Selon Santé Canada, un Canadien sur cinq est atteint d’une maladie mentale[1] au cours de sa vie. Malgré la prévalence des troubles mentaux[2] dans l’ensemble de la population, les personnes qui en souffrent ou qui ont des dépendances sont confrontées à de nombreux obstacles discriminatoires, tant sur le plan individuel qu’institutionnel, qui les empêchent de participer à la société à part entière. Ces obstacles sont en général attribuables à des comportements sociétaux pernicieux à l’égard des troubles mentaux et psychiatriques. Ils génèrent des inégalités systémiques et contribuent à la pauvreté, car les personnes touchées connaissent tous genres de difficultés à l’heure d’obtenir un emploi et de chercher un logement, sans parler de l’accès à des soins et à des services de soutien appropriés. La discrimination peut alourdir encore davantage le fardeau de devoir vivre avec un handicap mental, empêcher que la personne veuille se faire soigner, créer des dépendances chez elle et limiter ses chances de rétablissement, faute de soutien.
La Commission ontarienne des droits de la personne (CODP) est profondément préoccupée par le degré de discrimination que vivent les personnes atteintes d’une maladie mentale. Dans le cadre de son ancien mandat comme organe de traitement des plaintes de discrimination, la CODP a eu l’occasion de s’occuper de nombreux cas fondés sur la santé mentale. Elle a également mené des consultations qui lui ont permis de constater le besoin de promouvoir et de protéger les droits des personnes ayant un handicap mental, en se penchant notamment sur les handicaps et l’obligation d’adaptation, la discrimination dans les logements locatifs, la santé mentale et les dossiers de vérification de la police.
Ces préoccupations ont poussé la CODP à mettre au point une stratégie relative aux droits de la personne dans le domaine de la santé mentale qui servira d’orientation à ses activités en vue de lutter contre les aspects systémiques de la discrimination dont font l’objet les personnes ainsi handicapées. En septembre 2009, la Commission a commencé à rencontrer des personnes et organisations du secteur pour prendre connaissance des préoccupations à l’égard des droits des personnes vivant avec un handicap mental. Cette deuxième phase de la consultation vise à obtenir vos points de vue afin de cerner les approches, les enjeux et des projets clés dans ces domaines.
Ce document de consultation a pour objet de :
L’article 29 du Code dote la CODP d’un vaste mandat pour traiter des questions de discrimination. Il appartient à la Commission de promouvoir le Code afin qu’il soit compris et respecté, et ce dans le cadre de ses diverses fonctions, à savoir :
La CODP tient à savoir quelle est la meilleure manière d’utiliser son mandat pour régler les questions de discrimination à l’endroit de personnes ayant un handicap mental.
[1] Bien que les définitions de la maladie mentale soient variées, Santé Canada indique que les maladies mentales sont caractérisées par des altérations de la pensée, de l’humeur ou du comportement (ou une combinaison des trois) associées à une importante détresse et à un dysfonctionnement pendant une période prolongée. Santé Canada, dans un rapport intitulé « Rapport sur les maladies mentales au Canada » (Ottawa, Santé Canada, 2002) 16.
[2] La CODP reconnaît le manque de consensus en ce qui concerne les termes décrivant les questions liées aux problèmes de santé mentale et les personnes qui en souffrent. Les différences dans la terminologie sont basées sur les différences dans les idéologies sur les façons de conceptualiser la maladie mentale et les relations entre le système de santé mentale et ceux qui l’utilisent ou ne l'utilisent pas. De nombreux termes sont critiqués, car ils sont jugés inadéquats et dénigrants, par ceux souffrant de maladie mentale. Étiqueter les personnes atteintes de troubles mentaux peut avoir un effet discriminatoire lorsque des entités individuelles sont réduites à n'être plus que des « problèmes » médicaux. Dans la mesure du possible, on devrait s'adresser à ces personnes en utilisant le nom par lequel elles s'identifient.
Toutefois, reconnaissant la diversité des expériences qui existe parmi les personnes souffrant de troubles mentaux, et à des fins de fluidité de langage dans le cadre de cette étude, la CODP utilisera les termes de « problème de maladie mentale » et « personne souffrant de problèmes de maladie mentale ». Jusqu’à maintenant les participants à la consultation ont établi que la CODP devrait considérer l’utilisation de termes qui décrivent l’état de santé, qui évitent les définitions médicalisées, qui représentent les moyens de protection nationaux et internationaux pour les personnes souffrant d’incapacités, s’appliquent aux personnes qui peuvent chercher ou non à se faire traiter, et ces termes sont acceptés par le mouvement des survivants. Dans son guide, « Le pouvoir des mots et des images : Conseils généraux pour mieux représenter les personnes handicapées », le gouvernement du Canada a recommandé l’utilisation du terme « troubles de santé mentale » (Ottawa, Ressources humaines et Développement des compétences Canada, 2006).
Des lois internationales, fédérales et provinciales en matière de droits de la personne interdisent la discrimination contre toute personne ayant un handicap mental.[3] En Ontario, les protections à l’égard des handicaps mentaux et des dépendances sont énoncées dans le Code des droits de la personne de l’Ontario, plus concrètement sous la rubrique « handicap ». Les personnes visées sont protégées de toute discrimination et harcèlement dans le domaine de l’emploi, du logement, des biens, des services et des installations, des contrats, ainsi que du droit d’association à un syndicat ou association professionnelle. Cela comprend la discrimination fondée sur l’existence présumée ou réelle, actuelle ou antérieure, d’un handicap [paragraphe 10(3)].
La Politique et directives sur le handicap et l’obligation d’adaptation (la Politique) énonce les principes directeurs sur les handicaps et l’obligation d’adaptation, qui peuvent s’appliquer à l’emploi, aux services, au logement et à d’autres domaines sociaux. La Politique reconnaît explicitement les défis particuliers que doivent relever les personnes dont le handicap n’est pas évident, comme dans le cas des troubles mentaux. Elle s’inspire des décisions de la Cour suprême du Canada qui ont clairement précisé que le handicap peut se fonder sur des mythes, perceptions et stéréotypes aussi bien que sur des limitations fonctionnelles réelles.[4]
[3] Par exemple, le Canada a signé la Déclaration des droits des personnes handicapées, et les États-Unis la Convention on the Rights of Persons with Disabilities (traduction : Convention sur les droits des personnes souffrant d'incapacités). La dernière est légalement liée à la convention pour lutter contre toute discrimination et que l’on tienne compte des droits civiques, politiques, économiques, sociaux et culturels des personnes souffrant d’incapacités. De plus, la communauté internationale a adopté la résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies : Principles for the Protection of Persons with Mental Illness and for the Improvement of Mental Health Care (traduction : Principes pour la protection des personnes souffrant de maladie mentale et pour l'amélioration des soins en santé mentale). À l’échelle nationale, la Charte canadienne des droits et libertés décrit brièvement les protections énoncées dans l’article 15, qui confère le droit d’être protégé contre toute discrimination basée sur l'incapacité mentale ou physique, à titre d’exemple.
[4] Battlefords and District Co-operative Ltd. c. Gibbs, [1996J 3 R.C.S. 566. par. 31.; Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Montréal (Ville); Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Boisbriand (Ville) (3 mai 2000) SCC 27. [Mercier}, par. 77
La CODP traite de la question de la discrimination fondée sur les troubles mentaux dans ses travaux actuels et passés. Voici un bref aperçu des principales initiatives que la Commission a entreprises à ce jour :
Avant juillet 2008[5], la CODP a reçu de nombreuses plaintes de discrimination pour des motifs liées à un handicap mental ou à une dépendance, où elle a agi comme médiatrice et mené des enquêtes. Une analyse d’un échantillon de 70 cas examinés entre 2000 et 2008 révèle que la plupart des gens qui invoquent une discrimination fondée sur un handicap mental se plaignaient de mesures prises par leurs employeurs.
La CODP a été une partie intéressée ou est intervenue dans plusieurs causes importantes devant le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario (le Tribunal) ou des cours supérieures. En date récente, dans la cause ADGA Group Consultants c. Lane, la Cour divisionnaire de l’Ontario a réaffirmé que l’employeur avait l’obligation de prendre des mesures d’adaptation à l’égard d’un employé présentant une maladie mentale.[6] La Cour a confirmé une décision du Tribunal voulant que le plaignant, qui était atteint d’un trouble bipolaire, avait effectivement été l’objet d’une mesure discriminatoire, son employeur ayant négligé d’adopter des mesures d’adaptation et procédé à sa mise à pied.
Dans la cause Entrop c. Imperial Oil Ltd.[7], le Tribunal et la Cour d’appel de l’Ontario ont confirmé que l’alcoolisme constituait un handicap. Par ailleurs, il a été confirmé que la politique de l’entreprise en ce qui a trait au test de dépistage de la consommation d’alcool et la toxicomanie était une pratique discriminatoire et que le fait d’obliger les employés à divulguer tout problème actuel ou antérieur concernant la consommation abusive de substances constituait une discrimination directe en vertu du Code. Une décision récente de la Cour d’appel de l’Ontario affirme que les tests de dépistage aléatoires des employés pour vérifier s’ils sont en état d’ébriété ou s’ils ont consommé de la drogue, en l’absence d’une cause raisonnable, constitue une infraction aux droits des employés à la protection de la vie privée et une atteinte à leur dignité.[8]
Parmi les affaires les plus connues devant les tribunaux et dans lesquelles la CODP est partie prenante, citons celle qui se rapporte à la nature restrictive de l’allocation nutritionnelle spéciale prévue par le Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées, qui touche les personnes ayant un handicap mental, et une autre sur le traitement inégalitaire dont font preuve les services de police à l’égard de personnes atteintes d’une maladie mentale.
En 2008, la CODP a entrepris une consultation portant sur les vérifications des dossiers de la police dans les cas d’arrestation de personnes vulnérables en vertu de la Loi sur la santé mentale. Les arrestations consignées dans le dossier de la police et divulguées à des agences d’emploi ou de bénévolat dans le cadre d’une vérification des antécédents peuvent gravement compromettre la vie privée et la capacité des personnes ayant un handicap mental à avoir accès à des débouchés intéressants. La CODP poursuivra ses travaux dans ce domaine en élaborant une politique sur la santé mentale et les vérifications des dossiers de police.
La CODP a constaté que le manque de logements abordables pour les gens ayant des problèmes de santé mentale est une grave préoccupation. Dans son rapport de consultation, Le droit au logement, la Commission a formulé des recommandations à l’intention du gouvernement et d’autres entités afin de multiplier les occasions d’aide au logement. La Commission a également fait paraître sa politique sur le logement, la Politique sur les droits de la personne et les logements locatifs, qui souligne les mesures que les locateurs pourraient prendre pour éviter toute discrimination à l’endroit de personnes ayant un handicap mental. La politique contient une section sur l’opposition discriminatoire à la construction de logements abordables dans tel ou tel quartier (« Pas dans ma cour »), ce qui a des répercussions négatives sur les personnes ayant un handicap mental.
La CODP a travaillé activement avec les municipalités et le ministère des Affaires municipales et du Logement pour sensibiliser les gens afin de confronter le syndrome « Pas dans ma cour ». La CODP est intervenue dans des causes juridiques qui remettent en question les pratiques ou décrets municipaux susceptibles d’empêcher que les personnes ayant un handicap mental puissent résider dans le quartier de leur choix.
Tel qu’il en a déjà été question, la Politique et les directives sur les handicaps et l’obligation d’adaptation de la CODP soulignent la responsabilité des employeurs à s’adapter aux besoins des personnes ayant un handicap mental ou des dépendances. De plus, le guide de la Commission à l’intention des employeurs, Les droits de la personne au travail fournit une orientation pratique aux employeurs sur les employés qui ont ou pourraient avoir un handicap mental ou une dépendance.
La CODP a commenté activement les préoccupations touchant les droits de la personne pour les personnes ayant des troubles mentaux, en particulier dans des domaines qui recoupent ses travaux actuels. Des préoccupations ont été soulevées récemment, par exemple, à propos de la sélection d’un jury et des vérifications de police de personnes ayant des problèmes de santé mentale, ainsi que des propositions visant à ne pas construire des logements abordables pour personnes ayant un handicap mental dans certains quartiers. La CODP s’est également attachée à sensibiliser aux droits de la personne lors de deux consultations sur la santé mentale menées à l’échelle provinciale par le Comité spécial de la santé mentale et des dépendances, le Groupe consultatif ministériel de la santé mentale et de la lutte contre els dépendances et le Groupe consultatif sur les soins de longue durée en matière de santé mentale et dépendances.
[5] Les modifications apportées au Code des droits de la personne, qui ont pris effet le 30 juin 2008, ont établi trois piliers dans le système des droits de la personne. Après la promulgation de la Loi de 2006 modifiant le Code des droits de la personne, la CODP n’a plus accepté les plaintes concernant les droits de la personne. Toutes les nouvelles plaintes concernant des problèmes de discrimination doivent maintenant être déposées directement auprès du Tribunal des droits de la personne de l’Ontario. La CODP s’est plus concentrée sur les mesures proactives afin de prévenir et de faire face aux problèmes de discrimination en utilisant ses fonctions d'éducation du public, d’élaboration de politique, de recherche et d’analyse, ses pouvoirs d’enquête et d'intervention juridique. Le Centre d’assistance juridique en matière de droits de la personne a été créé pour aider les requérants dans le système.
[6] ADGA Group Consultants Inc. c. Lane. (2008), CanLII 39605 (ON S.C.D.C.).)
[7] Entrop c. Imperial Oil Ltd. (2000), 50 O.R. (3e) 18 (C.A.)
[8] Imperial Oil c. Communications, Energy & Paperworkers Union of Canada, section locale 900. (2009), (ON.C.A. 420)
En consultant les personnes et les organisations qu’elle a rencontrées jusqu’à présent, la CODP a pu apprendre que de nombreuses questions s’entrecoupent, ce qui suscite de graves préoccupations sur les droits des personnes ayant un handicap mental et/ou une dépendance. Les participants ont parlé d’un « effet domino » qui fait en sorte que les obstacles dans un domaine (p. ex., l’éducation ou l’emploi) mènent à des obstacles dans d’autres domaines (p. ex., le logement). Tous ces obstacles contribuent à la pauvreté. Ces questions s’aggravent d’autant plus pour les personnes qui font déjà l’objet de discrimination en raison de leur race, de leur sexe, de leur orientation sexuelle, de leur citoyenneté, de leur état de personne handicapée, de leur identité de genre, de leur âge, de leur origine ethnique ou parce qu’ils reçoivent une aide sociale.
Voici quelques-uns des domaines de préoccupation mentionnés par les participants :
Les participants à la consultation ont proposé les approches suivantes, qu’ils estiment importantes pour l’élaboration de toute stratégie visant les droits de la personne en matière de santé mentale. La CODP réfléchira à ces principes en vue de les incorporer à sa stratégie.
Eu égard au nombre de questions soulevées par les participants, la CODP pourrait envisager des interventions pour répondre aux questions dans une partie ou la totalité des domaines suivants :
La CODP vous encourage à lui transmettre vos observations sur les sujets de préoccupation décrits et/ou les interventions concrètes qu’elle devrait envisager.
N’hésitez pas à faire part de vos commentaires sur l’information fournie dans ce document ou sur les questions ci-après :
Parmi les sujets de préoccupation décrits ci-dessus, y a-t-il des domaines prioritaires dont la CODP devrait tenir compte dans sa stratégie?
Parmi les sujets de préoccupation décrits ci-dessus, y a-t-il des initiatives prioritaires que la CODP devrait songer à entreprendre?
Vos commentaires écrits peuvent être transmis par courrier, télécopieur ou courriel à l’adresse suivante :
Commission ontarienne des droits de la personne
Consultation sur les droits de la personne et la santé mentale
Direction des politiques, de la sensibilisation, de la surveillance et de la liaison
180, rue Dundas ouest, 8e étage
Toronto (Ontario)
M7A 2R9
Téléc. : 416-314-4533
Courriel : consultations@OHRC.on.ca
Veuillez nous faire parvenir vos commentaires par écrit d’ici le 24 décembre 2009.
Veuillez fournir toutes vos coordonnées, y compris votre nom, organisation (le cas échéant), adresse, numéro de téléphone et adresse électronique.
Les informations fournies au cours de la consultation sont assujetties aux dispositions de la Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée. Ces informations pourraient être intégrées à un rapport qui sera publié. L’information personnelle sera utilisée aux fins de ce projet exclusivement et demeurera confidentielle. Les présentations anonymes ne seront pas prises en considération.
Veuillez limiter vos commentaires à un maximum de huit (8) pages.
Pour toute question sur le processus de consultation, veuillez communiquer avec la CODP en composant :
le 416-314-4507 ou 1-800-387-9080 (Suivre les instructions pour parler au personnel à propos de la sensibilisation publique).
Information ATS : (416) 326-0603 ou 1-800-308-5561.