racisme anti-Noirs, au profilage racial et à la discrimination raciale exercés par le SPT et la CSPT à l’encontre des personnes noires. En voici quelques exemples concrets :

  • Les conclusions rendues par le TDPO et d’autres tribunaux sur des cas de profilage racial ou de discrimination raciale à l’endroit de personnes noires n’ont pas été traitées efficacement ni par le SPT ni la CSPT.
  • La CSPT n’a pas veillé au respect, par le chef de police, de sa politique pour l’équité raciale et ethnoculturelle.
  • Le SPT a refusé de mettre en œuvre la politique sur les contacts communautaires établie en 2014 par la CSPT.
i. Les conclusions rendues par le TDPO et d’autres tribunaux sur des cas de profilage racial ou de discrimination raciale à l’endroit de personnes noires n’ont été prises au sérieux ni par le SPT ni la CSPT

De nombreuses décisions rendues par le TDPO et d’autres tribunaux entre 2009 et 2017 ont reconnu que des personnes noires avaient été victimes de profilage racial ou de discrimination raciale par des agents du SPT. Citons par exemple :

  • Abbott v. Toronto Police Services Board, 2009 HRTO 1909
  • Maynard v. Toronto Police Services Board, 2012 HRTO 1220
  • Shaw v. Phipps, 2012 ONCA 155
  • R. v. Ahmed, [2009] OJ No 5092 (SCJ)
  • R. v. K(A), 2014 ONCJ 374
  • R. v. Smith, 2015 ONSC 3548
  • R. v. Thompson, [2016] O.J. No. 2118 (Ont CJ)
  • Elmardy v. Toronto Police Services Board, 2017 ONSC 2074

Toutefois, ces décisions n’ont pas été prises au sérieux par le SPT ni par la CSPT. Le SPT a indiqué que, malgré ces décisions, aucun agent n’avait été amené à comparaître devant le tribunal disciplinaire du SPT. Ainsi, soit les agents en cause ne faisaient l’objet d’aucune plainte interne, soit les plaintes déposées étaient rejetées après enquête, soit elles étaient jugées « sans gravité » et résolues de manière informelle par le SPT, d’où l’impossibilité d’obliger les agents à rendre compte de leurs actes de racisme anti-Noirs[3].

Par exemple, en 2011, dans l’affaire civile Elmardy v. Toronto Police Services Board, la Cour divisionnaire a conclu qu’un homme noir avait été victime de discrimination raciale alors qu’il revenait de la prière. Il a été interpellé par des agents du SPT, frappé deux fois au visage, fouillé, menotté et laissé à son sort. Par ailleurs, lors du procès, les policiers ont menti au juge au sujet de leur comportement[4]. Toutefois, aucune sanction disciplinaire sérieuse n’a été imposée : il n’y a eu aucun avis d’audience ni aucune décision du tribunal disciplinaire du SPT concernant la conduite des policiers.

De plus, la CSPT n’a publié aucune directive dans ce domaine. À titre d’exemple, elle ne s’est pas dotée de lignes directrices sur la façon de déclencher et de gérer efficacement des plaintes internes dans ces cas de figure. En l’absence de tels protocoles, les communautés noires restent privées de la possibilité de bénéficier d’un réel changement et de voies de recours significatives, si bien qu’elles n’ont guère espoir que le SPT et la CSPT pourront lutter contre les actes répréhensibles et les préjugés raciaux.

ii. La CSPT n’a pas veillé au respect, par le chef de police, de sa politique pour l’équité raciale et ethnoculturelle

La politique de la CSPT pour l’équité raciale et ethnoculturelle a été approuvée en 2006, puis modifiée en 2010[5]. D’après cette politique, tout traitement discriminatoire des membres du public sur la base, entre autres, de critères raciaux ne saurait être toléré. Le chef de police a, par ailleurs, l’obligation d’élaborer des procédures pour mettre en œuvre la politique et de faire rapport chaque année à la CSPT sur « l’efficacité et l’impact de la mise en œuvre de cette politique. Les rapports à produire devraient mentionner toutes les procédures élaborées, évaluer l’efficacité de ces procédures et leur impact sur les pratiques appliquées dans l’ensemble de l’organisation, et apporter des précisions sur les mécanismes permettant de garantir la responsabilisation à tous les échelons de la direction » [traduction].

Toutefois, en dépit des exigences prévues dans la politique, le SPT n’a élaboré aucune procédure particulière pour lutter contre la discrimination raciale dans les interactions visées par la politique (telles que les interpellations et les fouilles). De plus, il n’a présenté à la CSPT que quatre rapports annuels (en 2011, 2012, 2014 et 2015)[6] au cours des neuf années (de 2011 à 2019) suivant l’adoption de la nouvelle version de la politique.

Aucun de ces rapports annuels ne comportait une évaluation de l’efficacité des procédures et de leur impact sur les pratiques dans l’ensemble de l’organisation, ni ne donnait des précisions sur les mécanismes de responsabilisation à tous les échelons de la direction, comme le prévoyait pourtant la politique. Enfin, il convient de souligner que, dans les quatre rapports annuels, le SPT a décrit la Stratégie d’intervention contre la violence à Toronto (TAVIS) comme une initiative qui « améliore l’équité raciale et ethnoculturelle » [traduction]. Une telle assertion fait complètement abstraction des nombreuses critiques exprimées à l’encontre de la stratégie du fait du recours au fichage et à des tactiques agressives, qui ont accru les tensions entre la police et les communautés noires[7]. L’initiative TAVIS a été abandonnée en 2017[8].

iii. Le SPT a refusé de mettre en œuvre la politique sur les contacts communautaires établie en 2014 par la CSPT

Enfin, le SPT a refusé d’appliquer la politique sur les contacts communautaires adoptée par la CSPT en 2014[9]. Comme la CSPT est chargée d’assurer une surveillance indépendante et de garantir l’application du principe de responsabilité, elle doit, par essence, veiller à ce que tout manquement commis par le SPT ne demeure pas sans conséquence.

Les conclusions de la CODP sur la responsabilisation à l’égard du racisme anti-Noirs seront publiées dans son rapport d’enquête final. Toutefois, les observations qui précèdent démontrent clairement la nécessité d’établir un solide mécanisme de responsabilisation. Les réformes doivent faire l’objet d’une surveillance indépendante et prévoir des mesures juridiquement contraignantes.

 

C. Aucun changement de fond n’a eu lieu dans le passé

Les précédentes initiatives antiracistes adoptées en grande pompe par le SPT et la CSPT n’ont abouti à aucune amélioration significative pour les communautés racialisées, parce qu’aucun mécanisme de responsabilisation n’avait été prévu : à l’évidence, la CSPT ne se sentait pas tenue de respecter ses engagements et aucun dispositif indépendant de surveillance n’était en place pour l’obliger à rendre des comptes. Adopter la même approche, comme le préconise la CSPT dans son Rapport sur la réforme de la police, ne résoudra pas des décennies de racisme anti-Noirs.

Dans Un impact collectif et Un impact disparate, la CODP a mis en exergue de graves disparités raciales dans le recours à la force, les mises en accusation et les interpellations, lesquelles ont des conséquences néfastes sur les communautés noires. Ces disparités perdurent, et ce, malgré un grand nombre de rapports et d’initiatives de lutte contre le racisme dans le SPT et la CSPT, notamment :

  • la Charte du Projet des droits de la personne[10]
  • le rapport CAPP (Community Assessment of Police Practices)[11]
  • le projet d’évaluation de l’Intercultural Development Inventory (IDI)[12]
  • le rapport PACER (Police and Community Engagement Review)[13]
  • le rapport Doob et Gardner[14]
  • les politiques de la CSPT, dont la politique pour l’équité raciale et ethnoculturelle et la politique sur les droits de la personne.[15]

 

D. Les recours juridiquement exécutoires et surveillés de manière indépendante, comme les jugements d’expédient, produisent des résultats

Les jugements d’expédient sont des ententes juridiquement contraignantes entre les services de police et le Département de la justice des États-Unis permettant de traiter les interventions policières discriminatoires ou inappropriées. Aux États-Unis, à la suite de drames retentissants, tels que le décès de Freddie Gray, plus d’une dizaine de services de police sont aujourd’hui assujettis à des jugements d’expédient, notamment à Ferguson, à Baltimore et à Cleveland, afin de remédier aux effets disproportionnés des pratiques policières sur les communautés noires.

L’expérience américaine confirme que les jugements d’expédient les plus efficaces sont ceux qui envisagent ou prévoient une surveillance continue par le truchement d’un contrôleur nommé par le tribunal. Ces jugements sont généralement négociés avec la participation de la communauté.

Des études ont montré que les jugements d’expédient assortis d’une surveillance indépendante s’avèrent efficaces pour ce qui est de réformer les interventions policières[16]. Il a été prouvé qu’ils réduisaient le nombre de décès de civils causés par des agents de police. Ainsi, dans les services de police visés par des enquêtes du Département de la justice des États-Unis, le nombre de civils tués par des agents de police était 27 % moins élevé que dans les autres services[17]. Après la mise en œuvre des jugements d’expédient, ce chiffre est passé à 29 %[18]. Ce ne sont pas que de simples statistiques : il s’agit ici de vies humaines et, le plus souvent, de la vie de personnes noires.

 

E. Les réformes doivent se fonder sur des consultations solides et inclusives

Le fait de publier un rapport aussi long, assorti de 81 recommandations, en laissant moins d’une semaine pour en examiner, analyser et commenter la teneur nuit au processus établi et contredit la volonté affichée par la CSPT de mettre fin au racisme systémique dans le SPT.

Cela fait des décennies que les communautés noires sont victimes de pratiques policières excessives à Toronto. Elles doivent être associées à chaque étape de la solution, notamment pour déterminer les recommandations auxquelles il faut immédiatement donner suite, à l’aide de mécanismes exécutoires et formels et au moyen d’indicateurs mesurables. Bien que les différentes réunions publiques organisées par la CSPT aient permis aux personnes et aux communautés noires de faire valoir leurs points de vue à la lumière de leur vécu, elles ne remplacent en rien une véritable consultation sur le bien-fondé, l’efficacité et le calendrier des 81 recommandations qui font l’objet du présent mémoire.

 

F. Les réformes doivent inclure des résultats mesurables et un calendrier

L’efficacité globale du Rapport sur la réforme de la police est également minée par l’absence d’un calendrier et de résultats mesurables dans des domaines clés. Seules quelques-unes des recommandations qui y sont formulées comprennent un calendrier, mais, dans la grande majorité des cas, les conditions et les critères à respecter pour déterminer la réalisation de résultats concrets dans le cadre de l’évaluation de la réforme et de la mise en œuvre ne sont pas précisés. Par exemple, il est recommandé dans le rapport que le directeur général de la CSPT, le directeur municipal et d’autres intervenants identifient les types d’appels susceptibles d’être traités au moyen d’une intervention non policière[19]. Or, aucun processus de consultation n’est établi, aucun calendrier n’est prévu et aucune action n’est définie pour évaluer si les catégories définies produiront des résultats mesurables. Autre exemple : le Rapport sur la réforme de la police prévoit que « le chef de police doit collaborer avec le directeur général et le directeur municipal pour recenser les possibilités à saisir en vue de l’élaboration d’autres initiatives de prévention et de réduction de la criminalité susceptibles de réduire la demande en services policiers réactifs à Toronto[20] » [traduction]. En plus de constituer un objectif vague et abstrait, aucun calendrier, aucune consultation, ni aucun résultat mesurable ne sont associés à cette recommandation.

La CODP estime que les objectifs fixés doivent être assortis de résultats mesurables, afin que le public puisse faire un suivi des progrès accomplis par le SPT et la CSPT.

 

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V. Lacunes de fond dans le Rapport sur la réforme de la police

Pour combattre et éliminer le racisme systémique dans le secteur du maintien de l’ordre, il est essentiel d’adopter une démarche globale, concrète et assortie de résultats mesurables. Ce système de lutte contre la discrimination raciale doit comporter des évolutions organisationnelles, une modification des politiques, des procédures, de la formation et des mesures de responsabilisation, ainsi qu’un changement de culture.

Bien que le Rapport sur la réforme de la police contienne de nombreuses recommandations générales qui semblent aller dans le bon sens, nous savons bien que « le diable se cache souvent dans les détails » et, dans bon nombre de recommandations, la Commission n’est pas obligée d’adopter les mesures précises et concrètes qui sont pourtant nécessaires pour opérer ce véritable tournant institutionnel.

Bien que nous n’ayons pas pu, en une semaine, soumettre ces recommandations à une analyse complète, nous avons pu facilement déceler quelques-unes de leurs principales lacunes, que nous mettons en évidence dans les paragraphes ci-dessous.

 

A. Enquêtes et mesures disciplinaires visant les agents de police

Les agents de police qui adoptent une conduite relevant du profilage racial ou de la discrimination raciale doivent être tenus responsables de leurs actes. Pendant trop longtemps, les agents de police qui frappent, plaquent au sol et abattent des personnes noires n’ont pas été réellement tenus de rendre des comptes. Ce vide a provoqué des blessures, suscité l’indignation et déclenché une série de manifestations à Toronto et aux États-Unis. Il est important de noter que les protestations qui ont suivi la mort de George Floyd, à Minneapolis, et de Regis Korchinski-Paquet, à Toronto, portaient tout autant sur l’absence de responsabilisation que sur le recours à la force. L’omission de rendre des comptes réduit à néant les promesses d’équité dans les pratiques policières.

i. Conduite d’enquêtes et mesures disciplinaires pour préjugés raciaux

Face à l’impunité du racisme systémique, la CSPT doit prendre des mesures vigoureuses pour faire en sorte que les agents de police adoptant une conduite relevant du profilage racial ou de la discrimination fassent l’objet de mesures disciplinaires. Elle doit agir résolument pour consolider ses mesures de surveillance et ses procédures disciplinaires. Ainsi, la CSPT devrait obliger le chef de police à :

  1. considérer que tout comportement d’un agent de police qui, d’après une décision du TDPO ou d’un autre tribunal, relève de la discrimination raciale constitue un facteur négatif dans les décisions de promotion émanant d’un superviseur
  2. enquêter de manière proactive sur la race de la victime présumée dans les allégations de faute commise par des agents de police
  3. enquêter de manière proactive (et informer les agents de police de la conduite de ces enquêtes) sur les possibles cas de profilage racial ou de discrimination raciale dans les allégations faisant état de fautes commises par des agents de police à l’encontre de personnes racialisées, même lorsque ces allégations ne sont pas explicitement émises par un plaignant, un témoin, le directeur de l’UES ou le Bureau du directeur indépendant de l’examen de la police (BDIEP), ou dans le cadre d’une décision de justice visant un manquement du SPT à la Charte
  4. mener une enquête sur chacune des allégations d’inconduite policière qui sont formulées par le directeur de l’UES dans ses lettres au chef de police
  5. établir un processus permettant de faire en sorte que les conclusions ou les observations formulées dans une décision du TDPO ou d’un autre tribunal au sujet d’une conduite relevant du profilage racial ou de la discrimination fondent automatiquement la plainte, ne soient pas considérées comme « sans gravité » aux termes de la Loi sur les services policiers et aboutissent à la signification d’un avis d’audience, même si l’agent de police consent à une sanction
  6. veiller à ce que tous les enquêteurs des normes professionnelles bénéficient d’une formation afin de pouvoir repérer tout problème concernant les droits de la personne et formuler des conclusions d’enquête relatives aux violations du Code des droits de la personne, y compris en ce qui a trait aux possibles cas de profilage ou de discrimination à caractère racial
  7. établir un processus permettant de faire en sorte que les fautes signalées par l’UES ou reconnues par le SPT comme relevant du profilage racial ou de la discrimination raciale fassent l’objet d’une enquête, et exiger du chef de police qu’il fasse rapport publiquement à la Commission des conclusions et de l’issue de ces enquêtes, sous réserve des dispositions de la Loi sur les services policiers en matière de secret professionnel
  8. publier en ligne les critères de rendement applicables aux agents de police et aux superviseurs, ainsi que toutes les mesures quantitatives associées aux évaluations du rendement
ii. Système d’intervention précoce

Un système d’intervention précoce permettant de relever et de suivre les préjugés et les cas de profilage racial doit être mis en œuvre dans le cadre des réformes de responsabilisation proposées. Pour être efficace, un tel système doit s’appuyer sur des données raciales concernant les interpellations, les fouilles, les inculpations, les arrestations et les cas de recours à la force, afin d’alerter les agents de surveillance au sujet des interventions disproportionnées menées par les membres d’un service donné à l’endroit d’un groupe racial. Ces données peuvent également servir à mesurer les résultats au niveau d’une unité ou d’une division.

S’ils sont appliqués comme il se doit, ces systèmes sont susceptibles de favoriser le changement. Par exemple, les médias ont révélé que l’agent de police qui a tué George Floyd avait déjà fait l’objet de plaintes et que le service de police de Minneapolis n’avait pas mis en œuvre un système d’intervention précoce conformément à de précédentes recommandations. Un système efficace d’intervention précoce aurait pu empêcher la survenue de cette tragédie[21].

Dès 2013, le rapport PACER recommandait la mise en place d’un système d’alerte précoce visant les préjugés et le profilage racial. Toutefois, le SPT n’a pas mis sur pied un tel système de manière à intégrer efficacement les données raciales sur les interpellations, les fouilles, les mises en accusation, les arrestations ou le recours à la force. Malheureusement, les recommandations actuelles ne viennent pas combler cette lacune.

 

B. Orientations stratégiques

Il est primordial d’établir des orientations stratégiques claires pour mettre un terme aux disparités alarmantes mises en évidence dans Un impact disparate et remédier aux situations vécues par les communautés noires à Toronto. Le Rapport sur la réforme de la police ne prévoit aucune mesure majeure pour lutter contre le recours systémique à la force et les politiques et pratiques en matière d’inculpation.

i. Recours à la force

Dans sa Politique sur l’élimination du profilage racial en contexte de maintien de l’ordre (ci-après, la Politique sur le profilage racial), la CODP donne des directives stratégiques claires sur les politiques de recours à la force, directives qui devraient être adoptées et mises en œuvre immédiatement[22]. Elle propose également des orientations précises sur la formation, la collecte de données et le dispositif de surveillance, qui auraient dû être reprises dans le Rapport sur la réforme de la police.

Dans la Politique sur le profilage racial, la CODP recommande également que les services de police examinent leurs modèles pour mettre l’accent sur la désescalade.

La CODP exhorte le SPT et la CSPT à tenir compte des recommandations ci-après qui sont issues de la Politique sur le profilage racial :

  • exiger des agents de police qu’ils mettent en œuvre, dans la mesure du possible, des techniques de désescalade avant de recourir à la force et qu’ils envisagent des options de désescalade spécifiques à titre prioritaire avant tout usage de la force
  • former les agents de police sur la façon de reconnaître et de gérer les peurs, les angoisses ou les préjugés susceptibles de contribuer à la décision de recourir à la force
  • former les agents de police sur la façon de réagir à la violence verbale et au manque de respect de la part de civils (y compris aux allégations de racisme ou de partialité) sans recourir à la force physique
  • établir un système de tolérance zéro dans les cas où la force est utilisée en guise de punition ou de représailles, et non comme une riposte nécessaire et proportionnelle à la menace
  • exiger des superviseurs qu’ils examinent attentivement les cas de recours à la force (y compris toutes les données et tous les enregistrements vidéo de caméras corporelles ou d’autopatrouille) immédiatement après qu’ils se produisent, afin de déterminer s’il y avait des raisons crédibles et non discriminatoires de recourir à la force
  • se doter d’un système électronique fiable et précis permettant d’effectuer un suivi de toutes les données sur le recours à la force[23]
ii. Mise en accusation

Un impact disparate montre que les personnes noires sont largement surreprésentées dans les statistiques sur les accusations examinées par la CODP dans le cadre de son enquête. Toutefois, quelle que soit la race des personnes en cause, près de 60 % des accusations n’aboutissent pas à une condamnation. De plus, les affaires concernant des suspects blancs se soldent légèrement plus souvent par une condamnation (22,4 %) que les affaires visant des suspects noirs (18,1 %) ou des suspects appartenant à d’autres minorités (18,3 %). Ces résultats témoignent de l’existence d’un racisme systémique anti-Noirs.

La CSPT devrait exiger que le chef de police modifie les procédures du SPT relatives aux mises en accusation pour obliger les agents de police à gérer toutes les interactions avec des personnes noires, des Autochtones et des membres d’autres groupes racialisés, notamment les jeunes et les adultes, en tenant compte des tendances historiques relatives aux interventions policières excessives à leur encontre, et, selon le cas, à utiliser des mesures autres que les accusations et les arrestations. Cette mesure s’inscrit dans le prolongement de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, qui prévoit que les agents de police doivent envisager des mesures extrajudiciaires, telles que des avertissements informels, des mises en garde ou des renvois vers des ressources communautaires, avant de décider d’engager des poursuites contre un adolescent.

 

C. Demandes de la communauté en faveur du définancement, de la démilitarisation et de la décriminalisation

Il est indiqué dans le Rapport sur la réforme de la police que le définancement était la solution la plus souvent invoquée face aux problèmes entourant les pratiques policières[24]. La CODP juge encourageantes les mesures prises par la Commission pour favoriser la transparence budgétaire et élargir le programme des équipes mobiles d’intervention en cas de crise (EMIC) sans financement supplémentaire en 2020 et 2021. La CODP estime que le regain d’attention sur le budget du SPT donne à la CSPT l’occasion de remédier à l’impact disproportionné des services policiers sur les communautés noires en allouant des crédits et en réaffectant les ressources en conséquence. Les perspectives et les demandes émanant de la communauté sur ces questions doivent être entendues. La CSPT se doit de réaliser des investissements pour promouvoir et garantir le bien-être et la sécurité des communautés grâce à des pratiques policières équitables (par exemple, pour mieux protéger et servir les communautés racialisées et les personnes handicapées qui font traditionnellement l’objet d’inégalités arbitraires dans les services policiers).

 

D. Reconnaissance de l’existence d’un racisme systémique à Toronto et excuses pour la souffrance causée

Le racisme anti-Noirs est ancré dans la structure des institutions canadiennes, y compris dans celle des forces de l’ordre. La Cour suprême du Canada a confirmé à plusieurs reprises la présence du racisme anti-Noirs dans la société et le système de justice pénale[25]. De plus, les tribunaux ont invariablement reconnu que le profilage racial était un problème systémique dans le secteur du maintien de l’ordre et qu’il n’était pas le fruit de quelques « mauvais éléments » au sein de la police[26]. Outre les nombreuses décisions judiciaires qui ont été rendues, plusieurs rapports ont montré à quel point le racisme systémique faisait peser un fardeau disproportionné sur les communautés noires, dont le Rapport de la Commission sur le racisme systémique dans le système de justice pénale en Ontario en 1995, le rapport Examen des causes de la violence chez les jeunes en 2008 et le Rapport de l’examen indépendant des organismes de surveillance de la police publié en 2017 au sujet des services policiers dans l’ensemble de l’Ontario. Les rapports provisoires publiés par la CODP dans le cadre de son enquête sur la discrimination raciale et le profilage racial effectués par le SPT à l’endroit des personnes noires viennent étayer, à renfort de données supplémentaires, ces interventions démesurées. Par exemple, Un impact disparate montre que les personnes noires sont plus susceptibles d’être abattues par la police de Toronto que les personnes blanches, lesquelles sont plus susceptibles de survivre après un coup de feu tiré par des agents torontois. Les personnes noires sont, par ailleurs, nettement surreprésentées dans les enquêtes de l’UES, aussi bien dans les quartiers à faible criminalité que dans ceux à forte criminalité. L’analyse menée par Scot Wortley dans Un impact disparate a beau porter sur des données récentes, nous ne pouvons pas délibérément ignorer le fait que ces situations font partie du quotidien de la communauté noire depuis des décennies.

Le SPT doit reconnaître formellement cette tendance historique et présenter des excuses officielles pour le racisme systémique anti-Noirs qui existe dans ses propres structures. Par ailleurs, la CSPT devrait consulter les communautés noires pour déterminer la forme et le contenu de cette reconnaissance officielle et assurer des mesures de réparation valables pour le préjudice causé.

 

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VI. Plaidoyer auprès de la province en faveur de modifications législatives

La CSPT et le SPT peuvent prendre immédiatement de nombreuses mesures pour combattre et éliminer le racisme systémique dans le secteur du maintien de l’ordre, comme préconiser l’adoption d’une approche et de mesures coordonnées à l’échelle de la province, et recommander la mise en œuvre, par le gouvernement de l’Ontario, de modifications législatives et réglementaires visant à mieux lutter contre la discrimination raciale. Le Rapport sur la réforme de la police a beau appeler à des modifications législatives et réglementaires pour élargir les motifs des suspensions sans solde, cela ne saurait suffire. La CSPT, le SPT et la Ville de Toronto doivent appeler la province à prendre les mesures suivantes :

 

A. Mettre en œuvre un processus de filtrage pré-inculpation par la Couronne pour lutter contre les accusations excessives et le profilage racial

Une telle mesure exigerait de réviser la Loi sur les services policiers et/ou la Loi de 2019 sur la sécurité communautaire et les services policiers, et d’apporter des modifications connexes au Manuel de poursuite de la Couronne, afin d’autoriser la Couronne, et non la police, à porter des accusations. Cela s’avère d’autant plus important que, d’après les conclusions de la CODP, le SPT tend à porter des accusations excessives contre les personnes noires. En particulier, la CODP a constaté que seulement 20 % des accusations analysées, quelle que soit la race des personnes visées, aboutissaient à une condamnation, et que les accusations portées à l’encontre des personnes noires finissaient plus souvent par être retirées et étaient plus rarement suivies d’une condamnation que celles portées contre les personnes blanches.

Dans sa Politique sur le profilage racial[27], publiée en septembre 2019, la CODP recommande que les services de police « collabore|nt] avec le gouvernement pour mettre en œuvre un processus de vérification par la Couronne des accusations à porter qui traite des situations d’accusations excessives et de profilage racial[28] ». Bien que le SPT ait expérimenté des projets limités de filtrage des mises en accusation, rien dans le Rapport sur la réforme de la police n’indique que ces projets seront étendus à l’ensemble des tribunaux ou des divisions de police, ou que la CSPT, le SPT et la Ville de Toronto sont disposés à appeler à la province à mettre en place un processus de filtrage pré-inculpation.

 

B. Modifier la Loi sur les services policiers et/ou la Loi de 2019 sur la sécurité communautaire et les services policiers afin d’accroître la transparence des mesures disciplinaires visant les agents de police

Compte tenu des dispositions actuelles de la Loi sur les services policiers en matière de secret professionnel, le public ne peut pas savoir si et, le cas échéant, quand un agent de police a fait l’objet d’une mesure disciplinaire quelconque pour s’être livré à des pratiques de profilage racial ou de discrimination raciale ou pour avoir commis toute autre faute. Seules les décisions des tribunaux disciplinaires des services de police ne sont pas confidentielles.

 

C. Apporter des modifications législatives ou réglementaires afin que les conclusions rendues par des tribunaux sur des cas de discrimination ou d’autres manquements au Code des droits de la personne commis par des agents de police fassent l’objet d’une enquête appropriée et soient traitées comme une faute potentielle

La confiance du public à l’égard de la police est gravement affaiblie lorsque les conclusions publiques concernant les comportements discriminatoires ou contraires au Code adoptés par des agents de police ne sont suivies d’aucune conséquence pour leurs auteurs. La législation doit garantir que les conclusions formulées par les tribunaux des droits de la personne ou par d’autres tribunaux donnent lieu à l’adoption de mesures disciplinaires appropriées.

 

D. Modifier la Loi sur les services policiers et/ou la Loi de 2019 sur la sécurité communautaire et les services policiers afin que les plaintes visant la police fassent l’objet d’enquêtes indépendantes

Au cours de ses consultations avec les communautés noires, les populations autochtones et d’autres groupes racialisés, la CODP s’est rendu compte de la profonde méfiance qui existait à l’égard du processus actuel de traitement des plaintes du public. En particulier, il existe manifestement une crainte de partialité lorsque des agents d’un service de police donné sont chargés d’enquêter sur le comportement de leurs collègues. Ces préoccupations ont été reprises et confirmées par l’honorable juge Michael Tulloch dans son Rapport de l’examen indépendant des organismes de surveillance de la police. À l’heure actuelle, en Ontario, la plupart des plaintes du public concernant la conduite d’agents de police municipaux et provinciaux ne font pas l’objet d’une enquête indépendante.

En 2018-2019, les plaintes du public ont été étudiées par le service de police incriminé dans 90 % des cas. Les modifications apportées aux procédures de discipline visant les agents de police dans la Loi de 2019 sur la sécurité communautaire et les services policiers (qui n’est pas encore en vigueur) sont insuffisantes pour remédier à ce problème. La province devrait exiger qu’un organisme indépendant se charge de mener toutes les enquêtes et de rendre toutes les décisions en matière d’inconduite policière, et que l’inconduite soit établie selon la norme de la prépondérance des probabilités employée au civil[29].

À sa réunion des 29 et 30 juin 2020, le conseil municipal de Toronto a officiellement demandé que la province de l’Ontario modifie la Loi sur les services policiers et la Loi de 2019 sur la sécurité communautaire et les services policiers, afin que les plaintes au sujet d’une faute grave commise par un agent de police soient obligatoirement examinées par l’organisme provincial indépendant chargé de traiter les plaintes visant la police (actuellement le Bureau du directeur indépendant de l’examen de la police), et non par le bureau des normes professionnelles d’un service de police. La CODP appuie une telle demande, et la CSPT devrait à son tour la soutenir expressément.

 

E. Adopter et mettre en œuvre des normes, des lignes directrices et des politiques appropriées, ainsi que des directives strictes, pour mettre fin au profilage racial et à la discrimination raciale dans les interventions policières

Ces lignes directrices devraient notamment :

  • définir clairement le terme « profilage racial » conformément à la définition posée par la CODP dans sa Politique sur l’élimination du profilage racial en contexte de maintien de l’ordre[30]
  • modifier le Règlement de l’Ontario 58/16 (Collecte de renseignements identificatoires dans certaines circonstances – Interdiction et obligations) pour établir des critères permettant de déterminer dans quels cas un agent de police peut aborder une personne en dehors d’une arrestation, et dans quels cas il convient pour les agents de police de ne pas intervenir
  • établir un cadre approprié pour la notification des droits
  • interdire l’utilisation de la race lors de la sélection des suspects, des victimes ou des témoins, à moins que la police ne s’appuie sur une description suffisamment précise

Le profilage racial est un problème systémique dans le secteur du maintien de l’ordre. Il exerce un profond impact collectif et disparate sur les personnes noires, les Autochtones et d’autres groupes racialisés. Le profilage racial survient dans une grande variété d’interactions policières, notamment dans le cadre de contrôles routiers, de fouilles, de prélèvements d’ADN, d’interpellations et d’incidents de recours à la force. Si l’on veut remédier au profilage racial, la province doit adopter une démarche globale comprenant des directives précises aux agents de police pour prévenir les comportements discriminatoires.

Un impact disparate met en lumière les pratiques inégales du SPT en matière d’interpellation et d’interrogation. D’après les données analysées, les personnes noires sont surreprésentées dans les statistiques sur les infractions de la route « hors de vue », c’est-à-dire qui interviennent généralement après qu’un agent a déterminé la race du conducteur ou arrêté le véhicule. Par ailleurs, plus d’un quart des cas concernant des personnes noires découlaient d’interpellations proactives, contre seulement 11,1 % pour les cas concernant des personnes blanches. En revanche, 59,3 % des cas visant des personnes blanches résultaient d’un appel de service, contre seulement 46,8 % pour les cas concernant les personnes noires. Ces données témoignent de l’existence d’un racisme systémique anti-Noirs. Face à ce constat, le SPT et la CSPT doivent limiter la possibilité pour les agents de police d’effectuer des interpellations discrétionnaires. Les mesures législatives qui ont été prises, telles que les règlements sur les contrôles de routine, ne vont tout simplement pas assez loin. Le SPT et la CSPT doivent promouvoir l’élimination des contrôles de routine à l’échelle provinciale et modifier les directives et procédures internes en conséquence.

 

F. Modifier le modèle provincial de recours à la force afin que les agents de police soient tenus d’utiliser, dans toute la mesure du possible, des techniques et des tactiques de désescalade avant de faire usage de la force

Dans Un impact collectif, la CODP démontre qu’entre 2013 et 2017, les personnes noires étaient près de 20 fois plus susceptibles que les personnes blanches d’être abattues lors d’une fusillade par le service de police de Toronto. Dans Un impact disparate, elle explique qu’une personne noire court autant de risques d’être visée par des coups de feu tirés par des agents de police à Toronto que dans une ville moyenne des États-Unis. Ces constats alarmants montrent à quel point il est primordial d’adopter des politiques contraignantes pour limiter radicalement les possibilités de recours à la force par les agents de police.

Le modèle provincial de recours à la force devrait comporter les mesures suivantes :

  1. Les agents de police devraient, dans la mesure du possible, procéder à des tentatives de communication et de désescalade avant de recourir à la force, et des options de désescalade spécifiques devraient être envisagées à titre prioritaire avant tout usage de la force.
  2. Si un agent de police interagit avec une personne qui ne porte pas d’arme à feu ou d’arme mortelle, il ne devrait pas avoir le droit de faire usage de la force ou d’une arme à feu mortelle à son encontre (sauf dans les cas où le suspect cause un préjudice grave à un particulier ou à un agent de police).
  3. Les agents de police ne devraient pas avoir le droit de tirer sur des personnes qui ne portent pas d’arme à feu ou qui ne recourent pas à une force meurtrière contre autrui.
  4. Les contrôles par l’encolure et les étranglements (y compris les dispositifs de contention carotidienne) devraient être interdits.
  5. Les agents de police devraient, si possible, donner un avertissement verbal avant de faire un usage létal de la force.
  6. Les agents de police devraient épuiser toutes les autres possibilités raisonnables avant de faire un usage létal de la force.
  7. Les agents de police devraient intervenir pour empêcher un autre agent de faire un usage excessif de la force.
  8. Les agents de police devraient signaler les cas de recours à la force et les menaces/tentatives de recours à la force (par exemple, lorsqu’un maître-chien décide de déployer un chien policier pour arrêter un membre du public).
  9. Toutes les voitures de patrouille devraient être équipées d’armes à létalité réduite pouvant être utilisées à la place des armes à feu, et tous les agents de police devraient être formés pour apprendre à manier ces armes et à utiliser des équipements défensifs tels que des boucliers et des casques.

 

G. Modifier l’article 17 de la Loi sur la santé mentale pour favoriser les interventions non policières face aux problèmes liés à la santé mentale, aux dépendances ou à l’itinérance

Il existe des associations claires et significatives entre la race et la santé mentale. Nous éprouvons une vive inquiétude chaque fois qu’une intervention policière déclenchée à la suite d’un appel au 911 au sujet d’une personne en détresse entraîne un décès, comme dernièrement dans le cas de Regis Korchinski-Paquet. Les appels de détresse liés à la santé mentale, à la toxicomanie ou à l’itinérance doivent faire l’objet d’une intervention non policière. La législation provinciale doit permettre et promouvoir l’abandon d’un modèle policier face aux situations de crise, au profit d’une approche globale, propice à la santé et à même de désamorcer les urgences liées aux troubles mentaux ou aux dépendances.

Par ailleurs, la CODP discutera avec la province séparément de l’adoption de changements plus globaux, nécessaires pour éliminer les préjugés policiers aux quatre coins de l’Ontario.

 

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VII. Conclusion

Le Rapport sur la réforme de la police est largement en deçà de la préconisation faite par la CODP dans Un impact disparate consistant à instaurer, en collaboration avec les communautés noires et la CODP, un processus permettant d’adopter des recours juridiquement contraignants pour combattre et éliminer le racisme systémique dans le SPT.

Au bout du compte, des mesures sans mécanisme de responsabilisation ni force exécutoire n’ont aucune pertinence, aggravent la méfiance persistante de la population face à des promesses creuses et perpétuent la souffrance.

Sur le fond, le Rapport sur la réforme de la police et ses recommandations comportent de graves lacunes. Les enquêtes et les mesures disciplinaires visant des agents de police ayant agi sur la base de préjugés font cruellement défaut, de même que les grandes orientations stratégiques en matière de recours de la force et de mise en accusation. En outre, les communautés noires ont clairement appelé à plusieurs reprises au définancement, à la décriminalisation et à la démilitarisation. Ces demandes ne peuvent être écartées d’un revers de main.

Sur le plan des procédures, l’approche de la CSPT comporte de graves manquements. Le fait de publier ce rapport, assorti de 81 recommandations, dès le lendemain de la publication d’Un impact disparate et en ne laissant qu’une semaine pour en examiner, analyser et commenter la teneur est une insulte à l’ensemble du processus. La façon de procéder de la CSPT dans le cadre de l’enquête actuelle de la CODP, et malgré les consultations réclamées par cette dernière sur l’accès à des recours exécutoires, jette de sérieux doutes quant à la volonté de la CSPT de travailler de bonne foi avec la CODP et les communautés noires pour mettre fin au racisme systémique dans le SPT. La CSPT semble chercher à limiter les dégâts alors qu’un nouveau rapport exhaustif[31] contient des données accablantes qui attestent l’existence d’un racisme systémique anti-Noirs dans le SPT. Malgré tout, la CODP demeure résolument déterminée à œuvrer en faveur d’un réel changement. Elle continuera de prendre part à tout processus accessible, transparent et équitable permettant aux membres de la communauté de donner leur avis sur les éléments à mettre en œuvre pour remédier au racisme systémique dans le secteur du maintien de la force.

Étant donné l’incapacité de la CSPT à lutter, tant sur le fond qu’au niveau des procédures, contre le racisme systémique par le biais du Rapport sur la réforme de la police, la CODP ne peut pas apporter son soutien à ce rapport et à ses recommandations. La CSPT devrait, d’une part, reconnaître les insuffisances de procédure et de fond qui émaillent son Rapport sur la réforme de la police et, d’autre part, s’atteler à y remédier sans délai en travaillant en concertation avec la CODP et les organisations et communautés noires pour instaurer des recours juridiquement contraignants.

 

 

[1] Commission de services policiers de Toronto, Police Reform in Toronto: Systemic Racism, Alternative Community Safety and Crisis Response Models and Building New Confidence in Public Safety (2020), Race-based Data Collection, Analysis and Public Reporting (2019), point no 3a de l’ordre du jour public de la réunion du 18 août 2020 de la Commission de services policiers de Toronto, en ligne : https://tpsb.ca/images/agendas/PUBLIC_AGENDA_Aug_18.pdf [Rapport sur la réforme de la police].
[2] Avant la publication d’Un impact disparate le 8 juillet 2020, la CODP a transmis un exemplaire préliminaire du rapport à la CSPT et au SPT, dans le but de déceler tout problème technique avec l’analyse de l’équipe de recherche. De plus, le 4 août 2020, la CODP a eu la courtoisie d’organiser, à l’intention de la CSPT, du SPT et du maire John Tory, une séance d’information préliminaire sur les conclusions du rapport et les mesures préconisées. Bien que toutes les parties aient exprimé leur intérêt à collaborer avec la CODP pour remédier à la situation alarmante mise en évidence dans Un impact disparate, ni la CSPT, ni le SPT, ni M. Tory n’ont averti ou informé au préalable du contenu du Rapport sur la réforme de la police, qui renferme 81 recommandations et a été publié moins d’une semaine plus tard. Cette façon de procéder amène sérieusement à se demander si la CSPT, le SPT et M. Tory agissent de bonne foi pour lutter contre le racisme systémique. Il est navrant de constater qu’ils ont complètement ignoré les objectifs qu’ils s’étaient fixés en matière de coopération et de consultation.
[3] La CODP n’a pas été en mesure de déterminer quels facteurs s’appliquaient précisément à chaque cas en raison des dispositions sur le secret confidentiel prévues à l’article 95 de la Loi sur les services policiers, L.R.O. 1990, chap. P.15; Roberts v. Toronto Police Services Board, 2016 HRTO 1464.
[4] Elmardy v. Toronto (City) Police Services Board, 2015 ONSC 2952; 2017 ONSC 2074. Il convient de noter que M. Elmardy n’a fait l’objet d’aucune inculpation.
[5] www.tpsb.ca/policies-by-laws/board-policies/send/5-board-policies/127-race-and-ethnocultural-equity.
[6] Procès-verbaux des réunions de la CSPT du 15 juin 2012, du 20 juin 2013, du 17 décembre 2015 et du 18 août 2016.
[7] L’honorable Michael H. Tulloch, Rapport de l’examen indépendant des contrôles de routine (2018), https://www.mcscs.jus.gov.on.ca/sites/default/files/content/mcscs/docs/FR-Street%20Checks%20Review%20Book-Dec-29_2.pdf, p. 41-42.
[8] Service de police de Toronto, groupe de travail transformationnel (Transformational Task Force), The Way Forward: Modernizing Community Safety in Toronto, rapport provisoire (2016), p. 13, www.tpsb.ca/items-of-interest/send/29-items-of-interest/518-the-way-forward-modernizing-community-safety-in-toronto.
[9] « Was the Toronto police board’s carding policy ‘illegal’ as Bill Blair claimed? », The Star, 4 mai 2015, www.thestar.com/news/insight/2015/05/04/was-the-toronto-police-boards-carding-policy-illegal-as-bill-blair-claimed.html.
[10] Diversity Institute, Université Ryerson, Evaluation of the Human Rights Project Charter (2014), en ligne : www.torontopolice.on.ca/publications/files/reports/hrpc_evaluation_report_2014.pdf.
[11] Logical Outcomes, The issue has been with us for ages: A community-based assessment of police contact carding in 31 Division, rapport final (2014).
[12] Mitchell Hammer, Hamlin Grange et Michael Paige, « IDI Assessment Project on Building Intercultural Competence with the Toronto Police Service » (2015), résumé.
[13] Service de police de Toronto, The Police and Community Engagement Review (The PACER Report) (2013), www.torontopolice.on.ca/publications/files/reports/2013pacerreport.pdf.
[14] Anthony N. Doob et Rosemary Gartner, Understanding the Impact of Police Stops, rapport établi pour la Commission de services policiers de Toronto, 17 janvier 2017, https://criminology.utoronto.ca/wp-content/uploads/2017/03/DoobGartnerPoliceStopsReport-17Jan2017r.pdf.
[15] Procès-verbal de la réunion de la CSPT du 21 janvier 2015, rapport d’Alok Mukherjee (29 décembre 2014) sur l’obligation de faire rapport au conseil municipal sur les plans d’action, les initiatives et les réalisations en matière d’accès, d’équité et de droits de la personne, en ligne : www.tpsb.ca/component/jdownloads/send/7-2015/174-january-21; Politique de la CSPT sur les droits de la personne (2015), www.tpsb.ca/policies-by-laws/board-policies/send/5-board-policies/118-human-rights.
[16] Goh, Li Sian, « Consent Decrees can reduce the number of police-related killings, but only when used alongside court-appointed monitoring », LSE US Centre, 18 mars 2020, en ligne :
https://blogs.lse.ac.uk/usappblog/2020/03/18/consent-decrees-can-reduce-the-number-of-police-related-killings-but-only-when-used-alongside-court-appointed-monitoring/.
[17] Ibid.
[18] Ibid.
[19] Rapport sur la réforme de la police, recommandation no 1, p. 32.
[20] Ibid., recommandation no 14, p. 35.
[21] Libor Jany, « Minneapolis to launch early warning system to identify potentially problematic officers »,
Minneapolis Star Tribune, 10 juin 2020, en ligne : www.startribune.com/early-warning-system-to-weed-out-troublesome-minneapolis-officers-didn-t-appear-to-launch/571157682/.
[22] Commission ontarienne des droits de la personne, Politique sur l’élimination du profilage racial en contexte de maintien de l’ordre, septembre 2019, http://www.ohrc.on.ca/fr/politique-sur-l%E2%80%99%C3%A9limination-du-profilage-racial-en-contexte-de-maintien-de-l%E2%80%99ordre. [Politique sur le profilage racial].
[23] Commission ontarienne des droits de la personne, Politique sur l’élimination du profilage racial en contexte de maintien de l’ordre, septembre 2019, http://www.ohrc.on.ca/fr/politique-sur-l%E2%80%99%C3%A9limination-du-profilage-racial-en-contexte-de-maintien-de-l%E2%80%99ordre. [Politique sur le profilage racial]. Les modifications à apporter à la politique de la CSPT en matière de recours à la force et aux directives connexes devraient inclure les réformes proposées à la section IV du présent document.
[24] Rapport sur la réforme de la police, p. 68.
[25] R. c. S. (R.D.), 1997 CanLII 324 (CSC), [1997] 3 R.C.S. 484, par. 46; R. c. Spence, 2005 CSC 71, [2005] 3 R.C.S. 458, par. 31 à 33.
[26] Nassiah v. Peel Regional Police Services Board, 2007 HRTO 14 (CanLII), par. 113 [Nassiah]; Peart v. Peel Regional Police Services, 2006 CanLII 37566 (Ont. CA), par. 94 [Peart]; R. c. Le, 2019 CSC 34, par. 89 à 97.
[27] Commission ontarienne des droits de la personne, Politique sur l’élimination du profilage racial en contexte de maintien de l’ordre, septembre 2019, http://www.ohrc.on.ca/fr/politique-sur-l%E2%80%99%C3%A9limination-du-profilage-racial-en-contexte-de-maintien-de-l%E2%80%99ordre. [Politique sur le profilage racial].
[28] Ibid.
[29] http://www.ohrc.on.ca/fr/centre_des_nouvelles/m%C3%A9moire-de-la-commission-ontarienne-des-droits-de-la-personne-sur-le-projet-de-loi-68-la-loi-sur-la.
[30] Commission ontarienne des droits de la personne, Politique sur l’élimination du profilage racial en contexte de maintien de l’ordre, septembre 2019, http://www.ohrc.on.ca/fr/politique-sur-l%E2%80%99%C3%A9limination-du-profilage-racial-en-contexte-de-maintien-de-l%E2%80%99ordre.
[31] R. c. Le, 2019 CSC 34, par. 95 à 97. On peut lire, au paragraphe 97, de l’arrêt Le : « Nous n’hésitons pas à conclure que, même en l’absence de ces rapports très récents, nous sommes maintenant arrivés au point où les travaux de recherche montrent l’existence d’un nombre disproportionné d’interventions policières auprès des collectivités racialisées et à faible revenu ».

 

 

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Observations formulées, le 18 août 2020, par la commissaire en chef intérimaire de la CODP, Ena Chadha, lors de la réunion de la Commission de services policiers de Toronto à propos du rapport et des recommandations de la CSPT sur la Réforme de la police à Toronto destinée à lutter contre le racisme systémique, à établir d’autres modèles de sécurité communautaire et d’intervention en situation de crise et à instaurer un nouveau climat de confiance à l’égard de la sécurité publique (Police Reform in Toronto: Systemic Racism, Alternative Community Safety and Crisis Response Models and Building New Confidence in Public Safety)

 

Sous réserve de modifications

 

C’est avec une profonde déception et un certain nombre de questions que je participe aujourd’hui à cette réunion.

Comme vous le savez, lundi dernier, la CODP a publié Un impact disparate, notre deuxième rapport provisoire relatif à l’enquête en cours sur le profilage et la discrimination raciale par le service de police de Toronto à l'endroit des personnes noires. Un impact disparate fait état de données très inquiétantes qui montrent que les personnes noires subissent des interpellations disproportionnées et qu’elles sont les principales victimes du recours à la force par la police de Toronto, ce qui traduit un racisme systémique et anti-Noirs.

Certains l’ignorent peut-être, mais la CODP a fourni, à l’avance, des exemplaires de son rapport au service de police de Toronto et à cette commission, et ce, un mois complet avant sa publication officielle. De plus, une semaine avant cette publication, nous avons, par courtoisie, organisé une séance d’information de deux heures pour présenter le rapport à la CSPT, au service de police et au maire, Monsieur Tory.

Lors de cette réunion, le président M. Hart et le maire M. Tory se sont exprimés positivement au sujet d’une collaboration avec la CODP et, de mon côté, j’ai insisté sur la nécessité d’associer la communauté au processus correctif.

C’est la raison pour laquelle la découverte du rapport de la CSPT et de la centaine de recommandations qu’il contient a été un véritable choc, au lendemain de la publication de notre rapport Un impact disparate.

Aprèsavoir employé des termes comme « collaboration » et « partenariat », aucun représentant de la CSPT n’a averti la CODP de la publication imminente de son rapport et de ses 81 recommandations. Si cela avait été le cas, nous aurions fait valoir que des échéanciers et des résultats mesurables sont essentiels à un véritable changement institutionnel.

J’aimerais aujourd’hui savoir pourquoi? Pourquoi la CODP n’a-t-elle pas été invitée à examiner ces recommandations?

Alors que vous faites référence à la CODP et à son rapport, pourquoi Un impact disparate n’est-il pas présenté ici afin d’en débattre sérieusement?

Mais plus important encore, pourquoi n’a-t-on pas donné, aux communautés et aux organisations noires, suffisamment de temps, des moyens accessibles et l’occasion de formuler des commentaires sur des recommandations qui sont censées changer leurs vies?

Des soi-disant plans d’action sans responsabilisation et force exécutoire ne servent à rien. Pour être significatives, les réformes doivent être assujetties à un contrôle indépendant, avoir force exécutoire, être précises, viables, mesurables et assorties de délais, et impliquer les communautés noires de façon continue et inclusive.

Même s’il est louable, de la part de la CSPT, de vouloir qu’on la voie prendre des mesures, le rapport présente d’importantes lacunes, comme nous l’avons souligné dans nos observations écrites.

En effet, le rapport :

  • ne propose pas de mécanismes de responsabilité clés pour enquêter sur les agents et prendre des mesures disciplinaires à leur encontre;
  • n’instaure pas de système d’intervention précoce basé sur des données relatives à la race pour donner l’alerte lorsque des agents ou des unités prennent, de façon disproportionnée, pour cibles des groupes raciaux;
  • ne prévoit pas de mesures importantes pour mettre fin au recours excessif à la force et aux pratiques d’interpellation injustes;
  • pour ne citer que quelques lacunes.

Ce rapport est inapproprié sur le plan de la procédure et du fond. La CODP ne peut pas l’appuyer dans sa version actuelle. Nous savons que les communautés attendent des actions concrètes, mais elles veulent et elles méritent que toutes les parties prenantes y contribuent.

Pour la troisième fois en trois semaines, nous demandons au service de police de Toronto, à la CSPT et à la ville de Toronto d’instaurer officiellement un processus transparent avec les communautés noires et la CODP.

Nous vous demandons d’adopter des recours juridiquement contraignants afin de transformer les pratiques et la culture policières et de mettre fin aux préjugés anti-Noirs et au racisme systémique dans notre ville.