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IV. Définition de la croyance

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Cette section présente les arguments en faveur et à l’encontre de l’élargissement de la portée actuelle de la définition de la croyance dans la politique mise à jour de la CODP. On y examine aussi des conditions possibles à remplir pour obtenir la désignation de croyance à des fins de protection des droits de la personne, et les limites éventuelles de cette désignation. Enfin, on y aborde les conséquences possibles de l’élargissement de la définition de la croyance pour les organisations responsables de l’application du Code. Bon nombre des arguments mis de l’avant dans les différentes sections du présent document pourraient être immédiatement opposés à des arguments contraires, mais nous avons préféré présenter les contre-arguments dans des sections différentes, dans la mesure du possible, pour donner à chaque perspective un éclairage positif et permettre au lecteur de juger chacun des arguments selon ses propres mérites.

Questions clés

  • La CODP devrait-elle définir la croyance dans sa politique mise à jour? Dans l’affirmative, comment?
  • Que nous disent la jurisprudence et les principes d’interprétation législative à propos de la façon de concevoir le terme « croyance »?
  • Quelles distinctions, le cas échéant, peut-on établir entre la « croyance » et les autres « convictions » (p. ex. opinions, préférences) et pratiques connexes?
  • Quelles sont certaines des conséquences de l’élargissement de la définition de « croyance » pour ceux et celles qui ont des responsabilités aux termes du Code?

1. Contexte

1.1 Définition actuelle de la croyance dans la politique de la CODP

La croyance est l’un des motifs de discrimination interdits aux termes du Code des droits de la personne de l’Ontario. Le Code n’offre pas de définition de la croyance, mais la Politique sur la croyance et les mesures d’adaptation relatives aux observances religieuses de la CODP de 1996 la définit de la façon suivante :

On entend par croyance une « croyance religieuse » ou une « religion », ce qui est défini par un système reconnu et une confession de foi, comprenant à la fois des convictions et des observances ou un culte. La foi en Dieu ou en des dieux, ou en un être suprême ou une divinité, n’est pas une condition essentielle de la définition de croyance[220].

La Politique sur la croyance de 1996 utilise le terme « religion » dans son sens large, en y incluant par exemple des cultes non théistes, comme les croyances et pratiques spirituelles des cultures autochtones, ainsi que les nouvelles religions de bonne foi (évaluées au cas par cas)[221]. Néanmoins, elle y exclut clairement les croyances non religieuses en affirmant explicitement que « [l]e terme croyance ne comprend pas les convictions profanes, morales ou éthiques, ni les convictions politiques »[222]. La politique de 1996 stipule également qu’elle ne s’étend pas aux « religions qui incitent à la haine ou à la violence contre d’autres groupes ou personnes » ou aux « pratiques et observances qui prétendent avoir un fondement religieux, mais qui contreviennent aux normes internationales en matière de droits de la personne ou même au code criminel »[223].

Depuis l’adoption de la politique de 1996, les tribunaux et le TDPO sont de plus en plus souvent amenés à s’interroger sur la portée légitime à donner aux protections en matière de droits de la personne conférées aux termes du Code au motif de la croyance (voir la discussion ci-après). Plusieurs causes récentes ont fait intervenir des systèmes de croyances non religieuses, y compris le véganisme éthique[224], l’athéisme[225] et des convictions politiques[226]. Ce genre de causes, jumelées à d’autres développements du domaine juridique et tendances sociales plus vastes (comme la hausse des formes de croyances et d’affiliation non religieuses), contribuent à faire de la définition de la croyance un élément essentiel de la mise à jour de la politique actuelle.

1.2. Développements du domaine juridique

La plupart des décisions prises en application du Code et rendues par le TDPO et les tribunaux judiciaires donnent à la croyance le sens de religion, conformément à la position stratégique de 1996 de la CODP[227]. Le Black’s Law Dictionary fait de même quand il définit le mot anglais « creed » comme étant « une confession d’articles de la foi, une déclaration formelle de croyances religieuses, toute formulation ou confession de foi religieuse et un système de croyances religieuses »[228]. De façon semblable, l’ouvrage de Tarnopolsky et Pentney intitulé Discrimination and the Law indique que les termes croyance (ou « creed ») et religion « sont essentiellement synonymes »[229].

Il existe cependant quelques exceptions notables à cette tendance. Dans R.C. v. District School Board of Niagara[230]le TDPO a conclu que la protection contre la discrimination fondée sur la croyance s’étendait à l’athéisme. Le TDPO affirmait que l’interdiction de la discrimination fondée sur la croyance incluait « le fait de veiller à ce que nulle personne ne fasse l’objet de discrimination en emploi, en matière de services et dans les autres domaines sociaux visés par le Code en raison de son rejet des convictions ou pratiques d’une ou plusieurs religions, voire de toutes les religions, ou de sa croyance en l’existence d’aucune divinité »[231].

Une variété d’autres causes ont laissé la porte ouverte à la possibilité que les convictions non religieuses puissent constituer une croyance au sens où l’entend le Code (voir la discussion ci-après). Dans l’ensemble, les tribunaux semblent réticents à fournir une définition finale, définitive ou fermée du terme « croyance » qui ferait autorité, y préférant plutôt une évaluation au cas par cas plus organique et analogique de la situation (« si cela ressemble à un canard, marche comme un canard et fait coin-coin, cela doit être un canard »)[232]. Cette approche a donné des résultats variés. Les tribunaux judiciaires et administratifs ont étendu la portée des notions de « croyance » au sens du Code et de « religion » au sens de la Charte à une grande variété de croyances spirituelles et religieuses définies de façon subjective, dont :

  • les pratiques spirituelles autochtones[233]
  • la Wicca[234]
  • l’huttérisme[235]
  • le mouvement raëlien[236]
  • le Falun Gong[237]
  • l’Église universelle de Dieu[238]
  • la Rocky Mountain Mystery School[239].

Rien dans la jurisprudence n’interdit l’élargissement de la définition de « croyance » ou l’inclusion de convictions éthiques et morales laïques à cette définition. Par conséquent, la question de savoir ce qui devrait constituer une croyance au sens du Code lorsqu’il s’agit de protéger le droit de vivre à l’abri de la discrimination n’est pas close, surtout en ce qui concerne les croyances laïques, morales ou éthiques. D’ailleurs, cette question est au cœur des discussions entourant la mise à jour de notre Politique sur la croyance. En même temps, les tribunaux ont proposé des lignes directrices sur les limites qu’ils comptent imposer aux croyances dignes de protection aux termes du Code (voir la discussion ci-après).

De plus, l’application des principes d’interprétation législative peut porter à croire que croyance et religion ont un sens distinct (consulter l’Examen de la jurisprudence relative à la croyance de la CODP et la section 3, ci-après, pour une discussion plus poussée de la question).


[220] Voir la Politique sur la croyance et les mesures d'adaptation relatives aux observances religieuses de la CODP, 1996, p. 4.

[221] ibidem, p. 4. La politique indique aussi que « [p]our qu’il y ait croyance au sens de la loi, il faut et il suffit qu’il y ait à la fois des convictions et des pratiques religieuses, pourvu que ces convictions soient entretenues et que ces pratiques soient observées de façon sincère ».

[222] ibidem, p. 5.

[223] ibidem, p. 5. La politique stipule également ce qui suit, dans une note de fin de texte : « Non seulement de tels groupes ne sont pas protégés par le Code, mais ils pourraient bien être sujets à des poursuites en vertu du Code criminel ». Les activités illicites de ces groupes devraient être immédiatement signalées à la police. Par exemple, la mutilation génitale des femmes est une violation des droits fondamentaux des femmes et n’est pas une activité protégée au motif de la croyance. Voir la Politique sur la mutilation génitale féminine de la CODP.

[224] Voir Ketenci v. Ryerson University, 2012 OHRT 994 (CanLII). 

[225] R.C. v. District School Board of Niagara, supra note 8. 

[226] Al-Dandachi v. SNC-Lavalin Inc., 2012 ONSC 6534 (CanLII).

[227] Voir l’Examen de la jurisprudence relative à la croyance (2012) et Chiodo (2012a) pour un résumé de certaines de ces décisions.

[228] 6e édition, 1990.

[229] Tarnopolsky et Pentney, 1985, p. 61.

[230] Supra note 8.

[231] ibidem, par. 30. Dans sa décision en faveur du requérant athée, le président associé du TDPO, David Wright, a noté également, au par. 31 :

À mes yeux, la protection contre la discrimination fondée sur la religion doit inclure la protection de la croyance d’un requérant en l’existence d’aucune déité, une conviction personnelle profonde du manque d’existence d’une divinité ou un d’ordre supérieur qui gouverne sa perception de soi, de l’être humain et du monde. Les croyances du requérant ont trait à la religion et font intervenir l’objectif d’assurer le traitement équitable de chaque personne, quelles que soient ses opinions ou pratiques en matière de religion. Il n’est pas nécessaire dans le présent cas de déterminer si la croyance peut parfois englober les convictions profondes portant sur des questions autres que la religion. 

[232] Voir Kislowicz (2012) pour en connaître davantage sur les points forts de cette approche analogique.

[233] Voir Kelly v. British Columbia (Public Safety and Solicitor General), supra, note 11.

[234] Re O.P.S.E.U. and Forer (1985), supra, note 12.

[235] Alberta v. Hutterian Brethren of Wilson Colony, [2009] 2 S.C.R. 567.

[236] Chabot c. Conseil scolaire catholique Franco-Nord, 2010 TDPO 2460 (CanLII).

[237] Huang, supra note 14.

[238] Central Alberta Dairy Pool v. Alberta (Human Rights Commission), [1990] 2 S.C.R. 489.

[239] Dans cette décision arbitrale particulière au sujet d’un grief, l’arbitre du travail n’a pas approfondi pourquoi la participation à la Rocky Mountain Mystery School, un « organisme qui enseigne les pratiques et connaissances anciennes de la lumière et de l’œuvre de la lumière dans le monde » était une croyance. Il s’est plutôt concentré sur la question de savoir si l’employeur était tenu de prendre des mesures d’adaptation pour accorder à l’employée un congé afin qu’elle participe à un pèlerinage (Communications, Energy and Paperworkers Union of Canada Local 722-M v. Global Communications, [2010] C.L.A.D. No. 298 [QL]). En concluant que l’employeur aurait dû prendre de telles mesures d’adaptation, l’arbitre a implicitement admis que le motif de la croyance était en jeu.

 

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