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Éditorial : L’éradication de la pratique du fichage nécessite une volonté politique

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Mai 23, 2015

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M. Andrew Phillips
Rédacteur en chef
The Toronto Star
Un, rue Yonge 
Toronto (Ontario)  M5E 1E6

Par email : aphillips@thestar.ca

Cette semaine, Mark Saunders a prêté serment comme chef du Service de police de Toronto. Son entrée en fonction s’est déroulée au milieu d’une controverse qui avait entachée les derniers jours de son prédécesseur et qui refuse de disparaître, soit la procédure policière connue communément sous le nom de « fichage ». Le chef Saunders a le choix, alors qu’il prend ses fonctions, d’écouter les voix qui se font entendre dans la communauté et d’œuvrer pour mettre fin au profilage racial, ou de permettre à une pratique très inquiétante de perdurer.

La procédure utilisée par le Service de police de Toronto a eu pour conséquence l’interpellation disproportionnée de personnes en raison, partiellement, de la couleur de leur peau. Selon nous, cette pratique est nocive et humiliante; elle revient à faire du profilage racial et elle est illégale.

Les statistiques montrent que les hommes à la peau noire et brune sont interpelés par la police bien plus souvent que tout autre groupe à Toronto. Statistiques choquantes, le nombre de jeunes Noirs âgés de 15 à 24 ans qui ont été fichés au moins une fois dans la zone de patrouille policière où ils vivent dépasse le nombre total de jeunes hommes noirs habitant dans toute la ville de Toronto. La vaste majorité de ces jeunes n’avaient commis aucun crime. Dans chaque zone de patrouille de la ville, les Noirs sont interpelés plus souvent et sont bien plus susceptibles que les Blancs d’être interpelés sans que ces interpellations ne débouchent sur une arrestation ou sur une accusation portée contre eux. 

L’auteur Desmond Cole a déclaré qu’il a été interpelé personnellement 50 fois, quoi que certaines de ces interpellations se sont produites à l’extérieur de Toronto. L’analyse faite par le Toronto Star révèle qu’entre les mois de juillet et d’octobre 2013, les Noirs risquaient jusqu’à 17 fois plus d’être fichés dans certains quartiers de Toronto. 

Le chef Saunders affirme que les « engagements communautaires » sont essentiels aux fins de la collecte d’information. À son avis, « si nous empêchons les policiers d’avoir des contacts avec la communauté … [cela] nous mettra dans une situation où nous constaterons une augmentation de la criminalité ». Cependant, ni lui, ni son prédécesseur, n’a produit de preuves démontrant que le « fichage » permettait de résoudre des crimes ou de réduire la criminalité.

Il va sans dire que personne ne suggère que la police ne devrait pas être en contact avec la communauté ou recueillir les renseignements dont elle a besoin pour assurer la sécurité communautaire. Cependant, le mode de collecte de cette information par la police peut avoir un effet extrêmement négatif sur la confiance de la communauté, comme nous l’avons constaté dans le cas du fichage.

Nous avons formulé plusieurs suggestions pour expliquer comment la police peut résoudre les infractions au Code des droits de la personne (le Code) et à la Charte des droits et libertés (la Charte). Ces recommandations de la CODP, d’experts juridiques et de membres de la communauté ont été ignorées. Une de ces suggestions recommande que la police explique aux personnes qui sont interpelées qu’elles ont le droit de partir lorsqu’elles ne font pas l’objet d’une enquête.

Pour renforcer la confiance du public qui, selon lui, lui importe, le chef Saunders doit reconnaître que les « dommages collatéraux » et le « coût social » du fichage sont tout simplement inacceptables. Assurer des services policiers efficaces devient bien plus difficile sans la confiance de l’ensemble des communautés servies, y compris des  communautés de personnes à la peau brune et noire. Cela devient encore plus difficile lorsque les communautés qui sont consultées ont l’impression que le produit final ne reflète pas leurs opinions.

La police de New York a défendu pendant des années sa pratique connue sous le nom de « Stop and Frisk » (interpellation et fouille). Elle déclarait qu’il s’agissait d’un « outil essentiel », même si elle était incapable de produire des preuves à l’appui. Lorsqu’il est entré en fonction l’année dernière, le maire Bill de Blasio a tenu sa promesse de mettre fin à cette pratique. Pour éradiquer cette forme de profilage racial, il a fallu faire preuve de volonté politique. C'est le genre de solution dont Toronto a besoin.

Alors que nous attendons que le chef Saunders et la Commission de services policiers prennent des mesures à ce sujet, nous examinons les options qui s’offrent à nous en vertu des pouvoirs qui nous sont conférés par le Code. Cependant, nous ne devons pas nous arrêter là. Mettre un terme au fichage nécessitera une volonté politique de la part du nouveau maire de Toronto, du tout nouveau chef de police et du conseil municipal de la ville de Toronto.

Le moment est venu de dire « Assez! ». Il est temps de mettre un terme à cette pratique insidieuse qui enfreint le Code et qui n’a pas sa place dans la société canadienne moderne.

Ruth Goba, baccalauréat avec spécialisation, LL. B.
Commissaire en chef par intérim
Commission ontarienne des droits de la personne