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3. Grossesse et autres motifs de discrimination dans le Code

3.1. La grossesse et les motifs connexes prévus par le Code

La discrimination fondée sur la grossesse dont font l’objet les femmes enceintes peut varier en raison d’autres aspects de leur identité. Il existe des stéréotypes particuliers et persistants qui concernent les femmes enceintes qui sont célibataires, jeunes, handicapées, bénéficiaires de l'aide sociale, issues de groupes racialisés[21], autochtones, lesbiennes ou bisexuelles. Par exemple, les jeunes mères, en particulier si elles sont célibataires, pourraient être qualifiées de personnes irresponsables et sans compétences parentales, et faire l’objet de discrimination en matière de logement. De même, certaines femmes se heurtent à des attitudes négatives si elles sont enceintes ou ont un enfant sans être mariées[22]. Il pourrait s’agir de discrimination fondée sur le sexe, l’état familial et l’état matrimonial.

Par ailleurs, certaines femmes enceintes qui ont des besoins spéciaux se heurtent à des obstacles liés à d’autres aspects de leur identité. Ces obstacles peuvent par exemple prendre la forme d’un manque de services et de mesures de soutien appropriés et accessibles, destinés aux femmes handicapées qui sont enceintes.

Les mères qui sont jeunes, célibataires, handicapées[23], issues de groupes racialisés ou autochtones affichent des taux de pauvreté disproportionnés[24], et sont par conséquent particulièrement vulnérables aux effets de la discrimination[25].

3.2. Grossesse et état familial

Dans le domaine des droits de la personne, les protections relatives à la discrimination fondée sur la grossesse sont étroitement liées aux protections relatives à la discrimination fondée sur l’état familial. Le Code définit l’état familial comme le « fait de se trouver dans une relation parent-enfant »[26]. Ce motif étend la protection aux personnes qui fournissent des soins dans le cadre d’une relation de type parent-enfant, dont les soins aux personnes âgées et aux jeunes enfants[27]. Dans certaines situations, la discrimination fondée sur la grossesse recoupe la discrimination fondée sur l’état familial. Par exemple, une mère qui vient d’accoucher sera couverte par les protections liées à la grossesse et à l’état familial.

La discrimination fondée sur la grossesse et la discrimination fondée sur l’état familial découlent souvent des mêmes stéréotypes et attitudes négatives, par exemple les attitudes négatives de certains locateurs à l’égard des enfants ou l’opinion d’employeurs selon laquelle les mères sont moins capables, dévouées et compétentes que d’autres employés. Les employeurs ou les fournisseurs de logements font parfois de la discrimination fondée sur la grossesse pour éviter d’avoir à tenir plus tard compte des besoins d’une femme liés à son état familial.

Un grand nombre de femmes enceintes ont déjà d’autres enfants et elles risquent de faire en même temps face à de la discrimination fondée sur la grossesse et de la discrimination fondée sur l’état familial[28].

Les hommes peuvent aussi se heurter à de la discrimination fondée sur l’état familial en raison de leur relation avec une femme enceinte, ou parce qu’ils requièrent des mesures d’adaptation pour satisfaire des besoins liés au soin d’un nouveau-né[29].

3.3. Grossesse, identité sexuelle et expression de l’identité sexuelle

L’identité sexuelle et l’expression de l’identité sexuelle font partie des motifs de discrimination interdits aux termes du Code[30]. Cette politique s’applique également aux personnes trans ou à identités sexuelles variées qui se heurtent à de la discrimination fondée sur la grossesse et l’allaitement. Les personnes trans ou à identités sexuelles variées qui sont enceintes ou qui allaitement peuvent être vulnérables à de l’attention non sollicitée, des traitements irrespectueux ou des conduites ou commentaires non appropriés provenant d’autrui parce qu’elles ne se conforment pas aux normes sexospécifiques. Les perceptions négatives selon lesquelles les parents trans causeront du tort à leurs enfants perdurent[31].

En matière d’emploi, certains hommes trans[32] qui ont une identité sexuelle vécue[33] masculine pourraient avoir à divulguer le fait qu’ils sont trans au moment de demander des mesures d’adaptation en lien avec une grossesse, ce qui pourrait les rendre vulnérables à de la discrimination. Certaines personnes trans rapportent que leurs expériences de vie spécifiques liées à l’identité sexuelle étaient invisibles aux yeux de certains intervenants en santé offrant du soutien en matière de grossesse ou de fertilité[34].

3.4. Grossesse et violence conjugale

Le vécu des femmes en matière de grossesse peut chevaucher des expériences de violence fondée sur le sexe. Des recherches révèlent que les femmes enceintes courent plus de risques d’être victimes de violence conjugale et que la violence peut augmenter durant la grossesse[35].

Les femmes victimes de violence conjugale peuvent faire l’objet de mesures disciplinaires au travail ou même perdre leur emploi en raison de politiques rigides sur l’absentéisme. La discrimination dont font preuve certains locateurs à l’endroit des mères célibataires crée d’importants risques pour les femmes qui tentent de fuir une relation violente. Ces femmes peuvent être contraintes de demeurer dans une relation violente parce qu’elles n’ont littéralement aucun autre endroit où aller[36].


[21] La race est un construit social. Le Rapport de la Commission sur le racisme systémique dans le système de justice pénale en Ontario définit la racialisation comme « un processus par lequel les sociétés assoient la notion que les races sont bien réelles, différentes et inégales, de façons qui importent pour la vie sociale, économique et politique ». Rapport de la Commission sur le racisme systémique dans le système de justice pénale en Ontario, Toronto, Imprimeur de la Reine pour l'Ontario, 1995 (co-présidents : D. Cole et M. Gittens), p. 40-41. Pour de plus amples renseignements, voir le document de 2005 de la CODP intitulé Politique et directives sur le racisme et la discrimination raciale, accessible en ligne à l’adresse : CODP http://www.ohrc.on.ca/fr/politique-et-directives-sur-le-racisme-et-la-discrimination-raciale.

[22] Il peut aussi y avoir de la discrimination quand un employeur désapprouve de la situation personnelle d’une femme ou de sa relation avec le père de l’enfant. Dans Ballendine v. Willoughby (No. 5), 2009 BCHRT 33 (CanLII), le tribunal des droits de la personne de la Colombie-Britannique (BCHRT) a conclu qu’une femme avait subi de la discrimination fondée sur sa grossesse quand elle a été congédiée en partie parce que son employeur n’aimait pas la relation qui avait mené à la grossesse et se préoccupait de son impact sur le milieu de travail. Dans la décision Johnston v. Poloskey (2008), CHRR Doc. 08-079, 2008 BCHRT 55, le BCHRT a jugé qu’une femme avait été victime de discrimination fondée sur la grossesse et a conclu que l’une des raisons pour lesquelles l’employeur (un mari et une femme) avait décidé de ne pas continuer l’emploi de la femme était qu’il désapprouvait le fait qu’elle était enceinte sans être mariée, même s’il connaissait et appréciait l’homme qui était son conjoint de fait et le père de son enfant.

[23] Les femmes peuvent aussi bénéficier de protection contre la discrimination fondée sur le sexe et l’invalidité si elles font l’objet d’un traitement préjudiciable lié à des complications ou à une invalidité des suites d’une grossesse. Voir Purres, supra, note 15.

[24] Par exemple, voir Amber Gazso et Ingrid Waldron, « Fleshing out the Racial Undertones of Poverty for Canadian Women and their Families : Re-envisioning a Critical Integrative Approach », Atlantis, vol. 34, no 1 (2009), p. 132; May Luong, « Que sont devenues les mères adolescentes », Perspectives, no 75-001-X (mai 2008). Accessible en ligne à l’adresse : Statistique Canada www.statcan.gc.ca/pub/75-001-x/2008105/pdf/10577-fra.pdf. En 2008, le Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées rapportait ce qui suit :  « Les familles monoparentales dirigées par une femme étaient particulièrement touchées avec un taux de faible revenu de 20,9 %, comparativement à 7,0 % parmi les familles monoparentales dirigées par un homme […] La même année, 36 % de tous les enfants vivant en situation de faible revenu (218 000 enfants environ) vivaient dans une famille monoparentale dont le chef était une femme ». Voir le Rapport de 2010 du Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées intitulé  Plan fédéral de réduction de la pauvreté : Travailler en partenariat afin de réduire la pauvreté au Canada, p. 22 (présidente : Candice Hoeppner). Accessible en ligne à l’adresse : Parlement du Canada http://www.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?DocId=4770921&Mode=1&Parl=40&Ses=3&File=24&Language=F; Marika Morris et Tahira Gonsalves, Les femmes et la pauvreté – 3e édition,  Institut canadien de recherches sur les femmes, accessible en ligne à l’adresse : Institut canadien de recherches sur les femmes http://criaw-icref.ca/fr/WomenAndPoverty (consulté le 10 avril 2014).

[25] Le TDPO a tenu compte de certaines de ces vulnérabilités particulières au moment d’établir des mesures de réparation. Dans Maciel v. Fashion Coiffures Ltd. (No. 3) (2009), CHRR Doc. 09-2373, 2009 HRTO 1804 (CanLII), la CODP a fait remarquer la vulnérabilité que représentait le jeune âge de la plaignante. Dans Maciel et dans Graham, supra, note 7, le TDPO a tenu compte des effets sur les plaignantes en tant que mères célibataires.

[26] Code des droits de la personne de l’Ontario, L.R.O. 1990, chap. H-19, par. 10(1).

[27] Voir aussi le document Politique et directives concernant la discrimination au motif de l’état familial de 2007 de la CODP, accessible en ligne à l’adresse : CODP www.ohrc.on.ca/fr/politique-et-directives-concernant-la-discrimination-….

[28] Voir Brown v. PML and Wightman (No. 4), 2010 BCHRT 93 (CanLII).

[29] Dans McDonald v. Mid-Huron Roofing, 2009 HRTO 1306 (CanLII), le TDPO a conclu qu’un homme avait fait l’objet de discrimination fondée sur l’état familial quand il a été congédié en raison d’absences liées aux graves complications subies par sa femme en raison de sa grossesse, parce qu’il avait dû accompagner son bébé prématuré à une consultation médicale.

[30] « Identité sexuelle » fait référence à l’expérience intime et personnelle de son sexe telle que vécue par chacun. Elle a trait au fait de se sentir femme, homme, les deux, aucun ou autrement, selon où l’on se positionne sur le continuum de l’identité sexuelle. L’identité sexuelle d’une personne peut correspondre ou non au sexe qui lui a été assigné à la naissance. L’expression de l’identité sexuelle fait référence à la manière dont une personne exprime ouvertement ou présente son sexe. Cela peut inclure ses comportements et son apparence, comme ses choix vestimentaires, sa coiffure, le port de maquillage, son langage corporel et sa voix. De plus, l’expression de l’identité sexuelle inclut couramment le choix d’un nom et d’un pronom pour se définir. Ces attributs déterminent comment l’identité sexuelle sera perçue par autrui. Pour de plus amples renseignements, voir la Politique sur la prévention de la discrimination fondée sur l’identité sexuelle et l’expression de l’identité sexuelle de la CODP, supra, note 2.

[31] « [L]idée qu’un parent trans causera du tort à son enfant perdure dans les décisions prises en matière de garde d’enfants, les politiques et pratiques de planification familiale et l’opinion publique, et est ressentie comme de la discrimination par les parents trans […] Jake Pyne, Transforming Family: Trans Parents and their Struggles, Strategies and Strengths, 2012, accessible en ligne à l’adresse : LGBT Parenting Connection www.lgbtqparentingconnection.ca/resources.cfm?mode=3&resourceID=444bca3c-ba19-213b-d94e-e941220871c1&subjectID=59, à la p. 8.

[32] Une personne qui se définit comme un homme mais dont le sexe assigné à la naissance est « féminin » peut aussi se définir comme un homme trans (femme à homme).

[33] Le terme « identité sexuelle vécue » fait référence à l’identité sexuelle (« identité sexuelle » le long du continuum du sexe) que la personne ressent intérieurement et exprime publiquement (« expression de l’identité sexuelle ») dans sa vie quotidienne, y compris au travail ou au moment de se procurer des biens et services, dans le contexte du logement et au sein de la collectivité.

[34] Pyne, supra, note 31, à 5, 22 et 25.

[35] Voir Agence de la santé publique du Canada, La violence faite aux femmes – Aperçu, 2009, accessible en ligne à l’adresse : Agence de la santé publique du Canada http://www.phac-aspc.gc.ca/ncfv-cnivf/publications/femviof-fra.php  (consulté le 3 février 2014); Muriel McQueen Fergusson Centre for Family Violence Research, « Family Violence and Pregnancy », Fact Sheets, Series 11/16 Pregnancy, 2004, accessible en ligne à l’adresse : http://fvps.ca/womanabuseresearch/factsheet11.pdf.. Bien que les données canadiennes sur la violence physique envers les femmes enceintes soient limitées, l’Enquête sur la violence envers les femmes de 1993 a révélé que 21 % des femmes victimes de violence familiale ont subi des mauvais traitements durant la grossesse. Dans 40 % des cas, la violence avait débuté durant la grossesse. Voir Statistique Canada, Mesure de la violence faite aux femmes : tendances statistiques 2006, accessible en ligne à l’adresse : Statistique Canada http://www5.statcan.gc.ca/access_acces/alternative_alternatif.action?loc=http://www.statcan.gc.ca/pub/85-570-x/85-570-x2006001-fra.pdf&l=fra&archive=1

[36] Ces points ont été soulevés pendant les consultations publiques de la CODP de 2005 sur la discrimination fondée sur l’état familial. Voir CODP, Le coût de la prestation de soins : Rapport de consultation sur la discrimination fondée sur l’état familial, 2006, accessible en ligne à l’adresse : CODP  http://www.ohrc.on.ca/fr/le-co%C3%BBt-de-la-prestation-de-soins-rapport-de-consultation-sur-la-discrimination-fond%C3%A9e-sur-l%E2%80%99%C3%A9tat, p. 10.