2. Protections prévues dans le Code pour la grossesse et l’allaitement

La Cour suprême du Canada a reconnu que la grossesse était indissociable du sexe. Elle affirme : «  La discrimination fondée sur la grossesse est une forme de discrimination fondée sur le sexe à cause de la réalité biologique que seules les femmes ont la possibilité de devenir enceintes[8]. »  Selon le paragraphe 10 (2) du Code : « Le droit à un traitement égal sans discrimination fondée sur le sexe inclut le droit à un traitement égal sans discrimination fondée sur le fait qu’une femme est enceinte ou peut le devenir. »

La notion de « grossesse » inclut la période où la femme tente de devenir enceinte, la période allant de la conception à l’accouchement, la période suivant l’accouchement et la période d’allaitement[9]. Elle vise aussi la discrimination contre une femme fondée sur le fait qu’elle est en âge d’enfanter et qu’elle peut tomber enceinte[10]. Le terme « grossesse » tient compte des circonstances et des besoins particuliers d’une femme enceinte et reconnaît que l’expérience varie d’une femme à l’autre.

La discrimination fondée sur la grossesse ou l’allaitement inclut la discrimination du fait qu’une femme :

  • tente de devenir enceinte, a été enceinte ou dit vouloir avoir un enfant 
  • prendra un congé de maternité[11]
  • a un avortement ou des complications liées à un avortement[12]
  • a une fausse-couche (ou donne naissance à un bébé mort-né)[13] ou présente des complications liées à une fausse-couche (ou à une mortinaissance)[14]
  • présente des complications liées à une grossesse[15] ou un accouchement
  • manque d’énergie en raison d’une grossesse[16]
  • subit des transformations de son apparence durant la grossesse, comme une prise de poids qui lui donne un surpoids ou l’empêche de porter un uniforme ajusté[17]
  • se rétablit d’un accouchement[18]
  • subit des traitements contre l’infertilité 
  • allaite.

Comme il est indiqué ci-dessus, la grossesse comprend la période postnatale, qui inclut l’allaitement. L’allaitement fait partie intégrante de la protection accordée en matière de sexe et de l’état familial. De nombreuses études ont démontré les bienfaits de l’allaitement pour les mères, les enfants et la collectivité, en matière de santé physique et émotionnelle et de développement[19]. Les femmes qui ont choisi d’allaiter leurs enfants ne devraient pas subir de préjudice en matière de services, de logement ou d’emploi. De même, celles qui ont choisi de ne pas allaiter ne devraient pas être harcelées ou faire l’objet d’un traitement négatif parce qu’elles ont fait ce choix. Aux fins de la présente politique, la discrimination fondée sur la grossesse inclut la discrimination fondée sur l’allaitement.

L’allaitement maternel comprend le pompage et l’extraction du lait ainsi que l’allaitement direct au sein. Les femmes choisissent d’allaiter pendant la période qui leur convient. Elles ne devraient pas faire l’objet de commentaires ou de traitements négatifs parce que, par exemple, elles choisissent d’allaiter un enfant plus âgé[20].

Il arrive parfois que des femmes soient dissuadées d’allaiter dans des lieux publics parce que certaines personnes croient qu’il s’agit d’un acte indécent. Pourtant, l’allaitement maternel est une question de santé et non pas de bonnes mœurs. Les femmes devraient pouvoir choisir de nourrir leurs bébés de la manière qu’elles jugent la plus digne, la plus confortable et la plus saine.


[8] Brooks, supra, note 4, à 1242.

[9] La durée de la période de rétablissement après l’accouchement couverte par le Code des droits de la personne dépend des circonstances de la mère : Alberta Hospital Association v.Parcels (1992), 17 C.H.R.R. D/167 (Alta.Q.B.); Parcels c. Red Deer General & Auxiliary Hospital Nursing Home (Dist. No. 15) (1991), 15 C.H.R.R. D/257 (Alta. Bd. of Inq.).

[10] Dans Wiens v. Inco Metals Co. (1988), 9 C.H.R.R. D/4795 (Ont. Bd. Inq.), l’employeur a refusé d’employer des femmes en âge d’enfanter dans une zone de son usine qui présentait un risque d’émissions accidentelles de gaz tétracarbonylnickel, susceptibles de faire du mal au fœtus. La commission d’enquête a conclu que cette politique était discriminatoire, qu’elle limitait les possibilités pour toutes les femmes pouvant devenir enceintes et qu’un fœtus pouvait être bien protégé d’autres façons. 

[11] Dans Charbonneau v. Atelier Salon & Spa, 2010 HRTO 1736 (CanLII), au par. 12, la CODP a indiqué : « Les congés de maternité sont si directement liés à la grossesse et à l’accouchement que le fait de réserver un traitement différent à une femme parce qu’elle compte prendre un congé de maternité constitue de la discrimination fondée sur le sexe ».

[12]Chohan v. Dr. Gary W. Lunn Inc., 2009 BCHRT 448 (CanLII).

[13] Dans une affaire présentée devant le tribunal des droits de la personne de la Colombie-Britannique, Tilsley v. Subway Sandwiches (2001), 39 C.H.R.R. D/102 (B.C.H.R.T.), une femme a été congédiée pour avoir manqué le travail tandis qu’elle était à l’hôpital en raison d’une fausse-couche. Le tribunal a conclu qu’une discrimination fondée sur une fausse-couche était une forme de discrimination fondée sur le sexe et que l’employeur avait la responsabilité de tenir compte de la grossesse de la femme, qui comprenait sa fausse-couche, jusqu’au point de préjudice injustifié.

[14]Osvald v. Videocomm Technologies Inc. (No. 1), 2010 HRTO 770 (CanLII); Ford v. Adriatic Bakery, 2010 HRTO 296 (CanLII). Dans Ford, le TDPO a rejeté l’argument d’un employeur selon lequel une femme congédiée après avoir fait une fausse-couche ne pouvait pas avoir fait l’objet de discrimination fondée sur la grossesse puisqu’elle n’était plus enceinte au moment de perdre son emploi.  Le TDPO a corroboré la Politique concernant la discrimination liée à la grossesse et à l’allaitement maternel (politique de 2008) en confirmant que la discrimination et le harcèlement fondés sur la grossesse incluent  la discrimination et le harcèlement fondés sur les complications d’une grossesse, dont l’interruption de la grossesse.

[15]Ford, idem. Le TDPO n’exige pas qu’une femme fournisse des preuves médicales à l’appui du fait que les problèmes physiques qui coïncident avec une grossesse sont causés par la grossesse.  Voir Purres  v. London Athletic Club (South) Inc., 2012 HRTO 1758 (CanLII), au par. 4. Cela est conforme à la politique de 2008 qui stipule que : « Les femmes enceintes ne devraient pas être obligées de produire des documents sur des changements qui se produisent normalement dans n’importe quelle grossesse, comme le besoin d’aller plus souvent aux toilettes ou l’incapacité de rester debout pendant de longues périodes vers la fin de la grossesse ou encore le besoin de se rendre à des rendez-vous médicaux réguliers. »

[16]Gilmar c. Alexis Nakota Sioux Nation Board of Education, 2009 TCDP 34 (CanLII).

[17] Dans Peart v. Distinct HealthCare Services Inc., 2013 HRTO 305 (CanLII), le TDPO a conclu que l’employeur se préoccupait de la façon dont s’habillait la plaignante durant sa grossesse et a offert de lui acheter des vêtements de maternité.  De plus, un gérant a fait remarquer que la plaignante avait l’air « grosse », laissant entendre qu’elle devrait devancer son congé de maternité.  Par conséquent, le TDPO a déterminé que l’apparence de la plaignante et les vêtements qu’elle portait durant sa grossesse avaient joué un rôle dans son congédiement. Dans Shinozaki v. Hotlomi Spa, 2013 HRTO 1027 (CanLII), l’employeur a fait plusieurs remarques désobligeantes à propos de l’apparence et de l’attrait physique de la plaignante durant sa grossesse.  Les stéréotypes de l’employeur à l’égard de la femme enceinte avaient entraîné une réduction des heures de travail et du nombre de clients de la plaignante, et son congédiement éventuel. Voir aussi l’affaire McKenna v. Local Heroes Stittsville, 2013 HRTO 1117 (CanLII), dans le cadre de laquelle les quarts de travail d’une plaignante avaient été réduits après qu’elle a fait part de préoccupations à l’idée de porter un uniforme ajusté en raison de sa grossesse apparente. Le TDPO a conclu que l’intimé voulait modifier la marque de commerce de son bar sportif en mettant l’accent sur l’attrait sexuel de son personnel, et que la grossesse visible de la plaignante nuisait à ses efforts en ce sens.

[18] La « grossesse » s’étend au-delà de la date d’accouchement et de la période de rétablissement, qui est comprise dans sa définition traditionnelle. Sa durée varie suivant les circonstances de la mère. Voir aussi Parcels, supra, note 9.

[19] Voir, par exemple, Bernardo L. Horta et coll., Evidence of the long-term effects of breastfeeding : Systematic reviews and meta-analyses, 2007. Accessible en ligne à l’adresse : Organisation mondiale de la Santé whqlibdoc.who.int/publications/2007/9789241595230_eng.pdf; Santé de la mère, du nouveau-né, de l’enfant et de l’adolescent : Allaitement maternel. Accessible en ligne à l’adresse : Organisation mondiale de la Santé http://www.who.int/maternal_child_adolescent/topics/child/nutrition/breastfeeding/fr/ (consulté le 12 juin 2014).

[20] Précisons que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) recommande que les bébés soient exclusivement allaités les six premiers mois de leur vie et qu’ils continuent à téter pendant qu’ils reçoivent des aliments complémentaires jusqu’à l’âge de deux ans et au-delà.  Pour de plus amples renseignements, voir Organisation mondiale de la Santé, Allaitement. Accessible en ligne à l’adresse : Organisation mondiale de la Santé http://www.who.int/topics/breastfeeding/fr/ (consulté le 1er mai 2014). La version intégrale de l’Innocenti Declaration on the Promotion, Protection and Support of Breastfeeding, adoptée par les participants à la rencontre des décideurs de l’OMS/UNICEF intitulée Breastfeeding in the 1990s: A Global Initiative, peut être consultée à l’adresse : www.unicef.org/programme/breastfeeding/innocenti.htm