Chapiter 4 – Consultations auprès des communautés noires, des organismes communautaires et de la police

 

La CODP a tenu des consultations approfondies auprès d’un large éventail d’intervenant(e)s. Les membres des communautés et organismes noirs desservant les communautés noires ont participé à des entrevues, à des groupes de discussion et à une table ronde sur les politiques avec les têtes dirigeantes de la police pour discuter des questions urgentes liées aux services policiers et des réformes possibles. La CODP a également tenu des entrevues avec les dirigeant(e)s du SPT et de la CSPT, et a mené un sondage auprès des agent(e)s du SPT.

Le présent chapitre fournit un résumé de haut niveau des résultats de ces consultations, qui ont également éclairé le présent rapport final et les recommandations.

 

Consultations auprès des communautés noires

La CODP a rencontré des personnes et des représentant(e)s d’organisations locales qui reflètent la gamme d’expériences vécues et d’identités intersectionnelles au sein des communautés noires. Bon nombre des enjeux soulevés dans Un impact collectif ont fait l’objet de nouvelles discussions, mais demeurent non résolus. Par exemple, de graves préoccupations au sujet du racisme systémique, de la brutalité policière, des accusations excessives, des interpellations arbitraires et d’autres types de pratiques policières abusives ont été abordées. Ces consultations ont mis en évidence les répercussions des pratiques policières disproportionnées et discriminatoires.

Au cours de ces consultations, nous avons examiné un éventail de solutions possibles aux problèmes les plus urgents. Certaines parties prenantes ont proposé de mettre en œuvre des réformes visant à modifier les services policiers de première ligne et à améliorer les mécanismes de responsabilisation. D’autres étaient d’avis que le maintien de l’ordre est fondamentalement imparfait et qu’une transformation significative passe par l’abandon des services policiers tels que nous les connaissons et la création de nouveaux services de sécurité publique.

Cette section du rapport expose un résumé des principaux problèmes ainsi que des solutions possibles proposées par les communautés noires.

 

Transfert des fonctions policières actuelles à d’autres organismes ou organisations (transfert des tâches)

En réponse aux interventions policières excessives et aux cas de recours à la force excessive, des membres de certaines communautés noires ont appelé « au retrait de certaines tâches à la police et à l’arrêt de son financement »[1] ainsi qu’au « désarmement ». La CODP a cherché à mieux comprendre les points de vue des communautés sur le retrait de certaines tâches, l’arrêt du financement et le désarmement, parce que ces concepts ont été utilisés comme cris de ralliement populaires et ont pris une place importante dans le débat public sur la réforme des services policiers dans les villes nord-américaines, y compris Toronto en 2020.

Quant à eux, les appels au « retrait de certaines tâches » sont fondés sur l’idée que le transfert des services policiers ou des certaines tâches de la police à d’autres organismes peut contribuer à réduire les résultats négatifs. Plusieurs intervenant(e)s ont déclaré que l’affectation de fonds aux programmes sociaux plutôt qu’aux services de police rendra les collectivités plus sécuritaires, plus saines et plus équitables, tout en faisant en sorte de réduire leur dépendance aux services de police.

Ce que nous avons entendu des participant(e)s noir(e)s au sujet du transfert de tâches à des organismes non policiers est résumé ci-dessous. Le chapitre 7 traite plus en détail du retrait de certaines tâches et du désarmement.

Le retrait de certaines tâches est généralement compris comme « la délégation des tâches policières actuelles à des organisations et des institutions plus appropriées, permettant ainsi de réduire les conséquences négatives de l’engagement de la police dans des activités inappropriées et le budget de la police »[2].

Le retrait de certaines tâches à la police ne signifie pas nécessairement de couper dans les budgets de la police. Les entités à qui seraient confiées des tâches de la police pourraient recevoir des fonds de sources autres que les budgets de la police. Autrement dit, les budgets des services de police ne sont pas nécessairement liés à des tâches précises. Par conséquent, le financement de la police pourrait demeurer le même bien que les agent(e)s se voient attribuer moins de tâches.

L’idée de retirer certaines tâches a reçu un appui considérable lors des consultations menées par la CODP, y compris de la part de certain(e)s agent(e)s de police. Un(e) agent(e) noir(e) du SPT a déclaré :

J’accepterais volontiers une diminution de salaire si cela signifiait plus de ressources pour aider plus de gens. Je reconnais que, dans notre communauté, ce n’est pas tout le monde qui a l’âme d’un(e) soignant(e). Mais si certaines personnes veulent vraiment faire ce travail — pas juste des paroles en l’air du genre « Oh, je pourrais faire ça » ou « On devrait faire ça comme ça » —, des personnes sérieuses qui sont prêtes à dire « OK, j’accepte d’être un(e) travailleur(-euse) de rue », « Je suis prêt(e) à recevoir des appels le samedi à 3 h du matin pour une personne en crise. », s’il y a des gens comme ça, alors oui, s’il vous plaît […] réaffectez ces fonds.

Parce que beaucoup d’appels ne sont pas des appels pour la police. Ces appels devraient être envoyés à des organismes et des organisations qui sont en mesure d’intervenir auprès d’individus, sans la stigmatisation qui vient avec la police. Parce que ce ne sont pas toutes les personnes en crise qui veulent voir un(e) agent(e) de police. [La présence de la police] peut être troublante pour certaines communautés, et si je me fie à mon expérience, c’est particulièrement vrai pour les communautés originaires de pays où la population n’a pas du tout confiance en la police[3].

Dans une entrevue qui a suivi la table ronde sur les politiques, Anthony Morgan (gestionnaire, unité Confronting Anti-Black Racism, Ville de Toronto) a déclaré :

Je pense que si les tâches étaient mieux ciblées, [...] leurs ressources [pourraient être dirigées] pour soutenir les communautés de façon plus générale. Donc, ce n’est même pas la police; c’est le conseil, les budgets municipaux [qui pourraient mieux soutenir] les programmes d’aide alimentaire, les programmes de santé mentale, les programmes d’éducation, la formation en cours d’emploi, toutes ces choses... Je ne pense pas que ça résoudrait tout, mais je pense que ça résoudrait beaucoup de choses[4] .

Plusieurs membres de la collectivité ont reconnu la nécessité d’examiner d’un œil critique de nombreuses tâches actuellement attribuées à la police et d’évaluer les budgets requis par les services policiers. Le domaine de l’intervention auprès de personnes en situation de crise a souvent été présenté comme un secteur qui, s’il était retiré des tâches de la police, permettrait d’améliorer les résultats en matière de sécurité communautaire.

Nous avons également entendu dire que le fait de transférer des tâches de la police à des fournisseurs de sécurité communautaire qui ne font pas partie des services policiers aiderait les communautés vulnérables qui redoutent les interactions avec la police. Les personnes avec un statut d’immigration précaire et les travailleur(-euse)s du sexe ont été identifié(e)s comme les types de groupes vulnérables évoluant au sein des communautés noires qui pourraient bénéficier d’un meilleur accès aux services communautaires de sécurité publique[5]. Les membres de la collectivité ont également plaidé pour la création de nouveaux services de sécurité publique ou de lignes téléphoniques qui, dans certaines circonstances, pourraient représenter des solutions de rechange aux services policiers[6].

 

Santé mentale

Au cours de nos consultations, les membres des communautés noires ont indiqué à de multiples reprises que l’intervention en situation de crises de santé mentale est une tâche qui serait être exécutée de façon plus efficace si elle était prise en charge par des services dotés de professionnel(le)s de la santé mentale plutôt que par la police.

À la lumière de plusieurs fusillades policières très médiatisées et d’interactions mortelles avec la police, les membres des communautés ont remis en question la formation des agent(e)s de police en matière de désescalade et leur capacité à dénouer les situations de crise sans recourir à la violence. Certain(e)s participant(e)s étaient d’avis que la mentalité policière en matière de maintien de l’ordre mine les relations avec les personnes noires et amenuit la confiance du public dans la capacité des agent(e)s à venir en aide aux personnes en crise.

Les participant(e)s ont soutenu que les agent(e)s ne peuvent pas désamorcer les appels liés à la santé mentale, puisque la présence même d’un(e) agent(e) peut accroître l’anxiété vécue par certain(e)s citoyen(ne)s. Ils (elles) ont évoqué la mort de Regis Korchinski-Paquet, et critiqué le modèle actuel de prise en charge des personnes en crise.

Les participant(e)s ont souligné que la peur et l’anxiété associées aux interactions avec la police sont amplifiées par les antécédents en matière de pratiques policières excessives et de criminalisation ayant façonné leur relation avec la police. Ces conversations ont également porté sur des préoccupations au sujet du nombre disproportionné de personnes noires en crise ayant été abattues par le SPT[7].  

Dans l’optique de réduire le nombre de policier(-ière)s affecté(e)s aux appels de crise, les participant(e)s ont souligné l’importance de filtrer efficacement les appels d’urgence et d’orienter les appelant(e)s vers d’autres services de soutien en santé mentale.

De plus, les membres des communautés noires ont appuyé les propositions visant à développer une intervention orientée sur les soins de santé en réponse aux appels de crise. Ils (elles) considéraient que les professionnel(le)s de la santé formé(e)s étaient mieux outillé(e)s pour désamorcer les situations impliquant des personnes en crise. La formation unique des professionnel(le)s de la santé et leur capacité à intervenir sans la menace du recours à la force létale ou du pouvoir de transmettre des accusations ou d’arrêter une personne ont été cités comme des arguments en faveur d’un modèle de soins de santé. Les participant(e)s ont mentionné à la CODP que la possibilité de faire appel à une unité d’intervention de crise pourrait réduire ou éliminer le recours aux équipes mobiles d’intervention en cas de crise (EMIC), qui comprennent des agent(e)s de police (jumelé[e]s à des infirmier[-ière]s en santé mentale).

Néanmoins, l’engouement pour l’intervention orientée sur les soins de santé en réponse aux appels de crise a été nuancé par les préoccupations concernant le racisme envers les personnes noires et la discrimination au sein des systèmes de santé. Les membres de la communauté ont souligné que le système de soins de santé n’est pas à l’abri du racisme systémique et du racisme envers les personnes noires. Une planification et une formation minutieuses doivent être mises en place pour veiller à ce que les interventions des travailleur(-euse)s de la santé qui répondent aux appels de crise soient exemptes de racisme envers les personnes noires. Nous avons entendu ce commentaire :

Si l’intention est simplement de réinvestir dans les services destinés à la population générale, alors nous perpétuerons un problème existant. Nous ne ferions que recréer et renforcer les systèmes racistes. Je sais que les gens veulent prendre des actions rapidement. J’espère juste que ce ne sera pas fait avec des œillères[8] .

 

Autres fonctions de la police

Les participant(e)s ont identifié d’autres fonctions de la police qui pourraient être confiées à d’autres services. Par exemple, ils (elles) ont remis en question la logique derrière le fait d’envoyer des agent(e)s armé(e)s régler des situations non urgentes, comme celles en lien avec le bruit excessif et les plaintes pour nuisance publique.

Pour les recommandations de la CODP sur le retrait de certaines tâches et la diminution de la portée des activités policières, voir les recommandations 7, 8 et 9.

 

Recours à la force

Les participant(e)s ont beaucoup parlé du recours à la force par la police. Nous avons entendu dire qu’une grande partie des sentiments de peur et de méfiance dans la relation entre les communautés noires et la police découlait d’interactions où les agent(e)s avaient utilisé la force de façon inappropriée.

Certaines personnes interrogées ont souligné que le pouvoir discrétionnaire dont disposent les agent(e)s en lien avec le recours à la force — y compris la force létale — est utilisé de manière disproportionnée à l’encontre des membres des communautés noires. Ces personnes ont soutenu que ce phénomène s’explique par l’existence de stéréotypes envers les personnes noires, qui font en sorte que ces dernières sont injustement perçues comme des menaces. Les participant(e)s ont soulevé des préoccupations au sujet de la mesure dans laquelle la race est mise en cause lors de l’examen des incidents impliquant le recours à la force. Les lacunes dans ce domaine peuvent miner les efforts déployés pour tenir les agent(e)s responsables.

Les participant(e)s ont également exprimé leur frustration à l’égard des décisions de l’UES et des tribunaux qui n’ont pas tenu les agent(e)s responsables du recours à la force excessive, parce que les agent(e)s prétendaient avoir agi en légitime défense.

 

Options en matière de recours à la force

Dans leurs discussions au sujet du recours à la force, les membres de la communauté mentionnaient régulièrement Albert Johnson[9], Lester Donaldson[10], Andrew Loku[11] et d’autres personnes noires ayant été abattues par la police. Compte tenu des circonstances tragiques entourant ces décès, les membres de la communauté ont remis en question la pertinence de déployer des agent(e)s armé(e)s pour répondre à des appels de service liés à des activités criminelles de faible niveau, à des personnes confrontées à des situations de crise de santé mentale ou à des vérifications du bien-être.

Les options qui s’offrent aux agent(e)s de première ligne lorsqu’il est question de recourir à une force moins meurtrière ont divisé l’assemblée. Ces options comprennent les armes à impulsion (AI), mieux connues sous le nom de Tasers, ainsi que les matraques. Les participant(e)s reconnaissaient que ces armes étaient moins susceptibles de causer la mort de civil(e)s et ont donc appuyé l’utilisation de ces options plutôt que celle des armes à feu, dans la mesure du possible. Cependant, ils (elles) ont tout de même fait part de leurs préoccupations concernant les décès de civil(e)s liés à l’utilisation des AI[12].

D’autres personnes ont fait remarquer que le matériel utilisé pour recourir à la force (p. ex., arme à feu ou AI) ne fera pas en sorte de réduire les disparités raciales dans les données sur le recours à la force, ni même les décès. À leur avis, il faudrait plutôt travailler à limiter le pouvoir discrétionnaire dont disposent les agent(e)s en matière de recours à la force, et ce, en toutes circonstances. Une personne interrogée a déclaré : « Nous devons aussi réfléchir à la façon dont les agent[e]s de police utilisent leur corps comme une arme pour étouffer les gens, les battent, etc. Ils [elles] sont entraîné[e]s pour faire du mal. L’enjeu va donc au-delà du retrait des armes »[13] .

Des préoccupations ont également été exprimées selon lesquelles le fait d’augmenter l’accessibilité aux armes moins meurtrières pourrait entraver les efforts visant à amener les agent(e)s à utiliser des techniques de désescalade sans armes.

 

Interpellations policières

Des membres des communautés noires et des groupes de défense d’intérêts communautaires ont dit à la CODP que des agent(e)s du SPT effectuaient des interpellations, des questionnements et des fouilles inutiles. Plusieurs de ces personnes ont indiqué à la CODP avoir elles-mêmes été interpellées au hasard dans la rue sans raison. Des personnes noires de tous âges ont été interpellées tandis qu’elles s’affairaient à leurs activités quotidiennes, par exemple, pendant qu’elles se trouvaient dans la rue, au travail, avec des ami(e)s ou des membres de leur famille, ou encore, devant leur domicile.

Ces propos concordent avec ceux que nous avons recueillis partout dans la province pour le rapport Pris à partie : Rapport de recherche et de consultation sur le profilage racial en Ontario. Nous avons également entendu de nombreuses histoires d’accusations et d’arrestations non nécessaires, dont certaines faisant état d’une approche « centrée sur l’arrestation »[14].

Les préoccupations au sujet des interpellations injustes persistent malgré l’adoption du Règlement de l’Ontario 58/16 : Collecte de renseignements identificatoires dans certaines circonstances – interdictions et devoirs (Règl. de l’Ont. 58/16) en 2017, qui interdisait aux agent(e)s de toute la province de procéder à des interpellations arbitraires ou aléatoires.   Les consultations de la CODP ont clairement montré que ces interpellations ont des répercussions importantes sur les membres des communautés noires et qu’il faut se pencher sur la question. Les contrôles de routine sont abordés dans la recommandation 14.

 

Responsabilisation

L’absence de responsabilisation en matière de profilage racial et de discrimination raciale a toujours fait l’objet de préoccupations par les communautés noires. Plus précisément, l’absence de responsabilisation pour les coups de feu mortels de la part de la police[15], le recours à la force excessive et d’autres formes d’inconduite ont donné à certaines personnes l’impression que la responsabilisation constitue une considération secondaire pour les agent(e)s de première ligne et les organismes de surveillance, y compris la CSPT et les tribunaux.

Par exemple, des préoccupations ont été soulevées au sujet de l’incapacité de la CSPT à faire en sorte que le SPT se conforme à ses directives en matière de politiques[16]. Les membres de la collectivité ont également fait part de leurs inquiétudes quant à la mesure dans laquelle la CSPT a bel et bien adopté et mis en œuvre les recommandations tirées des rapports antérieurs et des enquêtes du coroner. Par exemple, en août 2020, le Groupe consultatif de lutte contre le racisme (ARAP) a recommandé que la CSPT mette en œuvre « un cadre visant à surveiller la mise en œuvre des recommandations formulées par le jury dans l’enquête sur la mort d’Andrew Loku » , près de trois ans après la publication des recommandations[17].

Les préoccupations relatives à la responsabilisation et à la surveillance ne se limitaient pas à la CSPT :

Il faut entreprendre une réévaluation complète de l’appareil policier. Dans 98 % des cas, le syndicat des services de la police et la commission — l’UES — absolvent la police de tout acte répréhensible. Ce ne sont pas seulement les gens sur le terrain qui sont concernés. C’est tout cela qu’il faut considérer. On ne résoudra pas le problème en se limitant au personnel sur le terrain[18] .

 

Diversité dans l’emploi et les promotions

Au cours des consultations, la CODP a souvent entendu que le SPT doit refléter la diversité des collectivités qu’il dessert afin de changer et de faire évoluer sa culture policière. Les personnes ayant été victimes de racisme envers les personnes noires peuvent contribuer à améliorer les processus internes et à changer les mentalités qui, jusqu’ici, n’ont pas permis d’enrayer le racisme envers les personnes noires et les préjugés raciaux systémiques au sein des services policiers.

Les participant(e)s ont souligné que, lorsqu’il s’agit d’évaluer quel(le)s agent(e)s devraient être promu(e)s, le SPT doit prendre en considération des critères comme la diversité, la démonstration de compétences en matière de désescalade et la lutte contre le racisme. Cela contribuera à créer un milieu de travail plus diversifié, y compris aux échelons supérieurs des services de police, en plus d’instaurer des principes antiracistes à l’échelle du SPT.

Pour les recommandations de la CODP concernant la diversité en matière d’emploi, voir les recommandations 10, 11 et 12.

 

Rétablir la confiance

La plupart des gens ont reconnu que le SPT peut entreprendre des changements susceptibles d’améliorer ses relations avec les communautés noires. Selon eux, la refonte des pratiques policières actuelles, en éliminant le recours à la force excessive et en réduisant la surveillance des communautés marginalisées, constitue des pas dans la bonne direction[19].

Certaines personnes ont déclaré que la réparation des torts causés aux communautés noires dans le passé doit faire partie du processus visant à rétablir la confiance. À cet égard, il a été soulevé que les changements apportés aux pratiques policières actuelles ne peuvent pas réparer les préjudices passés, indemniser les victimes d’interpellations et d’arrestations non justifiées[20] ou ramener les vies perdues lors d’interactions mortelles avec la police. À ce titre, la réparation des préjudices systémique doit passer par des mesures réparatrices et favorisant le bien-être général au sein des communautés noires. Les participant(e)s ont indiqué que le traumatisme associé à une interaction négative avec la police pouvait perturber gravement plusieurs aspects de la vie d’une personne, y compris son éducation, son emploi et ses relations personnelles. Les efforts visant à rétablir la confiance doivent porter sur des questions qui dépassent le cadre traditionnel des pouvoirs de la police.

Certain(e)s participant(e)s ont déclaré que le SPT est limité dans sa capacité à réparer entièrement les événements à l’origine de la méfiance ainsi que les résultats disparates ayant entaché ses relations avec les communautés noires[21]. Ainsi, le SPT et la CSPT devraient appuyer les efforts de réparation menés par des organisations non policières.

Pour régler les enjeux décrits dans cette section, les communautés noires ont demandé que l’on redéfinisse entièrement les services policiers et les services de sécurité publique à tous les niveaux du SPT et de la CSPT. Par conséquent, la direction de la police, la TPA et les agent(e)s de première ligne doivent s’attaquer sans tarder aux obstacles, y compris la culture policière.

Les points de vue des communautés ont étayé le rapport de l’enquête et ont aidé à formuler les recommandations visant à lutter contre le racisme envers les personnes noires au sein du SPT.

Pour la recommandation de la CODP concernant le rétablissement de la confiance et du bien-être dans les communautés noires, voir la recommandation 6.

 

Table ronde

En mai 2022, la CODP, le SPT et la CSPT ont tenu une table ronde sur les politiques afin de discuter de certains enjeux de longue date qui ont miné les relations des communautés noires avec la police, et d’envisager des recommandations de changement.

Les participant(e)s comprenaient des membres des communautés noires, du gouvernement, du milieu universitaire, des services de police ainsi que d’autres parties prenantes.

Les enjeux examinés ont porté sur :

  • le processus disciplinaire;
  • la collecte de données;
  • la formation et l’éducation;
  • la nature et l’étendue de l’exercice discriminatoire du pouvoir discrétionnaire et le rôle de l’avocat(e) de la Couronne;
  • le recours à la force;
  • la responsabilisation;
  • les mécanismes d’exécution de la loi.

La CODP a également mené des entrevues de suivi avec certaines personnes ayant participé à la table ronde afin de recueillir des renseignements et des perspectives supplémentaires.

Plusieurs thèmes sont ressortis de la table ronde, ce qui a contribué à éclairer le présent rapport et les recommandations.

 

Nécessité d’une plus grande transparence et implication de la communauté dans le processus disciplinaire

Les participant(e)s à la table ronde ont exprimé des préoccupations au sujet du fait que la confiance du public dans les processus disciplinaires de la police a diminué, et ont fait des suggestions de réforme. Les participant(e)s ont également relevé plusieurs facteurs susceptibles d’avoir affaibli la confiance du public dans le système disciplinaire de la police, y compris la perception d’un traitement négatif des personnes plaignantes noires, les longs délais et le départ à la retraite des agent(e)s de police avant qu’une décision finale ne soit rendue dans une affaire disciplinaire[22].

Les participant(e)s ont laissé entendre qu’il fallait trouver des moyens significatifs d’intégrer les points de vue de la collectivité dans le processus disciplinaire pour les plaintes officielles et informelles[23]. La participation des communautés noires à chaque étape du processus disciplinaire était considérée comme un élément essentiel en vue d’accroître la confiance du public, y compris la nécessité d’augmenter le niveau de participation de la collectivité pour des enjeux plus complexes ou graves.

Les membres de la collectivité ayant participé à la table ronde ont indiqué que le ARAP de la CSPT constitue un bon exemple de la façon dont la police peut intégrer les points de vue de la communauté dans l’élaboration d’initiatives de lutte contre le racisme[24]. Les intervenant(e)s de la police ont souligné la nécessité d’améliorer la communication publique sur le fonctionnement du processus disciplinaire.

 

Améliorer le système disciplinaire pour les actes individuels

Les participant(e)s ont discuté de la relation entre la discrimination systémique et les actes individuels de discrimination. Ils (elles) ont fait remarquer que les efforts actuels de lutte contre la discrimination systémique devraient reconnaître que les problèmes systémiques peuvent être liés aux comportements discriminatoires des individus. Ils (elles) ont également souligné que les problèmes systémiques sont souvent utilisés comme excuse pour éviter de s’attaquer à la conduite discriminatoire d’un(e) agent(e).

Plusieurs personnes se sont dit préoccupées par le déséquilibre des pouvoirs dans le processus disciplinaire. Elles estimaient qu’on misait souvent sur le point de vue des agent(e)s et la protection de la confidentialité, au détriment de l’amélioration de la responsabilisation et de l’accroissement de la confiance du public[25].

De plus, les membres des communautés noires ont insisté sur la nécessité de mieux former et éduquer les enquêteur(-trice)s internes sur l’identification et le traitement des plaintes relatives au racisme envers les personnes noires. À cette fin, ils (elles) ont suggéré que les enquêteur(-trice)s doivent posséder le niveau de compétence culturelle nécessaire pour évaluer tous les facteurs pertinents dans les plaintes pour discrimination raciale[26]. Comme l’a souligné un(e) représentant(e) des services de police, il est important d’évaluer le niveau de compétence culturelle « non seulement du personnel de première ligne, mais aussi des personnes qui œuvrent aux échelons supérieurs, ainsi que le rôle de la sélection de la pertinence culturelle et de la pertinence des dirigeant[e]s pour diriger un environnement en période de crise »[27] .

La formation est examinée plus en détail au chapitre 8.

Le processus disciplinaire des agent(e)s est examiné plus en détail au chapitre 9.

 

Collecte de données, mesures et responsabilisation

Au cours de la table ronde sur la collecte de données fondées sur la race, les participant(e)s ont appuyé l’accroissement des efforts actuels visant à recueillir des données. Ils (elles) ont également insisté sur le fait que la collecte de données devait favoriser la responsabilisation et mener à des mesures concrètes pour lutter contre la discrimination. 

Par exemple, plusieurs participant(e)s ont suggéré que les données pourraient être utilisées pour repérer de façon proactive les problèmes liés à la conduite d’un(e) agent(e) plutôt que d’attendre une plainte du public[28]. Une autre personne a suggéré que la CSPT pourrait utiliser ces données, de même que les indicateurs de rendement clés, pour mesurer l’impact des réformes[29].

Certain(e)s participant(e)s ont mentionné que la collecte de données fondées sur la race n’est pas toujours neutre et qu’elle est souvent utilisée pour causer plus de tort aux communautés noires et éviter toute forme de responsabilisation[30].

Les participant(e)s à la table ronde ont également discuté des jugements convenus juridiquement contraignants. Un jugement convenu ou une ordonnance de consentementest une décision prise en forme de jugement par laquelle le (la) juge entérine l’accord des parties. Récemment, le ministère de la Justice des États-Unis (DOJ) et divers services de police ont utilisé des jugements convenus pour permettre au DOJ de superviser et de résoudre des problèmes de maintien de l’ordre inconstitutionnels. Dans le cadre de cette initiative, les jugements convenus ont été utilisés aux États-Unis pour traduire la collecte de données en mesures concrètes.

Le conférencier principal de la table ronde, Roy Austin[31], ancien sous-procureur général adjoint du département des droits civiques du DOJ, a souligné que les jugements convenus forçaient les juridictions à recueillir des données, entraînant « une diminution rapide des interpellations et fouilles inappropriées »[32] qui se produisaient principalement dans les quartiers regroupant des personnes à la peau noire ou brune.

Cette diminution peut être attribuée au travail du DOJ et d’autres organisations, dont l’American Civil Liberties Association (ACLU) pour limiter les interpellations et les fouilles. Comme l’a souligné M. Austin, les jugements convenus « […] faisaient une différence. Une différence sur les interpellations racialisées. Une différence sur les fouilles racialisées »[33]

Les participant(e)s ont également recommandé que la CSPT collabore avec le commissaire à l’information et à la protection de la vie privée afin d’élaborer des lignes directrices appropriées en matière de protection de la vie privée pour la collecte, l’analyse et la publication de toutes les données fondées sur la race et les données sur les droits de la personne[34]

Enfin, en ce qui concerne les données qualitatives, les participant(e)s ont fait part de leurs préoccupations quant au rôle des consultations communautaires dans les projets de réforme de la police. Les membres de la collectivité ont mentionné l’historique des « consultations incessantes » avec les communautés noires, ayant donné lieu à très peu de mesures de suivi efficaces[35]. Compte tenu de cet historique, les nouveaux efforts de consultation des communautés noires sont souvent considérés comme un exercice de performance.

En bref, les participant(e)s ont souligné que les consultations ne devraient pas servir à recueillir les commentaires et les données de la collectivité de façon isolée. Les consultations publiques doivent être liées à des processus qui éclaireront les initiatives en matière de processus disciplinaire et de responsabilisation.

La collecte de données et les recommandations correspondantes de la CODP sont discutées au chapitre 9.

 

Changement culturel dans les services policiers

 Un(e) participant(e) a fait remarquer qu’une réforme systémique du SPT et le rétablissement de la confiance des communautés noires dans les services de police nécessiteront « une transformation radicale de nos attentes à l’égard de la conduite des agent(e)s dans la lutte contre le racisme envers les personnes noires »[36] .

La plupart des participant(e)s ont convenu que la réforme systémique passe par un changement culturel dans le rôle des services policiers eux-mêmes. Tout au long des séances, les participant(e)s ont insisté sur le fait que, pour que des changements significatifs s’opèrent, la direction de la police doit faire preuve de courage moral pour lutter contre le racisme systémique envers les personnes noires, tant à l’interne que dans la prestation des services policiers.

 

Services de police de quartier

Les participant(e)s provenant des services policiers considéraient les programmes de services de police de quartier comme un modèle positif pour établir de véritables relations avec les collectivités. De leur côté, les participant(e)s universitaires et communautaires ont indiqué qu’il s’agissait d’un concept contesté.

Les participant(e)s en provenance de la communauté ont exprimé des préoccupations au sujet des interventions policières excessives et ont déclaré qu’ils (elles) aimeraient qu’il y ait une moins grande présence policière et une plus grande présence d’autres types de premier(-ière)s intervenant(e)s ou de fournisseurs de services. Cela est particulièrement vrai pour les situations impliquant des problèmes de santé mentale ou des problèmes de bien-être pour les personnes en situation d’itinérance[37].

 

Consultation avec les agent(e)s du SPT sur le racisme envers les personnes noires

La CODP tenait à entendre des expert(e)s, des dirigeant(e)s et des agent(e)s de première ligne des services policiers durant cette enquête.

 

Agent(e)s de police

La CODP a consulté les têtes dirigeantes du SPT ainsi que les représentant(e)s de la CSPT et de la Toronto Police Association (TPA), en plus de mener un sondage auprès des agent(e)s (de rang inférieur à celui d’inspecteur[-trice]). Chacun de ces groupes a fait part de son point de vue sur la façon de lutter contre la discrimination systémique dans les services policiers.

Lors du lancement de l’enquête en 2017, la CODP a communiqué avec les agent(e)s au moyen d’un appel public, puis de nouveau en mars 2021, par l’entremise d’une communication à l’échelle du service qui a été transmise à tou(te)s les agent(e)s. La communication à l’échelle du service indiquait que la CODP voulait connaître les commentaires des agent(e)s sur des sujets tels que la culture policière, la formation, les politiques, les procédures, les mécanismes de responsabilisation en matière de profilage racial et de discrimination, et la relation entre le SPT et les communautés noires.   

Dans le cadre de l’appel public lancé en 2017, la CODP a interviewé deux ancien(ne)s agent(e)s et un(e) agent(e) en poste. À la suite de la communication à l’échelle du service en 2021, seulement cinq agent(e)s ont accepté d’être rencontré(e)s ou de fournir des commentaires détaillés.  

Parmi ces agent(e)s, quatre ont exprimé de profondes préoccupations au sujet de la culture au SPT. Les agent(e)s ont indiqué que la culture du SPT repose sur un statu quo profondément enraciné qui fait en sorte de perpétuer le racisme et la discrimination envers les membres non blanc(he)s du service, ainsi que sur une pratique courante qui consiste à couvrir l’inconduite des autres agent(e)s. De plus, ils (elles) étaient d’avis que cette culture résistait à toute mesure ou tentative de changement, y compris l’éducation, la formation et la diversité accrue des membres du service et des dirigeant(e)s. 

Ils (elles) ont également mentionné que des incidents et des pratiques relevant du racisme et de la discrimination raciale envers les personnes noires se produisent lors de la prestation de services de maintien de l’ordre, de même que la pratique courante consistant à couvrir l’inconduite de collègues policiers.

 

Entrevues avec des membres du Black Internal Support Network (BISN)

La CODP ont également interrogé sept membres civil(e)s et en uniforme du BISN ainsi qu’un groupe d’employé(e)s du SPT à propos des expériences qu’ils (elles) ont vécues en ce qui a trait au racisme envers les personnes noires au sein du SPT, à la culture policière, à la formation, aux politiques, aux procédures, aux mécanismes de responsabilisation relatifs au profilage racial et à la discrimination, et à la relation entre le SPT et les communautés noires.

Ces personnes ont toutes été interrogées au sujet du statu quo profondément enraciné sur lequel repose la culture du SPT et qui a pour effet de perpétuer le racisme et la discrimination. En outre, les efforts visant à lutter contre la discrimination raciale, notamment l’éducation, la formation et l’accroissement de la diversité parmi les membres du service et les dirigeant(e)s ont suscité une certaine résistance. Un(e) agent(e) a indiqué que certain(e)s agent(e)s avaient pris à la légère les séances de formation sur les micro-agressions et la discrimination.

Les membres du BISN ont reconnu les progrès réalisés par le SPT dans la lutte contre les formes manifestes de racisme envers les personnes noires. Par exemple, des officier(-ière)s supérieur(e)s ont souligné que les propos explicitement racistes et désobligeants qui étaient tolérés dans les années 1990 ne le seraient plus, de nos jours. Les formes manifestes de racisme sont maintenant prises plus au sérieux au sein du SPT et ne se produisent plus de façon régulière[38]. Un(e) agent(e) a observé une ouverture et une sensibilité accrues à l’égard des membres marginalisé(e)s de la collectivité[39].

Cependant, certaines expressions manifestes de racisme envers les personnes noires persistent. Les membres du BISN ont affirmé qu’il est difficile de soulever et de contester ces enjeux. Un(e) agent a confié qu’il existe une « loi du silence » qui empêche le SPT de répondre de manière substantielle aux enjeux liés à la race[40]. Plusieurs estimaient que les plaintes de racisme envers les personnes noires ou de profilage racial n’étaient pas traitées de manière appropriée au sein du SPT, en raison d’une tendance à minimiser les préoccupations ou à suggérer que les enjeux soulevés par les employé(e)s noir(e)s n’étaient pas liés à des préjugés raciaux[41].

Des membres du BISN ont mentionné à la CODP que les membres noir(e)s du service hésitaient à soulever des enjeux de racisme envers les personnes noires parce que, lorsqu’ils (elles) l’avaient fait par le passé, on ne les avait pas cru(e)s ou ils elles) avaient subi des représailles ou du harcèlement. Les membres ont indiqué avoir fait l’objet d’une surveillance et de vérifications accrues lorsqu’ils (elles) avaient soulevé des préoccupations au sujet de la discrimination raciale en milieu de travail.

Les membres civil(e)s et en uniforme ont également partagé leurs points de vue sur les répercussions du racisme envers les personnes noires sur la prestation des services. Ils (elles) ont parlé de la difficulté de rétablir la confiance des communautés noires dans les services policiers et l’origine historique de ces préoccupations en général.

Par exemple, un agent a noté que les incidents survenus dans le passé influencent les attitudes actuelles de la collectivité à l’égard de la police. Cet agent a relaté qu’en début de carrière, il a été interpellé sous la menace d’une arme par un(e) agent(e) blanc(he) alors qu’il était en service, en civil. Il a déclaré qu’il lui avait fallu des « années » avant de pouvoir en parler ou de soulever la question avec la direction par crainte qu’on ne le croie pas[42].

Il a déclaré que le traumatisme associé à cet incident et à d’autres incidents a façonné son expérience en tant qu’agent noir, et a influencé la perception des communautés noires à l’égard des services policiers. Un(e) autre agent(e) a déclaré :

Même moi, je me mets à trembler quand je vois des lumières [de police]. Et je suis un(e) agent(e). On craint d’être exposé(e) à une interaction négative à cause de la couleur de notre peau. C’est une chose avec laquelle je jongle quotidiennement, et j’y pense beaucoup. Donc, je sais exactement pourquoi la communauté se sent concernée[43] .

Les membres noir(e)s du service ont exprimé leur appui à l’égard de l’amélioration du soutien social et du soutien en matière de santé mentale, et ont plaidé en faveur d’un financement gouvernemental accru pour d’autres interventions non policières. La plupart des membres du BISN ont reconnu que, à bien des égards, les services policiers ont failli à leur tâche envers les communautés noires, et ont compris comment cet historique a donné lieu à des appels à la restructuration des services d’application de la loi et de sécurité publique.

Les agent(e)s et employé(e)s civil(e)s ont également déclaré qu’au-delà du financement, la police doit se moderniser en établissant de véritables relations et « en montrant sa valeur en travaillant avec les gens et en ne leur disant pas toujours quoi faire […] en découvrant ce dont la communauté a vraiment besoin »[44] .   

Les membres du personnel civil(e)s et en uniforme du BISN ont exprimé de graves préoccupations au sujet du fait qu’ils (elles) font l’objet d’une surveillance accrue au travail ainsi que de formes de discipline plus sévères que leurs homologues d’autres origines raciales, et qu’ils (elles) doivent passer leur tour lorsque vient le moment des promotions. Ils (elles) se sont également dit(e)s préoccupé(e)s quant au fait que leur mobilisation auprès de la direction du SPT n’a pas entraîné de réel changement.

De plus, les structures de gouvernance policière de même que la culture policière ont été identifiées comme des facteurs qui entravent le changement organisationnel. La plupart des membres du service ont parlé de la forte adhésion à l’ancienneté et à l’obéissance, qui laisse peu de place à la dissidence par peur d’être embarrassé(e) ou de subir des représailles ou du harcèlement. Les membres individuel(le)s du BISN ont également exprimé leur scepticisme quant à la volonté de la TPA de soutenir les membres du service noir(e)s lorsque des enjeux de discrimination surviennent.

 

Sondage

Dans le cadre des efforts visant à s’assurer que l’enquête couvrait un large éventail de points de vue sur les services policiers, la sécurité communautaire et le bien-être, la CODP a travaillé avec le SPT et la CSPT pour mener un sondage confidentiel et volontaire en ligne, à l’intention des agent(e)s du SPT, entre le 12 et le 26 octobre 2022.

Les agent(e)s en uniforme du SPT de rang inférieur à celui d’inspecteur(-trice) ont été invité(e)s à partager leurs commentaires sur les enjeux du racisme, en particulier le racisme envers les personnes noires, tant au sein du SPT que dans les interactions des agent(e)s avec les civil(e)s. Le SPT a distribué le sondage par l’entremise d’un courriel « E-update » en encourageant fortement les agent(e)s à y participer.

Le sondage a été envoyé aux agent(e)s et au personnel du SPT quatre mois après que, sur la base de sa collecte de données fondées sur la race pour le recours à la force et les fouilles à nu, le SPT a confirmé qu’il faisait toujours usage du recours à force et d’autres mesures d’application de la loi de manière disproportionnée à l’endroit des communautés noires[45].

La CODP a analysé 113 réponses au sondage. En outre, 152 réponses au sondage n’ont pas été analysées pour les raisons suivantes : 11 personnes ont refusé de donner leur consentement à ce que la CODP recueille leurs réponses au sondage, 110 personnes ont refusé de fournir leur nom ou leur numéro d’insigne afin de participer au sondage, et 31 personnes n’étaient pas des agent(e)s en uniforme de rang inférieur à celui d’inspecteur.

Les constatations donnent un aperçu de la perception qu’ont certain(e)s agent(e)s à l’égard du racisme envers les personnes noires au dans l’organisation et la prestation des services au public. Toutefois, les résultats ne constituent pas un échantillon représentatif des opinions des agent(e)s du SPT et du personnel civil. Autrement dit, les résultats du sondage reflètent les opinions des agent(e)s qui ont répondu et ne devraient pas être généralisés à l’ensemble des agent(e)s en uniforme. Néanmoins, l’évaluation des résultats du sondage ainsi que des entrevues avec les agent(e)s et les membres du BISN donne un aperçu des opinions de certain(e)s membres du service à l’égard du racisme envers les personnes noires au sein du SPT.

Parmi les personnes ayant participé à l’enquête :

  • 26 % étaient d’accord ou tout à fait d’accord pour dire qu’il y avait du racisme systémique envers les personnes noires dans les services de police de Toronto;
  • 62 % ne savaient pas s’il y avait du racisme systémique envers les personnes noires dans les services de police de Toronto;
  • 66 % ne savaient pas s’il y avait du racisme systémique envers les personnes noires en matière d’emploi au SPT;
  • 77 % étaient tout à fait d’accord ou plutôt d’accord pour dire qu’elles étaient satisfaites des efforts déployés par le SPT et la CSPT en matière de lutte contre le racisme envers les personnes noires dans les services de police;
  • 66 % étaient tout à fait d’accord ou plutôt d’accord pour dire qu’elles étaient satisfaites des efforts déployés par le SPT et la CSPT en matière de lutte contre le racisme envers les personnes noires dans l’emploi.

Dans leurs commentaires écrits, plusieurs personnes ont indiqué qu’elles trouvaient que la formation actuelle était excessive et inutile. Certaines personnes ont indiqué qu’il n’y avait aucun préjugé ou racisme dans le SPT et qu’elles n’avaient pas changé le comportement qu’elles adoptaient pendant leur service après avoir suivi la formation parce qu’elles ne font pas preuve de préjugés. « Se faire répéter que notre organisation est raciste alors qu’elle ne l’est pas, c’est insultant et ça commence à avoir l’effet inverse que celui recherché. » . (agent de police de sexe masculin, âgé de 36 à 40 ans)

Les questions du sondage à l’intention des agent(e)s du SPT sont présentées à l’annexe 11.

 


 

Chapiter 4 Notes de fin

 

[1] Dans le discours actuel sur la réforme des services de police, l’arrêt du financement et le retrait de certaines tâches ont parfois été évoqués de façon interchangeable. Toutefois, l’arrêt du financement renvoie à la réduction ou à l’élimination des budgets de la police.

[2] Sarah Tran, « Detasking police and restructuring community safety – Professor Akwasi Owusu-Bempah featured in discussion about police and public safety on The Agenda », University of Toronto Department of Sociology News. En ligne : Université de Toronto https://www.sociology.utoronto.ca/news/de-tasking-police-and-restructuring-community-safety-professor-akwasi-owusu-bempah-featured; Board of the Police Commissioner’s Subcommittee to Define Defunding Police, « Defunding the police:  Defining the way forward for Halifax Regional Municipality (HRM) ». En ligne (PDF) :  Halifax https://cdn.halifax.ca/sites/default/files/documents/city-hall/boards-committees-commissions/220117bopc1021.pdf.

[3] Entrevue de la CODP avec un(e) membre du BISN, 27 juillet 2022.

[4] Entrevue avec Anthony Morgan, gestionnaire, unité Confronting Anti-Black Racism, Ville de Toronto, 28 septembre 2022.

[5] Entrevue de la CODP avec Samantha Pieters, Black Femme Legal, 18 juin 2021.

[6] Entrevue de la CODP avec Sam Tecle, 20 novembre 2020.

[7] Selon le juge Iacobucci, le terme « en crise » désigne une personne « qui, en raison de son comportement, est amenée à interagir avec la police, soit en raison d’un besoin apparent de soins urgents de la part du système de santé mentale, soit parce qu’en raison d’une crise psychologique ou émotionnelle, elle adopte un comportement suffisamment erratique, menaçant ou dangereux pour justifier l’intervention de la police en vue de protéger la personne elle-même ou son entourage » . Voir : Iacobucci, « Police Encounters with People in Crisis », 2014, p. 4, par. 2; Gerry McNeilly, « Police Interactions with People in Crisis and Use of Force: OIPRD Systemic Review Interim Report », 2017, p. 4.

[8] Consultation téléphonique de la CODP avec Across Boundaries, 15 décembre 2020.

[9] Albert Johnson, 35 ans, a été tué par balle dans son appartement par deux agent(e)s du service de police de Toronto, en 1979. Les deux agent(e)s ont été inculpé(e)s d’homicide involontaire, mais acquitté(e)s en novembre 1980. Commission ontarienne des droits de la personne, « Chronologie des actes de profilage racial et de discrimination envers les personnes noires commis par le SPT, et initiatives prises par la CODP et visant le service de police de Toronto ». En ligne : Commission ontarienne des droits de la personne https://www.ohrc.on.ca/fr/book/export/html/23866.

[10] Lester Donaldson, 44 ans, a été abattu dans sa maison de chambres d’un coup de feu tiré par un(e) agent(e) du service de police de Toronto, en 1988. Selon la police, l’intervention fait suite à un appel signalant une prise d’otages par un homme, mais une fois sur place, l’agent(e) constate que Lester Donaldson se trouve seul dans sa chambre. M. Donaldson est abattu, car il se serait jeté sur l’agent(e) de police avec un couteau. L’agent(e) de police est inculpé(e) d’homicide involontaire, mais sera acquitté(e) par la suite. Commission ontarienne des droits de la personne, « Chronologie des actes de profilage racial et de discrimination envers les personnes noires commis par le SPT, et initiatives prises par la CODP et visant le service de police de Toronto ». En ligne : Commission ontarienne des droits de la personne https://www.ohrc.on.ca/fr/book/export/html/23866.

[11] Andrew Loku a été tué par balle par un(e) agent(e) du service de police de Toronto, en 2015. M. Loku a été abattu, marteau à la main, dans l’entrée de son immeuble résidentiel, à la suite d’une confrontation avec des agent(e)s. L’ensemble d’appartements où réside Andrew Loku est rattaché à l’Association canadienne pour la santé mentale. Voir : Unité des enquêtes spéciales, Communiqué, 18 mars 2016. En ligne : https://www.siu.on.ca/en/news_template.php?nrid=2578; Association canadienne pour la santé mentale, « Andrew Loku Inquest ». En ligne : https://toronto.cmha.ca/wp-content/uploads/2018/11/ANDREW-LOKU.pdf.

[12] Shanif Nasser, « A Young Black man was fatally tasered in his own backyard – now his family is demanding answers » CBC News, 21 juin 2020. En ligne : www.cbc.ca/news/canada/toronto/clive-mensah-black-taser-police-1.5655022.

[13] Consultation de la CODP avec Across Boundaries, 15 décembre 2020.

[14] Une approche centrée sur l’arrestation consiste à arrêter d’abord un(e) civil(e) et à tenter de déterminer s’il y a des motifs d’arrestation plus tard.

[15] Au cours de nos consultations, les parties prenantes ont souvent mentionné les coups de feu mortels dont Andrew Loku a été victime. L’agent(e) qui a tiré sur Loku a été blanchi(e) de toute accusation par l’Unité des enquêtes spéciales en 2016. Unité des enquêtes spéciales, Communiqué de presse, 18 mars 2016. En ligne : https://www.siu.on.ca/en/news_template.php?nrid=2578.

[16] « En vertu de la Loi sur les services policiers, en Ontario, les politiques sont établies par les commissions des services policiers (à titre de directives à l’intention du [de la] chef de police), tandis que les procédures sont émises par le (la) chef ou le (la) commissaire de la Police provinciale de l’Ontario (OPP) (à titre d’ordres opérationnels à l’intention de tous les membres d’un service de police). Le non-respect de ces politiques et procédures peut entraîner des procédures d’inconduite » . Voir Lorne Foster et coll., « Racial Profiling and Human Rights in Canada: The New Legal Landscape », Irwin Law, 2018, p. 109.

[17] Groupe consultatif sur la lutte contre le racisme, Commission de services policiers de Toronto. En ligne : https://www.tpsb.ca/advisory-panels/24-panels-and-committees/94-arap.

[18] Consultation de la CODP avec Louis March, Zero Gun Violence Movement, 29 décembre 2020.

[19] Consultation de la CODP avec Jane Finch Action Against Poverty, 20 novembre 2020.

[20] « Compte tenu de la demande croissante pour que les Ontarien(ne)s se soumettent à une vérification de leur dossier de police afin d’être pris(es) en considération pour un emploi, du bénévolat, un logement, une assurance ou un programme universitaire, les préoccupations concernant les répercussions négatives des dossiers de non-condamnation de la police vont grandissantes. Des milliers d’Ontarien(ne)s ont des dossiers de police — dont ils (elles) ignorent souvent l’existence — qui pourraient être divulgués dans le cadre d’une vérification des dossiers de police. Un récent rapport de l’Association canadienne des libertés civiles indique qu’un Canadien(ne)s sur trois possède un casier judiciaire. Les populations marginalisées comme les personnes présentant des problèmes de santé mentale ou une déficience intellectuelle, les personnes en situation d’itinérance et les populations racialisées sont amenées à avoir des nombres disproportionnés d’interactions avec la police et sont donc plus susceptibles d’avoir un casier judiciaire » . Société John Howard de l’Ontario et Canadian Civil Liberties Foundation, « On the Record: An Information Guide for People Impacted by Non-Conviction Police Records in Ontario », octobre 2014. En ligne : http://www.johnhoward.on.ca/wp-content/uploads/2014/11/On-the-Record-1-FINAL.pdf, p. 6.

[21] Par exemple, la Loi sur les services policiers n’aborde pas explicitement la prestation de services sociaux et d’autres soutiens communautaires qui pourraient s’avérer nécessaires pour éliminer les obstacles sociaux engendrés par l’inconduite policière ou les préjugés raciaux.

[22] Table ronde sur les politiques de la CODP, séance 1, 30 mai 2022.

[23] Une plainte officielle désigne généralement le dépôt d’une plainte par un(e) membre du public auprès d’un organisme de surveillance de la police, comme le Bureau du directeur indépendant de l’examen de la police (BDIEP). Une plainte informelle désigne les situations où un(e) membre du public exprime des préoccupations à un organisme de surveillance de la police sans déposer de plainte.

[24] Pour un aperçu du Groupe consultatif sur la lutte contre le racisme (ARAP), voir le chapitre 9.

[25] Table ronde sur les politiques de la CODP, séance 1, 30 mai 2022.

[26] Table ronde sur les politiques de la CODP, séance 1, 30 mai 2022.

[27] Participant(e) à la table ronde sur les politiques de la CODP, séance 3, 30 mai 2022.

[28] Table ronde sur les politiques de la CODP, séance 1, 30 mai 2022.

[29] Table ronde sur les politiques de la CODP, séance 3, 30 mai 2022.

[30] Table ronde sur les politiques de la CODP, séance 5, 31 mai 2022.

[31] M. Austin était également adjoint suppléant à la Maison-Blanche pour les affaires urbaines, la justice et les possibilités. À ce titre, il a co-écrit un rapport sur les mégadonnées et les droits civils, en plus de travailler sur les politiques du 21e siècle, en collaboration avec la President’s Task Force (groupe de travail du président). Il a également contribué à la création de la Police Data Initiative (initiative sur les données policières).

[32] Roy Austin, table ronde sur les politiques de la CODP, séance 4, 31 mai 2022.

[33] Roy Austin, table ronde sur les politiques de la CODP, séance 4, 31 mai 2022.

[34] Participant(e) à la table ronde sur les politiques de la CODP, séance 5, 31 mai 2022.

[35] Participant(e) à la table ronde sur les politiques de la CODP, séance 3, 30 mai 2022.

[36] Participant(e) à la table ronde sur les politiques de la CODP, séances 6 et 7, 31 mai 2022.

[37] Participant(e) à la table ronde sur les politiques de la CODP, séance 1, 30 mai 2022.

[38] Consultation de la CODP avec un(e) membre du BISN, 6 septembre 2022.

[39] Consultation de la CODP avec un(e) membre du BISN, 6 septembre 2022.

[40] Consultation de la CODP avec un(e) membre du BISN, 27 juillet 2022.

[41] Consultation de la CODP avec un(e) membre du BISN, 6 septembre 2022.

[42] Consultation de la CODP avec un(e) membre du BISN, 6 septembre 2022.

[43] Consultation de la CODP avec un(e) membre du Black Internal Support Network Member, 27 juillet 2022.

[44] Consultation de la CODP avec un(e) membre du BISN, 2022.

[45] SPT, « Race & Identity Based Data Collection Strategy, Understanding Us of Force & Stop Searches in 2020 Detailed Report », juin 2022. En ligne : https://www.tps.ca/media/filer_public/93/04/93040d36-3c23-494c-b88b-d60e... Samantha Beattie, « Toronto Police Continue To Disproportionately Shoot, Kill And Use Force On Black People: Report »,10 décembre 2018, Huffington Post. En ligne : https://www.huffpost.com/archive/ca/entry/toronto-police-anti-black-racism_ca_5cd57ce9e4b07bc729788862