Le droit au logement : Rapport de consultation sur les droits de la personne en matière de logements locatifs en Ontario

Approuvé par la Commission : Le 28 mai 2008

Sommaire

Le présent rapport est le résultat d’une consultation sur la question des droits de la personne eu égard au logement locatif menée par la Commission ontarienne des droits de la personne (la Commission) dans l’ensemble de la province. Il présente les constatations de la Commission et vise à accroître la sensibilisation à la question du logement locatif vue sous l’angle des droits humains. Il importe d’établir des conditions permettant aux personnes et aux organismes chargés d’assurer et de promouvoir la protection des droits relatifs à l’habitation de bien connaître et de remplir les obligations en cette matière. Il importe également d’établir des conditions favorisant l’accès à des logements locatifs sans discrimination. Comme l’indiquent les recommandations et les engagements présentés dans la section 6, « Cadre d’action », tous ont un rôle à jouer dans la connaissance et la résolution du problème de la discrimination en matière de logement en Ontario.

La Commission reconnaît qu’en Ontario, beaucoup de locateurs et de fournisseurs de logements prennent au sérieux leurs obligations en matière de droits de la personne et un grand pourcentage des locataires sont logés de manière satisfaisante. Toutefois, durant la consultation, elle a été mise au fait de cas de discrimination envers des locataires et d’obstacles systémiques que ceux-ci rencontrent pour obtenir et conserver un logement convenable et abordable. Les aspects de la crise du logement liés aux droits humains sont une réalité bien présente pour les réfugiés, les immigrants, les personnes transgenres, les mères monoparentales, les Autochtones, les personnes ayant une maladie mentale ou une autre limitation et les autres personnes protégées en vertu du Code des droits de la personne de l’Ontario (le Code).

Diverses situations discriminatoires, dont les publicités inappropriées, les stéréotypes discriminatoires et les attitudes négatives, vécues par les plus vulnérables des locataires en Ontario sont décrites dans ces pages. Les locataires et les groupes qui défendent leurs droits ont exposé en détail les effets discriminatoires des critères et des exigences de sélection des locataires communément utilisés, telles les vérifications de la solvabilité et de l’emploi, l’obligation d’avoir un garant ou de verser un dépôt et les exigences en matière de revenu. Selon des fournisseurs de logements et des locataires, il existe d’importants problèmes en ce qui touche l’obligation de prendre des mesures d’adaptation dans les logements locatifs, en particulier au bénéfice des personnes ayant une maladie mentale.

Or, les plaintes relatives aux droits de la personne qui portent sur ce genre de problème et sur des problèmes de nature plus systémique sont très peu nombreuses, et plusieurs des droits déjà consentis en vertu du Code ne sont pas protégés. Dès lors, il se peut que les fournisseurs de logements, les autorités gouvernementales et les autres parties responsables ne sachent pas qu’ils ont des obligations et dans quelle mesure ils pourraient faire défaut de les remplir. Il faut remplacer cet état de choses par un secteur du logement où locataires, fournisseurs de logements, pouvoirs publics et autres parties intéressées sont au fait des droits de la personne. En outre, il faut assurer l’application efficace du Code pour faire en sorte que les droits des locataires qu’il protège aient un sens. Enfin, si l’on établit clairement les attentes par une application uniforme du Code, les parties tenues de s’y conformer en bénéficient.

Dans des consultations menées antérieurement, la Commission a été informée des répercussions de l’insuffisance des options en matière de logement et du manque de logements convenables et abordables pour les personnes âgées[1] et les familles en Ontario[2]. Ces problèmes sévissent encore. Dans la consultation qui nous occupe, la Commission a également été mise au fait de manière plus générale des effets des problèmes courants dans le secteur du logement sur les personnes racialisées, handicapées ou ayant une maladie mentale, par exemple, et sur d’autres personnes. L’absence de mesures coordonnées de la part de tous les niveaux de pouvoir public en vue d’éliminer le problème des sans abri et de fournir suffisamment de logements adéquats et abordables pour répondre aux besoins des groupes et des personnes dont les droits sont protégés par le Code était source de préoccupation pour beaucoup. Les stratégies en matière de logement qui visent à lutter contre le sans abrisme et à accroître l’accès à des logements abordables en Ontario doivent respecter le Code, les principes des droits de la personne et les obligations internationales relatives à ces droits.

Le lien entre la pauvreté, les motifs prévus au Code, comme les handicaps ou la race, et le sans-abrisme était un thème clé dans la consultation. Des personnes consultées ont souligné que les prestations d’aide sociale et le salaire minimum n’avaient pas augmenté au rythme de la hausse des loyers dans l’ensemble de la province. En conséquence, un groupe important de personnes protégées par le Code ayant de faibles revenus parce qu’elles sont assistées sociales, qu’elles reçoivent le salaire minimum ou qu’elles travaillent à temps partiel sont exposées à être confinées à des quartiers défavorisés ou exclues du marché du logement locatif. Il faut prendre des mesures pour que les Ontariens ayant un faible revenu puissent se payer un loyer moyen et des aliments et satisfaire d’autres besoins de base.

Des personnes consultées ont aussi fait état de problèmes systémiques dans le secteur du logement – comme l’absence de conception inclusive et l’existence d’obstacles – liés aux structures physiques et aux politiques et programmes. En termes pratiques, la Commission a appris que les droits de groupes protégés peuvent être compromis lorsqu’il faut décider qui devrait avoir accès à une ressource limitée mais précieuse, soit des logements abordables et convenables, sur le marché locatif privé ou celui des logements sociaux. Par exemple, la prise de décisions et l’établissement de priorités en ce qui a trait aux listes d’attente pour des logements subventionnés ont des effets sur les droits de la personne. Tant les fournisseurs de logements que les groupes de défense des droits des locataires s’entendaient pour dire que la généralisation de l’accès à des allocations de logement transférables est une solution digne d’être explorée.

Par ailleurs, on a fait grandement mention devant la Commission de la prévalence d’une opposition « pas dans ma cour » discriminatoire aux projets de construction de logements abordables ou avec services de soutien, et de son effet sur les locataires, les fournisseurs de logements et la société dans son ensemble. Les personnes handicapées, dont celles qui ont une maladie mentale, les jeunes parents et d’autres personnes protégées en vertu du Code peuvent faire l’objet de commentaires ou de comportements discriminatoires autant au stade de la planification de tels projets qu’une fois que les logements sont construits. Dans de nombreux cas, le syndrome « pas dans ma cour » empêche ou retarde la construction de logements grandement nécessaires pour des personnes ou des groupes dont les droits sont protégés par le Code, ou encore augmente les coûts de construction. Il est temps qu’on élabore une stratégie globale pour empêcher que ce syndrome fasse obstacle à la création de logements abordables pour les personnes bénéficiant de la protection du Code.


[1] Commission ontarienne des droits de la personne, Il est temps d’agir : Faire respecter les droits des personnes âgées en Ontario, octobre 2006, (Il est temps d’agir).
[2] Commission ontarienne des droits de la personne. Le coût de la prestation de soins : Rapport de consultation sur la discrimination fondée sur l’état familial, avril 2007.

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Introduction

Les droits de la personne dans le contexte du logement locatif ne sont pas un sujet de préoccupation seulement pour les fournisseurs de logements et les autorités gouvernementales, bien que ceux-ci partagent de toute évidence une grande part de responsabilité à cet égard. Ils ne sont pas non plus un sujet d’intérêt seulement pour un petit groupe de locataires et les défenseurs de leurs droits. Nous avons tous la responsabilité de veiller à ce que les mesures de protection des droits humains que nous chérissons prennent tout leur sens dans nos collectivités.

Le présent rapport porte principalement sur les graves problèmes liés aux droits de la personne qui menacent la sécurité en matière de logement des locataires les plus vulnérables de l’Ontario et formule des recommandations et des engagements en vue de s’y attaquer. Les problèmes soulevés dans ces pages ont pris du temps à se développer, et il faudra déployer un effort concerté pour les résoudre. Ce rapport montre que l’analyse des droits de la personne constitue un moyen supplémentaire de créer la concertation nécessaire pour nous attaquer aux questions fondamentales centrées sur l’inégalité dans le secteur du logement locatif. L’application du Code et des conventions internationales pertinentes n’exige rien de moins.

En mai 2007, la Commission a amorcé un processus de consultation publique par la publication de documents de consultation et de référence intitulés tous les deux Les droits de la personne et les logements locatifs en Ontario. Le document de référence décrit en détail l’étude des contextes juridique, social et international menée par la Commission en vue de comprendre le problème des droits de la personne dans le domaine du logement locatif en Ontario. Le document de consultation met en lumière les questions clés soulevées dans le document de référence et pose une série de questions dans le but d’orienter le processus d’obtention d’une rétroaction.

À partir de juin 2007, la Commission a tenu des rencontres publiques et privées dans quatre villes de l’Ontario afin de déterminer la portée des problèmes et d’explorer des pistes de solution. Quelque 130 organismes et 24 particuliers ont participé aux séances de consultation tenues en après-midi, et plus d’une centaine de personnes étaient présentes aux séances tenues en soirée, à Kitchener Waterloo, Ottawa, Sudbury et Toronto. Des centaines d’autres intervenants ont participé à d’autres activités, dont des séances organisées par COSTI, la Fédération des étudiants de l’Ontario, l’Association des services sociaux des municipalités de l’Ontario, le Programme ontarien de logements à but non lucratif (POLBNL) et la Fédération de l’habitation coopérative du Canada. La Commission a continué de rencontrer des organismes, y compris la Federation of Rental Housing Providers of Ontario (FRPO), et des particuliers tout au long de l’automne 2007.

En outre, de mai à septembre 2007, la Commission a reçu des mémoires de plus de 60 organismes représentant divers points de vue, dont ceux des défenseurs des droits des locataires et des fournisseurs de logements. Bon nombre des mémoires rédigés par des organismes communautaires reposaient sur l’information recueillie lors de rencontres tenues avec des membres de ces organismes, des locataires ou des gens qui œuvrent dans le domaine de l’habitation, dont des gérants d’immeuble ou des gestionnaires de services. La Commission apprécie les efforts que ces organismes ont déployés pour que leurs mémoires soient représentatifs de l’ensemble des expériences vécues dans les collectivités. Enfin, près d’une centaine de personnes nous ont envoyé leurs observations ou ont participé à nos sondages en ligne pour partager leurs expériences et leurs préoccupations.

Toute l’information ainsi recueillie a été prise en compte au moment de la rédaction du présent rapport et le sera pour la préparation de la politique de la Commission sur les droits de la personne en matière de logements locatifs. Toutefois, il convient de noter que beaucoup de fournisseurs de logements n’ont pas formulé d’observations sur l’ensemble des questions soulevées dans le document de consultation. Les principales questions qui ont préoccupé la majorité des fournisseurs de logements étaient le choix des locataires (section 4.2), l’obligation de prendre des mesures d’adaptation (section 4.3) et les obstacles créés par l’opposition « pas dans ma cour » à la construction de logements à prix abordable (section 5.5).

Le logement, un droit humain

La prestation d’un logement convenable est une condition essentielle à la satisfaction des besoins de dignité, de sécurité et d’inclusion et à la capacité de contribuer au mieux être des quartiers et de la société dans son ensemble[3]. Comme on l’a souligné à la Commission durant la consultation, faute d’un logement convenable, il est souvent impossible de décrocher et de conserver un emploi, de guérir d’une maladie mentale ou de se rétablir d’une limitation, de s’intégrer à la société, de fuir la violence physique ou psychologique ou d’avoir la garde d’enfants.

Le droit d’avoir un abri, de dormir dans son propre lit, sous un toit, de vivre dans un lieu où chaque personne, et ses biens, peuvent être en sécurité est un droit humain. Il est essentiel à la préservation de la dignité et de la santé humaines, à la faculté d’avoir sa place dans le monde. (Toronto Christian Resource Centre)

Beaucoup d’entre nous pouvons tenir pour acquise la sécurité que procure un lieu d’habitation convenable et à prix abordable. Mais, pour beaucoup de personnes en Ontario et dans le reste du pays, ce n’est pas la réalité. Selon ce qu’a constaté la Commission, nombreux sont ceux qui estiment que ce sont les familles et les personnes les plus vulnérables parmi nous qui paient le prix humain des failles du secteur du logement locatif en Ontario. Les relations entre le logement et les droits de la personne garantis par le Code ont été soulignées dans des mémoires présentés par des fournisseurs de logements, des associations de locataires et d’autres intervenants, ainsi que dans d’autres rapports[4]. La racialisation de la pauvreté et les chevauchements entre la maladie mentale et le problème des sans-abri sont des enjeux qui ont été soulevés à répétition tout au long de la consultation.

Le fonctionnement du système provincial de logements locatifs doit être considéré et évalué par rapport aux statistiques actuelles. Ainsi,

  • En 2006, près de 20 % des habitants du Canada étaient originaires de l’étranger[5] et, pour 70,2 % de ceux-ci, la langue maternelle était autre que le français ou l’anglais (cette proportion était de 67,5 % en 2001)[6].
  • L’Ontario est la province de prédilection pour la plupart des immigrants récents : au cours des cinq dernières années, plus de 55 % des nouveaux arrivants au Canada s’y sont établis[7] (Metro Toronto Chinese & Southeast Asian Legal Clinic – MTCSALC).
  • En général, de 2001 à 2005, pour environ 10 % de la population totale, le revenu après impôt était inférieur au seuil de faible revenu établi par Statistique Canada. Toutefois, de 33% à 43 % des familles monoparentales ayant une femme à leur tête, 30 % des célibataires et 34 % des célibataires ayant 65 ans ou plus étaient considérés comme ayant un faible revenu[8].
  • Un Ontarien sur cinq aura une maladie mentale durant sa vie. Pour 2% à 3 % des Ontariens, la maladie mentale sera grave et persistante; elle réduira leur capacité de vivre et de travailler en société (Division de l’Ontario de l’Association canadienne pour la santé mentale, Ontario – ACSM).
  • Chez les ménages locataires, 42 % des chefs de famille monoparentale, 38 % des Autochtones et 36 % des personnes ayant plus de 65 ans ou vivant seules éprouvent un besoin impérieux de logement [9] [10] (Centre ontarien de défense des droits des locataires – CODDL).

3.1. Considérations d’ordre international

Les conventions internationales ne sont pas seulement un élément du contexte dans lequel s’inscrit la question du logement locatif considéré du point de vue du Code. Elles font partie intégrante de la base sur laquelle repose la compréhension des droits des locataires les plus vulnérables en Ontario. Dès lors, il sera question brièvement dans la présente section et tout au long du rapport, des obligations internationales dignes d’être prises en considération et des recommandations de comités des Nations Unies.

Des personnes consultées représentant de nombreux milieux différents ont exprimé une forte préoccupation devant le fait qu’un nombre disproportionné des personnes dont les droits sont protégés par le Code n’ont pas accès à un logement locatif adéquat malgré les mesures de protection en place à l’échelle internationale. Ce point de vue n’est pas surprenant si l’on considère que la situation du logement au Canada a été qualifiée d’urgence nationale par les Nations Unies dans leur plus récent rapport d’examen périodique des mesures prises par notre pays pour se conformer au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) et de crise nationale par le rapporteur spécial des Nations Unies sur le logement convenable[11].

Le Canada a reconnu que le droit au logement convenable est un droit humain fondamental en ratifiant le PIDESC et a convenu de prendre les mesures nécessaires pour faire appliquer les droits qui y sont énoncés[12]. Toutefois, il faut en faire beaucoup plus selon certaines des personnes consultées. Par exemple, l’Association des travailleuses et travailleurs sociaux de l’Ontario (ATTSO) a souligné que la mise en oeuvre du PIDESC nécessite qu’on prenne des mesures progressives, notamment l’adoption d’une stratégie sur le logement, la fixation d’objectifs raisonnables, l’affectation de fonds suffisants, l’amélioration des options en matière de logement locatif et la prise de mesures de lutte contre la discrimination, en vue de résoudre les problèmes de logement existants.

D’autres personnes consultées se sont dites déçues qu’on n’ait pas encore répondu aux préoccupations du Comité des droits économiques, sociaux et culturels (CDESC) [des Nations Unies] concernant les disparités entre les Autochtones et le reste de la population quant au logement et aux obstacles à l’exercice des droits des Afro-Canadiens reconnus par le PIDESC[13]. Selon de nombreux mémoires, le fait qu’il existe encore des cas de retrait du foyer et de renonciation volontaire à la garde d’enfants, qui sont confiés à des foyers d’aide à l’enfance pour des motifs liés au logement, est contraire aux obligations internationales et aux recommandations en cette matière[14]. Cette question est traitée plus à fond dans la section 5.2, « Logement convenable et abordable ».

On a fait remarquer que d’autres organes des Nations Unies chargés des droits de la personne ont exprimé des préoccupations semblables. Ainsi, à l’instar du CDESC, le Comité des droits de l’enfant [des Nations Unies] considère le problème des sans-abri comme un désastre national[15] et le Comité [des Nations Unies] pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a signalé que les mesures prises pour assurer des logements sociaux aux femmes ayant un faible revenu et aux familles monoparentales ayant une femme à leur tête pourraient être insuffisantes[16]. De plus, le Comité des droits de l’homme [des Nations Unies] s’est montré inquiet au sujet des personnes ayant une maladie mentale et qui vivent en institution en raison du manque de logements avec services de soutien[17].

Le Centre pour les droits à l’égalité au logement (CERA) et le Social Rights Advocacy Centre (SRAC) étaient d’avis que les préoccupations sur la scène internationale au sujet des violations du droit au logement au Canada augmentent à cause de gestes délibérés d’administrations publiques, tels que la réduction de l’aide sociale et de la construction de logements sociaux et le refus de prendre les mesures qui conviennent pour régler le problème, ainsi que de l’incapacité de nombreuses institutions, y compris certaines commissions des droits de la personne, à reconnaître le problème des sans abri comme une entorse aux droits de la personne. Nombre de personnes consultées ont dit craindre que l’absence d’un programme national de logement, les compressions budgétaires des programmes sociaux visant à éliminer les inégalités[18] et l’accroissement de la pauvreté exacerberont la crise du logement, dont l’existence est reconnue à l’échelle internationale.

3.2. Les droits relatifs à l’habitation et le Code

L’article 2 du Code reconnaît que toute personne a droit à un traitement égal en matière d’occupation d’un logement, un droit qui doit être interprété en fonction des conventions internationales que le Canada a signées ou ratifiées. Selon le CERA, si l’on adopte l’approche de l’égalité substantive, on peut considérer que l’article 2 assure la protection contre un traitement discriminatoire eu égard à la demande et à l’occupation de logements et accorde un droit à un logement convenable sans discrimination basée sur les motifs énumérés. Le CERA est d’avis que cette interprétation permettrait des recours efficaces au Canada en cas de violation du droit à un logement convenable, dans le respect des obligations établies en vertu de la législation internationale relative à l’habitation.

La Commission est d’avis qu’un grand nombre des problèmes touchant le logement locatif et l’accès au logement relevés dans ces pages sont symptomatiques de violations de droits de la personne et d’un manque généralisé d’information auxquels on peut, et on doit, s’attaquer sans délai. Le Code fournit une batterie de moyens pour faire respecter les droits relatifs à l’habitation et éliminer les situations entravant l’accès au logement basées sur des motifs prévus au Code, et ce, même si l’article 2 ne crée pas explicitement un droit distinct au logement.

L’article 9 du Code interdit de porter atteinte, directement ou indirectement, à un droit reconnu par la partie I du Code, qui inclut l’article 2. Dès lors, des requêtes peuvent être déposées [auprès du Tribunal des droits de la personne de l’Ontario (le Tribunal)] et des violations du Code peuvent être déterminées dans les cas de violation indirecte de l’article 2. Citons à titre d’exemple le cas d’un dirigeant politique qui ferait une déclaration basée sur des stéréotypes discriminatoires entraînant l’interdiction d’accès au logement à certains groupes ou à certaines personnes pour des motifs prévus au Code.

En outre, aux termes de l’article 11, il y a atteinte à un droit reconnu dans la partie I du Code lorsque des personnes identifiées par un motif prévu au Code sont exclues sur la base de règles ou d’exigences qui ne sont pas établies de façon raisonnable et de bonne foi dans les circonstances. Pour établir qu’il y a violation, il faut déterminer si les besoins du groupe de personnes visé peuvent être pris en compte sans préjudice injustifié[19]. Des requêtes peuvent donc être présentées au Tribunal eu égard à de nombreuses parties différentes, dont des pouvoirs publics et des fournisseurs de logements, en vertu des dispositions combinées des articles 2, 9 et 11 du Code. Ainsi, on peut déposer des requêtes mettant en cause des pouvoirs publics lorsque les allocations de logement sont si faibles que les bénéficiaires de l’aide sociale n’ont pas les moyens de se loger. On pourrait également soutenir qu’il s’agit d’une violation de l’article 1 du Code, qui interdit la discrimination dans la prestation de services. De même, on peut arguer qu’il y a violation de l’article 2 lorsqu’un fournisseur de services de soutien refuse l’accès à des services et que cela fait perdre un logement à quelqu’un, qu’on considère comme inapte à vivre de façon autonome.

Les situations de ce genre causent d’importants problèmes au chapitre des droits de la personne et la Commission en tiendra compte lorsqu’elle élaborera sa politique sur les droits de la personne eu égard aux logements locatifs et qu’elle exécutera son nouveau mandat.


[3] Voir, par exemple, gouvernement du Canada, Projet de recherche sur les politiques, Politiques et pratiques en matière de logement dans un contexte de pauvreté et d’exclusion – Rapport de synthèse, août 2005. On lit dans ce rapport qu’il est essentiel de fournir des logements adéquats si l’on veut réduire la pauvreté et l’exclusion. Voir Desroches c. Québec (Commission des droits de la personne), 1997, 30 C.H.R.R. D/345 (QC, CA).
[4] Par exemple, selon la Commission royale sur les peuples autochtones, la pauvreté et la discrimination sont les principaux obstacles à la création de logements adéquats et abordables pour les Autochtones vivant à l’extérieur des réserves. Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, volume 3, chapitre 4, section 5. Accessible sur Internet : www.ainc-inac.gc.ca/ch/rcap/index_f.html.
[5] Statistique Canada. « Immigration et citoyenneté », communiqué no 4, 4, décembre 2007. Information accessible sur Internet : www.statcan.ca/.
[6] Statistique Canada. « Immigration au Canada : un portrait de la population née à l’étranger, Recensement de 2006,  Diversité des lieux de naissance des immigrants – Diversité linguistique de la population immigrante ». Accessible sur Internet : www12.statcan.ca/francais/census06/analysis/immcit/index.cfm.
[7] Statistique Canada. « Immigration au Canada : un portrait de la population née à l’étranger, Recensement de 2006,  Immigrants dans les provinces et les territoires – Ontario : province de prédilection pour la plupart des nouveaux arrivants au Canada ». Accessible sur Internet : www12.statcan.ca/francais/census06/analysis/immcit/index.cfm.
[8] Statistique Canada. « Personnes ayant un faible revenu après impôt (prévalence en %) – 2002 à 2006 ». Accessible sur Internet : www12.statcan.ca/francais/census06/analysis/immcit/index.cfm.
[9] On dit qu’un ménage éprouve un besoin impérieux de logement s’il doit consacrer au moins 30 % de son revenu avant impôt pour payer le loyer médian des logements situés dans sa localité qui répondent à toutes les normes [c.-à-d. conditions de logement]. ENGELAND, J. et al., Évolution des conditions de logement dans les régions métropolitaines de recensement au Canada, 1991-2001, Ottawa, Statistique Canada, janvier 2005, nos 35-36. Accessible sur Internet : www.statcan.ca.
[10] CARTER et POLEVYCHOK, Canadian Policy Research Networks Inc. Housing is Good Social Policy (décembre 2004), p. 10. Cela signifie que ce pourcentage des personnes protégées par le Code ne vivent pas dans un logement acceptable et ne pourraient pas y avoir accès.
[11] KOTHARI, Miloon, rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit au logement convenable. Preliminary Observations at the end of his Mission to Canada 9 – 22 October 2007, A/HRC/7/16/Add.4 (Preliminary Observations). En mai 2008, Me Raquel Rolnik (Brésil) a été nommée rapporteur spécial des Nations Unies sur le logement convenable dans le cadre de la garantie du droit à un niveau de vie convenable.
[12] 1976, 993 U.N.T.S. 3, Can. T.S. 1976, no 46.
[13] Observations finales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, E/C. 12/CAN/CO/5/, 2006, par. 15.
[14] Ibid., par. 24.
[15] Observations finales du Comité des droits de l’enfant, Canada, ONU. Doc. CRC/C/15/Add. 215, 2003.
[16] Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, Canada, ONU. Doc. A/58/38 (Partie I), 2003.
[17] Conclusions du Comité des droits de l’homme, Canada, ONU. Doc. CCPR/C/CAN/CO/5, 2006, par. 17.
[18] Par exemple, PACE a fait état des compressions budgétaires imposées aux entités et programmes suivants : Programme [fédéral] de contestation judiciaire, Commission du droit du Canada, Bureau [canadien] de la coordonnatrice de la situation de la femme, programmes d’alphabétisation des adultes, programmes d’emploi des jeunes, Programme d’accès communautaire (Industrie Canada) et Initiative en matière de compétences en milieu de travail. Voir aussi Community Social Planning Council of Toronto. Face of the Cuts: The Impact of Federal Program Cuts on Communities in Toronto – An Early Look at Selected Areas Slated for Funding Cuts, octobre 2006, p. 11. Accessible sur Internet : www.socialplanningtoronto.org/CSPCT%20Reports/Faces%20of%20the%20Cuts.pdf (en anglais).
[19] Voir aussi British Columbia (Public Service Employee Relations Comm.) c. BCGSEU, 1999 3 .C.R. 3 (Meiorin).

Discrimination en matière de logement au niveau individuel

Il sera question ici des principaux problèmes relatifs au logement locatif auxquels sont confrontés les locataires et les fournisseurs de logements. Dans de nombreux cas, la discrimination, le harcèlement, le choix des locataires et les mesures d’adaptation sont en étroite relation avec les éléments systémiques abordés dans la section 5. Par exemple, les obstacles au logement qui se dressent devant les bénéficiaires d’aide sociale sont souvent liés aux vastes problèmes sociétaux de l’insuffisance des niveaux de revenu et de la pauvreté. Néanmoins, nous nous attarderons ici sur les interactions humaines, les agissements et les défauts d’agir qui sont au cœur de la question des droits de la personne en matière de logements locatifs.

4.1. Discrimination fondée sur des motifs prévus au Code

La Commission reconnaît que la plupart des locateurs et des fournisseurs de logements tiennent à se conformer au Code et font tout leur possible pour répondre aux besoins des locataires. Pourtant, comme on le lui a fait remarquer durant la consultation, pour certaines personnes en Ontario, la discrimination en matière de logement est monnaie courante. Dans une décision rendue récemment, le Tribunal a indiqué que la discrimination touchant le lieu de résidence est particulièrement inacceptable[20].

La discrimination et le harcèlement peuvent survenir lorsque des personnes répondent à des annonces pour la location de logements, au moment où on examine et traite leurs demandes de logement, lorsqu’ils occupent un logement et, dans certains cas, lorsque la période de location se termine. Dans le domaine du logement, comme dans celui de l’emploi et dans d’autres aspects de la vie en société, les personnes en position d’autorité peuvent être tenues responsables si elles tolèrent ou perpétuent une attitude discriminatoire et si elles s’abstiennent de faire enquête à la suite d’une plainte pour discrimination[21].

L’information recueillie pendant la consultation révèle l’existence de différents stéréotypes discriminatoires et partis pris sur le marché du logement locatif. Lorsque le pouvoir de négociation n’est pas équilibré, en l’occurrence entre les locataires et les locateurs, ces types de stéréotypes peuvent donner lieu à un traitement discriminatoire. Le manque de logements convenables et abordables, combiné à la discrimination manifeste ou latente, fait en sorte que beaucoup de gens dont les droits sont protégés par le Code sont exclus du marché du logement, forcés de payer des loyers trop élevés pour leur revenu ou obligés d’occuper des logements de piètre qualité.

Des mémoires présentés par des locataires et des groupes de défense de leurs droits indiquent que beaucoup d’Ontariens s’attendent à subir de la discrimination lorsqu’ils cherchent ou occupent un logement locatif, et ce, même s’ils sont aidés par des professionnels et des travailleurs communautaires. Comme l’a mentionné le porte parole d’une locataire, pour une mère seule bénéficiant de l’aide sociale, la recherche d’un logement se résume essentiellement à chercher un locateur ou un gérant d’immeuble qui veut bien l’accepter.

La Commission a entendu à maintes reprises que, souvent, l’intervention d’un travailleur communautaire déclenche la discrimination. En effet, dans certains cas, il apparaît que l’intervention de ce travailleur ou de l’organisme qu’il représente révèle justement que la personne appartient à un groupe dont les droits sont protégés en vertu du Code. L’Algoma Community Legal Clinic a fourni un exemple de locateurs qui ont exclu d’éventuels locataires autochtones participant à un programme d’aide aux Autochtones sans abri. Un travailleur de première ligne a mentionné que des locateurs ne répondaient pas à ses appels lorsqu’il leur téléphonait depuis son bureau. En revanche, s’il appelait d’un endroit auquel correspondait la mention « appel privé » sur l’afficheur du téléphone, on lui répondait. De même, l’intervention de travailleurs sociaux ou de médecins pour aider des personnes ayant une maladie mentale à se trouver un logement peut faire croire, à tort, à certains locateurs que ces personnes causeront des problèmes et à rejeter leur demande. (Bureau de l’intervention en faveur des patients des établissements psychiatriques – BIPEP).

La présente section met en lumière des situations de discrimination fondée sur des motifs particuliers, comme le sexe, un handicap ou la race. Comme dans le cas des consultations antérieures, les effets interdépendants de plusieurs motifs de discrimination constituent un thème majeur une fois encore. Les formes particulières des désavantages subis par les gens reposent sur une combinaison de leurs identités : l’expérience vécue par une mère seule à la recherche d’un logement de qualité diffère de celle d’un couple d’homosexuels handicapés. Dans le passé, la Commission a reconnu l’importance de l’application de l’approche intersectionnelle aux plaintes pour discrimination[22].

Discrimination fondée sur le sexe

La discrimination en matière de logement subie par les femmes a souvent rapport au sexe, et aussi à d’autres caractéristiques, comme la situation familiale ou matrimoniale, à la race ou à des traits liés à la race, à l’âge ou à un handicap. Le CERA et le SRAC, ainsi que le National Women’s Working Group (NWWG), ont fait valoir que, même si ce sont les femmes ayant un faible revenu qui sont le plus désavantagées en matière de logement, leur expérience à l’égard de la crise du logement et de l’itinérance semble être moins visible que celle d’autres groupes. Ils ont mentionné certains facteurs qui auraient notamment contribué à créer des conditions inadéquates de logement et l’itinérance chez les femmes :

  • la pauvreté – les mères célibataires, les jeunes femmes et les femmes racialisées souffrent d’une pauvreté disproportionnée par rapport à d’autres groupes;
  • la discrimination systémique et l’inégalité en ce qui touche l’accès au logement et la conservation d’un logement, le soutien du revenu et les programmes d’emploi et d’éducation;
  • l’application injuste des règlements, des lois et des politiques liés aux programmes de soutien du revenu et de logement;
  • la surreprésentation des femmes parmi les parents seuls;
  • le manque de soutien social permettant d’alléger le fardeau des femmes dans leur rôle d’aidante;
  • la pénurie de logements à prix abordable;
  • l’exclusion sociale;
  • l’absence d’un milieu de vie sécuritaire.

Beaucoup de personnes consultées ont commenté sur le déséquilibre du pouvoir entre les locateurs et les locataires lorsque ceux-ci sont des femmes à faible revenu. On a informé la Commission que ce déséquilibre pouvait se traduire par un comportement inapproprié des locateurs et des gérants d’immeuble, surtout lorsque les femmes risquent de perdre leur logement pour des raisons financières ou parce qu’elles traversent une crise. Ainsi, la Commission a appris que certains locateurs peuvent chercher à obtenir des faveurs sexuelles des femmes à faible revenu dont le loyer est en retard, qui veulent éviter de se faire expulser ou dont le logement a besoin d’entretien. Cela peut faire d’un logement abordable, et autrement convenable, un logement inacceptable. Comme on l’a fait observer à la Commission, pour certaines femmes, il est préférable de ne pas avoir de logement que de subir ce genre de violation de droits humains fondamentaux.

Des femmes qui vivent dans des logements subventionnés (dont le prix est déterminé en fonction du revenu) de certains quartiers de Kingston quittent leur appartement pour aller dans des refuges pour sans-abri pendant des mois parce qu’elles craignent pour leur sécurité et qu’elles sont victimes de harcèlement sexuel. (Kingston Community Legal Clinic – KCLC)

Après la rupture du couple, les femmes peuvent être désavantagées pour l’obtention d’un logement à leur nom, sans cote de solvabilité ou de références d’un locateur. La Commission a également été informée que des femmes qui fuient ou réintègrent un contexte de violence au foyer risquent davantage de se voir retirer la garde de leurs enfants par les services de protection de l’enfance parce qu’elles vivent dans un logement inadéquat en raison de la violence ou de piètres conditions de vie. Voir également la section 5.2, « Logement convenable et abordable ».

La Commission s’inquiète du fait que certaines femmes poursuivent une relation marquée par la violence faute de trouver un logement abordable et de l’aide[23]. Elle a aussi été mise au courant du nombre limité d’options en matière d’hébergement offertes aux femmes handicapées qui essaient de quitter un conjoint violent. Récemment, le CERA a téléphoné à dix refuges pour femmes et constaté qu’aucun n’était entièrement accessible à ces femmes et que deux leur étaient seulement en partie accessibles. Par conséquent, il se pourrait que les femmes handicapées ne puissent envisager la possibilité de vivre temporairement dans un refuge ou dans un logement de transition. Ces femmes, qui essaient de se sortir d’une relation avec violence, n’ont donc pas accès à certains des avantages que procurent ces options[24], ce qui accroît leur vulnérabilité déjà extrême.

Des personnes consultées ont mentionné que la discrimination et les stéréotypes à l’endroit des femmes victimes de violence au foyer sont aussi des facteurs qui réduisent l’offre de logements[25]. Selon une clinique d’aide juridique, les fournisseurs de logements considèrent de plus en plus les femmes victimes de violence comme « ébranlées » et susceptibles de causer des problèmes au chapitre des services de logement en cas de retour des conjoints et parce que leurs enfants sont perturbés.

La situation est particulièrement sombre pour les femmes autochtones, qui subissent un taux de violence conjugale plus élevé que les autres femmes[26]. L’absence de logement convenable et abordable, d’aide financière et de mesures de soutien social, à laquelle se greffent d’autres facteurs connexes, ne laisse pas d’autre choix aux femmes autochtones que de revenir à leur conjoint violent. L’Ontario Federation of Indian Friendship Centres (OFIFC) a informé la Commission que certaines femmes se réfugient chez des membres de leur famille ou des amis, mais qu’elles sont exposées à l’intervention non autorisée des services de protection de l’enfance à la suite de plaintes pour surpeuplement formulées par des voisins ou des fournisseurs de logements. La Commission a été informée que la combinaison de ces facteurs fait en sorte que beaucoup plus d’enfants de femmes autochtones sont retirés de la garde de leur mère que ceux d’autres femmes.

Les femmes sont particulièrement exposées à la discrimination en matière de logement en raison de leur faible statut social et de leur précarité économique, mais la Commission a également été mise au courant de cas où des hommes connaissent un traitement différent en raison de leur sexe. Ainsi, le Housing Help Centre a décrit le cas d’un homme à la recherche d’un logement à qui on a demandé de fournir la preuve qu’il avait la garde de ses enfants, alors qu’on ne la demandait pas aux femmes.

Transphobie et discrimination fondée sur l’identité sexuelle

En vertu de la version courante du Code, des plaintes peuvent être déposées pour discrimination fondée sur l’identité sexuelle, et l’on a demandé que ce soit considéré comme un motif distinct dans le Code. Voir aussi la section 4.5, « Application des droits relatifs au logement ».

Les personnes transgenres peuvent être exposées à des stéréotypes, à du harcèlement ou à des remarques humiliantes, ce qui peut rendre leur recherche d’un logement difficile, voire impossible. Une participante à la consultation a décrit sa tentative en vue d’obtenir un logement dans une résidence pour étudiants après sa transition d’homme à femme.

Au printemps 2000, je devais chercher un logement. Trois types de logement étaient disponibles : pour groupe mixte, pour homme et pour femme. J’ai téléphoné à quelques endroits à la recherche d’un logement pour femme. Je me suis présentée comme une femme, mais on m’a dit qu’en fait, je n’étais pas une femme. J’étais très déçue. J’ai composé le numéro suivant sur ma liste et me suis de nouveau présentée comme une femme; on m’a répondu que l’appartement était déjà loué.

Les personnes transgenres peuvent être l’objet de commentaires ou de comportements qui empoisonnent leur environnement ou minent leur dignité là où elles habitent. Par exemple, une personne consultée a raconté qu’un locateur lui a dit qu’elle avait « la démarche d’un homme » et qu’un autre disait « ça » plutôt qu’« elle » pour la désigner. « Chaque fois que je cherche un logement, je suis inquiète, je me demande quel genre de réponse je vais recevoir, comment les choses vont se dérouler. »

État familial et état matrimonial

Le CERA, le SRAC et le NWWG ont mentionné que, bien que les hommes et les femmes soient protégés contre la discrimination fondée sur l’état familial, les mères seules, et en particulier celles qui fuient les mauvais traitements et la violence au foyer, forment le groupe le plus touché par cette discrimination.

Des personnes consultées ont exprimé leurs préoccupations à la Commission au sujet d’annonces de logements à louer dans des immeubles « pour adultes seulement », « ne convenant pas à des enfants », « pour personnes ou couples seuls » ou « pour professionnels ». Il peut s’agir d’euphémismes visant à exclure les familles avec enfants. Les annonces de ce genre sont interdites par le Code[27]. Or, le problème persiste et les familles avec enfants sont dissuadées de faire des demandes de logement ou se voient refuser l’accès à un logement.

Il peut arriver que des familles avec enfants à la recherche d’un logement soient éconduites, surtout lorsqu’elles demandent d’habiter dans un petit immeuble exploité par le propriétaire ou un appartement accessoire dans une maison. Il est courant d’entendre des locateurs dire que l’appartement « ne convient pas » à une famille avec enfants ou qu’il est « trop petit ». Dans certains cas, ces affirmations peuvent reposer sur la crainte que les enfants vont faire du bruit ou endommager l’appartement. Or, on ne peut invoquer les inconvénients causés par les activités et le bruit que font normalement les enfants pour refuser un logement à des familles[28]. Une mère seule avec un jeune enfant a mentionné qu’un locateur lui a dit qu’il n’y avait pas d’appartement de libre, mais qu’il a dit le contraire à ses amis qui lui ont téléphoné par la suite.

Les mères seules avec enfants plus âgés, en particulier des adolescents et pré adolescents, peuvent avoir encore plus de difficulté à trouver de l’hébergement d’urgence ou un logement permanent. Une femme a mentionné qu’après sa séparation d’avec son mari, elle a eu du mal à louer un logement parce qu’elle avait deux adolescents et un fils plus jeune et que les circonstances ayant entouré la rupture de son mariage avaient jeté de l’ombre sur ses antécédents en matière de crédit et les références de locateurs antérieurs. Elle ne pouvait même pas entrer dans un refuge faute de place ou parce que sa famille n’était pas admissible étant donné qu’elle avait un fils de plus de 16 ans. Elle craignait de ne pouvoir trouver un endroit où habiter à cause du manque d’autres options pour loger ses enfants.

À de nombreuses reprises, on a attiré l’attention de la Commission sur l’exploitation sexuelle répandue des locataires, lorsque que ce sont des mères seules, question qui a été abordée précédemment, dans la section intitulée « Discrimination fondée sur le sexe ». On a également décrit la situation de familles, en particulier de familles monoparentales ayant une jeune femme à leur tête, qui doivent vivre dans des conditions insalubres ou inadéquates.

Des personnes consultées ont indiqué que des locateurs utilisent encore des définitions restrictives de la famille pour expulser des locataires et hausser les loyers. Cette situation résulterait de la suppression des mécanismes de contrôle des vacances en vertu de la Loi de 2006 sur la location à usage d’habitation (LLUH)[29]. Le ministère des Affaires municipales et du Logement (MAML) a fait remarquer que la définition du terme « locataire » a été étendue aux conjoints afin de prévenir le risque d’expulsion en cas de décès ou de départ du locataire initial. Toutefois, cette disposition ne s’applique pas aux immeubles comprenant trois appartements ou moins où vit le locateur. De plus, selon une personne consultée, cette définition touche d’autres membres de la famille, comme les parents, que les locateurs pourraient ne pas reconnaître comme des occupants « autorisés ».

Il se peut qu’on demande à des familles avec enfants de louer un appartement comprenant un nombre précis de chambres en fonction de la taille de la famille, et ce, quelle qu’elle soit. Tel qu’il est mentionné dans la section 4.2, « Méthodes de sélection des locataires », les politiques de ce genre ont pour effet de limiter l’accès des familles avec enfants à des logements. La Commission a souvent entendu dire que des locataires se sentent obligés de mentir sur leur famille pour pouvoir accéder à un appartement convenable, mais qu’ils craignent de le faire par peur de se faire expulser si l’on découvre leurs enfants. Dans certains cas, lorsque les locateurs apprennent l’existence des enfants, ils forcent les locataires à payer un loyer plus élevé (Metro Toronto Chinese & Southeast Asian Legal Clinic – MTCSALC). Dans le même ordre d’idées, bien que les règlements municipaux relatifs à l’occupation des logements soient respectés, certains locataires risquent de subir des hausses de loyer ou de se faire expulser lorsque d’autres membres de la famille emménagent (Community Legal Clinic of York Region).

Par ailleurs, on a soutenu que les politiques relatives aux invités appliquées en conformité avec la Loi de 2000 sur la réforme du logement social (LRLS) ont un effet disproportionné sur les mères seules. Le paragraphe 21 (3) de cette loi autorise les fournisseurs de logements à établir des règles pour l’hébergement temporaire d’invités dans leurs appartements dont le loyer est indexé sur le revenu. On a indiqué à la Commission que ces règles semblent viser les « petits amis » ou les partenaires dont le revenu n’a pas été pris en considération pour le calcul de la subvention. Selon ce qu’on a mentionné, l’application stricte de ces politiques peut produire des effets d’une grande portée sur la capacité des locataires à préserver leur vie privée et à mener une vie normale tout en conservant leur logement. Si l’invité est considéré comme un occupant illégal, le locataire peut perdre sa subvention et se faire expulser. La Hamilton Mountain and Community Legal Clinic a fourni l’exemple suivant.

Nous avons vu un cas où une mère seule ayant la garde de quatre enfants les a fait garder par son ex-mari pendant qu’elle était à l’hôpital au chevet de son enfant de quatre ans qui subissait un traitement contre le cancer. On lui a sans cesse demandé de fournir la preuve que l’homme ne passerait pas la nuit dans l’appartement. Même si la mère a fourni des déclarations sous serment et la preuve que son ex-mari vivait ailleurs, le fournisseur du logement lui a retiré sa subvention et a présenté une requête au Tribunal du logement de l’Ontario pour faire expulser la famille sur la base de témoignages de voisins et du gérant d’immeuble selon lesquels l’ex mari passait des nuits dans l’appartement. L’affaire a été abandonnée quand la soit disant preuve a été contestée, mais cela ne s’est pas fait sans que toute la famille souffre grandement de la situation.

Les Autochtones, et en particulier les femmes autochtones, font souvent l’objet de discrimination en matière de logement locatif en raison de leur état familial. Cet état de fait est attribuable à des stéréotypes et à l’ignorance des us et coutumes sociales, des liens de parenté et de l’importance des familles élargies chez les Autochtones (Ontario Federation of Indian Friendship Centres – OFIFC). On a exprimé l’inquiétude que la définition de l’état familial donnée dans le Code pose un important obstacle aux familles autochtones à la recherche d’un logement. En effet, cette définition ne s’applique pas aux familles élargies, aux réseaux parentaux ou aux structures familiales non traditionnelles, très répandues, ni à la norme sociale et culturelle en vigueur dans les cultures et collectivités autochtones. Enfin, il a été mentionné que les personnes seules, en particulier les hommes autochtones, ont du mal à trouver un logement abordable. Et cela est encore pire dans le cas des Autochtones seuls ayant une maladie mentale, un problème de toxicomanie ou qui sortent de l’itinérance.

En outre, les familles de personnes ayant une maladie mentale sont touchées par les stigmates et la discrimination en matière de logement (People Advocating for Change through Empowerment – PACE). En conséquence, il se peut que ces personnes soient obligées de cacher leur problème de santé mentale ou de toxicomanie et de s’isoler parce qu’elles ont pris leurs distances par rapport à leurs amis, à leur famille et à la collectivité (Fédération des programmes communautaires de santé mentale et de traitement des toxicomanies de l’Ontario - OFCMHAP). Les parents d’enfants qui ont un handicap mental sont parfois surveillés de près par les voisins et le locateur en ce qui touche le bruit ou d’autres agissements liés à l’état de leur enfant. Dans certains cas, les problèmes de ce genre peuvent mener à l’expulsion.

Dossiers criminels et registre des infractions

Bien que les infractions aux lois révélées par le registre ne soient pas un motif de distinction illicite en matière de logement, d’importants problèmes relatifs aux droits de la personne liés à cette question ont été soulevés durant la consultation. Il est question dans la section 4.5, « Application des droits relatifs au logement », des mémoires ayant trait aux modifications du Code.

Environ 10 % des adultes ont un dossier criminel[30]. Des personnes consultées estimaient qu’à cause de la discrimination, de désavantages historiques et d’autres facteurs, il pourrait exister des liens entre les dossiers criminels et les motifs de distinction illicites, tels la déficience, la race ou le fait d’être prestataire d’aide sociale. Ainsi, les Autochtones représentent 16,7 % des délinquants adultes purgeant une peine de ressort fédéral, mais comptent pour seulement 2,7 % de la population adulte du Canada[31]. La racialisation et la criminalisation de la pauvreté peuvent être associées à l’illégalité (John Howard Society of Toronto). Par exemple, la Commission a appris que, pour une infraction équivalente, on a tendance à considérer de façon plus négative les personnes à faible revenu, y compris les assistés sociaux, et à leur imposer des sanctions criminelles plus sévères que les personnes mieux nanties[32].

Selon des témoignages entendus par la Commission, les cas de différences de traitement basées sur les antécédents criminels sont répandus, mais très difficiles à prouver. Dans de nombreux cas, il peut arriver que l’appartement en question ne soit soudainement plus disponible lorsque le locateur apprend, par une vérification ou lors d’une conversation, qu’un éventuel locataire a un casier judiciaire. Dans d’autres cas, des personnes à la recherche d’un logement cessent leur démarche de location d’un appartement convenable lorsqu’on les avertit que des vérifications judiciaires seront effectuées. Et si certaines personnes ayant de tels antécédents réussissent quand même à obtenir un logement, elles se font dire qu’on les surveillera de plus près que les autres locataires. Des situations de ce genre peuvent aussi résulter de l’intersectionnalité entre l’existence d’un casier judiciaire et d’autres motifs de discrimination, comme le fait d’être prestataire d’aide sociale ou racialisé, ou les deux.

Certaines personnes ont exprimé des préoccupations au sujet des politiques générales qui limitent ou interdisent l’accès au logement aux personnes ayant un casier judiciaire, comme cela se produit dans diverses régions des États Unis. Selon l’une d’elles, les possibilités d’assurer le logement à ce groupe très vulnérable seraient anéanties si cette pratique se répandait en Ontario et ailleurs au Canada. Une clinique d’aide juridique a attiré l’attention de la Commission sur l’exemple d’un projet de réduction de la criminalité en cours dans une région de la province, basé sur la collaboration entre un service de police et un fournisseur de logements sociaux, qui pourrait entraîner l’exclusion des personnes possédant un casier judiciaire.

Le CERA a souligné que l’application de telles politiques déboucherait sur la violation des droits des personnes ayant des dépendances ou d’autres handicaps, comme une maladie mentale ou une déficience cognitive, si les fournisseurs de logements ne tiennent pas compte du cas de chaque locataire éventuel. Selon cet organisme, si l’activité criminelle d’une personne est attribuable à son handicap, cette personne ne devrait pas se voir refuser un logement, à moins que le fournisseur de logements puisse prouver que le fait de louer un logement à cette personne causerait un préjudice injustifié.

Le Disability Law Centre du Centre de la défense des personnes handicapées (ARCH) a fait valoir que le fait de joindre aux baux un addenda indiquant l’absence d’antécédents criminels a un effet disproportionné sur les personnes ayant un problème de santé mentale, car la vérification des casiers judiciaires révèle les cas de détention en vertu de la Loi sur la santé mentale[33]. Des observations semblables ont été formulées au sujet des répercussions qu’ont sur les familles racialisées les politiques visant à assurer la sécurité.

À la suite d’interventions ciblant les armes à feu et les gangs de la part du service de police de Toronto, des membres de certaines communautés racialisées, en particulier de la communauté afro-canadienne, ont été la cible de descentes de police et ont donc fait l’objet d’accusations. Les familles des accusés ont ensuite reçu des avis d’expulsion [du fournisseur de logements sociaux] pour cause d’« activités illégales » des locataires. Cette politique de protection stricte de l’ordre public et de « tolérance zéro » cause des préjudices à de nombreuses familles. (MTCSALC)

Discrimination fondée sur l’âge

On a donné à la Commission des exemples de discrimination subie par des personnes situées aux deux extrémités du spectre de l’âge.

Selon ce que la Commission a entendu, la discrimination subie par les jeunes repose habituellement sur une combinaison de motifs : l’âge, la race, l’état d’assisté social, l’état familial ou marital et les handicaps, en particulier la maladie mentale. Ces personnes sont également confrontées à des problèmes résultant du manque de logements sûrs et abordables dans différentes localités de la province. En raison de la discrimination et d’autres obstacles à l’accès au logement, les jeunes peuvent être incités à aller vers des quartiers à haut risque, à retourner dans un milieu familial où sévit la violence, à devenir itinérants ou à payer des frais élevés à des entreprises pour qu’elles leur trouvent un logement. Les maisons de chambres sont une solution répandue. Toutefois, les jeunes qui y vivent, surtout les jeunes femmes, sont exposés à des violations des droits humains.

Les jeunes sont souvent stéréotypés comme irresponsables ou trop fêtards et on dit qu’ils ne paient pas leur loyer ou qu’ils détruisent le bien d’autrui, ce qui leur rend la tâche difficile pour trouver un logement (Housing Help Centre). On a mentionné à la Commission que des jeunes se font dire qu’ils doivent avoir au moins 18 ans pour signer un bail[34]. De plus, les jeunes peuvent être assujettis à des mesures de sélection des locataires qui ne visent pas les autres personnes, comme le paiement direct du loyer. Voir aussi la section 4.2, « Méthodes de sélection des locataires ».

Les jeunes Autochtones, a-t-on mentionné à la Commission, éprouvent d’immenses difficultés à obtenir un logement à cause de l’intersection d’autres motifs : discrimination en raison de l’âge, racisme, revenu, etc. Il se peut que ces jeunes n’aient pas de références de locateurs ou d’employeurs, d’antécédents en matière de crédit ni de garants. Des sociétés d’aide à l’enfance ont fait remarquer que l’exigence voulant que les jeunes ne soient plus admissibles aux services quand ils atteignent l’âge de 18 ans fait en sorte que des jeunes Autochtones sont forcés de quitter le logement familial même s’ils n’y sont pas tout à fait prêts. La Commission a été informée en outre qu’en l’absence de logements sûrs et abordables, ces jeunes, qui sont vulnérables, finissent par loger dans des immeubles où les activités criminelles, dont l’utilisation et le trafic de drogues, sont courantes. Cela peut miner les efforts que déploient les jeunes pour vaincre leurs dépendances ou les forcer à payer des loyers élevés qui ne leur laissent pratiquement aucune marge de manœuvre financière.

Pour les jeunes parents seuls, différents obstacles leur rendent difficile l’accès au logement, tels l’état d’assisté social, le manque de soutien intégré et le fait de ne pas avoir d’antécédents en matière d’emploi, de logement ou de crédit, sans compter qu’ils sont stigmatisés du fait qu’ils sont jeunes et qu’ils ont des enfants (Young Parents No Fixed Address). Dans certains cas, ces deux dernières caractéristiques laissent croire qu’ils ont fait les mauvais choix et qu’ils seraient incapables d’entretenir un logement (Jessie’s Centre for Teenagers). On a fait valoir à la Commission que la combinaison de la discrimination, de l’inexpérience et du manque de ressources peut empêcher les jeunes parents d’assurer un milieu de vie stable et adéquat à leurs enfants. Ainsi, les locateurs peuvent entrer dans leur appartement sans prévenir, faire des avances importunes et refuser d’effectuer les réparations nécessaires. Une clinique d’aide a donné un exemple de remarque stéréotypée formulée lors d’une audience devant la Commission de la location immobilière (CLI); l’arbitre a demandé à une jeune mère seule qui pleurait parce qu’elle avait été expulsée de son logement faute d’avoir payé 400 $ d’arriérés de loyer : « Pourquoi reniflez-vous? Prenez-vous de la drogue? »

Des organismes de défense des intérêts des locataires ont précisé que les locataires âgés se voient souvent refuser un logement parce que les locateurs estiment qu’ils présentent un plus grand risque de blessures et de mortalité ou qu’ils pourraient être incapables de payer leur loyer et d’assurer l’entretien approprié de leur logement. Un certain de nombre de personnes consultées étaient d’avis que les locateurs consentent difficilement à ce que des personnes âgées continuent de vivre en autonomie dans leur logement et que c’est un problème majeur pour ces personnes. Des fournisseurs de logements sociaux souhaitaient jouir d’une plus grande souplesse qui leur permettrait de fixer l’admissibilité des personnes âgées en fonction de leurs besoins et préférences plutôt que du seuil de 65 ans établi à l’article 15 du Code[35].

La suppression des mécanismes de contrôle des vacances pourrait, semble t il, rendre les locataires âgés plus exposés au risque d’expulsion, les locateurs considérant leur présence comme un obstacle à la hausse des loyers. Un porte parole de locataires a raconté avoir assisté à une conférence destinée à des locateurs et à des gérants d’immeuble où un conférencier a décrit les personnes âgées comme un groupe hautement problématique, car « le seul moment où l’on peut s’en débarrasser, c’est quand ils partent pour une résidence pour personnes âgées ou pour le salon funéraire », ce qui a déclenché un rire tonitruant chez la plupart des participants.

Tout au long de la consultation, la Commission a été informée des obstacles à l’accès au logement et du manque de logements auxquels sont confrontées les personnes âgées ayant un handicap, comme la perte d’audition ou de mobilité et une maladie mentale. Il est question de ces problèmes dans la section 4.3, « Le logement et l’obligation d’adaptation »[36].

Handicaps (y compris les maladies mentales)

Le motif du handicap prévu au Code reçoit une large interprétation. Le Code protège les personnes présumées handicapées ou ayant un handicap, tels une maladie mentale, une limitation physique, des sensibilités chimiques et différents autres handicaps, qui les exposent à un traitement inégal en matière de logement et dans d’autres sphères de la vie en société. Les mesures de protection visées dans le Code chevauchent celles de la Convention relative aux droits des personnes handicapées[37], dont les signataires, y compris le Canada, sont tenus de prendre les mesures appropriées pour assurer l’indépendance et la pleine participation à la société des personnes handicapées en matière de logement. Lorsque des personnes handicapées font l’objet de discrimination ou que des possibilités d’accéder à un logement leur sont enlevées, cela crée davantage d’exclusion, d’isolement et de stéréotypes, ce qui peut mener à l’institutionnalisation, à l’itinérance et à une discrimination accrue.

La publicité discriminatoire préoccupait grandement les personnes handicapées. Des mentions dans des annonces, comme « convient à une personne qui travaille » peuvent laisser entendre que les personnes qui reçoivent de l’aide sociale ou qui ne peuvent travailler en raison d’un handicap ou d’un autre motif visé au Code ne sont pas les bienvenues ou n’ont pas à donner suite à ces annonces. Un participant à la consultation a décrit ce qui s’est passé en deux occasions lorsqu’il a téléphoné après avoir vu une annonce de ce genre. Dès qu’il a mentionné qu’il était bénéficiaire du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées (POSPH), un locateur s’est excusé en disant qu’il avait fait une erreur et que le logement était déjà loué et un autre lui a fait comprendre qu’il ne convenait pas pour le logement en question.

La Commission a appris qu’en plus du manque de logements abordables, les stigmates sociaux et la discrimination sont des facteurs importants pour les locataires handicapés. Par exemple, un tiers des personnes vivant avec le VIH/sida signalent avoir subi de la discrimination lorsqu’ils étaient à la recherche d’un logement et 20 %, des stigmates[38]. La Commission a également appris qu’on peut mettre de côté les personnes handicapées au moment du choix d’un locataire par crainte d’avoir à se soumettre à l’obligation d’adaptation. Dans certains cas, les candidats en sont explicitement informés (KCLC). Dans d’autres, les motifs d’élimination des éventuels locataires présentant un handicap, comme une déficience auditive, ne sont pas indiqués au départ, mais il est plus facile de louer un logement à une personne quant on prévoit qu’aucune mesure d’adaptation ne sera nécessaire (Société canadienne de l’ouïe). D’autres problèmes touchant l’adaptation sont abordés à la section 4.3, « Le logement et l’obligation d’adaptation ».

Les mémoires et les échanges de vues portant sur la discrimination basée sur la maladie mentale[39] ont constitué une part importante de la consultation. Les personnes ayant une maladie mentale sont protégées par le Code au titre du motif du handicap, et les principes énoncés dans le document de la Commission intitulé Politique et directives concernant le handicap et l’obligation d’accommodement[40] s’appliquent. Ainsi, les principes du respect de la dignité, de l’adaptation individualisée ainsi que de l’intégration et de la pleine participation doivent s’appliquer également aux personnes ayant une maladie mentale en ce qui touche le logement.

Ces personnes peuvent avoir de la difficulté à reconnaître leur état particulier et, dans certains cas, leur maladie peut réduire leur autonomie et faire en sorte qu’elles ont du mal à s’occuper de leur lieu de vie (PACE). Le manque de connaissance des services de logement et de la façon d’y accéder, l’intimidation et la peur d’être mal comprises peuvent les empêcher d’obtenir l’aide dont elles ont besoin. Les problèmes de ce genre causent des difficultés aux fournisseurs de logements, dont beaucoup font tout leur possible pour se conformer au Code.

Bon nombre de personnes ayant une maladie mentale se sont bien intégrées à la collectivité, mais d’autres vivent dans un logement social subventionné, a-t-on précisé à la Commission. Dans ce contexte, le logement dans une unité d’habitation destinée à de telles personnes peut nécessiter des services sociaux, des soins infirmiers ou la gestion de cas graves. Or, des préoccupations ont été soulevées au sujet du manque de logements avec services de soutien pour les personnes ayant une limitation mentale ou physique. On a également fait remarquer que l’abolition de programmes hospitaliers a placé des personnes ayant une maladie mentale ou une toxicomanie dans des conditions d’existence non sécuritaires qui nuisent à leur traitement et accroissent le risque de rechute.

Le déséquilibre dans le rapport des forces entre locateurs et locataires peut être exacerbé quand ces derniers ont une maladie mentale; ajouté aux stigmates sociaux et à la désinformation, il peut mener à la discrimination et au harcèlement à l’endroit des personnes touchées. Ainsi, on a décrit à la Commission des situations où des locateurs ont chassé des personnes de leur logement une fois qu’ils ont été mis au courant de leur maladie. Dans d’autres cas, pour pouvoir louer un appartement, des personnes ayant une maladie mentale doivent satisfaire à des exigences non imposées à d’autres locataires, par exemple avoir un garant. Voir aussi la section 4.2, « Méthodes de sélection des locataires ».

Selon ce qu’a appris la Commission, même après avoir réussi à louer un logement, les personnes touchées sont toujours exposées à la discrimination et au harcèlement. Certains locateurs, par exemple, peuvent harceler des locataires ou s’abstenir d’intervenir en cas de harcèlement de la part d’autres locataires, ne pas tenir compte des plaintes fondées et permettre que des personnes qui présentent un problème de santé mentale vivent dans des conditions inférieures aux normes à cause d’attitudes négatives et de stéréotypes. Lorsque les locateurs exercent leur droit d’entrer chez un locataire[41], celui-ci, s’il a une maladie mentale, peut être exposé à du harcèlement dans l’éventualité où le locateur lui impose ses valeurs (BIPEP). À l’inverse, les locataires ayant un problème de santé mentale peuvent hésiter à signaler, à juste titre, des problèmes d’entretien nécessitant une réparation dans leur logement parce qu’ils ne peuvent pas déménager pour des raisons d’ordre financier ou autres.

La personne qui a une maladie mentale est confrontée à des problèmes majeurs lorsqu’elle présente une autre ou plusieurs caractéristiques suscitant la discrimination. Par exemple, le BIPEP a mentionné que la difficulté d’accès au logement est accrue exponentiellement pour une femme ayant une maladie mentale qui reçoit de l’aide sociale et fait partie d’une minorité religieuse. L’accès au soutien et aux services appropriés est très difficile pour les personnes ayant des problèmes de santé mentale qui présentent d’autres déficiences, comme des troubles de développement ou une toxicomanie. Faute d’un tel soutien, il se peut que ces personnes ne puissent accéder à un logement ou perdent leur logement parce qu’elles ne respectent pas les règles (PACE).

La situation des jeunes qui ont une maladie mentale est particulièrement difficile en raison de leur relative inexpérience du marché locatif combinée à leur déficience. Selon ce qu’on a confié à la Commission, certains locateurs peuvent être excessivement sévères ou avoir un biais négatif à leur endroit, de sorte qu’ils ont du mal à conserver leur logement.

Les locateurs sont peu tolérants ni empathiques en présence de comportements attribuables à la maladie ou à l’inexpérience. Certains n’ont pas tardé à expulser des jeunes locataires ou à profiter de leur inexpérience ou de leur méconnaissance de leurs droits pour les sommer de quitter leur appartement. (CAS of London and Middlesex)

Les Autochtones ayant une maladie mentale ou une toxicomanie vivent une situation particulière.

L’effet de la colonisation, l’héritage des pensionnats indiens et un certain nombre de facteurs qui en découlent expliquent le taux élevé de toxicomanie, d’abus d’alcool ou d’autres drogues et de maladie mentale chez les Autochtones. Pour ceux parmi ce groupe qui sont touchés d’une manière ou d’une autre, il est particulièrement difficile d’obtenir un logement social ou un logement locatif ordinaire et le risque de se trouver sans domicile fixe est souvent élevé. (OFIFC)

Les personnes présentant un trouble de santé mentale et qui ont un dossier criminel sont particulièrement désavantagées quant il s’agit d’obtenir et de conserver un logement convenable. Certaines sont confinées à l’hôpital ou dans un logement inférieur aux normes parce qu’elles ne peuvent pas obtenir un logement par l’intermédiaire d’un organisme communautaire. La Commission a appris que ces obstacles à l’accès au logement demeurent pendant de nombreuses années après l’infraction criminelle, et ce, même si la Commission ontarienne d’examen a autorisé les personnes en cause à réintégrer la collectivité. (BIPEP)

Race et motifs liés à la race

Les stéréotypes et le parti pris basés sur la race et les motifs liés à la race créent d’importants obstacles au logement. Le Housing Help Centre a indiqué que les personnes d’ascendance africaine ont du mal à trouver un logement parce que les locateurs estiment que ce sont des criminels ou qu’ils ont trop d’enfants. D’autres stéréotypes ont cours selon ce qu’on a révélé à la Commission, par exemple que la consommation de drogues et la violence est plus répandue chez les locataires d’origine africaine et que les personnes racialisées sont sales. Une décision rendue récemment par le Tribunal du logement de l’Ontario établit clairement que les fournisseurs de logements peuvent être trouvés coupables d’avoir formulé des commentaires, ou d’avoir omis de réagir à des commentaires, basés sur des stéréotypes discriminatoires de ce genre et d’avoir agi conformément à ces stéréotypes[42].

Au cours de la consultation, la Commission a reçu des exemples de situations où des personnes racialisées ont subi un traitement différent des autres locataires en raison de leur race[43]. Ainsi, un homme originaire de l’Asie du Sud qui se dit à peau brune a décrit la discrimination dont il a fait l’objet lorsqu’il a tenté de visiter un appartement dans un quartier habité en majorité par des personnes de race blanche :

[...] lorsque j’ai téléphoné pour prendre rendez-vous, [...] j’ai utilisé un accent anglais courant et j’ai pu obtenir un rendez-vous auprès du gérant de l’immeuble, qui était très cordial et est même allé au devant de mes besoins. Or, quand je me suis présenté avec ma famille pour le rencontrer, il a donné différentes excuses qui me paraissaient assez curieuses dans le contexte. Il a affirmé que l’appartement était déjà loué. Plus tard durant la semaine, j’ai fait appeler mon ami de race blanche, qui est allé faire une visite, justement dans l’appartement qui m’intéressait. Mon ami a pu visiter l’appartement et en faire la demande sans problème.

D’autres personnes consultées ont aussi fait état de situations comme celles qu’a vécues cet Ontarien. Selon ce qu’on affirmait à la Commission, dans de nombreux cas, mystérieusement, le logement était « déjà loué », n’était « plus sur le marché », était utilisé par un membre de la famille du locateur ou n’était plus disponible pour quelque autre raison, et ce, dès qu’on s’apercevait que le locataire éventuel était racialisé. La recherche par essais jumelés permet de détecter les cas de discrimination raciale de ce type dans le marché locatif[44]. Toutefois, le CERA a signalé qu’il est difficile de prouver le racisme, car peu de locateurs affirment ouvertement qu’ils refusent de louer un logement à cause de la race et la preuve à faire dans le contexte est généralement circonstancielle. En outre, il a expliqué que le racisme peut être difficile à déceler parce qu’il est souvent systémique, faisant partie intrinsèque des structures du marché de l’habitation.

Certaines personnes racialisées occupant un logement peuvent faire l’objet de discrimination et de harcèlement. Des locataires ont, par exemple, indiqué que leurs demandes de réparation et d’entretien de leur logement restent lettre morte alors que celles de locataires non racialisés sont satisfaites.

La ghettoïsation et la ségrégation d’Afro-Canadiens ou de membres d’autres groupes racialisés, tant dans le secteur du logement subventionné que dans celui du marché locatif privé, ont été longuement débattues. Certaines personnes consultées étaient d’avis que la ségrégation et la stigmatisation des personnes racialisées dans certains ensembles de logements sociaux tiennent à la façon dont ces logements sont attribués. Selon d’autres, les gens choisissent le quartier ou l’immeuble où ils veulent vivre, les immeubles révélant le tissu de la collectivité. L’OFIFC estimait que la discrimination à l’endroit des Autochtones et la pénurie de logements abordables sont des facteurs critiques expliquant la ghettoïsation de cette population. Lorsque des Autochtones cherchent un logement, on les invite à s’adresser à des fournisseurs de logements particuliers et à viser des quartiers précis, où la qualité des logements est moindre mais où on les accepte.

Il a été mentionné à la Commission que des locateurs peuvent refuser les demandes d’Autochtones sur la base de stéréotypes les concernant. Par exemple, selon le Housing Help Centre et d’autres personnes et organisations consultées, les stéréotypes répandus sont que les Autochtones boivent ou prennent de la drogue, qu’ils sont tous bénéficiaires du programme Ontario au travail ou qu’ils ne paient pas leur loyer. Il semble également que les femmes autochtones peuvent se faire poser des questions discriminatoires : avez-vous des enfants? recevrez-vous la visite de membres de votre famille? recevez-vous de l’aide sociale?

Certains Autochtones ont du mal à obtenir un logement et des services sociaux connexes à cause d’obstacles linguistiques et faute de traducteurs, surtout dans le Nord de l’Ontario. Lorsqu’ils cherchent un logement dans le marché locatif privé, les Autochtones peuvent se faire demander de fournir des références écrites, un bail signé et un important dépôt s’ils veulent réserver leur logement, ce qu’on ne demande pas à d’autres personnes. On a signalé d’autres cas de harcèlement de locataires autochtones, en particulier des femmes, sous forme de remarques à caractère raciste, de stéréotypes et d’avances sexuelles de la part du locateur ou de voisins. Le manque d’entretien et de réparation des logements est un autre problème auquel sont confrontés les locataires autochtones.

Les immigrants et les nouveaux arrivants sont très marginalisés dans notre société, ces derniers étant plus exposés au chômage ou au sous emploi, à la pauvreté et à la vie dans des logements locatifs (MTCSALC). Ceux-ci sont particulièrement vulnérables à la discrimination précisément parce qu’ils viennent d’arriver au pays et qu’ils ne sont vraisemblablement pas au courant de leurs droits.

Nous avons vu des cas où les autorités d’un immeuble d’habitation demandent des loyers différents selon que les locataires sont au fait ou pas de leurs droits ou qu’ils ont immigré récemment ou pas. Par conséquent, les immigrants peuvent facilement être exploités par des locateurs sans scrupules et ils sont souvent incapables de prendre des recours en justice même lorsqu’il en existe. (MTCSALC)

Parmi les appels des nouveaux arrivants reçus par le CERA, la majorité proviennent de personnes racialisées, qui font l’objet de discrimination fondée sur l’état d’immigrant en intersection avec des motifs comme la race et d’autres caractères liés à la race. Ainsi, on a signalé à la Commission qu’un locateur peut exiger de tous les nouveaux arrivants la caution de cosignataires, mais qu’il ne se préoccupera que des « odeurs de cuisine » et des « familles élargies » dans le cas de ceux provenant d’Asie du Sud ou d’Afrique. Dès lors, les nouveaux immigrants racialisés doivent surmonter des obstacles supplémentaires lorsqu’ils sont à la recherche d’un logement. Et il semble que la discrimination fondée sur l’origine ancestrale ou ethnique, le lieu d’origine et la citoyenneté ne soit déclarée qu’en partie parce qu’il se peut que les communautés en question ne disposent pas des ressources, financières ou autres, pour lutter contre cette discrimination ou qu’elles ne connaissent pas leurs droits. Les familles n’ayant pas la résidence permanente ni l’état de réfugié craignent la déportation et sont réticentes à porter plainte contre les locateurs.

Les nouveaux arrivants et les immigrants peuvent être exposés à des stéréotypes, par exemple qu’ils ne paient pas leur loyer, qu’ils exploitent le système, qu’ils sont des terroristes, qu’ils ont trop d’enfants ou qu’ils sont violents (Housing Help Centre). Les formes de discrimination signalées à l’endroit de ces personnes durant la consultation portent sur l’obligation qui leur est faite d’avoir des garants avec revenus importants ou de payer d’avance quatre à douze mois de loyer pour obtenir un logement. Ces pratiques continuent même si la Commission d’enquête de l’Ontario a statué qu’elles désavantagent les nouveaux arrivants, qu’elles sont source de discrimination fondée sur la citoyenneté et qu’elles sont illégales en vertu du Code[45]. Voir aussi la section 4.2, « Méthodes de sélection des locataires ».

On s’est interrogé sur le paragraphe 5 (i) de la LLUH, qui stipule que cette loi ne s’applique pas aux « logements dont le ou les occupants doivent partager une salle de bains ou une cuisine avec le propriétaire, son conjoint, son enfant, son père ou sa mère, ou l’enfant, le père ou la mère du conjoint, si l’une ou l’autre de ces personnes vit dans l’immeuble où sont situés les logements ». Ces logements constituent une précieuse source de revenus pour les propriétaires tout en étant abordables pour les locataires. Or, on a informé la Commission que, comme les nouveaux arrivants et les immigrants ont tendance à choisir ce type de logement, ils sont privés de façon disproportionnée des dispositions de la LLUH qui les protègent (MTCSALC). Il est question dans la section 4.5, « Application des droits relatifs au logement », de préoccupations semblables concernant l’exemption de l’application du Code à ce type de logement.

Dans les tables rondes, la Commission a appris que lorsqu’on demande aux nouveaux arrivants un loyer plus élevé qu’aux autres personnes, la seule façon dont ceux-ci peuvent le payer est d’accueillir dans le logement, souvent petit, des membres de la famille élargie, ce qui entraîne un surpeuplement et, donc, exacerbe la discrimination fondée sur le mode d’occupation des logements. Le CERA a signalé, à titre d’exemple, que les nouveaux arrivants et les réfugiés se voient souvent refuser un logement parce que les règlements municipaux relatifs à l’occupation des bâtiments reposent sur une notion « occidentale » de la famille, formée de deux parents et deux enfants.

Orientation sexuelle

Les éventuels locataires peuvent se faire poser des questions indiscrètes sur la nature de leurs relations ou faire l’objet de commentaires déplacés portant sur leur orientation sexuelle. Des personnes et des organisations consultées, dont le Housing Help Centre, ont fait remarquer que les lesbiennes ou les personnes homosexuelles ou bisexuelles peuvent se voir refuser l’accès au logement en raison de l’homophobie dont elles font l’objet. Les gens ne devraient pas être obligés de cacher leur identité, leurs relations ou leur orientation sexuelle pour pouvoir louer un logement. Une femme a parlé d’une occasion où elle a subi de la discrimination et de l’homophobie au moment où elle cherchait un logement avec sa conjointe :

Lorsque nous sommes ensemble, on peut généralement voir que nous sommes lesbiennes. Dès que nous nous sommes présentées, le locateur, qui nous attendait sur le trottoir, n’a pas voulu nous faire visiter l’appartement. Lorsque j’ai insisté pour voir l’appartement, il a répondu que, de toute manière, nous resterions là seulement jusqu’à ce que nous nous mariions et il nous a demandé si nous avions des petits amis. Il a poursuivi en émettant une foule de commentaires négatifs sur d’autres sujets, juste pour nous mettre en colère et, selon moi, nous inciter à partir. J’étais très contrariée et je me suis demandé si c’était la raison pour laquelle nos autres tentatives en vue de trouver un logement avaient échoué.

Les observations présentées au sujet de l’orientation sexuelle et les modifications à apporter au Code sont traitées dans la section 4.5, « Application des droits relatifs au logement ».

Bénéficiaires d’aide sociale

Beaucoup de fournisseurs de logements semblent ignorer que la discrimination envers les bénéficiaires d’aide sociale est interdite en vertu du Code. Cette forme de discrimination peut entraîner le refus patent de louer un logement à quelqu’un qui reçoit de l’aide sociale. Selon ce qu’on a indiqué à la Commission, les travailleurs des services de logement ont de la difficulté à trouver des locateurs prêts à accueillir des assistés sociaux. De plus, les annonces qui mentionnent « pour travailleurs seulement » ou « pour professionnels » ne sont pas rares, ce qui montre à quel point la discrimination à l’endroit des ménages à faible revenu est répandue dans notre société. La KCLC a fait remarquer que la discrimination envers les bénéficiaires d’aide sociale est tellement monnaie courante que beaucoup parmi ceux-ci ne portent pas plainte, se contentant d’en parler lorsqu’ils demandent des services conseils sur d’autres questions.

Dans certains cas, l’hésitation des fournisseurs de logements eu égard aux assistés sociaux peut être attribuable à des malentendus ou à de l’information erronée. Ainsi, le Housing Help Centre a découvert que des organismes représentant des locateurs à Ottawa étaient sous la fausse impression que les assistés sociaux ne peuvent pas obtenir de dépôt de garantie pour le loyer du dernier mois du bail. Dans d’autres cas, la Commission a appris que la réticence des locateurs peut être attribuable à des stéréotypes discriminatoires au sujet des assistés sociaux, par exemple qu’ils ne sont pas fiables ou qu’ils ne peuvent pas payer.

Souvent, les locateurs essaient de justifier la discrimination dont ils font preuve envers les bénéficiaires d’aide sociale par le supposé risque financier que ceux-ci présentent, en soutenant que ces personnes sont plus susceptibles de ne pas payer leur loyer que les travailleurs. Bien sûr, ces dires ne s’appuient sur aucune donnée empirique. Dans la majorité des cas, les arriérés de loyer sont dus à une baisse de revenu imprévue, causée par une perte d’emploi, une limitation soudaine ou l’ajout de responsabilités d’aidant plutôt qu’à l’état d’assisté social au moment de la signature du bail. (CERA)

Même si le locateur a accepté de louer un logement à un prestataire de l’aide sociale, cela ne signifie pas pour autant que cette personne sera traitée sur le même pied que les autres locataires. Une clinique d’aide juridique a décrit une situation où un locateur a tenté d’annuler un contrat de location après avoir su que la locataire était une assistée sociale et a refusé de lui remettre les clés du logement. La locataire avait en main une demande signée et un reçu pour le dépôt de loyer prouvant qu’elle avait le droit d’accès. Dans d’autres cas, les organismes d’aide sociale peuvent être tenus de payer le loyer directement pour les assistés sociaux, et ce, même s’il est démontré que ces personnes peuvent payer leur loyer à temps.

Il a également été porté à l’attention de la Commission que des bénéficiaires d’aide sociale font l’objet de discrimination en matière de logement parce que l’allocation qu’ils reçoivent est trop faible pour leur permettre d’obtenir ou de conserver un logement. Des préoccupations relatives aux droits de la personne ont été exprimées au sujet de certaines pratiques des coopératives concernant les subventions versées aux assistés sociaux et le calcul des loyers basé sur un pourcentage du revenu total ou l’équivalent de la partie de l’aide sociale affectée au logement. Cette question a été portée à l’attention de la Commission dans l’affaire Iness[46] et dans d’autres cas ressortissant à l’aide sociale et aux accommodements. Des mémoires ont indiqué qu’une clarification et une orientation supplémentaires s’imposent à cet égard. Voir aussi la section 5.3, « Pauvreté et niveaux de revenu inadéquats ».

D’après la division de l’Ontario de l’ACSM, environ le tiers des participants au POSPH a fait l’objet d’un diagnostic primaire de maladie mentale. Ces personnes sont particulièrement exposées aux stéréotypes négatifs, par exemple à être considérées comme des « voyous » qui ont décidé de se faire vivre par les contribuables, car leur déficience n’est pas nécessairement apparente (PACE).

Des obstacles particuliers se dressent devant les personnes sans domicile fixe et bénéficiant de l’aide sociale qui veulent trouver un logement. Des personnes consultées, dont des intervenants de l’Algoma Community Legal Clinic, ont indiqué que, dans le cas où les éventuels locataires vivent dans un refuge pour sans-abri, les locateurs ne les rappellent généralement pas. Et s’ils les rappellent, ils raccrochent dès qu’ils se rendent compte que les personnes en question vivent dans un tel endroit. Ce phénomène a été observé en ce qui touche les femmes qui résident dans des refuges pour victimes de violence[47].

4.2. Méthodes de sélection des locataires

Lorsqu’on examine la question du choix des locataires et les raisons légitimes de restreindre l’accès au logement, il est important de se rappeler que le logement est considéré comme un droit humain fondamental dans les conventions internationales ratifiées par le Canada[48]. Les pratiques de sélection des locataires doivent se conformer à cette façon d’envisager l’accès au logement et à une interprétation large et progressiste des dispositions de l’article 2 du Code. Cela impliquerait l’application de l’obligation d’adaptation sans préjudice injustifié lorsqu’on évalue et choisit des locataires; voir aussi la section 4.3, « Le logement et l’obligation d’adaptation ». Lorsque des fournisseurs de logements ont des motifs légitimes de refuser de louer un logement à quelqu’un, cela n’occulte pas l’obligation sociale et gouvernementale de veiller à ce que la personne soit logée convenablement.

Les pratiques de sélection des locataires préoccupaient autant les locataires que les locateurs, qui ont souligné que le Code n’énonce pas d’exigences et de questions précises considérées comme acceptables et inacceptables. Dans l’ensemble, il y avait consensus parmi les personnes consultées sur la nature des méthodes de sélection appropriées qui seraient conformes au Code. Les locataires et les défenseurs de leurs droits divergeaient d’opinion sur la question de savoir quelles exigences sont légitimes. Les fournisseurs de logements étaient pour le maintien des pratiques actuelles et estimaient que les orientations données dans le paragraphe 21 (3) du Code et le Règlement de l’Ontario 290/98 assurent un bon équilibre entre les droits des locataires et les besoins commerciaux des locateurs.

Les locataires et leurs représentants ont soulevé les difficultés que posent certaines des pratiques les plus répandues auprès des locateurs, des fournisseurs de logements et des agences qui effectuent la sélection des locataires. Selon les locataires, les facteurs de discrimination les plus communs faisant obstacle à l’accès au logement sont les exigences relatives au revenu minimum, au crédit, aux références, aux cosignataires et aux garants et les rapports loyer revenu. Selon ce qu’on a précisé à la Commission, la plupart du temps, plus d’une exigence est imposée, de sorte qu’il est encore plus difficile pour les éventuels locataires d’y répondre et qu’ils risquent davantage d’être sous logés, d’habiter dans des logements de mauvaise qualité ou de se retrouver sans domicile fixe. Leurs porte-parole soutenaient que les pratiques discriminatoires semblent être la norme, ce qui jette le discrédit sur l’administration de la justice.

La Commission reconnaît que les fournisseurs de logements ont un intérêt légitime à employer des techniques non discriminatoires de choix des locataires. Le Landlord’s Self Help Centre a indiqué que le processus de sélection des locataires est une pratique d’affaires fondamentale, destinée à réduire les risques et à prévenir les pertes financières potentielles. Un grand nombre de fournisseurs de logements de tous les types estimaient qu’il est important pour eux de pouvoir déterminer si les éventuels locataires pourront payer leur loyer et les maintenir en bon état.

Certains fournisseurs de logements ont souligné l’importance de choisir les locataires par des pratiques d’affaires non discriminatoires étant donné que les démarches d’expulsion en cas de non paiement du loyer prennent des mois, période pendant laquelle le locateur doit payer l’hypothèque, les taxes, les services publics et les réparations. Ceux-ci, dont le St. Joseph’s Care Group, ont mentionné que les coûts occasionnés par les cas problématiques, dont les arriérés de loyer, les frais liés à la CLI et le risque de dommages aux logements, peuvent être importants. Les fournisseurs de logements sociaux ont précisé qu’ils sont davantage exposés à ces risques que les fournisseurs du secteur locatif privé, car ils peuvent moins absorber ces frais supplémentaires et ne disposent pas des moyens de réduire les risques.

Par ailleurs, les défenseurs des droits des locataires étaient d’avis que le choix des locataires compte pour peu dans la viabilité générale d’une entreprise de logements locatifs[49] et que la réduction du pouvoir de sélectionne causerait pas de préjudice injustifié aux locateurs. Ils ont également exprimé l’opinion qu’il y aurait un avantage commercial à réduire les critères de sélection au minimum, à savoir que les logements seraient loués plus rapidement et que les taux de vacance diminueraient.

Les fournisseurs de logements craignaient en outre qu’on puisse considérer qu’ils ont agi de façon discriminatoire au titre d’un motif prévu au Code même s’ils ont rejeté la candidature d’un éventuel locataire pour des raisons légitimes, parce qu’il avait de mauvaises références ou que son revenu était manifestement trop bas. En conséquence, ils ressortait qu’ils ont intérêt à ce qu’on leur indique plus clairement ce qui est permis et ce qui ne l’est pas. Comme l’a fait remarquer la division de l’Ontario de l’ACSM, il doit y avoir une souplesse et un équilibre permettant de défendre les droits des locataires tout en protégeant les locateurs d’éventuels préjudices.

Le CERA et le SRAC estimaient qu’un changement s’impose dans la façon dont les locateurs choisissent les éventuels locataires. Selon eux, dans le secteur du logement locatif, les locateurs ne devraient pas refuser une occasion de louer à moins de pouvoir expliquer de façon claire et convaincante pourquoi une demande doit être rejetée, au lieu que le fardeau de la preuve repose sur les épaules de l’éventuel locataire. On a demandé que les locataires soient acceptés selon l’ordre d’arrivée des demandes, en vertu du principe qu’il n’existe pas de raisons légitimes de disqualifier quelqu’un. Il faudrait attribuer chaque logement à la première personne qui a demandé à le louer, comme c’est le cas pour les demandes de service de téléphone ou d’électricité.

Enfin, des personnes consultées ont mentionné que les arriérés de loyer peuvent s’expliquer d’une foule de manières[50], dont plusieurs ne peuvent être prévues au moyen des méthodes de sélection couramment utilisées par les locateurs. Ainsi, selon la Federation of Metro Tenants’ Associations, en réalité, aucune vérification du crédit ou du revenu ni aucune autre pratique d’affaires autorisée par le Règlement de l’Ontario 290/98 n’empêche un locataire de perdre son emploi, de tomber gravement malade ou de vivre un éclatement de sa famille.

Paragraphe 21 (3) du Code et Règlement de l’Ontario 290/98

En vertu de l’article 10 de la LLUH, les locateurs peuvent choisir les locataires en utilisant des renseignements autorisés dans la réglementation au titre du Code. Le paragraphe 21 (3) du Code et le Règlement de l’Ontario 290/98 permettent aux locateurs de demander aux éventuels locataires de l’information sur le revenu seulement s’ils demandent aussi, et en tiennent compte en même temps, des références concernant le crédit, les antécédents de location et les résultats des vérifications du crédit[51]. L’information sur le revenu renseigne le locateur sur le montant, la source et la stabilité du revenu d’un locataire éventuel. Tous ces moyens d’évaluation doivent être utilisés de bonne foi, de façon raisonnable et sans discrimination[52].

Pour la plupart, les locateurs et les fournisseurs de logements estimaient que la réglementation donnait une orientation suffisante sur la façon d’utiliser les vérifications du crédit et des références de manière non discriminatoire. Par contre, selon la majorité des représentants des groupes de défense des droits des locataires, le paragraphe 21 (3) et le règlement ne sont pas clairs, ce qui peut entraîner de la discrimination. On a observé un large consensus chez ceux ci sur le fait qu’il n’est pas suffisant de demander aux locateurs d’utiliser l’information à caractère financier et autre sur les locataires éventuels pour assurer l’absence de discrimination. L’exemple suivant a été fourni pour illustrer ce propos :

(...) Si un locateur peut utiliser une combinaison de renseignements financiers pour évaluer un locataire éventuel, il peut l’utiliser de manière discriminatoire. Si, lors d’une vérification du crédit, le locateur apprend que le locataire éventuel participe au POSPH et que sa cote de solvabilité n’est pas parfaite, parce qu’il a payé une facture en retard par exemple, il pourrait s’appuyer sur cette information pour justifier le refus de lui louer un logement, simplement parce qu’il ne veut pas avoir un participant au POSPH comme locataire. (Housing Help Centre)

La majorité des locateurs utilisent l’information sur le revenu pour vérifier l’identité d’un locataire éventuel et sa capacité de payer le loyer. Toutefois, les défenseurs des droits des locataires craignaient que l’information sur le revenu, comme un talon de chèque de paie ou de prestation d’aide sociale, serve à prendre des décisions basées sur la source du revenu plutôt que sur le revenu comme tel. Par exemple, on peut utiliser cette information de manière discriminatoire pour mettre de côté des locataires éventuels parce qu’ils bénéficient de l’aide sociale au lieu de travailler (Children’s Aid Society of Toronto – CAST). Tel qu’il est indiqué dans la section 5.3, « Pauvreté et niveaux de revenu inadéquats », l’écart entre l’allocation de logement versée aux assistés sociaux et le montant du loyer à payer en Ontario peut inciter davantage les fournisseurs de logements à refuser les assistés sociaux en raison de leur revenu.

Le CERA et le SRAC étaient d’avis que l’information sur le revenu ne devrait pas servir à disqualifier d’éventuels locataires, sauf dans des cas extrêmes, par exemple lorsque l’information révèle clairement l’existence d’activités illégales ou que l’éventuel locataire indique qu’il n’a pas l’intention de payer. On soutenait qu’en l’absence d’antécédents de loyers impayés, il est raisonnable de supposer que la personne souhaite louer un logement qu’elle pourra s’offrir. Enfin, le CERA et le SRAC ont mentionné que si le locataire éventuel n’a pas de revenu apparent, le locateur devrait pouvoir vérifier d’où cette personne tirera les sommes nécessaires pour payer le loyer; cependant, l’absence de revenu ne devrait pas servir à disqualifier un éventuel locataire, sauf dans des cas extrêmes.

Pour leur part, les fournisseurs de logements ont fait remarquer qu’il est très difficile pour les locataires de payer leur loyer si leurs autres dépenses sont trop élevées et leur revenu est insuffisant. Selon certains, il doit y avoir un seuil au dessus duquel on peut légitimement établir qu’un appartement particulier n’est pas abordable pour une personne donnée, pour le bien des deux parties.

Comment une personne peut-elle payer un loyer qui dépasse son revenu? Faire signer un bail à une personne incapable de payer son loyer mène à l’expulsion, à des procédures de perception et à une baisse de la cote de solvabilité, et entraîne d’autres conséquences négatives pour cette personne pendant de nombeuses années à venir. (St. Joseph’s Care Group)

Critère de revenu minimum et rapports loyer-revenu

L’utilisation du critère de revenu minimum, par exemple qu’il ne faut pas consacrer plus de 30 % de son revenu pour payer un loyer, et son effet discriminatoire sur les personnes protégées par le Code suscite des inquiétudes depuis longtemps. La Commission est d’avis que le paragraphe 21 (3) du Code et le Règlement de l’Ontario 290/98 ne permettent pas aux locateurs d’utiliser un critère de revenu minimum ni aucun autre critère relatif au revenu ou des rapports loyer revenu[53]. Néanmoins, il appert que des locateurs de différents types maintiennent cette pratique. Selon le CERA et le SRAC, l’application de critères de revenu minimum est davantage répandue chez les fournisseurs de logements du secteur public, sans but lucratif et de coopératives, car ceux ci cherchent à constituer des bassins de locataires présentant un « profil de revenus acceptable ».

Les principaux motifs d’inquiétude au sujet de l’application de critères de revenu minimum sont qu’ils ont un effet systémique sur les groupes protégés par le Code et qu’ils ne permettent pas de prévoir la capacité d’un locataire de payer le loyer[54]. On a mentionné à la Commission que beaucoup de membres de groupes protégés par le Code, y compris des personnes ayant une maladie mentale, vont décider de consacrer 70 à 80 % de leur revenu au loyer plutôt que 20 à 30 %, soit le ratio loyer revenu habituel. Dans la pratique, si l’on considère l’écart entre le salaire minimum ou le revenu d’aide sociale et les loyers moyens dans la province, la majorité des locataires consacrent beaucoup plus que 30 % de leur revenu au paiement de leur loyer mensuel.

Le CERA et le SRAC ont donné des exemples illustrant les pièges de la règle des 30 % du revenu :

  • un locataire éventuel ayant un revenu brut de 900 $ par mois et qui souhaite louer un logement de plus de 300 $ par mois serait disqualifié;
  • on disqualifierait aussi dans près de la moitié des cas un chef de famille monoparentale avec un enfant, qui gagne un salaire annuel de 50 000 $, car 30 % de son revenu mensuel équivaut à environ 1 250 $ par mois alors que le loyer moyen d’un appartement à deux chambres dépasse 1 000 $ par mois à Toronto.

Numéros d’assurance sociale

Certains fournisseurs de logements demandent aux locataires éventuels de fournir leur numéro d’assurance sociale (NAS), généralement en indiquant que c’est pour faire une vérification de solvabilité. Bien qu’il soit pratique d’utiliser ce numéro pour faire une telle vérification, les locateurs peuvent se servir d’autres renseignements pour ce faire. Des personnes consultées estiment que le NAS est une donnée très privée dont la divulgation expose son titulaire au vol d’identité. Service Canada déconseille fortement aux entités du secteur privé, y compris aux locateurs qui négocient des baux, de demander le NAS[55].

L’ACSMO a mentionné qu’il arrive souvent que des personnes ayant une maladie mentale perdent ou se font voler leur carte d’assurance sociale pendant les périodes où elles sont itinérantes, de sorte qu’elles risquent de devoir y rester si on leur demande leur NAS. De plus, le CERA a signalé qu’un NAS permet de déterminer que son détenteur est un réfugié, ce qui accroît le risque de discrimination envers sa famille.

Vérifications de casier judiciaire et d’antécédents criminels

Les vérifications de casier judiciaire et d’antécédents criminels seraient une pratique passablement répandue, surtout chez les fournisseurs de logements sociaux, même si elles ne sont pas autorisées en vertu du paragraphe 21 (3) du Code et du Règlement de l’Ontario 290/98.

Dans beaucoup de cas, les formules de demande de location et les entrevues avec les locataires éventuels comprennent des questions indiscrètes sur les antécédents criminels et sur la nature des accusations et des condamnations s’il y a lieu. Certains fournisseurs de logements spécialisés refusent des locataires pour cause d’antécédents criminels ou, s’ils les acceptent, ils exigent qu’ils fassent l’objet d’une supervision plus étroite, désignée sous l’euphémisme « soutien ». (John Howard Society of Toronto)

De l’avis des fournisseurs de logements, ces vérifications constituent un moyen raisonnable d’évaluer les risques que présentent les locataires éventuels. D’autres intervenants estimaient que le droit au logement est tellement fondamental qu’il ne faut pas le brimer simplement parce qu’on suppose qu’une personne qui a déjà commis une infraction pourrait en commettre une autre. On a signalé à cet égard que les locateurs disposent d’autres façons d’agir dans les cas d’activités illicites ou de défaut de payer le loyer. Il a été mentionné en outre que si les locateurs avaient le droit de vérifier les antécédents criminels des éventuels locataires, il serait difficile de loger les personnes ayant déjà commis un acte criminel, qui forment un groupe déjà très exposé au risque de se retrouver sans domicile fixe. Dans de nombreux cas, le seul fait qu’une vérification de casier judiciaire soit requise décourage les personnes ayant des antécédents criminels de faire une demande de logement; ils vont mettre fin à leur démarche plutôt que d’attendre que le locateur refuse leur demande.

Les responsables des Parkdale Community Legal Services ont sensibilisé la Commission au fait que les vérifications de casiers judiciaires peuvent avoir un effet néfaste sur les personnes ayant une maladie mentale[56]. Le CERA et le SRAC ont également exprimé l’opinion selon laquelle limiter l’accès au logement sur la base d’un casier judiciaire pourrait constituer une violation du Code si l’activité criminelle en question était au moins en partie attribuable à une déficience, telle une toxicomanie ou un handicap mental ou cognitif. Dans ces situations, le fournisseur de logements serait tenu d’accommoder la personne sauf si cela lui causait un préjudice injustifié. La Commission a eu le plaisir d’apprendre que lorsque les fournisseurs de logements ont été avertis de ce fait, certains ont décidé de ne pas faire de vérifications des antécédents judiciaires. Voir aussi la rubrique « Dossiers criminels et registre des infractions » dans la section 4.1, « Discrimination fondée sur des motifs prévus au Code ».

Dépôts de loyer

La LLUH permet aux fournisseurs de logements de demander un dépôt équivalant au loyer du dernier mois[57]. La FRPO a indiqué que c’est le seul type de dépôt de sécurité qu’un locateur a le droit de prélever en Ontario et que c’est acceptable pour les locataires tout en étant une pratique d’affaires légitime de la part des locateurs. Cependant, cette pratique, a-t-on mentionné à la Commission, peut priver de logement des personnes à faible revenu, en particulier les assistés sociaux. Voici ce qu’a déclaré l’Algoma Community Legal Clinic :

Les personnes participant au programme Ontario au travail et au Programme de soutien aux personnes handicapées ne peuvent recevoir de prestation pour l’établissement d’un nouveau domicile et le maintien dans la collectivité (donc un montant pouvant servir de dépôt) sans avoir obtenu une lettre d’intention d’un locateur garantissant la location d’un appartement. Toutefois, il arrive souvent que le locateur ne garantisse pas la location de l’appartement sans avoir obtenu un dépôt. Il s’ensuit qu’un grand nombre d’unités de logement disponibles ne sont pas accessibles à ces personnes.

Au cours d’une rencontre avec de nouveaux arrivants bénéficiant de services fournis par COSTI et tout au long de la consultation, la Commission a appris qu’on demande des sommes exorbitantes comme dépôt à des locataires éventuels pour la location d’un logement. Dans les cas les plus flagrants, les locataires éventuels, dont beaucoup étaient des Autochtones, des nouveaux Canadiens ou des résidents permanents, ont dû payer comptant jusqu’à 12 mois de loyer avant de pouvoir occuper leur nouveau logement.

Beaucoup de clients sont de nouveaux arrivants au Canada et ne connaissent pas leurs droits comme locataires. Ils se sentent obligés d’obtempérer et trouvent extrêmement ardu de subir toute cette pression au moment où ils doivent surmonter d’autres difficultés dans tous les aspects de leur vie. Parfois, ils doivent vider leur compte de banque et emprunter de l’argent à des parents pour satisfaire à cette exigence. Et s’ils ne se trouvent pas d’emploi rapidement, comme c’est souvent le cas, ils sont forcés de demander de l’aide sociale. Cette situation pourrait être évitée si ces gens pouvaient garder leur argent à la banque. (Flemingdon Neighbourhood Services)

Cosignataires, garants et demandes de paiement direct 

La Commission estime qu’il est approprié qu’un fournisseur de logements demande un cosignataire ou un garant s’il a des motifs légitimes de le faire, par exemple si le locataire éventuel présente des antécédents de défaut de paiement de loyer[58]. La FRPO soutient que les demandes de garant sont justifiées dans certains cas, par exemple lorsque le locateur craint que le locataire éventuel ne puisse pas payer le loyer ou lorsque l’argent du loyer est payé par une autre personne, qu’il n’existe pas d’antécédents de location ou que le dossier de crédit n’est pas assez étoffé.

Des groupes de défense des droits des locataires ont soutenu devant la Commission que, dans la plupart des cas, on demande un garant seulement parce que le locataire éventuel appartient à un groupe protégé par le Code. En règle générale, la signature d’un garant est exigée des mères seules, des nouveaux arrivants et des réfugiés, des jeunes, des assistés sociaux et des personnes qui risquent le plus d’avoir un faible revenu à cause de l’intersection de motifs prévus au Code, comme dans le cas d’une mère autochtone seule. On peut demander à un service de protection de l’enfance d’être cosignataire d’un bail dans le cas où un jeune devient indépendant, et ce, même si le locataire éventuel n’a pas d’antécédents de location et n’a jamais eu d’arriérés de loyer. (CAST)

Certaines personnes se conforment à de telles exigences simplement pour avoir un logement, mais d’autres qui n’ont pas la possibilité d’y satisfaire restent bredouilles. Ainsi, beaucoup de nouveaux arrivants n’ont pas de parents ni d’amis au Canada et ne peuvent fournir de garant. Par ailleurs, on a mentionné à la Commission que les personnes ayant un problème de santé mentale ont tendance à avoir moins de contacts avec leur famille et des amis et ne peuvent, par le fait même, trouver de garant ou de cosignataire sur le marché privé. Il se peut même que les demandeurs à faible revenu faisant partie d’un groupe qui revendique l’égalité ne connaissent personne d’assez fortuné pour agir comme garant, car il arrive que les locateurs exigent que le garant ait un revenu annuel de 100 000 $ ou plus.

Enfin, un nombre croissant de fournisseurs de logements exigent que les loyers soient payés directement par des services sociaux ou proviennent d’une autre source de revenu même s’il est démontré que l’éventuel locataire peut payer son loyer à temps. C’est souvent ce qui se passe dans le cas de bénéficiaires d’aide sociale, en particulier s’ils viennent d’arriver au Canada. (Hamilton Mountain Community and Legal Services Clinic)

Vérifications du crédit 

On a dit à la Commission que beaucoup de locateurs font des vérifications du crédit; toutefois, l’information obtenue de cette façon constitue une faible approximation de la véritable capacité de payer de l’éventuel locataire. Un bon nombre de personnes consultées ont soutenu qu’il se peut que des gens n’aient pas une bonne cote de crédit parce qu’ils paient leur loyer en priorité, avant leurs autres frais. Le Jessie’s Centre for Teenagers a indiqué que, dans certains cas, une mauvaise cote de crédit peut être liée à des motifs prévus au Code. Inversement, selon le Housing Help Centre, un locataire ayant une bonne cote de crédit aurait pu facilement être expulsé ou avoir déménagé sans avis, car ces questions vont rarement jusqu’à l’agence d’évaluation du crédit.

Bien que les renseignements sur le crédit puissent être utilisés de façon juste, la Commission a été informée que si on les utilise de manière rigide, cela peut empêcher des membres de groupes revendiquant l’égalité d’accéder à un logement, y compris les nouveaux arrivants et les réfugiés, les jeunes qui cherchent un premier logement et les femmes qui viennent de rompre une relation conjugale. Le CERA et le SRAC ont proposé qu’on tienne compte des mauvaises cotes de crédit ou références seulement lorsqu’elles se rapportent au non-paiement du loyer (et non des autres frais), comme le font d’autres fournisseurs de services essentiels, le téléphone et l’électricité par exemple, et que l’obligation d’adaptation devrait aussi s’appliquer.

Assurance de responsabilité locative 

On a signalé à la Commission que certains locateurs exigent aux demandeurs de fournir une preuve d’assurance de responsabilité locative, qui coûte en moyenne 30 $ par mois, avant de leur louer un logement. Comme CAST l’a fait remarquer, cette exigence a un effet négatif sur les personnes à faible revenu, les ménages bénéficiant de l’aide sociale, les familles monoparentales pauvres, les jeunes et les nouveaux arrivants. De plus, elle pose un obstacle financier aux Autochtones et aux membres des communautés racialisées (CERA/SRAC).

Antécédents de location et références de locateurs antérieurs

Il est légitime que les fournisseurs de logements cherchent à savoir si les demandeurs paient leur loyer à temps et s’ils ont des antécédents de location révélant leur bon comportement. Néanmoins, les groupes de défense des droits des locataires ont mentionné que bon nombre de personnes ne peuvent pas présenter de références d’anciens locateurs. C’est le cas, notamment, des nouveaux arrivants, des réfugiés, des jeunes à la recherche d’un premier loyer, des femmes qui viennent de rompre une relation conjugale et des sans abri. De même, il se peut que les Autochtones venant d’une réserve ne puissent pas fournir de références d’un locateur du secteur privé en raison des modes de propriété et d’attribution des unités d’habitation dans les réserves. On a fait valoir que l’absence d’antécédents de location ne doit pas être considérée comme un mauvais dossier à cet égard.

Dans certains cas, les références ne sont pas considérées comme valables en raison de la nature des logements occupés antérieurement. Selon ce qu’on a indiqué à la Commission, le refus des locateurs d’accepter les gens dont les seules références proviennent de maisons de chambres produit un effet disproportionné sur les jeunes et les assistés sociaux.

Il peut aussi arriver que de mauvaises références de locateurs antérieurs soient liées à des motifs prévus au Code, tels l’état familial ou un handicap, et un défaut de prendre des mesures d’adaptation. Par exemple, un locateur antérieur peut fournir des commentaires négatifs à cause du comportement des enfants ou parce que ceux-ci faisaient du bruit, pourtant dans des limites raisonnables, ou encore à cause d’un comportement associé à un handicap mental. Certaines personnes consultées estimaient qu’il peut être approprié de poser des questions sur les expulsions passées, alors que d’autres étaient d’avis que les personnes ayant une maladie mentale risquent davantage de voir leur demande rejetée dans les cas où les antécédents de location sont un des facteurs d’évaluation des dossiers des éventuels locataires. Qui plus est, la Commission a été mise au fait que ces personnes courent plus de risque de se faire expulser pour manque d’accommodement par les fournisseurs de logements et parce qu’elles ont de la difficulté à se défendre en cas d’expulsion.

On a aussi exprimé des préoccupations concernant les exigences qui touchent la durée de résidence, qui constituerait un obstacle systémique à l’accès au logement. Selon l’OFIFC, beaucoup d’Autochtones sont plus mobiles que les non Autochtones parce qu’ils vont et viennent entre les villes et les réserves pour des raisons liées à l’emploi, à la famille, à l’accès aux soins de santé et à la discrimination. Le refus de louer un logement à ces personnes sous prétexte qu’elles ne demeurent pas longtemps au même endroit peut constituer un obstacle systémique à l’accès au logement.

Arriérés de loyer 

On a soulevé la question des arriérés de loyer en tant qu’obstacle à l’accès au logement eu égard aux logements à loyer indexé sur le revenu. Une des conditions d’admissibilité à ce type de logement est l’absence d’arriérés de loyer dus à un fournisseur de logements sociaux (MAML). Des défenseurs des droits des locataires ont mentionné à la Commission que certains fournisseurs de logements de ce type demandent un dossier de location « intact » pendant 12 mois et que d’autres ne traitent pas les demandes tant que tous les arriérés de loyer ou les frais exigés pour dommages envers d’anciens locateurs ne sont pas payés. Lorsque des organismes communautaires essaient de défendre la cause d’éventuels locataires à faible revenu et élaborent des plans de paiement des arriérés de loyer, il arrive que les fournisseurs de logements ne voient pas ces démarches d’un bon œil et préfèrent louer à quelqu’un d’autre.

Confirmation d’emploi

Dans le secteur du logement locatif privé, beaucoup de fournisseurs de logements préfèrent louer aux « travailleurs ». Certains exigent que les locataires travaillent à plein temps pour le même employeur depuis un certain temps[59]. Selon des personnes consultées, l’obligation de fournir des références concernant l’emploi peut être un moyen de rejeter les demandes des personnes jugées indésirables parce qu’elles n’ont pas un revenu suffisant ou pour des motifs prévus au Code, ou les deux. On a mentionné à la Commission que les membres des groupes suivants, protégés en vertu du Code, subissent un effet négatif lorsqu’on leur demande une confirmation d’emploi :

  • les personnes ayant une maladie mentale ou un autre handicap les empêchant de travailler;
  • les assistés sociaux recevant des prestations du POSPH ou du programme Ontario au travail;
  • les personnes âgées qui reçoivent des prestations du Régime de pension du Canada;
  • les Autochtones qui ont un emploi saisonnier, qui travaillent à contrat ou qui dépendent entièrement ou partiellement de la chasse pour subsister;
  • les personnes qui ne peuvent pas travailler parce qu’elles doivent prendre soin de quelqu’un;
  • les jeunes et les étudiants, qui sont plus susceptibles d’occuper un emploi de courte durée ou à temps partiel et d’avoir un dossier d’emploi portant sur une courte période.

Il a été mentionné que, dans la pratique, la vérification de l’emploi peut renseigner sur la capacité de payer le loyer, mais il n’existe aucune garantie que le locataire ne sera pas mis à pied ou qu’il ne deviendra pas inapte au travail dans l’avenir. De plus, il se pourrait que le revenu d’emploi ne suive pas toujours les hausses de loyer que doivent payer les locataires à long terme (Housing Help Centre).

Assurances et contrats non exigés d’autres locataires

Certains fournisseurs de logements peuvent poser comme condition préalable aux locataires éventuels ayant une maladie mentale qu’ils fournissent l’assurance verbale ou écrite qu’ils utiliseront des médicaments d’ordonnance ou se soumettront à des traitements pour problèmes psychiatriques (BIPEP). De plus, il peut arriver qu’on demande aux locataires qui reçoivent une subvention de signer un contrat les obligeant à en informer leurs voisins de façon que les sommes reçues en trop soient signalées. Des exigences de ce type pourraient constituer des atteintes à la dignité et aux droits de personnes protégées par le Code.

Règles d’occupation

Durant la consultation faisant l’objet du présent rapport et la consultation portant sur l’état familial menée antérieurement, on a attiré l’attention de la Commission sur l’incidence des règles d’occupation arbitraires sur les familles avec enfants. Par exemple, il a été jugé discriminatoire de refuser un appartement à trois chambres à une mère seule avec trois enfants pour le motif qu’un appartement de cette taille devrait être destiné à un couple avec deux enfants selon la « norme canadienne »[60]. Des politiques de ce genre posent un obstacle particulier à l’accès au logement aux familles de personnes « non occidentales » ou aux familles élargies. De même, les règles portant sur l’occupation partagée de chambres par des enfants de sexe opposé constituent un obstacle discriminatoire aux familles à la recherche d’un logement locatif adéquat.

Tel qu’il est indiqué dans le document de la Commission intitulé Politique et directives concernant la discrimination au motif de l’état familial, les politiques relatives à l’occupation doivent reposer sur des exigences de bonne foi[61]. Or, la Commission a appris que de nombreuses politiques sur l’occupation semblent être basées sur les suppositions et préférences personnelles des fournisseurs de logements plutôt que sur des règlements municipaux relatifs à la santé et à la sécurité ou au surpeuplement des logements.

Chaque famille souhaite louer un appartement qui comprend une chambre pour chacun des enfants, mais la réalité en Ontario fait que les grands appartements sont rares et chers. Beaucoup de familles ne peuvent tout simplement pas se payer ou trouver de tels appartements. Les politiques d’occupation arbitraires forcent les familles avec enfants à louer des logements de piètre qualité et insalubres, à demeurer dans des refuges ou à partager un logement avec une autre famille ou des amis pendant une longue période. En l’absence de préoccupations légitimes concernant la santé ou la sécurité, il devrait appartenir aux familles, et non aux locateurs, de déterminer la taille de l’appartement qui répond le mieux à leurs besoins. (CERA/SRAC)

On a soutenu devant la Commission que les règles sur l’occupation appliquées par les fournisseurs de logements sociaux ou de logements coopératifs posent des problèmes particuliers, car elles sont énoncées dans des politiques et des règlements qui ne sont pas faciles à modifier et qui sont parfois fondés sur des directives gouvernementales. Ainsi, le Règlement de l’Ontario 298/01, qui met en application la LRLS, établit qu’il doit y avoir « une chambre par groupe de deux membres du ménage »[62]. Suivant la Norme nationale d’occupation, élaborée par la Société canadienne d’hypothèques et de logement, les parents devraient occuper une chambre distincte de celle de leurs enfants et les enfants de sexe opposé qui ont plus de cinq ans ne devraient pas partager une chambre [63] . Un fournisseur de logements de l’Ontario qui applique de telles politiques pourrait être accusé de discrimination s’il ne peut démontrer qu’il s’agit d’une exigence de bonne foi selon les paramètres établis par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Meiorin [64] . Par exemple, si des fournisseurs de logements sociaux constatent que des administrations publiques (ou d’autres intervenants) leur imposent des obstacles, ils ont l’obligation de faire les démarches nécessaires pour que des modifications soient apportées ou que les obstacles en question soient supprimés [65]. La Commission estime pour sa part que les administrations publiques ont l’obligation de collaborer avec les fournisseurs en vue de supprimer ces obstacles.

On a mentionné à la Commission que lorsque des politiques de ce type sont appliquées sans souplesse, cela peut empêcher des familles à faible revenu d’accéder à l’ensemble du parc de logements subventionnés. Ainsi, une mère seule et son jeune fils peuvent se voir refuser la location d’un appartement à une chambre en conformité avec une politique sur l’occupation, et ce, même si la liste d’attente pour les appartements à deux chambres est très longue.

4.3. Le logement et l’obligation d’adaptation

L’obligation de prendre des mesures d’adaptation sans préjudice injustifié s’applique aux fournisseurs de logements et à d’autres fournisseurs de services connexes, tels que les administrations publiques ou des agences et organismes divers. L’obligation qui est faite aux pouvoirs publics de prendre des mesures d’adaptation ne relève pas les fournisseurs de logements et d’autres intervenants de remplir leurs devoirs au titre du Code. Les locataires sont tenus, lorsqu’ils en sont capables, de faire connaître leurs besoins et de participer au processus d’adaptation. Les mesures d’adaptation doivent être prises dans le respect de la dignité, d’une manière individuelle et de façon à assurer l’intégration et la pleine participation des personnes protégées en vertu du Code. Lorsque les mesures d’adaptation convenant le mieux ne peuvent être prises, il faut mettre en oeuvre d’autres options, comme des mesures progressives, provisoires ou de remplacement. La Commission a longtemps eu pour principe que, pour déterminer s’il y a préjudice injustifié, on ne peut considérer que les trois facteurs visés au paragraphe 17 (2) du Code, à savoir le coût, les sources extérieures de financement et les exigences en matière de santé et de sécurité[66].

Les fournisseurs de logements, les défenseurs du droit au logement, les locataires et d’autres personnes consultées étaient pratiquement unanimes pour constater le manque de connaissances sur l’obligation d’adaptation et son application dans le domaine du logement. De nombreux groupes de défense des droits des locataires ont affirmé qu’il faut aider davantage les fournisseurs de logements à comprendre que l’obligation d’adaptation n’est pas seulement une bonne idée, mais une responsabilité légale, et qu’ils doivent apprendre comment remplir cette obligation. La FRPO a demandé que la Commission élabore une politique et des directives portant sur les mesures d’adaptation et l’évaluation du préjudice injustifié dans le contexte du logement.

Un lien peut être établi entre les besoins en matière d’adaptation et divers motifs prévus au Code, dont l’état familial, la croyance (la religion), le sexe, la race et les motifs liés à la race. Néanmoins, la majorité des échanges concernant les mesures d’adaptation ont porté sur les handicaps, en particulier la maladie mentale.

Mesures d’adaptation au moment du choix des locataires et durant la location

Les fournisseurs de logements et les défenseurs des droits des locataires ont décrit les problèmes que soulève la nécessité pour les locataires de déterminer leurs besoins en matière d’adaptation. Les premiers estimaient que, dans de nombreux cas, ces besoins ne sont pas clairement énoncés jusqu’à ce que le tribunal soit saisi d’un litige relatif à une expulsion, de sorte qu’ils peuvent difficilement agir de manière proactive. Par ailleurs, le porte parole de l’Algoma Community Legal Clinic était mécontent de voir que des locateurs puissent demander à des locataires éventuels de leur fournir un avis officiel les informant de leur maladie même si celle-ci est évidente.

En ce qui a trait au choix des locataires, il existe des circonstances dans lesquelles, pour respecter l’obligation d’adaptation, un fournisseur doit faire preuve de souplesse dans l’examen des antécédents de crédit ou des antécédents d’occupation transitoire de logements locatifs, sous réserve de la norme de préjudice injustifié. Ainsi, selon le CERA et le SRAC, il serait légitime de tenir compte d’un dossier de location indiquant le non-paiement de loyers, mais avant que le locataire éventuel soit disqualifié pour cette raison, le fournisseur de logements devrait être obligé de demander à celui ci d’expliquer pourquoi il n’a pas payé son loyer, et si la situation a changé, et de collaborer avec lui afin de réduire le risque de défaut de paiement dans l’avenir.

Des personnes consultées ont décrit les mesures d’adaptation qui sont prises couramment au bénéfice des locataires en place : assurer l’accès à l’immeuble en fauteuil roulant, installer des systèmes d’alarme pour les personnes ayant des problèmes d’audition ou modifier les politiques sur les exigences en matière de comportement (ARCH). Dans le secteur du logement coopératif, l’adaptation peut consister à exempter une personne de participer pleinement à la bonne marche de la coopérative, par exemple en la soustrayant à l’obligation de pelleter de la neige, de tondre le gazon ou d’assister aux réunions.

La Société canadienne de l’ouïe a décrit des problèmes liés aux accommodements attribuables à un manque de respect envers des locataires culturellement sourds, sourds oralistes, devenus sourds ou ayant une perte auditive. Divers exemples ont été donnés, comme des fournisseurs de logements ou des locateurs qui ne lèvent pas la tête ou ne haussent pas le ton quand ils parlent et des membres de la famille qui discutent avec des professionnels sans se préoccuper de la présence de la personne sourde ou ayant une perte auditive.

La Commission s’est fait dire que des personnes présentant des déficiences intellectuelles et qui vivent dans un foyer de groupe[67] peuvent être transférées sans leur consentement ou se voir priver de la possibilité de choisir elles-mêmes quoi porter ou manger, de sortir du foyer, de recevoir des appels téléphoniques ou de participer à des activités. L’Advocacy Centre for the Elderly (ACE) a informé la Commission des pratiques suivantes en cours dans certaines résidences pour personnes âgées, lesquelles ne semblent pas satisfaire à l’obligation d’accommoder les personnes âgées qui utilisent des aides à la mobilité :

  • Seuls les résidents qui n’utilisent pas d’aide à la mobilité, par exemple un fauteuil roulant ou une trottinette, sont admis dans les aires communes réservées pour les repas.
  • Les résidents qui ne peuvent entrer en marchant ou en s’aidant d’un cadre de marche dans les lieux réservés pour les repas doivent manger dans leur chambre, et, le cas échéant, ils doivent payer un supplément pour qu’on leur apporte leur plateau.
  • On applique des politiques interdisant l’usage de véhicules motorisés dans les aires communes, de sorte que les personnes qui en utilisent n’ont pas accès aux ascenseurs, à la porte d’entrée principale de l’immeuble et à la salle à manger.
  • Ces politiques sont appliquées même si les résidents visés sont en mesure de démontrer qu’ils peuvent utiliser leur fauteuil roulant sans danger.

Des personnes consultées ont indiqué qu’il est nécessaire de modifier certaines unités d’habitation pour personnes âgées handicapés afin de leur permettre de continuer d’y vivre en autonomie. En l’absence de tels accommodements, les locataires risquent d’être expulsés, car on croit que leur santé et leur sécurité sont menacées. Selon ce qu’on a souligné à la Commission, le défaut de prendre des mesures d’adaptation, combiné au manque d’autres moyens de logement accessibles, peut signifier que les personnes touchées ne pourront plus vivre seules et qu’elles seront forcées d’habiter avec des membres de leur famille ou dans une maison de soins, en contravention avec le Code, ce qui porterait atteinte à leur dignité. Les fournisseurs de logements, en particulier ceux qui offrent des logements adaptés aux personnes âgées, ont indiqué qu’il leur est très difficile de se conformer au Code lorsqu’un grand nombre de leurs locataires souhaitent en même temps qu’on apporte d’importantes modifications à leur logement pour leur permettre de « vieillir chez eux ».

Tabagisme 

La question du tabagisme a suscité beaucoup d’échanges de vues durant la consultation. Depuis 2004, il est interdit de fumer dans les parties communes des immeubles d’appartements et dans divers autres endroits[68]. Le MAML n’a pas pris de mesure particulière concernant l’usage du tabac dans les logements locatifs, mais il existe des moyens d’intervenir lorsque la fumée empêche d’autres locataires de jouir raisonnablement des lieux.

L’exposition à la fumée secondaire peut avoir de graves répercussions sur la santé des personnes exposées, surtout si elles ont des problèmes de santé, comme des allergies, une sensibilité chimique et d’autres troubles respiratoires. Dans des situations de promiscuité, la fumée secondaire peut être très néfaste pour les personnes ayant certains handicaps et susciter un besoin d’adaptation. Par exemple, récemment en Colombie Britannique, une femme ayant une affection respiratoire hyper réactionnelle causée et amplifiée par la fumée secondaire a déposé une plainte relative aux droits de la personne à l’encontre de la Greater Vancouver Housing Corporation pour défaut de fournir un logement dans un milieu sans fumée[69].

En revanche, on a fait valoir à la Commission que les interdictions de fumer peuvent avoir des incidences négatives sur les personnes à faible revenu[70]. De plus, il semble exister une étroite corrélation entre le tabagisme et les problèmes de santé mentale. Le BIPEP estime que 70 à 80 % des patients des hôpitaux psychiatriques fument, par rapport à 22 % des adultes au Canada. La recherche médicale a révélé que les personnes ayant une maladie mentale ont environ deux fois plus de chances de fumer que les autres personnes[71]. De même, il peut arriver que des personnes ayant une déficience physique fument du tabac ordinaire ou de la marijuana pour soulager leurs symptômes.

La Politique sur les tests de dépistage de la consommation de drogues et d’alcool de la Commission présente des exemples de cas où la dépendance à l’égard de l’alcool et d’autres drogues peut être reconnue comme une forme de handicap. En général, pour ce faire, il faut que l’abus d’alcool ou la toxicomanie soit important et qu’il débouche sur un comportement mésadapté ou une détresse grave[72]. Toutefois, on observe que les décisions sont contradictoires quant à savoir si le tabagisme peut être considéré comme un handicap et si le fait de laisser des gens fumer constitue une mesure d’adaptation appropriée[73].

La Commission a reçu plusieurs mémoires de locateurs et de fournisseurs de logements soutenant que la fumée est une importante source de tension lorsqu’on met dans la balance les droits de certains locataires et ceux des autres. Si l’on interdit unilatéralement l’usage du tabac dans les logements locatifs, les locateurs et les fournisseurs de logements risquent de priver par inadvertance des personnes protégées par le Code d’accéder à un logement abordable, ce qui aurait pour effet de réduire davantage le choix qui s’offre à des personnes déjà marginalisées. En même temps, si l’on permet l’usage du tabac, cela peut nuire à la santé d’autres locataires, dont des personnes handicapées. L’évaluation de tels risques pour la santé et la sécurité constituerait un élément essentiel d’une analyse d’un préjudice injustifié[74].

Expulsions et obligation d’adaptation

La relation entre les expulsions et les handicaps, y compris la maladie mentale, s’est révélée être un sujet majeur durant la consultation. Le risque d’expulsion est lié au paragraphe 64 (1) de la LLUH, qui autorise un locateur à donner un avis de résiliation de la location si le comportement du locataire, d’un autre occupant du logement locatif ou d’une personne à qui le locataire permet l’accès de l’ensemble d’habitation entrave de façon importante la jouissance raisonnable de l’ensemble d’habitation aux fins habituelles par le locateur ou un autre locataire. Le MAML a fait remarquer qu’au moment de l’étude d’une demande d’expulsion, la CLI doit tenir compte des circonstances dans lesquelles se trouve le locataire; par exemple, il se peut que celui ci soit hospitalisé et ne puisse payer le loyer. Pour leur part, des personnes consultées ont exprimé l’avis que lorsque le comportement du locataire peut être lié à des motifs prévus au Code, il peut y avoir obligation d’adaptation et aucun avis d’expulsion ne devrait être donné, à moins qu’on prouve qu’il y a préjudice injustifié en vertu du Code[75].

La Commission a été mise au fait de nombreuses situations où l’on projetait d’expulser des locataires au moins en partie à cause de leur handicap. Ainsi, dans un cas, un locataire qui produisait un fort martèlement lorsqu’il se déplaçait avec un cadre de marche a été menacé d’expulsion, et ce, même s’il n’y avait pas de tapis permettant d’atténuer le bruit entendu par les occupants du logement du dessous. On a également signalé à la Commission que des locateurs peuvent se baser sur des plaintes au sujet de cris, de jurons et d’autres bruits pour se débarrasser d’un locataire « difficile », même si ces bruits sont produits par un locataire ayant une maladie mentale. Dans certains cas, la décision du locateur d’entreprendre des démarches en vue d’une expulsion peut s’appuyer sur les points de vue discriminatoires d’autres locataires. Les menaces et les procédures d’expulsion peuvent causer un grand stress aux locataires visés, qui peuvent être des personnes ayant une maladie mentale.

Le stress a exacerbé le handicap de la cliente à tel point qu’elle a été hospitalisée pendant six semaines et qu’elle a quitté volontairement un logement qu’elle habitait depuis bon nombre d’années. Elle n’a pas pu résister à la tension causée par la démarche en vue de son expulsion entreprise par le locateur. (KCLC)

La Community Legal Clinic of York Region a fait observer qu’on pourrait prévenir une grande partie des « entraves importantes » (et éviter les mesures d’expulsion) si les locateurs agissaient de façon proactive en examinant les possibilités d’adaptation au handicap du locataire, par exemple en renforçant l’insonorisation des appartements. Toutefois, diverses organisations représentant les locataires ont indiqué que les locateurs préfèrent éliminer le « problème » en expulsant le locataire plutôt que d’essayer, avec lui et avec des organismes communautaires, de l’accommoder ou de résoudre les problèmes de comportement, s’il y en a.

Des locateurs et des fournisseurs de logement ont mentionné qu’ils se sentent obligés de considérer la question des droits humains dans la perspective de leurs activités d’affaires et des droits des autres locataires.

Des locateurs sentaient qu’ils n’avait pas le choix de poursuivre les démarches en vue d’expulser une personne qui prive une autre personne du droit à la jouissance raisonnable et sans entrave de son milieu de vie.

Les locateurs de l’Ontario sont tenus, en vertu de la Loi de 2006 sur la location à usage d’habitation, de prendre des mesures pour que tous les locataires aient droit à la jouissance raisonnable de leur logement. S’il ne peut résoudre les problèmes, le locateur peut n’avoir d’autre choix que de demander la résiliation du contrat de location à la CLI, car les locataires qui sont privés du droit de jouissance raisonnable de leur logement disposent de différents moyens pour le faire respecter. (Landlord Self-Help Centre)

Même quand les fournisseurs de logements comprennent l’obligation d’adaptation, ils peuvent avoir du mal à se conformer au Code en raison d’autres intérêts, par exemple les points de vue d’autres locataires, qui peuvent ne pas représenter un préjudice injustifié. Les locateurs peuvent connaître l’article 10 de la LLUH, qui renvoie expressément au Code eu égard aux pratiques de sélection des locataires, mais il ne savent peut être pas que le Code s’applique également lorsqu’il s’agit de déterminer, au titre du paragraphe 64 (1) de la LLUH, si le comportement d’un locataire ayant une maladie mentale ou d’une famille avec plusieurs enfants entrave de façon importante la jouissance raisonnable de l’ensemble d’habitation.

Du point de vue du fournisseur de logements sociaux, l’adaptation à la situation des locataires ayant une maladie mentale pose un important défi, surtout lorsque c’est le cas de plusieurs des locataires d’un ensemble d’habitation et que le comportement de l’un d’eux porte atteinte aux droits d’autres locataires protégés par le Code. Selon le Service Manager Housing Network (SMHN), les locateurs subissent une pression favorisant le maintien en place du locataire problématique même s’il perturbe grandement l’existence des autres locataires. Une grande partie des fournisseurs de logements sociaux ont la perception qu’ils doivent respecter des exigences plus strictes que les autres dans de tels cas étant donné que leurs logements sont considérés comme des « derniers recours ».

Comme les locataires des logements sociaux ont moins de choix que les autres dans le marché locatif, la CLI, par exemple, s’attend à ce que les fournisseurs de ces logements fassent plus d’efforts que les autres pour s’adapter aux besoins de cette clientèle. Mais, faute de ressources adéquates, ces fournisseurs s’estiment, à juste titre, incapables de répondre aux besoins de certains locataires sans mettre de côté les besoins des autres. Les fournisseurs de logements sont souvent forcés de choisir entre les droits d’une personne et ceux de la communauté. Ironiquement, plus la composante juridique des problèmes est importante, plus la situation est difficile pour les responsables des ensembles d’habitation et plus il leur faut de ressources pour faire un bon travail. (Fédération des programmes communautaires de santé mentale et de traitement des toxicomanies de l’Ontario – OFCMHAP)

Des groupes de défense des droits des locataires ont exprimé des préoccupations au sujet des mesures d’adaptation et des critères et démarches d’expulsion au titre de la LLUH en ce qui a trait aux résidents des maisons de soins[76]. Le paragraphe 148 (1) de la LLUH stipule qu’un locateur peut demander par requête à la CLI de rendre une ordonnance de transfert d’un locataire hors d’une maison de soins et d’expulsion de celui ci si le locataire n’a plus besoin du niveau de soins que fournit le locateur ou si le locataire a besoin d’un niveau de soins que le locateur ne peut offrir. Et, aux termes du paragraphe 148 (2), une ordonnance d’expulsion ne peut être rendue que s’il existe un autre logement convenable pour le locataire et si le niveau de soins que le locateur peut fournir au locataire de la maison de soins, ajouté aux services communautaires qui lui sont fournis, ne peut combler ses besoins en matière de soins. ARCH : Disability Law Centre (ARCH) a souligné que l’« autre logement convenable » est souvent un établissement de soins de longue durée, ce qui ne favorise pas l’intégration et l’autonomie.

La Commission s’est fait dire par des personnes et des organisations consultées, dont l’Advocacy Centre for the Elderly, que l’article 148 de la LLUH a des répercussions négatives et disproportionnées sur les personnes ayant des maladies et des handicaps, de différentes façons.

  • Les critères d’expulsion font en sorte que les résidents des maisons de soins qui y sont hébergés à cause de leur grand âge ou d’un handicap sont traités différemment des autres résidents.
  • Les résidents ne doivent craindre de quitter la maison de soins que si leur état de santé se détériore, ce qui ne devrait pas être le cas.
  • Les dispositions de la LLUH relatives à l’expulsion de résidents de maisons de soins ne protègent pas suffisamment les personnes âgées handicapées, donc vulnérables, qui y vivent, alors que ce devrait être le contraire. Ainsi,
    • le seul moyen auquel peut recourir un résident d’une maison de soins pour contester un avis d’expulsion est la médiation obligatoire, qui peut se révéler désavantageuse pour celui-ci si l’on ne prend pas des mesures pour corriger les déséquilibres dans le rapport des forces;
    • beaucoup de résidents ont des problèmes de mobilité, des handicaps cognitifs et d’autres déficiences; or, ils ont moins de temps que les autres résidents pour obtenir des conseils et de l’aide juridique.
  • Il existe d’autres moyens que l’expulsion pour régler les situations où un résident a un comportement dérangeant ou une déficience cognitive qui font en sorte qu’il menace la sécurité des autres résidents. Par exemple, on peut s’appuyer sur d’autres dispositions de la LLUH pour expulser cette personne et sur les dispositions de la Loi sur la santé mentale dans les cas extrêmes où un résident développe une maladie mentale et présente un grave danger pour lui même ou les autres.
  • Des fournisseurs de logements pourraient menacer des locataires d’expulsion en vertu de cet article [article 148 de la LLUH] pour les faire « rentrer dans le rang » et les empêcher de formuler des plaintes légitimes.

L’article 83 de la LLUH accorde des pouvoirs discrétionnaires à la CLI eu égard aux requêtes demandant une ordonnance d’expulsion. Aux termes de l’alinéa 83 (1) a) de la LLUH, la CLI a le pouvoir de rejeter la requête, mais les mécanismes d’application d’un tel pouvoir discrétionnaire ne sont pas nécessairement clairs. Par exemple, on a fait observer à la Commission que, dans certains cas, lorsqu’un locataire ne se présente pas à une audience, la CLI demande au locateur s’il existe des circonstances, touchant le locataire, qui indiquent que la convention de location ne devrait pas être résiliée, même si c’est le locateur qui demande l’expulsion. Selon ce qu’on a soutenu devant la Commission, il se pourrait que la CLI n’applique pas toujours les principes du Code relatifs à l’obligation d’adaptation sans préjudice injustifié lorsqu’elle examine la requête d’un locateur visant l’expulsion d’un locataire pour des raisons liées à un motif prévu au Code.

Les locataires ayant une maladie mentale sont vulnérables à l’expulsion et à l’itinérance lorsqu’ils ne peuvent pas défendre efficacement leurs droits au titre de la LLUH devant la CLI. Des personnes consultées ont décrit les différents problèmes que peuvent éprouver les personnes ayant une maladie mentale par rapport à la CLI, problèmes qui peuvent leur nuire.

  • Il se peut que ces personnes ne comprennent pas les enjeux juridiques en présence au cours d’une audience tenue devant la CLI.
  • Il n’existe pas de disposition permettant de nommer un tuteur ou une tutrice à l’instance pour agir au nom d’un locataire mentalement inapte à remplir une demande et à exercer un recours auprès de la CLI. Cela prive les locataires ayant une maladie mentale de la possibilité de faire valoir leurs droits, y compris de se défendre face à une éventuelle expulsion.
  • Il se peut que ces personnes ne soient pas en mesure de se rappeler certains faits, de comprendre la procédure judiciaire, de se souvenir des dates des audiences ou de retenir les services d’un avocat jusqu’à ce que l’ordonnance d’expulsion ait été exécutée.

On a mentionné au cours de la consultation que la CLI diffuse des fiches d’information sur la LLUH dans plusieurs langues à son site Web, mais qu’elle a comme politique de ne pas fournir de service d’interprétation aux parties plaidantes qui n’emploient ni le français ni l’anglais. La CLI permet à celles ci d’avoir leurs propres interprètes, mais ne paie pas les frais d’interprétation. La Commission s’est fait dire que cela entrave l’accès à la justice pour les locataires à faible revenu, comme les nouveaux arrivants, qui ont besoin de se faire assister dans une langue autre que les langues officielles. Cela n’a pas été soulevé durant la consultation, mais des problèmes d’accessibilité du même genre pourraient survenir dans le contexte des politiques et des procédures d’autres organismes juridictionnels. Il a été dit à la Commission que la barrière des langues existant à la CLI, combinée à un biais en faveur du locateur, peut faire en sorte que certains locataires ne soient pas traités de façon équitable et entraîner d’autres conséquences graves. Voici ce qu’une clinique d’aide juridique a déclaré :

Il est très peu probable qu’un locataire sans avocat ni interprète, puisse présenter sa plaidoirie efficacement. Et les conséquences peuvent être très graves : la perte de son chez-soi. Or, la CLI s’entête à mener ses audiences de la façon la plus expéditive possible. Autrement dit, le membre [de la CLI] chargé d’entendre la cause peut bien instruire l’affaire si le locataire parle peu le français ou l’anglais et, partant, ne peut pas comprendre parfaitement ce qui se passe ni participer efficacement à l’audience.

Des organisations comme la Société canadienne de l’ouïe (SCO) et ARCH ont donné des exemples des difficultés que comporte l’accommodement des personnes handicapées à la CLI :

  • rejet de la demande d’une personne ayant une déficience visuelle pour avoir des documents dans un format adapté;
  • rejet d’une demande d’ajournement de la part d’une personne handicapée;
  • refus de tenir une audience par vidéoconférence ou par téléphone pour tenir compte des contraintes d’une partie plaidante handicapée;
  • omission de veiller à ce qu’on tienne compte des besoins en matière d’adaptation d’un locataire pendant une audience;
  • impossibilité pour les locataires ayant une perte auditive d’obtenir des services d’interprétation gestuelle et d’autres services, comme le sous titrage en temps réel, la prise de notes informatisée et l’utilisation d’aides de suppléance à l’audition.

Qui plus est, la CLI a haussé les droits de dépôt des requêtes, au détriment des locataires à faible revenu, spécialement ceux qui bénéficient de l’aide sociale. Ainsi, les locataires qui ont payé en trop des impôts prélevés par les locateurs ou qui veulent obtenir une réduction du loyer en raison du mauvais état de leur logement doivent payer un droit de 45 $. Les Parkdale Community Legal Services ont soutenu que cela dissuade certains locataires de présenter une requête, de telle sorte que ceux-ci n’ont pas accès aux recours auxquels ils ont droit et que les agissements des locateurs ne sont pas contestés devant la CLI.

Les mesures d’adaptation et la Loi de 2000 sur la réforme du logement social

La Loi de 2000 sur la réforme du logement social (LRLS) a été modifiée en juillet 2007. Le MAML a indiqué que les modifications, dont les suivantes, avaient pour but de favoriser un traitement plus équitable et transparent des locataires :

  • exemption, eu égard à l’admissibilité financière, de certains éléments d’actif détenus en fiducie pour un membre handicapé d’un ménage;
  • accroissement de l’uniformisation dans le traitement du revenu aux fins du calcul des suppléments au loyer indexé sur le revenu;
  • modification des règles d’admissibilité de manière que les ménages qui ont fait des efforts raisonnables pour conclure des ententes de remboursement de loyers impayés au titre d’un logement social soient admissibles à de l’aide;
  • modification du processus de révision interne afin de permettre la divulgation aux ménages des renseignements sur lesquels reposent la révision des décisions;
  • renforcement de la Politique relative aux ménages prioritaires, qui assure l’accès aux logements sociaux en priorité aux victimes de violence.

On a souligné le manque de mesures d’adaptation personnalisées dans le processus de demande de logements avec services de soutien et son effet négatif sur les personnes handicapées qui ont du mal à respecter les rendez vous, à remplir des formulaires et à passer des entrevues (ARCH). En outre, la Commission a été informée que des fournisseurs de logements sociaux donnent à des locataires éventuels des formulaires de demande qui ne sont pas dans leur langue maternelle ou, dans le cas de personnes handicapées, dans un format inutilisable. Enfin, on a signalé qu’on ne tient pas nécessairement compte des familles élargies et des réseaux de parenté pour déterminer l’admissibilité des Autochtones au logement.

Les fournisseurs de logements sociaux, pour leur part, ont fait valoir qu’ils sont soumis à des dispositions relatives au financement, à des législations et à des exigences administratives fédérales, provinciales et municipales qui peuvent restreindre leur capacité de respecter leur obligation légale de prendre des mesures d’adaptation. Ainsi, certains ont indiqué que la LRLS est trop normative en ce qu’elle comporte de nombreuses prescriptions relatives au financement, à la gestion des listes d’attente et à l’accès au logement, y compris le choix des ménages, les programmes de priorité relative aux ménages prioritaires, les normes d’occupation et les limites de revenu des ménages. Le SMHN a mentionné que la LRLS ne procure pas aux fournisseurs de logements sociaux la souplesse nécessaire pour modifier leurs façons de faire ou hausser la limite du revenu nécessaire pour répondre aux besoins des locataires.

Dans ce contexte, selon ce que des groupes de défense des droits des locataires ont indiqué à la Commission, il arrive souvent qu’on passe au peigne fin la vie des locataires pour contrôler leur conformité aux politiques administratives, dont celles qui se rapportent à l’hébergement d’invités ou à la déclaration du revenu, de sorte que ceux-ci pourraient très bien perdre leur logement sur la base d’infractions plutôt mineures aux règles. Une « culture du mépris » sous tendrait ces pratiques, les locataires de logements subventionnés étant considérés comme moins honorables, moins importants, moins responsables et moins honnêtes que les autres citoyens simplement parce qu’ils sont pauvres et qu’ils ont besoin d’une subvention au logement (Centre ontarien de défense des droits des locataires – CODDL).

La capacité de vivre de façon autonome avec ou sans services de soutien est une condition d’admissibilité à l’aide sous forme de loyer indexé sur le revenu en vertu de la LRLS (MAML). Une personne est considérée comme autonome si elle peut remplir les tâches normales de la vie quotidienne avec ou sans services de soutien. Toutefois, bon nombre de mémoires ont signalé que la LRLS ne précise pas comment cela doit être déterminé ou quels facteurs doivent être pris en compte. La personne en cause doit démontrer que ces services de soutien lui seront fournis au besoin[77]. Diverses personnes et organisations consultées, dont le SMHN, ont indiqué qu’un financement adéquat doit être assuré pour la prestation de ces services, lorsque nécessaire, si l’on veut que le logement social soit une option viable pour les gens qui ont besoin de soutien pour obtenir et conserver un logement de ce type. Selon certains mémoires, cette exigence, combinée à la perte de soins à domicile, peut entraîner la perte du logement ou de l’admissibilité au logement en vertu de la LRLS. Cette préoccupation vaut également pour les coopératives réglementées en application de la LRLS[78].

Avant d’être modifiée, la LRLS stipulait que les locataires de logements sociaux devaient signaler les changements dans leur revenu dans les dix jours. Le SMHN a indiqué que, depuis la modification de cette loi en 2007, les ménages sont tenus de déclarer les changements dans leur revenu ou dans la taille du ménage si ceux ci entraînent une hausse du loyer indexé sur le revenu qu’ils doivent payer ou leur non admissibilité au logement qu’ils occupent. Les modifications apportées à la loi permettent aux gestionnaires de services, qui prennent des décisions sur l’admissibilité au logement, de prolonger le délai de dix jours à leur discrétion. Ces derniers ont également la latitude nécessaire pour maintenir l’admissibilité d’un ménage qui omet de déclarer certains changements (MAML). Toutefois, des personnes consultées ont signalé le manque d’orientation sur la question de savoir quand et de quelle façon les gestionnaires de services peuvent exercer leur discrétion. La Commission a reçu beaucoup de mémoires indiquant que le délai de dix jours susmentionné peut être extrêmement difficile à respecter pour des membres de groupes marginalisés et que l’application stricte des directives et l’absence d’adaptation aux besoins visés par le Code peuvent faire en sorte que des locataires perdent leur supplément au loyer.

La Commission a été informée que des personnes handicapées, des parents qui sont seul soutien de famille et des personnes dont l’anglais est la langue seconde éprouvent des difficultés à respecter les délais et qu’il peut arriver que des fournisseurs de logements ne tiennent pas compte de ces facteurs (Community Legal Clinic of York Region). L’égalité d’accès pour l’ensemble de ces personnes risque de diminuer si les fournisseurs de logements omettent d’exercer leur discrétion (Housing Help Centre). Malgré cela, il manque de services pour aider les locataires à comprendre les demandes de documentation et à fournir celle-ci dans les délais prescrits (North Peel & Dufferin Community Legal Services).

Selon ce qu’a appris la Commission, les fournisseurs de logements n’appliquent pas nécessairement l’obligation d’adaptation aux exigences en matière d’information à fournir et la possibilité d’exercer leur discrétion. Par exemple, il est possible de prolonger une fois le délai imposé à un locataire ayant un handicap mental, mais en lui donnant un avertissement strict de respecter ce délai la prochaine fois. On a mentionné à la Commission que, dans d’autres cas, des locataires peuvent être pénalisés s’ils cherchent à faire prolonger des délais fixés pour la fourniture d’information. Ainsi, une personne demandant un tel accommodement peut être considérée par un fournisseur de logements comme incapable de vivre de façon autonome comme l’exige la LRLS (North Peel & Dufferin Community Legal Services).

D’après ce qu’on a souligné à la Commission, l’incapacité de respecter les délais imposés pour la fourniture d’information, même lorsque le problème est lié à l’adaptation à un besoin visé par le Code, peut avoir des conséquences désastreuses pour le locataire. Au lieu d’accepter d’exercer sa discrétion et de prolonger les délais fixés, le fournisseur de logements peut donner un avis d’annulation de l’aide, ce qui oblige le locataire à demander une révision de la décision auprès du gestionnaire de services. De nombreux groupes de défense des droits des locataires ont indiqué à la Commission que le traitement de la demande de révision consiste en un examen superficiel des documents, y compris les communications écrites. Le fait de demander des communications écrites désavantage les locataires pour lesquels l’anglais n’est pas la langue maternelle et ceux qui ont un handicap, surtout que les constatations relatives à la crédibilité peuvent être fondées seulement sur ces communications (North Peel & Dufferin Community Legal Services).

D’après le SMHN, il existe des variations dans l’exécution des révisions internes, mais en vertu de la LRLS, quiconque a participé à la prise de la décision initiale ne peut pas participer à la révision interne de cette décision. Des représentants de locataires ont fait valoir que la révision n’est pas un examen indépendant qui vise à déterminer si la décision d’annuler l’aide était fondée et que, souvent, la décision initiale est maintenue. Une personne représentant une clinique d’aide juridique a donné l’exemple suivant :

Mes clients, qui ont un retard de développement, sont mariés et ont deux enfants. Ils avaient tous les deux un emploi à temps partiel en plus de toucher des prestations dans le cadre du programme Ontario au travail. Une intervenante auprès des enfants et des familles leur fournit de l’aide pour la correspondance et la gestion des documents écrits. Elle leur a demandé d’informer les responsables d’Ontario au travail de leur revenu et a supposé que l’information serait communiquée au fournisseur municipal de logements, qui se trouve dans les mêmes bureaux. L’information a effectivement été transmise, mais les locataires ont perdu l’aide dont ils bénéficiaient parce que cette information n’a pas été communiquée directement au fournisseur de logements. Lorsque l’intervenante a expliqué la situation au moment de la « révision interne », la décision initiale est restée inchangée et l’annulation de l’aide a été maintenue.

Comme l’ont affirmé nombre d’intervenants devant la Commission, entre autres la Community Legal Clinic of York Region, la perte de l’aide financière au logement donne habituellement lieu à l’expulsion du locataire pour non-paiement du loyer, car il n’a pas les moyens de payer le taux du marché. Des personnes consultées ont expliqué qu’en vertu de la LLUH, une requête relative au loyer échu doit être présentée à la CLI avant que celle-ci puisse rendre une ordonnance de résiliation de la location (alinéa 74 (3) a)). Toutefois, une disposition de la LLUH (article 203) empêche la CLI de rendre ou de réviser une décision au sujet de l’admissibilité à une aide sous forme de loyer indexé sur le revenu ou à une forme prescrite d’aide au logement. Malgré les conséquences graves de la perte de l’aide et du lien avec les démarches d’expulsion entreprises auprès de la CLI, la seule façon d’obtenir un examen indépendant de la décision relative à l’aide consiste à présenter une requête en révision judiciaire devant le tribunal, option qui est hors de portée de la plupart des locataires à faible revenu (Hamilton Mountain Community and Legal Services).

Souvent, quand ils sont expulsés, les gens résident dans un refuge pour sans abri en attendant de se trouver un nouveau logement. Pour les personnes rendues vulnérables à cause d’un handicap ou de la barrière de la langue ou pour les parents qui sont seul soutien de famille, la perte d’un logement abordable est désastreuse, car ils éprouvent déjà de graves problèmes à trouver un logement locatif privé et le temps d’attente pour les logements subventionnés est très long (North Peel & Dufferin Community Legal Services).

Le MAML a mentionné que les dispositions relatives à la révision interne ont été améliorées à la faveur de modifications apportées récemment : il faut désormais divulguer au ménage touché l’information sur laquelle repose la décision faisant l’objet de la révision. Il a ajouté que cette question était un important sujet de préoccupation pour les groupes de défense des droits des locataires et qu’il continue de s’en occuper de concert avec ses partenaires et les intervenants.

Mémoires relatifs à la norme de préjudice injustifié

Les organismes de défense des droits des locataires étaient d’avis que l’équilibre réalisé dans le Code lui-même répond de façon raisonnable aux besoins du locateur et du locataire dans les cas où des mesures d’adaptation doivent être prises. Or, un locataire protégé par le Code risque encore l’expulsion si le locateur peut prouver qu’il y aurait préjudice injustifié sur la base des coûts inhérents aux risques pour la santé et la sécurité pour lui même ou pour les autres locataires de l’ensemble d’habitation.

Nombre de locateurs et de fournisseurs de logements ont affirmé que la norme de préjudice injustifié est trop élevée et qu’il en coûte trop cher pour l’appliquer, surtout lorsqu’il faut modifier des bâtiments pour répondre aux besoins des occupants. Des fournisseurs de logements, dont la Toronto Community Housing Corporation, ont attiré l’attention de la Commission sur des cas où l’effet de plusieurs demandes d’adaptation formulées par divers locataires pourrait entraîner un préjudice injustifié. À titre d’exemple, les cas où une grande partie des locataires d’un ensemble d’habitation demandent en même temps des modifications leur permettant de demeurer dans leurs logements sociaux.

Dans la plupart des cas, les mémoires et les échanges aux tables rondes des fournisseurs de logements étaient centrés sur les coûts et le financement. Les fournisseurs de logements sociaux ont précisé qu’il n’est pas possible de prendre des mesures pour répondre aux demandes d’accommodement sans gruger dans les ressources prévues pour répondre à d’autres besoins, comme la réparation et l’entretien des bâtiments (SMHN), et qu’en général, les administrations publiques ne leur fournissent pas les ressources nécessaires pour satisfaire les importants besoins d’accommodement (ONPHA). De nombreuses personnes consultées estiment que ces administrations et les bailleurs de fonds ont également un rôle à jouer dans le respect de l’obligation d’adaptation.

La législation et les règles des programmes relatives au logement social limitent les fonds dont disposent les fournisseurs de logements pour payer les frais exceptionnels. L’obligation d’adaptation s’applique aussi aux responsables de l’élaboration des politiques et des procédures. Les bailleurs de fonds devraient – et le font régulièrement – assurer un financement supplémentaire pour le paiement des frais d’adaptation aux besoins particuliers des personnes éprouvant des problèmes de toxicomanie et de santé mentale. (OFCMHAP)

De façon plus générale, les fournisseurs de logements locatifs privés étaient d’avis que l’accommodement est une responsabilité sociale et que les coûts ne devraient pas être assumés par les locateurs ni par les locataires, mais bien par les pouvoirs publics. Autrement, les frais élevés d’adaptation pourraient se répercuter sur les loyers de l’ensemble des locataires, le fardeau reposant en particulier sur les épaules des personnes à faible revenu (Eastern Ontario Landlord Organization – EOLO). Le Landlord’s Self Help Centre a indiqué que pour sa clientèle, soit les petits locateurs dans le marché locatif secondaire[79], les coûts de rénovation, les frais d’avocat et les pertes de loyer, ajoutés au fait que le stock de logements est déjà instable, pourraient rendre moins attrayante l’exploitation d’une entreprise de location résidentielle.

Même les défenseurs des droits des locataires ont fait preuve de pragmatisme concernant les difficultés que posent les besoins d’adaptation aux fournisseurs de logements, dont ils appuient les demandes d’aide aux pouvoirs publics en vue de remplir leurs obligations d’adaptation :

Les fournisseurs subissent un fardeau financier lorsqu’ils doivent acheter des dispositifs ou effectuer des rénovations pour assurer l’intégration de notre groupe cible (c.à d. les personnes handicapées, dont les personnes sourdes et celles ayant une déficience auditive). L’administration provinciale doit reconnaître la nécessité de tels travaux et de tels frais, parfois élevés, et créer un organisme de financement auquel on pourrait demander assistance pour payer ces frais. (SCO)

4.4 Sensibilisation

Confusion quant au Code et aux exigences de la LLUH

La Commission a appris que, si certaines dispositions de la LLUH chevauchent celles qui sont prévues au Code, il existe plusieurs points de cette loi qui peuvent signifier le contraire de ce que préconise le Code. Par exemple, des personnes consultées ont indiqué que les fournisseurs de logements considéraient parfois que la LLUH leur permettait d’indiquer « animaux de compagnie interdits » sur les baux ou de réserver des édifices « aux adultes seulement », tandis que des restrictions de cette nature sont exclues en vertu du Code.

Les locateurs et les fournisseurs de logements ignorent peut-être que le Code prime sur la LLUH, mais cela n’excuse pas le fait qu’ils respectent uniquement les exigences énoncées dans la LLUH. Cela vaut même si la LLUH tient compte de la primauté du Code au par. 3 (4) : « Les dispositions de la présente loi l’emportent sur les dispositions incompatibles de toute autre loi, à l’exception du Code des droits de la personne. 2006, chap. 17, par. 3 (4) ».

Éducation et sensibilisation du public

La nécessité de mieux éduquer la population de la province sur les droits de la personne en matière de logements locatifs et les obligations qui s’y rattachent a constitué un thème majeur durant tout le processus de consultation. Il est évident qu’il existe un grand besoin en matière d’éducation sur les droits de la personne, c’est-à-dire qu’il reste beaucoup de travail à accomplir dans la province pour créer une culture des droits de la personne et acquérir une connaissance pratique de ces droits.

Étant donné la faible proportion de plaintes liées aux droits de la personne dans le secteur du logement, les groupes de défense des droits des locataires ont demandé à la Commission d’établir des mesures visant à sensibiliser davantage les locataires à leurs droits et aux mécanismes d’exécution. Bon nombre de mémoires avaient également trait à la nécessité de former des arbitres, des décideurs et des organismes gouvernementaux sur les obligations internationales et l’application potentielle du Code en ce qui a trait aux décisions prises en vertu d’autres lois, politiques et pratiques qui peuvent être élaborées. D’autres mémoires mentionnaient la nécessité de sensibiliser les décideurs municipaux, les propriétaires locaux, les associations de gens d’affaires et les particuliers aux préceptes du Code et aux conséquences discriminatoires du syndrome « pas dans ma cour ».

Les personnes consultées ont reconnu que la Commission ne pouvait pas se charger seule de la tâche immense d’éduquer le public. La plupart de ces personnes voyaient qu’il y avait moyen d’établir des partenariats entre la Commission et les organisations communautaires locales, y compris les associations de fournisseurs de logements, les associations de locataires et les ministères. Elles ont également suggéré que la Commission fournisse des ressources supplémentaires, comme du matériel de formation ou des guides de ressources, afin d’appuyer les organismes communautaires dans leur travail d’éducation du public.

Un certain nombre de personnes consultées a indiqué que la Commission devrait être davantage présente dans la collectivité. On lui a notamment suggéré d’appliquer les règlements de façon plus proactive, de veiller à l’éducation du public, à la résolution de problèmes et au règlement des différends, de travailler en collaboration avec les organismes communautaires, notamment des cliniques d’aide juridique spécialisées, des tribunaux de la santé mentale et des réseaux locaux d’intégration des services de santé, et d’établir une présence locale et un dialogue efficace avec les collectivités de l’Ontario.

Les groupes de défense des droits des locataires et les fournisseurs de logements ont eux-mêmes mentionné à plusieurs reprises la nécessité de clarifier la communication avec les fournisseurs de logements pour les aider à se conformer de façon proactive au Code. Le Landlords’ Self Help Centre a indiqué que bon nombre de ses clients ne connaissent pas nécessairement bien leurs obligations juridiques ni le cadre de réglementation applicable, dont le Code ne constitue qu’une partie. La FRPO a indiqué qu’il était souhaitable que les efforts d’éducation visent principalement à offrir de l’information à jour aux locateurs et aux gestionnaires afin de prévenir les infractions. La clinique juridique Kensington-Bellwoods Community Legal Services a préconisé des mesures informant les locateurs et les gérants d’immeuble que les droits de la personne en matière de logement seront appliqués rigoureusement, y compris l’envoi de communiqués concernant les décisions des tribunaux.

La consultation a généralement permis de déterminer les sujets de fond suivants relativement à l’éducation des fournisseurs de logements :

  • la primauté du Code sur la LLUH;
  • les annonces pouvant être considérées comme discriminatoires;
  • les limites quant à la capacité des fournisseurs de logements à trier les locataires « indésirables »;
  • l’obligation d’accommodement et la norme de préjudice injustifié;
  • les politiques et les procédures visant à traiter des préoccupations concernant les droits de la personne, y compris les problèmes de harcèlement entre les locataires.

Bien que certaines personnes aient suggéré que ces formes d’éducation s’adressent davantage aux petits locateurs qui ne font pas partie d’une association de fournisseurs de logements, la consultation a révélé que le besoin était plus généralisé. Par exemple, il semble qu’un important pourcentage de fournisseurs de logements considère les droits des locateurs et des autres locataires comme équivalents à ceux des locataires protégés par le Code, sans égard à la primauté du Code.

Dans l’ensemble, les locateurs ont indiqué qu’ils accueillaient avec plaisir l’information sur les droits de la personne comme un outil les aidant à se conformer aux lois applicables. La Commission a appris que les fournisseurs de logements avaient parfois de la difficulté à mettre en œuvre les politiques sur les droits de la personne, car ils ne les comprenaient pas et ils avaient l’impression qu’elles favorisaient plutôt les locataires. Ils ont tendance à prendre ces politiques en aversion et à en faire fi plutôt qu’à essayer de s’y conformer. Une personne consultée a signalé que le défi consistait à aider les locateurs à comprendre l’importance de mettre le Code en application, bien qu’il soit considéré comme ayant des « ramifications pratiques qui ont des conséquences économiques désastreuses pour eux ».

Certaines personnes consultées ont suggéré d’octroyer des permis pour s’assurer que les locateurs reçoivent une formation visant à les sensibiliser aux lois de base concernant le logement, ainsi qu’aux lois sur les droits de la personne. Cette question a fait l’objet d’une longue discussion parmi les fournisseurs de logements et les groupes de défense des droits des locataires. Les opposants à l’octroi d’un permis ont indiqué que cette mesure découragerait les éventuels locateurs et réduirait les occasions de créer du logement plus abordable. Certaines organisations de fournisseurs de logements ont indiqué qu’il serait possible d’atteindre des objectifs semblables, mais par d’autres moyens, notamment en offrant une formation sur les droits de la personne aux membres comme condition d’enregistrement à des programmes de certification volontaire.

Bon nombre des personnes consultées ont indiqué que le système de prise de décision démocratique et l’absence de la notion de coopérative dans le Code sont des facteurs qui conduisent à des violations du Code et amènent des difficultés à résoudre les problèmes liés aux droits de la personne. Par exemple, la Commission a appris que les règlements approuvés par les membres d’une coopérative, y compris ceux qui ont trait aux expulsions, peuvent être appliqués même s’ils entrent en conflit avec l’obligation de fournir une adaptation en vertu du Code. Dans d’autres cas, on a indiqué à la Commission que les conseils de certaines coopératives croient qu’ils peuvent établir leurs propres règles sans tenir compte du Code ou qu’ils ne peuvent modifier les règles existantes pour résoudre des problèmes liés aux droits de la personne sans l’approbation d’une majorité de membres. Ces types d’intervention révèlent qu’il est nécessaire de mettre en œuvre des mesures supplémentaires pour sensibiliser davantage la population aux droits humains dans ce secteur.

4.5. Application des droits relatifs au logement

Des personnes consultées ont décrit leurs préoccupations concernant l’application des principes des droits de la personne dans le contexte des décisions prises en vertu de la LLUH ou de la LRLS. Les cours et les tribunaux doivent interpréter et appliquer le droit interne conformément avec les obligations internationales de l’État en matière de droits de la personne[80]. La récente décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Tranchemontagne[81] illustre clairement le fait que les décideurs administratifs, comme la CLI ou les gestionnaires de services au sens de la LRLS, ont l’obligation de tenir compte du Code et de le mettre en application. Toutefois, on a exprimé des inquiétudes sur le fait que les décideurs qui appliquent la LRLS et la LLUH en Ontario n’exécutent pas le Code et les pactes internationaux de façon appropriée.

Stratégie proactive de traitement des droits de la personne

Les fournisseurs de logements, les locataires et la société en général ont avantage à ce que les fournisseurs de logements créent et maintiennent des environnements qui sont inclusifs, diversifiés et exempts de discrimination. Pourtant, la Commission a appris que certains fournisseurs de logements peuvent ne pas bien comprendre quels types de politiques et de procédures sont nécessaires pour prévenir et éliminer les situations de discrimination. Nombre de locateurs ont indiqué ne pas se sentir en possession des outils pour aborder adéquatement les questions relatives aux droits humains, comme les demandes d’adaptation ou les allégations de harcèlement, pour empêcher que ces problèmes se transforment en plaintes liées aux droits de la personne. Par exemple, dans les tables rondes et durant le processus de consultation, des fournisseurs de logements ont exprimé la crainte de ne pas savoir comment réagir dans une situation de harcèlement entre locataires.

Dans certains cas, les locateurs eux mêmes peuvent se sentir désemparés lorsqu’ils sont confrontés à du racisme, du harcèlement ou d’autres formes de discrimination en raison de leur appartenance à un groupe protégé par le Code. Ce sentiment d’impuissance, ajouté à l’ignorance des moyens de prévenir et d’éliminer la discrimination, peuvent empêcher un fournisseur de logements de réagir efficacement à des situations de discrimination.

Lors de cette consultation, la Commission a également appris que bon nombre de locataires ne connaissent pas leurs droits et craignent de perdre le logement qu’ils occupent s’ils soulèvent des problèmes au plan des droits de la personne. Par exemple, des membres d’une coopérative d’habitation ont indiqué à la Commission qu’ils avaient de la difficulté à soulever des problèmes liés aux droits de la personne en raison de l’importance accordée à la prise de décision démocratique.

La Commission a récemment publié une politique, Directives concernant l’élaboration de politiques et de procédures en matière de droits de la personne, qui indique comment les organismes, y compris les fournisseurs de logements, peuvent prévenir et éliminer les problèmes touchant les droits de la personne. Cette politique indique qu’une stratégie complète en matière des droits de la personne pourrait comprendre un plan d’analyse, de prévention et d’élimination des obstacles, une politique sur le harcèlement et la discrimination, un mécanisme de traitement des plaintes, une politique et un mécanisme d’adaptation, et un programme d’éducation et de formation[82].

Plaintes liées aux droits de la personne formulées en vertu du Code

Le nombre de cas traités par la Commission ne reflète pas véritablement la prévalence de la discrimination en matière de logement puisque seulement 4 % de toutes les plaintes sont reliées à la discrimination en matière de logement[83]. Selon le CERA, même si les plaintes relatives à l’emploi sont 20 fois plus nombreuses que les plaintes liées au logement, la discrimination en matière de logement touche les groupes de personnes les plus défavorisées au moins autant que la discrimination en matière d’emploi. Par exemple, les demandeurs de statut de réfugié, les personnes bénéficiant de l’aide sociale et celles qui ont un handicap et qui ne peuvent pas travailler sont plus susceptibles de subir de la discrimination dans le secteur du logement que de l’emploi. En outre, puisque près des deux tiers des locataires à faible revenu déménagent chaque année, ils sont davantage exposés aux pratiques de sélection discriminatoires[84].

Les groupes de défense des droits des locataires indiquent que la faible proportion des plaintes liées au logement, de même que la difficulté de faire accepter les demandes relatives aux droits de la personne et les recours nominaux, remet en question l’efficacité de l’application du droit à l’égalité en Ontario. Comme l’a indiqué le Housing Help Centre, le nombre peu élevé de plaintes porte à croire que la discrimination dans le secteur du logement n’est pas un problème répandu. D’autres groupes de défense des droits des locataires ont indiqué que, puisque les cas de discrimination dans le secteur du logement et les recours en cas de violation au Code sont si rares, il se peut que les fournisseurs de logements soient moins enclins à se conformer au Code.

Des personnes consultées ont fourni quelques raisons qui expliqueraient le faible nombre de plaintes liées aux droits de la personne dans le secteur de l’habitation :

  • Le manque de sensibilisation aux protections du Code, la difficulté de reconnaître les violations lorsqu’elles se produisent et la peur de représailles si l’on fait valoir ses droits en matière de logement;
  • Les caractéristiques et les circonstances où les gens subissent de la discrimination relative au logement. Par exemple, les personnes ayant une maladie mentale ou dont la langue maternelle n’est pas le français ni l’anglais peuvent ne pas être en mesure de composer avec les complexités du système. D’autres personnes n’ont pas d’adresse postale permanente ou de numéro de téléphone.
  • Des obstacles à l’accessibilité dans les processus de droits de la personne, notamment la fiabilité des bureaux centralisés, les numéros 1 800 et l’accès Internet plutôt que la prestation de services à l’échelle régionale, des fonds insuffisants pour obtenir les services d’un groupe de défense des droits des locataires et des processus bureaucratiques complexes.

Une recommandation de l’OFIFC demande que des efforts soient déployés pour promouvoir un meilleur accès à la résolution de problèmes liés aux droits de la personne en matière de logement pour les Autochtones par la tenue d’importantes activités de sensibilisation, la distribution de matériel adapté à la culture, un engagement direct auprès des communautés et des organisations autochtones, ainsi que l’établissement de mesures visant à simplifier le processus de traitement des plaintes et à le rendre plus accessible. Il est évident que ces mesures sont justifiées en raison de l’histoire de colonisation qui est la leur et des expériences constantes de discrimination d’ordre systémique et du désavantage historique vécus par les peuples autochtones au Canada[85].

Les fournisseurs de logements ont exprimé beaucoup de frustration concernant les plaintes liées aux droits de la personne et faites en vertu du Code. Par exemple, la FHCC a indiqué que les plaintes relatives aux droits de la personne sont considérées comme un moyen de donner lieu à un appel. Elles sont différentes des processus internes de la coopérative visant à résoudre les problèmes ou des processus prescrits en vertu de la loi provinciale. Bon nombre de locateurs ont eu l’impression qu’ils étaient « coupables jusqu’à preuve du contraire ». Un locateur privé a indiqué que, s’il devait se défendre contre de fausses accusations, il craignait que ça lui coûte « une beurrée ».

Dans plusieurs mémoires, on a mentionné que la Commission devait assurer une application efficace des mesures de protection des droits humains dans la province. Le CERA et le SRAC ont demandé avec insistance à la Commission de réagir rapidement aux cas de violation répertoriés du droit à un logement convenable pour les groupes protégés par le Code, et d’utiliser tous ses pouvoirs pour obtenir des réparations à ces violations. On a également fait valoir le rôle de la Commission qui, à titre d’institution des droits de la personne, favorise et assure l’harmonisation des lois et des pratiques en vigueur au pays avec les instruments internationaux liés aux droits humains et leur application efficace[86]. Enfin, on a demandé à la Commission d’appuyer, devant le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario, les importantes plaintes de fond relatives à l’égalité et de s’occuper des groupes les plus défavorisés en matière de logement dans le nouveau système d’accès direct.

Amélioration des protections du Code par l’ajout de modifications

De nombreuses personnes consultées ont demandé que des modifications soient apportées au Code de façon à inclure la condition sociale dans la liste des motifs de discrimination, conformément aux recommandations du CESCR dans lesquelles « le Comité enjoint les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux d’étendre la protection prévue dans les obligations de l’État partie en vertu du Pacte, et de protéger les personnes défavorisées dans tous les secteurs de compétence contre la discrimination fondée sur le statut social ou économique. »[87]

Comme l’a fait remarquer la HomeComing Community Coalition, « certains occupants de logements abordables sont protégés par le Code selon d’autres motifs, comme un handicap ou à titre de bénéficiaire de l’aide sociale, tandis d’autres ne le sont pas. La reconnaissance d’une "condition sociale" comme motif de distinction illicite serait une protection tout indiquée pour les personnes sans abri ou à faible revenu qui attendent actuellement d’avoir accès à un logement à prix abordable. » Même si elles appuyaient la demande de modifications pour inclure la condition sociale comme motif de distinction illicite, d’autres personnes consultées ont indiqué que cette mesure ne constituait pas une condition préalable pour appliquer efficacement les droits à un logement en vertu du Code.

Bien que le Code ne soit pas modifié de façon à inclure la condition sociale, on a insisté dans certains mémoires sur le fait que les politiques ou les pratiques qui encouragent la discrimination à l’égard des personnes défavorisées ou qui contribuent à leur refuser l’accès à un logement peuvent être considérées comme des violations du Code en raison du lien étroit entre pauvreté et membres des groupes protégés par le Code[88].

La FRPO a indiqué que le fait d’ajouter le motif de condition sociale rendrait encore plus difficile, voire impossible, pour les fournisseurs de logements d’aborder les problèmes de discrimination. On a exprimé des inquiétudes d’ordre pratique au sujet de la portée de ce motif et sur la façon dont il serait appliqué, en indiquant que les plaintes fondées sur ce motif seraient plus ambiguës que celles qui concernent les autres motifs.

La Commission a apporté une attention particulière à l’exclusion du « casier judiciaire » comme motif de distinction illicite en vertu de l’article 2 du Code, et la définition étroite de « casier judiciaire » indiquée dans le Code. En vertu du par. 10(1) du Code, « casier judiciaire » signifie une condamnation pour a) une infraction qui a fait l’objet d’un pardon en vertu de la Loi sur le casier judiciaire (Canada) et qui n’a pas été révoqué, ou b) une infraction à une loi provinciale.

Comme la Société John Howard de Toronto l’a précisé, bien que bon nombre de personnes ayant un casier judiciaire soient admissibles à un pardon, le processus d’obtention du pardon est très exigeant, long et dispendieux[89]. On a donc fait valoir que le Code devrait être modifié de façon à protéger les personnes qui ont fait l’objet d’une condamnation mais qui n’ont pas obtenu leur pardon, ainsi que celles dont le casier judiciaire peut révéler l’existence d’accusations au niveau fédéral, et non pas uniquement au niveau provincial.

Un certain nombre de personnes consultées ont précisé que « l’orientation sexuelle » n’apparaît pas dans la liste des motifs pour lesquels le harcèlement est interdit en vertu du paragraphe 2 (2) du Code, et elles ont indiqué que le Code devrait être modifié de façon à inclure cet élément. Dans l’intervalle, la Commission est d’avis que le harcèlement est également une forme de discrimination, et il est interdit en vertu du paragraphe 2 (1) du Code[90].

Dans les mémoires, on a également mentionné que « l’identité sexuelle » n’apparaissait pas dans la liste des motifs de distinction illicites au paragraphe 2 (1), ni au paragraphe 2 (2) comme motif de harcèlement illicite. Dans quelques mémoires, on a demandé que des modifications soient apportées pour clairement protéger les personnes victimes de discrimination ou de harcèlement fondé sur l’identité sexuelle. Bien que la Commission appuie ce changement, d’ici à ce que le Code soit modifié, la Commission est d’avis que l’identité sexuelle est protégée par la loi en vertu du motif du « sexe ».

Au paragraphe 21 (1) du Code, on présente une exemption de l’application du Code lorsqu’un locateur ou un membre de la famille partage une salle de bain ou une cuisine. Les locataires et les groupes de défense des droits des locataires, y compris la Federation of Metro Toronto Tenants’ Associations, étaient très préoccupés des répercussions de cette exemption sur les locataires vulnérables, comme les nouveaux arrivants. Par exemple, une personne interrogée lors d’un sondage a indiqué qu’elle était très mal à l’aise lorsqu’il était impossible de procéder à l’instruction d’une plainte concernant l’identité sexuelle contre un locateur en raison de cette exemption.


[20] Bekele c. Cierpich, 2008 HRTO 7 (Can Lii) (Bekele), par. 88.
[21] Ibid.
[22] Commission ontarienne des droits de la personne. Approche intersectionnelle de la discrimination : Pour traiter les plaintes relatives aux droits de la personne fondées sur des motifs multiples, octobre 2001. Accessible sur Internet : http://www.ohrc.on.ca/fr/resources/policy/intersectinal/view.
[23] Cette situation préoccupante avait déjà été signalée par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, supra note 13 (par. 26). Voir aussi le paragraphe 59, dans lequel le Comité recommande que les autorités gouvernementales veillent à ce que les femmes qui cherchent à quitter une relation marquée par la violence puissent avoir des options en matière de logement et accéder à des services de soutien appropriés, vu qu’elles ont droit à un niveau de vie suffisant.
[24] Par exemple, un endroit sûr où la femme et ses enfants peuvent demeurer, passer du temps loin du conjoint violent pour examiner différentes options et obtenir un soutien psychologique ou du counselling. Voir YWCA Canada, Pratiques efficaces pour protéger les femmes fuyant la violence dans leurs relations intimes, Rapport de la phase II, 2006, xiii. Accessible sur Internet : www.ywcacanada.ca/public_fr/online_catalog/index.cfm?Heading1_link=publications&Heading2_link=publications&Heading3_link=publications&Heading4_link=publications&Hlinks=1&language=FR
[25] Société canadienne d’hypothèques et de logement, La discrimination à l’égard des femmes victimes de violence conjugale qui cherchent un logement, juillet 2006. Accessible sur Internet : www03.cmhc-schl.gc.ca/b2c/b2c/init.do?language=en&shop=Z01EN&areaID=0000000047&productID=00000000470000000024.
[26] 1 Les femmes autochtones subissent un taux de violence conjugale trois fois plus élevé que les autres femmes. Statistique Canada, « Mesure de la violence faite aux femmes : tendances statistiques 2006 ». Accessible sur Internet : http://www.statcan.ca/francais/research/85-570-XIF/85-570-XIF2006001.pdf.
[27] Commission ontarienne des droits de la personne. Politique et directives concernant la discrimination au motif de l’état familial, mars 2007, (Politique sur l’état familial), section 10.1. Voir aussi York Condominium Corp. no 216 c. Dudnik, no 2, 1990, 12 C.H.R.R. D/325; confirmé, 1991, 14 C.H.R.R. D/406 (Cour div. de l’Ont.).
[28] Ibid.
[29] Loi de 2006 sur la location à usage d’habitation, 2006 L.O. 2006, chap. 17 (LLUH). L’article 113 stipule seulement ce qui suit : « Sous réserve de l’article 111 [qui porte sur les remises de loyer], le loyer légal de la première période de location du nouveau locataire dans le cadre d’une nouvelle convention de location est celui qui lui est demandé pour la première fois. »
[30] Mémoire de la John Howard Society of Toronto. Voir Service correctionnel Canada, Faits et chiffres sur le service correctionnel fédéral, édition 2001. Accessible sur Internet : dsp-psd.pwgsc.gc.ca/Collection/JS82-17-2001F.pdf. En 2001, le Canada comptait 30 750 087 habitants, dont 15 517 178 étaient des femmes. Cette même année, 2 600 994 hommes et 681 199 femmes avaient un dossier criminel. Ces chiffres comprennent les jeunes contrevenants déclarés coupables d’un acte criminel.
[31] Service correctionnel Canada, Faits et chiffres : Direction des initiatives pour les Autochtones – Statistiques sur les délinquants autochtones. Accessible sur Internet : www.csc-scc.gc.ca/text/prgrm/abinit/know/4-fra.shtml.
[32] Par exemple, PACE a signalé qu’une assistée sociale qui ne déclare pas ses revenus tirés d’un travail de gardienne d’enfants, qu’elle utilise pour acheter de la nourriture et d’autres biens de première nécessité, est traitée sévèrement comme une criminelle par les personnes qui, régulièrement, cherchent à travailler au noir ou déclarent illégalement des dépenses à caractère social comme dépenses d’entreprises. Cet organisme faisait allusion à la déclaration faite sous serment de J. Bruce Porter en octobre 2000 – Cour de justice de l’Ontario (région de Toronto). Entre Sa Majesté la Reine, intimée, et David Bank et al., demandeurs.
[33] Loi sur la santé mentale, R.R.O. 1990, chap. M. 7. Voir aussi Commission ontarienne des droits de la personne, Politique sur la discrimination fondée sur la santé mentale et les vérifications des dossiers de la police – Ébauche, février 2008. (Ébauche de politique sur les vérifications des dossiers). Un addenda relatif au crime est un contrat civil passé entre un locateur et un locataire par lequel ce dernier convient de ne pas participer à des activités criminelles et de ne pas permettre que de telles activités se déroulent dans l’unité de logement visée.
[34] Aux termes du paragraphe 4 (1) du Code, toute personne de 16 ou 17 ans qui s’est soustraite à l’autorité parentale a droit à un traitement égal en matière d’occupation d’un logement et de contrats de logement, et aux termes du paragraphe 4 (2), un contrat de logement conclu par une telle personne est exécutoire contre cette personne comme si elle avait 18 ans.
[35] Cet article permet qu’on réserve un traitement préférentiel aux personnes de 65 ans ou plus et, donc, qu’il y ait des logements réservés aux personnes de 65 ans ou plus.
[36] Voir aussi Il est temps d’agir (...), supra note 1.
[37] Convention relative aux droits des personnes handicapées, adoptée par l’Ass. gén. des Nations Unies le 13 décembre 2006. U.N. GAOR plén., 61sess., 76séance, ONU Doc. GA/10554 (2006), art. 9, 19 et 28. Il est à noter que le Canada n’a pas encore ratifié cette convention.
[38] Positive Spaces, Healthy Places. Fact Sheet: Stigma and Discrimination in Housing, décembre 2006. Accessible sur Internet : www.healthyhousing.ca (en anglais).
[39] L’Association des psychiatres du Canada définit la maladie mentale comme suit : « De façon générale, la maladie mentale désigne des modèles cliniquement significatifs de fonctionnement comportemental ou émotionnel qui sont associés à un certain niveau de détresse, de souffrance (la douleur, la mort) ou d’incapacité fonctionnelle (par exemple, à l’école, au travail, dans un contexte social ou familial). À l’origine de ce trouble, se trouve une dysfonction ou une combinaison de dysfonctions psychologiques, biologiques ou comportementales. » Voir Association des psychiatres du Canada, La maladie mentale et le travail (brochure). Accessible sur Internet : publications.cpa-apc.org/browse/documents/22.
[40] Commission ontarienne des droits de la personne. Politique et directives concernant le handicap et l’obligation d’accommodement, novembre 2000. (Politique sur le handicap).
[41] Conformément à l’alinéa 27 (1) 4) de la LLUH (supra note 29), un locateur peut entrer dans un logement locatif sur préavis écrit donné au locataire au moins 24 heures avant l’heure d’entrée dans le but de déterminer si le logement est en bon état, propre à l’habitation et conforme aux normes de salubrité, de sécurité et d’entretien ainsi qu’aux normes relatives à l’habitation.
[42] Bekele, supra note 20.
[43] Commission ontarienne des droits de la personne, Politique et directives sur le racisme et la discrimination raciale, juin 2005. (Politique sur la race). Il peut y avoir discrimination si une personne racialisée est traitée différemment de la manière dont elle l’aurait été si elle avait été de race blanche en l’absence d’explication non discriminatoire acceptable de la différence de traitement.
[44] On mène une expérience pour vérifier l’existence de racisme ou d’autres formes de discrimination. Il s’agit de comparer le traitement subi par une personne protégée par le Code et le traitement subi par une personne de statut différent dans une situation donnée. Par exemple, les deux personnes peuvent chercher à louer un certain nombre de logements. Si l’on note des écarts importants dans le nombre de fois où on leur a dit que le logement était déjà loué, cela peut révéler de la discrimination.
[45] Ahmed c. 177061 Canada Ltd., 2002, 43 C.H.R.R. D/379 (Comm. enq. Ont.).
[46] Iness c. Caroline Co-operative Homes Inc., no 5, 2006 TDPO 19 (Can LII). Mme Iness devait verser toute la partie affectée au logement de l’aide sociale qu’elle recevait en loyer à la coopérative où elle habitait au lieu de payer 25 % de son revenu en loyer, comme elle le faisait auparavant. En conséquence, elle ne pouvait plus payer sa prime d’assurance ni ses frais d’électricité à même cette partie, si bien qu’elle devait, faire une ponction dans les sommes qu’elle consacrait pour payer ses nécessités de subsistance. Le Tribunal [des droits de la personne de l’Ontario] a déclaré que Mme Iness avait été traitée différemment des autres locataires à faible revenu, qui n’étaient pas bénéficiaires d’aide sociale et qui consacraient une partie de leur revenu à leur loyer.
[47] Société canadienne d’hypothèques et de logement, LE POINT EN RECHERCHE – La discrimination à l’égard des femmes victimes de violence conjugale qui recherchent un logement, juillet 2006. Accessible sur Internet : www03.cmhc-schl.gc.ca/b2c/b2c/init.do?language=fr&shop=Z01FR&areaID=0000000047&productID=00000000470000000025.
[48] Voir, par exemple, la Déclaration universelle des droits de l’homme, signée le 10 déc. 1948, G.A. Res. 217A (III), ONU Doc. A/810, 1948, et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, supra note 13. Accessible sur Internet : www.ohchr.org.
[49] Par exemple, le mémoire du CERA signale que, selon le rapport annuel de 2006 de Cap Reit, une fiducie d’investissement dans des immeubles à usage d’habitation, qui exploite plus de 18 000 unités de logement en Ontario, a dû consacrer aux vacances, aux paiements incitatifs à la location et aux créances irrécouvrables une somme correspondant à 3,5 % de ses revenus d’exploitation cette année-là. Cap Reit, Annual Report, 2006, p. 19. Accessible sur Internet : http://library.corporate-ir.net/library/12/124/124438/items/243891/AR2006.pdf (en anglais). En outre, le mémoire du CERA fait état de recherches menées en vue de l’audience de la Commission d’enquête de l’Ontario dans l’affaire Shelter Corp c. Ontario (Comm. des droits de la pers.) (no 2) (sub nom Kearney c. Bramalea Ltd. (no 2)), 1998, 34 C.H.R.R. D/1 (Comm. enq. Ont.) (Kearney) - N. Barry Lyon Consultants Ltd., The Impact of Rent Arrears on the Viability of Residential Landlords’ Businesses, 1995.
[50] Par exemple, le mémoire de la Federation of Metro Tenants’ Association présentait des statistiques établies par LAPOINTE, Linda, Analysis of Evictions in the City of Toronto: Overall Rental Housing Market, mars 2004, concernant les raisons des arriérés de loyer : raisons professionnelles (39 %), raisons médicales (17 %), autres raisons financières (12 %), problèmes familiaux (7 %), conflits locateurs-locataires (13 %), autres raisons (12 %).
[51] Document de référence, mars 207 (Document de référence),, p. 49.
[52] Politique sur l’état familial, supra note 27, section 10.2.1.
[53] Ibid.
[54] Kearney, supra note 49, et Vander Schaaf c. M & R Property Management Ltd., 2000, 38 C.H.R.R. D/251, par. 105 (Comm. enq. Ont.).
[55] Service Canada, www1.servicecanada.gc.ca/fr/nas/proteger/provide.shtml
[56] Voir aussi Ébauche de politique sur les vérifications des dossiers, supra note 33.
[57] Loi de 2006 sur la location à usage d’habitation, supra note 29, art. 106.
[58] Document de référence, supra note 51, p. 49.
[59] Des exigences de ce genre peuvent avoir un effet négatif sur les personnes qui travaillent à temps partiel ou à contrat, y compris les gens qui ont des obligations en matière de soins, les Autochtones et les jeunes. Voir, par exemple, Sinclair c. Morris A. Hunter Investments Ltd., 2001, 41 C.H.R.R. D/98 (Comm. enq. Ont.); dans cette affaire, l’exigence d’un locateur selon laquelle les locataires éventuels devaient avoir un emploi permanent chez un même employeur depuis un certain temps a été jugée discriminatoire envers les jeunes.
[60] Cunanan c. Boolean Developments Ltd., 2003, 47 C.H.R.R. D/236, par. 65-66 (TDPO).
[61] Politique sur l’état familial, supra note 27, section 10.3.
[62] Loi de 2000 sur la réforme du logement social, Règlement de l’Ontario 298/01 (Aide sous forme de loyer indexé sur le revenu et logement adapté), alinéa 28 (2) a). 
[63] Société canadienne d’hypothèques et de logement. « Le logement au Canada en ligne » : data.beyond2020.com/cmhc/HiCODefinitions_FR.html. Voir aussi Industrie Canada, Direction générale de la vérification et de l’évaluation. Évaluation des programmes des coopératives d’habitation, 2003. Accessible sur Internet : dsp psd.pwgsc.gc.ca/Collection/NH15-418-2003F.pdf. 
[64] Meiorin, supra note 19. 
[65] Iness, supra note 46, par. 302-335. 
[66] Politique sur le handicap, supra note 40.
[67] La consultation ne portait pas précisément sur les foyers de groupe et les résidences pour personnes âgées. Les problèmes mentionnés ne représentent qu’une faible partie des problèmes pouvant exister.
[68] Loi favorisant un Ontario sans fumée, L.O. 1994, chap. 10.
[69] Vancouver Sun, « Woman claims right to smoke-free housing », 5 février 2008.
[70] Voir, par exemple, SHELLEY, Jacob, University of Alberta, Environmental Tobacco Smoke as a Breach of the Covenant of Quiet Enjoyment, août 2007.
[71] KLASSER, K., M.D., et al. « Smoking and Mental Illness: A Population-Based Prevalence Study », 2000, 284, no 20. The Journal of the American Medical Association 2608 (réimpression).

[72] Commission ontarienne des droits de la personne, Politique sur les tests de dépistage de la consommation de drogues et d’alcool, septembre 2000.
[73] Par exemple, Cominco Ltd. c. United Steelworkers of America, Local 9705, 2000 B.C.C.A.A.A no 62, décision no A-046/00, et McNeill c. Ontario (Ministry of the Solicitor General and Correctional Services), 1998, O.J. no 2288.
[74] Politique sur le handicap, supra note 40, section 5.3.3.
[75] Voir, par exemple, Walmer Developments c. Wolch, 2003, 67 O.R. (3d) 246. Accessible sur Internet : www.canlii.org/en/on/onscdc/doc/2003/2003canlii42163/2003canlii42163.html (en anglais).
[76] Le terme « maison de soins » désigne les résidences pour personnes âgées, les foyers de groupe et les pensions où des services de soins sont offerts ou fournis.
[77] Loi de 2000 sur la réforme du logement social, Règlement de l’Ontario 298/01, supra note 62.
[78] La Commission s’est également fait dire que des coopératives ont établi leurs propres règles, qui permettent l’expulsion, parfois sur court préavis, de membres jugés incapables de vivre de façon autonome.
[79] Par exe HULCHANSKI mple, les propriétaires de logements locatifs situés dans des maisons, des duplex, des triplex, des habitations converties et au-dessus d’un magasin, et de logements supplémentaires dans des habitations qu’ils occupent. Selon les estimations du Landlord’s Self Help Centre, les logements de ce type représentent 20 % du parc de logements locatifs.
[80] Voir Comité sur les droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies, Dix-neuvième session, Observation générale 9 – Application du Pacte du niveau national, Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Genève, E/C. 12/1998/24, par. 15. Voir également Slaight Communications Inc. c. Davidson, [1989] 1 SCR 1038; et Baker c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 1999, 2 SCR 817.
[81] Tranchemontagne c. Ontario (dir., Programme de soutien aux personnes handicapées), 2006, 1 S.C.R. 513.
[82] Commission ontarienne des droits de la personne, Directives concernant l’élaboration de politiques et de procédures en matière de droits de la personne (anciennement La création de procédures internes de règlement des plaintes pour atteinte aux droits de la personne), mars 2008. Accessible sur Internet : www.ohrc.on.ca.
[83] Document de référence, supra note 51, p.14.
[84] HULCHANSKI David. Discrimination: Routine Exclusion of Welfare Recipients in Toronto, 1992 (Hulchanski). Accessible sur Internet : action.web.ca/home/housing/resources.shtml?x=67199&AA_EX_Session=3ace2d7f6374b4a8c3d8138dbdad41d9.
[85] Voir, par exemple, la discussion présentée dans le document Politique sur la race de la Commission, supra note 43, à la section 1.4, « Contexte historique : L’héritage du racisme au Canada »
[86] Voir, par exemple, les institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme, GA Res. 48. 134, UN GAOR, 48e sess., 8e ass. plénière, ONU Doc. A/RES/48/134 920, décembre 1993; les institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme, Res. 1994/54, UN HRC, 56e assemblée, ONU Doc. R/CN.4/RES/1994/54, 4 mars 1994. Voir aussi le Comité sur les droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies, Dix-neuvième session, Observation générale no 10, Le rôle des institutions nationales des droits de l’homme dans la protection des droits économiques, sociaux et culturels, Genève, E/C. 12/1998/25, par. 15.
[87] Observations finales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, supra note 13, par. 39.
[88] Kearney, supra note 49.
[89] La Société John Howard de Toronto a indiqué que le pardon n’est accordé à une personne que lorsque la peine a été entièrement purgée et qu’une période d’attente de 3 à 5 ans s’est écoulée. Après avoir fait une demande de pardon, il faut probablement compter entre 12 et 18 mois, ou plus, avant de l’obtenir. Les demandeurs doivent payer tous les frais associés à la prise des empreintes digitales (soit 25 $ à Toronto), à l’obtention d’une copie certifiée de leur casier judiciaire auprès de la GRC (25 $) et au versement de frais de 50 $ à la Commission nationale des libérations conditionnelles pour que l’organisme étudie leur demande. Lorsque le demandeur envoie sa demande, c’est à la Commission nationale des libérations conditionnelles de décider si la demande est acceptée ou non et si le pardon est accordé. Au cours des 7 dernières années, les taux de succès ont varié entre 26 % de toutes les demandes faites dans une année à 116 %. Voir aussi le « Rapport de surveillance du rendement 2006-2007 » de la Division de la mesure du rendement de la Commission nationale des libérations conditionnelles, paru en juillet 2007. Accessible sur Internet : www.npb-cnlc.gc.ca/reports/pdf/pmr_2006_2007/PMR_2006-2007-fra.pdf.
[90] Voir aussi Crozier c. Asseltine, 1994, 22 C.H.R.R. D/244, par. 9 (Comm. enq. Ont.) et Janzen c. Platy Enterprises Ltd., 1989, 1 S.C.R. 1252.

Problèmes systémiques et sociétaux liés aux droits de la personne en matière

5.1. Conception inclusive dans le secteur du logement

Les personnes protégées en vertu de tous les motifs prévus au Code devraient pouvoir accéder à un logement et avoir les mêmes devoirs et obligations que les autres, dans la dignité et sans obstacle. Les fournisseurs de logements et d’autres parties responsables, dont le gouvernement, doivent s’assurer que le logement qu’ils offrent et les programmes qu’ils administrent reposent sur une conception inclusive. Ils doivent également éliminer les obstacles existants au logement et sujets à la norme de préjudice injustifié. Lors de cette consultation, la Commission a appris que certains problèmes découlaient de lacunes en matière de conception inclusive, tant dans les caractéristiques physiques des édifices que dans les politiques et les programmes applicables.

Conception de construction et caractéristiques physiques

Comme l’a indiqué le document de référence, il faut intégrer des principes de conception universelle au développement et à la construction du logement, et aucun nouvel obstacle ne devrait être créé à l’étape de la construction ou de la rénovation des installations[91]. Les éléments de conception inclusive reliés aux caractéristiques physiques des édifices peuvent avantager les personnes protégées en vertu de quelques motifs prévus au Code, ainsi que d’autres locataires. Par exemple, un appartement entièrement insonorisé répondrait aux besoins d’un locataire qui utilise un support de marche ou un locataire ayant plusieurs enfants, tout en étant avantageux pour les occupants des unités voisines.

Bien que les principes de conception inclusive s’appliquent à tous les motifs prévus au Code, la plupart des personnes consultées ont indiqué à la Commission qu’il existait des situations où l’on ne respectait pas ces principes reliés aux handicaps. Par exemple, la division de l’Ontario de l’ACSM a indiqué que la conception inclusive visant à répondre aux besoins des personnes ayant une maladie mentale (et qui préfèrent souvent vivre en solitaire plutôt que d’avoir un colocataire) nécessiterait la création de studios et d’appartements à une chambre plus abordables. La Société canadienne de l’ouïe a remarqué que la plupart des logements locatifs ne sont pas dotés du matériel de protection contre les incendies qui assurent que tous les locataires, y compris les personnes ayant une déficience auditive, soient avertis rapidement en cas d’incendie. Le personnel de la clinique juridique Hamilton Mountain Legal and Community Services a indiqué avoir reçu plusieurs appels de locataires concernant des édifices sans rampe d’accès ou l’existence d’autres obstacles à la mobilité. On a souvent parlé des préoccupations concernant l’absence de systèmes d’avertisseur optique et acoustique qui permettent aux locataires handicapés d’identifier les visiteurs avant de leur donner accès au logement. La Commission a également dit que les personnes souffrant de polysensibilité chimique étaient confrontées à une pénurie de logements locatifs répondant à leurs besoins étant donné que les appartements ont généralement de la moquette.

Les fournisseurs de logements ont émis des réserves sur le fait qu’on les oblige à revoir la conception de leurs édifices ou à modifier leurs immeubles plus anciens afin de répondre aux exigences en matière d’adaptation. Selon la FRPO, les exigences relatives à l’adaptation et à la conception inclusive ne devraient s’appliquer qu’aux nouveaux édifices. La Commission convient que l’accent mis sur la conception inclusive de tous les nouveaux édifices serait avantageux pour les fournisseurs de logements, les locataires et la société dans son ensemble. Toutefois, l’obligation pour les fournisseurs de logements de supprimer les obstacles existants, sujets à la norme de préjudice injustifié, serait toujours en vigueur.

Le fait que le Code du bâtiment en vigueur omette d’établir des normes de conception inclusive a soulevé certaines questions. Le MAML a indiqué que plusieurs exigences liées à l’accessibilité sont mentionnées à la section « Aménagement pour accès facile » du Code du bâtiment et que le Code du bâtiment avait été modifié la dernière fois en 2006. Toutefois, bon nombre des préoccupations de la Commission, indiquées dans son mémoire de 2002 sur le Code du bâtiment, n’ont pas encore fait l’objet d’un suivi[92]. Les groupes de défense des droits des locataires ont indiqué que le Code du bâtiment ne permet pas encore l’accès au logement à un grand nombre de personnes handicapées, y compris celles qui utilisent des dispositifs de déplacement encombrants et les personnes ayant une sensibilité à des facteurs environnementaux (Hamilton Mountain Community and Legal Services). Pour se défendre contre une plainte fondée sur la discrimination aux termes du Code, l’argument de conformité aux codes du bâtiment pertinents a été clairement rejeté[93].

Des personnes et des organisations consultées, notamment le CDPH, ont également exprimé leur inquiétude sur les lacunes liées aux normes qui ont été établies à ce jour dans la Loi de 2005 sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario (LAPHO)[94]. Selon eux, les éventuelles normes, telles que les normes d’accessibilité au milieu bâti, peuvent également ne pas répondre aux besoins. Le MAML a indiqué qu’il dirigeait le Comité chargé d’établir ces normes. Le ministère des Services sociaux et communautaires (MSSC) est responsable de l’application de la LAPHO[95].

Programmes, politiques et pratiques

Les principes de conception inclusive ne s’appliquent pas uniquement aux édifices, structures physiques et autres éléments de construction. Ils concernent également les programmes, politiques et pratiques qui pourraient représenter des obstacles à l’accès pour les personnes protégées en vertu du Code[96]. Le rapporteur spécial qui s’est penché sur le logement convenable a indiqué que la conception des politiques et des programmes devrait être fondée sur un cadre relatif aux droits de la personne et reconnaître pleinement le droit à un logement adéquat[97].

La Commission a appris que l’Ontario devait absolument se doter de programmes de logement conçus de façon à inclure les groupes protégés par le Code et qui ont des besoins spécifiques. Par exemple, l’ACE a reconnu qu’il fallait augmenter l’accès à des options de logement suffisant, convenable et abordable pour les aînés ayant une maladie mentale, des besoins physiques complexes et une maladie chronique. L’OFIFC a ajouté que, même si les jeunes Autochtones sont surreprésentés dans les systèmes de protection de l’enfance et de justice pour les adolescents et qu’ils risquent de se retrouver dans la rue à leur remise en liberté, il n’existe aucun programme de logement abordable et spécifique pour les jeunes Autochtones vivant en milieu urbain.

L’ATTSO a indiqué que le système de logement n’assurait pas la neutralité par rapport au mode d’occupation des logements. On a plutôt indiqué que les personnes à revenu plus élevé, dont le régime de marché ne constitue pas un obstacle et qui achètent une maison, ont droit à une aide disproportionnée grâce aux programmes et aux subventions du gouvernement. Cette situation confirme que les personnes à faible revenu, dont les droits en matière de logement sont négligés, reçoivent très peu d’aide, ou pas du tout, et sont parfois forcés de vivre dans des logements insalubres.

Des personnes et des organisations consultées, notamment le CERA et le SRAC, ont donné des exemples de programmes, de politiques et de pratiques du gouvernement qui peuvent aller à l’encontre des principes de conception inclusive :

  • L’attribution des logements sociaux fondée sur un ordre chronologique (touchant les jeunes, les nouveaux arrivants et les personnes ayant des besoins immédiats);
  • L’omission de verser une allocation de logement ou une aide d’urgence aux personnes à risque élevé de devenir itinérantes;
  • L’omission de verser une allocation de logement ou une aide d’urgence ou d’offrir un hébergement de rechange aux personnes risquant l’expulsion en raison de circonstances imprévues;
  • L’absence de politiques claires en ce qui a trait à l’interprétation (langages ASL et LSQ, et langues autres que le français et l’anglais) et d’autres services donnant droit à un traitement égal en matière d’accès au logement;
  • La présence d’obstacles comportementaux à l’origine de certaines caractéristiques de conception (p. ex., imposition d’exigences strictes en matière d’information à fournir pour les bénéficiaires de l’assistance sociale qui sont d’emblée perçus comme des fraudeurs ou exclusion des personnes handicapées de certains types de logement sous prétexte que le logement ne leur conviendrait pas).

D’autres personnes consultées ont indiqué que, dans certaines circonstances, des fournisseurs de logements peuvent avoir omis de respecter leurs devoirs en matière de conception inclusive. Par exemple, la règle interdisant la présence d’animaux de compagnie dans un appartement peut constituer un obstacle à l’accès au logement pour un jeune sans-abri ou une personne ayant une maladie mentale, une déficience visuelle ou un autre handicap.

5.2. Logement convenable et abordable

Le rapporteur spécial des Nations Unies sur le logement convenable, M. Miloon Kothari, a utilisé les termes « très désolant et très dérangeant » pour qualifier ce qu’il a vu durant la mission d’enquête qu’il a effectuée au Canada[98]. Dans les observations préliminaires qu’il a recueillies lors de sa mission au Canada effectuée en octobre 2007, M. Kothari a parlé de l’impact profond et dévastateur de cette crise nationale sur les conditions de vie de femmes, de jeunes, d’enfants et d’hommes, et il constate qu’en dépit de cette crise, le gouvernement fédéral engrange depuis 1998 un surplus annuel de plusieurs milliards de dollars[99].

Dans ses recommandations du 12 mars 2008 sur le logement convenable, M. Kothari a proposé les mesures suivantes afin d’assurer la protection du droit au logement convenable[100] :

  • Adoption d’une approche humanitaire alliée à une approche basée sur les droits humains de façon à affronter les conditions de logement inadéquates et le sans-abrisme;
  • Reconnaissance du droit au logement convenable par l’adoption de lois et de politiques et par un engagement budgétaire;
  • Établissement de mesures concrètes afin de mettre ce droit en pratique.

Le projet de loi 47, Loi visant à consacrer le droit à un logement convenable comme droit humain universel, a franchi l’étape de la première lecture le 27 mars 2008. Ce projet de loi d’initiative parlementaire reconnaît que chaque personne a droit à un logement convenable, conformément aux droits reconnus au paragraphe 11 (1) du PIDESC[101]. L’adoption d’une telle loi constituerait un formidable pas vers la réalisation des droits reconnus dans le PIDESC en Ontario.

Certaines organisations, comme l’ALSBLO et la Fédération de l’habitation coopérative du Canada, ont indiqué qu’il existe des mécanismes d’intervention visant à promouvoir le développement du logement destiné aux groupes protégés, comme la Déclaration de principes provinciale[102]. Bien que la Déclaration de principes provinciale exige que les autorités chargées de la planification établissent un minimum de cibles en matière de logement accessible aux ménages à revenu faible et modeste, et qu’elles permettent et facilitent l’implantation de logements adaptés, on a remarqué que les municipalités établissaient leurs propres stratégies en matière de logement sans toujours tenir compte des politiques en vigueur qui ne faisaient pas partie des priorités budgétaires. Lors d’autres présentations et discussions qui ont eu lieu à des tables rondes, on a indiqué que la mise en place d’une stratégie globale et cohérente en matière de logement se faisait difficilement en raison du chevauchement des compétences entre les gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux.

Bien que le Canada soit doté d’un système fédéral unique dans lequel le logement est du ressort des provinces et des territoires[103], M. Kothari a clairement indiqué qu’il s’attendait à ce que les ordres du gouvernement travaillent ensemble : « Néanmoins, que l’autorité soit d’ordre fédéral, provincial, municipal ou autre, l’État devrait trouver des stratégies qui assureraient la mise en œuvre du droit à un logement convenable. »[104]

Le 29 avril 2005, les gouvernements provincial et fédéral ont signé une entente de quatre ans relativement au Programme de logement abordable (PLA), laquelle viendra à échéance en 2009. Les deux ordres de gouvernement et les administrations municipales investissent 734 millions de dollars sur la durée du programme afin d’augmenter de 20 000 unités la production de logements abordables et d’offrir des allocations de logement aux familles à faible revenu de l’Ontario (MAML). Le MAML a indiqué que, selon le PLA, la priorité sera accordée, sans y être limitée, aux Autochtones, aux nouveaux immigrants, aux personnes handicapées, aux aînés à faible revenu, aux personnes ayant une maladie mentale, aux victimes de violence conjugale et aux petits salariés.

Des personnes consultées ont reconnu que de nouveaux logements abordables ont été construits en vertu du PLA et que d’autres sont en cours de construction et d’aménagement[105], mais plusieurs étaient préoccupées de la définition donnée à la notion d’« abordabilité ». Le MAML a indiqué que, pour les logements locatifs construits en vertu du PLA, le prix du loyer doit équivaloir ou être inférieur au loyer moyen du marché établi par la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), et a précisé que le prix de location moyen des ensembles locatifs doit être de 20 % inférieur au loyer moyen du marché. On a fait valoir que ces unités seraient quand même abordables pour bon nombre de personnes et de groupes désignés par les motifs prévus au Code.

Des personnes consultées étaient également inquiètes du fait que, malgré la mise sur pied du PLA, on n’a pas réussi à combler l’immense besoin en matière de logements abordables.

Ce programme n’éliminera pas le besoin considérable en matière de logements subventionnés en Ontario. Les loyers ne seront pas abordables pour les ménages inscrits sur les listes d’attente pour le logement social (125 000 en 2004), car les prix seront fixés juste sous les prix de location moyen en vigueur dans le secteur privé. (Kensington-Bellwoods Community Legal Services)

On s’est toutefois réjoui que l’actuel gouvernement de l’Ontario ait accompli des progrès dans certains secteurs du logement destiné aux ménages à faible revenu. Par exemple, des personnes consultées ont émis des commentaires positifs sur certaines initiatives comme le Programme de supplément au loyer pour l’épanouissement communautaire[106] et le Programme provincial de banques d’aide au loyer qui fournit une aide financière aux locataires pour le paiement d’arriérés pouvant correspondre jusqu’à deux mois de loyer[107]. Les ménages qui bénéficient d’une aide en vertu du Programme de supplément au loyer pour l’épanouissement communautaire reçoivent un supplément au loyer représentant 30 % de leur revenu (MAML). Le MAML a en outre indiqué qu’il y a actuellement plus de 6 600 ménages qui reçoivent un supplément au loyer et que 1 321 d’entre eux vivent dans un logement avec services de soutien.

D’un autre côté, on a soulevé la question de la disponibilité de ces programmes, comparativement au nombre de personnes qui en ont besoin. De plus, la Commission a appris que les critères d’admissibilité associés à certains de ces programmes les rendent inaccessibles aux personnes recevant des prestations d’invalidité ou bénéficiaires de l’aide sociale. Le MAML a indiqué que certains gestionnaires de services permettent ou interdisent aux assistés sociaux, ainsi qu’aux locataires de logements sociaux, d’avoir accès à la banque d’aide au loyer étant donné qu’ils bénéficient déjà d’autres programmes. On a indiqué à la Commission que des critères d’admissibilité semblables existent pour d’autres programmes, lesquels pourraient atténuer le désavantage qu’ils représentent pour ces personnes et ces groupes protégés par le Code.

Le programme Toit pour toi – aide ontarienne aux familles locataires, appelé simplement Toit pour toi, en est un exemple concret. Des personnes consultées ont fait remarquer que le ministère des Affaires municipales et du Logement avait trouvé un titre bien accrocheur pour ce programme, mais que les critères d’admissibilité éliminaient bon nombre de locataires à faible revenu. La Commission a appris que les assistés sociaux et les pensionnés ne peuvent pas bénéficier de la prestation mensuelle de 100 $ par mois et que seules les familles ayant un enfant à charge de moins de 18 ans sont admissibles au programme. Les personnes seules, les couples sans enfant et les parents dont les enfants ont atteint l’âge adulte ne peuvent pas non plus s’inscrire à ce programme (PACE).

Logement social

Il y a plus de 250 000 unités de logement social en Ontario, y compris du logement coopératif, sans but lucratif et privé, et des unités modifiées et avec services de soutien. La plupart sont financés et administrés par les municipalités (MAML). Le MAML a indiqué que c’était la responsabilité de la province de répondre aux besoins des ménages vulnérables et à faible revenu, par exemple en donnant la priorité aux victimes de violence conjugale, en protégeant le nombre d’unités modifiées à l’intention des personnes ayant un handicap physique et en mettant en vigueur des règles s’appliquant au logement social spécial pour les sans-abri. Le SMHN a indiqué qu’il y avait plusieurs types de logements sociaux et qu’on ne devrait pas présumer que le logement social est administré de la même façon dans toute la province étant donné que les capacités et les priorités diffèrent selon chaque région. Par exemple, le logement social n’est pas entièrement réglementé en vertu de la LRLS[108].

Des personnes consultées ont indiqué que la clientèle des logements sociaux est, par rapport à celle des logements locatifs privés, plutôt constituée de personnes handicapées, d’aînés, de familles monoparentales, de nouveaux immigrants et des personnes racialisées. Les locataires de logements sociaux doivent composer avec un faible revenu et des besoins spéciaux, et affronter les obstacles qui y sont associés (North Peel and Dufferin Community Legal Services)[109].

Les fournisseurs de logements sociaux ont parlé du rôle important qu’ils jouent étant donné qu’ils offrent l’accès au logement abordable à des groupes protégés par le Code et à des personnes à faible revenu. Pour les personnes à faible revenu, le logement social comble un vide en incluant des logements avec services de soutien, des subventions du gouvernement et des loyers indexés sur le revenu qui ne seraient pas nécessairement accessibles aux locataires du secteur privé. Toutefois, les fournisseurs de logements ont indiqué que la rareté des logements sociaux leur causait des problèmes sur le plan de la gestion des exigences d’admissibilité prescrites par la LRLS et de l’administration des listes d’attente (voir ci dessous).

Le CERA et le SRAC ont indiqué que le logement social doit être considéré comme l’une des nombreuses mesures positives qu’exigent les gouvernements pour s’attaquer aux besoins uniques des groupes défavorisés en matière de logement :

À cet égard, d’autres facteurs s’appliquent au logement social : les ressources que les gouvernements consacrent au secteur du logement subventionné sont-elles raisonnables et suffisantes pour résoudre le problème grandissant des sans-abri parmi les groupes protégés par le Code? Le programme est-il conçu de façon à respecter l’obligation de prendre des mesures raisonnables et, ainsi, à aider les groupes défavorisés à accéder à un logement convenable?

De nombreuses personnes consultées ont discuté du logement avec services de soutien. Ce type de logement fait le pont entre le logement, les services de soutien et les soins de santé en offrant divers programmes, notamment l’aide à la vie autonome, les soins de longue durée et d’autres services offerts aux locataires. La province finance directement et administre les logements exclusifs avec services de soutien (MAML). Les services de soutien sont essentiels, car ils contribuent à l’intégration et à la participation dans la société, ou dans un ensemble résidentiel, de personnes qui ont été marginalisées en raison des motifs prévus au Code, et en particulier des personnes ayant une maladie mentale. Lorsqu’ils sont offerts, ces services aident les locataires à s’entendre avec les locateurs et les autres locataires, et à conserver leur logement. Un logement avec services de soutien appropriés peut entraîner d’importantes répercussions sur la qualité de vie d’une personne :

J’ai passé plus de 30 ans dans une maison de soins de longue durée simplement parce qu’il n’existait pas de logement adapté à ma condition de personne handicapée. Lorsque l’occasion s’est enfin présentée, j’étais devenu tellement dépendant de ce type de soins que je n’étais pas préparé psychologiquement à quitter cet établissement. Je reçois maintenant des soins auxiliaires continus à l’unité d’habitation offrant des services de soutien où je vis, et ma vie a changé. Je me sens mieux, tant du point de vue physique que mental. J’ai un travail à temps partiel. Je suis maintenant capable de donner de mon temps à mes pairs, [dans un] hôpital de réadaptation. Je fais partie de différents conseils d’administration, ce que je n’avais ni le goût ni la chance de faire auparavant. (Un locataire d’un logement avec services de soutien)

Toutefois, la Commission a appris que les critères visant à accéder aux services de soutien sont parfois si stricts qu’il faut être un sans-abri pour y être admissible. Vu le nombre peu élevé de logements avec services de soutien, les personnes ayant une maladie mentale sont éventuellement condamnées à demeurer en institution, même si leur état de santé ne justifie aucunement qu’elles y restent[110]. La Commission a appris que les personnes lourdement handicapées, qui ont absolument besoin de vivre dans un logement avec services de soutien, se voient souvent refuser l’accès à ce type de logement en raison de leurs besoins qui sont considérés comme trop grands. Ces personnes risquent alors de se retrouver en institution ou dans la rue.

La pénurie de logements sociaux disponibles et le fonctionnement des listes d’attente entraînent des situations où des personnes sont parfois placées inutilement dans un logement avec services de soutien tandis que d’autres ayant des besoins particuliers ne peuvent pas en obtenir un. On a, par exemple, mentionné à la Commission des cas de femmes qui avaient été placées dans des logements avec services de soutien par suite de violence familiale, ainsi que d’autres cas où des personnes ayant une déficience mentale ou physique étaient placées dans des logements pour personnes âgées où elles ne recevaient pas les soins dont elles avaient besoin. La Commission a appris que, dans certains cas, des locateurs, leurs représentants et d’autres fournisseurs de logements devaient jouer le rôle de travailleur social avec des locataires ayant une limitation mentale pour combler le manque de services de soutien appropriés. La Commission a également appris que cette lacune pouvait éventuellement entraîner l’expulsion d’un locataire qui serait incapable de vivre de façon autonome dans son logement si ces services ne lui sont pas offerts.

Quelques fournisseurs de logements ont insisté sur l’importance de conserver et de financer le logement spécialisé afin de répondre aux besoins des groupes particuliers, protégés en vertu du Code. Par exemple, l’organisme Mainstay Housing a affirmé disposer du personnel et des outils nécessaires pour aider les locataires ayant une maladie mentale et en route vers la guérison, ce que les locateurs et les fournisseurs de logements sociaux ne peuvent pas offrir. Ces points de vue rejoignaient ceux d’autres fournisseurs de logements, notamment l’organisme Ontario Association of Non-Profit Homes and Services for Seniors :

Les fournisseurs de logements sociaux pour personnes âgées s’engagent à créer et à gérer des logements communautaires répondant aux besoins particuliers des aînés, liés à l’isolement social et aux problèmes de mobilité, dans des logements autonomes ou dans des résidences offrant des services leur permettant de conserver leur autonomie.

D’autres fournisseurs de logements ont souligné l’importance de veiller à ce que les personnes qui font l’objet de plusieurs motifs de discrimination reçoivent des services appropriés. Un participant a indiqué qu’après la décentralisation des pouvoirs provinciaux aux municipalités, plusieurs foyers ethniques pour personnes âgées ont perdu leur mandat. Les aînés de différents horizons ethniques ont alors dû recourir à la liste d’attente centrale afin d’obtenir un logement dans n’importe quel immeuble, même ceux qui ne sont pas prévus pour répondre aux besoins relatifs à un milieu de vie correspondant à leur culture.

On a fait part à la Commission des problèmes découlant de la consolidation des services de soutien communautaires offerts par plusieurs fournisseurs de soins de santé financés par la province grâce aux réseaux locaux d’intégration des services de santé (RLISS). Plus précisément, on a mentionné à la Commission que les services destinés aux personnes ayant un handicap physique, comme les aides à l’alimentation, au bain et à la toilette et l’administration de médicaments, sont supprimés si ces personnes vivent dans un logement social. Par conséquent, les personnes qui ont vécu de façon autonome pendant plusieurs années ont dû déménager ou simplement se passer des services essentiels dont ils ont besoin pour vivre de façon autonome.

Des personnes consultées ont également parlé des problèmes que vivent certains locataires de logements avec services de soutien, relativement à des règles concernant les visiteurs ou l’utilisation d’aides motorisées à la mobilité dans les édifices. Lorsqu’un même service offre à des personnes handicapées un logement et des services d’auxiliaires et qu’une plainte visant un élément peut compromettre l’autre, ces locataires choisissent la plupart du temps de ne pas se plaindre et sont de plus en plus vulnérables aux abus (Hamilton Mountain Community and Legal Services).

On a également fait part de préoccupations concernant l’aide sous forme de loyer indexé sur le revenu, qui est offerte à un fournisseur de logements sociaux et administrée par un gestionnaire de services en vertu de la LRLS. Ce type d’aide permet à une famille ou à une personne admissible d’obtenir un loyer dont le coût est proportionnel à son revenu. C’est un élément important des stratégies actuelles visant à rendre le logement plus abordable pour les personnes et les familles à faible revenu. Toutefois, la Commission a appris que les exigences en matière de loyer indexé sur le revenu touchent particulièrement les personnes ayant une maladie mentale.

Bon nombre de personnes ayant une maladie mentale ne disposent pas de compte bancaire, ne remplissent pas de déclaration de revenus ou ont perdu leur carte d’identité, et le processus de demande n’est pas complet tant que les formalités administratives ne sont pas réglées. Lorsqu’une personne est inscrite sur une liste, il peut s’écouler plus de 18 mois avant qu’elle obtienne un appartement à une chambre et il arrive souvent que le [fournisseur de logements] fixe la date d’entrée au milieu du mois, lorsque le client ne dispose pas d’argent pour verser un loyer supplémentaire ou effectuer un dépôt pour les services publics. (PACE)

Un autre point abordé à l’égard des programmes d’aide sous forme de loyer indexé sur le revenu concerne la situation où un locataire à faible revenu obtient un revenu supplémentaire. Dans un tel cas, le fournisseur de logements sociaux diminue automatiquement la subvention au logement. En 2007, un rapport d’étude sur la pauvreté systémique, publié par la Fondation Metcalf, l’auteur indique que pour chaque dollar que gagne un immigrant torontois recevant plusieurs services sociaux, la location du logement social s’élève de 30 cents sur ce dollar[111]. Selon les commentaires de l’auteur, le fait de suspendre de façon non coordonnée l’aide accordée aux pauvres de l’Ontario rend impossible pour ces bénéficiaires de passer à l’étape de la véritable autonomie ou de briser le cercle vicieux de la pauvreté[112].

Le problème du nombre de personnes sur les listes d’attente d’un logement subventionné a été mentionné lors des dernières observations[113] du CESCR et il a également été soulevé par des groupes de défense des droits des locataires et des fournisseurs de logements au cours de cette consultation. Les services municipaux sont tenus par la province et les conseils municipaux de mettre à jour la liste d’attente pour du logement social (MAML). La Commission a appris que les délais d’attente excessifs associés à l’accès à un logement abordable, tant pour le logement social que les coopératives d’habitation, signifie que le logement subventionné n’est pas une option viable pour une grande majorité de locataires à faible revenu en Ontario, dont bon nombre sont protégés en vertu du Code. On a fourni de nombreux exemples de temps d’attente, variant entre 5 et 10 ans, et des changements radicaux que vivaient les locataires durant cette période.

Durant la longue attente pour obtenir un logement abordable, peu de personnes reçoivent le logement dont ils ont besoin, au moment opportun : les jeunes deviennent des adultes, les familles s’agrandissent, les personnes ayant une maladie ou un handicap grave continuent de souffrir, les nouveaux arrivants se débrouillent comme ils peuvent pour loger leur famille, et les personnes âgées et les sans-abri décèdent. (FHCC)

Il en résulte en bout de ligne que, durant cette période d’attente, un bon nombre de personnes consacrent plus de 50 % de leur revenu à leur loyer. Par exemple, la société Catholic Children’s Aid Society of Metropolitan Toronto a décrit le cas d’une cliente ayant deux enfants, qui avait été sur une liste pour un logement social pendant 9 ans et qui, entretemps, dépensait en frais de loyer plus de 70 % de son revenu. D’autres personnes ne se donnent même pas la peine de s’inscrire à une liste en raison des temps d’attente[114].

Étant donné le besoin aigu en matière de logements subventionnés et abordables, et vu la rareté de la ressource, certaines personnes seront éliminées à la présélection ou mises sur une liste d’attente (ALSBLO). Par exemple, la Commission a appris que, dans le cas des Autochtones à la recherche d’un logement, on les redirige souvent vers des organismes autochtones plutôt que de leur accorder la priorité sur les listes d’attente d’un logement social. Toutefois, puisque le besoin en matière d’habitation parmi la population autochtone urbaine est impérieux et exagérément élevé, la demande pour du logement social tenant compte des besoins des Autochtones dépasse de beaucoup l’offre et la disponibilité d’unités de logement destinées à cette population (OFIFC).

Les listes d’attente sont fondées sur la date de la demande, et l’on accorde la priorité aux victimes de violence conjugale partout dans la province (MAML). Toutefois, on a indiqué à la Commission que le nombre de personnes sur les listes d’attente rendaient inutile ce statut de priorité, car les femmes victimes de violence ne sont peut-être pas en mesure de quitter leur domicile au moment où elles devraient le faire. Les femmes vivant une telle situation sont forcées de choisir entre deux mauvaises solutions ayant des conséquences graves pour elles-mêmes et leurs enfants :

Ces femmes entament un processus de prise de décision complexe. Dois-je essayer de survivre avec peu de moyens économiques et risquer de voir mes enfants avoir faim, souffrir de malnutrition, se retrouver dans la rue ou subir de la violence et peut-être me les faire retirer par le bureau de protection de l’enfance, ou dois-je retourner avec mon conjoint violent et offrir à mes enfants de la nourriture dans leur assiette et un toit, mais en nous exposant tous à de la violence, voire à la mort? (CERA, SRAC, NWWG)

D’autres mémoires, y compris celui du MAML, ont souligné que les gestionnaires de services peuvent, à leur discrétion, déterminer les priorités locales afin de répondre aux besoins des « groupes défavorisés ». Par exemple, le réseau SMHN a indiqué que les priorités locales pourraient comprendre les jeunes de 16 et 17 ans, les malades en phase terminale et les nouveaux arrivants au Canada. Toutefois, en raison de la rareté du logement, la Commission a appris qu’il était difficile d’établir ces priorités et que celles-ci pouvaient donner l’impression de créer des injustices.

La conciliation des besoins des résidents actuels avec ceux des personnes inscrites sur la liste d’attente présente également un problème. On a expliqué à la Commission que, même si l’on veut maximiser le nombre de personnes qui peuvent avoir accès à un logement abordable, les personnes dont le statut familial change sont souvent visées.

Dans les logements coopératifs, les personnes dont les enfants ont quitté le domicile familial emménagent souvent dans une unité plus petite, à l’intérieur de leur coopérative qui, pour la plupart, considère ces transferts comme une priorité. Mais si la coopérative ne dispose d’aucun petit logement, il y a un conflit entre l’intérêt du parent dont le nid est vide, qui pourrait être forcé de quitter son logement, ses amis et peut-être le soutien médical qu’il reçoit, et celui de la famille inscrite sur la liste d’attente et qui a besoin d’un logement plus grand. Il est évident que ce sont des choix qui ne devraient être imposés à personne. La solution réside dans le fait d’offrir davantage de logements abordables dans une vaste gamme de dimensions. (FHCC)

Des fournisseurs de logements sociaux, y compris la Ville d’Ottawa, ont particulièrement insisté sur le niveau actuel de financement du gouvernement, lequel constitue un obstacle à leur capacité à offrir un logement aux personnes sur leurs listes d’attente, et à entretenir et à réparer leurs unités et leurs édifices où résident les actuels locataires. L’OFCMHAP a indiqué que le manque de financement se traduit par des pratiques discriminatoires, des services inadéquats, l’itinérance chez certains clients, ainsi qu’un fardeau beaucoup plus lourd sur le système des soins de santé et sur les services sociaux. Même lorsque des programmes efficaces sont mis sur pied, on a parlé du caractère transitoire ou de la courte durée du financement et de ses conséquences sur les fournisseurs de logements, les professionnels offrants des services et les personnes ayant besoin d’un logement.

Les personnes ayant besoin d’un logement en ont assez des longues listes d’attente et du manque d’aide, tandis que les travailleurs d’approche en santé mentale sont frustrés par le manque de ressources humaines et financières qui leur permettraient de venir en aide aux personnes dans le besoin. Cette frustration est exacerbée par le financement gouvernemental des projets de logements à très court terme. Les travailleurs avouent que le nombre de clients qui leur est dirigé est bien trop élevé pour ce qu’ils sont en mesure de traiter de façon réaliste et ils précisent que les projets d’accès à un logement font grimper le nombre de personnes sur les listes d’attente et le niveau de leurs espérances, qui est ensuite anéanti par l’abandon du financement. (PACE)

Bon nombre de personnes consultées se sont montrées favorables à la modification de l’approche chronologique des listes d’attente. Les groupes de défense des droits des locataires et les fournisseurs de logements ont tous plaidé en faveur d’allocations de logement ou de subventions transférables. Ce point est abordé plus en détail à la section 5.3, « Pauvreté et niveaux de revenu inadéquat ». Toutefois, certaines personnes et organisations consultées, notamment la FHCC, se sont prononcées en faveur du maintien du système selon lequel le premier arrivé est le premier traité, en accordant une priorité spéciale aux victimes de violence conjugale. Le groupe St. Joseph’s Care a décrit le dilemme auquel seraient confrontés les fournisseurs de logements si l’attribution des logements sociaux était fondée sur le besoin perçu plutôt que sur l’ordre chronologique de présentation des demandes :

Dans nos projets de logements pour personnes âgées, comment déterminer qui en a le plus besoin? Le dialysé ou celui qui est cloué à un fauteuil roulant? La personne qui a des problèmes cardiaques ou de santé mentale? Comment décider quel besoin est le plus urgent? Créerait-on une grille de points permettant de déterminer la personne qui, obtenant le plus haut « pointage », aurait droit à un logement plus rapidement?(...) C’est le fournisseur qui devrait alors prendre une décision, ce qui ouvrirait la voie à des accusations de fausse interprétation, de parti pris ou de discrimination fondées sur la maladie.

Logement coopératif

La Fédération de l’habitation coopérative du Canada (FHCC) a indiqué que le modèle d’habitation coopérative s’est avéré un moyen efficace et durable de fournir aux Canadiennes et aux Canadiens un logement abordable. Toutes les coopératives d’habitation en Ontario sont régies par la Loi sur les sociétés coopératives[115] et bon nombre d’entre elles font partie du réseau de logements sociaux à but non lucratif. Par exemple, environ la moitié des coopératives ontariennes à but non lucratif de la FHCC est financée en vertu d’ententes d’exploitation fédérales, tandis que les autres sont régies par la LRLS et administrées par des gestionnaires de services municipaux. Les coopératives optent souvent pour le logement socialement intégré, dont une partie de leurs unités est subventionnée. Dans les coopératives, on a également parlé de problèmes liés aux programmes d’aide sous forme de loyer indexé sur le revenu.

La Commission a appris que l’avenir des programmes de supplément au loyer fournis par les coopératives est incertain, que bon nombre des coopératives ne disposent pas des réserves de capital nécessaires pour entretenir leurs immeubles et que certaines risquent de ne plus pouvoir offrir des logements aux locataires à faible revenu.

Le secteur du logement locatif privé

En raison de l’offre insuffisante en matière de logements sociaux, bon nombre de locataires se tournent vers le secteur du logement locatif privé. Les groupes de défense des droits des locataires craignent une aggravation de la discrimination dans le secteur du logement locatif privé s’il n’y a pas suffisamment de logements convenables et abordables à louer. Lorsque la demande et le besoin surpassent l’offre, les locateurs peuvent se permettre d’être davantage sélectifs sans craindre des taux d’inoccupation élevés (ATTSO). À la section 4.2, « Méthodes de sélection des locataires », on décrit les répercussions sur les droits humains des moyens utilisés couramment pour choisir les locataires.

Puisqu’il n’existe aucun contrôle sur les augmentations de loyer à l’arrivée d’un nouveau locataire, le locateur et le locataire peuvent s’entendre sur n’importe quel montant (MAML)[116]. Des groupes de défense des droits des locataires, notamment le CODDL, étaient préoccupés par cette situation et ont indiqué que la suppression des mécanismes de contrôle des vacances a entraîné une diminution rapide du nombre de logements abordables en Ontario. Selon la clinique juridique communautaire Parkdale Community Legal Services:

(...) pour la clientèle qui accède au secteur du logement locatif, et qui est composée en très grande partie de nouveaux arrivants, de familles à la recherche d’appartements plus grands, de jeunes ou d’étudiants, le prix des loyers est beaucoup plus élevé que ce que payaient les locataires précédents. Cette situation crée un préjudice financier pour ces locataires qui, en général, n’ont pas les moyens de payer cher pour un loyer.

Des groupes de défense des droits des locataires ont également mentionné que, s’ils sont conscients qu’ils peuvent hausser le prix du loyer du prochain locataire, les locateurs peuvent avoir une motivation financière à expulser des locataires de leur appartement abordable ou être moins disposés à établir des programmes de paiement des arriérés. Les incidences sur les anciens locataires et les nouveaux arrivants sont décrites à la section 4.1, « Discrimination fondée sur des motifs prévus au Code ».

D’un autre côté, la FRPO, l’EOLO et d’autres associations de fournisseurs de logements ont allégué que le contrôle des loyers nuit à l’offre de logements locatifs, car la qualité des propriétés se dégrade lorsque les locateurs sont incapables de hausser les loyers pour aller de pair avec les salaires, les frais d’immobilisations, les taxes, les taux d’intérêt et les coûts des services publics. Ils ont également fait valoir que le contrôle des loyers contribuait à une réduction artificielle des prix et que les unités les plus abordables sont occupées par des ménages qui pourraient payer le prix du marché pour leur loyer, empêchant ainsi les locataires à faible revenu d’avoir accès à un marché du logement locatif peu ouvert. L’EOLO a indiqué à la Commission que les facteurs associés au contrôle des loyers réduisaient l’accès des groupes défavorisés au logement, plutôt que de l’augmenter[117].

La discussion concernant les logements sur le marché locatif privé a porté principalement sur les maisons de chambres et les appartements de sous-sol. Les maisons de chambres jouent un rôle important et viable, car elles répondent aux besoins en matière de logement abordable de certaines personnes protégées en vertu du Code, qui sont incapables de se payer un logement ordinaire[118]. La Commission a appris qu’en Ontario, bon nombre de groupes marginalisés, comme les personnes à faible revenu, les aînés, les étudiants, les nouveaux réfugiés et immigrants, ainsi que les personnes ayant un handicap, notamment des problèmes de santé mentale, se tournent vers les maisons de chambres pour se loger (Rupert Coalition).

La Rupert Coalition définit une maison de chambres comme « un édifice dans lequel les locataires occupent des chambres simples et partagent la cuisine, la salle de bain et la partie commune. Le loyer dans une maison de chambres autorisée varie entre 400 $ et près de 600 $ par mois, ce qui fait de ce type d’hébergement le moyen le plus abordable de se loger de façon permanente pour les personnes seules et à faible revenu. » Les mémoires reçus confirment que les tendances indiquées il y a près de 10 ans dans le rapport The Report of the Mayor’s Homelessness Action Task Force: Taking Responsibility for Homelessness (Golden Report) existent encore aujourd’hui :

Les maisons de chambres et les appartements accessoires jouent un rôle important dans le marché de l’habitation, rôle qui prend une importance accrue à mesure que disparaissent les autres options. Avec les compressions de l’aide sociale, la fin des nouveaux programmes de logements sociaux et le faible taux d’inoccupation dans le secteur des appartements locatifs, les maisons de chambres et les logements supplémentaires sont devenus une façon de vivre permanente pour bon nombre de personnes et de familles. Ces types de logement ne constituent plus une forme temporaire d’habitation.

Des personnes et des organisations consultées, notamment le Project Connect, ont insisté sur le fait que lorsque les travailleurs d’un service de recherche de logement sont à la recherche d’un logement dont le loyer est inférieur à 500 $ par mois pour des clients à faible revenu ou vivant de l’aide sociale, les maisons de chambres sont parfois leur unique ressource. Pour bon nombre de ces clients, la maison de chambres constitue la dernière option de logement permanent avant l’itinérance (Rupert Coalition)[119].

Bien que les maisons de chambres soient l’option la plus viable pour les personnes et les familles à faible revenu, trop souvent, elles ne constituent pas un chez soi sûr et confortable. La Commission a appris que, étant donné l’imposition de restrictions sur les maisons de chambres légalement enregistrées, on s’inquiète de plus en plus du nombre croissant de maisons de chambres qui ne font l’objet d’aucune réglementation ni inspection, qui ne servent qu’à combler cette lacune dans le marché locatif et dont les conditions de location auxquelles peuvent être soumis leurs occupants sont non conformes aux normes. Par exemple, l’organisme PACE a fait état des problèmes fréquents que vivent les locataires désespérés et désemparés dans certaines maisons de chambres : les souris et d’autres rongeurs, les vols commis par d’autres locataires, des problèmes d’électricité, de chauffage et d’isolation, et le délabrement.

Les locateurs et les groupes de défense des droits des locataires se sont montrés préoccupés par l’opposition « pas dans ma cour » au développement du logement abordable dans le marché privé, comme des maisons de chambres, des appartements de sous-sol et des ensembles domiciliaires à haute densité. Ces types de questions sont abordées à la section 5.5, « Opposition "pas dans ma cour" et logement abordable ».

Bon nombre de personnes consultées ont indiqué que les appartements de sous sol et les logements supplémentaires, lorsqu’ils sont adéquatement réglementés, offraient une option de logement sûr et abordable dans le marché locatif privé. Le MAML a précisé que les municipalités pouvaient établir des politiques concernant les deuxièmes unités sans faire appel à la Commission des affaires municipales de l’Ontario. Toutefois, d’autres personnes ont indiqué que la loi avait déjà appuyé la création d’appartements de sous-sol et de logements supplémentaires de bonne qualité[120]. La Commission a appris que certains locataires à faible revenu louent des appartements de sous-sol « illégaux » qui ne sont pas conformes aux règlements de zonage municipaux et ne respectent pas les normes relatives à la santé et à la sécurité. Ces locataires risquent davantage l’itinérance si cette situation est portée à l’attention des autorités locales.

[D]ès que la direction des règlements municipaux découvre la présence des logements, les locataires sont tenus de libérer les lieux très rapidement. Se trouvant dans cette situation malencontreuse et se sentant impuissants pour remettre en question cette ordonnance, les locataires risquent fort de se retrouver sans abri. Vu ces conséquences éventuellement désastreuses, les locataires de ces logements illégaux hésitent à faire valoir leurs droits en vertu de la LLUH et ne portent pas plainte auprès des autorités ni des services de santé et de prévention des incendies même s’ils se posent de sérieuses questions sur ces logements. (Community Legal Clinic of York Region)

Des associations de locateurs privés ont fait valoir que les politiques de conversion, qui empêchent la démolition, le réaménagement et la densification d’anciens immeubles à usage locatif, ont un effet adverse sur l’accroissement de l’offre en matière de logements locatifs. La FRPO a indiqué que ces politiques créaient un obstacle à l’offre de logements abordables en réduisant les possibilités d’accession à la propriété pour les locataires à la recherche d’une résidence abordable et disponible, en décourageant l’investissement de capitaux dans les anciens édifices et en empêchant l’investissement dans le logement locatif neuf. Réciproquement, certaines personnes consultées ont allégué que les conversions se traduisent par une diminution de l’offre de logements locatifs disponibles, étant donné que la rentabilité réside dans la conversion des propriétés locatives en résidences à acheter.

À Cabbagetown, où l’on a connu une gentrification comme nulle part ailleurs dans la ville, le nombre de maisons de chambres a considérablement diminué. Les anciennes maisons de chambres ont été converties de nouveau en maisons unifamiliales. Ce qui n’a rien de mal. Toutefois, notre expérience nous apprend que les nouveaux propriétaires en viennent simplement à ne plus tolérer la présence des maisons de chambres, car ils ne veulent pas de « ces gens » dans leur quartier et ils sont préoccupés uniquement par la valeur de leur propriété. (Project Connect)

Plusieurs locateurs et associations ont indiqué que le taux d’imposition des logements multi-résidentiels nuit à l’accès à un logement abordable pour les personnes à faible revenu. Selon la London Property Management Association, le taux d’imposition des unités de logement multi-résidentiel est 2,5 fois plus élevé que celui des logements occupés par leur propriétaire. En conséquence, les locataires qui, pour bon nombre d’entre eux, ont un revenu relativement faible et sont protégés en vertu du Code, se retrouvent à payer proportionnellement plus de taxe dans la part de leur loyer que n’en paient les propriétaires. La FRPO a plaidé en faveur d’une égalisation des taux de taxe pour les résidences et les propriétés multi-résidentielles (de plus de six unités) et la répartition des coûts parmi toutes les classes de propriétés afin d’encourager le développement du logement locatif[121].

Logement non convenable et prise en charge d’enfants

La Commission a été extrêmement surprise d’apprendre qu’en Ontario, des parents renoncent à leurs enfants ou des sociétés d’aide à l’enfance retirent des enfants de leur famille parce qu’elle ne dispose pas d’un logement adéquat. D’ailleurs, le CESCR avait déjà exprimé ces préoccupations[122]. Des personnes consultées ont relié ce problème aux motifs prévus au Code comme l’état familial, la dépendance à l’égard de l’aide sociale et la race. Des recommandations ont déjà été formulées afin que le gouvernement recueille des données statistiques concernant la renonciation, en vue d’un placement en famille d’accueil, d’enfants issus de familles à faible revenu, de familles monoparentales et de familles autochtones et afro canadiennes, de façon à évaluer précisément l’ampleur du problème. On a également recommandé que les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux prennent toutes les mesures nécessaires, et fournissent au besoin du soutien financier, pour éviter les renonciations d’enfants[123]. La Commission a appris que, malgré ces recommandations, ce problème est encore très préoccupant dans certaines collectivités de notre province.

Même si un logement non convenable ou des problèmes de logement ne constituent pas des motifs suffisants pour affirmer qu’un enfant a besoin de protection en vertu de la Loi sur les services à l’enfance et à la famille[124], sur le plan pratique, le logement joue un rôle de plus en plus important dans le revenu des familles. La société CAST a précisé que ses clients défavorisés sur le plan économique sont confrontés à des obstacles de taille lorsqu’il s’agit d’obtenir un logement adéquat et approprié et, pour certains d’entre eux, cette situation nuit à leur capacité de s’occuper de leurs enfants. Une société d’aide à l’enfance a d’ailleurs indiqué ce qui suit :

Bien que notre organisme hésite à prendre en charge des enfants uniquement pour des mauvaises conditions de logement, nous avons dû avoir recours à ces mesures et nous ne pouvons pas retourner ces enfants dans leur milieu sans savoir que l’environnement dans lesquels ils vivront est sûr.

Les participants aux tables rondes ont indiqué qu’un facteur important contribuait à séparer les parents de leurs enfants, et c’est la combinaison de mesures législatives et de politiques appliquées par des sociétés d’aide à l’enfance et des fournisseurs de logements. Par exemple, on a parlé des nombreuses situations où le parent ne pouvait pas reprendre ses enfants avant d’avoir trouvé un logement convenable, mais que ce parent n’était pas admissible à un logement adéquat avant d’avoir obtenu la garde de ses enfants. La Commission a également appris qu’en raison de la pénurie de logements appropriés et de services disponibles, des familles se voient obligées de vivre dans des refuges, ce qui retarde le moment où elles pourront reprendre leurs enfants.

Une recherche menée en 2000 indiquait que, dans 20 % des cas, c’était le logement de la famille qui était à la source du placement temporaire d’un enfant dans une famille d’accueil. Cette même année, dans 11,5 % des cas, le retour de l’enfant était reporté en raison de problèmes liés au logement. Ce sont des problèmes de logement qui, dans 26 % des cas, ont motivé les parents à accepter de plein gré de placer leurs enfants en foyer d’accueil et c’est ce qui explique 74 % des cas de prise en charge par l’État. Depuis 1992, on a connu une hausse du pourcentage de cas pour lesquels le logement a constitué un déterminant dans les décisions de placer un enfant en famille d’accueil ou de retarder le retour de l’enfant dans sa famille[125].

5.3. Pauvreté et niveaux de revenu inadéquat

Les violations des droits de la personne en matière de logement sont souvent reliées à la pauvreté et au revenu. Bien que la condition sociale et économique ne constitue pas un motif en vertu du Code, la discrimination ayant trait à la pauvreté a été abordée dans les motifs visés par le Code lorsqu’on est en mesure de démontrer qu’il existe un lien entre la pauvreté et ces motifs. Par exemple, on a mentionné le lien entre la pauvreté et les motifs prévus au Code, comme la race, le sexe et l’état familial, dans la cause Kearney c. Bramalea Ltd[126]. En règle générale, on peut faire intervenir le Code lorsque le faible revenu est relié aux motifs tels que la race, l’état familial, l’âge, un handicap ou la dépendance à l’égard de l’aide sociale, comme dans le cas du programme Ontario au travail (OT) ou du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées (POSPH).

Le fait qu’une proportion exagérément élevée de gens visés selon les motifs prévus au Code comme l’âge, le sexe, un handicap (y compris une maladie mentale), l’état familial, la dépendance à l’égard de l’aide sociale et la race, le lieu d’origine et la citoyenneté (y compris les réfugiés et les immigrants) faisaient partie des personnes vivant dans la pauvreté a constitué un sujet de préoccupation pour des personnes consultées. Certaines ont fait référence aux critiques au niveau international selon lesquelles les taux de pauvreté au Canada demeureraient très élevés parmi les personnes défavorisées et marginalisées et les groupes comme les Autochtones, les Afro Canadiens, les immigrants, les personnes handicapées, les jeunes, les travailleuses à faible revenu et les mères de famille monoparentale[127].

Les locataires à faible revenu disposent de moins de choix sur le marché locatif en raison du prix élevé de bon nombre des options de logement. En outre, on a noté que 31 % des ménages à faible revenu déménageaient chaque année comparativement à 27 % des ménages à revenu plus élevé (CERA et SRAC). Des études ont démontré qu’une grande proportion de locateurs préfère ne pas louer à des personnes à faible revenu[128], ce qui réduit d’autant le choix de logements auxquels celles-ci peuvent avoir accès. La Commission a appris que les locataires ayant les revenus les plus faibles sont souvent forcés de louer un appartement de qualité non convenable et mal entretenu, mais plus dispendieux que d’autres.

Une nouvelle arrivante, ayant des enfants mais aucune preuve de solvabilité ni référence, qui serait disqualifiée en raison des critères de revenu et qui est vulnérable au racisme caché, découvrira que le choix des appartements à Toronto est très restreint pour elle. Elle s’apercevra qu’elle devra payer beaucoup plus cher que d’autres locataires pour un appartement non convenable. (CERA et SRAC)

On a également formulé des inquiétudes sur l’interprétation des dispositions de la LLUH à l’intérieur du cadre du PIDESC, en particulier en ce qui a trait aux expulsions ordonnées pour de faibles arriérés de loyer et l’incidence que ces mesures ont sur les locataires à faible revenu[129].

Stratégie de réduction de la pauvreté et droits de la personne

Le plus récent discours du Trône du gouvernement provincial, prononcé le 29 novembre 2007 par l’honorable David C. Onley, lieutenant-gouverneur de l’Ontario, faisait référence au début des travaux portant sur une stratégie visant à réduire la pauvreté chez les enfants[130]. On a créé un comité ministériel chargé d’établir des indicateurs et des cibles en matière de pauvreté, ainsi qu’une stratégie ciblée de réduction de la pauvreté chez les enfants[131].

La Commission a le plaisir de voir qu’on a étendu la portée de la stratégie visant la réduction de la pauvreté de façon à englober les enfants ainsi que leur famille. Toutefois, le fait qu’un grand nombre d’autres personnes, dont plusieurs sont protégées en vertu des motifs prévus au Code, vivent également dans la pauvreté, constitue pour la Commission un sujet de préoccupation[132]. Il est également inquiétant de constater que la stratégie annoncée ne vise pas explicitement à régler les problèmes soulevés par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels (CESCR) lors de ses trois dernières études et à mettre en œuvre les recommandations qui sont du ressort du gouvernement provincial. Par exemple, le CESCR a recommandé d’augmenter les allocations de logement et les taux des prestations d’aide sociale à des niveaux réalistes[133].

Certaines personnes consultées, qui partageaient ces inquiétudes, ont également indiqué que le fait que les différents gouvernements n’aient pas pris de mesures significatives pour atténuer la pauvreté entraîne un désavantage continu auquel sont confrontés les chefs de famille monoparentale, les personnes racialisées, les personnes handicapées et les autres personnes protégées en vertu du Code. L’exemple donné par bon nombre de ces personnes concernait la renonciation d’enfants en vue de les confier aux sociétés d’aide à l’enfance, et dont on a discuté plus haut.

Aide sociale et salaire vital

Les participants à la consultation ont exprimé leur point de vue relativement aux hausses récentes des taux de prestations d’aide sociale et de salaire minimum[134] qui, bien qu’accueillies favorablement, ne sont pas suffisantes pour permettre aux locataires dépendants de ces formes de revenu de bénéficier d’une égalité d’accès au logement. Plusieurs personnes consultées ont indiqué que les bénéficiaires de l’aide sociale sont plus mal en point qu’avant, puisque les augmentations de cette aide n’ont pas suivi le rythme de l’inflation et des hausses de loyer.

En Ontario, les taux des prestations d’aide sociale avaient été coupés de 21,6 % en 1995 et, malgré de légères augmentations au cours des dernières années, on n’a pas réussi à réduire l’écart entre les revenus et le prix des loyers. Ainsi, en 1995, une personne seule recevait 663 $ par mois et aujourd’hui, elle reçoit une prestation mensuelle de 560 $. Si l’on prend en compte le taux d’inflation, ainsi que les hausses du prix des loyers, cette personne a subi une perte d’environ 40 % de son revenu. (Housing Help Centre)

Le CODDL et d’autres personnes consultées ont fait remarquer que la vaste majorité des personnes bénéficiant de l’aide sociale demeurent dans des logements du marché locatif privé[135]. Cela signifie que les assistés sociaux ne sont pas en mesure de se trouver un logement de qualité au prix moyen du marché en raison de leur revenu insuffisant. Par exemple, l’Alliance pour résoudre la question des sans-abri a fait remarquer qu’en 2006, les prestations du programme OT versées à une personne seule étaient de 548 $ par mois tandis qu’un loyer moyen coûtait 633 $ pour un studio ou 774 $ pour un appartement à une chambre. Des problèmes semblables se posent pour les personnes qui participent au programme POSPH, lequel verse une allocation de logement pour personne seule d’un maximum de 346 $, tandis qu’en moyenne, il en coûte 787 $ pour louer un appartement à une chambre en Ontario[136] (BIPEP).

Des préoccupations semblables ont été soulevées au sujet de programmes comme la prise en charge et les soins prolongés, offerts aux pupilles de la Couronne à titre de programme d’aide à la vie autonome. Ces programmes sont financés par des sociétés d’aide à l’enfance qui pigent dans leurs allocations provinciales générales, mais cette prestation mensuelle de 663 $ est insuffisante pour permettre au jeune de quitter le programme de soins et de se trouver un logement dans un environnement sûr et favorable (CAS of London & Middlesex). L’absence d’un financement et d’un soutien adéquats, permettant aux pupilles de la Couronne de quitter le programme de soins, peut avoir des conséquences à long terme importantes, tant pour le jeune que pour la société en général. Cela peut se traduire par une hausse des coûts associés à l’aide sociale, à la justice pénale, aux services de santé et aux services en santé mentale[137].

Une fois installés dans leur logement, les locataires qui disposent d’un revenu insuffisant éprouvent des difficultés à conserver leur loyer et à subvenir à leurs autres besoins. Lorsque le prix du loyer est supérieur à l’allocation de logement versée dans le cadre des programmes OT et POSPH, les bénéficiaires de l’aide sociale doivent piger dans leur allocation servant à leurs besoins essentiels pour payer leur loyer mensuel ou ils sont forcés de chercher un autre type de logement, comme les motels ou l’hébergement temporaire chez l’un et chez l’autre (Algoma Community Legal Clinic). Ces ménages utilisent une part importante de leur argent destiné à la nourriture pour payer leur loyer et font souvent appel aux banques alimentaires pour nourrir leur famille. De jeunes parents sont forcés de louer un logement qui ne convient pas à leur famille, qui est dangereux, insalubre et inabordable, leur laissant peu d’argent pour répondre à leurs autres besoins (Humewood House). Une locataire participant au programme POSPH a indiqué à la Commission qu’elle avait eu beaucoup de difficultés à conserver son appartement étant donné que les coûts de location étaient plus élevés que ce qu’elle pouvait réellement payer.

Des participants aux tables rondes ont eu de vives discussions sur les répercussions qu’ont eues les fortes réductions imposées aux bénéficiaires de l’aide sociale et à leurs familles. Par exemple, lorsqu’un enfant atteint l’âge de 18 ans, sa famille perd une partie de son revenu. Ainsi, c’est la capacité de la famille à demeurer dans son logement social qui est réduite[138]. Toutefois, comme il a été précisé à la section 4.1, « Discrimination fondée sur des motifs prévus au Code », ce jeune adulte peut être confronté à des obstacles et à de la discrimination dans sa recherche d’un logement convenable sur le marché locatif, et il risque de se retrouver sans abri ou de vivre dans un quartier défavorisé. Des recommandations ont été formulées à l’effet que les autorités responsables du logement social, le programme Ontario au travail, les organismes de soins à l’enfance, d’aide aux étudiants et d’autres types de soutien aux étudiants collaborent à la mise au point d’un système de planification de la transition visant à permettre aux jeunes adultes admissibles de stabiliser leur revenu et celui de leur famille[139].

Les travailleurs touchant le salaire minimum sont, eux aussi, désavantagés sur le marché locatif, car leur revenu est insuffisant pour payer le loyer moyen en vigueur dans la province. Des personnes consultées ont soulevé le fait que le salaire minimum actuel de 8,00 $/heure ne constitue pas un salaire vital et qu’une personne travaillant à plein temps et au salaire minimum pendant une année complète ne gagnera pas suffisamment d’argent pour échapper à la pauvreté[140] . En Ontario, le salaire minimum augmentera graduellement pour atteindre 10,25 $/heure en 2010[141]. Toutefois, des groupes de pression ont demandé que le salaire minimum soit porté à 10,00 $ dès 2005, de façon à être indexé au coût de la vie[142]. Il semble donc que les inquiétudes formulées lors de la consultation et à l’échelle internationale concernant le niveau de vie des travailleurs touchant le salaire minimum ne soient pas encore prises en compte dans leur intégralité.

Comme bon nombre de personnes consultées l’ont fait remarquer, les travailleurs à salaire minimum sont souvent liés à des motifs prévus au Code. Par exemple, des statistiques indiquent que les « travailleurs de couleur »[143] et les femmes sont exagérément représentés dans le groupe des travailleurs à salaire minimum[144]. En outre, la Commission a appris que le « travailleur à faible salaire » éprouve des difficultés lorsqu’il s’agit de louer un appartement abordable et qu’on lui refuse la location s’il ne peut verser les avances de loyer ou ne répond pas aux critères de revenu exigés par les locateurs. Voir aussi la section 4.2, « Méthodes de sélection des locataires ».

On a également noté que les femmes représentent une part importante des travailleurs à temps partiel, bien souvent en raison des soins qu’elles donnent à leur famille. Elles ont grandement besoin d’avoir accès à un salaire décent ainsi qu’à des avantages en matière d’emploi, comme une assurance en cas de maladie et d’invalidité prolongée. Toutefois, le CERA a fait remarquer qu’en Ontario, il n’existe aucune loi obligeant les employeurs à fournir des avantages sociaux établis au prorata à leurs employés à temps partiel. De ce fait, la pratique chez les employeurs varie et bon nombre de travailleurs et leurs familles ne bénéficient d’aucune protection en cas de perte soudaine de revenu pour invalidité. Cette situation accroît donc les risques d’itinérance chez ces personnes.

Les taux de prestations d’aide sociale et de salaire minimum doivent être reliés au coût réel de la location d’un logement en plus d’être conformes aux obligations internationales et tenir compte de la plupart des critiques émises à l’égard de la conformité du Canada avec ces obligations. Toutefois, un grand nombre des recommandations du CESCR formulées en 1993 et en 1998 n’ont toujours pas été mises en œuvre et plusieurs préoccupations graves concernant les niveaux de revenu sont encore présentes[145]. Ce sont les suivantes :

  • L’absence d’un droit exécutoire conféré à toutes les personnes dans le besoin de recevoir des prestations d’aide sociale adéquates de façon non discriminatoire;
  • Les incidences négatives de certains programmes de travail obligatoire imposés aux bénéficiaires de l’aide sociale;
  • Un salaire minimum et des prestations d’aide sociale qui ne suffisent pas à assurer la concrétisation du droit à un niveau de vie convenable pour tous;
  • Des prestations d’aide sociale moins élevées qu’il y a dix ans, équivalant à environ moins de la moitié du seuil de faible revenu et qui ne procurent pas un revenu suffisant pour répondre aux besoins de base en matière de nourriture, de vêtements et de logement;
  • L’« incidence discriminatoire » du « système de récupération fiscale » de la Prestation nationale pour enfants sur les familles les plus pauvres du Canada, en particulier celles qui sont dirigées par une mère seule;
  • Des taux d’allocation de logement et de prestation d’aide sociale qui continuent de chuter sous la barre des prix de loyer moyens.

Effets d’un faible revenu

Plusieurs personnes et organisations consultées, notamment l’Alliance pour résoudre la question des sans-abri, ont indiqué que le risque d’itinérance était relié à l’écart croissant entre les prestations d’aide sociale ou les salaires obtenus dans des emplois à salaire minimum et le seuil de la pauvreté. Bon nombre de locataires à faible revenu se retrouvent à vivre dans un logement qu’ils n’ont pas les moyens de payer et à sacrifier d’autres besoins importants, comme la nourriture ou les vêtements. Le CAS of London & Middlesex a donné l’exemple d’un jeune qui a consacré presque toute son allocation mensuelle au paiement de son loyer situé dans un quartier convenable, non fréquenté par les consommateurs et les trafiquants de drogue, ce qui ne lui laisse pratiquement plus rien pour combler ses autres besoins quotidiens.

D’autres locataires se résignent à accepter un logement peu dispendieux, mais qui leur impose de vivre, ainsi que leur famille, dans des conditions de vie inadéquates. Comme l’organisme PACE l’a indiqué, bon nombre de locataires se disent : « prends ce qu’on te donne », même si cela signifie de vivre dans un appartement de sous-sol sombre, humide et froid, une maison de chambres crasseuse ou un logement délabré. Les principales plaintes sur la qualité des logements concernaient les pièces ou les appartements qui nécessitent beaucoup de réparations, qui sont situés dans des quartiers miteux, pollués ou marqués par des taux élevés d’activités criminelles, comme le trafic de la drogue.

La Commission a appris que certains fournisseurs de logements et des administrations publiques responsables omettaient de maintenir des normes d’hygiène de base, comme le chauffage des unités en hiver ou l’installation de fenêtres ou de balustrades de balcon sûres, dans des quartiers occupés par des locataires à faible revenu. Des personnes et des familles à faible revenu ne disposent par conséquent pas du droit à l’égalité en matière d’occupation de leur logement, ce qui va à l’encontre des obligations internationales en matière de droits de la personne (CERA et SRAC).

On a également indiqué à la Commission que certains arbitres de la CLI semblaient prendre les attitudes suivantes à l’égard des locataires de logements modiques :

  • ils estiment que ces personnes ne doivent pas s’attendre à ce que le locateur effectue le même niveau d’entretien et de réparation que si elles payaient leur loyer plus cher;
  • ils dévaluent les dommages causés à la propriété d’un locataire parce que celui-ci est pauvre et ne font pas la même chose pour les dommages à la propriété d’un locateur;
  • ils considèrent que les préoccupations du locateur sont plus importantes que celles des locataires, en particulier des personnes qui n’ont ni le français ni l’anglais comme langue maternelle.

Allocations de logement transférables et autres façons d’augmenter l’accès au logement

Un certain nombre de personnes consultées ont suggéré que soient augmentés les taux de prestations d’aide sociale et de salaire minimum à des niveaux permettant aux familles de vivre dans un logement adéquat, même dans le marché locatif privé. D’autres personnes ont recommandé l’amélioration des mécanismes d’aide aux assistés sociaux afin de les faire passer du statut de dépendant des prestations d’aide sociale à celui de travailleur, ou de réduire les retenues sur les prestations qui leur sont versées.

Elles ont remarqué que, bien que les augmentations de l’allocation de logement aident parfois certaines personnes à se procurer un logement, il est nécessaire d’adopter une approche plus proactive pour répondre aux besoins de toutes les personnes à faible revenu. Il s’est dégagé parmi les fournisseurs de logements et les groupes de locataires un large consensus en faveur d’une option viable visant à permettre aux locataires à faible revenu d’accéder au même titre que les autres au marché locatif. Il s’agirait de verser des allocations de logement transférables directement aux locataires afin qu’ils puissent louer le logement de leur choix[146].

Le MAML a indiqué que les allocations de logement constituent l’un des quatre volets du PAL, avec le logement locatif et le logement avec services de soutien, les accédants à la propriété et le logement dans le Nord. Ces éléments visent à créer des logements abordables dans les marchés locatifs ayant des taux élevés d’inoccupation, et à faire le pont entre le loyer qu’un ménage peut s’offrir et les prix en vigueur sur le marché.

D’autres personnes consultées ont indiqué à la Commission que les allocations de logement transférables visaient les gens dont les besoins sont les plus aigus et évitent les exclusions discriminatoires dont font l’objet les jeunes, les nouveaux arrivants et d’autres personnes associées à un système fondé sur des listes d’attente chronologiques pour obtenir un logement social désigné.

Cette allocation permettrait aux locataires de choisir parmi un plus grand éventail d’unités de logements, d’avoir le même choix, en fait, que celui dont bénéficient ceux qui n’ont pas le « handicap » des difficultés financières. Les locataires sont parfois forcés de tolérer de piètres conditions de vie ou des voisins désagréables uniquement parce qu’ils ne peuvent pas se permettre de perdre leur logement subventionné. Si le supplément au loyer, plutôt qu’être destiné au logement, leur était remis à titre personnel, ils pourraient emménager dans un meilleur endroit sans crainte de perdre l’aspect abordable de leur logement. (Waterloo Region Community Legal Services)

Les associations de fournisseurs de logements comme l’EOLO et la FRPO ont convenu qu’il y a un certain nombre d’avantages à offrir aux ménages à faible revenu une allocation supplémentaire pour faire le pont entre les niveaux de revenu et le prix des loyers sur le marché. Par exemple, les allocations de logement transférables peuvent offrir une aide immédiate aux locataires et aider des personnes à éviter les longues listes d’attente pour du logement social. Elles permettent également aux locataires de choisir où ils vont vivre et favorisent les quartiers caractérisés par une plus grande mixité des revenus. Ces allocations peuvent être directement versées au locataire, qui la remettra au fournisseur du logement, respectant du même coup le droit à la vie privée du locataire et à la gestion autonome de son revenu, et elles peuvent être utilisées dans les régions rurales et les petites villes où les logements subventionnés sont peu nombreux.

(...) Je crois que les allocations de logement seraient un choix avisé, car elles permettent aux locataires à faible revenu d’accéder à un logement dans un édifice occupé par des personnes ayant d’autres types de revenu. Elles ouvrent également aux locataires à faible revenu un choix plus vaste de logements, car ils peuvent dès lors choisir l’endroit où habiter, sans se restreindre à certains quartiers de la ville. (Un locateur ayant entre 50 et 99 logements)

Des fournisseurs de logements ont également indiqué que, si les suppléments au loyer ou les allocations de logement transférables sont discrètement versés aux locataires, ceux-ci évitent les stigmates rattachés au fait de vivre dans un logement social. Enfin, on a indiqué à la Commission qu’il était possible d’administrer ces programmes à peu de frais, comparativement aux coûts de construction de nouveaux logements sociaux, et de concevoir une variété de programmes qui répondraient aux différents besoins, selon les régions et les budgets provinciaux.

5.4. Itinérance et droits humains

Bien que les causes, et les solutions, associées à l’itinérance soient complexes, c’est une question qui relève tout simplement des droits humains. Les personnes associées à des motifs prévus au Code, comme les handicaps (y compris la maladie mentale et la toxicomanie), la race, les motifs reliés à la race (y compris les Autochtones) et l’état familial sont plus susceptibles de connaître l’itinérance que les autres[147]. Par exemple, le CODDL a fait remarquer que la population d’itinérants canadiens compte un nombre dix fois plus élevé d’Autochtones[148]. La branche ontarienne de l’Association canadienne de la santé mentale a indiqué que les personnes ayant une maladie mentale grave courent un plus grand risque de se retrouver dans la rue, soit en général 30 à 35 % de la population itinérante, et qu’une proportion de plus de 75 % des femmes sans abri ont une maladie mentale[149]. La Commission a également appris que les personnes ayant une maladie mentale risquent de rester plus longtemps sans abri.

Des personnes consultées ont insisté sur le fait que le problème des sans-abri n’englobe pas uniquement les personnes qui vivent dans la rue, mais toutes celles qui dépendent du logement temporaire que leur offrent les amis et la famille ou qui dorment dans les refuges. Un nombre croissant d’enfants et de femmes dépendent actuellement des refuges pour répondre temporairement à leurs besoins de logement[150]. La Commission a également appris que les personnes ayant eu affaire avec la justice pénale tendent à demeurer dans des refuges pendant un ou deux mois après leur remise en liberté, même si les séjours en refuge ont été associés à un risque accru de réincarcération (Société John Howard de Toronto).

Des personnes consultées ont discuté de la vaste gamme de facteurs propices à l’itinérance, notamment les politiques et les programmes municipaux, provinciaux et fédéraux, la désinstitutionnalisation et les problèmes de situation. Pour plusieurs, ces facteurs situationnels sont aggravés par l’existence de caractéristiques protégées en vertu du Code, comme la race, le handicap, le sexe, la dépendance à l’égard de l’aide sociale, l’état familial et la pauvreté connexe.

Les familles et les personnes perdent leur logement pour toutes sortes de raisons : une mise à pied, un revenu trop faible pour le prix du loyer ou la nécessité de fuir une situation de violence. Des situations complexes s’ajoutent à ces problèmes, notamment les cas de maladie physique ou mentale ou de toxicomanie. (Alliance pour résoudre la question des sans-abri)

La Société John Howard de Toronto a fait remarquer que la remise en liberté de personnes incarcérées contribue de façon importante au phénomène du sans-abrisme[151]. On a également fait part à la Commission des obstacles au logement que vivent les personnes qui ont été incarcérées et relâchées. Étant donné que la portion qui est destinée à l’allocation de logement dans les prestations des programmes OT et POSPH cesse d’être versée durant l’incarcération de la personne, celle-ci risque davantage de devenir sans-abri à sa libération, surtout depuis que l’on a décidé que les prestations n’étaient pas restaurées avant la mise en liberté.

Quelques personnes et organisations consultées, notamment le BIPEP, ont également soulevé le fait qu’il n’existait pas d’aide à la recherche d’un logement pour les personnes qui sortent d’un hôpital ou d’une prison[152] . Ces personnes sortent de ce milieu et sont souvent sans le sou, ne disposent d’aucune allocation de transport, n’ont pas d’autres vêtements que la combinaison qu’ils portaient en dedans, ni de pièces d’identité ou d’accès à des services qui les aideraient à réintégrer la société. Il est peu probable que les personnes dans cette situation puissent obtenir un logement sur le marché locatif, ce qui signifie qu’elles vont devoir vivre dans la rue, dans des refuges ou chez des amis (lorsque c’est possible) durant leur processus de réintégration de la société. Pour certains d’entre eux, le stress que cette situation engendre les amène à récidiver (Société John Howard de Toronto).

Le CERA et le SRAC estiment qu’au Canada, l’itinérance et les atteintes au droit au logement résultent des réductions des prestations d’aide sociale et d’aide au logement social, ainsi que de l’absence de mesures appropriées pour s’attaquer au problème de l’itinérance, qui porte atteinte aux droits humains. Outre le CESCR, d’autres organismes internationaux en matière des droits de la personne se sont montrés préoccupés par l’itinérance, qui constitue une violation des droits fondamentaux[153].

La Commission a également appris que la discrimination généralisée dont les sans-abri font l’objet les empêche d’accéder à un logement abordable, même lorsqu’il y en a de disponibles.

On refuse les sans-abri simplement parce qu’ils n’ont pas de chez soi (....). En ne voulant pas louer de logement à des personnes qui vivent dans un refuge, les locateurs les condamnent à rester plus longtemps des sans-abri (...). Lorsque les familles et les personnes se retrouvent dans la rue, la discrimination dont elles font l’objet augmente exponentiellement dans les secteurs du logement et de l’emploi, et exerce une pression considérable sur la liste d’attente pour un logement social. (Housing Help Centre)

Stratégies et solutions pour lutter contre l’itinérance

Le risque de décès chez les sans-abri est plus élevé que dans la population générale en raison de leur exposition à une combinaison de facteurs : problèmes de santé, pauvreté et, parfois, accès inadéquat aux soins de santé[154]. Même pour les personnes qui arrivent à survivre dans cette situation, il est important d’être en mesure d’accomplir les activités essentielles de la vie quotidienne. Un locataire a affirmé qu’il était impossible pour un sans-abri de se trouver un emploi.

De l’avis de certains organismes, comme la Rupert Coalition, le fait de vivre dans un endroit sûr est essentiel à la stabilité des personnes itinérantes et à leur rétablissement suite à une maladie mentale et aux problèmes de toxicomanie si fréquents au sein de cette population[155]. En outre, des recherches ont démontré que le fait d’être sans abri augmente la durée et la gravité d’une maladie mentale[156].

Vu la gravité des conséquences liées à l’itinérance, il est essentiel d’agir sans tarder pour éliminer et prévenir ce problème urgent qui relève des droits de la personne. La Commission est d’avis qu’il existe plusieurs moyens de s’attaquer à cette difficile situation. Toutefois, il faut d’abord démontrer une volonté de donner suite aux nombreux rapports qui ont été rédigés à ce sujet, accepter qu’il existe une panoplie de violations systémiques des droits de la personne, lesquelles constituent des facteurs favorisant l’itinérance, et s’engager à répondre directement aux critiques formulées au niveau international en ce qui concerne l’itinérance dans cette province et ce pays. Certaines idées soulevées à ce sujet sont présentées dans les paragraphes suivants.

Le CERA et le SRAC ont proposé de mettre en œuvre une stratégie sur les droits de la personne visant à aborder le problème de l’itinérance en tant qu’atteinte au droit à l’égalité en vertu du Code. La stratégie que ces organismes ont décrite s’attaquerait à « l’intersection de l’égalité à l’emploi et au logement ainsi qu’aux obstacles de plus en plus nombreux auxquels sont confrontés les groupes défavorisés qui cherchent à obtenir un revenu adéquat et stable, essentiel pour conserver et entretenir un logement adéquat. » Cette approche repose avant tout sur des principes clés, comme la reconnaissance que le logement adéquat constitue un droit humain fondamental, la nécessité d’adopter des mesures positives afin d’assurer aux groupes protégés par le Code un accès égal au logement et le droit à des recours efficaces.

Des entités consultées, comme la Rupert Coalition, ont fait valoir que les efforts visant à augmenter la disponibilité des maisons de chambre peuvent avoir des incidences sur les taux d’itinérance étant donné que ce type d’hébergement constitue une source importante de logement abordable pour les locataires à faible revenu[157]. De telles mesures devraient tenir compte du cadre de réglementation en vigueur[158]. La section 5.2, « Logement convenable et abordable », traite également de la question.

L’ATTSO a indiqué qu’il était impératif de prendre des mesures concrètes pour contrer les « mécanismes anti-logement » en vigueur dans la société. Ainsi, il faudrait établir un plan d’action ayant pour cibles l’élimination et la prévention de l’itinérance. Pour mettre en place de telles actions, il faudra d’abord tenir compte des exigences et des critiques internationales. Par exemple, le CESCR a accueilli favorablement l’Initiative nationale pour les sans-abri et l’adoption d’autres mesures sur le logement, mais a été déçu de voir que les renseignements fournis n’étaient pas suffisants pour évaluer les résultats de ces mesures. En particulier, il a été inquiet de constater que le nombre estimatif de personnes sans abri au Canada varie toujours entre 100 000 et 250 000[159]. On a également recommandé de porter particulièrement attention aux difficultés auxquelles font face les jeunes filles sans abri[160].

On a fait valoir à la Commission qu’il était nécessaire d’adopter une approche multiple, qui favoriserait la hausse des niveaux de revenu, des services et de la qualité des logements. Une personne consultée a fait référence à une étude qui montrait les effets positifs de ces mesures sur le logement au sein de la collectivité faisant l’objet de l’étude :

Un rapport rédigé par un groupe d’experts et portant sur une étude de la population itinérante d’Ottawa au cours d’une période de deux ans a indiqué que des facteurs tels qu’un revenu plus élevé, l’accès au logement subventionné, l’aide d’organismes et de travailleurs communautaires, le soutien des colocataires, un ensemble permanent et approprié de services complémentaires et de soutien les ont aidés à se trouver un toit. Le fait de vivre dans un logement de meilleure qualité du point de vue du confort, de l’intimité et de l’espace a été associé à de plus hauts niveaux de santé mentale. (Alliance pour résoudre la question des sans-abri)

5.5. Mouvement discriminatoire « pas dans ma cour » et logement abordable

Un certain nombre de personnes consultées ont établi un lien entre l’opposition « pas dans ma cour » et les attitudes du genre « je ne veux pas de ces gens dans mon quartier » ou « on a déjà fait notre part » concernant un certain type de logement abordable. La Commission a déjà indiqué que les personnes et les groupes visés par le Code ne devraient pas avoir à demander à de futurs voisins la permission d’emménager[161]. Il est tout à fait légitime que des questions concernant les projets de logements abordables se posent durant le processus de planification, mais les prémisses stéréotypées concernant les personnes qui habiteront ces logements sont autre chose. Tenter de rejeter des personnes handicapées, dont celles qui ont une maladie mentale, n’est pas moins choquant que d’empêcher des personnes racialisées de s’installer dans un quartier.

On a indiqué à la Commission que le mouvement discriminatoire « pas dans ma cour » retardait le développement du logement abordable, en augmentait les coûts et contribuait à ce que de précieux fonds publics soient utilisés pour interjeter appel auprès de la Commission des affaires municipales de l’Ontario au lieu de servir à la création de logements abordables et avec services de soutien. Cette situation peut amener les fournisseurs de logements à sentir le besoin de faire des compromis pour obtenir l’établissement de nouveaux logements abordables, même si ces compromis nuisent à la dignité ou au bien être des résidents. La Commission a également appris que l’opposition « pas dans ma cour » peut dissuader certains fournisseurs de logements de créer des logements abordables. Il arrive que des personnes protégées par le Code soient exposées au harcèlement durant le processus de planification et, au moment d’emménager dans leur nouveau quartier, aient l’impression de ne pas y être bienvenues. Certaines personnes consultées ont parlé des effets de l’opposition à l’échelle des politiciens ainsi que des tactiques visant à retarder les projets, qu’on appelle parfois l’attitude « pas durant mon mandat ».

L’opposition « pas dans ma cour » aux projets de logement abordables est susceptible de violer le Code lorsqu’elle entraîne des changements dans les processus de planification existants, suscite des obstacles à l’accès au logement ou expose les résidents proposés à des commentaires ou à des comportements discriminatoires. Par exemple, la municipalité qui exige des réunions publiques supplémentaires ou des modifications au processus de planification sous le seul prétexte que les résidents visés par un éventuel projet de logements sont des personnes toxicomanes, jeunes ou âgées, des familles monoparentales, des prestataires d’aide sociale ou des personnes handicapées ou ayant une maladie mentale, pourrait faire l’objet d’une plainte pour discrimination. Lorsque des politiques ou des pratiques visent, ou touchent de manière disproportionnée, des populations protégées par le Code, elles peuvent être considérées comme des violations au Code. On a résumé ci dessous les formes les plus fréquentes d’opposition « pas dans ma cour » et leurs effets sur les droits humains, tel que l’on décrit les personnes consultées.

Définitions de zonage utilisées pour interdire ou restreindre l’accès de ces zones à certaines personnes protégées par le Code

Les définitions de zonage permettent d’inclure certains endroits dans un secteur particulier, ou de les y exclure, selon leurs caractéristiques physiques et leur fonction. Un très grand nombre de personnes consultées se sont montrées préoccupées de l’utilisation des définitions de zonage pour empêcher certains groupes protégés par le Code de vivre dans des endroits particuliers. Par exemple, on a soulevé le fait que de telles définitions pouvaient être utilisées pour réduire le nombre d’endroits pouvant accueillir des logements avec services de soutien et destinés à un groupe protégé ou encore pour imposer des exigences supplémentaires ou un processus d’approbation plus long (HomeComing Community Coalition). On a établi une distinction entre ce type de définitions de zonage et les définitions stipulées dans les règlements municipaux, lesquelles sont liées à des avantages, comme les approbations accélérées visant le logement avec services de soutien. Le MAML a indiqué qu’un règlement de zonage est invalide s’il a pour objet de réglementer l’utilisateur, plutôt que l’utilisation du terrain, ou de déterminer l’utilisation du terrain selon des caractéristiques relatives à des personnes.

Règlements qui limitent ou interdisent certains ensembles résidentiels abordables

On s’inquiète du fait que des règlements visent à interdire certains types d’ensembles résidentiels tout en en permettant d’autres. Par exemple, on a indiqué à la Commission que des règlements et des politiques de zonage de certaines municipalités de la province interdisent les maisons de chambres dans des quartiers particuliers. Des personnes et des organisations consultées, comme Project Connect, ont fait valoir à la Commission qu’en raison de telles mesures et de ces types de règlements de zonage, on refuse aux personnes qui dépendent de ce type de logement, et qui peuvent être protégées dans le cadre du Code, un endroit où vivre dans la collectivité de leur choix. Ces personnes devront peut-être accepter un logement ne convenant pas à leurs besoins, soit parce qu’il ne répond pas aux normes ou parce qu’il est situé loin des services, des membres de leur famille ou de leur réseau social (Rupert Coalition).

Des personnes consultées estiment qu’un règlement qui interdit tous les ensembles résidentiels dans un secteur particulier serait acceptable s’il ne comportait pas d’effets discriminatoires. Par contre, le règlement qui ne permet pas l’établissement de maisons de chambres, de foyers de groupe ou d’ensembles de logements subventionnés et destinés à des personnes protégées en vertu du Code, mais qui permet un ensemble résidentiel de taille semblable, serait discriminatoire. Par exemple, certaines municipalités interdisent la construction de tout nouveau logement social, foyer de groupe, refuge, foyer ou maison de chambres dans un quartier donné. Cette mesure touche les personnes handicapées et les bénéficiaires de l’aide sociale. D’autres municipalités font la distinction entre logement pour survivants psychiatriques vivant dans la collectivité et pour personnes ayant été hospitalisées dans un hôpital psychiatrique provincial de la région (Certaines personnes consultées).

Exigences en matière de distance et moratoires sur l’établissement de logements

Il existe un certain nombre de municipalités en Ontario qui exigent des distances minimales de séparation avec les foyers de groupe et d’autres types de logement pour personnes handicapées. Le MAML a indiqué que ces règlements relatifs aux distances minimales de séparation doivent être fondés sur une planification rationnelle, et adoptés de bonne foi et dans l’intérêt public.

La Commission a appris que les exigences en matière de distance, les plafonds et les quotas restreignent ou limitent les endroits où la construction de logements pour personnes handicapées ou prestataires d’aide sociale est possible, et peuvent donc avoir des effets discriminatoires. Des personnes consultées ont mentionné à la Commission les types de limites qui sont mentionnées dans les règlements de certaines municipalités de la province :

  • nombre maximal de locataires dans les foyers de groupe ou de soins spéciaux;
  • nombre maximal de foyers de groupe dans une zone résidentielle;
  • nombre maximal de foyers de groupe selon le nombre de personnes d’une population totale, par quartier, par lot ou par municipalité.

Étant donné que ces exigences limitent le nombre de sites où il est possible d’établir des foyers de groupe, les fournisseurs de logements peuvent se voir obligés de refuser des projets de logements qui, autrement, auraient été tout à fait appropriés. Par exemple, on a mentionné à la Commission l’histoire du couple qui voulait faire don de sa maison à un organisme qui offre du logement et du soutien à des personnes ayant une déficience intellectuelle, mais l’organisme en question a dû laisser passer cette occasion de créer de nouveaux logements avec services de soutien puisqu’il y avait déjà un autre foyer de groupe dans le quartier. On a expliqué à la Commission que les exigences en matière de distance présentent un obstacle au logement pour les personnes handicapées, même si les résidents du quartier sont en faveur du projet.

La Commission a appris que le moratoire sur les aménagements ou les règlements qui visent à stopper temporairement l’aménagement d’un terrain pendant un maximum de deux années consécutives limitent les possibilités de construire des logements abordables ou avec services de soutien. Des personnes consultées ont indiqué que ces pratiques ont le même effet que les exigences en matière de distance dans la mesure où elles limitent la création de logements qui s’adressent avant tout à des groupes ou à des personnes protégés. Le MAML a indiqué que les municipalités disposant des pouvoirs pour rédiger de tels règlements exercent généralement ce droit dans une situation où se présentent des problèmes d’aménagement imprévus aux termes d’une permission relativement au zonage, et que quiconque reçoit un avis concernant ce type de règlement peut interjeter appel auprès de la CAMO.

Consultation publique non exigée par la Loi sur l’aménagement du territoire

Dans une lettre envoyée au rédacteur du Toronto Star le 14 novembre 2007, la commissaire en chef a fait remarquer : « Il est tout à fait légitime que des questions concernant l’aménagement du territoire se posent durant le processus de planification.. Toutefois, des réunions qui autorisent les gens à décider qui doit vivre dans leur quartier sont autre chose. »[162] La Commission a d’ailleurs entendu beaucoup de choses sur cet autre type de réunion au cours de la consultation.

Le MAML a indiqué que la Loi sur l’aménagement du territoire a comme principe fondamental de donner à la population l’occasion de présenter son point de vue au cours d’une réunion publique portant sur certaines questions liées à l’aménagement du territoire. On veut par le fait même respecter la « philosophie basée sur l’ouverture et la transparence du système de planification ». Toutefois, la Commission a appris que des promoteurs de logements abordables et avec services de soutien peuvent être tenus de participer à des consultations publiques longues et coûteuses, qui ne sont prévues ni dans la Loi sur l’aménagement du territoire ni dans aucun règlement municipal.

On a indiqué à la Commission que, dans certains cas, ces réunions étaient convoquées par des conseillers municipaux, des fonctionnaires municipaux ou même des comités de dérogation lorsqu’un projet de logements semblait « controversé », même si le seul élément prêtant à la controverse portait sur les caractéristiques des personnes qui habiteraient ces logements. Certaines personnes consultées doutaient que ces réunions extraordinaires aident les gens à surmonter leurs craintes et les stéréotypes erronés, mais ont plutôt remarqué qu’elles pouvaient faire croire aux résidents qu’ils avaient le pouvoir d’empêcher ou de retarder la venue de personnes non désirées dans leur quartier (HomeComing Community Coalition).

Les personnes ont également parlé contre le fait d’obliger la diffusion d’avis publics ou la tenue de réunions de consultation dans le cas de projets de développement « de plein droit », destinés à des groupes protégés (c. à d. ceux pour lesquels aucun changement de zonage n’est exigé). Ces exigences constituent un triple sujet de préoccupation : on craint, premièrement, que le projet soit mis à part pour y ajouter des conditions supplémentaires sous prétexte qu’il est destiné à des personnes vulnérables et pouvant être protégées en vertu du Code, deuxièmement, qu’on ajoute des obstacles supplémentaires à la création de logements abordables et, troisièmement, que les personnes protégées par le Code soient exposées à des remarques et à des comportements discriminatoires au cours de ces réunions. Comme l’a fait remarquer l’organisme Project Connect :

Parfois, lorsque la ville invite la collectivité à une consultation concernant le logement abordable à Toronto, cela devient l’occasion tout indiquée pour les gens d’exprimer leur point de vue qui est, tout simplement, discriminatoire. De plus, bien qu’ils prétendent parler de valeur des propriétés et de sécurité (on a déclaré, au sujet du permis d’une maison de chambre : « je ne veux pas voir ces pédophiles autour de mes enfants »), les gens s’opposent généralement à tout type de logement pour personnes à faible revenu. De plus, il n’est pas rare d’entendre la réflexion suivante : « Je suis en faveur du projet, mais pas ici. » Puisque ce type de processus risque de susciter des points de vue discriminatoires dans le public, ce genre de consultation doit être mené de façon différente. Le processus d’approbation en vigueur peut s’avérer long et pénible (et, par conséquent, plus coûteux pour le fournisseur de logements).

Les personnes protégées en vertu du Code, et celles qui défendent le droit au logement en leur nom, sont souvent l’objet de commentaires inappropriés et d’insultes. Ces situations se produisent au cours de réunions dirigées par des conseillers ou des fonctionnaires municipaux, dans des sites Web, des brochures, des affiches ou des dépliants. On s’attend à ce que les municipalités et les élus évitent les atmosphères néfastes et contraires au Code durant leurs réunions. Toutefois, on s’inquiète de voir que certains conseillers municipaux utilisent parfois le même langage discriminatoire que leurs électeurs et revendiquent la liberté d’expression pour émettre leurs commentaires discriminatoires.

On prétend, pour autoriser une telle attitude, qu’elle s’appuie sur la liberté d’expression et la communication des véritables sentiments de la collectivité. Par exemple, à une réunion du conseil de la Ville de Toronto, plusieurs conseillers ont voté contre une recommandation du Service de planification voulant que soient appliqués les principes associés aux droits de la personne et à l’équité lors des réunions publiques sous prétexte qu’ils ne voulaient pas museler leurs électeurs. (HomeComing Community Coalition)

Durant tout le processus de consultation, la Commission a entendu parler de cas d’atteinte à la dignité durant des rencontres communautaires où l’on a, par exemple, entendu les commentaires et observé les comportements suivants :

  • des centaines de résidents qui s’opposaient avec vigueur à ce que des personnes ayant une maladie mentale emménagent dans leur quartier;
  • des personnes ayant une maladie mentale qui étaient traitées de violeurs, de meurtriers, de pédophiles et de terroristes;
  • des représentants d’organismes communautaires ou de fournisseurs de logements, eux-mêmes éventuellement protégés en vertu du Code en raison d’une maladie mentale ou pour un autre motif, qu’on ignore ou qui font l’objet de commentaires offensants;
  • de jeunes mères seules qui se font dire de « se trouver un mari ».

Compromis ou exigences en matière de conception et contrats octroyés à la collectivité

Plusieurs personnes et organisations consultées, y compris la division de l’Ontario de l’ACSM, ont reconnu que les compromis sur le plan de la conception font partie des projets de construction de logements. Toutefois, on a indiqué que les droits humains risquent d’être bafoués si les opposants et les résidents du quartier demandent des compromis fondés sur les préjugés ou les craintes concernant les personnes qui emménageront dans les logements.

Parfois, ces exigences font partie d’un règlement municipal ou bien un conseil, un comité du conseil ou un comité de dérogation en fait la demande à titre de condition pour obtenir les approbations de planification ou de financement ou comme condition de l’appui au projet d’un conseiller. Ces compromis et ces exigences peuvent contrevenir au Code dans les cas où ils stigmatisent les locataires protégés dans le cadre du Code ou ils portent atteinte à leur dignité et empêchent leur intégration naturelle dans la collectivité.

Par exemple, la Commission a appris qu’on avait fait à des fournisseurs de logements abordables et avec services de soutien les demandes suivantes :

  • veiller à ce que les fenêtres ne puissent pas être ouvertes par les locataires;
  • givrer toutes les fenêtres pour empêcher les locataires de voir leurs voisins;
  • enlever les balcons qui pourraient permettre aux locataires d’avoir vue sur leurs voisins;
  • ajouter une protection visuelle autour des foyers de groupe;
  • élever des murs séparant les logements abordables des maisons du quartier;
  • barrer ou supprimer, dans une rangée de maisons abordables, l’espace permettant aux locataires d’accéder à leur voiture;
  • fermer les entrées du secteur réservé aux logements abordables avec des portes de fer le soir afin d’empêcher les locataires de sortir;
  • ajouter des portes, des murs, des barrières, des détours et d’autres obstacles pour empêcher les groupes protégés d’accéder naturellement aux voies qui conduisent à leur résidence.

La Commission a également appris que certaines municipalités exigent ou recommandent que les fournisseurs de logements signent des contrats avec leurs voisins pour pouvoir occuper un immeuble. On a indiqué que les fournisseurs de logements se sentaient obligés de signer ces documents, afin de prouver leur bonne volonté pour obtenir le soutien des conseillers locaux, bien que ces papiers aient pour effet de porter atteinte à la dignité et au droit à la vie privée des groupes protégés. Les contrats ou les exigences qui imposent des obligations supplémentaires relativement au logement de groupes protégés peuvent être discriminatoires et pourraient donner lieu à divers problèmes liés aux droits de la personne.

Par exemple, les gestionnaires d’un refuge pour itinérants ont accepté de communiquer chaque année le revenu de tous leurs résidents à leurs voisins du secteur Est de Toronto. Lesdits voisins ont indiqué que cette « mesure » visait à s’assurer qu’aucun résident ne recevait une subvention à laquelle il n’avait pas droit. (HomeComing Community Coalition)

Responsabilité partagée en matière de prévention et d’élimination du syndrome « pas dans ma cour »

On a prétendu qu’il y avait deux poids, deux mesures lorsqu’il s’agissait du mouvement discriminatoire « pas dans ma cour », car les personnes qui clament « nous ne voulons pas de "ces gens" dans notre quartier », « nos propriétés vont perdre de la valeur à cause d’eux » ou « nous ne voulons pas de ces personnes sans supervision autour de nos enfants » ne considèrent pas avoir une attitude préjudiciable ou discriminatoire. Il semble que les effets de ces commentaires sur les droits humains, lorsqu’ils sont formulés, par exemple, dans une réunion publique, dans une lettre aux conseillers municipaux ou sur un site Web d’un groupe communautaire, ne soient pas souvent reconnus ni contestés, même par les personnes qui, autrement, se considéreraient comme des citoyens ou des leaders tolérants et respectueux.

Bon nombre de personnes consultées ont déterminé qu’il était nécessaire de sensibiliser davantage le public aux effets du syndrome « pas dans ma cour » sur les droits humains. Pour aider les gens à distinguer les déclarations discriminatoires, la HomeComing Community Coalition a mis au point un test spécial, le « cringe test »[163], qui permet aux personnes, notamment aux conseillers municipaux et aux membres de la collectivité, d’évaluer si les déclarations qu’elles font ou entendent concernant d’autres motifs prévus au Code, comme l’origine ethnique, sont appropriées.

Certaines personnes consultées ont insisté sur la nécessité d’établir un « zonage inclusif » dans lequel les promoteurs de logements privés et à but lucratif seraient tenus de construire du logement abordable pour rendre à la collectivité les avantages dont ils ont bénéficié. De nombreuses personnes ont indiqué que le MAML devait prendre des mesures concertées pour guider les municipalités, en particulier à l’égard de l’élaboration des règlements qui limiteraient les options de logement abordable pour les groupes et les personnes protégés par le Code. La FRPO a suggéré que soit élaborée une solide déclaration de principes provinciale et qu’on ait recours à une intervention énergique auprès de la CAMO lorsque des municipalités s’opposent à des demandes d’aménagement.

Un certain nombre de personnes consultées ont parlé du rôle que jouent les politiciens municipaux et les conseillers à l’égard de l’opposition « pas dans ma cour ». Il leur arrive de favoriser ou d’appuyer cette tendance ou de prendre fermement position contre cette attitude, qui relève des droits humains. Par exemple, la division de l’Ontario de l’ACSM a déclaré :

[L]es ensembles de logements sociaux sont victimes du manque de soutien politique et de l’ingérence politique qui alimente davantage la discrimination. Par exemple, certains conseillers de quartiers se sentent souvent obligés de s’opposer à des projets qui, selon eux, ne sont pas bien accueillis par leurs électeurs. Ainsi, des projets sont souvent rejetés à l’étape de l’autorisation et l’attitude « pas dans ma cour », qui constitue un acte discriminatoire, est alors renforcée.

On a félicité la Commission des affaires municipales de l’Ontario (CAMO) pour avoir refusé systématiquement d’accepter les arguments fondés sur la discrimination plutôt que sur des considérations relatives à la planification et pour ne pas avoir donné suite à ces appels. Malgré le mécanisme dont elle dispose pour rejeter les affaires futiles ou vexatoires, on croit que la CAMO hésite à utiliser ce pouvoir discrétionnaire s’il y a la moindre chance que l’appel soit bien fondé. La Commission a également appris que les coûts engagés pour contester un appel peuvent être assez importants pour forcer certains fournisseurs de logements à abandonner leur projet, après y avoir consacré temps, efforts et argent. Par exemple, un appel déposé auprès de la CAMO relativement à des appartements destinés à des personnes ayant une maladie mentale a coûté à un fournisseur de logements plus de 300 000 $ et près de 9 000 $ par mois pour les retards de construction. Certaines personnes consultées ont donc estimé que la CAMO pouvait jouer un rôle important en rejetant les appels de nature discriminatoire le plus tôt possible, et ce, avant que l’expert organise sa préparation en vue de l’audience.

En outre, des personnes ont préconisé l’élaboration d’une législation provinciale fondée sur la loi américaine Fair Housing Act[164] à titre d’élément clé de toute stratégie visant à éliminer la discrimination résultant des méthodes de gestion immobilière. L’organisme Good Shepherd a proposé d’intégrer dans une telle loi les éléments suivants :

  • Une exigence à l’effet que les municipalités disposent d’une « déclaration relative au logement abordable » qui comprend des mesures visant à éliminer la discrimination;
  • Des récompenses, comme l’attribution de logements supplémentaires aux collectivités qui s’engagent à fournir du logement abordable, et la possibilité que les municipalités offrent d’autres mesures incitatives;
  • Des mesures visant à rendre les effets de l’opposition « pas dans ma cour » moins pénibles et coûteux, notamment autoriser la CAMO à rejeter les appels qui ne reposent pas sur des arguments de fond concernant la planification.

[91] Document de référence, supra note 51, p. à 22.
[92] Mémoire de la Commission ontarienne des droits de la personne au sujet des dispositions du Code du bâtiment de l’Ontario concernant l’aménagement pour accès facile, mars 2002. Accessible sur Internet : www.ohrc.on.ca/fr/resources/submissions/BuildingCodeSubmissionFREN/pdf.
[93] Dans Quesnel c. London Educational Health Centre (1995), 28 C.H.R.R. D/474, une commission d’enquête de l’Ontario a déclaré ce qui suit : « Eu égard à l’allégation personnelle de l’intimé qu’il a satisfait aux codes du bâtiment locaux, qu’il suffise de noter que le paragraphe 47 (2) établit la primauté du Code sur toute autre loi ou tout autre règlement autorisant une conduite qui constitue une infraction aux droits établis à la Partie I. La conformité aux codes du bâtiment ne suffit pas à justifier une infraction aux textes de loi sur les droits de la personne. »
[94] Voir aussi le document de la Commission ontarienne des droits de la personne, « Proposition de norme initiale d’accessibilité pour le transport : un recul pour les personnes handicapées de l’Ontario », 30 août 2007, et Soumission de la Commission ontarienne des droits de la personne au Comité d’élaboration des normes d’accessibilité pour le transport au sujet de la Proposition de norme initiale d’accessibilité pour le transport, août 2007. Accessible sur Internet : www.ohrc.on.ca/fr/resources/submissions/transportsub/pdf
[95] Loi de 2005 sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario, Règlement 2005, chap. 11.
[96] Voir, par exemple, Eldridge c. la Colombie-Britannique (procureur général), 1997, 3 S.C.R. 624.
[97] KOTHARI, Miloon. « Statement of the Special Rapporteur on adequate housing as a component of the right to an adequate standard of living, and on the right to non-discrimination in this context », rapport présenté à la 7e session du Conseil des droits de l’homme, 12 mars 2008, p. 2.
[98] SMITH, Joanna. « UN special envoy to shine spotlight on housing in Toronto », The Toronto Star, 18 octobre 2007.
[99] KOTHARI, Preliminary Observations, supra note 11, p. 4.
[100] KOTHARI, supra note 97.
[101] Le libellé actuel du projet de loi indique que le gouvernement de l’Ontario s’engage à faire ce qui suit, dans la mesure de ce qu’il estime raisonnable et indiqué : veiller à ce qu’un logement convenable soit accessible aux personnes qui y ont droit; offrir une protection contre les violations du droit à un logement convenable, notamment les expulsions forcées; fournir des subsides en matière de logement aux personnes qui ne peuvent obtenir un logement convenable qui soit abordable; prendre les mesures qu’il juge appropriées pour reconnaître, promouvoir et protéger le droit à un logement convenable.
[102] Déclaration de principes provinciale (2005) produite par le ministère des Affaires municipales et du Logement (MAML). Le MAML a indiqué que l’énoncé de politique ayant été modifié en 2005 à la suite des réformes de l’aménagement, il permet et facilite « toutes les formes de densification et de réaménagement résidentiels, ainsi que toutes les formes de logement nécessaires pour répondre aux besoins sur le plan social et en matière de santé et de bien-être, y compris aux besoins en matière de logements adaptés, des résidents actuels et futurs ». Par logement adapté, on entend « tout logement qui sert à des personnes ayant des besoins particuliers qui ne se limitent pas à des besoins de nature économique, p. ex., les logements pour les personnes ayant un handicap physique, sensoriel ou mental et les logements pour personnes âgées ».
[103] VOLK, Nick. « Canadian Government’s response to Miloon Kothari – Special Rapporteur on Adequate Housing presentation in Canada », 16 mars 2008. Accessible sur Internet : www.hic-net.org./
[104] KOTHARI, supra note 97, p. 2.
[105] Au 25 avril 2008, des progrès avaient été accomplis sur 704 projets de logements abordables, lesquels représentent un total de 11 191 unités abordables. Des 9 327 logements locatifs et avec services de soutien, 3 752 unités sont occupées, 2 324 sont en cours de construction et 3 251 sont en attente des approbations nécessaires. Des 998 logements de propriétaires-occupants, 781 unités sont occupées, 53 sont en cours de construction et 164 sont en attente des approbations nécessaires. Des 866 logements du volet logement dans le Nord, 501 unités sont occupées, 33 sont en cours de construction ou de réparation et 332 sont à la phase de la sélection des clients. Gouvernement de l’Ontario, « Logement abordable ». Accessible sur Internet : www.mah.gov.on.ca/page2232.aspx.
[106] Le MAML a indiqué que le Programme de supplément au loyer pour l’épanouissement communautaire est un élément important de la stratégie globale provinciale en matière de logement et qu’il fournit de l’aide LPR, par l’intermédiaire des gestionnaires de services, aux ménages qui ont besoin d’un logement avec ou sans services de soutien. Selon le MAML, l’enquête la plus récente menée auprès des gestionnaires de services à l’automne de 2006 a indiqué que 6 610 ménages recevaient de l’aide en vertu du Programme de supplément au loyer, parmi lesquels 1 322 vivaient dans un logement avec services de soutien et 5 288, dans un logement sans services. On a également indiqué que la responsabilité du Programme de supplément au loyer est partagée entre la province et les gestionnaires de services municipaux. La province veille au maintien des lignes directrices en vue de l’administration du programme et fournit du financement et le soutien aux organismes offrant les services de soutien, tandis que les gestionnaires de services municipaux exécutent le programme conformément au protocole d’entente et aux grandes lignes du programme. Des locateurs participent à des accords de supplément au loyer avec des gestionnaires de services municipaux afin d’être en mesure d’offrir des logements locatifs à des ménages admissibles.
[107] Le MAML a indiqué que le financement accordé dans le cadre de ce programme s’élève à 18,8 millions de dollars et que les gestionnaires de services ont l’obligation, en vertu de règles provinciales, d’évaluer les demandes des locataires sur une base individuelle en tenant compte de leurs besoins et des « possibilités de logement à long terme ». À l’époque où le MAML a présenté son mémoire, on évaluait ce programme afin de déterminer les changements qui pourraient éventuellement y être apportés. Depuis ce temps, le gouvernement de l’Ontario a annoncé un investissement de 5 millions de dollars en banques d’aide au loyer afin d’aider davantage de familles à conserver leur logement. Les locataires peuvent demander une aide financière auprès d’une banque d’aide au loyer, mais pas plus d’une fois en deux ans, et l’aide reçue peut correspondre à deux mois de loyer. Si la demande est approuvée, le loyer impayé est versé directement au locateur, au nom du locataire. Voir le communiqué de presse du gouvernement de l’Ontario, « Les familles dans le besoin obtiennent de l’aide pour payer leur loyer : le gouvernement McGuinty annonce du financement pour les banques d’aide au loyer », 15 mai 2008.
[108] Par exemple, le SMHN s’en remet aux coopératives d’habitation fédérales, aux logements avec services de soutien administrés par le ministère de la Santé et des Soins de longue durée et par le ministère des Services sociaux et communautaires, aux programmes d’allocation de logement, aux programmes de supplément au loyer et aux nouveaux programmes de logement abordable.
[109] Voir aussi Dartmouth/Halifax County Regional Housing Authority c. Sparks, 1993, 101 D.L.R. (4e) 224 (N.S.C.A.), p. 234 : « De façon générale, les personnes qui sont admissibles à un logement social font partie du groupe social défavorisé sur le plan économique, et elles sont ainsi défavorisées en raison de leur âge et de la baisse correspondante de leur revenu (personnes âgées), ou ce sont des familles à faible revenu dont une majorité est désavantagée parce qu’elle est constituée de mères célibataires qui vivent de l’aide sociale et dont beaucoup sont [N]oires. Le groupe de locataires des logements sociaux est, dans son ensemble, défavorisé historiquement parlant par suite des effets combinés de plusieurs des caractéristiques personnelles énumérées au par. 15(1). »
[110] En 2006, on a recommandé au gouvernement de prévoir un nombre suffisant de logements communautaires convenables afin que les personnes ayant une déficience mentale ne soient pas contraintes de vivre en institution sans raison médicale. Observations finales du Comité des droits de l’homme, supra note 17.
[111] STAPLETON, John. Rapport publié par la Fondation Metcalf, intitulé Why is it so tough to get ahead: How our tangled social programs pathologize the transition to self-reliance, 2007, p. 29.
[112] Ibid., p. 19.
[113] Observations finales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, supra note 13, par. 28.
[114] Association du logement sans but lucratif de l’Ontario. Report on the Waiting List Statistics for Ontario, août 2007. Accessible sur Internet : www.onpha.on.ca/english/doc/wait_list.pdf.
[115] Loi sur les sociétés coopératives, L.R.O. 1990, chap. C 35.
[116] LLUH, supra note 29, article 113.
[117] À l’appui de cet argument, l’EOLO et la FRPO ont cité des éléments provenant d’une recherche approfondie, notamment une étude effectuée par des lauréats du prix Nobel, sur le contrôle des loyers.
[118] Voir, par exemple, GOLDEN, Anne. The Report of the Mayor’s Homelessness Action Task Force: Taking Responsibility for Homelessness (Golden Report), 1999, p. 262.
[119] Ibid., p. 265. Voir aussi le site Web du CODDL, section « Faits rapides : Le logement locatif en Ontario », dans lequel on indique que « [l]e marché locatif secondaire ou non conventionnel a été tour à tour évalué à 589 861 unités, soit 41,3 % de l’ensemble de l’univers locatif, et 894 000 unités, soit 50 % de l’ensemble des ménages locataires. » Accessible sur Internet : www.acto.ca/french/acto_content.php?topic=32&sub=185.
[120] Le projet de loi 120, la Loi de 1994 sur les droits des résidents, a remplacé les règlements de zonage municipaux et permis l’aménagement de logements supplémentaires dans des résidences, y compris des appartements de sous-sol, à la condition de respecter les normes en matière de santé et de prévention des incendies. Ce projet de loi prévoyait un processus simplifié de l’application des normes régissant le zonage municipal et la propriété. Cette loi était accompagnée du Règl. de l’Ont. 285/94, lequel établissait les normes de sécurité obligatoires pour ces types d’unité. Le projet de loi 20, la Loi sur la protection et l’aménagement du territoire, qui a été présenté en 1995 abrogeait la plupart des dispositions relatives aux logements supplémentaires stipulées dans la Loi sur les droits des résidents et réaffirmait l’autorité des municipalités à décider d’interdire les appartements de sous-sol. Cette loi a été remplacée par la Loi sur l’aménagement du territoire, L.R.O. 1990, chap. P.13, qui n’aborde pas la question autre que pour indiquer qu’il n’y a aucun appel à la Commission des affaires municipales de l’Ontario concernant les politiques sur les logements supplémentaires ou les règlements relatifs aux appartements accessoires dans une habitation individuelle, une maison jumelée ou une maison en rangée (paragraphe 19(1)). Voir aussi le Règl. de l’Ont. 384/94 (non traduit), « Apartments in Houses ».
[121] Voir aussi le communiqué de Urban Development Institute of Ontario, « Beaubien Report Released: Further Changes to Property Assessment System Recommended », émis le 2 décembre 2002. Accessible sur Internet : www.udiontario.com/issupd/upd021202.htm.
[122] Observations finales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, supra note 13, par. 24.
[123] Ibid., par. 56.
[124] Loi sur les services à l’enfance et à la famille (LSEF), L.R.O. 1990, chap. C.11.
[125] COHEN-SCHLANGER, Miriam, et al. « Housing as a factor in admissions of children to temporary care: A survey », Child Welfare, mai 1995; et Shirley CHAU, et al. « One in Five ... Housing as a Factor in the Admission of Children to Care: New Survey of Children’s Aid Society of Toronto Updates 1992 Study », CUCS Research Bulletin no 5, Université de Toronto, novembre 2001.
[126] Kearney, supra note 49.
[127] Observations finales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, supra note 13, par. 15.
[128] HULCHANSKI, supra note 84.
[129] Voir aussi le document Observations finales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, supra note 13, par. 29 : « Le Comité note avec inquiétude que bon nombre des expulsions sont effectuées par suite d’arriérés de loyer d’un montant minimal, sans tenir compte des obligations de l’État en vertu du Pacte. »
[130] ONLEY, David. Aller de l’avant à la manière de l’Ontario, 29 novembre 2007. Accessible sur Internet : www.premier.gov.on.ca/news/Product.asp?ProductID=1799&Lang=FR Les éléments de la stratégie annoncée comprennent les suivants : porter le salaire minimum à 10,25 $ d’ici 2010, accroître le nombre de places dans les garderies, fournir un plus grand nombre de logements abordables et mettre complètement en œuvre la nouvelle Prestation ontarienne pour enfants en la portant à 1 100 $ par enfant.
[131] Le logement abordable est un élément critique des stratégies de réduction de la pauvreté. Le site Web du gouvernement de l’Ontario indique que sa stratégie à long terme visant à offrir du logement abordable sera étroitement liée au plan de réduction de la pauvreté. L’Ontario verse maintenant 35 000 allocations pour habitations neuves et finance plus de 18 000 unités de logement à prix abordable. Accessible sur Internet : www.growingstronger.ca/fr/facts_what_housing.html. Voir aussi le rapport rédigé par la Campagne 2000 : Mettons fin à la pauvreté des enfants au Canada, et intitulé  Rapport sur la pauvreté des enfants et des familles au Canada : Il faut une nation pour éduquer une génération : Le temps est venu pour une stratégie nationale de réduction de la pauvreté. Accessible sur Internet : www.campaign2000.ca/rc/rc07/2007_C2000_NationalReportCardFR.pdf.
[132] Selon Statistique Canada, 1,8 million d’Ontariennes et d’Ontariens vivaient sous le seuil de faible de revenu en 2005. Parmi ces personnes, 26 % avaient moins de 18 ans (474 000 enfants), environ 9 % étaient des adultes de plus de 65 ans (169 000 aînés) et quelque 64 % étaient des adultes ayant entre 18 et 64 ans (1,15 million de personnes). Ces données sont tirées du rapport de Michael Shapcott, intitulé Ontario Throne Speech and housing , et daté du 30 novembre 2007. Accessible sur Internet :www.wellesleyinstitute.com/ontario-throne-speech-and-housing.
[133] Le CESCR a également recommandé que l’État détermine dans quelle mesure la pauvreté constitue un motif de discrimination au Canada et de veiller à ce que les mesures et les programmes n’aient aucune répercussion négative sur la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels, en particulier des personnes et des groupes défavorisés et marginalisés. Il serait encourageant de voir que ces objectifs sont intégrés dans les initiatives provinciales visant à éliminer la pauvreté. Observations finales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, supra note 13, par. 44. Voir également Observations finales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels : Canada, ONU Doc. E/C. 12/1/Add.31, 1998.
[134] ouvernement de l’Ontario, Devenir plus forts ensemble. Accessible sur Internet : www.ontario.ca/growingstronger.ca. Cette brochure indique qu’entre 2004 et 2006, le gouvernement de l’Ontario a augmenté les taux des prestations d’aide sociale de 7 % et que le budget de 2008 a annoncé une autre hausse de l’ordre de 2 %. On y ajoute que des augmentations de 0,75 $/année porteront le salaire minimum actuel, qui est de 8,75 $/heure, à 10,25 $ d’ici 2010.
[135] 76 % des bénéficiaires du programme POSPH sont des locataires, mais une proportion de seulement 22 % vit dans des logements subventionnés. 96 % des bénéficiaires du programme OT sont locataires de leur logement, mais seulement 17 % d’entre eux vivent dans un logement subventionné. CODDL, Faits rapides, supra note 119. Voir aussi le « Rapport trimestriel sur les cas et les prestataires OT/POSPH selon les types de logement – juin 2005 », de l’Unité de la statistique et de l’analyse, Division de l’aide sociale et de la préparation à l’emploi, ministère des Services sociaux et communautaires.
[136] Coalition d’action du POSPH. « Coalition Social Assistance Rates Backgrounder ». Accessible sur Internet : www.incomesecurity.org/documents/Sabackgrounder.pdf.
[137] Voir, par exemple, le rapport : « We are your Sons and Daughters », publié en juin 2007 par le Bureau d’assistance à l’enfance et à la famille. Accessible sur Internet : www.oacas.org/pubs/external/childadvocatereview07june21.pdf.
[138] STAPLETON, John, supra note 111, p. 13.
[139] Ibid.
[140] Voir aussi le rapport de la Coalition ontarienne pour la justice sociale, « Ontario Campaign for Social Justice », paru en août 2007. Accessible sur Internet : www.ocsj.ca/network.php. Voir aussi Campagne 2000, supra note 131. Selon le rapport, « en 2005, 41 % de tous les enfants considérés à faible revenu vivaient dans une famille dont un parent travaillait à plein temps toute l’année, mais la famille vivait toujours dans la pauvreté », p. 3.
[141] Gouvernement de l’Ontario, « Hausses du salaire minimum de l’Ontario de 2007 à 2010 ». Accessible en ligne : www.labour.gov.on.ca/info/salaireminimum/.
[142] Bien qu’un travail à plein temps et à salaire minimum de 10 $ l’heure en 2005 aurait suffi à assurer un revenu supérieur au seuil de faible revenu avant impôt de 20 778 $ en 2005, si l’on suppose un taux d’inflation de 2,1 % entre 2005 et 2010, le salaire minimum devrait s’élever à 11,10 $ en 2010. MURRAY, Stuart et Hugh MACKENZIE. Centre canadien de politiques alternatives, « Bringing Minimum Wages Above the Poverty Line », mars 2007. Accessible sur Internet : www.growinggap.ca/files/Minimum%20Wages%20SUMMARY.pdf.
[143] Centre d’action pour la sécurité du revenu, « Ontario Needs a Raise Campaign – Minimum Wage Fact Sheet », février 2005. Accessible sur Internet : www.incomesecurity.org/.
[144] Ibid.
[145] Observations finales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, supra note 13, par. 11 (c), (f), 18, 20, 23 et 28.
[146] Une allocation de logement est « une subvention gouvernementale permettant de réduire le coût de logement qui doit être assumé par une famille ou une personne seule. » Société canadienne d’hypothèques et de logement. « Options en matière d’allocation-logement au Canada », 2006. Accessible sur Internet : www.cmhc-schl.gc.ca, p. 1.Cette étude explore quatre options de conception en matière de programmes d’allocation de logement.
[147] Voir, par exemple, le Golden Report, supra note 118, qui décrit la nécessité d’établir des stratégies particulières visant à répondre aux besoins des sous-groupes à risque élevé, comme les familles avec enfants, les jeunes, les femmes victimes de violence, les Autochtones, les immigrants et les réfugiés. Document de référence, supra note 51, p. 50 et 53. Voir aussi le rapport du Community Social Planning Council of Toronto, intitulé : Homelessness in Toronto: A Review of the Literature from a Toronto Perspective, 2004, p. 1. Accessible sur Internet : intraspec.ca/HOMELESSNESS_in_Toronto.pdf.
[148] « Les personnes d’origine autochtone comptent pour 35 % de la population d’itinérants à Edmonton, 18 % à Calgary, 11 % à Vancouver et 5 % à Toronto, mais respectivement pour seulement 3,8 %, 1,9 %, 1,7 % and 0,4 % de la population générale de ces villes. » HWANG, Stephen. « Homelessness and health », CMAJ, vol 164, no 2, 2001. Accessible sur Internet : http://www.cmaj.ca/cgi/content/full/164/2/229.
[149] L’ACSM faisait référence à YANOS, P., S. BARROW et S. TSEMBERIS. « Community integration in the early phase of housing among homeless persons diagnosed with severe mental illness: successes and challenges. », Community Mental Health Journal, vol. 40, no 2, 2004, p.133 à 150. Voir aussi le Golden Report, supra note 118.
[150] L’Alliance pour résoudre la question des sans-abri a indiqué qu’en 2006, le nombre de femmes seules ayant fait appel à un refuge avait augmenté de 14,5 %, le nombre de jeunes, de 11,8 %, et le nombre d’enfants, de 12,4 %, et ce, même si le nombre de familles avait diminué de 7,9 %.
[151] La Société John Howard de Toronto a indiqué que, des 5 052 personnes ayant participé à l’enquête torontoise « Street Needs Assessment », 18 % ont eu une « interaction avec les services correctionnels » et 17 % ont eu « une interaction avec la direction de la probation ou la commission des libérations conditionnelles » au cours des six mois précédents. On a également remarqué qu’à Sudbury, 9,4 % des 148 personnes qui étaient considérées comme sans-abri en janvier 2004 ont indiqué la raison « sorti de prison » pour expliquer leur situation.
[152] Voir aussi le Golden Report, supra note 118.
[153] Voir, par exemple, les Observations finales du Comité des droits de l’enfant, Canada, supra note 15, et les Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, Canada, supra note 16.
[154] Le risque de décès chez les femmes itinérantes âgées entre 15 et 44 ans était 10 fois plus élevé que chez les femmes de la population générale de Toronto. CHEUNG, Angela M. et Stephen W. HWANG. « Risk of death among homeless women: a cohort study and review of literature », CMAJ, vol. 170, no 8, 2004, p. 1243 à 1245.
[155] Association canadienne de la santé mentale, Ontario. « Homelessness and the Seriously Mentally Ill », 31 janvier 2003. Voir aussi le Golden Report, supra notes 118 et 119.
[156] Ibid., p. 112.
[157] Selon les rapports précédents, on a associé la diminution du nombre de maisons de chambres à la hausse du taux d’itinérance et recommandé la création, de plein droit, de maisons de chambre dans le cadre de la stratégie pour lutter contre l’itinérance. Voir, par exemple, le Golden Report, supra note 118, p. 179.
[158] Voir, par exemple, Social Housing Strategies Inc. for the City de Toronto. « Rooming House Issues and Future Options, Background Report Two: Regulation and Licensing of Rooming Houses in the City of Toronto and Other Jurisdictions », avril 2004. Accessible en ligne : www.toronto.ca/housing/pdf/rooming-house-bg-2.pdf. Voir aussi Social Housing Strategies Inc. pour la Ville de Toronto. « Rooming House Issues and Future Options, Final Report », avril 2004. Accessible en ligne : www.urbancentre.utoronto.ca/pdfs/curp/2004_Toronto-Rooming-House-Report.pdf
[159] Observations finales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, supra note 13, par. 28.
[160] Ibid., par. 57.
[161] La commissaire en chef, Barbara Hall, dans une lettre à l’éditeur du Toronto Star : « Objet : Résidents en colère à cause d’un projet de logement », 14 novembre 2007. Accessible sur Internet : www.ohrc.on.ca/fr/resources/news/nimby
[162] Ibid.
[163] Le « cringe test » de la HomeComing Community Choice Coalition est accessible sur Internet à : www.homecomingcoalition.com/pdfs/iscringetest.pdf.
[164] Fair Housing Act, 42 U.S.C. 3601 et suiv.

 

Code Grounds: 
Organizational responsibility: 

Cadre d'action

La protection des droits des Ontariennes et Ontariens vulnérables exige une intervention tout à fait particulière à l’égard des questions de discrimination qui ont été répertoriées dans le présent rapport et dans les rapports de nombreux organismes internationaux. Nous devons tous tenir compte des droits de la personne dans nos maisons, nos immeubles d’habitation, nos bureaux de gestion immobilière, nos services gouvernementaux, nos tribunaux et nos commissions. C’est, bien entendu, la même chose lorsqu’il s’agit de notre conscience collective. Ce cadre suggère des actions concrètes pour examiner les atteintes aux droits de la personne dont on a fait état lors de la consultation et dans de nombreux rapports sur le logement.

Il ne s’agit pas d’une liste exhaustive d’actions. L’objectif des recommandations de la Commission vise plutôt à déterminer les domaines dans lesquels les intervenants clés peuvent démontrer un engagement à l’égard de la défense des droits humains et à faire quelques premiers pas pour y arriver. Un élément essentiel de ce cadre d’action concerne la reconnaissance du fait que nous devons tous travailler de concert, par l’établissement de partenariats et la mise en œuvre de solutions créatives, pour apporter des changements importants et durables.

Le logement est un des droits garantis à l’échelle internationale. Nous devrions nous inspirer de cette déclaration dans nos démarches, nos actions et nos moyens qui servent à évaluer l’efficacité des mesures mises en œuvre afin d’améliorer l’accès au logement des personnes et des groupes protégés par le Code en Ontario. Il est également important de reconnaître le lien entre pauvreté et violation des droits de la personne en matière de logement. Il est nécessaire de prendre des mesures concrètes pour assurer un niveau de vie adéquat et l’accès au logement aux groupes et aux personnes à faible revenu et protégés en vertu du Code.

6.1. Gouvernement

Puisque les effets du système provincial de logement sur les droits humains se fait toujours sentir, le gouvernement doit prioritairement coordonner ses efforts pour examiner la disponibilité et l’accessibilité du logement convenable et abordable, sous l’angle des droits de la personne. Comme l’a indiqué le rapporteur spécial dans son allocution sur le logement abordable de mars 2008 : « Dans un pays riche comme le Canada, où l’on engrange des surplus budgétaires importants, il est grand temps que le gouvernement s’occupe de sa population la plus vulnérable, celle dont les conditions de vie et de logement sont inadéquates. Rien ne justifie qu’on n’investisse pas massivement dans le logement pour améliorer la situation de toutes les personnes aux prises avec des conditions de vie et un logement inadéquats au pays. »[165]

L’application des règles concernant le logement au Canada s’effectue par l’intermédiaire d’un ensemble complexe de relations, d’ententes et de responsabilités réparties entre les différents ordres du gouvernement, le fédéral, le provincial ou territorial et le municipal. Par exemple, les municipalités gèrent les refuges et décident d’approuver ou non, et à quelles conditions, les projets de logement avec services de soutien et d’autres formes de logement abordable comme les maisons de chambres et les logements supplémentaires. Le gouvernement ontarien et le MAML sont les principaux responsables du logement en Ontario, de l’attribution des fonds aux municipalités et des mesures qui sont prises pour donner effet aux droits de la personne en matière de logement dans la province. Parallèlement, les politiques, les programmes et les fonds provenant du gouvernement fédéral et des organismes fédéraux, comme la Société canadienne d’hypothèques et de logement, façonnent la réalité des droits humains dans la province et partout au pays.

Tout en reconnaissant les difficultés que posent le partage des compétences, le rapporteur spécial a indiqué que l’État, qu’il soit d’ordre fédéral, provincial, municipal ou autre, devrait élaborer des stratégies qui assureraient la mise en œuvre du droit à un logement convenable[166].

Mesures Recommandées 

Tous les ordres du gouvernement doivent travailler de concert
  1. QUE le gouvernement du Canada adopte une stratégie nationale en matière de logement, en consultation avec les gouvernements provinciaux, territoriaux et municipaux (lorsque c’est possible et approprié), laquelle comprend des cibles mesurables et la fourniture de fonds suffisants pour accélérer le mouvement visant à éliminer l’itinérance et à assurer l’accès de tous les Canadiens, y compris ceux dont le revenu est limité, à un logement convenable, et ce, sans discrimination aucune.
  2. QUE le gouvernement de l’Ontario, conjointement avec d’autres gouvernements provinciaux et territoriaux, demande au gouvernement du Canada d’adopter une stratégie nationale en matière de logement.
  3. QUE les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux rendent exécutoires le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) et mettent en œuvre les recommandations du Comité des droits économiques, sociaux et culturels (CESCR) et d’autres organismes internationaux.
  4. QUE tous les ordres de gouvernement travaillent de concert à intégrer les droits relatifs au logement dans des stratégies globales et coordonnées de réduction de la pauvreté.
  5. QUE les gouvernements étendent les mesures pour aider les fournisseurs de logements à respecter les exigences relatives à la conception inclusive et aux adaptations. Les options à prendre en considération pourraient comprendre des subventions et d’autres moyens de financement, des programmes d’éducation ou des modifications à la législation, aux règlements ou aux politiques.
Gouvernement de l’Ontario
  1. QUE le gouvernement de l’Ontario, en l’absence d’une stratégie nationale en matière de logement, adopte une stratégie provinciale en matière de logement. Cette stratégie provinciale devrait comprendre des cibles et la fourniture de fonds suffisants pour accélérer le mouvement visant à éliminer l’itinérance et à assurer l’accès de tous les Ontariens, y compris ceux dont le revenu est limité, à un logement convenable, et ce, sans discrimination aucune. Elle devrait également tenir compte des besoins des Autochtones, des personnes handicapées et ayant une maladie mentale, des femmes victimes de violence conjugale, des familles monoparentales, des immigrants et nouveaux arrivants, ainsi que d’autres personnes pauvres ou à faible revenu et désignées par les motifs prévus au Code.
  2. QUE l’Assemblée législative de l’Ontario édicte une loi semblable au projet de loi 47 d’initiative parlementaire, la Loi visant à consacrer le droit à un logement convenable comme droit humain universel, afin de reconnaître que chaque personne a droit à un logement convenable, conformément au paragraphe 11 (1) du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC).
  3. QUE le gouvernement de l’Ontario explique comment il entend répondre aux préoccupations soulevées par le rapporteur spécial sur la question du logement abordable, et qu’il affiche l’explication sur son site Web.
  4. QUE le gouvernement de l’Ontario collabore avec les organismes communautaires et les municipalités et trouve des moyens d’adopter une approche basée sur les droits de la personne pour réduire et prévenir l’itinérance dans la province.
  5. QUE le gouvernement de l’Ontario révise et améliore les taux de financement, les programmes, les lois et les règlements de l’Ontario pour s’assurer que les locataires à faible revenu sont en mesure de s’offrir un loyer moyen, de se nourrir et de satisfaire leurs autres besoins fondamentaux. Une attention spéciale doit être accordée aux mesures suivantes :
    • veiller à ce que le salaire minimum soit indexé au coût de la vie et permette au travailleur à plein temps de vivre au-dessus du seuil de faible revenu;
    • faire en sorte que la portion des prestations d’aide sociale réservée au logement permette au bénéficiaire de s’offrir un loyer moyen;
    • éliminer les fortes réductions sur les prestations d’aide sociale;
    • accroître l’accès aux allocations de logement transférables;
    • accroître l’accessibilité aux banques d’aide au loyer afin de permettre aux locataires de payer des avances de loyer et les arriérés;
    • évaluer les incidences liées aux mécanismes de contrôle des loyers et à la suppression des mécanismes de contrôle des vacances.
  6. QUE le Comité ministériel de réduction de la pauvreté relevant du gouvernement de l’Ontario s’oriente sur le PIDESC, les préoccupations et les recommandations des comités internationaux sur les droits de la personne et les attributs liés à la race, au handicap et à la maladie mentale, au sexe et à l’état familial, qui ont été mentionnés durant la consultation.
  7. QUE le Code du bâtiment de l’Ontario soit modifié afin de refléter les prescriptions juridiques et les principes énoncés dans le Code des droits de la personne de l’Ontario (le Code), y compris le principe de l’adaptation sans préjudice injustifié. Par exemple, exiger qu’un édifice soit conçu ou rénové de façon à le rendre accessible et ouvert à tous les membres de la société.Certains éléments pour modification sont discutés en détail dans le Mémoire de la Commission au sujet des dispositions du Code du bâtiment de l’Ontario concernant l’aménagement pour accès facile (mars 2002).
  8. QUE les normes et les règlements préconisés en vertu de la Loi de 2005 sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario (LAPHO) soient harmonisés avec le Code et intègrent le principe de l’adaptation sans préjudice injustifié. Dans la Soumission de la Commission ontarienne des droits de la personne au Comité d’élaboration des normes d’accessibilité pour le transport au sujet de la Proposition de norme initiale d’accessibilité pour le transport (août 2007), la Commission a formulé publiquement certaines inquiétudes concernant les normes récemment proposées.
  9. QUE, quel que soit le moment où le Code du bâtiment de l’Ontario est modifié et les normes de la LAPHO sont harmonisées avec le Code des droits de la personne, le gouvernement de l’Ontario se conforme aux exigences prévues dans le Code des droits de la personne et aux principes énoncés dans le document intitulé Politique et directives concernant le handicap et l’obligation d’accommodement, et informe les fournisseurs de logements de leurs obligations respectives à cet égard.
  10. QUE le gouvernement de l’Ontario augmente la disponibilité des logements avec services de soutien appropriés et veille à ce que les fournisseurs de logements sociaux disposent de fonds suffisants pour respecter leur obligation d’offrir des mesures d’adaptation.
  11. QUE le Code soit modifié comme suit :
    • indiquer de façon explicite l’identité de genre comme motif de distinction et de harcèlement illicites à l’article 1, aux paragraphes 2 (1) et 2 (2), à l’article 3, aux paragraphes 5 (1) et (2), et à l’article 6;
    • inclure l’orientation sexuelle comme motif de harcèlement illicite aux paragraphes 2 (2) et 5 (2).
  12. QUE le gouvernement de l’Ontario consulte la population de la province en vue de :
    • modifier le Code afin d’inclure le registre des infractions comme motif de distinction illicite au paragraphe 2 (1), lorsque ce n’est pas une exigence de bonne foi, et redéfinir l’expression « casier judiciaire » au paragraphe 10 (1);
    • modifier le Règlement de l’Ontario 290/98 afin de déterminer quelles sont les pratiques de sélection des locataires sont jugées discriminatoires, de façon à ce qu’elles soient comprises par les fournisseurs de logements et les locataires. Les modifications comprendraient les suivantes :
      • interdire aux fournisseurs de logements de s’informer sur la source de revenu d’un locataire, ni d’en tenir compte,
      • préciser les circonstances qui autorisent un locateur à exiger qu’un éventuel locataire lui offre une garantie pour le loyer,
      • indiquer que les dépôts de garantie supérieurs à ce qui est permis en vertu de la LLUH ne peuvent pas être exigés,
      • interdire l’utilisation des ratios de revenu minimum (sauf si la procédure est exigée pour déterminer l’admissibilité d’une personne à un logement à loyer indexé sur le revenu en vertu de l’article 3),
      • interdire les vérifications de casier judiciaire qui permettent d’avoir accès à des renseignements autres que ceux qui concernent les condamnations devant un tribunal.
  13. QUE le ministère des Affaires municipales et du Logement (MAML) collabore avec les gestionnaires de services chargés de la gestion du logement social et les municipalités pour recueillir des données visant à évaluer les obstacles liés à l’attribution de logements subventionnés par ordre chronologique (listes d’attente) et à déterminer des moyens de supprimer les difficultés auxquelles sont confrontés les personnes et les groupes protégés en vertu du Code.
  14. QUE le MAML mette à jour les renseignements apparaissant dans son site Web concernant la discrimination et le harcèlement dans le secteur du logement locatif afin de préciser que le Code a la primauté sur la Loi de 2006 sur la location à usage d’habitation (LLUH) et de mettre en évidence les sections pertinentes du présent rapport, en consultation avec la Commission.
  15. QUE le MAML lance un processus de consultation en vue de modifier la LLUH :
    • pour qu’elle énonce expressément les pratiques jugées discriminatoires qui sont interdites par la LLUH afin de mieux faire connaître les droits prévus au Code et d’en favoriser l’application.Les modifications pourraient comprendre les suivantes :
      • interdire les immeubles « réservés aux adultes » et la publicité qui en fait la promotion,
      • préciser que les règles interdisant les animaux de compagnie ne doivent pas avoir pour objet d’exclure les personnes handicapées ou ayant d’autres besoins visés par le Code,
      • interdire aux locateurs d’exiger la signature de contrats supplémentaires, autres que le bail;
    • pour qu’elle aborde toutes les conséquences qu’ont les éléments suivants sur les droits de la personne :
      • la définition de locataire (article 2),
      • la suppression des mécanismes de contrôle des vacances (article 113),
      • le processus d’expulsion des locataires d’une maison de soins (article 148),
      • le refus d’examiner l’admissibilité d’une personne à l’aide sous forme de loyer indexé sur le revenu en vertu de la LRLS ou d’une autre aide au loyer (article 203).
  16. QUE le MAML lance un processus de consultation visant à modifier la Loi de 2000 sur la réforme du logement social (LRLS), ou prenne des mesures pour s’assurer :
    • que les mesures d’adaptation soient offertes sans causer de préjudice injustifié pour répondre aux besoins prévus au Code, relativement aux échéances en matière d’information à fournir, de politiques concernant les invités et d’autres exigences;
    • qu’un processus d’examen indépendant et impartial des décisions qui touchent l’admissibilité d’un locataire à une subvention soit offert.

6.2. Décideurs

Au cours de la consultation, la Commission a appris que, dans certaines situations, les décideurs, notamment la Commission de la location immobilière et les gestionnaires de services chargés de la gestion de logements sociaux, prenaient des décisions et utilisaient des processus qui n’étaient pas nécessairement conformes au Code. Par exemple, le respect de l’obligation d’offrir des mesures d’adaptation constituait un sujet de préoccupation de bon nombre de personnes consultées. Les fournisseurs de logements, les tribunaux, le gouvernement et les autres organismes appelés à prendre des décisions dans le domaine du logement peuvent s’organiser pour répondre aux besoins en matière d’adaptation en mettant en place de façon proactive des politiques et des procédures relatives à l’adaptation et en étant conscients de la primauté du Code et du devoir d’accommoder sans préjudice injustifié.

Mesures Recommandées 

  1. QUE les décideurs, notamment les gestionnaires de services et la Commission de la location immobilière (CLI), élaborent des politiques et des procédures sur l’adaptation, conformément aux Directives concernant l’élaboration de politiques et de procédures en matière de droits de la personne récemment révisées par la Commission. Ces politiques devraient fournir un processus précis pour le traitement des questions relatives aux mesures d’adaptation, comme l’interprétation gestuelle et les reports de dates limites.
  2. QUE les tribunaux, les gestionnaires de services et les autres décideurs interprètent et appliquent le Code, la LLUH et la LRLS de manière conforme au Code et au PIDESC. Par exemple, que la CLI tienne compte de l’importance fondamentale du logement et applique le principe d’adaptation sans préjudice injustifié dans une situation où il s’agit de déterminer si un locataire ayant une maladie mentale doit être expulsé pour avoir entravé la jouissance raisonnable des lieux.

6.3. Partenaires dans le développement du logement abordable

Les obstacles que l’opposition « pas dans ma cour » soulèvent sont impossibles à surmonter par un intervenant seul. Un engagement ferme de la part des fournisseurs et promoteurs de logements, des municipalités, des comités municipaux sur le logement abordable et des comités de dérogation, ainsi que des autres ordres de gouvernement est nécessaire pour éliminer ces obstacles à la création de logements neufs et abordables. Les groupes de voisinage, les associations locales de gens d’affaires et les propriétaires vivant dans les collectivités de l’Ontario doivent également être conscients qu’il est inacceptable de s’opposer à la création de logements abordables pour des raisons qui sont uniquement liées aux personnes qui vont y emménager, car les résidents auxquels sont destinés ces logements sont des personnes protégées en vertu du Code.

Mesures Recommandées 

  1. QUE tous les organismes, établissements et particuliers qui s’occupent de créer, de planifier ou d’approuver des logements abordables destinés aux groupes protégés par le Code , ou qui participent à cet égard, prennent des mesures pour surveiller les mouvements discriminatoires « pas dans ma cour » et modifient leurs politiques, leurs pratiques et leurs actions pour prévenir et éliminer ce type d’opposition. Par exemple, une municipalité pourrait décider de ne pas organiser de forum communautaire pour discuter d’un projet de logement donné si les demandes de renseignements concernant le projet semblent être fondées sur des stéréotypes discriminatoires. Elle pourrait aussi choisir d’en organiser un pour parler de ces stéréotypes.
  2. QUE les organismes ontariens, notamment les groupes communautaires, le gouvernement de l’Ontario et les municipalités ou les associations municipales, travaillent en partenariat et en consultation avec la Commission, à la mise au point d’une stratégie à l’échelle provinciale visant à aborder le mouvement discriminatoire « pas dans ma cour » et à le prévenir.

6.4. Fournisseurs de logements sociaux

Au cours de la consultation, la Commission a appris que des problèmes étaient liés aux listes d’attente chronologiques pour l’obtention d’un logement social et qu’il y avait des disparités dans le respect de l’obligation d’accommodement de la part des gestionnaires de services lorsqu’ils usaient de discrétion pour reporter les dates limites quant aux exigences en matière d’information à fournir. Bien que les fournisseurs de logements sociaux dépendent à certains égards du financement du gouvernement et soient assujettis aux lois et à d’autres exigences, ils peuvent faire partie de la solution aux problèmes concernant les droits humains, relevés au cours de la consultation.

Mesures Recommandées 

  1. QUE tous les fournisseurs de logements sociaux élaborent des politiques et des procédures pour éliminer la discrimination et le harcèlement, et pour traiter les demandes d’adaptation et les problèmes touchant les droits de la personne, conformément aux Directives concernant l’élaboration de politiques et de procédures en matière de droits de la personne récemment révisées par la Commission. Ces politiques devraient fournir un processus précis pour le traitement des questions relatives aux mesures d’adaptation comme les demandes de report de dates limites et les changements aux règlements d’immeuble. En outre, elles devraient offrir un processus permettant aux locataires d’exprimer leurs inquiétudes concernant la discrimination.
  2. QUE les associations de fournisseurs de logements sociaux collaborent avec les municipalités et le gouvernement de l’Ontario afin de déterminer les meilleures pratiques pour évaluer le respect des obligations relatives aux droits de la personne et qu’elles communiquent ces renseignements aux fournisseurs de logements sociaux de la province pour les aider à se conformer de façon proactive au Code.
  3. QUE tous les constructeurs, les rénovateurs, les promoteurs et les fournisseurs de logements mettent en œuvre, pour les projets de logements sociaux, les principes de conception inclusive à chacune des étapes de leurs travaux. Par exemple, planifier la création de logements répondant aux besoins de tous les membres de la société au moment de la conception des bâtiments, mais aussi de la modernisation, de la réparation ou de la rénovation des immeubles.
  4. QUE les fournisseurs de logements sociaux révisent les processus de demande, les politiques et les règlements associés aux programmes de logement afin de repérer et d’éliminer les obstacles discriminatoires.En consultant des groupes de défense des droits des locataires et en tenant compte des politiques de la Commission, il est possible de recenser ces obstacles. Lorsque les obstacles concernent des exigences imposées en vertu d’une loi, d’un règlement ou d’une politique gouvernementale, on recommande aux fournisseurs de logements sociaux de promouvoir les modifications de ces exigences auprès des organismes ou des ordres de gouvernement responsables.
  5. QUE les gestionnaires de services chargés de la gestion des logements sociaux collaborent avec le MAML et les municipalités pour recueillir des données visant à évaluer les obstacles liés à l’attribution de logements subventionnés par ordre chronologique (listes d’attente) et à déterminer des moyens de supprimer les difficultés auxquelles sont confrontés les personnes et les groupes protégés en vertu du Code.

6.5. Fournisseurs de logements sur le marché privé

Des personnes consultées ont indiqué qu’on retrouvait également dans le secteur du logement locatif privé des pratiques ayant un effet discriminatoire, comme le fait de choisir les locataires selon des critères revenu-loyer et les difficultés que posait le respect de l’obligation d’accommodement. Les locateurs, les gérants d’immeubles et les associations de fournisseurs de logements doivent connaître leurs obligations et disposer du soutien nécessaire pour les respecter.

Mesures Recommandées

  1. QUE les associations de fournisseurs de logements collaborent avec le MAML pour établir clairement l’interdiction, en vertu du Code et, par le fait même, de la LLUH, d’utiliser des rapports loyer-revenu pour choisir les locataires.
  2. QUE tous les fournisseurs de logements sociaux élaborent des politiques et des procédures pour éliminer la discrimination et le harcèlement, et traiter les demandes d’adaptation et les problèmes touchant les droits de la personne, conformément aux Directives concernant l’élaboration de politiques et de procédures en matière de droits de la personne récemment révisées par la Commission. Ces politiques devraient fournir un processus précis pour le traitement des questions relatives aux mesures d’adaptation, comme les modifications aux logements et les situations de harcèlement entre locataires.
  3. QUE, quel que soit le moment où le Code du bâtiment de l’Ontario est modifié et les normes de la LAPHO sont harmonisées avec le Code des droits de la personne, les fournisseurs de logements, les constructeurs, les rénovateurs, les concepteurs et les promoteurs se conforment aux exigences prévues dans le Code des droits de la personne et aux principes énoncés dans la Politique et directives concernant le handicap et l’obligation d’accommodement dans leurs projets de construction de bâtiments, de rénovation d’immeubles et de conception de programmes et de services. Par exemple, inclure dans les édifices nouveaux ou modernisés des systèmes d’alarme visuelle pour les personnes malentendantes.
  4. QUE les fournisseurs de logements prennent des mesures pour veiller à ce que leurs politiques, leurs critères de location et leurs méthodes de sélection des locataires n’aient pas un effet défavorable sur les personnes protégées par le Code, et que le logement locatif offert soit de conception inclusive de sorte qu’il peut accueillir différentes personnes protégées par le Code, y compris des familles avec de jeunes enfants, des Autochtones, des personnes racialisées ou des nouveaux arrivants, ainsi que des personnes handicapées.
  5. QUE les associations de fournisseurs de logements collaborent avec la Commission pour aider leurs membres et d’autres fournisseurs de logements à se conformer de façon proactive au Code (par exemple, en offrant de l’information et de la formation, des programmes de certification volontaire ou d’autres mesures).

6.6. Fournisseurs de services

Comme l’a appris la Commission durant cette consultation, il arrive que des personnes protégées en vertu du Code doivent quitter leur logement si le fournisseur de services de soutien n’offre plus ses services. Dans ce cas, les fournisseurs de services peuvent aussi avoir des obligations à respecter en vertu de l’article 2 du Code.

Mesures Recommandées 

  1. QUE les fournisseurs de services révisent les actuels programmes, politiques et pratiques, et prennent des mesures pour aider, dans la mesure du possible, les locataires handicapés à recevoir les services leur permettant de vivre de façon autonome, et tiennent compte de leur obligation d’offrir des mesures d’adaptation et du fait que, dans certains cas, le retrait ou la diminution des services peuvent obliger le locataire à quitter son logement.Par exemple, l’organisme qui offre des services de soutien à une personne handicapée vivant dans un logement social à loyer indexé sur le revenu pour l’aider à accomplir les tâches essentielles de tous les jours a un rôle important à jouer pour aider cette personne à conserver son logement.

6.7. Associations de locataires et défenseurs des droits de la personne

Au cours de la consultation, les participants s’entendaient en général pour dire que les particuliers et les organismes concernés ne connaissaient pas suffisamment le Code et son application dans le domaine du logement locatif. Les associations de locataires et les défenseurs des droits de la personne jouent aussi un rôle important à cet égard.

Mesures Recommandées 

  1. QUE les défenseurs des droits de la personne et les associations de locataires participent avec la Commission à la détermination et à la mise en œuvre de mesures visant à sensibiliser davantage les parties concernées, tant à l’échelle de la province qu’à celle des collectivités locales, aux questions touchant les droits humains dans le domaine du logement locatif

6.8. Commission ontarienne des droits de la personne

Au cours de la consultation, on a continuellement rappelé à la Commission qu’il était important qu’elle fasse respecter la politique des droits de la personne, mette en place des initiatives stratégiques (comme les enquêtes ou les litiges) pour s’attaquer à la discrimination systémique et sensibilise davantage le public sur les droits humains dans le domaine du logement locatif. La Commission accorde beaucoup d’importance à ces responsabilités puisque le droit au logement est protégé à l’échelle internationale et que le logement est essentiel à la préservation de la dignité, à l’inclusion et à la pleine participation de tous.

Engagements

  1. La Commission tiendra compte de l’utilisation stratégique de ses pouvoirs, lesquels comprennnent les enquêtes publiques, les interventions et les requêtes, pour traiter les situations de discrimination relatives au logement locatif à la lumière du vaste contexte systémique établi lors de la consultation et dans le PIDESC.
  2. La Commission pourra déposer des requêtes, entreprendre des enquêtes publiques ou prendre toute autre mesure en ce qui concerne l’application des lois, comme le Code du bâtiment, ou des normes, comme celles prévues dans la LAPHO, dans la mesure où les situations sont incompatibles avec les exigences du Code.
  3. La Commission rencontrera le gouvernement de l’Ontario, y compris le secrétaire du Cabinet, le MAML, le ministère des Services sociaux et communautaires ainsi que le Comité ministériel de réduction de la pauvreté, pour examiner le contenu du rapport et tâcher de se conformer aux traités et aux pactes internationaux garantissant le droit à un niveau de vie convenable, notamment au chapitre du logement.
  4. La Commission élaborera une politique concernant le logement locatif et les droits de la personne, laquelle comprendra les éléments suivants :
    • Une interprétation libérale et fondée sur l’objet visé des droits relatifs au logement prévus à l’article 2 du Code;
    • Une orientation claire au sujet des exigences en matière de conception inclusive et d’obligation d’accommoder sans préjudice injustifié dans le contexte du logement;
    • La clarification des formes de discrimination à l’égard du logement, comme le harcèlement, le choix des locataires exercé sur une base discriminatoire et la discrimination systémique;
    • Un énoncé clair sur la responsabilité organisationnelle et sur les moyens de prévenir la discrimination, et d’y réagir, dans le secteur du logement locatif.
  5. La Commission examinera les conséquences de l’inclusion, dans le Code, de la « condition sociale » comme motif illicite de discrimination et de harcèlement à l’article 1, aux paragraphes 2 (1) et 2 (2), à l’article 3, aux paragraphes 5 (1) et (2) et à l’article 6.
  6. La Commission consultera les organismes communautaires, les municipalités ou les associations municipales et le gouvernement de l’Ontario pour aider à l’élaboration et à la mise en œuvre d’une stratégie à l’échelle provinciale visant à aborder et à prévenir le mouvement discriminatoire « pas dans ma cour ».
  7. Si la Commission trouve des règlements municipaux ou d’autres pratiques contribuant au syndrome « pas dans ma cour » en lien avec les motifs de distinction illicites, elle pourra utiliser ses pouvoirs de façon stratégique pour les faire modifier. Elle pourra ouvrir des enquêtes publiques, fournir de l’information et déposer une requête pour atteinte aux droits de la personne, ou appuyer une telle requête, ou encore soumettre aux tribunaux une cause fondée sur la Charte pour contester ces règlements ou pratiques.
  8. La Commission encouragera l’établissement de partenariats entre associations de fournisseurs de logements, notamment la Federation of Rental Housing Providers of Ontario, la Fédération de l’habitation coopérative du Canada, l’Association du logement sans but lucratif de l’Ontario et le Landlord’s Self Help Centre, dans le but de trouver comment ces organismes peuvent aider leurs membres, et d’autres fournisseurs de logements, à se conformer de façon proactive au Code.
  9. La Commission élaborera du matériel et formera des partenariats avec des organismes communautaires de toute la province, y compris ceux qui représentent les locataires ou leur offrent des services, ainsi qu’avec des fournisseurs de logements afin de les aider à éduquer le public à l’échelle locale.
  10. La Commission s’associera aux organismes communautaires pour élaborer une campagne de sensibilisation publique au cours de laquelle on pourra distribuer des dépliants rédigés en langage simple pour aborder la question des stéréotypes, du harcèlement et de la discrimination dans le secteur du logement locatif.

[165] KOTHARI, Miloon, supra note 97, p. 6.
[166] Ibid., p. 2.

Activity Type: 

Sigles

ACSM

Association canadienne pour la santé mentale

ARCH

ARCH Disability Law Centre (Clinique juridique communautaire du Centre de la défense des droits des personnes handicapées)

ATTSO

Association des travailleuses et travailleurs sociaux de l’Ontario

BIPEP

Bureau de l’intervention en faveur des patients des établissements psychiatriques

CAMO

Commission des affaires municipales de l’Ontario

CAST

Children’s Aid Society of Toronto

CERA

Centre pour les droits à l’égalité au logement

CESCR

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

CLI

Commission de la location immobilière

CODDL

Centre ontarien de défense des droits des locataires

EOLO

Eastern Ontario Landlord Association

FHCC

Fédération de l’habitation coopérative du Canada

FRPO

Federation of Rental-Housing Providers

KCLC

Kingston Community Legal Clinic

LAPHO

Loi de 2005 sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario

LLUH

Loi de 2006 sur la location à usage d’habitation

LRLS

Loi de 2000 sur la réforme du logement social

MAML

Ministère des Affaires municipales et du Logement

MTCSALC

Metro Toronto Chinese and Southeast Asian Legal Clinic

NIMBY

Syndrome « pas dans ma cour »

OFCMHAP

Fédération des programmes communautaires de santé mentale et de traitement des toxicomanies de l’Ontario

OFIFC

Ontario Federation of Indian Friendship Centres

POLBNL

Programme ontarien de logements à but non lucratif

PACE

People Advocating for Change through Empowerment (PACE) Inc.

PIDESC

Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels

PLA

Programme de logement abordable

POSPH

Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées

RGI

Loyer indexé sur le revenu

SCO

Société canadienne de l’ouïe

SCRSP

Programme de supplément au loyer pour l’épanouissement communautaire

SMHN

Service Managers Housing Network