Rôles et responsabilités

L’industrie des transports en commun est déterminée à rendre ses services entièrement accessibles aux personnes ayant un handicap en poursuivant et, si possible, en accélérant le processus de transformation du parc de véhicules, des installations et des compétences du personnel. Le principal facteur qui déterminera le rythme de cette évolution est la mesure dans laquelle tous les paliers de gouvernement reconnaissent l’importance de la question et agissent dans leur champ de responsabilité partagée pour travailler en collaboration avec nous. -Association canadienne du transport urbain/Ontario Community Transit Association

L’accessibilité des transports en commun est une question complexe, dans laquelle interviennent de nombreux acteurs. Pour que les choses progressent, tous les acteurs – fournisseurs de services de transport en commun, municipalités, paliers supérieurs de gouvernement, organismes non gouvernementaux et la Commission même – doivent repenser leurs rôles et leurs obligations et collaborer entre eux pour trouver des solutions. L’amélioration de l’accessibilité exigera des paliers supérieurs de gouvernement qu’ils jouent un rôle de leadership en établissant des normes et en affectant des fonds. Les fournisseurs de services de transport en commun doivent accorder la priorité à l’intégration et l’accessibilité et commencer à planifier la mise en oeuvre. La Commission doit veiller à remplir son mandat dans ce domaine, non seulement par son mécanisme de plainte, mais aussi par des initiatives de sensibilisation du public et par un rôle de facilitation à ce sujet. Comme l’a souligné la Cour suprême du Canada, l’adaptation est une responsabilité partagée.

Dans le Document de travail, la Commission énonce quelques suggestions au sujet des rôles et responsabilités des fournisseurs de services de transport en commun et du gouvernement. Le Document de travail suggérait en particulier que :

  • les fournisseurs de services de transport en commun se donnent comme objectif la pleine intégration et accessibilité, et qu’ils commencent à élaborer et à mettre en oeuvre des plans pour l’atteindre. Cet objectif comprend non seulement des services réguliers accessibles de transport en commun, mais aussi des services parallèles de transport adapté qui sont comparables à ceux que reçoivent les passagers du réseau régulier. Cet objectif s’applique à toutes les personnes ayant un handicap, pas seulement aux personnes ayant un handicap ambulatoire;
  • les municipalités et les provinces s’engagent davantage à l’égard de l’accessibilité des transports en commun, notamment en reprenant et en élargissant le Programme d’action pour les transports communautaires (PATC) (maintenant interrompu) et en explorant des formules ingénieuses de financement;
  • les gouvernements envisagent d’élaborer des normes prescrites ou des directives communes sur la conception universelle et l’accessibilité pour les transports publics.

De nombreuses observations abordaient la question des rôles et responsabilités, y compris des commentaires sur les suggestions énoncées dans le Document de travail, ainsi que de nouvelles idées. Les groupes et particuliers qui ont participé à la consultation ont également fait des suggestions relatives au rôle suivi que pourrait jouer la Commission même dans l’élaboration de services accessibles de transport en commun. Les pages qui suivent font état de ces suggestions.

Fournisseurs de services de transport en commun

Tant les fournisseurs que les usagers des services de transport en commun se sont dit d’accord avec le principe selon lequel les fournisseurs de services de transport en commun doivent viser l’intégration des passagers handicapés au sein d’un réseau primaire de transport en commun accessible à toute la population, et que les usagers qui ne peuvent pas utiliser un réseau primaire ou régulier même s’il est bien intégré devraient avoir accès à des services parallèles efficaces de transport adapté.[15]

De plus, de nombreux groupes ont dit appuyer les recommandations voulant que les fournisseurs de services de transport en commun entreprennent une planification proactive et optent pour la conception universelle. Tant la Société canadienne de la sclérose en plaques que l’Ontario Society (Coalition) of Senior Citizens Organizations ont souligné que les facteurs démographiques, en particulier le vieillissement de la population, intensifiaient l’urgence de ce type de planification. Par ailleurs, la Fédération du travail de l’Ontario a insisté sur l’importance d’assurer la participation active des usagers dans la planification et la mise en oeuvre de services accessibles de transport en commun, d’une part parce qu’ils ont une perspective unique sur ces questions, d’autre part parce que leur participation fera en sorte que la qualité des services pour tous les usagers demeurera une priorité.

L’importance de la conception universelle a été également réitérée. Non seulement la conception ou aménagement universel correspond au principe de l’intégration et de la pleine participation, mais c’est également une façon de faire qui est plus économique à long terme.[16]

Les fournisseurs de services de transport en commun ont presque tous indiqué que, même si l’accroissement de l’accessibilité est un objectif important pour eux, il reste que les transports en commun servent à de nombreux groupes concernés, et que les fournisseurs de services de transport en commun font face à de nombreuses contraintes assez graves, notamment des contraintes budgétaires. Toute politique ou tout programme visant à améliorer l’accessibilité des transports en commun doit, insistent-ils, tenir compte de cette problématique complexe.

Gouvernement

Les paliers supérieurs de gouvernement doivent reconnaître leur part de responsabilité afin d’assurer l’accès équitable aux transports en commun. Il ne faut pas que les municipalités soient laissées à elles-mêmes pour assumer seules cette responsabilité.
-Ontario Community Transportation Association/Association canadienne du transport urbain

Un thème qui est revenu sans cesse dans les observations présentées à la Commission est le rôle important des paliers supérieurs de gouvernement pour assurer l’accès équitable aux transports pour les personnes ayant un handicap, les personnes âgées et les familles ayant de jeunes enfants.

Par le passé, le gouvernement provincial jouait un rôle actif dans les questions de transport en commun et la province affectait des sommes importantes pour aider les municipalités à fournir des services aux personnes ayant un handicap moteur. En 1993, le gouvernement ontarien obligeait toutes les municipalités à fournir des plans visant la pleine accessibilité des transports en commun. De plus, tous les nouveaux véhicules de transport en commun loués ou achetés devaient être des véhicules à plancher surbaissé ou dotés d’éléments facilitant l’accès.

De telles initiatives ont été graduellement abandonnées jusqu’à ce que, au moment de la publication du Document de travail en février 2001, la province se soit complètement retirée du domaine des services accessibles de transport en commun.

Cependant, certains signes font espérer un renouveau d’intérêt pour les questions de transport en commun de la part du gouvernement provincial. Comme nous l’avons mentionné ailleurs, la récente LPHO aborde spécifiquement les questions relatives aux services accessibles de transport en commun. De plus, le gouvernement provincial a récemment affecté de nouveaux fonds aux services publics de transport en commun en Ontario.

Au palier fédéral, le dernier budget fédéral créait une Fondation pour l’infrastructure stratégique, à laquelle seront affectés 2 milliards de dollars provenant de tout excédent budgétaire qui pourrait survenir. Cette somme serait destinée aux routes, aux transports en commun urbains et aux travaux d’égout; la TTC a déjà indiqué qu’elle entendait demander une aide financière à cette Fondation.

Il est évident que, sans la participation des paliers supérieurs de gouvernement, seuls des progrès limités pourront être accomplis. Les fournisseurs de services de transport en commun, tout comme les municipalités, doivent fonctionner avec des budgets très serrés. Malgré la volonté des fournisseurs de services de transport en commun d’améliorer l’accessibilité, les contraintes budgétaires sont telles qu’il faudra des années avant que l’on puisse voir de véritables améliorations, en l’absence d’aide gouvernementale. En outre, sans la coordination des paliers supérieurs de gouvernement, il est difficile d’imaginer comment les fournisseurs de services de transport en commun peuvent, avec leurs seuls moyens, s’attaquer au problème des écarts dans les niveaux de service entre les diverses régions de la province ou élaborer des normes appropriées de service.

Il convient de noter que la Commission, dans son document intitulé Politique et directives concernant le handicap et l’obligation d’accommodement, reconnaît que les gouvernements ont un devoir positif d’assurer un accès équitable aux services comme les transports en commun. On peut en effet lire dans la Politique : « Les gouvernements ont le devoir positif de s’assurer que les services généralement offerts au public le sont également aux personnes handicapées. Ils ne devraient pas se libérer de leurs responsabilités dans ce domaine en confiant la mise en oeuvre de leurs politiques et de leurs programmes en matière de droits de la personne à des sociétés privées. »

Un gouvernement qui permet l’affaiblissement de ses institutions publiques au nom de la réduction de la dette se fait beaucoup de tort, en plus de faire du tort à la population. En fin de compte, c’est une fausse économie... Je ne puis croire que mon gouvernement aimerait mieux voir des gens intelligents, talentueux et compétents dépendre de l’aide sociale plutôt que d’être des contribuables productifs. Lorsque la volonté politique et morale est là, tout peut s’accomplir; il suffit de s’organiser.
- Centre for Independent Living in Toronto

Les observations mettaient l’accent sur deux rôles importants pour le gouvernement en matière de services accessibles de transport en commun : le financement et les normes. Ces deux questions ont déjà été examinées en profondeur ailleurs dans le présent document.

Le gouvernement peut jouer une rôle important en élaborant des normes relatives aux services accessibles de transport en commun (soit en vertu d’une loi ou d’une autre façon), ou en facilitant leur élaboration et en veillant à ce qu’elles soient appliquées. De nombreuses observations indiquaient qu’il était peu probable que l’on voie des progrès véritables au chapitre de l’accessibilité des transports en commun en l’absence de normes uniformément appliquées; on ajoutait que pour un maximum d’efficacité, les normes devraient être prescrites en vertu d’une loi, elles devraient être exécutoires et accompagnées de délais précis. Il est peu probable que les choses progressent si la question relève uniquement des conseils municipaux. Comme on le notait dans l’une des observations, la Loi sur les municipalités n’exige même pas que soit fourni le moindre service de transport en commun. Les transports en commun sont un service discrétionnaire qui pourrait être annulé en tout temps au gré des conseils municipaux.[17]

On devrait légiférer pour assurer l’intégration sociale des personnes ayant un handicap pas seulement parce que c’est la chose juste à faire sur le plan moral, mais aussi parce c’est tout à fait raisonnable du point de vue économique. Nous devons utiliser nos ressources pour aider les gens à participer, non pour les exclure.
- Société canadienne de la sclérose en plaques

L’autre champ de responsabilité dans lequel le gouvernement a un rôle important à jouer, selon les observations reçues, c’est le financement. À cause des contraintes budgétaires subies par la plupart des fournisseurs de services de transport en commun, il faudra des années avant que des progrès significatifs soient accomplis, à moins que le gouvernement ne décide d’y affecter des ressources. Comme le signalait le Document de travail, cela peut être fait de diverses façons, pas uniquement au moyen de subventions directes.

Si la TTC et d’autres réseaux parallèles de transport adapté de l’Ontario n’ont pas l’argent qu’il faut pour assurer un service efficace, c’est la province et les conseils municipaux qui en sont finalement responsables.
-Transportation Action Now

La Commission ontarienne des droits de la personne

La Commission, bien sûr, a un rôle important à jouer pour faire progresser le dossier de l’accessibilité des transports en commun. L’article 29 du Code des droits de la personne de l’Ontario confère à la Commission un rôle très large dans la poursuite des objectifs du Code.

  1. La Commission exerce les fonctions suivantes :
    1. favoriser la reconnaissance de la dignité et de la valeur de la personne et assurer à tous les mêmes droits et les mêmes chances, sans discrimination contraire à la loi;
    2. promouvoir la compréhension, l'acceptation et le respect de la présente loi;
    3. ...
    4. élaborer et mettre en oeuvre des programmes d'information et d'éducation du public, et entreprendre, diriger et encourager la recherche visant à éliminer les pratiques discriminatoires qui portent atteinte aux droits reconnus dans la présente loi;
    5. examiner et revoir toute loi ou tout règlement, et tout programme mis en oeuvre ou toute ligne de conduite adoptée par une loi ou en application de celle-ci, et faire des recommandations sur une disposition, un programme ou une ligne de conduite qui, à son avis, est incompatible avec l'intention de la présente loi;
    6. ...
    7. enquêter sur des problèmes susceptibles de surgir dans une collectivité et dus à l'identification de personnes par un motif illicite de discrimination, et favoriser et coordonner des projets, des programmes et des activités propres à éviter ou à atténuer de tels problèmes;
    8. ...
    9. exécuter la présente loi et les ordonnances de la commission d'enquête;
    10. ...

La Commission a entrepris son travail dans le domaine des services accessibles de transport en commun avec l’enquête de 1999 sur les transports en commun et la préparation du Document de travail en 2001; elle poursuit ce travail avec le présent rapport de consultation.

Les observations contenaient un certain nombre de recommandations sur la façon dont la Commission pourrait à l’avenir poursuivre efficacement son travail dans ce domaine :

Réexaminer la façon dont les plaintes relatives aux transports en commun sont traitées.

Certains ont indiqué dans leurs observations que, à leur avis, la Commission n’avait pas toujours traité les plaintes relatives aux transports en commun de la façon la plus efficace qui soit. Par exemple, ARCH signale que la Commission a par le passé décidé de ne pas traiter de plaintes relatives aux critères d’admissibilité des services parallèles de transport adapté en invoquant le fait que les plaintes pouvaient être examinées par le processus d’appel mis sur pied par les divers fournisseurs de services.[18] Selon ARCH, toutefois, si des fournisseurs de services appliquent des critères discriminatoires pour déterminer l’admissibilité, le processus d’appel qu’ils ont mis en place ne peut traiter efficacement de la question. De plus, ARCH soutient que le processus même de détermination de l’admissibilité n’est pas conforme à la Politique de la Commission au sujet de l’évaluation individuelle des besoins d’adaptation. La Commission est d’accord avec ARCH et reconnaît qu’il lui faut faire preuve de prudence lorsqu’elle exerce sa discrétion en vertu de l’article 34. Un examen des décisions prises par la Commission à l’égard du paragraphe 34 (1) du Code depuis 1997 n’a révélé aucune affaire dans laquelle la Commission a décidé d’exercer sa discrétion de ne pas traiter une plainte portée contre une commission de transports en commun, même si dans plusieurs cas, les parties ayant fait l’objet d’une plainte lui ont demandé de le faire.

ARCH a également demandé avec instance à la Commission de veiller à ce que, lorsque des fournisseurs de services de transport en commun invoquent un préjudice injustifié pour défendre l’insuffisance des services, les normes établies dans le document Politique et directives concernant le handicap et l’obligation d’accommodement au sujet du préjudice injustifié soient rigoureusement appliquées, afin que les fournisseurs de services de transport en commun soient tenus de fournir des preuves objectives et quantifiables du préjudice invoqué.

Jouer un rôle actif de sensibilisation du public à cette question.

ARCH et la Croix-Rouge canadienne ont tous deux insisté sur le rôle important que la Commission peut jouer pour éduquer le public sur les droits reconnus dans le Code au sujet des adaptations dans les services de transport en commun, et sur les mécanismes offerts par la Commission pour faire respecter ces droits.

Élaborer des normes.

Certains ont indiqué dans leurs observations que la Commission pourrait jouer un rôle important dans l’élaboration de normes pour des services accessibles de transport en commun, surtout devant l’inaction des paliers supérieurs de gouvernement.

Par exemple, la Croix-Rouge canadienne a suggéré que la Commission travaille avec d’autres parties concernées pour créer des seuils de rendement ou des exigences minimales de service uniformes à l’échelle de la province qui s’appliqueraient également aux réseaux réguliers de transport en commun et aux réseaux parallèles de transport adapté.

Suivre les progrès et communiquer l’information.

Certains ont également suggéré que la Commission continue à suivre les progrès dans ce domaine et communique l’information à toutes les parties.

Kingston Transit, par exemple, a suggéré dans ses observations que la Commission suive et évalue les réussites et les pratiques optimales en matière de services accessibles de transport en commun, et qu’elle communique ces informations à toutes les parties. La Commission pourrait jouer ce rôle en continuant à mener des enquêtes régulières sur les transports en commun et à publier les résultats de l’enquête.

Travailler avec les fournisseurs de services de transport en commun pour accroître l’accessibilité.

ARCH a suggéré que la Commission utilise les pouvoirs qui lui sont conférés en vertu de l’article 29 du Code pour travailler avec les fournisseurs de services de transport en commun afin de les encourager à respecter les lois relatives aux droits de la personne et à améliorer les services de transport en commun pour les personnes âgées et les personnes ayant un handicap.


[15] Par exemple, les observations de l’OCTA/ACTU, de la Société canadienne de la sclérose en plaques, d’ARCH, du CASC du district de Cochrane et du CASC de Scarborough.
[16] Observations de l’Ontario Society (Coalition) of Senior Citizens Organizations.
[17] Observations de Transportation Action Now.
[18] Le paragraphe 34 (1) du Code indique que s’il appert à la Commission que la plainte pourrait ou devrait plutôt être traitée en vertu d'une autre loi, la Commission peut, à sa discrétion, décider de ne pas traiter la plainte.

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