Le présent rapport sommaire constitue la version abrégée d’un rapport plus long et plus complet. Ces deux documents ont été rédigés à la suite d’une consultation sur la question des droits de la personne eu égard au logement locatif menée par la Commission ontarienne des droits de la personne (la Commission) dans l’ensemble de la province.
La production de ces deux rapports vise principalement à aider les personnes et les organismes de l'Ontario à mieux comprendre la notion de droits humains en matière de logement locatif. Les fournisseurs de logements, les gouvernements et les autres intervenants doivent bien connaître et remplir les obligations en cette matière. Il importe également d’établir des conditions favorisant l’accès à des logements locatifs sans discrimination. Comme l’indiquent les recommandations et les engagements présentés dans la présentation intitulée « Cadre d’action », tous ont un rôle à jouer dans la connaissance et la résolution du problème de la discrimination en matière de logement en Ontario.
La Commission reconnaît qu’en Ontario, beaucoup de locateurs et de fournisseurs de logements prennent au sérieux leurs obligations en matière de droits de la personne et un grand pourcentage des locataires sont logés de manière satisfaisante. Toutefois, durant la consultation, elle a été mise au fait de cas de discrimination envers des locataires et d’obstacles systémiques que ceux-ci rencontrent pour obtenir et conserver un logement convenable et abordable. Les aspects de la crise du logement liés aux droits humains sont une réalité bien présente pour les réfugiés, les immigrants, les personnes transgenres, les mères monoparentales, les Autochtones, les personnes ayant une maladie mentale ou une autre limitation et les autres personnes protégées en vertu du Code des droits de la personne de l’Ontario (le Code).
La Commission a été mise au fait de diverses situations discriminatoires, vécues par les plus vulnérables des locataires de la province. Par exemple, bon nombre de personnes ont exprimé leurs préoccupations au sujet des annonces d’édifices « pour adultes seulement » ou destinés aux travailleurs.
Les locataires et les groupes qui défendent leurs droits ont exposé en détail les effets discriminatoires des critères et des exigences de sélection des locataires communément utilisés, telles les vérifications de la solvabilité et de l’emploi, l’obligation d’avoir un garant ou de verser un dépôt et les exigences en matière de revenu. Selon des fournisseurs de logements et des locataires, il existe d’importants problèmes en ce qui touche l’obligation de prendre des mesures d’adaptation dans les logements locatifs, en particulier au bénéfice des personnes ayant une maladie mentale.
Or, les plaintes relatives aux droits de la personne qui portent sur ce genre de problème et sur des problèmes de nature plus systémique sont très peu nombreuses, et plusieurs des droits déjà consentis en vertu du Code ne sont pas protégés. Dès lors, il se peut que les fournisseurs de logements, les autorités gouvernementales et les autres parties responsables ne sachent pas qu’ils ont des obligations et dans quelle mesure ils pourraient faire défaut de les remplir.
Il faut remplacer cet état de choses par un secteur du logement où locataires, fournisseurs de logements, pouvoirs publics et autres parties intéressées sont au fait des droits de la personne. En outre, il faut assurer l’application efficace du Code pour faire en sorte que les droits des locataires qu’il protège aient un sens. Enfin, si l’on établit clairement les attentes par une application uniforme du Code, les parties tenues de s’y conformer en bénéficient.
Dans des consultations menées antérieurement, la Commission a été informée des répercussions de l’insuffisance des options en matière de logement et du manque de logements convenables et abordables pour les personnes âgées et les familles en Ontario. Ces problèmes sévissent encore. Dans la consultation qui nous occupe, la Commission a également été mise au fait de manière plus générale des effets des problèmes courants dans le secteur du logement sur les personnes racialisées, handicapées ou ayant une maladie mentale, par exemple, et sur d’autres personnes. L’absence de mesures coordonnées de la part de tous les niveaux de pouvoir public en vue d’éliminer le problème des sans-abri et de fournir suffisamment de logements adéquats et abordables pour répondre aux besoins des groupes et des personnes dont les droits sont protégés par le Code était source de préoccupation pour beaucoup. Les stratégies en matière de logement qui visent à lutter contre le sans-abrisme et à accroître l’accès à des logements abordables en Ontario doivent respecter le Code, les principes des droits de la personne et les obligations internationales relatives à ces droits.
Le lien entre la pauvreté, les motifs prévus au Code, comme les handicaps ou la race, et le sans-abrisme était un thème clé dans la consultation. Des personnes consultées ont souligné que les prestations d’aide sociale et le salaire minimum n’avaient pas augmenté au rythme de la hausse des loyers dans l’ensemble de la province. En conséquence, un groupe important de personnes protégées par le Code ayant de faibles revenus parce qu’elles sont assistées sociales, qu’elles reçoivent le salaire minimum ou qu’elles travaillent à temps partiel sont exposées à être confinées à des quartiers défavorisés ou exclues du marché du logement locatif. Il faut prendre des mesures pour que les Ontariens ayant un faible revenu puissent se payer un loyer moyen et des aliments et satisfaire d’autres besoins de base.
Des personnes consultées ont aussi fait état de problèmes systémiques dans le secteur du logement – comme l’absence de conception inclusive et l’existence d’obstacles – liés aux structures physiques et aux politiques et programmes. En termes pratiques, la Commission a appris que les droits de groupes protégés peuvent être compromis lorsqu’il faut décider qui devrait avoir accès à une ressource limitée mais précieuse, soit des logements abordables et convenables, sur le marché locatif privé ou celui des logements sociaux. Par exemple, la prise de décisions et l’établissement de priorités en ce qui a trait aux listes d’attente pour des logements subventionnés ont des effets sur les droits de la personne. Tant les fournisseurs de logements que les groupes de défense des droits des locataires s’entendaient pour dire que la généralisation de l’accès à des allocations de logement transférables est une solution digne d’être explorée.
Par ailleurs, on a fait grandement mention devant la Commission de la prévalence d’une opposition « pas dans ma cour » discriminatoire aux projets de construction de logements abordables ou avec services de soutien, et de son effet sur les locataires, les fournisseurs de logements et la société dans son ensemble. Les personnes handicapées, dont celles qui ont une maladie mentale, les jeunes parents et d’autres personnes protégées en vertu du Code peuvent faire l’objet de commentaires ou de comportements discriminatoires autant au stade de la planification de tels projets qu’une fois que les logements sont construits. Dans de nombreux cas, le syndrome « pas dans ma cour » empêche ou retarde la construction de logements grandement nécessaires pour des personnes ou des groupes dont les droits sont protégés par le Code, ou encore augmente les coûts de construction. Il est temps qu’on élabore une stratégie globale pour empêcher que ce syndrome fasse obstacle à la création de logements abordables pour les personnes bénéficiant de la protection du Code.
La protection des droits des Ontariennes et Ontariens vulnérables exige une intervention tout à fait particulière à l’égard des questions de discrimination qui ont été répertoriées dans le présent rapport et dans les rapports de nombreux organismes internationaux. Nous devons tous tenir compte des droits de la personne dans nos maisons, nos immeubles d’habitation, nos bureaux de gestion immobilière, nos services gouvernementaux, nos tribunaux et nos commissions. C’est, bien entendu, la même chose lorsqu’il s’agit de notre conscience collective. Ce cadre suggère des actions concrètes pour examiner les atteintes aux droits de la personne dont on a fait état lors de la consultation et dans de nombreux rapports sur le logement.
Il ne s’agit pas d’une liste exhaustive d’actions. L’objectif des recommandations de la Commission vise plutôt à déterminer les domaines dans lesquels les intervenants clés peuvent démontrer un engagement à l’égard de la défense des droits humains et à faire quelques premiers pas pour y arriver. Un élément essentiel de ce cadre d’action concerne la reconnaissance du fait que nous devons tous travailler de concert, par l’établissement de partenariats et la mise en œuvre de solutions créatives, pour apporter des changements importants et durables.
Le logement est un des droits garantis à l’échelle internationale. Nous devrions nous inspirer de cette déclaration dans nos démarches, nos actions et nos moyens qui servent à évaluer l’efficacité des mesures mises en œuvre afin d’améliorer en Ontario l’accès au logement des personnes et des groupes protégés par le Code des droits de la personne de l’Ontario (le Code). Il est également important de reconnaître le lien entre pauvreté et violation des droits de la personne en matière de logement. Il est nécessaire de prendre des mesures concrètes pour assurer un niveau de vie adéquat et l’accès au logement aux groupes et aux personnes à faible revenu et protégés en vertu du Code.
Puisque les effets du système provincial de logement sur les droits humains se fait toujours sentir, le gouvernement doit prioritairement coordonner ses efforts pour examiner la disponibilité et l’accessibilité du logement convenable et abordable, sous l’angle des droits de la personne. Comme l’a indiqué le rapporteur spécial dans son allocution sur le logement abordable de mars 2008 : « Dans un pays riche comme le Canada, où l’on engrange des surplus budgétaires importants, il est grand temps que le gouvernement s’occupe de sa population la plus vulnérable, celle dont les conditions de vie et de logement sont inadéquates. Rien ne justifie qu’on n’investisse pas massivement dans le logement pour améliorer la situation de toutes les personnes aux prises avec des conditions de vie et un logement inadéquats au pays. »
L’application des règles concernant le logement au Canada s’effectue par l’intermédiaire d’un ensemble complexe de relations, d’ententes et de responsabilités réparties entre les différents ordres du gouvernement, le fédéral, le provincial ou territorial et le municipal. Par exemple, les municipalités gèrent les refuges et décident d’approuver ou non, et à quelles conditions, les projets de logement avec services de soutien et d’autres formes de logement abordable comme les maisons de chambres et les logements supplémentaires. Le gouvernement ontarien et le MAML sont les principaux responsables du logement en Ontario, de l’attribution des fonds aux municipalités et des mesures qui sont prises pour donner effet aux droits de la personne en matière de logement dans la province. Parallèlement, les politiques, les programmes et les fonds provenant du gouvernement fédéral et des organismes fédéraux, comme la Société canadienne d’hypothèques et de logement, façonnent la réalité des droits humains dans la province et partout au pays.
Tout en reconnaissant les difficultés que posent le partage des compétences, le rapporteur spécial a indiqué que l’État, qu’il soit d’ordre fédéral, provincial, municipal ou autre, devrait élaborer des stratégies qui assureraient la mise en œuvre du droit à un logement convenable.
Au cours de la consultation, la Commission a appris que, dans certaines situations, les décideurs, notamment la Commission de la location immobilière et les gestionnaires de services chargés de la gestion de logements sociaux, prenaient des décisions et utilisaient des processus qui n’étaient pas nécessairement conformes au Code. Par exemple, le respect de l’obligation d’offrir des mesures d’adaptation constituait un sujet de préoccupation de bon nombre de personnes consultées. Les fournisseurs de logements, les tribunaux, le gouvernement et les autres organismes appelés à prendre des décisions dans le domaine du logement peuvent s’organiser pour répondre aux besoins en matière d’adaptation en mettant en place de façon proactive des politiques et des procédures relatives à l’adaptation et en étant conscients de la primauté du Code et du devoir d’accommoder sans préjudice injustifié.
Les obstacles que le mouvement discriminatoire « pas dans ma cour » soulèvent sont impossibles à surmonter par un intervenant seul. Un engagement ferme de la part des fournisseurs et promoteurs de logements, des municipalités, des comités municipaux sur le logement abordable et des comités de dérogation, ainsi que des autres ordres de gouvernement est nécessaire pour éliminer ces obstacles à la création de logements neufs et abordables. Les groupes de voisinage, les associations locales de gens d’affaires et les propriétaires vivant dans les collectivités de l’Ontario doivent également être conscients qu’il est inacceptable de s’opposer à la création de logements abordables pour des raisons qui sont uniquement liées aux personnes qui vont y emménager, car les résidents auxquels sont destinés ces logements sont des personnes protégées en vertu du Code.
Au cours de la consultation, la Commission a appris que des problèmes étaient liés aux listes d’attente chronologiques pour l’obtention d’un logement social et qu’il y avait des disparités dans le respect de l’obligation d’accommodement de la part des gestionnaires de services lorsqu’ils usaient de discrétion pour reporter les dates limites quant aux exigences en matière d’information à fournir. Bien que les fournisseurs de logements sociaux dépendent à certains égards du financement du gouvernement et soient assujettis aux lois et à d’autres exigences, ils peuvent faire partie de la solution aux problèmes concernant les droits humains, relevés au cours de la consultation.
Des personnes consultées ont indiqué qu’on retrouvait également dans le secteur du logement locatif privé des pratiques ayant un effet discriminatoire, comme le fait de choisir les locataires selon des critères loyer-revenu et les difficultés que posait le respect de l’obligation d’adaptation. Les locateurs, les gérants d’immeubles et les associations de fournisseurs de logements doivent connaître leurs obligations et disposer du soutien nécessaire pour les respecter.
Comme l’a appris la Commission durant cette consultation, il arrive que des personnes protégées en vertu du Code doivent quitter leur logement si le fournisseur de services de soutien n’offre plus ses services. Dans ce cas, les fournisseurs de services peuvent aussi avoir des obligations à respecter en vertu de l’article 2 du Code.
Au cours de la consultation, les participants s’entendaient en général pour dire que les particuliers et les organismes concernés ne connaissaient pas suffisamment le Code et son application dans le domaine du logement locatif. Les associations de locataires et les défenseurs des droits de la personne jouent aussi un rôle important à cet égard.
Au cours de la consultation, on a continuellement rappelé à la Commission qu’il était important qu’elle fasse respecter la politique des droits de la personne, mette en place des initiatives stratégiques (comme les enquêtes ou les litiges) pour s’attaquer à la discrimination systémique et sensibilise davantage le public sur les droits humains dans le domaine du logement locatif. La Commission accorde beaucoup d’importance à ces responsabilités puisque le droit au logement est protégé à l’échelle internationale et que le logement est essentiel à la préservation de la dignité, à l’inclusion et à la pleine participation de tous.