Chapiter 1 - Introduction

 

Les preuves recueillies par la Commission ontarienne des droits de la personne (CODP) prouvent de manière irréfutable que les personnes noires de Toronto sont victimes de racisme systémique de la part du service de police de Toronto (SPT).

Les inquiétudes à ce sujet remontent à plusieurs dizaines d’années. Les membres de la communauté noire de Toronto ont été à maintes reprises victimes de discrimination de la part du SPT, y compris, mais sans s’y limiter, d’interventions policières excessives, d’interpellations et de détentions arbitraires, de fichage, de fouilles et de perquisitions illégales, d’accusations excessives et de recours disproportionné à la force qui, dans certains cas, a entraîné la mort de personnes noires[1].

Au fil des ans, la CODP a soulevé la présence de racisme envers les personnes noires dans les services policiers, et a réclamé un traitement juste et égal de toute personne de la part du SPT[2].

Jusqu’à récemment, peu de personnes étaient disposées à écouter, y compris le SPT et la Commission de services policiers de Toronto (CSPT). 

En 2017, en misant sur ses pouvoirs d’enquête uniques, la CODP a lancé ce qu’elle a appelé l’enquête sur le profilage racial et la discrimination à l’endroit des personnes noires au sein du service de police de Toronto (l’enquête) — la première du genre au Canada.

Au début, le SPT, la CSPT et leur(e)s dirigeant(e)s ont continué de nier l’existence du profilage racial et de la discrimination raciale au sein des services policiers, rejetant ces préoccupations de longue date en blâmant « quelques pommes pourries ». À cette époque, il y avait peu ou pas de collecte de données fondées sur la race permettant de mesurer les disparités et de tenir les services de police responsables.

La CODP a fait usage de ses pouvoirs pour obtenir et analyser les données quantitatives et qualitatives du SPT, de la CSPT et de l’Unité des enquêtes spéciales (UES) de l’Ontario. Ces données ont été évaluées conjointement aux expériences vécues par les communautés noires, aux renseignements tirés des tables rondes, des entrevues et des sondages, aux examens et aux rapports antérieurs, ainsi qu’aux décisions des tribunaux judiciaires et administratifs.

La CODP a publié deux rapports provisoires, Un impact collectif (2018) et Un impact disparate (2020). Ces rapports ont prouvé de façon indiscutable que les personnes noires étaient plus susceptibles que les autres de faire face à une interpellation, une fouille, une arrestation, des accusations, des accusations excessives, des coups et des coups de feu, ainsi que d’être tuée par le SPT. Impossible de nier davantage l’existence du racisme envers les personnes noires par le SPT.

En juin 2022, à la suite de la publication des rapports provisoires et de la réalisation d’un examen interne de ses services, le SPT a reconnu que le racisme systémique avait mené à un traitement différentiel et une surveillance excessive des communautés racialisées, en particulier des communautés noires et autochtones. À l’occasion d’une conférence de presse, James Ramer, chef intérimaire de la police à l’époque, a présenté ses excuses et a reconnu que le SPT devait agir pour régler ce problème :

Nous devons nous améliorer et nous ferons mieux. […] Même si nos constatations sont difficiles, cette journée nous offre l’occasion de nous améliorer et de faire mieux. En fait, puisque notre légitimité est liée à la confiance du public, cela nous indique que nous devons être meilleur[e]s. Au nom de mon commandement, et en tant que dirigeant[e]s de cette organisation, nous en assumons l’entière responsabilité[3] .

Le SPT et la CSPT ont déjà pris des mesures favorables. Ils ont consulté la CODP sur des initiatives précises dans un effort de donner suite aux conclusions antérieures de l’enquête. Ces mesures comprennent l’adoption de la Politique sur la collecte, l’analyse et la rédaction de rapports publics sur les données relatives à la race en 2019 (CSPT), l’analyse et la publication de données sur le recours à la force et les fouilles à nu en 2022 (SPT), et l’élaboration d’un nouveau projet de politique en matière de recours à la force (CSPT) et d’une nouvelle procédure en matière de recours à la force (SPT) en 2022, qui mettent tous deux l’accent sur la désescalade, en plus d’exiger une intervention de la part des agent(e)s qui sont témoins du recours à une force inappropriée ou excessive de la part d’un(e) autre agent(e) et d’interdire les prises d’étranglement.

Le SPT et la CSPT se sont également engagés à mener d’autres réformes et ont réalisé des progrès à cet égard. Il s’agit notamment de la formation et de l’éducation obligatoires sur la lutte contre le racisme envers les personnes noires, de l’élargissement du bassin d’interventions potentielles en réponse aux appels de service — comme les équipes mobiles d’intervention en cas de crise (EMIC) —, de l’acceptation des recommandations émises par la vérificatrice générale de Toronto à la suite de son examen des appels de service de 2022[4], et de faire du Groupe consultatif sur la lutte contre le racisme de la CSPT un comité consultatif permanent. Le SPT et la CSPT ont également déployé d’autres efforts pour consulter la CODP.

Bien que ces réformes soient les bienvenues, il est possible et nécessaire d’en faire plus en vue d’opérer un changement durable à long terme. Ce rapport final, intitulé De l’impact à l’action, s’appuie sur nos constatations précédentes pour décrire comment la culture actuelle du SPT, les lacunes en matière de politiques, de procédures, de formation et d’éducation, ainsi que l’absence de mécanismes de responsabilisation contribuent au racisme systémique envers les personnes noires. Ce rapport contient 107 recommandations concernant des mesures supplémentaires à prendre par le SPT, la CSPT et, dans certains cas, la province de l’Ontario afin de lutter contre le racisme systémique envers les personnes noires et d’assurer la responsabilisation, pour ainsi améliorer le sort des communautés noires.

Le maintien de l’ordre est une entreprise complexe. Les agent(e)s de police sont souvent appelé(e)s à intervenir dans des situations pour lesquelles ils (elles) ne possèdent pas les outils nécessaires. La CODP reconnaît que le SPT « est devenu la réponse par défaut dans certaines situations où d’autres interventions non policières ne sont pas offertes ou ne sont pas accessibles au besoin »[5]. Les situations et les circonstances auxquelles sont confronté(e)s chaque jour les agent(e)s de première ligne peuvent générer d’énormes pressions et tensions.

De l’impact à l’action présente des façons pour la police d’améliorer sa préparation et le soutien dont elle dispose en matière de politiques, de procédures, de formation, d’éducation et de ressources afin de se protéger contre le racisme envers les personnes noires au sein des services policiers. Ce rapport reconnaît également le consensus selon lequel certaines des tâches qui incombent actuellement aux agent(e)s du SPT devraient être exécutées par d’autres intervenant(e)s hors des services policiers, avec le financement approprié.

Le présent rapport s’appuie sur les constatations et recommandations antérieures de la CODP et d’autres organismes. Il reflète les demandes des communautés noires à ce que des changements soient entrepris. Il reconnaît les mesures récentes prises par le SPT et la CSPT dans un effort de contrer le racisme systémique et d’amélioration de la responsabilisation. Mais plus important encore, ce rapport cerne les lacunes qui subsistent et ce qui reste à faire par le SPT et la CSPT pour respecter leur promesse d’assumer pleinement leurs responsabilités, de faire mieux, et de passer De l’impact à l’action.


 

Chapiter 1 Notes de fin

[1] Voir annexe 4 — Résumé des rapports.

[2] Voir annexe 6 — Chronologie des actes de profilage racial et de discrimination envers les personnes noires commis par le SPT, et initiatives prises par la CODP et visant le service de police de Toronto.

[3] Ron Fanfaire, « Race-Based Data shows Over-Policing », service de police de Toronto, 15 juin 2022. En ligne : https://www.tps.ca/media-centre/stories/race-based-data-shows-over-policing/.

[4] Beverly Romeo-Beehler, vérificatrice générale de la ville de Toronto, « Toronto Police Service — Audit of 9-1-1 Public Safety Answering Point Operations: Better Support for Staff, Improved Information Management and Outcomes », 14 juin 2022. En ligne (PDF) : https://www.toronto.ca/legdocs/mmis/2022/au/bgrd/backgroundfile-228260.pdf.

[5] Beverly Romeo-Beehler, vérificatrice générale de la ville de Toronto, « Review of Toronto Police Service – Opportunities to Support More Effective Responses to Calls for Service », 14 juin 2022. En ligne (PDF) : https://www.toronto.ca/legdocs/mmis/2022/au/bgrd/backgroundfile-228234.pdf.