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Rapport sur les conditions de détention au Centre de détention du Sud de Toronto

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Le présent rapport résume les conclusions et les préoccupations relatives aux droits de la personne de la Commission ontarienne des droits de la personne (CODP) concernant les conditions de détention au Centre de détention du Sud de Toronto (CDST).

La CODP visite les prisons et les centres correctionnels de l’Ontario depuis 2016, dans le cadre de la surveillance des ententes de règlement et des ordonnances rendues dans l’affaire Jahn v. Ministry of Community Safety and Correctional Services (ci-après Jahn). En vertu de l’article 29 du Code des droits de la personne de l’Ontario (ci-après le Code), la CODP peut également procéder à des examens et à des enquêtes, ainsi que faire des recommandations en ce qui concerne les situations de tension ou de conflit dans une collectivité, et faire rapport à la population ontarienne sur la situation des droits de la personne.

Le présent rapport se fonde sur plusieurs éléments :

  • visites de l’établissement le 27 janvier et le 13 février 2020
  • échanges avec le chef d’établissement et les hauts responsables du CDST
  • échanges avec la direction du ministère du Solliciteur général (SOLGEN), y compris la sous-solliciteure générale (Services correctionnels), la sous-ministre adjointe (Services en établissement) et le directeur régional des services en établissement, région de Toronto
  • examen de documents de source primaire et de renseignements reçus de la part du SOLGEN, notamment des documents relatifs à l’isolement, des registres et des manuels
  • entrevues et communications écrites privées avec environ 75 détenus
  • échanges avec des membres actuels du Conseil consultatif communautaire (CCC) du CDST
  • décisions pertinentes des cours de justice et des tribunaux

La CODP est consciente de l’attention particulière qui a été portée par le système judiciaire et par les médias aux conditions de détention au CDST. Elle reconnaît que la direction et le personnel font des efforts de bonne foi pour remédier à certains des problèmes mis en avant. L’intention de la CODP n’est pas d’avoir une incidence négative sur le moral des membres du personnel, ni de discréditer ces efforts en aucune manière. La CODP espère au contraire que le présent rapport mettra en lumière les problèmes systémiques juridiques, opérationnels et relatifs aux politiques que le SOLGEN doit résoudre afin de soutenir de façon appropriée l’action menée par la direction de l’établissement pour respecter les droits de la personne des détenus.

Veuillez noter que compte tenu du calendrier et du champ initial de l’enquête de la CODP, le présent rapport ne traite pas des mesures prises par le SOLGEN en réaction à la pandémie de COVID-19. Il donne néanmoins quelques indications sur les défis systémiques qui existent concernant la gestion de la pandémie au CDST. En particulier, le CDST se trouve, à certains égards, dans une meilleure situation que de nombreux autres établissements correctionnels en Ontario pour appliquer des mesures de santé publique telles que la distanciation sociale et l’isolement social, car il fonctionne en dessous de sa capacité. Cela le distingue de la plupart des autres prisons de la province que la CODP a visitées, qui pratiquent la double ou la triple occupation des cellules.

 

Principales conclusions

  1. La direction et le personnel de première ligne ont recours régulièrement à l’isolement, à la détention restrictive, au confinement cellulaire et aux sanctions imposant du « temps en cellule », qui soulèvent des questions importantes relatives aux droits de la personne.

D’après les données reçues par la CODP, la direction et le personnel de première ligne du CDST ont recours régulièrement à l’isolement, à la détention restrictive, au confinement cellulaire et aux sanctions imposant du « temps en cellule » pour gérer la population carcérale, ce qui soulève des questions importantes relatives aux droits de la personne.

Premièrement, compte tenu de la proportion élevée de détenus autochtones et noirs au CDST, et de la prévalence élevée des troubles mentaux et des dépendances chez la population de la province en détention provisoire, la CODP se préoccupe du fait que des groupes protégés en vertu du Code subissent de façon disproportionnée l’incidence négative du recours régulier par le CDST au confinement cellulaire, à l’isolement, à la détention restrictive et aux « sanctions ».

Deuxièmement, la CODP s’inquiète de ce que l’isolement, qui est actuellement assujetti à des limites et à une surveillance strictes, soit progressivement remplacé par des pratiques correctionnelles qui donnent lieu à des conditions de détention essentiellement similaires, sans les protections associées définies par la loi et par les politiques. Ces pratiques incluent le confinement cellulaire, la détention restrictive et l’imposition de « temps en cellule » en guise de sanction. Cela est d’autant plus problématique que rien ne semble indiquer que les graves préjudices liés à l’isolement cellulaire sont atténués selon la manière dont le placement est désigné, classé ou justifié.

Troisièmement, le recours fréquent au confinement cellulaire, à l’isolement et à la détention restrictive, ainsi que l’imposition de sanctions arbitraires qui donnent lieu à des privations de liberté significatives, soulèvent des questions importantes sur le plan des droits de la personne en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés. Ces pratiques pourraient avoir une incidence sur diverses protections, notamment le droit à la liberté et à la sécurité de la personne (article 7), le droit à la protection contre la détention ou l’emprisonnement arbitraires (article 9), le droit à la protection contre tous traitements ou peines cruels et inusités (article 12) et le droit à l’égalité (article 15).

Le SOLGEN a connaissance depuis de nombreuses années des problèmes liés aux droits de la personne associés à son recours excessif à l’isolement, à la détention restrictive et au confinement cellulaire. La CODP a porté des litiges en la matière devant les cours de justice et les tribunaux, et a fait part de ces préoccupations dans des lettres mettant en avant les conclusions de visites d’autres établissements correctionnels en Ontario. Ces préoccupations ont également été mentionnées lors du précédent Examen indépendant des services correctionnels de l’Ontario, par l’Ombudsman, par la vérificatrice générale, par les cours de justice et les tribunaux, ainsi que par les médias. La CODP et de nombreuses autres instances ont formulé diverses recommandations au fil des années pour aider le SOLGEN à remédier à ces problèmes liés aux droits de la personne, mais les progrès ont été négligeables.

  1. Les détenus sont confrontés à des difficultés systémiques pour maintenir des liens avec leur famille et avec la collectivité, ce qui a une incidence négative plus marquée sur les détenus ayant des responsabilités d’aidant.

Les détenus au CDST sont confrontés à des difficultés systémiques pour maintenir des liens avec leur famille et avec la collectivité en raison de plusieurs pratiques de l’établissement :

  • il privilégie les visites par vidéoconférence par rapport aux visites en personne
  • il utilise les visites en personne pour récompenser les bonnes conduites et il refuse les visites pour sanctionner des comportements ne relevant pas de la mauvaise conduite
  • il annule les visites au cours des confinements cellulaires fréquents
  • il exige que les détenus fassent des appels à frais virés et il limite leur capacité de joindre des téléphones cellulaires

Ces difficultés systémiques concernent tous les détenus, mais ont une incidence négative disproportionnée sur les détenus qui ont des responsabilités d’aidant, protégés en vertu du Code.

  1. Il existe des préoccupations de santé publique liées aux changements peu fréquents du linge de lit et des vêtements, et aux épidémies de gale.
  2. Le SOLGEN a pris des mesures positives pour répondre aux besoins en matière de croyance des détenus autochtones en mettant en place une « unité de ressourcement pour les Autochtones », et en s’engageant à fournir les services d’un aîné autochtone. La CODP encourage le SOLGEN à veiller également à ce que les détenus au CDST puissent être régulièrement en contact avec un imam musulman.
  3. Le SOLGEN doit continuer à travailler en collaboration avec le Conseil consultatif communautaire du CDST, qui a un mandat conféré par la loi d’améliorer la surveillance, le contrôle et la responsabilisation.

 

À propos du Centre de détention du Sud de Toronto

Le Centre de détention du Sud de Toronto (CDST) accueille des hommes, ainsi que quelques personnes trans, qui sont en détention provisoire ou qui comparaissent devant les tribunaux de Toronto. Le CDST est un établissement de sécurité maximale qui a recours à différentes mesures de sécurité, notamment un système de télévision en circuit fermé, et des systèmes de détection des métaux et de scanner corporel à rayons X. Les personnes détenues au CDST ne sont pas incarcérées à la suite d’une condamnation au criminel, et demeurent légalement innocentes.

L’établissement a une capacité opérationnelle de 1 698 lits. À la date du 15 janvier 2020, le CDST fonctionnait en dessous de sa capacité, avec un total de 1 138 détenus. Cela distingue le CDST d’autres établissements ontariens que la CODP a visités, qui pratiquent souvent la double ou la triple occupation des cellules. Selon les renseignements communiqués à la CODP, le CDST reste sous-exploité en raison d’une pénurie chronique de personnel.

Les populations noires et autochtones sont surreprésentées au CDST, comme dans l’ensemble du système de justice pénale. Bien qu’elles ne représentent respectivement que 8 et 1 p. 100 de la population de Toronto, la population noire représente environ 24,3 p. 100 de l’ensemble des admissions au CDST en 2019, et la population autochtone représente 4,7 p. 100.

Le CDST se compose de trois tours (A, B, C), comptant chacune trois étages (1, 2, 3) et comportant plusieurs types de cellules ou « unités résidentielles » :

  • Admission (sept unités)
  • Surveillance directe (24 unités)
  • Surveillance directe médicale
  • Soins comportementaux
  • Santé mentale
  • Soins spéciaux (deux unités)
  • Détention spéciale
  • Isolement (deux unités)
  • Infirmerie

Le CDST applique un modèle de surveillance directe dans certaines de ses unités résidentielles destinées à la population carcérale générale. Selon le SOLGEN, la surveillance directe consiste à placer des agents des services correctionnels dans les aires résidentielles des détenus afin d’interagir étroitement avec ceux-ci. Le SOLGEN souligne que des recherches approfondies ont déterminé que la surveillance directe, lorsqu’elle est mise en œuvre de façon appropriée, permet aux agents des services correctionnels de repérer les conflits avant qu’ils ne s’aggravent [en gras dans l’original].

La surveillance directe produit systématiquement les effets suivants :

  • diminution des agressions entre détenus, et commises par les détenus à l’encontre du personnel
  • réduction de l’incidence de suicide
  • réduction des incidents graves, tels que le désordre et le vandalisme
  • réduction du besoin pour les détenus de fabriquer et de porter des armes
  • création d’un environnement social amélioré et plus normalisé
  • établissement d’un cadre dans lequel les programmes de réadaptation sont plus susceptibles de fonctionner
  • accroissement de la responsabilité des détenus à l’égard de la vie quotidienne

Les agents des services correctionnels du CDST mènent divers programmes consacrés notamment aux aptitudes à la vie quotidienne (« Life Skills ») et au changement (« Change is a Choice »), ou spécialement destinés à la population afro-canadienne (« African Canadian Excellence ») et aux détenus autochtones (« Program Eastern Door »). Un programme de thérapie cognitive du comportement est administré dans les unités spécialisées. Un grand nombre de programmes bénévoles et de services en matière de croyance sont également proposés au CDST.

 

Isolement et détention restrictive

Le terme d’« isolement » décrit l’isolement physique et social d’un détenu en contexte de surveillance élevée et de stimulation minimale, pour une période pouvant aller jusqu’à 22 heures par jour. Le Bureau fédéral de l’enquêteur correctionnel a qualifié le placement en isolement de « forme d’incarcération la plus grave que l’État peut juridiquement être habilité à administrer au Canada en plus d’être une source de privation extrême ».

Certains détenus sont officiellement placés en isolement disciplinaire ou préventif, tandis que d’autres sont placés dans des unités ayant des désignations différentes, telles que les « unités des services en matière de besoins particuliers », ou dans des conditions essentiellement semblables à celles appliquées aux détenus en isolement (« détention restrictive »).

Dans la récente décision R. v. Capay (2019 ONSC 535) de la Cour supérieure de justice, le juge Fregeau s’est fondé sur des éléments de preuve incontestés indiquant que « le placement en isolement accroît les troubles mentaux existants et peut entraîner le développement de troubles mentaux jusqu’à présent non détectés ». Le Dr John Bradford, le psychiatre ayant témoigné dans cette affaire, a fourni des éléments de preuve incontestés additionnels selon lesquels les détenus placés en isolement « deviennent anxieux, déprimés ou les deux à la fois. Ils subissent des perturbations cognitives... les perturbations cognitives peuvent donc être assez profondes ».

Ces conclusions abondent dans le sens de celles de la Cour supérieure de justice dans l’affaire Association canadienne des libertés civiles (ACLC) c. Canada (2019 ONCA 243, actuellement en appel devant la Cour suprême du Canada). Dans ce cas, le juge en chef adjoint Marrocco a accepté des preuves d’expert selon lesquelles « l’état constant d’isolement, de privation sensorielle et de séquestration associé au placement en isolement crée chez la personne détenue une situation de stress extrêmement négative », « le placement en isolement semble constituer un important facteur de risque de développement de symptômes psychiatriques, y compris la dépression, l’idéation suicidaire et d’autres symptômes plus généraux » et « le placement en isolement à long terme peut entraîner des symptômes psychiatriques jamais détectés auparavant ». Le juge en chef adjoint Marrocco a également déterminé que les effets psychologiques négatifs du placement en isolement peuvent « survenir en quelques jours ».

La Cour suprême de la Colombie-Britannique a récemment conclu que le placement en isolement préventif assujettissait les détenus à « un risque considérable de torts psychologiques graves, y compris des douleurs et souffrances mentales, et une incidence accrue d’automutilation et de suicide ». Compte tenu de l’importance de la preuve déposée, le tribunal chargé de l’affaire BCCLA v. Canada (2018 BCSC 62) a conclu que « plutôt que de préparer les détenus à leur réintégration dans la population générale, les placements prolongés en isolement ont l’effet opposé, soit d’accroître leur dangerosité à l’intérieur des murs de l’établissement et au sein de la collectivité ».

Depuis quelques années, à la suite des poursuites judiciaires, des ententes et des ordonnances résultant de l’affaire Jahn, le recours à l’isolement en Ontario est assujetti à certaines limites. Par exemple, l’Ontario est tenu juridiquement de ne pas placer en isolement des détenus ayant des troubles mentaux « en l’absence de préjudice injustifié », et doit également effectuer un suivi et rendre compte publiquement du recours à l’isolement dans la province.

 

Recours à l’isolement

Entre le 1er juillet 2018 et le 30 juin 2019, il y a eu un total de 2 564 placements en isolement au CDST. L’établissement se place ainsi au deuxième rang des établissements correctionnels de l’Ontario en ce qui concerne le nombre de placements en isolement. Au cours de cette période, les motifs de placement en isolement au CDST ont été les suivants :

 

Tableau A : Placements en isolement et motifs (de juillet 2018 à juin 2019)

Motifs du placement en isolement*

 

Nombre de placements en isolement

Besoin de protection du détenu (raisons médicales)

835

Allégation de mauvaise conduite

830

Sécurité de l’établissement ou d’autres personnes

449

Demande du détenu

401

Réclusion (isolement disciplinaire)

288

Besoin de protection du détenu

195

Sécurité de l’établissement ou d’autres personnes (raisons médicales)

115

*Remarque : il peut y avoir des motifs multiples pour un placement en isolement

 

Interrogée sur le nombre élevé de détenus placés en isolement pour le motif « Besoin de protection du détenu (raisons médicales) », la direction du CDST a déclaré que la plupart de ces détenus présentaient des troubles mentaux complexes qui ne pouvaient pas être pris en charge efficacement au sein de la population carcérale générale. Elle a souligné qu’il existait très peu d’autres possibilités fondées sur un traitement pour les détenus présentant de graves problèmes de santé mentale.

Lors de notre visite, la direction du CDST a indiqué qu’elle avait plus récemment pratiquement « éliminé » le recours à l’isolement en prévoyant que chaque détenu quitte sa cellule, seul ou en petit groupe, pendant au moins deux heures plus une minute par jour. Si un détenu sort de sa cellule de lui-même, il se voit proposer des « possibilités significatives » d’interaction avec les agents et le personnel des services correctionnels. La direction du CDST a indiqué que, le jour de notre première visite, un seul détenu était placé dans des conditions correspondant à de l’isolement. Il semblerait tout au plus que le CDST ait remplacé certains placements en isolement par de la détention restrictive.

Les détenus avec lesquels nous nous sommes entretenus se sont montrés sincèrement déconcertés par l’affirmation de la direction selon laquelle il n’y avait plus de recours régulier à l’isolement au CDST. Plusieurs détenus nous ont indiqué qu’ils avaient été placés en isolement au cours du mois précédent et qu’ils n’avaient pas eu la possibilité de prendre une douche ou d’accéder à la cour quotidiennement, encore moins de passer plus de deux heures en dehors de leur cellule. Un détenu qui avait été placé en isolement en octobre 2019 nous a raconté qu’il avait été privé de nourriture pendant six ou sept jours et qu’il avait été hospitalisé de ce fait. Nous n’avons pas vérifié ce renseignement.

Nous avons demandé des documents de source primaire pour mieux appréhender et évaluer le recours à l’isolement au CDST à court terme. Les documents fournis établissent clairement que, du 1er octobre au 31 décembre 2019, les détenus ont continué à être placés en isolement au CDST presque quotidiennement.

Des détenus ont également indiqué que la direction du CDST imposait un confinement cellulaire dans des unités destinées à la population carcérale générale pour permettre aux agents des services correctionnels de donner la priorité à la levée de conditions pour certains détenus, qui constitueraient sinon des cas d’isolement. Les données obtenues de la part du CDST sur le recours au confinement cellulaire (évoqué ci-après) semblent confirmer cette hypothèse (le recours au confinement cellulaire est moins fréquent dans les unités spécialisées par rapport aux unités destinées à la population carcérale générale). Toute approche qui remplace l’isolement – qui est soumis à un contrôle strict et à des limites établies par la loi – par des mesures de confinement cellulaire est problématique, car elle peut donner lieu à de graves préjudices, sans aucune protection établie par la loi.

Nous reconnaissons les efforts mis en œuvre par le personnel du CDST pour éliminer le recours à l’isolement, et nous l’encourageons à poursuivre ces efforts; toutefois, nous nous préoccupons du fait que l’approche actuelle, consistant à remplacer l’isolement par des mesures de détention restrictive et de confinement cellulaire, est marginale, technique et discutable sur le plan juridique.

 

Confinement cellulaire

En règle générale, le terme « confinement cellulaire » est employé pour décrire des conditions de détention dans lesquelles les prisonniers sont enfermés dans leur cellule, normalement pour des raisons de santé et de sécurité, leurs déplacements au sein de l’établissement s’en trouvant restreints à l’extrême pour une période pouvant aller de quelques heures à plusieurs semaines.

Le confinement cellulaire prive les prisonniers de leur liberté résiduelle. Il a également un impact négatif sur leur santé physique et mentale, leur hygiène et leur bien-être. Source de stress pour les prisonniers comme pour le personnel, le confinement cellulaire peut créer des tensions qui font parfois éclater des violences. Dans l’affaire R. v. Nguyen (2017 ONCJ 442), la Cour de justice de l’Ontario a conclu que le confinement cellulaire « entraînait inévitablement une situation de tension généralisée avec les gardiens et un risque constant de conflit plus intime avec un compagnon de cellule lambda souffrant d’une sensation similaire d’enfermement pour une durée indéterminée et d’angoisses connexes ».

Plus tôt cette année, dans l’affaire R. v. Persad (2020 ONSC 188), la Cour supérieure de justice de l’Ontario a constaté que le confinement cellulaire avait un impact négatif sur la dignité humaine. Dans une autre affaire, la Cour est parvenue à la conclusion suivante : « le confinement cellulaire s’apparente à un équivalent moderne des rudes conditions dickensiennes ayant suscité le mouvement victorien de réforme des prisons. Le confinement cellulaire est une forme de sanction régressive qui figure aux antipodes d’un régime pénal éclairé » [R. v. Nsiah (2017 ONSC 769)].

 

Autorisation légale

Il n’existe aucune autorisation légale spécifique permettant de recourir au confinement cellulaire et le terme n’est pas défini dans la Loi sur le ministère des Services correctionnels. Le document du SOLGEN intitulé Policy and Procedures Manual (2004) aborde le confinement cellulaire dans la section « Crisis Management » (sous « Crisis Management Policy » ou politique de gestion des situations de crise).

La politique de gestion des situations de crise définit le confinement cellulaire comme suit :

Stricte restriction des déplacements des détenus, du personnel n’appartenant pas aux services correctionnels et d’autres personnes dans tout ou une partie d’un établissement en réponse à une préoccupation grave de sécurité ou pour imposer une quarantaine médicale. Les restrictions peuvent notamment consister à interrompre les programmes destinés aux détenus, annuler les visites, suspendre l’accès aux avocats et aux autres visiteurs professionnels, refuser les admissions et/ou les transferts, ou toute autre restriction que le chef d’établissement estime nécessaire pour remédier à la situation.

Bien que la politique ne définisse pas le « confinement cellulaire partiel », la direction du SOLGEN nous a expliqué qu’il s’agissait d’un « confinement cellulaire imposé dans un ou plusieurs secteurs de l’établissement, sans toutefois que toutes les unités soient concernées. Ce confinement cellulaire partiel peut aller d’une partie de la journée (quelques minutes ou plusieurs heures) à une journée entière. »

La politique de gestion des situations de crise indique que l’autorisation d’un confinement cellulaire relève de l’obligation légale du chef d’établissement de « veiller à la fois à la sécurité des détenus, du personnel et du public et à celle de l’établissement ». En outre, la direction du SOLGEN a précisé que le confinement cellulaire pouvait être imposé en raison « des niveaux de dotation en personnel, d’incidents liés à la sécurité ou de questions de maintenance ». Cependant, le SOLGEN n’a pas pu indiquer de politiques concrètes justifiant le recours au confinement cellulaire dans des situations hors crise ou pour ces autres motifs spécifiques.

La politique de gestion des situations de crise précise encore que, lorsque le chef d’établissement détermine qu’une préoccupation grave de sécurité ou une quarantaine médicale nécessite un confinement cellulaire, il doit rédiger un rapport indiquant les renseignements pertinents, y compris le « motif du confinement cellulaire » et « toutes les mesures prises pour remédier à la situation ». Le rapport doit être envoyé au directeur régional (dans le cas du CDST, au directeur régional des services en établissement, région de Toronto) et à l’Unité de la gestion de l’information du SOLGEN. La direction du CDST a confirmé que de tels rapports étaient régulièrement rédigés et envoyés au directeur régional, même si nous ne les avons pas réclamés ni examinés.

 

Conditions de détention pendant le confinement cellulaire au CDST

La mesure dans laquelle le confinement cellulaire perturbe le fonctionnement normal est matière à débat. La direction du SOLGEN soutient que durant un confinement cellulaire, qu’il soit partiel ou total, les prisonniers ont accès à tout ce qui suit :

  • une douche, une cour et des appels téléphoniques de manière contrôlée (deux cellules à la fois)
  • des soins de santé, des produits d’hygiène et des vêtements de rechange
  • du courrier et des journaux
  • une cantine
  • des visites professionnelles (annulées uniquement en dernier recours)
  • des visites publiques (à moins qu’elles doivent être annulées d’un point de vue opérationnel)
  • un aumônier

Toutefois, le SOLGEN a mentionné une exception : « La jouissance des douches, des téléphones, de la cour et éventuellement des visites peut être restreinte du fait de niveaux de dotation en personnel inhabituellement bas dans certaines circonstances limitées posant un risque pour la sécurité des agents et des contrevenants ».

La CODP a demandé et obtenu la feuille de suivi des recours au confinement cellulaire que le CDST fournit aux tribunaux pour déterminer la sanction pénale. Elle indique que « durant le confinement cellulaire, les détenus se voient accorder 30 minutes pour achever un programme de douche et téléphone en fonction des besoins et des préoccupations de sécurité de l’établissement » et bénéficient également d’un « accès illimité aux soins médicaux ». La feuille de suivi ne fait aucune mention de l’accès à la cour, aux visites professionnelles, aux visites publiques ou aux services d’aumônerie durant un confinement cellulaire.

Nous déduisons de nos entretiens avec des prisonniers et de nos discussions avec le personnel du CDST que, dans la pratique, le confinement cellulaire a pour résultat l’enfermement des prisonniers dans leur cellule sans accès régulier à la cour, aux douches, aux soins médicaux, aux appels téléphoniques, aux programmes, aux services religieux ou liés à la croyance, et/ou aux visites professionnelles ou publiques.

Dans l’affaire R. v. Tewolde (2020 ONSC 532), la Cour supérieure de justice a conclu que le confinement cellulaire au CDST : « a[vait] un impact considérable sur les conditions de détention. L’accès au grand air, aux douches, à l’exercice, aux appels téléphoniques à la famille, tout cela peut être réduit pour passer des 13,5 heures quotidiennes réglementaires à 30 maigres minutes (voire moins) par jour à des horaires imprévisibles, lorsqu’un confinement cellulaire total est en vigueur. » Dans l’affaire R. v. Jama (2018 ONSC 1252), la Cour supérieure est parvenue à la conclusion similaire que, durant un confinement cellulaire, les prisonniers n’avaient parfois pas droit à la douche, qu’il n’y avait pas de visites familiales ou de téléphones, pas d’accès au grand air et aucune possibilité de se livrer aux pratiques liées à la croyance.

 

Recours au confinement cellulaire

La CODP a demandé au SOLGEN et obtenu des données sur le recours au confinement cellulaire au CDST. Alors que le confinement cellulaire est censé être une mesure d’exception limitée aux situations de « crise », ces données montrent qu’il est devenu un outil de gestion courant au CDST.

Sur une période de 92 jours allant du 1er novembre 2019 au 31 janvier 2020, les données indiquent qu’il y a eu plus de 200 recours au confinement cellulaire (Tableau B : Recours au confinement cellulaire au CDST de novembre 2019 à janvier 2020). Dans les unités destinées à la population carcérale générale, il y a eu un maximum de 23 journées consécutives de confinement cellulaire total ou partiel; ce chiffre tombe à neuf journées consécutives pour les « unités spécialisées ».

 

Tableau B : Recours au confinement cellulaire au CDST de novembre 2019 à janvier 2020

Type de confinement cellulaire

Nombre de recours au confinement cellulaire

 

Unités destinées à la population carcérale générale

Unités « spécialisées »

Total

8

4

Partiel

134*

59

* dont 24 recours au confinement cellulaire ayant concerné toutes les unités destinées à la population carcérale générale sauf une.

 

Les tribunaux ont fait des observations sur la fréquence du recours au confinement cellulaire au CDST. Plus tôt cette année, dans l’affaire R. v. Tewolde, supra, le juge Dunphy a déclaré :

Le confinement cellulaire total ou partiel en raison de pénuries de personnel est infligé aux détenus du Sud de Toronto avec une régularité alarmante. À quel point? M. Tewolde est en détention depuis 533 jours. Le centre a cumulé le nombre record de 192 jours de confinement cellulaire, qui entravait son périmètre de déplacement au sein de l’établissement il y a encore dix jours... Ce qui signifie que le fonctionnement normal du centre de détention où il se trouvait était matériellement limité 36 p. 100 du temps. Cela représente considérablement plus d’une semaine chaque mois. Cette situation déplorable n’a rien de temporaire, d’exceptionnel ni de particulièrement excusable.

D’autres affaires récentes ont conclu que des prisonniers étaient en confinement cellulaire entre 30 et 40 p. 100 de leur période de détention avant instruction [R. v. Oskem (2019 ONSC 6283); R. v. Fermah (2019 ONSC 3597)].

 

Confinement cellulaire pour « pénurie de personnel »

La direction du CDST a identifié les pénuries de personnel comme le principal « facteur » de recours généralisé au confinement cellulaire. Elle suggère qu’une dotation en personnel insuffisante rend la gestion des prisonniers dans leurs unités résidentielles peu sûre et justifie le recours au confinement cellulaire.

Elle a confié à la CODP que l’établissement avait besoin de 650 agents des services correctionnels à temps plein et de 200 agents sous contrat à durée déterminée pour fonctionner en toute sécurité. Lors de la visite de la CODP, le 27 janvier, il disposait de 450 agents permanents à temps plein et de 450 agents sous contrat à durée déterminée. Ces derniers sont embauchés pour assurer un service hebdomadaire allant de zéro à 40 heures. Le recrutement de travailleurs précaires pour une durée déterminée plutôt que d’agents des services correctionnels syndiqués à temps plein permet clairement de faire des économies à court terme.

Le CDST a expliqué à la CODP que la dotation insuffisante résultait :

  • de l’incapacité du SOLGEN de recruter et de retenir 200 agents permanents à temps plein supplémentaires
  • du recours généralisé à des agents sous contrats à durée déterminée n’ayant pas d’expérience acquise en milieu de travail et dont la situation d’emploi précaire signifie qu’ils parviennent souvent à trouver un emploi plus stable et plus attractif hors du SOLGEN
  • du recours généralisé parmi les agents des services correctionnels au « congé de maladie » en raison d’accidents professionnels liés au stress
  • des agents se trouvant en congé de longue durée du fait d’une incapacité

Les agents des services correctionnels ont indiqué que les niveaux élevés de stress professionnel, notamment dus à la violence et aux mauvais traitements infligés par des prisonniers, contribuaient au recours au congé de maladie et au congé de longue durée pour incapacité. Ils ont ajouté que les agents sous contrat à durée déterminée ne jouissaient pas d’une formation et d’une expérience en milieu de travail suffisantes pour répondre aux besoins singuliers des prisonniers logés au CDST.

Howard Sapers, alors conseiller indépendant pour la réforme des services correctionnels de l’Ontario, s’est penché dans le détail sur les problèmes de dotation en personnel dans son rapport intitulé Violence dans les établissements correctionnels en Ontario : Étude de cas : Centre de détention du Sud de Toronto (2018). Il s’est focalisé sur le CDST, car c’était l’établissement qui avait signalé le plus grand nombre et le plus haut taux d’augmentation du nombre d’incidents de violence commis par des détenus à l’endroit du personnel signalés en 2017 dans les services correctionnels ontariens.

Plus tôt cette année, dans l’affaire R. v. Persad, supra, le juge Schreck de la Cour supérieure de justice de l’Ontario a examiné la jurisprudence postérieure à 2015 relative au confinement cellulaire au CDST et a relevé un certain nombre de conclusions de justice qui associaient les recours du CDST au confinement cellulaire à des « pénuries de personnel ». Le juge Schreck a conclu :

Le fait que rien n’ait changé en dépit des critiques répétées des tribunaux depuis plusieurs années montre qu’il n’est plus possible de justifier la situation actuelle en prétextant un problème temporaire. Il apparaît plutôt qu’il s’agit d’un choix politique délibéré de traiter les contrevenants de façon inhumaine au détriment du processus de détermination des sanctions, au lieu de consacrer les ressources appropriées au fonctionnement de l’établissement. En termes simples, le ministère a clairement fait le choix d’économiser de l’argent plutôt que de prêter l’oreille aux préoccupations de la justice concernant le traitement inhumain des détenus. À mon avis, nous avons atteint le point où les conditions inhumaines régnant au CDST outrepassent la circonstance malencontreuse et seraient plus adéquatement et fondamentalement définies comme une forme d’inconduite délibérée de l’État.

La direction du CDST nous a confié avoir bon espoir que le SOLGEN résoudra les problèmes de dotation en personnel à court terme, mais n’a pas pu donner de délai concret dans lequel l’établissement disposerait durablement de ressources suffisantes en personnel.

 

Contrôle et responsabilité

Par ailleurs, la CODP s’inquiète du fait que le SOLGEN ne semble pas suivre ni contrôler le recours au confinement cellulaire en vue de faire des rapports précis aux tribunaux, d’identifier les tendances ou modèles systémiques, ou de favoriser la responsabilité. Les renseignements reçus par la CODP paraissaient plutôt avoir été compilés pour répondre à notre requête.

Les prisonniers ont affirmé que les renseignements sur le confinement cellulaire fournis par le CDST aux tribunaux pour déterminer les sanctions correspondaient rarement à leurs propres relevés. Cette inquiétude est étayée par la jurisprudence, ce qui est particulièrement préoccupant, car susceptible de déconsidérer l’administration de la justice.

Dans l’affaire R. v. Tewolde, supra, la Cour a constaté que l’accusé avait dénoncé des problèmes d’exactitude et d’insuffisance des rapports sur le confinement cellulaire au CDST. Dans l’affaire R. v. Sanchez (2019 ONSC 5272), la Cour s’est fiée au relevé de la personne incarcérée quant au confinement cellulaire plutôt qu’au témoignage de la direction du CDST, cette dernière ayant déclaré que le confinement cellulaire pour des motifs non opérationnels, comme une fouille ponctuelle ou un incident de sécurité, n’était pas consigné en tant que tel. Dans l’affaire R. v. Fermah, supra, la Cour a également constaté des problèmes liés au suivi du confinement cellulaire par le CDST, plus particulièrement à l’insuffisance des rapports connexes.

Dès 2017, les tribunaux se sont inquiétés de l’exactitude et de la fiabilité des rapports du CDST sur le confinement cellulaire. Dans l’affaire R. v. Nguyen, supra, la Cour de justice de l’Ontario a pointé des incohérences entre les relevés de la personne incarcérée et ceux de l’établissement, et conclu qu’il y avait un « manque de rigueur dans la consignation » et une « inconstance dans le rapport ».

Le SOLGEN a assuré à la CODP que « le 7 janvier 2020, le CDST a[vait] mis en place un processus amélioré de collecte de données sur le confinement cellulaire au sein de toutes les unités, y compris l’heure, la date et la durée, par le biais du Système informatique de suivi des contrevenants (SISC) ». Cela signifie que le confinement cellulaire devrait désormais faire l’objet d’un suivi fiable pour chaque personne incarcérée.

Compte tenu des préoccupations de longue date de la justice à l’égard du confinement cellulaire au CDST, la CODP reste inquiète qu’un manque de suivi du confinement cellulaire subsiste à l’échelle du système, et ce, malgré les modifications récentes apportées au système de suivi.

 

Problèmes systémiques

Bien que les conclusions de la CODP au sujet du confinement cellulaire soient limitées au CDST, les problèmes considérés semblent systémiques de nature. La CODP a notamment fait part de ses préoccupations liées au confinement cellulaire dans des lettres adressées au SOLGEN à la suite de visites au Centre de détention de Hamilton-Wentworth, à la Prison de Kenora et au Centre de détention d’Elgin-Middlesex.

Dans son rapport annuel 2018-2019, l’Ombudsman de l’Ontario indique que son bureau « reçoit régulièrement des plaintes de groupes de détenus placés en confinement aux cellules ». Le rapport poursuit :

Nous avons reçu 483 plaintes à propos de confinements aux cellules en 2018-2019 (soit une hausse par rapport aux 437 de l’année précédente), la plupart déposées par des détenus qui étaient privés d’accès à un téléphone, à une douche, à une salle de jour ou à des activités. Parmi ces plaintes, 138 provenaient de détenus d’un établissement où un ralentissement du travail du personnel avait entraîné plusieurs confinements, et 60 provenaient du même établissement pour une autre période, quand les vacances d’été du personnel avaient entraîné des confinements.

Beaucoup de détenus se sont plaints du fait que de longues périodes de confinement nuisaient à leur santé mentale, car ils étaient privés de nombreuses nécessités fondamentales et de la possibilité de communiquer avec leurs proches ou leurs avocats. Les hauts responsables des services correctionnels nous ont confirmé qu’ils étaient forcés de placer des détenus en confinement quand il y avait pénurie de personnel. Certains établissements s’efforcent de redéployer le personnel et d’assurer la rotation des confinements d’une unité à une autre, pour donner aux détenus la possibilité de quitter leur cellule.

Enfin, la CODP note qu’en 2017, la Cour supérieure de justice de l’Ontario a validé un recours collectif mettant en cause la constitutionnalité du recours généralisé au confinement cellulaire dans les centres de détention de l’Ontario, au motif qu’il prive les prisonniers de leurs droits à la liberté et à la sécurité de la personne, et constitue un traitement cruel et inhumain. Les personnes inscrites au recours collectif réclament des dommages et intérêts.

 

« Sanctions »

Au cours des entrevues réalisées auprès des détenus dans les unités de surveillance directe destinées à la population carcérale générale, la CODP a appris que les agents des services correctionnels recouraient à des « sanctions » pour faire respecter les attentes au sein de l’unité et discipliner les détenus en cas d’infraction aux règles. Les détenus ont déclaré que les sanctions les plus fréquentes étaient le confinement cellulaire pour une durée comprise entre 24 et 72 heures (avec pour conséquence l’impossibilité pour le compagnon de cellule d’accéder à la cellule) et la perte des droits de visite. Une autre sanction, toutefois moins courante, était la privation du droit de cantine.

Les détenus se sont plaints du fait que les infractions passibles d’une sanction étaient arbitraires, car elles changeaient en fonction des agents en poste dans l’unité. Certains ont déclaré avoir été punis en raison du comportement d’autres détenus de l’unité. Comme l’a fait remarquer une personne, « chaque gardien a ses propres règles ».

 

Autorisation légale

Le recours aux sanctions n’est pas encadré par la Loi sur le ministère des Services correctionnels ni mentionné dans les politiques du SOLGEN.

On ne trouve pas non plus de référence explicite au recours aux sanctions ou à des punitions de ce type dans le Guide d’information à l’intention des personnes détenues dans les établissements pour adultes de septembre 2015. Il y est simplement indiqué que, faute de suivre les règles, « un acte de mauvaise conduite sera inscrit à votre dossier ». La rubrique « Mauvaise conduite » du guide précise les différents types d’actes de mauvaise conduite, les mesures disciplinaires potentielles et les garanties de procédure régulière.

La rubrique « Surveillance directe », qui décrit les règles de surveillance directe pertinentes, renferme la remarque suivante : « Si vous contrevenez à une règle, l’agent en poste dans l’unité déterminera les sanctions qui vous seront imposées. » Aucune conséquence potentielle ou garantie de procédure régulière n’est mentionnée.

Lorsque la CODP lui a demandé quelle était l’autorisation légale encadrant le recours aux sanctions, le SOLGEN a invité la CODP à consulter le Direct Supervision Handbook (manuel de surveillance directe). Ce manuel prévoit trois types de règles et les « sanctions » potentielles en cas d’infraction. Pour les infractions de catégorie 2 et 3, les « sanctions » imposées sont laissées à la seule discrétion de l’agent en poste dans l’unité. Pour les infractions de catégorie 1, la sanction est déterminée par l’agent en poste dans l’unité, le sergent et l’administration. Les règles et sanctions possibles sont définies comme suit :

 

Règles de surveillance directe et sanctions.

RÈGLES DE CATÉGORIE 3

SANCTIONS DE CATÉGORIE 3

  • Maintenir la propreté des cellules et de l’aire d’unités résidentielles.
  • N’avoir aucun vêtement, drap ou serviette supplémentaire dans la cellule, et ne rien laisser suspendre dans la cellule ailleurs que sur les patères.
  • N’avoir aucun aliment supplémentaire dans la cellule sans l’approbation d’un professionnel de la santé.
  • Ne pas couvrir l’éclairage, la fenêtre ou la porte de la cellule.
  • Porter l’uniforme complet lors de toute sortie de la cellule.
  • Ne pas se vêtir d’un peignoir ou d’une serviette à tout autre moment qu’après la douche.
  • Parler calmement, ne pas crier, ne pas agir de manière à entraîner des perturbations et ne pas se quereller.
  • Ne pas emprunter ni échanger d’objets.
  • Placer les déchets à la poubelle.
  • Ne pas prendre part à des jeux d’argent.
  • Ne pas couvrir les ouvertures d’aération de la cellule.
  • Suivre en tout temps toutes les règles et les directives de l’agent en poste dans l’unité.

 

Si vous enfreignez une règle de catégorie 3, l’agent en poste déterminera une sanction qui peut inclure :

  • Réprimande verbale
  • Travaux supplémentaires
  • Restrictions des jeux
  • Réduction du temps de sortie dans la cour (maintien du droit de sortir pendant 20 minutes par jour)
  • Perte du droit à la télévision
  • Perte d’accès aux loisirs
  • Jusqu’à une journée complète en cellule
  • Possibilité d’inscrire l’acte de mauvaise conduite au dossier
  • Possibilité de réduire la quantité de produits pouvant être achetés à la cantine

RÈGLES DE CATÉGORIE 2

SANCTIONS DE CATÉGORIE 2

  • Ne pas posséder ou chercher à obtenir des objets considérés comme des articles de contrebande.
  • Ne pas changer de cellule sans la permission de l’agent en poste dans l’unité.
  • Utiliser un langage approprié; s’abstenir de tout propos ou geste vulgaire ou obscène.
  • Ne pas exposer de manière indécente toute partie du corps.
  • Quitter la cellule seulement après y avoir été autorisé.
  • Rester uniquement dans les aires autorisées; ne pas pénétrer dans les zones interdites.
  • Ne pas pénétrer dans la cellule d’un autre détenu.
  • Interdiction pour les détenus du niveau inférieur d’accéder au niveau supérieur, sauf en cas de demande formulée par l’agent en poste dans l’unité.
  • Ne pas perturber le personnel lorsqu’il fait l’appel.
  • Ne pas se tatouer ou tatouer une autre personne.
  • Ne pas se livrer à des actes sexuels.
  • Ne pas proposer de protéger une personne en échange d’un objet de valeur.
  • Ne pas intimider d’autres détenus.
  • Ne pas gêner ou perturber les membres du personnel ni leur faire obstacle lorsqu’ils se déplacent dans l’unité.
  • Ne pas perturber le personnel lorsqu’il fait l’appel.
  • Ne pas bloquer les portes ni poser une cale pour les maintenir ouvertes.
  • Ne participer à aucune activité d’une bande criminelle (emblèmes, graffitis, couleurs, gestes, etc.).
  • Observer toutes les règles relatives aux visites.
  • Suivre toutes les règles relatives aux horaires de repas.
  • Ne pas exploiter un « commerce » dans l’unité résidentielle.
  • Des infractions multiples et continues à des règles de catégorie 3 entraîneront une sanction de catégorie 2.

Si vous enfreignez une règle de catégorie 2, l’agent en poste déterminera une sanction qui peut inclure :

  • Jusqu’à deux journées complètes en cellule
  • Possibilité de perdre le droit d’acheter des produits à la cantine
  • Inscription de l’acte de mauvaise conduite au dossier
  • Placement à l’isolement
  • Examen du placement dans l’unité
  • Possibilité d’être placé dans une unité de surveillance indirecte, ce qui signifie qu’il faudra ensuite présenter une nouvelle demande en vue d’un placement dans une unité de surveillance directe

RÈGLES DE CATÉGORIE 1

SANCTIONS DE CATÉGORIE 1

  • Ne pas utiliser le téléphone de façon abusive (ne pas passer d’appels importuns, harcelants ou obscènes).
  • Suivre les ordonnances du tribunal si le détenu n’a pas l’autorisation de téléphoner.
  • Ne pas menacer ni agresser d’autres détenus ou des membres du personnel.
  • Ne pas tenter de s’évader.
  • Ne pas mentir ou faire de fausses déclarations à un membre du personnel.
  • Regagner sa cellule en cas d’urgence ou conformément aux instructions données.
  • Suivre toutes les instructions fournies par le personnel.
  • Ne pas endommager ou omettre de rendre tout rasoir fourni.
  • Ne pas inciter ou adopter une conduite perturbatrice.
  • Regagner directement sa cellule si une bagarre ou des troubles se produisent dans l’unité.
  • Regagner directement sa cellule en cas d’alerte médicale ou de type Code bleu
  • Ne pas mettre le feu.
  • Ne pas provoquer d’inondation dans la cellule ou la salle de jour.
  • Ne posséder aucun objet de contrebande (articles appartenant à autrui, armes, vêtements supplémentaires, etc.).
  • Ne pas posséder ou fabriquer d’objets affûtés ou d’autres objets pouvant servir d’arme.
  • Ne pas se comporter de manière à se blesser ou à blesser autrui.
  • Ne manipuler aucun dispositif de verrouillage ou équipement de sûreté ou de sécurité.
  • Ne pas endommager l’unité ni écrire sur les murs des cellules.
  • Ne pas boucher intentionnellement des appareils sanitaires.
  • Ne pas tenter de manipuler l’attribution des cellules en proférant des menaces de préjudice.

Si vous enfreignez une règle de catégorie 1, l’agent en poste déterminera une sanction qui peut inclure :

  • Placement à l’isolement
  • Inscription de l’acte de mauvaise conduite au dossier
  • Possibilité de retirer une réduction de peine méritée ou le droit à obtenir une réduction de peine
  • Si l’infraction de catégorie 1 contrevient au Code criminel du Canada, la police est avisée et des poursuites peuvent être engagées
  • Examen de la classification
  • Placement obligatoire dans une unité de surveillance indirecte
  • Si l’infraction de catégorie 1 a entraîné des dommages aux biens de l’établissement, le détenu peut être responsable des frais de remplacement ou de réparation engagés pour remettre les biens dans leur état d’origine

 

 

La CODP a également eu accès à un document intitulé Other Direct Supervision Resources (Autres ressources de surveillance directe), qui semble s’adresser aux agents des services correctionnels et précise ce qui suit :

Tous les agents doivent traiter les clients avec justice et équité. Le bureau de l’unité doit traiter les clients de manière uniforme et ne pas donner l’impression qu’il accorde à certains un traitement de faveur.

Au moment de déterminer de quelle façon sanctionner un client, il est important d’individualiser la sanction. Certains clients peuvent trouver certaines sanctions plus dissuasives que d’autres. Veillez à ce que la sanction soit proportionnelle à l’infraction.

Le document énonce des sanctions possibles et encourage les agents à « faire preuve de créativité » [en gras dans l’original].

Le document « Autres ressources de surveillance directe » prévoit que tous les clients qui font l’objet d’une sanction autre qu’un avertissement « se verront retirer leur droit aux visites incitatives en personne pendant 30 jours et ne pourront pas assister aux activités récréatives pendant 14 jours ». Il y est également précisé que les agents doivent « consigner toutes les sanctions sur le document de suivi des comportements figurant dans le dossier de surveillance directe » et « informer le sergent de l’étage de toutes les sanctions infligées ».

En ce qui concerne le confinement cellulaire, le document « Autres ressources de surveillance directe » indique que les agents qui imposent une détention temporaire ou un confinement cellulaire de 24 ou 48 heures en guise de sanction doivent remplir le « fichier de suivi manuel des isolements ». Cette consigne semble aller à l’encontre d’autres renseignements transmis par le SOLGEN selon lesquels « si une mesure de confinement cellulaire est imposée en guise de sanction et qu’un détenu sort de sa cellule pendant au moins deux heures par jour », la sanction n’est pas considérée comme une mesure d’isolement et ne fait pas l’objet d’un suivi.

Le SOLGEN n’a transmis aucun autre document justifiant le recours aux sanctions dans les unités résidentielles qui ne sont pas des unités de surveillance directe, bien que les données du CDST présentées ci-après montrent que des sanctions ont été appliquées dans de nombreuses unités spécialisées.

 

Recours aux sanctions

Nous avons demandé au SOLGEN de nous transmettre des données concernant le recours aux sanctions, et notamment de dresser la liste de toutes les sanctions imposées sur une période de trois mois. Le SOLGEN a compilé ces données à partir des registres des unités et transmis les données, présentées ci-dessous, au sujet du recours aux sanctions au CDST du 1er novembre 2019 au 31 janvier 2020.

Le tableau C montre qu’au cours des trois mois visés, les détenus ont fait l’objet de mesures de confinement cellulaire d’une durée variable pouvant aller jusqu’à 72 heures, soit à titre individuel, soit à l’échelle de l’ensemble de l’unité, à 962 reprises. Des avertissements ont été émis 494 fois, et d’autres sanctions n’ont été utilisées que 274 fois. Les confinements cellulaires personnels s’ajoutent aux confinements d’unités entières qui sont présentés ci-dessus.

 

Tableau C : Sanctions de confinement cellulaire par durée (du 1er novembre 2019 au 31 janvier 2020)

Unités

Sanctions de confinement cellulaire par durée

 

Moins de 24 heures

24 heures

48 heures

Plus de 48 heures

72 heures

Durée inconnue

Unité de surveillance directe

118

286

78

50

1

49

Unité d’admission

29

93

47

38

0

38

Unité de gestion du comportement

0

14

8

0

0

0

Unité de santé mentale

7

3

9

2

0

2

Unité médicale (surveillance directe)

1

17

3

10

0

10

Unité des soins de soutien

2

11

7

2

0

2

Unité spéciale de détention

0

14

3

4

0

4

Sous-total

157

438

155

106

1

105

 

Tableau D : Autres sanctions (du 1er novembre 2019 au 31 janvier 2020)

Unités

Autres sanctions

 

Confinement hors cellule

Détention en cellule

Isolement

Avertissement

Autre (perte de privilèges)

Unité de surveillance directe

95

4

1

235

90

Unité d’admission

0

2

4

77

13

Unité de gestion du comportement

0

0

2

19

5

Unité de santé mentale

0

26

0

33

8

Unité médicale (surveillance directe)

0

0

1

14

6

Unité des soins de soutien

0

0

0

11

7

Unité spéciale de détention

0

3

1

105

6

Sous-total

95

35

9

494

135

 

Contacts avec la famille et la communauté

D’après le SOLGEN, les visites se déroulent généralement au moyen de la technologie vidéo : le visiteur se rend dans l’aire publique du CDST et appelle par visioconférence le détenu, qui reste dans son unité. Les visites par vidéo peuvent avoir lieu au maximum quatre fois par semaine, mais sont annulées lors des confinements cellulaires.

De nombreux détenus ont déclaré que les visites par vidéo étaient impersonnelles et qu’elles offraient seulement un avantage marginal par rapport aux appels téléphoniques. Étant donné que les visiteurs doivent toujours se rendre au CDST pour prendre part à une visite par vidéo et qu’ils sont refoulés en cas de confinement cellulaire, certains détenus ont déclaré que leur famille et leurs amis avaient cessé de venir. Les détenus ayant des enfants ont fait observer que les visites par vidéo n’étaient pas propices au maintien des interactions et des relations parent-enfant. Un membre du personnel du CDST a franchement reconnu que les visites par vidéo étaient « nulles ».

Des visites en personne à travers une cloison vitrée peuvent être organisées. Néanmoins, le personnel a indiqué qu’elles n’étaient proposées que pour « récompenser » les bons comportements. On peut lire, sur le formulaire d’incitation aux visites en personne, que pour être admissible à une visite en personne, le détenu doit :

  • séjourner dans une unité de surveillance directe depuis au moins 30 jours
  • avoir respecté avec constance les instructions du personnel et les règles de l’unité
  • avoir régulièrement obtenu une appréciation plus que satisfaisante lors des inspections cellulaires
  • avoir accompli ses tâches de nettoyage conformément aux normes attendues et sans instruction du personnel
  • n’avoir fait l’objet d’aucune sanction ni commis aucune faute depuis au moins 30 jours

Compte tenu de ces critères et de la fréquence des confinements cellulaires et des sanctions au CDST, il n’est guère surprenant que les visites en personne soient relativement rares. Entre novembre 2019 et janvier 2020, le CDST a enregistré 10 970 visites par vidéo, contre seulement 333 visites en personne. Après notre visite, le SOLGEN nous a indiqué que « l’accès aux visites en personne était en train d’être élargi afin de permettre aux détenus des unités de surveillance d’avoir davantage l’occasion d’être récompensés en cas de bonne conduite ».

Les détenus ont également dit se heurter à plusieurs difficultés pour joindre leur famille et leurs amis par téléphone. Ils ne peuvent effectuer des appels à frais virés que vers des lignes fixes et n’ont pas le droit d’utiliser des cartes d’appel. Ainsi, de nombreuses personnes n’ont pas les moyens ou la possibilité de contacter régulièrement leur famille par téléphone. De plus, chaque unité résidentielle ne compte que deux téléphones, et nous avons été informés qu’il existait une hiérarchie définissant quels détenus étaient autorisés à accéder aux téléphones et pour combien de temps.

Étant donné que les liens familiaux et communautaires revêtent une grande importance pour la réadaptation et la réinsertion, et en raison de l’obligation légale de tenir compte des besoins liés à l’état familial tant que cela ne cause pas de préjudice injustifié, nous craignons que les détenus se heurtent à des obstacles importants lorsqu’ils tentent de maintenir des relations prosociales avec leurs familles et leurs enfants.

Enfin, il convient de noter que l’absence relative d’échanges enrichissants avec des personnes en dehors de l’établissement carcéral est renforcée par la structure physique du CDST. Toutes les fenêtres donnant sur l’extérieur sont en verre dépoli, ce qui empêche les détenus de voir dehors. Les « cours » de chaque unité sont des pièces à éclairage artificiel, dotées de sols, de murs et de plafonds en béton, et équipées de panneaux qui font certes entrer l’air frais, mais qui ne permettent pas aux détenus de regarder à l’extérieur.

 

Santé et sécurité

Hygiène et nettoyage

Les locaux du CDST étaient, dans l’ensemble, propres et bien entretenus, à l’exception notable des douches qui comportaient une tache de moisissure noire, dégageaient une odeur nauséabonde et étaient infestées de moucherons ou mouches à drains. Comme le CDST a été construit dans le cadre d’un partenariat public-privé, l’entretien est confié à un tiers privé et nous avons appris que les problèmes d’entretien tardent sérieusement à être réglés.

Au-delà du bâtiment lui-même, la quasi-totalité des détenus avec qui nous nous sommes entretenus se sont dits inquiets du fait que les draps et les vêtements, notamment les chaussettes et les sous-vêtements, étaient rarement changés. Plusieurs détenus se sont également plaints qu’ils n’avaient pas accès à des couvertures convenables pour se réchauffer. En particulier, un détenu nous a écrit après notre visite pour nous exposer ces problèmes de façon détaillée.

Les documents transmis par le CDST confirment que plusieurs articles, comme des sous-vêtements et des chaussettes, sont en rupture de stock auprès du fournisseur. Toutefois, le SOLGEN a soutenu que, bien qu’il puisse y avoir des « circonstances exceptionnelles » en matière d’approvisionnement empêchant l’accès à des vêtements de rechange, « la direction n’a connaissance d’aucun cas où une personne ou une unité n’aurait pas eu accès à des articles de rechange tels que des chaussettes à plusieurs reprises au cours d’un mois ».

 

Santé publique

Nous avons également été informés des cas de gale survenus dans l’établissement. Un détenu nous a indiqué par écrit qu’après la mise en quarantaine de son unité à cause de la gale, il avait fait l’objet d’un dépistage, qui s’était avéré négatif, puis était retourné dans son unité où il a fini par contracter la gale. Au cours des 13 mois qui ont suivi, il a reçu un traitement contre la gale à huit reprises. Il a affirmé qu’il n’avait pas eu accès à des draps et vêtements de rechange en quantité suffisante, comme le prévoit pourtant la Politique de gestion de la gale du SOLGEN. Il y a probablement lieu de tirer de ce témoignage quelques enseignements en vue de la gestion de la COVID-19 au sein du CDST.

 

Soins médicaux

Le personnel nous a donné des renseignements détaillés sur les services médicaux disponibles au CDST, notamment les services de santé physique et mentale, les soins dentaires et les soins infirmiers. Nous avons également visité l’unité médicale et l’infirmerie, qui semblaient propres et bien équipées.

Cela étant dit, les détenus se sont plaints unanimement du manque d’accessibilité et de la mauvaise qualité des soins médicaux au CDST. Il est difficile d’évaluer ces allégations, car nous n’avons pas consulté les dossiers de santé individuels. D’après les données communiquées par le CDST concernant les dossiers médicaux de 20 détenus « choisis au hasard », les temps d’attente sont au plus de 10 jours et s’avèrent nettement plus courts pour les nouveaux détenus.

 

Prise en compte des besoins en lien avec la croyance

Nous avons pu visiter l’unité pilote dite « unité de ressourcement pour les Autochtones » qui constitue, selon le SOLGEN, « une unité dédiée permettant de pratiquer en toute sécurité des cérémonies et des enseignements culturels autochtones », grâce au concours d’un agent de liaison pour les détenus autochtones (ALDA). Nous avons appris que ce projet pilote existait seulement au CDST et qu’il n’était proposé dans aucun autre établissement correctionnel de l’Ontario.

Dans l’ensemble, nous avons été impressionnés par la démarche globale adoptée pour tenir compte des croyances et des besoins culturels des détenus autochtones. Au cours de notre visite, le personnel de la CODP a participé à un cercle de partage avec des détenus, l’ALDA et des agents des services correctionnels. Lors de ce cercle, les détenus ont relié leur expérience d’incarcération à la colonisation et aux traumatismes intergénérationnels. Le cercle s’est terminé par une séance de purification par la fumée menée par l’un des détenus.

Tout en saluant les possibilités offertes par l’unité de ressourcement pour les Autochtones, de nombreux détenus, ainsi que l’ALDA, ont souligné qu’il était nécessaire d’avoir accès aux conseils et aux enseignements d’un aîné autochtone. Nous avons appris que le CDST avait émis une « demande d’accès aux services d’un aîné », laquelle avait été approuvée. Nous espérons que ces services seront assurés dans les meilleurs délais afin d’enrichir les possibilités offertes aux détenus autochtones.

Au cours de nos entrevues avec d’autres détenus, il nous a été rapporté que l’accès aux trousses de purification était inégal et irrégulier. Le CDST a indiqué que « des trousses de purification étaient actuellement fournies à cinq unités » et que, ayant reçu des fournitures supplémentaires, il était en train de déterminer s’il était capable de mettre à disposition des trousses dans toutes les autres unités.

Enfin, certains détenus ont signalé que les détenus musulmans ne bénéficiaient pas d’un accès régulier à un imam. Étant donné la forte proportion de détenus musulmans au CDST, nous invitons le SOLGEN à prendre des dispositions pour organiser la visite régulière d’un imam.

 

Contrôle par la collectivité

Créés en vertu de l’article 14.1 de la Loi sur le ministère des Services correctionnels, les conseils consultatifs communautaires (CCC) contribuent grandement à l’amélioration de la transparence et de la responsabilisation en transmettant un rapport annuel au ministre.

Nous constatons que les mandats des deux membres du CCC du CDST qui nous ont accompagnés lors de notre visite n’ont pas été renouvelés et qu’il ne reste plus que deux membres (dont le mandat expire le 16 mars 2020). Par conséquent, il nous a été signalé que le CCC du CDST ne réunissait pas le quorum nécessaire pour présenter un rapport au titre de l’année 2018-2019. Nous avons demandé, reçu et examiné les rapports de 2015 à 2017 transmis par le CCC au SOLGEN.

Nous invitons le SOLGEN à travailler en collaboration avec les CCC et à mettre à profit leur éclairage singulier pour améliorer les conditions d’incarcération des détenus et les conditions de travail du personnel de première ligne.

 

Conclusion

La CODP remercie le SOLGEN d’avoir facilité l’organisation des visites et l’accès à des renseignements relatifs au CDST. Comme à l’accoutumée, nous sommes disposés à discuter de nos conclusions et préoccupations avec la direction du SOLGEN.