Document de travail : Vers une politique de la commission sure l'identité sexuelle

Sommaire

Introduction

Depuis l’entrée en vigueur du Code des droits de la personne de l’Ontario (le «Code») en 1962, des modifications y ont été apportées afin de tenir compte des changements survenus dans notre société et dans notre compréhension de la discrimination. Cependant, bien que les articles du Code s’adressent à tous, les personnes marginalisées, seules ou en groupe, sont plus susceptibles d’être victimes de discrimination, comme c’est le cas des personnes ou des groupes de personnes transgenres.

La Commission ontarienne des droits de la personne (la «Commission») a publié des énoncés de principe et des lignes directrices relatives à de nombreux motifs de discrimination énoncés dans le Code. Toutefois, les questions relatives aux personnes transgenres restent grandement ignorées par les politiques, les procédures et la loi.

Le terme «transgenre» utilisé dans le présent document de travail fait référence aux comportements associés à l’identité sexuelle et désigne les personnes qui ne sont pas à l'aise avec leur sexe biologique ou qui le rejettent en totalité ou en partie.

Historique

Au fil des ans, la Commission a reçu de la part de personnes transgenres des plaintes concernant la violation des droits de la personne reliées au secteur des services, à l’emploi, au remboursement du changement chirurgical de sexe par Assurance-santé de l'Ontario et à l’accès aux soins médicaux, parmi tant d’autres. Par le passé, le dialogue établi avec les divers membres et représentants et représentantes de la communauté transgenre s’est soldé par des réponses quelque peu contradictoires données par la Commission relativement au traitement des plaintes et à la compréhension des questions liées aux droits de la personne auxquelles sont confrontées les personnes transgenres. La Commission a enfin adopté une position ad hoc à cet égard, à savoir que le Code protège effectivement les personnes transgenres en matière de discrimination fondée sur le sexe.

En mars 1998, lors d’une conférence organisée par l’International Foundation for Gender Equality, le commissaire en chef, Keith Norton, a discuté de l’application du Code en ce qui concerne les questions relatives aux personnes transgenres. La Commission s’est alors engagée à entreprendre l'élaboration d’une politique et de consulter la communauté transgenre à cet effet. La position de la Commission se fonde sur le fait que la structure légale qui émane du Code peut favoriser une compréhension progressiste de la loi et ainsi protéger efficacement les personnes transgenres. Cette compréhension provient de la relation intrinsèque qui existe entre la discrimination fondée sur le sexe et la discrimination fondée sur l’identité sexuelle.

Examen de la question

Le présent document de travail constitue la première étape importante du travail entrepris en vue de respecter l’engagement qu’a pris le commissaire en chef et de remplir les obligations subséquentes définies dans le cadre de responsabilité publique de la Commission. Aux fins de rédaction du présent document, les membres du groupe des politiques ont étudié la jurisprudence, les lois nationales et internationales, la doctrine et les politiques d’autres commissions des droits de la personne. Ils ont également consulté les membres et les représentants et représentantes de la communauté transgenre.

Les recherches et les consultations montrent que les personnes transgenres sont confrontées à des stéréotypes négatifs qui ont des répercussions profondes et souvent traumatisantes sur pratiquement tous les aspects de leur vie quotidienne. Ils risquent notamment de perdre ce qui va de soi pour le reste de la population, c'est-à-dire leur emploi, leur logement et leur vie de famille, lorsqu’ils décident de se dévoiler ou sont percés à jour involontairement.

Conclusion

Le présent document de travail affirme de nouveau les principes et les objectifs énoncés dans le préambule du Code. L'élaboration d’une politique progressiste dans le cadre légal du Code protégerait les personnes transgenres contre la discrimination personnelle et systémique dont elles font l'objet.

Commission ontarienne des droits de la personne
Préparé par la Direction des politiques et de l’éducation
Octobre 1999

Code Grounds: 
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Vers une politique sur l'identité sexuelle

Introduction

L’un des grands mythes de notre culture veut que tous les enfants puissent être identifiés à la naissance en tant que «mâle» ou «femelle» (sexe biologique), qu’ils grandissent tous en faisant preuve d’un comportement «féminin» ou «masculin» (identité sexuelle publique), qu’ils vivent en tant que «femme» ou «homme» (rôle sexuel social) et qu’ils marient une femme ou un homme (orientation affective hétérosexuelle); mais la réalité est toute autre. Peu de gens s’accordent sur les raisons profondes de cette réalité, mais, en vérité, de nombreuses personnes ne correspondent pas à cette idée simpliste de la destinée biologique des sexes.[1]

Cette citation nous rappelle que notre connaissance et notre compréhension des droits de la personne ont évolué avec le temps. Elle nous rappelle également que nous devons faire preuve d’ouverture d’esprit en examinant les méthodes les plus efficaces que peut utiliser la Commission ontarienne des droits de la personne (la «Commission») pour accorder tout son sens au Code des droits de la personne de l’Ontario[2] (le «Code»).

Le préambule du Code précise que l’Ontario a pour principe de reconnaître la dignité et la valeur de toute personne et d’assurer à tous les mêmes droits et les mêmes chances, sans discrimination contraire à la loi. Les dispositions du Code visent à créer un climat de compréhension et de respect mutuel de la dignité et de la valeur de toute personne de façon que chacun se sente partie intégrante de la collectivité et apte à contribuer à la collectivité.

Les recherches et les consultations qu’ont menées les membres de la Commission dans le cadre de la préparation de ce document montrent que les personnes transgenres sont confrontées à des stéréotypes négatifs qui ont des répercussions profondes et souvent traumatisantes sur pratiquement tous les aspects de leur vie quotidienne. Elles sont mises au banc de la société et considérées avec méfiance. Leur emploi, leur logement et leur vie de famille sont menacés aussi bien par le processus de dévoilement que par la découverte involontaire. Toutes ces questions exigent la mise en place d’une politique progressiste en vue de protéger les droits des personnes transgenres dans le cadre légal du Code.

Depuis deux décennies, la société est de plus en plus consciente qu’il existe des gens dont l’identité sexuelle diffère des normes sociales admises. Parmi ces gens, nous comptons les transsexuels en phase préopératoire et postopératoire, les transgendéristes (transsexuels qui ont décidé de ne pas subir de changement chirurgical de sexe), les intersexués, les travestis, les personnificateurs féminins et toute autre personne qui estompe la ligne traditionnelle différenciant les sexes. L’émergence de cette réalité va de pair avec la connaissance des difficultés auxquelles ces personnes doivent faire face. La collectivité, les médias et les sites Internet qui s’intéressent à l’identité sexuelle font état de cas de discrimination sur le lieu de travail, de harcèlement, de violence, de refus d'accès à certains services, d'un risque de suicide plus élevé, de toxicomanie et de pauvreté.

La mise au point d’une politique à ce sujet permettra à la Commission de :

  • promouvoir la dignité et l’égalité des personnes transgenres;
  • s’assurer que les personnes transgenres sont protégées par le Code;
  • sensibiliser les gens et prévenir la discrimination;
  • cerner les sources de discrimination systémique;
  • définir des stratégies en vue d’éliminer la discrimination;
  • dissiper les mythes qui favorisent les préjugés ancrés.

La Colombie-Britannique a proposé, pour la première fois dans l’histoire des autorités canadiennes, d'ajouter l’identité sexuelle comme motif de protection officielle dans les lois relatives aux droits de la personne, et d’autres provinces abondent dans ce sens[3]. Les lois australiennes qui traitent de la discrimination reconnaissent les personnes transgenres tout comme le font de nombreuses municipalités et de nombreux États américains qui ont intégré l’identité sexuelle ou des concepts semblables à leurs lois portant sur les droits de la personnes[4].


[1] L. Lees, Gender: Exploring Diversity And Acceptance. Internet : http://www.msu.edu/~lees/handout.html. Copyright 1997-1999, Lisa Josephine Lees.
[2] Code des droits de la personne, L.R.O. 1990, chap. H. 19.
[3] Voir BC Human Rights Commission, Human Rights for the Next Millennium (janvier 1998), recommandation no 6.
[4] Voir annexe 1.

 

La Commission et les questions d'itentité sexuelle

La Commission est consciente des problèmes reliés à l’identité sexuelle depuis 1984. Des transsexuels se sont plaints à la Commission en ce qui concerne l’accès aux services, l’emploi, la prise en charge par Assurance-santé de l'Ontario des frais de changement chirurgical de sexe et l’accès aux soins médicaux. La Commission n’a cependant pas comptabilisé le nombre de plaintes ainsi reçues.

Depuis le début des années quatre-vingt-dix, un dialogue à la fois officiel et officieux s’est engagé avec les différents représentants de la communauté transgenre et ont mené à différentes façons d’aborder les questions des droits de la personne et de les comprendre. Toutefois, la Commission n’a jamais eu de politique cohérente officielle qui aurait permis de résoudre les problèmes liés à l’identité sexuelle.

En mars 1998, au cours d’une conférence organisée par l’International Foundation for Gender Equality, le commissaire en chef, Keith Norton, a discuté de l’application du Code en ce qui concerne les personnes transgenres[5]. La Commission s’est alors engagée à entreprendre la définition d’une politique et de consulter la communauté transgenre à cet effet. Le cadre de responsabilité publique pour l’exercice en cours comprend l’élaboration d'une politique portant sur les personnes transgenres et les droits de la personne en ce qui les concerne[6].

La mise au point d’une politique et les rencontres avec les membres de la communauté transgenre ont eu lieu conformément à l’article 29 du Code, qui énonce les fonctions de la Commission :

  • favoriser la reconnaissance de la dignité et de la valeur de la personne et assurer à tous les mêmes droits et les mêmes chances, sans discrimination contraire à la loi;
  • promouvoir la compréhension, l’acceptation et le respect de la présente loi;
  • élaborer et mettre en œuvre des programmes d’information et d’éducation du public, et entreprendre, diriger et encourager la recherche visant à éliminer les pratiques discriminatoires qui portent atteinte aux droits reconnus dans la présente loi;
  • examiner et revoir toute loi ou tout règlement, et tout programme mis en œuvre ou toute ligne de conduite adoptée par une loi ou en application de celle-ci, et faire des recommandations sur une disposition, un programme ou une ligne de conduite qui, à son avis, est incompatible avec l’intention de la présente loi.

[5] Keith C. Norton, The Rights of Transgendered Persons, non publié (27 mars 1998).
[6] Voir Commission ontarienne des droits de la personne, Rapport annuel 1997/1998, Toronto, 1998, p. 30.

 

Méthodologie

Voici la méthodologie utilisée aux fins du présent document :

  • consultation avec les membres et les représentants et représentantes de la communauté transgenre,
  • étude de la jurisprudence et des lois canadiennes et internationales,
  • étude de la doctrine,
  • étude des politiques d’autres commissions des droits de la personne.

L’étude de la doctrine et de la jurisprudence n’a toutefois pas été menée de façon exhaustive, l’idée étant de cerner les principales tendances et l’évolution des questions relatives à l’identité sexuelle.

L’objectif premier des consultations était de déterminer les problèmes relatifs aux droits des personnes transgenres. Elles se sont déroulées sous forme de réunions et de discussions face-à-face. Au total, quelque quatre-vingt-dix personnes ont participé aux discussions. Quatre questions avaient été préparées pour lancer le dialogue, mais d’autres sujets ont également été abordés. Voici les quatre questions :

  1. Quels sujets considérez-vous importants pour promouvoir les droits des personnes transgenres?
  2. Quels sont les lois ou les champs d’application des lois ontariennes sur lesquels l’accent devrait être mis?
  3. Comment la Commission pourrait-elle participer à la résolution des problèmes liés à l’égalité des droits des personnes transgenres?
  4. Auriez-vous des commentaires à adresser à la Commission afin de l’aider à cerner d’autres sujets de préoccupation et à planifier des stratégies possibles en vue de régler les questions de discrimination à l’égard des membres de la communauté transgenre?

Les rencontres avec les représentants et représentantes de la communauté transgenre ont été de nature officieuse et qualitative, plutôt que quantitative, et d'autres rencontres suivront. Elles ont eu lieu à Toronto, à Ottawa et dans l’Ouest de l’Ontario. Des défenseurs des droits de la personne, des éducateurs, des conseillers et des activistes ont également participé aux discussions à titre individuel ainsi que certains conjoints et un parent. Quatre grands groupes ont chacun débattu des questions liées aux personnes transgenres. Des transsexuels des deux sexes, des travestis et des intersexués y ont également participé.

Un membre du personnel de la clinique d’identité sexuelle de l’Institut psychiatrique Clarke[7] a fourni des renseignements sur le sujet. Des discussions téléphoniques ont eu lieu avec certains ministères provinciaux, avec la British Columbia Human Rights Commission et aussi avec les défenseurs des droits de la personne de cette province qui militent pour les droits des personnes transgenres.

Le présent document de travail sera expédié aux personnes consultées afin qu’elles puissent donner leur avis sur son contenu.


[7] Cet institut de recherche est situé à Toronto et se consacre à la recherche, à l’éducation et aux soins relatifs aux maladies mentales et à la santé mentale. La clinique d’identité sexuelle, intégrée à l’Institut, est chargée de l’évaluation de l’état des personnes qui se disent transgenres ou qui y sont envoyées pour des traitements et offre des services conseil ainsi que des traitements.

Historique

Cadre historique

Les personnes transgenres existent depuis la nuit des temps. Plusieurs cultures ont intégré des comportements liés à la sexualité et au sexe qui, de nos jours, seraient considérés par la culture nord-américaine comme étant incongrus par rapport aux comportements sociaux acceptables[8].

Au tournant du XXe siècle, la transsexualité est devenue un phénomène médical. Le médecin allemand Magnus Hirshfield a fondé le Scientific Humanitarian Committee en 1897 pour étudier l’homosexualité, la transsexualité et autres aspects de l’orientation et de l’identité sexuelles en dehors des normales établies à l’époque. Plus tard, le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux [9] (dont l’édition courante est appelée «DSM IV») a utilisé l’expression dysphorie de genre pour bien marquer le manque de concordance entre l’identité sexuelle et le sexe biologique.

En 1952, Christine Jorgensen a été la première personne à dévoiler publiquement qu’elle avait subi un changement chirurgical de sexe. En 1966, le docteur Harry Benjamin, endocrinologue et sexologue, a publié The Transsexual Phenomenon[10]. Il remarque, entre autres, que la psychothérapie n’est pas un « remède » efficace dans les cas de transsexualité et que le changement chirurgical de sexe peut permettre aux transsexuels de ressentir une plus grande symbiose entre leur identité sexuelle et leur sexe biologique.

L’Association Harry Benjamin de la dysphorie de genre établit maintenant certains critères minimaux d’admissibilité au changement chirurgical de sexe sur lesquels se fondent les cliniques d’identité sexuelle, y compris celle de l’Institut psychiatrique Clarke.

Pendant de nombreuses décennies, l’évaluation et l’identification des personnes transgenres se faisaient en fonction d’une identité ou d’un modèle «médicalisé»[11]. À titre d’exemple, un transsexuel est considéré comme un phénomène médical et non comme une personne à part entière ayant une identité sexuelle distincte s’écartant de la norme. Les transsexuels demeurent pratiquement invisibles au sein de la société, sauf dans le contexte des communautés gaies, lesbiennes et bisexuelles, où ils ne sont pas nécessairement identifiés en tant que personne transgenre. Par ailleurs, ces communautés ne les acceptent pas toujours en leur sein.

La politisation des questions reliées aux personnes transgenres se reflète également dans l’International Bill of Gender Rights[12] qui est issu de la base. Ce document s’attaque à l'oppression dont sont victimes les personnes transgenres et traite des droits suivants :

  • le droit à la définition de l’identité sexuelle;
  • le droit à la libre expression de l’identité sexuelle;
  • le droit de contrôler son corps et d’y apporter des modifications;
  • le droit à des soins médicaux et professionnels adéquats;
  • le droit à l’expression sexuelle;
  • le droit d’établir des liens amoureux et de contracter mariage;
  • le droit de concevoir ou d’adopter des enfants, de les éduquer et d’en avoir la garde et d’exercer ses droits parentaux.

Les autres droits mentionnés par les défenseurs comprennent :

  • la liberté de ne pas avoir à divulguer de renseignements relativement au rôle sexuel à moins que ce ne soit nécessaire;
  • la liberté d’avoir un emploi sans crainte de congédiement ou de harcèlement;
  • le droit à la protection des droits de la personne;
  • le droit, à sa mort, d’être traité conformément à son identité sexuelle.

Le Canadian Task Force for Transgender Law Reform a été mis sur pied en 1998. Ce groupe fait des démarches afin que des modifications soient apportées au Code, aux lois provinciales et fédérales et à la Charte canadienne des droits et libertés[13]. Il cherche également à obtenir la protection des droits et libertés suivantes :

  • la liberté d’expression sexuelle;
  • la liberté de circulation;
  • le droit de contracter mariage;
  • le droit d’avoir des enfants;
  • le droit à l’autogouverne;
  • le droit aux soins thérapeutiques;
  • le droit aux soins de santé appropriés[14].

[8] Voir «Finding our Place: Transgendered Law Reform Project», High Risk Project Society (mars 1996), p. 8; voir également, L. Feinberg, Transgender Warriors: Making History from Joan of Arc to RuPaul. Boston, Beacon Press, 1996; et «Niger: Les hommes se maquillent pour trouver une compagne», GEO – Un nouveau monde: la Terre (août 1998).
[9] Voir Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, 4e édition, Washington (D.C.), American Psychiatric Association, 1994. Il s’agit d’un manuel exhaustif qui fait autorité et qui se consacre à la classification des maladies psychiatriques. Il explique avec précision les différences entre des troubles du même ordre et fournit des lignes directrices aux fins de diagnostic.
[10] Dr H. Benjamin, The Transsexual Phenomenon. New York, Julian Press, 1966.
[11] Terme utilisé dans Finding our Place (note 8).
[12] L’International Bill of Gender Rights (IBGR) a d’abord été rédigé en comité pour être ensuite adopté par l’International Conference on Transgender Law and Employment Policy (ICTLEP) au cours de la deuxième réunion annuelle de l’organisme, tenue à Houston au Texas du 26 au 29 août 1993. L’IBGR a été révisé et modifié en comité et adopté avec des modifications au cours des réunions annuelles subséquentes de l’ICTLEP en 1994 ainsi que le 17 juin 1995. Copyright 1995, ICTLEP. Internet : <http://www.msu.edu/~lees/ibgr.html>.
[13] Charte canadienne des droits et libertés [Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, L.R.C. 1985, App. 11. ch. 44, édictée comme l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), ch. 11].
[14] Voir Canadian Task Force for Transgender Law Reform, Charter of Canadian Task Force for Transgender Law Reform, Ebauche 1.2, Ottawa, non publié, 1998.

Terminologie

La terminologie des droits de la personne émergents est un outil puissant et, parfois, controversé. Pendant les rencontres, les membres d’un groupe de transsexuels ont exprimé leur désaccord à l’égard de l’utilisation du terme «personne transgenre» pour décrire leur réalité parce que ce terme est associé à un si grand nombre de types de comportements et qu’il peut diminuer l’importance des difficultés particulières ou individuelles auxquelles ils font face.

Le terme «transgenre», utilisé ici comme générique, désigne les personnes qui ne se sentent pas à l’aise avec leur sexe biologique et qui le rejettent, en tout ou en partie, c’est-à-dire les transsexuels, les travestis, les intersexués, les «travelos» et peut-être aussi les personnificateurs féminins. Il importe de souligner le fait que chacun de ces groupes vit la discrimination différemment au sein de la société. En fait, le terme «transgenre» est un moyen rapide de regrouper une grande variété de personnes et de réalités. Toutefois, l’utilisation d’un terme unique ne doit pas signifier que les besoins ou les questions relatives aux droits de la personne sont identiques pour toutes les personnes concernées.

Compte tenu de la notoriété accrue des personnes transgenres dans la société, la question est de plus en plus politisée et les groupes de défense affirment leurs points de vue, demandant notamment des modifications d’ordre terminologique. À une extrémité, on utilise l’expression dysphorie de genre, notamment à la clinique d’identité sexuelle de l’Institut psychiatrique Clarke[15], et, à l’autre extrémité, on trouve les expressions «euphorie de genre» ou «identité sexuelle conforme», qui sont devenus des termes libérateurs à la mode parmi les membres de la communauté transgenre.


[15] La clinique d’identité sexuelle de l’Institut psychiatrique Clarke le définit la dysphorie de genre comme étant : «un mécontentement envers son sexe biologique, le désir de posséder le corps des représentants du sexe opposé et le souhait d’être accepté comme membre du sexe opposé. Ces sentiments peuvent être exprimés verbalement, sous forme d’affirmations d’appartenance au sexe opposé, ou non verbalement par l’adoption de comportements propres au sexe opposé (par exemple, s’habiller comme le sexe opposé). Les troubles d’identité sexuelle les plus poussés sont collectivement désignés par le terme «transsexualisme», qui implique normalement le désir de vivre dans la société en tant que membre du sexe opposé et de subir des traitements hormonaux et chirurgicaux afin de présenter le plus fidèlement possible l’anatomie externe du sexe biologique opposé. Internet : <http://www.clarke-inst.on.ca/about_illnesses/gender_identity_disorder.html>.

 

Définitions

Les personnes transgenres ont clairement indiqué qu’on devrait s’adresser à elles en fonction du sexe qu’elles affichent. Les transsexuelles, les transgendéristes et les travestis qui ont une apparence féminine devraient être considérés comme des femmes et les transsexuels, les transgendéristes et les travestis qui ont une apparence masculine devraient être considérés comme des hommes.

  • Travesti : personne qui se pare des vêtements du sexe opposé afin d’obtenir une satisfaction émotionnelle et un bien-être psychologique. Étant donné que ce terme est associé à l’identité médicale, il n’est pas prisé par la communauté transgenre.
  • Identité sexuelle : caractéristiques associées à la perception intrinsèque de soi selon l’état psychologique, comportemental ou cognitif de la personne. L’identité sexuelle se définit également comme la perception intrinsèque de soi en tant qu’homme ou femme. Il s’agit d’une notion qui se différencie fondamentalement de l’orientation sexuelle et qui n’en est pas déterminante.
  • Réorientation sexuelle : passage du sexe biologique au sexe perçu par la personne. Le processus comprend l’adoption du rôle sexuel perçu, l’adoption de l’apparence et des manières du sexe opposé devant autrui, l’utilisation d’un nom du sexe opposé, l’obtention de nouveaux papiers d’identité qui tiennent compte du sexe perçu par la personne et (ou) de son nouveau nom, le travail en tant que membre du sexe opposé et le traitement hormonal ou chirurgical. Les personnes qui ont suivi un programme de la clinique d’identité sexuelle et qui ont subi un changement chirurgical de sexe deviennent des membres à part entière du sexe perçu (et sont parfois désignées comme transsexuelles).
  • Intersexué : personne qui est née avec les organes génitaux, complets ou partiels, des deux sexes ou avec des organes génitaux partiellement développés ou ambigus. Environ 4 % des nouveau-nés présentent des caractéristiques propres aux personnes intersexuées à divers degrés. Ce mot remplace le terme hermaphrodite.
  • Sexe : sexe génétique ou anatomique auquel sont associées des normes d’ordre psychologique et comportemental.
  • Orientation sexuelle : choix des partenaires sexuels. Cette notion se distingue de l’identité sexuelle. Le motif de discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ne protégerait probablement pas les personnes transgenres de la discrimination fondée sur l’identité sexuelle.
  • Transsexuel : personne qui ressent fortement et constamment qu’elle vit dans la peau du sexe erroné. Un transsexuel à conviction féminine ressent le besoin de vivre en tant que femme et un transsexuel à conviction masculine, de vivre en tant qu’homme.
  • Personne transgenre : personne qui ne se sent pas à l’aise avec l’identité sexuelle qui lui a été biologiquement assignée à la naissance ou qui la rejette en tout ou en partie. L’expression «personne transgenre» englobe les transsexuels, les travestis, les «travelos», etc.
  • Transgendériste : personne qui s’identifie au sexe opposé, mais qui a décidé de ne pas subir de changement chirurgical de sexe.

[16] Voir l’annexe 2.

Données démographiques

Les personnes transgenres proviennent de tous les milieux et sont représentées au sein de toutes les races, classes, cultures et orientations sexuelles. Des troubles liés à l’identité sexuelle ont été diagnostiqués chez des enfants de trois ans, comme chez des adultes de 70 ans. Aucune donnée statistique ne fait état d’une prévalence de troubles d’identité sexuelle au sein de la population. Les données statistiques recueillies varient à la fois sur le plan quantitatif et sur celui de la catégorisation. Par exemple, le taux de transsexualisme à conviction féminine peut varier entre une personne sur 24 000 et une personne sur 37 000 et le taux de transsexualisme à conviction masculine, entre une personne sur 103 000 et une personne sur 150 000. Par ailleurs, un homme sur 30 000 et une femme sur 100 000 font une demande de changement chirurgical de sexe[17]. Enfin, selon les statistiques sur lesquels se fonde la clinique d’identité sexuelle de l’Institut psychiatrique Clarke, le taux de prévalence du transsexualisme est d’environ 1 cas sur 50 000 adultes[18].

Cependant, des représentants et représentantes de la communauté transgenre ont souligné que la prévalence des variantes d’identité sexuelle est probablement sous-estimée, car ce ne sont pas toutes les personnes souffrant de dysphorie de genre qui se dévoilent aux yeux des autres ou qui le reconnaissent elles-mêmes[19].


[17] Voir DSM IV, p. 535.
[18] Voir le site Internet http://www.clarke-inst.on.ca/about_illnesses/gender_identity_disorder.html de la clinique d’identité sexuelle de l’Institut psychiatrique Clarke.
[19] Voir Sexual and Gender Identity Disorders, Treatments of Psychiatric Disorders, 2e éd. (TPDII), 1995, section 9.

 

« Dévoilement »

Se «dévoiler» en tant que transsexuel signifie passer par plusieurs étapes afin d’en arriver à reconnaître que son identité sexuelle ne correspond pas à son sexe biologique. Le cycle peut commencer, par exemple, par une prise de conscience et se poursuivre par une reconnaissance publique. Cependant, pour bon nombre, il ne s’agit pas d’une démarche linéaire, c’est-à-dire qu’elle ne commence pas nécessairement par la négation pour se terminer par la reconnaissance. La personne se débat entre la négation et la reconnaissance pendant une certaine période jusqu’à ce qu’elle en vienne à accepter sa propre identité sexuelle. De nombreux auteurs, ainsi que certaines des personnes qui ont participé aux consultations, ont fait remarquer que l’enfant peut se sentir différent. Cette prise de conscience peut être source de retrait et l’enfant peut chercher à imiter les comportements qui sont propres à son sexe biologique.

Le «dévoilement» peut prendre la forme de sorties occasionnelles en tant que membre du sexe opposé ou d’une transition complète dans la vie de tous les jours. Cela peut se faire avec ou sans changement chirurgical de sexe. La transition peut être considérée complète, même si une personne s’identifiant à l’autre sexe n’a pas subi d’opération, selon son comportement dans la vie de tous les jours[20].

Le «dévoilement» sous-entend un long processus de découverte de soi et demande de la patience et de la concentration. Nous évoquons ici tout le contraire de la notion véhiculée par les opposants ou opposantes aux personnes transgenres, souvent répétée par les médias, qui consiste à dire que les personnes se «découvrent» sur un coup de tête qui prend sa source dans l’instabilité mentale, ou qu’il s’agit d’une simple question de choix ou de préférence. Bien que le processus de connaissance et d’acceptation de soi soit une étape difficile à passer, il contribue grandement, avec le dévoilement, à établir une meilleure conformité à l’égard de soi et de la société[21]. Le «dévoilement» ne brise pas seulement le silence interne qui entoure sa vraie nature, mais aussi le silence mis en place par la société au sujet de la diversité de l’identité sexuelle.

Le «dévoilement» peut également susciter la discrimination et les mauvais traitements, ce qui souligne le besoin d’éduquer les locateurs, les prestataires de services, les professions de soutien, les fonctionnaires, les employeurs et les collègues de travail notamment. Par conséquent, l’éducation du public relativement à l’identité sexuelle est primordiale pour les personnes transgenres et non transgenres.

Des embûches sous forme de harcèlement et de mauvais traitements marquent les différentes étapes du «dévoilement». Les transsexuels qui se font opérer sont inévitablement amenés à se dévoiler publiquement pour avoir accès aux services et aux installations publics. La famille, les amis, les employeurs, les collègues de travail, les soignants, les médecins ainsi que les membres de la communauté spirituelle peuvent être témoins de cette transition et y réagir. À cette étape, le retrait ou la non-divulgation ne sont habituellement pas des solutions viables.


[20] Voir J. Evelyn, Mom, I need to be a girl, Californie, Walter Trook Publishing, 1998. Ce livre raconte l’histoire vécue d’un transsexuel à conviction féminine; voir également L. (Blake) Masters, Transgender Identity, A TransEqual Document: The application of new information about the origins of human gender identity, to transsexuals and transgenderists, Ontario, TransEqual, 1993; Ramsey,G. Transsexuals: Candid Answers to Private Questions, Californie, The Crossing Press, Freedom, 1996; Brown, M.L. et Rounsley, C. A., True Selves Understanding Transsexualism: For Families, Friends, Co workers, and Helping Professionals, San Francisco, Jossey Bass, 1996; J.J. Allen, Inside the world of Cross dressing: The Man in the Red Velvet Dress, New York, Birch Lane Press Book, 1996.
[21] Voir P. Califia, Sex Changes: The Politics of Transgenderism, San Francisco, Cleis Press, 1997; voir également K. Bornstein , Gender Outlaw, On Men, Women and The Rest of Us, New York, Routledge, 1994; voir également M. Rothblatt, The Apartheid of Sex: A Manifesto on the Freedom of Gender. New York, Crown Publishers, 1995.

 

Mythes et réalités

Ces derniers temps, une attention particulière a été portée aux difficultés auxquelles sont confrontées les personnes transgenres. Il arrive que certains médias de grande diffusion présentent, de temps à autre, la question de façon plus constructive[22], mais les mythes et les renseignements erronés persistent et ne servent qu’à renforcer les stéréotypes.

Voici quelques mythes véhiculés sur les personnes transgenres :

  • Le transsexualisme n’est pas naturel : la sexualité humaine comporte un éventail de caractéristiques physiologiques et psychologiques. Des études montrent que, tout au long de notre histoire, il a existé des personnes dont l’identité sexuelle différait de leur sexe biologique.
  • Les transsexuels trompent les autres lorsqu’ils ne dévoilent pas leur transsexualité : les personnes qui s’affichent dans le rôle du sexe perçu devraient avoir le droit de décider si elles désirent dévoiler leur identité sexuelle, à moins qu’elles n’y soient tenues dans certaines circonstances bien-fondées et raisonnables.
  • Les transsexuels à conviction féminine et les transsexuels à conviction masculine demeurent respectivement des hommes et des femmes tant qu’ils ne se font pas opérer pour changer de sexe. La plupart des transsexuels ne s’identifient pas à leur sexe biologique, même s’ils se présentent sous ce jour pendant une certaine partie de leur vie.
  • Les personnes transgenres sont membres des communautés gaie ou lesbienne. Les personnes transgenres ont toujours été identifiées en fonction de leur orientation sexuelle perçue et, par conséquent, ont été associées aux gais, aux lesbiennes et aux bisexuels. Bien que les personnes transgenres soient parfois associées politiquement aux communautés gaie, lesbienne et bisexuelle, elles ne font pas nécessairement face au même type de discrimination. Les consultations ont fait ressortir cet aspect qui est également abordé dans les ouvrages de vulgarisation[23].

D’autres «mythes sur l’identité sexuelle» ont été dénoncés dans un dépliant d’information distribué par des transsexuels à conviction féminine qui protestaient contre l’exclusion des transsexuelles à un festival de musique féminine. Le dépliant mettait en évidence le fait qu’il existe également diverses opinions chez les femmes, dont certaines mènent à l’exclusion.

  • Les transsexuels se font opérer afin d’avoir des rapports sexuels comme ils le veulent. Le désir de subir un changement chirurgical de sexe n’a souvent rien à voir avec la façon dont la personne veut avoir des relations sexuelles ou avec qui. En règle générale, les personnes subissent cette opération, une intervention difficile et pénible, afin de rendre leur corps plus conforme à leur identité sexuelle. L’opération n’a souvent aucune incidence sur l’orientation sexuelle.
  • Les transsexuels à conviction féminine ont été élevés comme des garçons, n’ont pas connu l’oppression que subissent les femmes et ne peuvent pas comprendre cette réalité. Certains transsexuels à conviction féminine ont été élevés comme des filles pendant une partie de leur vie, se sont affichés comme tel et ont été traités en conséquence. Quelques-uns ont été battus et violés par les membres de leur famille et par d’autres en raison de leur croyance qu’ils étaient des filles ou de leur désir qu’il en soit ainsi. La différence entre la façon dont ils ont été traités en tant qu’hommes et les traitements qu’ils ont reçus une fois devenus femmes a donné à la plupart une vision très nette du sexisme.
  • Les lieux réservés aux femmes ne sont plus sûres si des transsexuels à conviction féminine ont le droit d’y entrer. Les lieux réservés aux femmes, ou à quiconque, ne sont pas sûrs en présence de comportements irrespectueux ou menaçants. Les transsexuels n’ont pas plus de raison de se conduire d’une telle façon que les autres. Ce sont les personnes qui se comportent inadéquatement qui devraient être exclues et non un groupe entier sous prétexte que certains de ses membres agissent de manière offensante.
  • Les femmes non transsexuelles ont le droit de décider si les transsexuelles devraient être admises au sein de la communauté féminine. Chaque personne a le droit de revendiquer sa propre identité. Les membres de la communauté féminine ne peuvent revendiquer cette identité et la refuser à d’autres. Par conséquent, les transsexuelles peuvent s’insérer, et elles le font, aux sein des communautés féminine et lesbienne sans avoir à demander la permission aux non-transsexuelles[24].

[22] Voir par exemple Raphael, «The Cruellest Cut» The National Post (mercredi 25 novembre 1998), B1; voir également Utne Reader (octobre 1998) consacré aux questions reliées à l’identité sexuelle, Minneapolis, Minnesota, U.S., LENS PUBLISHING CO. Au cours des vingt dernières années, les questions relatives aux personnes transgenres sont peu à peu apparues au grand jour. Par exemple, R. Richards (et John Ames), The Renée Richards Story: Second Serve, New York, Stein and Day, 1983 (adapté et diffusé à la télévision). Au R.-U., la série télévisée Coronation Street comporte un personnage transgenre du nom de Hayley Patterson depuis janvier 1998.
[23] Voir note 21.
[24] Voir Gender Myths, distributé au Michigan Womyn’s [sic] Music Festival, s.d.

 

Questions d'actualité

Traitement médical et médicalisation de ’identité

a) Dysphorie de genre et trouble de l’identité sexuelle

La cause de la dysphorie de genre est inconnue. De récentes découvertes scientifiques laissent entendre que des facteurs biologiques interviennent avant la naissance. Si c’est le cas, l’identité sexuelle et d’autres caractéristiques physiques sont établies bien avant que l’environnement n’influence la socialisation des personnes[25]. Les résultats d’une étude récente suggèrent que l’aspect biologique et l’aspect environnemental peuvent influer sur la détermination de l’identité sexuelle[26]. D’autres experts, tel le professeur Michael Gilbert (également connu sous le nom de Miqqui Gilbert) élaborent des approches philosophiques. Le professeurr Gilbert, un travesti qui s’identifie comme tel, étudie la rationalité et l’intégration de l’identité sexuelle perçue «menant à la création d’un monde qui comprend tous les genres et qui comporte les meilleures caractéristiques des deux mondes»[27].

Dans le monde médical, les transsexuels des deux sexes souffrent de dysphorie de genre et de trouble de l’identité sexuelle. L’American Psychiatric Association présente, dans le manuel DSM IV, plusieurs éléments caractéristiques des troubles de l’identité sexuelle, à savoir :

  • le sentiment fort et constant d’appartenir au sexe opposé, qui se manifeste par le désir d’être un membre du sexe opposé ou une insistance à cet effet;
  • le désir de profiter des avantages culturels perçus chez l’autre sexe ne joue pas très fort, contrairement à l’inconfort persistant à propos de son sexe biologique;
  • détresse ou handicap cliniquement important sur le plan social, professionnel ou autre.

Certaines formes de dysphorie de genre sont temporaires, mais le transsexualisme est immuable. Des cliniques médicales spécialisées, telles la clinique d’identité sexuelle de l’Institut psychiatrique Clarke, traitent les personnes atteintes de dysphorie de genre.

b) «Expérience de vie réelle», réorientation de l’identité sexuelle et changement chirurgical de sexe

La réorientation de l’identité sexuelle est une forme de traitement médical qui comprend plusieurs étapes regroupées sous le terme «expérience de vie réelle», autrefois appelé «essai de vie réelle». Les étapes de l’«expérience de vie réelle» comprennent la transition interpersonnelle entre le sexe biologique et l’identité sexuelle perçue, la transition documentaire, notamment la modification du certificat de naissance, du permis de conduire, etc. et la transition physique, qui comprend l’hormonothérapie et l’intervention chirurgicale. Pour vivre l’«expérience de vie réelle», la personne en phase préopératoire doit vivre en tant que personne du sexe opposé pendant une période prolongée d’un an ou deux, selon les critères de la clinique d’identité sexuelle qui autorise le changement chirurgical de sexe.

Bien que la plupart des gens s’entendent sur le fait qu’il faut du temps et beaucoup d’information préalable à la réorientation de l’identité sexuelle, une controverse existe dans la communauté transgenre relativement à l’«expérience de vie réelle» et à sa nécessité médicale. De nombreuses cliniques d’identité sexuelle, y compris celle de l’Institut psychiatrique Clarke, exigent que les transsexuels passent par l’«expérience de vie réelle» avant de subir l’intervention chirurgicale. Pendant les rencontres, une personne ayant des connaissances médicales a déclaré que l’«expérience de vie réelle» n’offre pas de renseignements utiles au patient sur ce à quoi il doit s’attendre du changement chirurgical de sexe. Il s’agit plutôt d’une période pendant laquelle le patient doit se conformer à des critères rigides. Plusieurs personnes ont déclaré que la décision de subir l’opération en question ne se prend pas du jour au lendemain et que la personne en cause aurait davantage besoin de renseignements afin de prendre une décision éclairée, tout comme pour les autres interventions chirurgicales[28].

Les coûts de l’opération chirurgicale varient. L’opération pour devenir un homme coûte entre 10 000 $ et 12 000 $ à Toronto[29]. Au R.-U., là où la clinique d’identité sexuelle de l’Institut psychiatrique Clarke envoyait ses clients, l’opération pour devenir une femme coûte environ 9 000 £ (approximativement 18 000 $ canadiens). Les données disponibles sur les coûts de changement de sexe aux États-Unis indiquent que l’opération pour devenir une femme peut coûter entre 10 000 $ et 28 000 $ US. D’après le projet de réforme de la loi de la Colombie Britannique de 1996 sur les droits de la personne et la communauté transgenre de cette province[30], l’opération de changement de sexe pour devenir une femme coûte entre 5 000 $ et 10 000 $, alors que l’opération pour devenir un homme est beaucoup plus chère, soit de 20 000 $ à 60 000 $.

Lors des consultations auprès des membres de la communauté transgenre, certains ont exprimé leur désaccord relativement à l’utilisation d’un modèle médical de dysphorie de genre et de trouble de l’identité sexuelle par la clinique d’identité sexuelle de l’Institut psychiatrique Clarke. Ils ont critiqué la clinique et ses normes strictes, l’utilisation en temps opportun de l’hormonothérapie et l’accès à ce traitement, ainsi que les conditions d’admission. Les personnes consultées trouvent que les exigences ne tiennent pas compte des besoins réels de la plupart des transsexuels et que, par conséquent, peu de gens y ont accès. Par exemple, s’afficher comme personne du sexe opposé est particulièrement difficile pour les hommes qui veulent devenir femmes. En effet, avant l’hormonothérapie et les longues séances d’électrolyse, il est fort peu probable qu’un homme puisse se faire passer pour une femme. Ainsi, vivre en tant que membre du sexe opposé peut générer beaucoup de stress et laisser la voie libre aux traitements discriminatoires.

Sous la rubrique Mythe, stéréotype et identité sexuelle du sexe opposé du manuel DSM-IV, Barbara Hammond fait remarquer qu’il existe

«...des précédents historiques nombreux appuyant l’imposition de rôles sexuels rigides par les médecins. Par exemple, dans la première moitié du XXe siècle, les femmes qui dépassaient les frontières de leur rôle social en revendiquant leurs droits civils et le droit de vote étaient discréditées et souvent internées pour cause d’«hystérie». L’homosexualité a été considérée comme une maladie mentale jusqu’en 1973, constituant une violation du rôle sexuel «approprié». Au cœur de la pratique médicale actuelle repose une présomption d’essentialisme sexuel, qui perpétue la doctrine de deux sexes immuables déterminés en fonction de l’appareil génital. Un nombre croissant d’auteurs considèrent l’identité sexuelle comme une construction sociale et non pas comme une donnée biologique incontournable. Ils sont cependant ignorés sans justification.

D’autres considérations d’ordre social entrent en ligne de compte, comme l’inéquité des forces engendrée par la psychothérapie transsexuelle et la validation des soignants... Le thérapeute qui décide de l’admissibilité d’un client transsexuel à une intervention chirurgicale pour changer de sexe ou à un traitement hormonal détient tous les pouvoirs. Cette réalité fausse la relation thérapeutique, amène le client à ne pas s’exprimer ouvertement..., ce qui a pour résultat de véhiculer une image déformée du transgendérisme chez les psychiatres et, par le fait même, dans la pratique médicale actuelle. Enfin, les médecins et les chercheurs ont un intérêt personnel dans le maintien des catégories actuelles de diagnostics, puisque ces dernières octroient une certaine respectabilité aux travaux effectués sur l’identité sexuelle... et légitimisent les sujets liés au transgendérisme...»[31]

c) Questions d’ordre légal et médical

Les auteurs de Finding our Place: The Transgendered Law Reform Project constatent que les systèmes légal et médical ont entrepris la médicalisation de l’identité. Les tribunaux demandent, par exemple, si, sur le plan médical, la personne est une femme ou un homme.

Il existe peu de marge de manœuvre en droit pour faire comprendre qu’il n’est pas pertinent de demander si une personne est un «vrai homme» ou une «vraie femme»... Les médecins se protègent des poursuites en exigeant que les transsexuels aient été vus par un psychiatre autorisant la chirurgie. La réduction ou l’augmentation du tour de poitrine, les liftings faciaux, etc. peuvent être obtenus sur demande, mais ce n’est pas le cas des changements chirurgicaux de sexe, qui nécessitent la recommandation d’un psychiatre[32].

Le fait que le système juridique exige une identité sexuelle d’ordre médical signifie que la capacité d’une personne de déterminer elle-même son identité est restreinte, sauf documents à l’appui. En Ontario, la Loi sur les statistiques de l’état civil [33] exige une lettre d’un médecin et un changement chirurgical de sexe, d’après l’interprétation qu’en fait le gouvernement, avant de permettre la modification du certificat de naissance. Les politiques gouvernementales pour les autres documents varient, mais beaucoup demandent une attestation médicale de la transsexualité de la personne plutôt que d’accepter l’auto-identification. Les personnes consultées ont fait état de procès, portant notamment sur la garde d’enfants, où on demandait au parent transsexuel de fournir une attestation médicale confirmant son identité sexuelle.

Les difficultés surviennent lorsque le corps médical porte toute la responsabilité d’établir l’identification sexuelle des personnes et ne leur laisse pas la possibilité de le faire elles-mêmes, alors qu’elles s’identifient systématiquement comme personnes transgenres. Malgré l’auto-identification comme transsexuel, par exemple, de nombreuses institutions exigent un certificat médical confirmant les dires de la personne. La loi, dans le cadre de son application et de son administration, ne prévoit qu’une capacité minimale d’auto-déclaration en matière de transsexualité. Par conséquent, lorsqu’une personne est en rapport avec un organisme officiel (système judiciaire, système correctionnel), même si elle se déclare comme une personne transgenre, elle n’aura pas accès à des documents médicaux pour attester son identité sexuelle et ne pourra pas être traitée de manière appropriée.

Le terme médicalisation signifie qu’une personne transgenre doit être reconnue «officiellement» comme telle par une clinique d’identité sexuelle, qui n’est pas toujours à portée de la main, afin d’être servie et traitée de façon appropriée par le système de santé et autres organismes avec qui elle pourrait entrer en contact. Les généralistes n’ont souvent pas les ressources ou l’expertise nécessaires pour fournir des services appropriés aux patients transgenres. En conséquence, de nombreuses personnes transgenres se soignent et prennent des hormones de leur propre initiative, mettant ainsi leur santé en danger. De nombreuses personnes aux prises avec cette situation pensent qu’elles n’ont tout simplement pas le choix.

Au cours des consultations, une transsexuelle en phase préopératoire et une femme intersexuée ont montré les lettres rédigées par leur médecin. La lettre présente la personne, explique que cette personne a des troubles de l’identité sexuelle et que les gens doivent s’adresser à elle comme à une femme. Les deux ont déclaré qu’elles gardaient leur lettre sur elles en tout temps au cas où elles seraient arrêtées par la police, où quelqu’un voudrait leur refuser l’accès aux vestiaires ou aux toilettes des femmes, où elles seraient interrogées par des organismes gouvernementaux ou en d’autres circonstances officielles.

De plus en plus de personnes transgenres ne considèrent plus le changement chirurgical de sexe comme étant une solution valable en raison des coûts, des risques médicaux, des barrières médicales ou par principe. Nombre d’entre elles ne souhaitent pas se fondre dans le moule rigide institué par la société relativement à la conformité entre le sexe et l’identité sexuelle et demandent à la société d’accepter les personnes transgenres et de s’adapter à elles. De nombreux transsexuels ontariens souhaitent tout de même subir un changement chirurgical de sexe, mais, compte tenu des récentes modifications apportées aux politiques du gouvernement et des obstacles d’ordre économique et médical, ils n’y ont pas accès. Ces facteurs empêchent également les personnes transgenres d’avoir accès à l’hormonothérapie.

d) Diagnostic de déficience

Bien que le travestisme et le transsexualisme soient considérés comme des troubles psychiques, le traitement de l’un ou l’autre comme déficience suscite la controverse. Un diagnostic de trouble de l’identité sexuelle doit néanmoins être posé afin d’établir la déficience requise aux fins de changement chirurgical de sexe. De nombreuses provinces, dont l’Ontario, limitent la couverture de l’assurance-maladie aux opérations approuvées médicalement par les cliniques d’identité sexuelle. La médicalisation peut représenter un autre obstacle à l’aptitude d’auto-identification de la personne et d’auto-déclaration de l’identité sexuelle qui diffère de l’identité sexuelle biologique.

Le défenseur anglais et professeur de droit Stephen Whittle appuie le rejet du modèle médical qui met l’accent sur le trouble et, par extension, sur la déficience et milite pour l’adoption d’une approche fondée sur les droits qui tient compte des besoins des personnes en fonction de leur identité sexuelle :

Les transsexuels veulent que la loi reconnaisse qu’ils ont des droits, non en tant que transsexuels, mais en tant qu’hommes et femmes qui, grâce à une intervention médicale, peuvent maintenant être identifiés correctement. Ils veulent que la loi reconnaisse la déclaration d’identité sexuelle qu’ils ont faite en demandant un changement de sexe[34].

Pendant les consultations, quelques personnes ont mentionné qu’elles n’avaient aucun problème avec le diagnostic de dysphorie de genre. En fait, le diagnostic les a aidées à s’identifier au sexe perçu et leur a permis d’avoir le droit de subir un changement chirurgical de sexe. Un groupe de personnes travaillant auprès des transsexuels qui sont sans toit, qui travaillent dans la rue ou qui sont séropositifs ou sidéens ont déclaré que le diagnostic médical est spécialement important pour les transsexuels à faible revenu qui ne peuvent pas se permettre de fréquenter des cliniques privés ou qui ont un emploi pendant la transition entre leur sexe biologique et le sexe opposé. D’autres, tout au moins, s’inquiétaient des stéréotypes à connotation négative associés au diagnostic de déficience psychique.

La majorité des membres de la communauté transgenre ont déclaré que l’accès aux services médicaux pour l’opération de changement de sexe ne devrait pas être interdit, même si le diagnostic psychiatrique est levé. Un groupe a fait l’analogie entre les besoins médicaux liés à la modification de l’apparence physique conformément à l’identité sexuelle perçue et les soins médicaux requis pendant la grossesse. La Cour suprême du Canada a reconnu dans l’affaire Brooks[35] que la grossesse n’était pas une maladie et a demandé qu’on tienne compte des besoins des futures mamans en fonction de cet énoncé. Pareillement, certains soutiennent qu’on devrait tenir compte des besoins des personnes transgenres sans les catégoriser comme déficientes.

Aspect social

a) Séropositivité et SIDA

Les personnes transgenres qui ont des comportements à risque élevé, comme les relations sexuelles non protégées ou la consommation de drogue par intraveineuse, s’exposent au VIH et au SIDA. Cette affirmation est confirmée par le rapport d’une étude menée à Vancouver qui indique qu’entre 70 et 80 % des travailleurs du sexe transgenres étaient séropositifs[36].

b) Jeunes personnes transgenres

Les jeunes transgenres ne peuvent pas se tourner vers un grand nombre de professionnels qui comprennent le concept de l’identité sexuelle et qui savent comment assurer un soutien à une personne transgenre. L’homophobie et la transphobie dont font preuve les services sociaux à l’égard des gais, des lesbiennes, des bisexuels et des personnes transgenres ne font qu’aggraver le problème. Ce sujet a été abordé à plusieurs reprises au cours des consultations. Une femme a raconté l’histoire de son incarcération, antérieure à son changement chirurgical de sexe, dans un foyer de groupe pour jeunes. Elle avait reçu l’ordre d’agir comme un homme, elle était corrigée si elle ne respectait pas cette règle et elle a survécu en reniant son état de personne transgenre.

Par ailleurs, des personnes consultées ont déclaré que le système d’éducation ne comprend pas le transgendérisme. Les jeunes transgenres et les parents transgenres se heurtent à des barrières érigées par le système scolaire. Certains organismes de services sociaux se rendent compte qu’il est temps de s’intéresser à la question. Par exemple, la Catholic Children’s Aid Society of Metropolitan Toronto a adopté une politique d’intervention faisant place aux jeunes transgenres. La politique énonce que tout le personnel et les bénévoles doivent recevoir une formation sur les besoins, les préoccupations, le langage, les symboles et la culture des jeunes gais, lesbiennes, bisexuels et transgenres et de leur famille. Les questions de sexualité soulevées dans le cadre des services offerts aux jeunes transgenres doivent être traitées avec respect, sollicitude, sensibilité et confidentialité, comme c’est le cas pour les jeunes hétérosexuels et leurs familles[37].

c) Services et médias

En règle générale, les services offerts à la communauté transgenre sont de piètre qualité[38]. Pendant les consultations, des personnes ont raconté que des policiers les ont arrêtées et leur ont demandé leurs papiers d’identité. Les membres du personnel hospitalier font preuve d’attitudes préjudiciables pendant les traitements une fois qu’ils découvrent le sexe biologique de la personne. Les compagnies d’assurance traitent les transsexuels différemment lorsqu’ils découvrent leur identité. Les femmes transgenres ont de la difficulté à se faire admettre dans les foyers pour femmes et dans d’autres centres de services sociaux. Les familles des personnes transgenres, y compris les conjoints et conjointes, les enfants et les parents, n’ont personne vers qui se tourner pour obtenir le soutien et la compréhension dont elles ont besoin et ne pas souffrir de discrimination.

Les médias font généralement preuve d’incompréhension à l’égard des réalités auxquelles font face les transsexuels. Une certaine confusion règne sur le plan de la terminologie désignant les personnes; on ne fait notamment pas de distinction entre les transsexuels, les travestis, etc. En conséquence, un langage méprisant ou sensationnaliste est souvent utilisé dans les reportages traitant, en tout ou en partie, de questions transgenres.

d) Prise en charge par Assurance-santé de l’Ontario

De 1970 à 1998, le régime d’assurance-santé de l’Ontario couvrait les changements chirurgicaux de sexe des personnes ayant reçu l’approbation de l’Institut psychiatrique Clarke. Le ministère de la Santé de l’Ontario remboursait, par l’intermédiaire de ce régime, la majorité des éléments de l’opération, y compris les interventions pratiquées à l’extérieur de la province. L’article 7 de la Loi sur l’assurance-santé[39] prescrit que l’augmentation du tour de poitrine, la mammoplastie ou la reconstitution des seins dans le cas d’un homme transformé en femme ne sont pas assurés sans l’autorisation préalable du ministère de la Santé. Dans tous les cas, Assurance santé de l’Ontario ne couvrait le changement chirurgical de sexe que si la personne avait suivi le programme de la clinique d’identité sexuelle de l’Institut psychiatrique Clarke et que la clinique recommandait l’opération.

En octobre 1998, le gouvernement de l’Ontario a décidé de retirer le changement chirurgical de sexe de la liste des services couverts par le régime provincial d’assurance-santé. Cette décision a suscité une vive réaction publique de la part de la communauté transgenre et a été interprétée comme voulant dire que le gouvernement ne reconnaît pas la validité, la portée ou l’importance des problèmes des personnes transgenres. La décision a eu des conséquences profondes sur les personnes transgenres qui forment une communauté très marginalisée et qui font souvent partie de la fourchette à faible revenu, ce qui signifie qu’elles n’ont pas les ressources financières pour payer l’opération.

Le ministère de la Santé n’a pas motivé sa décision de supprimer le changement chirurgical de sexe des soins couverts par l’assurance-santé. Un article paru dans le Toronto Sun, fondé sur des renseignements soi-disant fournis par le gouvernement, déclare que les économies serviront à financer la cardiochirurgie[40]. Les fonds publics alloués au changement chirurgical de sexe sont insignifiants par rapport au budget du ministère de la Santé. L’article écarte le fait que des professionnels compétents ont affirmé que l’opération était médicalement nécessaire. En outre, le fait de ne pas assurer l’opération peut avoir pour conséquence d’augmenter les coûts dans des secteurs comme le counselling et les soins de santé. Il se peut également que le taux de suicide augmente au sein de la communauté transgenre compte tenu du manque de services appropriés offerts à ses membres.

e) Crainte d’être percé à jour

Les transsexuels, les transgendéristes et les travestis craignent que quelqu’un ne découvre leur sexe biologique. Une telle découverte peut se solder par la perte de l’emploi, du logement et de services, par l’isolement social et autres formes de discrimination, par le harcèlement et éventuellement par la violence.

f) Crimes motivés par la haine éprouvée à l’égard des personnes transgenres

Les statistiques sur la criminalité indiquent que les personnes transgenres sont victimes de crimes motivés par la haine pouvant prendre une forme violente. Par ailleurs, ces crimes ne sont souvent pas pris au sérieux ou, dans le cas contraire, les moyens utilisés pour les enrayer ne sont pas appropriés. À ce sujet, voici ce que le Canadian Task Force for Transgendered Law Reform a noté dans une ébauche de document :

Beaucoup vivent dans un état de crainte perpétuelle pour leur vie et leur sécurité physique. S’ils affichent ouvertement qui ils sont, ils risquent de susciter la haine, en plus de perdre leur famille, leurs amis et leur emploi[41].

L’auteure Ki Namaste précise que «la violation des normes d’identité sexuelle est source d’un grand nombre de cas de voies de fait, de harcèlement et de discrimination». Elle ajoute que, lorsqu’un transsexuel à conviction masculine subit des voies de fait, le viol fait partie des sévices qu’il endure et qu’un pourcentage élevé de personnes transgenres sont victimes de violence[42]. L’Unité des crimes haineux de la police d’Ottawa a commencé à compiler dans une catégorie à part les crimes haineux dirigés contre des personnes transgenres[43]. Il semblerait qu’à ce jour il s’agisse de la seule unité ontarienne à procéder de cette façon. Les autres compilent probablement ces incidents dans la catégorie de l’orientation sexuelle. Une note d’une page sur le transsexualisme précise que les violations des droits de la personne et les actes de violence vont de l’agression verbale au meurtre et que les personnes transgenres et les transsexuels en sont quotidiennement victimes au Canada. La note étaye ses dires en donnant l’exemple des meurtres de deux prostituées transgenres, Shawn Keagan et Deanna Wilkinson, à Toronto en 1996[44].

D’autres gouvernements ont reconnu qu’il existait un problème de crimes haineux dirigés contre les personnes transgenres. En 1998, l’État de Californie a adopté un projet de loi sur les crimes haineux qui énonce clairement la protection accordée aux personnes transgenres[45]. En mars 1999, un projet de loi intitulé Hate Crimes Prevention Act of 1999[46], qui comprend le motif d’«identité sexuelle», a été déposé devant la U.S. House of Representatives. Il est actuellement à l’étude en comité.

g) Pauvreté

Il n’existe aucune donnée statistique relative au taux de pauvreté des personnes transgenres. Toutefois, les consultations ont permis de constater que les personnes transgenres connaissent de graves difficultés financières découlant probablement des difficultés d’accès aux services médicaux et d’assurance, de la discrimination sur les lieux de travail et de la marginalisation sociale et économique[47]. Mirha-Soleil Ross, coordonnatrice de «Meal Trans», un programme destiné aux personnes transgenres de Toronto, affirme que 90 % des personnes qui profitent du programme gagnent moins de 10 000 $ par année.

h) Persécution internationale des personnes transgenres

Le rejet social des personnes transgenres se manifeste à l’échelle internationale lorsqu’il est question d’accepter un réfugié transgenre ou de le renvoyer dans son pays d’origine en vertu du droit international. À titre d’exemple, une transsexuelle ayant demandé le statut de réfugiée au Canada a été déportée au Mexique, même si elle affirmait qu’elle craignait d’y être persécutée[48].

L’International Gay and Lesbian Human Rights Commission (IGLHRC) fait souvent état des violations des droits de la personne contre les minorités sexuelles, y compris les personnes transgenres. Par exemple, son bulletin de juin 1998 faisait mention du refus d’ambulanciers de venir en aide à une travestie, Marcela, qui avait été poignardée et laissée dans la rue pendant deux heures jusqu’à ce qu’elle rende son dernier souffle. Ce même bulletin a également dénoncé des incidents de violation des droits de la personne à l’égard d’une femme transgenre en Argentine, des meurtres de gais et de personnes transgenres au Guatemala et des cas de violence policière en Turquie[49].


[25] Moir, A. et Jessel, D., Brain Sex: The Real Difference Between Men and Women, New York, Viking Penguin, 1989.
[26] S. Bradley, G. Oliver, K Zucker, et A. Cherniak, «Experiment of Nurture: Ablatio Penis at 2 months, Sex reassignment at 7 months and a psychosocial follow up in Young Adulthood», PEDIATRICS, vol. 102, n1 (juillet 1998), p. 9.
[27] M. Gilbert, Beyond Appearances: Transgenderism and Gendered Rationality, dans Gender Blending, Buffalo, Prometheus Press, 1997, pp. 58 à 69.
[28] Voir L. Master, Extended Informed Consent, Transequal, 1994; voir également Canadian Task Force for Transgendered Law Reform, note 14. Pour une discussion d’ordre général sur l’expérience de vie réelle, voir L. H. Clemmensen, M.A., The Real Life Test for Surgical Candidates, American Psychiatric Press; Robert Dickey et Betty W. Steiner Clinical Practice numéro 14 : Clinical Management of Gender Identity Disorders in Children and Adults et Hormone Treatment and Surgery (du même livre); voir également Blanchard, R., Gender Identity Disorders in Adult Men, Clinical Management of Gender Identity Disorders; Blanchard et al., «Prediction of Regrets in Postoperative Transsexuals» Canadian J.of Psychiatry (février 1989), p. 34; Blanchard et al., «Gender Dysphoria, Gender Reorientation, and the Clinical Management of Transsexualiam» J. of Counselling and Clinical Psychology, p. 295. Voir également la référence à la note 14; Brown, M.L. et Rounsley, Chloe Ann, True Selves Understanding Transsexualism: For Families, Friends, Co-workers, and Helping Professionals, San Francisco, Jossey Bass, 1996.
[29] Cette intervention chirurgicale ne comprend pas de phalloplastie (terme médical désignant la construction de l’appareil génital externe masculin) qui n’est actuellement pas recommandée par la clinique d’identité sexuelle de l’Institut psychiatrique Clarke.
[30] Voir note 8.
[31] Voir B. Hammond et Wilson, Myth, Stereotype, and Cross-Gender Identity, 21st Annual Feminist Psychology Conference in Portland, Oregon, 1996. Internet : <http://www.transgender.org/tg/gic/awptext.html>.
[32] Voir note 8.
[33] Loi sur les statistiques de l’état civil, L.R.O. 1990, ch. V.4.
[34] S. Whittle, «Legislating for Transsexual Rights: A Prescriptive Form», PRESS FOR CHANGE, (6 mars 1998). Internet : <http://www.pfc.org.uk/legal/whittle3.htm>.
[35] Brooks c. Canada Safeway Ltd., [1989] 1 R.C.S. 1289.
[36] A. V. Scott, HIV/AIDS in the Transgendered Prison Population: A Comprehensive Strategy, Toronto, Prisoners’ HIV/AIDS Support Action Network [PASAN], 1998. Voir également K. Namaste,Access Denied: A Report on the Experiences of Transsexuals and Transgenderists with Health Care and Social Services in Ontario, soumis à Project Affirmation, juillet 1995; HIV/AIDS and Transgender Communities in Canada, Ontario, Genderpress, 1995.
[37] A. V. Scott, Do Transgendered Youth wish to be part of a Harassment and Discrimination Policy, which includes Gay, Lesbian and Bisexual Youth?, non publié (8 avril 1996).
[38] Voir également K. Namaste, note 36.
[39] Loi sur l’assurance-santé, L.R.O. 1990, chapitre H.6.
[40] Voir J. Harder, «Sex change surgery gets axe: Ontario cuts funding for expensive ‘lifestyle’ procedure», Toronto Sun, 3 octobre 1998, p. 18; voir également la lettre de M. Paul E. Garfinkel, président de la Clarke Addiction Research Foundation adressée à Sandra Lang, sous-ministre de la Santé, ministère de la Santé, en date du 20 octobre 1998.
[41] Voir note 8.
[42] Voir Namaste, K. Genderbashing: sexuality, gender, and the regulation of public space, Environment and Planning D, Society and Space, 1996, volume 14, pages 221 à 240.
[43] Voir note 8.
[44] Voir le feuillet d’information distribué au Toronto Human Rights Film and Video Festival en décembre 1998.
[45] Le 28 septembre 1998, le gouverneur Pete Wilson a sanctionné le projet de loi AB 1999 qui indique clairement que l’identité sexuelle et l’expression de l’identité sexuelle sont des catégories protégées par les lois sur les crimes haineux de la Californie. Les procureurs des comtés de San Francisco et de Los Angeles, qui ont appuyé le projet de loi AB 1999, poursuivent déjà les auteurs de crimes haineux en vertu de la loi actuelle, mais d’autres procureurs ne tiennent pas compte de cette interprétation. La nouvelle loi uniformise l’application de cette interprétation élargie de la loi dans tout l’État.
[46] Le Hate Crimes Prevention Act of 1999 a été déposé devant la U.S. House of Representatives le 11 mars 1999. Cette loi octroierait une plus grande autorité aux fonctionnaires fédéraux d’enquêter et d’intenter des poursuites dans le cas de crimes haineux à l’endroit d’une personne en raison de son orientation sexuelle, réelle ou perçue, de son identité sexuelle ou de sa déficience; elle permettrait également de délier les pieds et les mains des procureurs en éliminant l’exigence actuelle de prouver que la victime a été attaquée parce qu’elle était engagée dans une activité protégée par les lois fédérales, comme le fait d’aller voter. La loi se trouve actuellement devant le Senate Judiciary Committee.
[47]San Francisco Human Rights Commission, Investigation into Discrimination against Transgendered People, chapitre 4 - Findings and Recommendations, Californie, San Francisco, 1994.
[48]Voir note 44. (Une partie de la brochure d’information traite de l’ordre de déportation, émis par le gouvernement canadien, d’une activiste de la communauté transsexuelle, Shadmith Manzo, vers le Mexique, où elle vit cachée, sans pouvoir sortir de chez elle de peur qu’on attente à sa vie.)
[49] Voir International Gay and Lesbian Human Rights Commission, Bulletin vol. III, numéro 1, juin 1998. Voir également Human Rights Watch IGLHRC, 1997 Year in Review.

Position actuelle et cadre de la Commission

1) Introduction

Le cadre dans lequel se fera la mise en place de la politique de la Commission en matière d’identité sexuelle est le Code, dont le préambule revêt une importance particulière :

L’Ontario a pour principe de reconnaître la dignité et la valeur de toute personne et d’assurer à tous les mêmes droits et les mêmes chances, sans discrimination contraire à la loi, et que la province vise à créer un climat de compréhension et de respect mutuel de la dignité et de la valeur de toute personne de façon que chacun se sente partie intégrante de la collectivité et apte à contribuer pleinement à l’avancement et au bien-être de la collectivité et de la province.

La Commission a publié des énoncés de politique et des lignes directrices relativement à un grand nombre de motifs de discrimination prévus dans le Code. Cependant, dans la plupart des cas, les droits des personnes transgenres sont ignorés par les politiques, les procédures et les lois.

2) Politique de travail de la Commission sur les questions d’identité sexuelle

Depuis mars 1998, la position de la Commission est que la structure légale du Code se prête à une interprétation plus large de la loi de façon à protéger plus efficacement les personnes transgenres. Bien que les mots «identité sexuelle» ne soient pas écrits noir sur blanc dans le Code, cette interprétation plus large vient de la relation étroite qui existe entre le sexe et l’identité sexuelle. Cette approche a été récemment utilisée avec succès par le British Columbia Human Rights Tribunal dans une affaire de plainte présentée par une transsexuelle à la suite du refus de lui laisser utiliser les toilettes des femmes dans une boîte de nuit alors qu’elle s’affichait à plein temps en tant que femme, sous prétexte qu’elle n’avait pas subi de changement chirurgical de sexe. Dans son jugement en faveur de la plaignante, le tribunal a déclaré que «les transsexuels en transition qui vivent en tant que membre du sexe perçu doivent être considérés comme tel en vertu des lois sur les droits de la personne» et a conclu que «la discrimination à l’égard des transsexuels est une forme de discrimination fondée sur le sexe»[50].

Le fait que le Code ne prévoit aucun motif de discrimination fondée sur l’identité sexuelle n’empêche pas de l’inclure dans la discrimination fondée sur le sexe. En d’autres termes, le mot sexe ne se limite pas au sexe biologique ou génétique; il inclut également les caractéristiques de l’identité sexuelle. La politique officielle de la Commission, intitulée Politique sur le harcèlement sexuel et les remarques et conduites inconvenantes liées au sexe, adoptée en 1996 corrobore déjà un point de vue analogue. Les aspects pertinents à l’identité sexuelle sont soulignés dans l’extrait suivant :

Le droit d’être à l'abri du harcèlement sexuel et de tout autre traitement inégal sous forme de remarques et d’actions avilissantes fondées sur le sexe est donc un droit fondamental [...] La discrimination fondée sur le sexe peut aussi prendre la forme de remarques ou d’une conduite harcelantes envers une personne à cause de son sexe.

La liste [qui suit] [...] devrait pouvoir servir à déterminer ce qui pourrait constituer un harcèlement sexuel ou des remarques ou une conduite inconvenantes liées au sexe :

  1. les remarques de nature sexuelle concernant l’apparence d’une personne ou ses manières;
  2. un contact physique non désiré;
  3. les remarques suggestives ou offensantes, ou encore les insinuations à l’égard des personnes de l’un ou l’autre sexe;
  4. les propositions de rapports intimes;
  5. les insultes, les menaces ou les railleries liées au sexe;
  6. les regards concupiscents ou déplacés;
  7. la vantardise au sujet de sa prouesse sexuelle;
  8. les demandes insistantes de rendez-vous ou de faveurs sexuelles;
  9. les plaisanteries ou remarques offensantes de nature sexuelle se rapportant à un ou une employée, un ou une cliente ou encore un ou une locataire;
  10. l’exposition d’images, de graffitis ou d’autres matériels offensants à cause de leur nature sexuelle;
  11. les questions ou discussions se rapportant à des activités sexuelles;
  12. le paternalisme basé sur le sexe qu’une personne ressent comme une atteinte à son respect de soi ou à sa position d’autorité;
    • XIII. l’humour grossier ou les paroles vulgaires à contenu sexuel[51]. (Nous avons souligné les passages en gras.)

Dans l’affaire Shaw[52], la Commission a plaidé avec succès devant une commission d’enquête que les questions liées à l’identité sexuelle devraient être comprises dans les motifs de discrimination fondée sur le sexe. Dans cette affaire, une femme faisait l’objet de remarques qui n’étaient pas de nature sexuelle, mais qui avaient tout de même pour but de faire en sorte qu’elle se sente moins séduisante et qui, par conséquent, étaient reliées à son sexe et aux stéréotypes véhiculés sur le fait d’être femme.

De nombreuses commissions des droits de la personne, y compris celle de l’Ontario, se sont toujours tournées vers les motifs de déficience ou d’orientation sexuelle lorsqu’une plainte relative à l’identité sexuelle était déposée. La Commission a mis de côté cette pratique qui recourait automatiquement à ces motifs à moins que le plaignant n’en fasse la demande expresse. Ce changement a eu lieu lorsque les membres de la Commission ont mieux compris les questions relatives aux personnes transgenres.


[50] Sheridan c. Sanctuary Investments Ltd. et al. 8 janvier 1999, B.C. Human Rights Tribunal, Internet : <http://www.bchrt.gov.bc.ca/sheridan2.htm>.
[51] Commission ontarienne des droits de la personne, Politique de harcèlement sexuel et les remarques et conduites inconvenantes liées au sexe, 1996.
[52] Shaw c. Levac Supply Ltd. (1990) 14 B.C.D.P. D/36 (Commission d’enquête de l’Ontario).

 

Progrès

Enjeux

1) La Commission ontarienne des droits de la personne

La Commission ontarienne des droits de la personne joue un rôle central dans la promotion des droits de la personne en Ontario. Elle élabore et met actuellement en œuvre des politiques et des procédures liées aux questions touchant les personnes transgenres.

Au moment de rédiger le présent document, aucune commission des droits de la personne au Canada n’avait adopté de politique publique officielle sur l’identité sexuelle, bien que celle de la Colombie-Britannique ait officiellement déposé une proposition de modification visant à inclure «l’identité sexuelle» parmi les motifs de protection contre la discrimination. Cette protection serait reconnue aux transsexuels, aux personnes intersexuées, aux travestis ainsi qu’aux autres personnes transgenres.

D’autres commissions ont recours à diverses options, dont certaines ne sont pas prévues par le Code de l’Ontario. Le Manitoba, par exemple, utilise le motif «autre» pour accepter les plaintes de personnes transgenres. En 1982, la Commission des droits de la personne du Québec a eu recours au motif de l’«état civil» et, plus récemment, s’est penchée sur une plainte fondée à la fois sur l’état civil et sur le sexe[53]. La Commission canadienne des droits de la personne a reçu des plaintes fondées sur la déficience réelle ou perçue jusqu’en 1992 et invoque maintenant le motif sexuel[54].

Le jugement dans l’affaire M.L. et Commission des droits de la personne, rendu récemment au Québec, dresse une analogie entre d’autres jugements rendus à la fin des années quatre-vingt, qui ont élargi la définition de «sexe» comme motif de plainte afin d’y inclure la grossesse, et le transgendérisme. Le tribunal déclare ce qui suit :

[L]e sexe non seulement s’entend de l’état d’une personne mais encore comprend le processus même d’unification, de transformation que constitue le transsexualisme Comme nous l’avons vu précédemment, en matière de transsexualisme, les composantes psychologique et psycho-sociale du sexe apparaissent en discordance complète avec les autres éléments génétique, hormonal et anatomique, éléments qui à la naissance avaient permis de désigner sans aucun doute possible une personne comme appartenant à un sexe déterminé.

Nous appuyant sur les principes d’interprétation des droits de la personne énoncés précédemment, notamment sur la dignité inhérente à l’être humain, nous pouvons dire qu’une personne transsexuelle, une fois les transformations terminées, ou si l’on préfère, une fois l’identification parfaitement unifiée, qui subirait de la discrimination fondée sur son état de transsexuelle, pourrait bénéficier des prescriptions anti-discriminatoires fondées sur le sexe.

Mais allons plus avant. La discrimination, même fondée sur le processus d’unification des critères sexuels disparates et contradictoires peut aussi, alors que le sexe est à son plus flou, constituer de la discrimination fondée sur le sexe.

Reprenant, par analogie, la question posée par le juge en chef Dickson, dans l’affaire Brooks, à propos de la grossesse, nous pouvons affirmer que nous ne voyons pas comment la discrimination fondée sur l’état de transsexuel ou sur le processus de transsexualisme pourrait être autre chose finalement que de la discrimination fondée sur le sex[55] .

En avril 1996, la Cour européenne de justice a confirmé que la discrimination pratiquée contre une personne transsexuelle à l’égard de son emploi constituait une infraction à la loi européenne[56]. Cette cause venait de Grande-Bretagne, où une personne en transition avait vu son emploi prendre fin tout juste avant que son changement chirurgical de sexe ne soit achevé. Le tribunal a estimé que, bien que la loi utilisât uniquement le terme «sexe», il faudrait l’interpréter de façon à tenir compte des personnes transgenres et que, par conséquent, elle empêchait le congédiement d’un transsexuel pour une raison liée au changement de sexe.

Plusieurs des personnes consultées ont exprimé la nécessité d’un motif de protection distinct, car son absence suppose la «permission» d’exercer une discrimination à l’égard de personnes transgenres. Certains participants au processus de consultation se sont montrés préoccupés ou sceptiques au sujet de l’ajout d’un nouveau motif comme moyen de protéger les personnes transgenres de la discrimination. La définition d’identité sexuelle devrait être large et universelle afin de s’appliquer à toutes les incidences éventuelles de discrimination visant l’ensemble des personnes transgenres, y compris, par exemple, celle exercée à l’égard des travestis.

Si l’on ajoutait le motif d’«identité sexuelle» au Code, il ne ferait aucun doute, sur le plan juridique ou politique, que les personnes transgenres jouissent de la même protection que tout le monde. Malheureusement, le recours au motif du «sexe», bien que ce terme ne transmette pas correctement le sens d’«identité sexuelle», constitue actuellement la seule autre solution raisonnable, jusqu’à ce que le législateur juge à propos d’apporter des modifications au Code.

En Colombie-Britannique, le rapport de consultation qui recommande d’adopter un motif de protection fondé sur l’«identité sexuelle» cite les propos d’un représentant de la collectivité, le Dr R. Stevenson, du Centre for Sexuality, Gender Identity and Reproductive Health du Vancouver Hospital :

[TRADUCTION] Il fait peu de doute que bon nombre de nos patients sont victimes de discrimination et de harcèlement en ce qui a trait à l’emploi, au logement ou à d’autres aspects fondamentaux de leur vie¼ Je suis conscient que les motifs actuels (déficience, sexe, orientation sexuelle) ne s’appliquent pas à tous les cas. Par conséquent, il s’ensuit que l’ajout d’un nouveau motif de protection comme l’identité sexuelle répondrait mieux aux besoins de nos patients.

L’adoption de l’identité sexuelle comme motif illicite ne fera pas cesser les attaques, mais elle permettra de les atténuer, un peu comme ce qui s’est produit dans le cas de l’orientation sexuelle[57].

2) Éducation

L’incompréhension des enjeux auxquels font face les personnes transgenres ainsi que le manque de sensibilisation à ce sujet s’observent pratiquement dans tous les établissements, tous les secteurs et au sein de tous les organismes. Le public comprend très peu les distinctions entre les transsexuels, les travestis et les personnificateurs féminins. On comprend également mal les distinctions entre identité sexuelle et orientation sexuelle. Au sein des communautés gaie et lesbienne, avec laquelle on associe fréquemment les personnes transgenres, on constate également de profondes scissions politiques en ce qui concerne les enjeux propres à ces dernières.

La plupart des professionnels, y compris ceux de la santé, s’y connaissent peu dans le domaine de l’identité sexuelle. Les médias présentent également une image négative des personnes transgenres. Les consultations ont révélé bon nombre d’incidents de mauvais traitements, qui dénotent un manque de compréhension des enjeux touchant les personnes transgenres. Ceux-ci allaient du fait de ne pas s’adresser à la personne d’après le sexe dont elle se réclame aux menaces et au harcèlement, en passant par la peur de perdre son emploi ou son logement de même que de la discrimination de la part de fonctionnaires.

Le manque de sensibilisation entraîne des problèmes tels que l’accès aux services, la transition en milieu de travail, le fait de trouver ou de conserver un logement, la sécurité personnelle et le harcèlement. Il peut être également lié à la marginalisation des personnes transgenres et aux problèmes sociaux auxquels font face les personnes et les jeunes appartenant à cette catégorie lorsqu’il s’agit d’accepter leur identité. La marginalisation peut, à son tour, entraîner des problèmes comme la clochardise et l’obligation, en raison des circonstances, de travailler dans l’industrie du sexe afin de pouvoir se procurer les hormones nécessaires dans le cadre d’un autotraitement.

L’éducation à grande échelle du public sur les enjeux touchant les personnes transgenres est essentielle à la prévention à long terme de la violation des droits de la personne dont elles sont victimes. De nombreux «mythes sexuels» perpétuent les stéréotypes et donnent lieu à de la discrimination à l’égard des personnes transgenres. Les mythes sexuels les plus répandus assimilent l’identité transgenre à l’orientation sexuelle ou à la perception des personnes transgenres comme étant déséquilibrées et instables mentalement. Ces personnes déplorent également le fait que l’on ne fasse pas la distinction entre le sexe et l’identité sexuelle et la présomption que le fait de changer d’identité sexuelle n’est qu’une lubie ou un caprice et non une nécessité médicale. Ces mythes, joints au traitement des médias, présentent la vie des personnes transgenres sous un angle sensationnaliste.

Plusieurs personnes s’étant prêtées à une entrevue au sein de la communauté transgenre ont fait part de l’importance d’éduquer le public et les professionnels. Cela pourrait se faire concurremment avec la stratégie actuelle d’éducation du public et de communication de la Commission, par la promotion d’exemples positifs liés à l’identité sexuelle. Un autre moyen consiste à étudier la possibilité de modifier la Politique sur le harcèlement sexuel et les remarques et conduites inconvenantes liées au sexe et de rédiger une version de cette politique en langage clair en vue d’y offrir une définition élargie du terme «sexe» qui comprendrait l’identité sexuelle et les personnes transgenres.

3) Médicalisation de l’identité

Dans quelle mesure l’identification fondée sur le sexe est-elle une exigence raisonnable? Les formules de demande, les cartes d’identité et les formulaires gouvernementaux stipulent souvent l’identité sexuelle. Cependant, le Canadian Task Force for Transgendered Law Reform a fait la déclaration suivante :

[TRADUCTION] La pratique actuelle consistant à exiger qu’une personne indique son sexe sur les formules de demande de services privés ou publics ou sur d’autres formules ou demandes constitue une forme subtile de harcèlement qui touche tous les Canadiens et Canadiennes. Il n’est nullement nécessaire d’indiquer le sexe sur un permis de conduire, par exemple. Lorsque le sexe doit être indiqué, tous les Canadiens et toutes les Canadiennes devraient se voir offrir un troisième choix, leur permettant d’exprimer leur désir de ne pas être identifiés comme un homme ou une femme[58].

La Commission peut contribuer à encourager l’adoption d’une orientation non médicale et d’un système favorisant un équilibre entre les besoins légitimes des institutions en matière d’identification et la liberté d'auto-identification des personnes. Pour un transsexuel en phase préopératoire, un transgendériste ou une personne intersexuée, l’obligation de faire attester cette identité ou de la justifier de quelque autre façon par un avis médical crée un désavantage particulier. Le fait de changer la désignation du sexe sur les documents a des répercussions considérables, car la reconnaissance juridique constitue souvent une indication de l’acceptation sociale ou en est du moins un précurseur. Apporter des corrections à l’identité sexuelle sur les documents peut aider les personnes transgenres à vivre plus harmonieusement dans une société qui repose énormément sur la cueillette de renseignements personnels faisant souvent allusion au sexe des gens[59].

Par exemple, voici ce qu’indique, en Ontario, la Loi sur les statistiques de l’état civil [60] :

par. 36 (1) Si la structure anatomique du sexe d’une personne est changée et que son nouveau sexe n’est pas celui qui figure sur l’enregistrement de sa naissance, elle peut demander au registraire général de l’état civil qu’il change la désignation de son sexe de sorte que cette désignation soit conforme aux résultats de l’opération de changement de sexe.

(2) Les pièces suivantes sont annexées à la demande présentée en vertu du paragraphe (1) :
a) un certificat signé par un médecin dûment qualifié, habilité à exercer la médecine dans le territoire où l’opération de changement de sexe a eu lieu, qui atteste ce qui suit :
(i) il a pratiqué l’opération de changement de sexe sur le demandeur,
(ii) la désignation du sexe de l’auteur de la demande devrait être changée sur l’enregistrement de sa naissance à la suite de l’opération de changement de sexe;

  1. un certificat d’un médecin qui n’a pas pratiqué l’opération de changement de sexe, mais qui est qualifié et habilité à exercer la médecine au Canada, qui atteste de ce qui suit :

(i) il a examiné l’auteur de la demande,
(ii) les résultats de l’examen prouvent qu’une opération de changement de sexe a été pratiquée sur l’auteur de la demande,
(iii) la désignation du sexe de l’auteur de la demande devrait être changée sur l’enregistrement de sa naissance à la suite de l’opération de changement de sexe;
c) une preuve que le registraire général de l’état civil trouve satisfaisante en ce qui concerne l’identité de l’auteur de la demande.

Par conséquent, pour changer la désignation de sexe sur le certificat de naissance, il faut une lettre d’un médecin afin de s’assurer que le nouveau sexe de l’auteur de la demande est le résultat d’un changement chirurgical de sexe.

Les personnes consultées ont indiqué que la Loi sur le changement de nom[61] constitue une autre mesure législative importante, mais qu’elle n’était pas appliquée de façon cohérente. Il est intéressant de constater qu’il est plus facile de changer de prénom que de nom de famille, même avant le changement chirurgical de sexe. Le ministère de la Consommation et du Commerce confirme que les personnes transgenres peuvent changer leur prénom et leur nom de famille sans se heurter à des obstacles afférents au sexe[62].

Les règles administratives rendent plus difficile le changement de la désignation du sexe d’une personne sur son permis de conduire et sa carte santé à moins qu’elle n’ait déjà été changée sur le certificat de naissance. Les personnes transgenres ont généralement besoin de se procurer des documents médicaux afin de faire changer leurs cartes d’identité officielles de façon qu’elles correspondent à leur identité sexuelle perçue.

3) Assurance-santé;

En octobre 1998, on a modifié les règlements pris en application de la Loi sur l’assurance-santé[63] de façon que le changement chirurgical de sexe ne soit plus couvert. Le nouveau règlement comporte une clause d’antériorité en vertu de laquelle l’opération est couverte pour toutes les personnes qui avaient terminé le programme de la clinique d’identité sexuelle de l’Institut psychiatrique Clarke et auxquelles on avait recommandé une chirurgie au 1er octobre 1998.

Il est regrettable que l’opération ne soit plus couverte par l’Assurance-santé. La décision de subir un changement chirurgical de sexe ne se prend pas rapidement, pas plus que celle d’une clinique d’identité sexuelle d’approuver la chirurgie n’est un caprice médical. Pour certaines personnes, l’opération en question constitue souvent la dernière étape du processus leur permettant de réconcilier l’incompatibilité entre leur identité sexuelle perçue et leurs caractéristiques sexuelles anatomiques. La décision de subir une telle opération et l’évaluation afférente sont, pour certaines personnes, essentielles à leur identité et ne constituent pas une simple démarche liée à leur mode de vie. Nous espérons qu’en consultation avec les professionnels de la santé qui œuvrent dans ce domaine extrêmement complexe, le ministère de la Santé se ravisera.

Un nouvel examen des politiques d’Assurance-santé pourrait permettre d’établir si la pratique actuelle et les nouveaux règlements constituent une violation du Code. Cette pratique pourrait donner lieu à des plaintes fondées sur l’identité sexuelle, d’après l’interprétation que donne le Code du motif du «sexe». Par exemple, dans l’État de l’Iowa, un transsexuel en phase préopératoire s’est récemment vu accorder le droit de poursuivre l’État pour lui avoir refusé des prestations d’assurance-maladie en vue d’un changement chirurgical de sexe. L’une des questions à résoudre dans cette cause était celle de savoir si l’opération constituait ou non une nécessité médicale. La Cour a reconnu qu’il existe une question de fait quant à savoir si l’état des personnes chez qui on a diagnostiqué une dysphorie de genre, comme le demandeur, s’améliore à la suite de l’opération et si, par conséquent, le changement chirurgical de sexe constitue un traitement médicalement nécessaire (aucun jugement définitif n’a encore été rendu dans cette affaire)[64].

4) Services et installations

Les personnes consultées ont fait savoir que cette question représente pour elles une source importante de préoccupation. Les services et les installations qui pratiquent la ségrégation fondée sur le sexe présentent un problème d’ordre pratique évident pour les personnes transgenres, plus particulièrement :

  • (i) les toilettes, les vestiaires et les installations sportives ou communautaires où l’on pratique la ségrégation fondée sur le sexe;
  • (ii) les établissements où la ségrégation fondée sur le sexe est en vigueur, comme les installations correctionnelles;
  • (iii) les refuges pour femmes battues, pour transsexuels à conviction féminine victimes de violence.

Les services d’assurance, les soins hospitaliers, les services funéraires (dont on traite plus loin à la rubrique portant sur le droit de la famille), les magasins de vêtements et les restaurants créent des obstacles pour les personnes transgenres. Le refus d’offrir des installations et des services en raison de l’identité sexuelle constitue, à première vue, un cas de discrimination fondée sur le sexe. Il est possible que les installations où l’on pratique la ségrégation fondée sur le sexe créent des problèmes de discrimination indirecte et qu’elles soulèvent des questions litigieuses quant à l’adaptation aux besoins de ces personnes.

En ce qui a trait aux services et aux installations, les femmes de naissance comme les personnes transgenres soulèvent la question de sécurité publique et de décence. L’utilisation des toilettes, des installations ou des refuges réservés aux personnes de leur sexe biologique représente un risque potentiel pour la sécurité des personnes transgenres, car elles se trouvent ainsi exposées à d’éventuelles réactions transphobiques.

Le Code autorise la restriction de l’accès aux installations fondée sur le sexe, mais uniquement pour des raisons de décence :

par. 20 (1) Ne constitue pas une atteinte au droit, reconnu à l’article 1, à un traitement égal en matière de services et d’installations sans discrimination fondée sur le sexe le fait de restreindre ces services et ces installations à des personnes de même sexe pour des raisons de décence.

Les personnes transgenres devraient être acceptées dans les installations désignées à l’usage des personnes appartenant à leur sexe perçu. En pratique cependant, elles courent un risque de rejet ou de refus plus élevé lorsqu’elles utilisent ces installations.

La définition de «décence» dans le contexte des droits de la personne se doit d’être éclaircie en tenant compte du paragraphe 20 (1) du Code. Par exemple, l’indécence, l’outrage public à la pudeur ou l’obscénité, définis dans le Code criminel [65] du Canada, constitueraient vraisemblablement une infraction à cet égard. Il n’existe aucune raison liée à la décence d’interdire à une transsexuelle l’accès aux installations réservées à l’usage des femmes. L’utilisation d’installations réservées aux membres du sexe perçu d’une personne ne devrait pas constituer une violation de la loi en ce qui a trait à la décence. L’utilisation de ces installations ne devrait pas causer de problèmes à moins qu’il ne soit question de l’inobservation des normes de décence telles qu’elles sont définies plus haut.

Dans le cas des personnes transgenres en phase préopératoire et des transgendéristes, il peut arriver qu’un employeur ou un prestataire de services soit tenu de prendre leurs besoins en considération, à moins que l'employeur ou le prestataire de services ne puisse tenir compte des besoins sans subir lui-même un préjudice injustifié. Par exemple, cela peut vouloir dire de leur fournir une cabine privée munie de rideaux. Il n’est pas nécessaire que l’adaptation aux besoins des personnes transgenres soit difficile ou qu’elle cause des désagréments inutiles aux autres personnes, y compris celles qui ne font pas partie de la communauté transgenre.

i) Toilettes, vestiaires, installations sportives et communautaires

Les personnes transgenres à conviction féminine interrogées ont fait part de situations où on les avait empêchées d’utiliser les toilettes des femmes.

En ce qui concerne les installations sportives, l’une des participantes a souligné que le YWCA de Toronto avait pris des dispositions pour permettre aux transsexuelles (en phase préopératoire et postopératoire) d’utiliser les installations. Une participante d’une petite région urbaine a expliqué que les personnes transgenres et les transsexuelles utilisaient depuis longtemps le vestiaire des femmes au centre communautaire.

Les employeurs réagissent parfois à la transition de leur employé vers son sexe perçu en pratiquant la ségrégation des installations à tous égards. Par exemple, l’un des participants aux consultations a indiqué qu’un employeur avait pris des dispositions concernant l’utilisation de toilettes, mais que celles-ci étaient situées sur un chantier de construction éloigné du bâtiment principal. De telles mesures sont sources de préoccupations quant à la dignité et à la sécurité des personnes. La ségrégation totale équivaut souvent à une déclaration implicite de la part de l’employeur voulant qu’il n’offre pas son appui au transsexuel en transition. Cette attitude diffère complètement de celle d’un employeur coopératif qui fait preuve de respect envers la dignité de la personne en transition en éduquant le personnel sur les questions relatives à l’identité sexuelle.

ii) Établissements pratiquant la ségrégation sexuelle : établissements correctionnels et hôpitaux

Les établissements comme les hôpitaux et les prisons pratiquent habituellement la ségrégation des installations et des services en fonction du sexe. Cela présente des difficultés peu ordinaires en ce qui concerne l’adaptation aux besoins des personnes transgenres. Il se peut que ces personnes soient placées avec d’autres du sexe auquel elles ne s’identifient pas. Dans un récent jugement en droit criminel, un juge a recommandé aux autorités de placer le détenu, un homme de naissance en transition pour devenir une femme, dans une prison de femmes afin d’y purger sa peine[66].

Dans les établissements correctionnels, la ségrégation fondée sur le sexe est source de préoccupations pour les détenus transgenres, surtout lorsqu’il s’agit d’un transsexuel à conviction féminine en phase préopératoire. Le ministère des Services correctionnels n’a aucune politique écrite traitant de ce type de situation. Il peut arriver que les transsexuels à conviction féminine en phase préopératoire soient placés en isolement cellulaire, non pas parce qu’ils représentent une menace pour les autres, mais bien pour leur propre protection. Bien qu’il s’agisse là d’un désavantage systémique évident, on ne sait pas encore exactement quelles solutions de rechange adopter compte tenu de certaines questions de sécurité.

La pratique actuelle semble être de permettre aux transsexuels à conviction féminine en phase postopératoire de demeurer dans les établissements correctionnels pour femmes et, dans toutes les autres situations, de traiter les personnes transgenres au cas par cas. Cependant, à moins qu’elle n’ait subi un changement chirurgical de sexe complet, la personne sera placée en établissement selon son sexe biologique, mais dans un secteur séparé.

Un mémoire du PASAN adressé au Solliciteur général du Canada fait remarquer que le système correctionnel fédéral ne tient pas compte des besoins des personnes transgenres en ce qui a trait aux codes relatifs à la tenue vestimentaire, à l’hormonothérapie, à la possibilité de subir un changement chirurgical de sexe, aux risques plus élevés d’agression sexuelle ou au counselling spécialisé[67].

Dans Transsexuals within the Prison System: An International Survey of Correctional Services Polices[68], les auteurs ont étudié les résultats d’une enquête portant sur les politiques des établissements correctionnels relatives aux détenus transsexuels. Cette étude couvre l’Europe, l’Australie, le Canada et les États-Unis. En voici quelques résultats :

  • Sur 64 établissements correctionnels, 29 ont déclaré qu’ils permettraient la poursuite d’une hormonothérapie déjà entreprise, pourvu qu’elle ait été prescrite avant l’incarcération du détenu.
  • Soixante-deux d’entre eux ont indiqué que tous les détenus devaient porter les vêtements appropriés à l’établissement, sans égard au sexe perçu du détenu.
  • Cinquante-trois établissements on laissé savoir qu’ils n’envisageraient jamais de permettre un changement chirurgical de sexe, tandis que 11 ont indiqué qu’ils permettraient une telle opération dans certaines circonstances particulières. Par exemple, en vertu d’une ordonnance de la Cour ou advenant que le détenu puisse assumer lui-même les frais de l’opération.
  • Les perceptions sur le risque d’agression et d’agression sexuelle contre les détenus transsexuels sont partagées; certains estiment le risque plus élevé, tandis que d’autres ne le considèrent pas plus élevé que celui que courent les détenus qui ne sont pas transsexuels.

Cette étude souligne également ce qui suit :

[TRADUCTION] Des 64 services correctionnels qui ont répondu à l’enquête, seulement 20 p. 100 ont fait part d‘une quelconque politique officielle quant au logement et au traitement des transsexuels incarcérés, et encore 20 % ont fait part d’une politique officieuse. En soi, de tels pourcentages ne devraient pas étonner puisque les cas de transsexualisme sont assez peu nombreux dans la population. Cependant, vu la complexité du traitement à accorder à de tels détenus au sein de la population carcérale, il faut se poser des questions sur le manque de planification de politiques officielles.

iii) Accès aux refuges pour femmes battues pour les transsexuels à conviction féminine victimes de violence

Les participants aux consultations ont également manifesté certaines préoccupations à l’égard de l’exclusion des transsexuelles des refuges pour femmes battues. En 1995, une enquête effectuée auprès de plusieurs refuges a révélé qu’il n’existe pas de façon uniforme de traiter les transsexuelles. Certains refuges ont indiqué qu’ils n’en savaient pas suffisamment sur les transsexuelles pour être en mesure de discuter d’une politique sur l’acceptation de ces personnes chez eux. Certains refuges ont déclaré que la cliente doit s’identifier comme femme, tandis que d’autres ont indiqué que le changement chirurgical de sexe doit être achevé. Bon nombre de refuges n’ont tout simplement pas répondu[69].

En 1997, Siren Magazine[70], une publication de la communauté lesbienne de Toronto, faisait la déclaration suivante :

[TRADUCTION] Une récente étude portant sur les refuges pour femmes battues de la région de Toronto indique que, de tous ceux qui ont répondu à l’enquête, aucun n’avait adopté de politique écrite contre la discrimination fondée sur l’identité sexuelle. Le fait que seulement 5 des 20 refuges interrogés se soient donné la peine de répondre en dit long sur l’importance accordée aux problèmes des transsexuels et des personnes transgenres.

Au cours du processus de consultation, on a souligné que bon nombre des transsexuelles qui ont besoin d’aller dans un refuge sont pauvres. Ces femmes n’ont pas les moyens de payer les frais d’un changement chirurgical de sexe ou des traitements d’électrolyse et peuvent donc avoir une apparence masculine, bien qu’elles s’identifient comme femmes.

Du point de vue des droits de la personne, l’article 11 du Code, qui porte sur la discrimination indirecte, peut s’appliquer à la situation. Les transsexuelles se présentent comme des femmes et ne devraient pas être exclues des refuges à moins que les restrictions ne soient établies de façon raisonnable et de bonne foi et qu’il soit impossible de prendre leurs besoins en considération sans causer un préjudice injustifié, compte tenu du coût, des sources extérieures de financement et des exigences en matière de santé et de sécurité, le cas échéant.

Parmi les questions de sécurité pertinentes, les refuges ont fait part de leur souci légitime d’éviter de traumatiser leurs clientes ou de leur causer d’autres traumatismes. Ces préoccupations prennent naissance du fait que les pensionnaires des refuges ont été victimes d’actes de violence commis par des hommes (dont certaines à de nombreuses reprises) et les mettre ainsi en présence de transsexuelles en phase préopératoire pourrait déclencher un traumatisme. Il existe cependant des moyens de tenir compte des besoins des transsexuelles battues en leur attribuant certains locaux. On pourrait également éduquer le personnel, sensibiliser les pensionnaires du refuge et utiliser des chambres séparées.

5) Emploi

Cette rubrique s’applique au domaine social qu’est l’emploi, mais certains des principes pourraient également s’appliquer au logement et à l’hébergement, aux services en général ainsi qu’à la signature de contrats. Voici certains des enjeux importants liés à l’emploi.

a) Refus d’embaucher ou congédiement à la découverte de l’identité

Il peut arriver que des personnes transgenres perdent leur emploi au cours de leur période de transition. Exception faite des situations énoncées dans le Code où la discrimination fondée sur le sexe est permise, le fait de passer de son sexe biologique à son sexe perçu ne devrait pas être un motif de congédiement. Dans le même ordre d’idées, tout comme le Code interdit que la préférence du client entre dans la décision d'embaucher ou de congédier une personne, il interdit également de refuser d’embaucher une personne transgenre, de la congédier ou de lui refuser une promotion.

Dans un jugement récent rendu au Québec dans l’affaire M.L. et la Commission des droits de la personne, daté du 2 juillet 1998, la plaignante a affirmé que son contrat de travailleuse de rue auprès des jeunes avait pris fin par suite de son changement chirurgical de sexe. Le tribunal a conclu que le comportement de l’employeur avait été discriminatoire et qu’il s'agissait de discrimination fondée sur le sexe. Le raisonnement du défendeur au sujet du congédiement s’appuyait en partie sur ses préoccupations au sujet du travail de la plaignante auprès des jeunes. Cependant, le tribunal a souligné qu’à la suite de son congédiement, la plaignante est retournée voir les jeunes et les a informés de sa transsexualité. Elle affirme qu’ils l’ont très bien pris et qu’ils lui ont dit qu’ils étaient déjà au courant[71].

b) Obligation de tenir compte des besoins de la personne durant sa transition

L’obligation de tenir compte des besoins de la personne peut se présenter de deux façons. En premier lieu, elle peut être liée au sexe de la personne en vertu de l’article 11 du Code. De la même façon que l’on doit tenir compte des besoins des femmes enceintes sans qu’on les perçoive comme étant atteinte d’un «handicap», des raisons médicales ou autres peuvent amener une personne à demander qu’on tienne compte de ses besoins en vertu de l’article 11 du Code. En second lieu, il est possible qu’on ait diagnostiqué chez le plaignant un trouble de l’identité sexuelle et que celui-ci choisisse de déposer une plainte fondée sur un handicap. Dans ce cas, l’obligation de tenir compte des besoins de la personne est individualisée, conformément à l‘article 17 du Code, qui traite du handicap.

Comme nous l’avons mentionné plus haut, il est possible que la question de la ségrégation des installations et des services selon le sexe se pose pendant la période de transition et après. La personne devrait pouvoir utiliser les installations réservées au sexe auquel elle s’identifie. La ségrégation constitue rarement une mesure appropriée, à moins que la personne n’en fasse la demande expressément. Tout cela est dû au fait que la ségrégation pourrait renforcer les mythes selon lesquels le transgendérisme est «anormal», que les personnes transgenres devraient se tenir à distance ou qu’elles sont des objets de curiosité qu’il faudrait séparer du reste du monde. Dans certains cas, la personne en transition demande ou préfère utiliser une toilette séparée jusqu'à la fin de la période de transition. Cependant, si ces dispositions sont imposées à la personne et qu’elle ne les a pas demandées, elles pourraient porter atteinte à sa dignité.

La personne qui désire que l’on tienne compte de ses besoins doit indiquer les mesures qu’elle souhaite voir prendre. Par exemple, les employeurs devraient être informés de la durée de l’absence de la personne en raison de l’opération. Il est également possible de déterminer ces mesures au cours du processus de transition. Dans certains lieux de travail, où la personne a travaillé pendant longtemps comme un membre de l’autre sexe, il peut être utile et important que l’employeur sensibilise le personnel à la situation ou lui offre une formation en conséquence. Puisqu’il peut arriver que les demandes visant à tenir compte de ses besoins compromettent la vie privée de la personne transgenre, on ne devrait déployer d’efforts pour sensibiliser les autres qu’en la consultant.

c) Peur des représailles

Au cours des réunions de consultation avec des membres de la communauté transgenre, des personnes s’identifiant comme transsexuels et d'autres, comme travestis ont fait part de leurs préoccupations au sujet de représailles découlant de la divulgation de leur identité et de l’exercice de leurs droits. Le Code protège des représailles les personnes qui cherchent à revendiquer ou à faire valoir leurs droits en vertu de ses dispositions. Il protège également les gens qui soutiennent ou aident une personne transgenre et qui sont victimes de représailles.

6) Droit de la famille

a) Reconnaissance du mariage

À ce jour, les décisions judiciaires touchant les personnes transgenre n’ont pas été favorables. Par exemple, une transsexuelle qui vit avec son épouse peut être considérée comme vivant en concubinage homosexuel selon le sexe perçu de la transsexuelle. Du point de vue d’un homme qui devient une femme et demeure marié avec sa conjointe, il s’agit d’un mariage homosexuel. Les personnes transgenres mariées découvrent parfois que leur mariage se trouve annulé par leur transition vers leur sexe perçu. Dans certaines causes, on a statué que, si les deux parties sont du même sexe biologique, il ne peut y avoir de mariage légal[72]. D’une façon ou d’une autre, si les mariages homosexuels obtiennent la reconnaissance juridique, un grand pas aura peut-être été franchi vers la résolution de la question du mariage.

Les cliniques d’identité sexuelle exigent souvent que les époux divorcent, en partie pour des raisons liées à leur obligation d’aider la personne transgenre à effectuer sa transition. Si la personne transgenre conserve la même orientation sexuelle après la transition, l’union deviendra une relation homosexuelle. Certaines cliniques médicales déclarent qu’elles ne peuvent appuyer l’existence de mariages homosexuels, car ils ne sont pas légaux.

b) Garde des enfants et droits de visite avant et après l’opération

Un changement chirurgical de sexe se solde souvent par la dissolution du mariage et provoque également des différends au sujet de la garde des enfants et des droits de visite. Au cours des consultations, certains participants et participantes ont fait observer certaines prédispositions judiciaires défavorables à l’égard des parents transgenres en ce qui a trait à la garde des enfants ou aux droits de visite libre. Cependant, un tribunal de l’Ontario a statué en 1996 que l’identité transsexuelle d’une personne ne constituait pas un facteur à prendre en considération lorsqu’il s’agissait de trancher sur la garde des enfants[73].

c) Reconnaissance des droits parentaux

Dans une cause type britannique intéressante, un transsexuel à conviction masculine a subi un changement chirurgical de sexe. Il vivait en union libre et élevait deux enfants avec sa partenaire, qui était leur mère biologique. Cette cause portait en appel un jugement ayant rejeté la demande de l’appelant visant à être désigné comme le père juridique sur le certificat de naissance des enfants[74]. Un autre jugement de 1995 concernant les droits d’adoption de partenaires lesbiennes, dont l’une était la mère naturelle, pourrait servir de point de départ pour la reconnaissance des droits parentaux lorsque l’une des partenaires est la mère naturelle des enfants.

7) Recoupements et questions interculturelles

Les recoupements, ou de multiples formes de discrimination exercées en même temps, soulèvent des questions particulièrement importantes pour cette communauté déjà marginalisée.

Par exemple, le document de travail préliminaire du Réseau juridique canadien VIH/SIDA, publié en novembre 1998, souligne que les personnes transgenres font face à des enjeux particuliers lorsqu’elles sont atteintes du VIH/SIDA[75].

Certaines des personnes qui entreprennent leur transition demeurent mariées avec leur conjoint. Si une personne transgenre subit un changement de sexe complet, elle s’affichera alors également comme une lesbienne. Bien qu’on rapporte moins de cas de femmes-devenues-hommes, on note certains cas où la transition de femme à homme s’accompagne du processus d’affirmation de l’identité en tant qu’homosexuel. Il peut arriver que les personnes transgenres issues de minorités raciales et culturelles soient victimes de multiples formes de discrimination, tant de la part de la société en général que de leur propre communauté.


[53] Voir M.L. et Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec c. Maison des jeunes, Tribunal des droits de la personne du Québec, District de Montréal, Juge : hon. M. Rivet, Assesseurs : C. Gendreau et K. Hyppolite, 2 juillet 1998 p. 45. Les motifs invoqués dans cette cause sont ceux de «sexe« et d’«état civil». Voir également La Commission des droits de la personne c. Anglsberger (1982) 3 C.H.R.R. D/892. Le défendeur, un propriétaire de restaurant, a refusé de servir la plaignante. La Cour a statué que le défendeur n’avait pas fait la distinction entre des prostituées et la plaignante. Le défendeur a été reconnu coupable d’avoir violé l’article 10 de la Charte des droits et libertés du Québec parce qu’il avait refusé de reconnaître l’état civil de la plaignante, malgré le fait que celle-ci affichait toutes les caractéristiques d’une personne de sexe féminin.
[54] Voir Reid (1986), 56 R.O. (2e) 61 (Cour div. de l’Ont.).
[55] Voir la note 53.
[56] P c. S et Cornwall County Council, C.J.E.C. C-13/94.
[57] Voir la note 3.
[58] Voir la note 14.
[59] Voir M. Petersen. and R. Dickey, « Surgical Sex Reassignment: A Comparative Survey of International Centres », Archives of Sexual Behaviour, vol. 24, n°  2, Ontario, Plenum Publishing, 1995.
[60] Voir la note 33.
[61] Loi sur le changement de nom, L.R.O. 1990, chap. C-7
[62] Discussions téléphoniques avec Mme Antonia Schmidt, Bureau du registraire général de l’état civil, ministère de la Consommation et du Commerce (17 et 18 décembre 1998).
[63] Voir la note 39.
[64] A. S. Leonard, « Pre-Op Transsexual Wins Right to Seek Medicaid Funding for SRS », dans LESBIAN GAY LAW NOTES, Internet : <http://www.gender.org.gain>.
[65] Code criminel, L.R.C. 1985, chap. C-34.
[66] Voir la note 53.
[67] Voir la note 36.
[68] Voir M. Petersen et al., « Transsexuals within the Prison System: An International Survey of Correctional Services Polices », Behavioral Sciences and the Law, vol. 14, Toronto, Institut psychiatrique Clarke, 1996 pp. 219 à 229.
[69] M. Ross, « Investigating Women’s Shelters », Gendertrash n° 3, Hiver 1995.
[70] Voir Siren Magazine, avril/mai 1997, p. 8.
[71] Voir la note 53.
[72] Voir Corbett c. Corbett (1970) 2 All E.R. 33. Cette cause continue de faire jurisprudence, même au Canada. Dans l’affaire Corbett, la Chambre des Lords a statué qu’à des fins juridiques, y compris pour ce qui est de juger de la validité d’un mariage, le sexe est déterminé à la naissance, qu’il est lié à la composition chromosomique et qu’il ne peut être changé. Le mariage, dont l’un des époux était une personne transsexuelle, fut annulé pour ces raisons. Dans l’affaire M. c. M. (A) (1984) 42 R.F.C. (2d) 55, l'épouse, un transsexuel latent, a commencé à vivre en homme et comptait subir un changement chirurgical de sexe. À la demande du mari, le tribunal a ordonné l’annulation du mariage, soulignant que «la capacité d’avoir des relations hétérosexuelles naturelles constitue un élément essentiel au mariage». Dans une cause de droit de la famille plus récente, un tribunal de l’Ontario a refusé son appui à une personne transsexuelle qui vivait depuis plus de vingt ans avec une femme : B.c.A. (1990) 1 O.R. (3e) 569. La Cour a conclu que seul un changement radical et irréversible des organes reproducteurs d’une personne pouvait constituer un changement de sexe au sens de la Loi sur les statistiques de l’état civil. Dans l’affaire R. c. Owen (1995) 110 DLR (4e) 339, Owen, un homme biologique, a vécu en femme pendant 40 ans avec son compagnon. Au départ, Owen s’était vue accorder une rente à la mort de son compagnon. À la demande de la Couronne, le tribunal a révoqué cette rente, déclarant que, pour être considéré comme le conjoint de quelqu’un, une personne devait appartenir au sexe opposé.
[73] Voir la note 53. Voir également Morgan c. White Cour de l’Ont. (Div. gén.) Cour de la famille, London (Ontario) 26 avril 1996, O.J. n° 1510 répertorié dans QUICK LAW.
[74] X, Y ET Z c. ROYAUME-UNI, Cour européenne des droits de l’homme, 27 avril 1997 (75/1995/581/667) sur Internet : <http://www.pfc.org.uk/legal/xyzjudge.htm>.
[75] Voir Réseau juridique canadien VIH/SIDA, Questions juridiques, éthiques et de droits de la personne : où se dirige-t-on à partir d’ici – Planification pour 1998-2003. Un rapport de planification, novembre 1998.

 

Conclusion

Le juge Sopinka a un jour déclaré ce qui suit au sujet des lois sur les droits de la personne :

Elles constituent souvent le dernier recours de la personne désavantagée et de la personne privée de ses droits de représentation. Comme les lois sur les droits de la personne sont le dernier recours des membres les plus vulnérables de la société, les exceptions doivent s’interpréter restrictivement[75].

Il est permis de croire qu’il existe, dans notre société moderne, peu de groupes qui soient aussi désavantagés et privés de leurs droits que la communauté transgenre. La transphobie, de même que l’hostilité de la société à l’égard de l’existence même des personnes transgenres, constituent des enjeux fondamentaux sur le plan des droits de la personne. De par sa position unique, la Commission ontarienne des droits de la personne peut offrir une aide et un soutien concrets aux personnes transgenres et, à tout le moins, reconnaître leur différence et leur humanité.


[75] oir Zurich Insurance Co. c. Ontario (Commission des droits de la personne), [1992] 2 R.C.S. 321.


 

Annexe 1

Les renseignements qui suivent constituent un échantillon limité de la perception de l’«identité sexuelle» (et des termes connexes) dans différents pays.

États-Unis

La charte de la ville et du comté de San Francisco, intitulée City and County of San Francisco 1996 Charter, comprend, entre autres motifs, celui de l’«identité sexuelle». Cette charte est la loi fondamentale de la ville et du comté, à laquelle les ordonnances et les règlements relatifs aux affaires municipales doivent se conformer. La ville de San Francisco compte également un certain nombre d’ordonnances qui assurent la protection des personnes contre toute discrimination fondée sur l’identité sexuelle dans divers aspects des activités municipales. On en trouve un exemple dans l’Administrative Code Chapter 12B Nondiscrimination in Contracts HRC-12B-101 (4-97) qui oblige les entreprises qui se portent acquéreurs de biens immobiliers de l’administration municipale ou qui lui fournissent des produits et des services à s’engager à ne pas exercer de discrimination à l’égard de certains groupes particuliers pour des raisons particulières et à inclure une disposition semblable dans leurs contrats de sous-traitance et autres ententes.

Iowa City (Iowa) compte environ 63 000 habitants. La commission des droits de la personne d’Iowa City est responsable de l’application la Human Rights Ordinance, Title 2 (1995), Iowa City Municipal Code. La Human Rights Ordinance est la loi qui régit la discrimination dans cette ville. Cette loi donne à la commission des droits de la personne les pouvoirs nécessaires pour enquêter sur des allégations de discrimination dans les domaines de l’emploi, des opérations de crédit, de l’éducation, des installations publiques et du logement. La commission a pour mission d’éradiquer la discrimination à Iowa City, qu’elle soit fondée sur l’âge, la couleur, les croyances, le handicap, l’état civil, l’origine nationale, la race, la religion, l’orientation sexuelle ou l’identité sexuelle. Dans le domaine du logement, la discrimination fondée sur l’état matrimonial, la présence ou l’absence de personnes à charge ou le recours à l’aide sociale comme source de revenu est également interdite. Cette ordonnance définit l’«identité sexuelle» comme étant «les divers attributs individuels d’une personne, réels ou perçus, dans son comportement, sa pratique ou son apparence, assimilés au sexe masculin ou féminin». La commission des droits de la personne d’Iowa City compte les réalisations suivantes à son actif pour l’exercice 1997 :

  • 5. Elle a dispensé des séances de formation sur l’identité sexuelle aux employeurs ainsi qu’au service de police d’Iowa City, au bureau du shérif de Johnson County, au service de sécurité des campus et au service de police de Coralville.
  • 6. Elle a enregistré sur bande vidéo des entrevues avec des personnes participant à son documentaire sur l’identité sexuelle.
  • 9. Ses membres ont assisté à la National Transgender Conference afin de discuter de la protection de l’identité sexuelle en vertu de l’ordonnance sur les droits de la personne d’Iowa City.

Au Minnesota, les Minnesota Statutes 1998, Chapter 363 HUMAN RIGHTS Subd. 45. définissent l’orientation sexuelle comme «le fait d’être ou d’être perçu comme étant attaché à une autre personne sur le plan affectif, physique ou sexuel, sans égard à son sexe, d’avoir ou d’être perçu comme ayant une orientation dénotant un tel attachement, ou d’avoir ou d’être perçu comme ayant une image de soi ou une identité qui n’est pas liée de façon traditionnelle à la masculinité ou à la féminité biologique.» La loi comporte également un article stipulant que «rien dans ce chapitre ne saurait signifier que l’État du Minnesota admet l’homosexualité ou la bisexualité ou tout autre style de vie équivalent, ou qu’il autorise la reconnaissance des mariages ou du droit au mariage entre personnes du même sexe.»

À Pittsburgh (Pennsylvanie), le Pittsburgh Code of Ordinances, Title Six – Conduct\Article V: Chapter 651(Ord. 20-1992) traite de la discrimination. Cette ordonnance porte sur l’exercice des pouvoirs de la ville aux fins de protection de la sécurité publique et du bien-être général, du maintien de la paix et d’une saine gestion publique et de la promotion du commerce et des activités de fabrication dans la ville, en vue de garantir à toutes et à tous le droit et la possibilité de prendre part à la vie sociale, culturelle, récréative et économique de la ville et d’assurer à toutes et à tous des possibilités égales d’habiter des logements convenables, sans restrictions fondées sur la race, la couleur, la religion, l’ascendance, l’origine nationale, le lieu de naissance, le sexe, l’orientation sexuelle, l’état matrimonial, l’âge, le handicap ou le recours aux services d’un chien guide en raison de la cécité de la personne. En 1997, le motif de «sexe» a été défini de la façon suivante : «le sexe d’une personne, tel qu’il est perçu ou supposé par les autres, y compris les personnes qui changent leur identification sexuelle ou qui en ont changé». Il est intéressant de constater que cette ordonnance contient ce que l’on pourrait décrire comme une dénégation de responsabilité, c’est-à-dire : «Rien dans cet article ne saurait être interprété comme appuyant ou favorisant une doctrine, une position, un point de vue, un mode de vie ou une croyance religieuse en particulier. Au contraire, cet article vise à faire en sorte que toutes les personnes soient traitées de façon juste et équitable et à garantir expressément un traitement juste et équitable en vertu de la loi à tous les habitants de la ville.»

Royaume-Uni

En Grande-Bretagne, le règlement intitulé Sex Discrimination (Gender Reassignment) Regulations 1999, pris en application de la loi de 1975 sur la discrimination sexuelle (Sex Discrimination Act 1975) est entré en vigueur le 1er mai 1999. Ce règlement clarifie la loi en ce qui a trait au changement chirurgical de sexe. Il a pour effet d’introduire, dans la Sex Discrimination Act 1975, une disposition élargissant son sens en ce qui concerne l’emploi et la formation professionnelle, afin d’y inclure la discrimination fondée sur le changement de sexe. Ainsi, aux fins de l’emploi et de la formation professionnelle, la discrimination fondée sur l’identité sexuelle constitue une forme de discrimination fondée sur le sexe et contrevient à la Sex Discrimination Act (1975). Ce règlement reprend une décision de la Cour européenne de justice selon laquelle le congédiement d’un employé subissant un changement de sexe enfreint la directive européenne sur l’égalité de traitement. Le Royaume-Uni (de même que tous les États membres) est tenu de mettre en œuvre ces lois européennes.

Australie

En Australie, le comité juridique et constitutionnel sénatorial du parlement du Commonwealth (Commonwealth Parliament’s Senate Legal and Constitutional Committee) a mené une enquête sur la discrimination sexuelle par suite du dépôt du Sexuality Discrimination Bill (1995). Ce projet de loi propose de modifier la loi du Commonwealth en vue de protéger les personnes transgenres contre la discrimination. Bien que les lois antidiscrimination des États et des territoires aient prévu certaines dispositions et certaines formes de protection utiles, des discussions ont permis de déterminer la nécessité d’adopter, à l’échelle du Commonwealth, des mesures législatives qui permettraient à l’Australie de remplir formellement ses «obligations» internationales, qui instaureraient en Australie une norme primant sur les mesures législatives moins progressistes et qui, par leur exhaustivité, réduiraient au minimum la confusion et les dépenses. À ce jour, ce projet de loi n’a pas encore dépassé l’étape du comité.

La Nouvelle-Galles du Sud applique une seule loi, l’Anti-Discrimination Act 1977, qui interdit la discrimination fondée sur le sexe, la race, la diffamation raciale, l’âge, la retraite obligatoire, la grossesse, l’état civil, le transgendérisme, la diffamation des personnes transgenres, l’homosexualité, la diffamation des personnes homosexuelles, le handicap, la diffamation des personnes atteintes du VIH/SIDA ainsi que la discrimination fondée sur la parenté ou l’association. La Loi régit la discrimination exercée relativement à l’emploi, aux partenariats, aux syndicats, aux corporations professionnelles, aux agences de placement, à l’éducation, à l’accès aux lieux et aux véhicules, à la fourniture de produits et de services, à l’hébergement et aux clubs enregistrés.

La province de l’Australie-Méridionale a adopté l’Equal Opportunity Act 1984. Cette loi vise à promouvoir l’égalité des chances pour tous les habitants de cet État, à prévenir certaines formes de discrimination fondée sur le sexe, la sexualité, l’état civil, la grossesse, la race, l’âge ou un handicap d’ordre physique ou intellectuel et de faciliter la participation des habitants à la vie économique et sociale de la collectivité. Aux termes de la Loi, «sexualité» désigne l’hétérosexualité, l’homosexualité, la bisexualité ou la transsexualité et on y définit en outre un «transsexuel» comme étant une personne appartenant à un sexe qui adopte les caractéristiques de l’autre sexe.

Annexe 2

Glossaire de l’identité sexuelle

Le présent glossaire a été compilé par Transgender Nation, de San Francisco (Californie). Cet organisme est un groupe diversifié formé de personnes transgenres et non transgenres unies «dans la colère» et décidées à habiliter directement toutes les personnes transgenres par le biais d’une action politique directe.

à conviction féminine – homme qui devient une femme (qu’il s’agisse d’un travesti ou d’un transsexuel). Exemple : Christine Jorgensen. On dit également «à vocation féminine».

à conviction masculine – [1] femme qui devient un homme (qu’il s’agisse d’un travesti ou d’un transsexuel). Exemple : Billy Tipton. On dit également «à vocation masculine».

AHBDG – Association Harry Benjamin de la dysphorie de genre.

ancien transsexuel – selon certaines personnes [1] une fois qu’un transsexuel a complètement changé de sexe par voie chirurgicale, il n’est plus transsexuel. Cela contredit la définition n° 2 du terme «transsexuel». On pourrait arriver à un compromis en disant qu’un ancien transsexuel est [2] une personne qui a subi un changement chirurgical de sexe complet et qui ne veut plus être associée au milieu des transsexuels.

assignement sexuel – voir sexe biologique.

bisexué – personnes qui sentent que leur personnalité comporte à la fois un côté masculin et un côté féminin. Certaines personnes bisexuées se travestissent, tandis que d’autres deviennent transsexuelles et subissent un changement chirurgical de sexe. Christine Jorgensen n’était pas la première personne à subir une telle opération, mais elle fut la première à être connue pour l’avoir fait. La nouvelle de son opération en 1952 a donné espoir à de nombreux autres transsexuels du monde entier.

clinique d’identité sexuelle – clinique médicale offrant des services de santé aux transsexuels (au moins en ce qui a trait aux hormones et aux prescriptions d’hormones). Il peut également arriver qu’elles offrent des services de counselling. La chirurgie se pratique habituellement ailleurs.

dysphorie de genre – désigne littéralement le fait d’être malheureux d’être du sexe auquel on appartient (sur le plan physique et anatomique, avant de changer quoi que ce soit). Le syndrome de la dysphorie de genre est la même chose que le transsexualisme.
en transition – [1] en cours de transition. [2] synonyme de transsexuel incurable en phase préopératoire – tous les transsexuels ne pouvant espérer avoir accès aux techniques de changement de sexe, notamment ceux qui vivent dans les pays du Tiers Monde où les soins offerts en Occident ne sont pas accessibles, ainsi que tous les transsexuels qui ont vécu et qui sont morts avant 1952.

être lu(e) – synonyme d’être vue(e). Exemples : «On m’a lu(e) hier. J’espère que personne ne me lira aujourd’hui.»

être vu(e) – on dit que quelqu’un a été «vu» lorsqu’on détecte qu’il s’agit d’une personne transgenre, comme dans l’exemple suivant : un transsexuel à vocation féminine est en public et vit selon l’image féminine qu’il préfère, lorsque quelqu’un dit tout haut : «C’est un homme». Cette situation est à tout le moins gênante et au pire accablante. «Être lu(e)» est un synonyme et «passer», un antonyme.

femme-alibi – [1] principalement utilisé au sens historique pour désigner une femme vivant en homme sans être transgenre, dans le but de pouvoir accéder aux carrières et aux modes de vie à l’époque réservés aux hommes. [2] Certains personnages historiques qu’il serait aujourd’hui plus exact d’appeler transsexuels à conviction masculine sont parfois désignés comme des femmes-alibis

génétique – relatif à l’ensemble des gènes d’un individu, en mettant l’accent sur les chromosomes sexuels (xx chez la femme et xy chez l’homme).

Harry Benjamin, Dr – endocrinologue, sexologue et gérontologue, il fut l’un des premiers chercheurs dans le domaine du transsexualisme, Son livre, Le Phénomène transsexuel, publié en 1966, fut le premier ouvrage sérieux sur le sujet.

identité sexuelle – impression difficile à définir d’appartenir au sexe masculin ou féminin qui est habituellement en accord avec l’anatomie physique, mais qui peut parfois y être opposée. Il n’existe pas de consensus clair sur la façon dont se forme l’identité sexuelle, mais la plupart des théories actuelles affirment qu’elle se forme avant la naissance.

intersexué – né avec les organes génitaux (complets ou partiels) des deux sexes ou avec des organes génitaux sous-développés ou ambigus. Environ 4 p. 100 de tous les enfants naissent intersexués dans une certaine mesure. Ce terme remplace celui, plus péjoratif, «d’hermaphrodite».

irréversible – Aucun changement de sexe ne peut transformer quelqu’un complètement en une personne du sexe anatomique opposé. Un homme devenu femme ne pourra jamais porter d’enfant et une femme devenue homme ne pourra jamais en engendrer un. Bien que, strictement parlant, rien ne puisse empêcher un transsexuel opéré de revenir en arrière, les résultats ne seront pas les mêmes qu’avant le premier changement; la personne finit essentiellement par ressembler à un transsexuel postopératoire à conviction opposée. C’est ce qu’on entend par irréversible et c’est l’une des raisons pour lesquelles certains prestataires rendent les services aux transsexuels si difficiles à obtenir.

malaise lié à l’identité sexuelle – semblable à la dysphorie de genre, mais dans une moindre mesure. Le travestisme occasionnel suffit souvent à le soulager.

milieu non conformiste sexuel – désigne la communauté regroupant tous les travestis, les transsexuels et les autres non-conformistes sexuels et leurs lieux de rencontre.

non-conformiste sexuel – quiconque franchit la ligne séparant les deux sexes sans se soucier d’avoir l’air convaincant. Exemple: un homme qui s’habille en femme, qui a l’air d’un homme habillé en femme et qui se fiche d’avoir l’air d’un homme habillé en femme. Les travelos constituent le principal groupe dans cette catégorie.

Normes de soins – [1] ensemble de lignes directrices établies par l’AHBDG sur la disponibilité des services offerts aux transsexuels. Ces lignes directrices visent à rendre la tâche difficile aux transsexuels qui cherchent à subir un changement de sexe, sous prétexte que seules les personnes les plus qualifiées et les plus tenaces devraient pouvoir aller de l’avant Certains trouvent ces critères trop restrictifs. [2] La Transgender Law Conference a publié d’autres normes de soins qui ne consistent, à toute fin utile, qu’à signer une formule de consentement éclairé.

nouvel homme – [1] transsexuel à conviction masculine en phase postopératoire. Désigne également parfois [2] un transsexuel à conviction masculine dont la transition est avancée.

nouvelle femme – [1] transsexuel à conviction féminine en phase postopératoire. Utilisé pour la première fois en 1952 dans un article de journal pour parler de Christine Jorgensen. Désigne également parfois [2] un transsexuel à conviction féminine dont la transition est avancée.

œstrogène – hormone sexuelle femelle. En réalité, cette hormone est présente tant chez les hommes que chez les femmes, mais les femmes en produisent beaucoup plus. L’œstrogène peut s’administrer sous forme de pilules et d’injections.

passer – désigne le fait de vivre selon l’image du sexe que l’on préfère, de façon convaincante. Par exemple, un travesti à conviction masculine qui a l’air d’un homme et non d’une femme.

postopératoire – transsexuel qui a subi une ou plusieurs opération(s) dans le but de changer de sexe et qui est maintenant doté de l’anatomie désirée.

préopératoire – transsexuel qui n’a pas encore subi de changement chirurgical de sexe, mais qui s’y prépare.

Réassignement sexuel chirurgical –changement chirurgical de sexe.

Services de santé aux transsexuels – les hormones et le changement chirurgical de sexe constituent les services essentiels. Bon nombre de transsexuels croient que le counselling n’est pas essentiel, mais que ceux qui en ont besoin devraient pouvoir y avoir recours.

sexe (ou genre) – il existe peut-être cinq grandes catégories de sexe : [1] l’anatomie physique ou les organes génitaux, [2] les caractères sexuels secondaires qui se développent au moment de la puberté et plus tard, [3] les choix en matière de mode, [4] la démarche et le comportement et [5] l’esprit, y compris l’identité sexuelle. Il faut parfois indiquer clairement de quelle catégorie on parle.

sexe biologique – sexe auquel une personne est identifiée à la naissance, en raison de la présence de tels ou tels organes génitaux externes. Une fois le sexe biologique déterminé, il devient une étiquette que l’on accole à l’enfant pour l’élever selon l’image associée à un sexe ou l’autre.

sympathique – organisme ou établissement qui accepte les personnes transgenres et tient compte de leurs besoins. Antonyme : transphobique.

testostérone – hormone sexuelle mâle. En réalité, cette hormone est présente tant chez les femmes que chez les hommes, mais les hommes en produisent beaucoup plus. La testostérone est nécessaire aux pulsions sexuelles. Puisque cette hormone est détruite par l’acide gastrique, les doses supplémentaires sont administrées la plupart du temps sous forme d’injections.

transgendériste – voir la définition [1] de transgenre. Ceux qui veulent parler des personnes décrites à la définition [1] de transgenre sont maintenant portés à utiliser transgendériste pour éviter la confusion.

transgenre – à l’origine, ce terme désignait [1] les personnes aussi connues comme travestis à temps plein ou transsexuels non opérés, des gens qui vivent et travaillent en permanence comme des personnes du sexe opposé (à leur anatomie physique). De nos jours, ce terme comprend également [2] toutes les personnes enclines à franchir la ligne séparant les sexes, y compris les transsexuels, les travestis et les non-conformistes sexuels. Il s’agit du principal usage de ce terme qui englobe tout le monde. Certaines personnes utilisent ce terme comme [3] synonyme de transsexuel.

transition – processus de changement de sexe qui comprend l’hormonothérapie, le travestisme et enfin la chirurgie. La durée minimale de ce processus est de deux ans, mais il dure habituellement plus longtemps, parfois beaucoup plus longtemps.

transphobie/transphobique – peur et haine injustifiées des travestis, des transsexuels et des non-conformistes sexuels ainsi que de leurs activités, et tout ce qui en découle, du manque de respect au refus de reconnaître leurs droits et leurs besoins, en passant par la violence.

transsexuel – transexuel à conviction masculine.

transsexuelle – transexuel à conviction féminine.

transsexuels (T*) – personnes qui [I] veulent subir, [2] ont subi ou [3] devraient subir un changement chirurgical de sexe. La troisième définition s’applique aux personnes qui refusent d’accepter leur situation. Ce terme désigne également [4] les transsexuels non opérés. Les transsexuels veulent avoir l’air convaincant sous leur nouvelle identité. Le Dr Harry Benjamin fut le premier chercheur sérieux dans ce domaine.

transsexuel fabriqué – certains bébés naissent avec les organes sexuels (complets ou partiels) des deux sexes ou avec des organes sexuels sous-développés ou ambigus (voir «intersexué»). Le médecin décide habituellement du sexe du bébé et procède à une chirurgie correctrice sans même consulter les parents ou obtenir leur approbation. Certains de ces bébés grandissent en se disant : «Ils m’ont enlevé ce que j’aurais voulu garder et m’ont laissé des organes dont je ne veux pas». Ces personnes sont des transsexuels fabriqués.

transsexuel non opéré – transsexuel qui change de sexe au moyen d’hormones et qui vit comme une personne du sexe opposé, mais qui ne subit pas d’opération. Certaines personnes [1] ont des inquiétudes au sujet de cette chirurgie importante, qui ne réussit pas toujours. D’autres [2] n’ont pas pu obtenir les sommes nécessaires à l’opération et ont à toute fin utile renoncé à cette dernière étape. D’autres encore [3] se sentent des personnes à part entière sans opération et font partie de la catégorie décrite à la définition n° 1 de transgenre. Enfin, d’autres [4] ne peuvent subir l’opération en raison de problèmes de santé particuliers, comme le SIDA.

travesti – personne qui porte de temps à autre des vêtements du sexe opposé (à son sexe physique anatomique) dans le but de soulager un malaise lié à l’identité sexuelle. Les travestis cherchent à avoir l’air le plus convaincant possible sous leur autre identité. Bon nombre d’entre eux sont des hommes qui aiment s’habiller en femme et qui sont mariés à des femmes de naissance.

travesti à temps plein – voir la définition [1] de transgenre.

vrai transsexuel – [1] personne qui sera heureuse d’appartenir au sexe opposé pour le reste de sa vie et qui ne regrettera pas d’être passée par le processus de transition, contrairement à quelqu’un pour qui un changement de sexe ne serait qu’une fantaisie passagère. [2] Quiconque veut subir un changement chirurgical de sexe doit convaincre le médecin qu’il est bien un vrai transsexuel, ce qui peut parfois être difficile