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III. L’état familial et les autres motifs prévus par le Code

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L’expérience de chaque personne en ce qui a trait à son état familial est profondément influencée par d’autres aspects de son identité, notamment le sexe, l’orientation sexuelle, l’âge, la race, le statut matrimonial ou l’incapacité : voilà quel était le thème principal des mémoires reçus par la Commission. Par exemple, l’expérience d’un parent vieillissant qui a un enfant handicapé sera différente de celle d’une mère célibataire autochtone à la recherche d’un logement. Une mère mariée hétérosexuelle intéressée à développer sa carrière ne sera pas confrontée aux mêmes obstacles qu’un couple composé de lesbiennes qui s’occupe de l’éducation de ses enfants. Au-delà de l’expérience partagée des obstacles fondés sur la prestation de soins, le recoupement entre les divers motifs du Code peut donner lieu à des formes de discrimination uniques et complexes. Il est essentiel d’envisager le contexte intégral des questions liées à l’état familial pour comprendre le fond du problème. On trouvera ci-après certaines questions soulevées par le recoupement entre l’état familial et le sexe, l’incapacité, l’orientation sexuelle, la race et les motifs liés à la race et l’âge.

1. L’état familial et le sexe

Nous vivons dans un monde où les rôles et les stéréotypes assignés à chacun des sexes existent. Ces rôles et stéréotypes posent des obstacles aussi bien aux hommes qu’aux femmes.
TCA Canada

Les femmes continuent d’assumer la majeure partie des responsabilités lorsqu’il s’agit de prendre de soin des enfants, des parents vieillissants ou des membres de la famille qui sont handicapés. Les femmes consacrent plus de temps aux activités associées à la prestation de soins et sont généralement les principales responsables du soin des membres de la famille. Plus de 70 p. 100 des soins informels sont dispensés par les femmes[2].

Les personnes consultées ont souligné que la prestation de soins est tellement étroitement associée au partage des rôles entre les sexes qu’il est impossible d’envisager adéquatement l’état familial sans examiner de près les questions liées au sexe. Les questions liées à l’état familial sont souvent qualifiées de « questions relatives aux femmes »; en même temps, plusieurs ont précisé qu’il sera impossible de réaliser des progrès réels tant que ces questions seront perçues uniquement comme des « questions relatives aux femmes ». Les effets des responsabilités des femmes en matière de prestation de soins sont la clé du désavantage continu auquel les femmes sont confrontées dans le secteur de l’emploi, du logement et dans la société en général.

Les organisations qui ont présenté des mémoires et les participants aux tables rondes ont soulevé divers facteurs qui poussent les femmes à assumer plus de responsabilités sur le plan de la prestation de soins, notamment un revenu gagné inférieur, les normes concernant le sexe et les responsabilités familiales et le manque d’accommodement de la part des employeurs. Le Centre de la défense des personnes handicapées a précisé que les familles des enfants handicapés tendent à suivre le modèle traditionnel de la mère à la maison, indiquant que des pressions extrêmes sont exercées sur les femmes pour qu’elles quittent le monde du travail et retournent à la maison[3].

Un grand nombre de personnes consultées ont parlé des pressions exercées sur les femmes qui travaillent en ce qui concerne leurs responsabilités comme soignantes. Les TCA ont parlé à la Commission des préoccupations des travailleuses de l’automobile concernant la journée double ou triple et la situation « sandwich » dans laquelle elles se trouvent lorsqu’elles prennent soin des enfants et des parents. Certaines personnes ont mentionné que les obligations en matière de soins et le manque d’accommodement et de soutien incitent les femmes à travailler à temps partiel ou à quitter le monde du travail.

Des conventions et documents internationaux reflètent ces réalités. La Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes[4] exige que les États parties, afin de promouvoir l’égalité des femmes, prennent toutes les mesures qui s’imposent pour faire bien comprendre que la maternité est une fonction sociale et pour encourager la fourniture des services sociaux d’appui nécessaires pour permettre aux parents de combiner les obligations familiales avec les responsabilités professionnelles et la participation à la vie publique. La Déclaration et Programme d’action de Beijing
de 1995 reconnaissait que les mauvaises conditions dans lesquelles les femmes travaillent constituent un obstacle important qui empêche celles-ci de s’épanouir pleinement [5].

Des pays étrangers ont reconnu que le non-accommodement des responsabilités associées à la prestation de soins a un impact négatif sur les femmes et constitue une forme de discrimination fondée sur le sexe. Par exemple, en Australie, la Sex Discrimination Act interdit explicitement aux employeurs d’exercer une discrimination fondée sur les responsabilités familiales à l’égard de leurs employés. Le défaut d’accommoder les responsabilités familiales des travailleurs a été considéré comme une forme de discrimination indirecte fondée sur le sexe[6]. La Nouvelle-Galles du Sud interdit la discrimination dans le secteur de l’emploi à l’égard des personnes responsables de la prestation de soins; les employeurs ont été obligés d’accommoder les responsabilités en matière de soins à moins que cela ne leur cause un préjudice injustifiable[7]. Aux États-Unis, des problèmes relatifs à l’accommodement des besoins liés aux responsabilités familiales ont fait l’objet de poursuites pour discrimination fondée sur le sexe[8].

Les rôles et les stéréotypes assignés à chacun des sexes ont également des effets négatifs sur les hommes. On croit généralement que les hommes n’assument pas et ne devraient pas assumer une grande partie des responsabilités associées à la prestation de soins. Lorsqu’ils le font, ils sont assujettis à un traitement négatif. Comme l’affirmait un mémoire :

Au travail, on s’attend, bien que cela ne soit pas toujours toléré, à ce que les femmes assument des responsabilités sur le plan des soins. Cela peut être un avantage mais cela peut également servir à discréditer les travailleuses. D’un autre côté, la prévalence de cette attitude suggère que lorsque les responsabilités des hommes en matière de soins affectent leur travail il y a souvent de la surprise et de l’opposition.

On peut soutenir que, en dehors du motif de l’état familial, le manque de reconnaissance et d’accommodement des responsabilités en matière de soins découlant des rôles et des hypothèses invétérés assignés à chacun des sexes a des retombées négatives pour les femmes et, dans certains cas, pour les hommes. À ce titre, il peut, dans les circonstances appropriées, être considéré comme une discrimination fondée sur le sexe.

On doit prêter une attention spéciale à la situation des femmes qui sont victimes de violence conjugale. En effet, les politiques d’absentéisme sévères peuvent les assujettir à des mesures disciplinaires ou même leur faire perdre leur emploi. Un organisme de lutte contre la violence à l’égard des femmes et des enfants affirme ce qui suit :

La discrimination exercée par les propriétaires à l’égard des mères célibataires pose un risque grave aux femmes pour lesquelles nous travaillons. Il n’est pas inhabituel de voir les femmes confrontées à une telle discrimination de poursuivre une relation de violence parce qu’elles n’ont aucun autre endroit où aller. Or, une fois qu’une femme est retournée vivre avec son abuseur, celui-ci peut invoquer son incapacité à trouver un logement pour l’empêcher de le quitter de nouveau.
Metropolitan Action Committee on Violence Against Women (METRAC)

Les désavantages vécus par les soignantes sont exacerbés lorsque celles-ci prennent soin des membres de leur famille qui sont handicapés ou si elles sont racialisées, transgenres, lesbiennes ou bisexuelles, parent unique ou sont elles mêmes handicapées.

2. L’état familial et le handicap

Les personnes qui prennent soin des membres de leur famille qui sont handicapés doivent surmonter des enjeux et des obstacles encore plus graves que les autres personnes soignantes. En effet, elles exercent leurs responsabilités alors que les soutiens sociaux offerts aux personnes handicapées et à leurs soignants sont nettement inadéquats. Une étude récente a révélé que plus de deux millions de personnes au Canada ont besoin d’aide pour accomplir leurs activités quotidiennes. La majorité de cette aide est fournie par des membres de la famille vivant avec la personne ou dans un logement séparé[9].

Pour certaines familles, l’enjeu principal ne porte pas sur les responsabilités en elles-mêmes mais sur les difficultés découlant des obstacles systématiques à l’intégration dans la collectivité, par exemple lorsque les enfants ne sont pas intégrés dans le système d’éducation ou que les particuliers n’ont pas accès aux services de transport [10]. Comme le mentionne une étude de l’Association canadienne pour l’intégration communautaire :

Le manque continu de soutien aux personnes handicapées et l’incapacité de la collectivité à défendre et à inclure les personnes handicapées empêchent la famille de suivre les étapes naturelles de la prestation de soins... Les soutiens inflexibles et les systèmes et pratiques communautaires d’exclusion obligent les familles à assumer un plus grand rôle dans la prestation de soutiens au membre de leur famille qui est handicapé... Les parents, conjoints, frères et sœurs et enfants plus âgés qui dispensent les soins sans soutien extérieur doivent assumer un rôle qui va au-delà de celui de soignant. En effet, leur rôle est élargi pour inclure la prestation de niveaux de soutien souvent non viables, allant au-delà de ceux d’une famille typique[11].

Les répercussions sur les membres des familles des personnes handicapées sont nombreuses. Une étude a indiqué que les travailleurs ayant des enfants handicapés sont plus aptes à refuser les heures supplémentaires, à réduire leurs heures de travail et à refuser les promotions[12]. Les enfants handicapés sont plus aptes à vivre dans la pauvreté, leurs parents sont deux fois plus portés à compter sur l’aide sociale comme source principale de revenu et ces familles ont de la difficulté à trouver des logements accessibles dans les collectivités offrant le soutien nécessaire[13].

Ma fille est atteinte de troubles mentaux depuis l’âge de sept ans et, en tant que mère célibataire, j’ai cessé de travailler pour m’occuper d’elle. Nous vivons maintenant dans la pauvreté...En tant que parent seul, je n’ai pas assez d’argent pour payer les traitements coûteux de mon enfant... [Le manque d’argent] a affecté notre logement et ma capacité de m’occuper convenablement de mon enfant et, notamment, de lui offrir des médicaments, une saine nutrition, des vêtements et des sorties.
Particulier

Il faut également prêter attention à la situation des personnes handicapées qui sont elles-mêmes des soignantes. Ces personnes peuvent être désavantagées à plusieurs points de vue. Ainsi, les parents handicapés sont l’objet de stéréotypes concernant leur capacité d’assurer la sécurité de leurs enfants ou de leur offrir des soins de base et peuvent être assujettis à des enquêtes injustifiées de la part des agences de protection de l’enfance. En outre, ils ont parfois de la difficulté à trouver des services accessibles pour eux-mêmes en qualité de soignants. Par exemple, le Centre de la défense des personnes handicapées a été avisé que les fournisseurs de services de transport spécialisé autorisent rarement un parent handicapé à voyager avec un enfant. Cela signifie que les parents handicapés n’ont pas de moyen de transport pour emmener leurs enfants à leurs rendez-vous, à la garderie ou en excursion.

3. L’état familial et l’âge

Un grand nombre de mémoires ont fait remarquer les difficultés particulières auxquelles font face les parents vieillissants d’enfants handicapés. En vieillissant, les parents découvrent souvent qu’ils ne sont pas en mesure de dispenser les soins exhaustifs dont leurs enfants ont besoin et qu’ils sont incapables d’accéder aux soutiens communautaires nécessaires au maintien du bien-être social, émotionnel et physique de leurs enfants. Les parents ressentent parfois une anxiété terrible quant au sort de leurs enfants lorsqu’ils ne pourront plus prendre soin d’eux[14].

D’autres mémoires ont fait état du nombre accru de grands-parents qui prennent soin de leurs petits-enfants. Environ 20 000 enfants en Ontario sont présentement soignés par leurs grands-parents, dont près de la moitié sont des grands-mères célibataires. Bon nombre d’entre elles ont de graves problèmes de santé et de mobilité. Environ un tiers de ces familles vivent dans la pauvreté. Or, les besoins uniques de ce groupe de soignants sont souvent ignorés[15]. Une grand-mère prenant soin d’un petit-fils ayant des besoins particuliers a déclaré à la Commission qu’elle a dû quitter un bon emploi et prendre un emploi à temps partiel pour s’en occuper, en plus de vendre sa maison pour payer les frais. Par conséquent, elle est incapable d’économiser en vue de sa retraite.

Comme la Commission l’a indiqué dans Il est temps d’agir : Faire respecter les droits des personnes âgées en Ontario[16], le manque de soutien social pour les membres des familles qui prennent soin de personnes âgées reste un problème significatif et urgent. La Commission a entendu parler encore une fois durant cette consultation des besoins croissants et urgents reliés aux soins aux aînés qui sont dispensés, en grande partie, dans la collectivité par les membres de la famille. Le manque de soutien accordé à ces soignants par le gouvernement, les employeurs et les fournisseurs de services a des répercussions importantes sur la qualité de vie des personnes âgées de l’Ontario et des personnes qui leur dispensent des soins[17].

De l’autre côté des spectres de l’âge, les jeunes parents sont confrontés à d’importants enjeux. Les nombreux stéréotypes négatifs concernant les jeunes parents les empêchent de trouver un logement et entravent l’accès aux services. Par exemple, les employeurs et les propriétaires de logement peuvent penser que les jeunes manquent de maturité, ce qui pose des difficultés à ces derniers sur le plan de l’accès à l’emploi ou au logement.

La discrimination à mon égard était due en grande partie au fait que je suis mère célibataire. J’avais 19 ans lorsque ma fille est née et j’ai eu beaucoup de difficulté à trouver un travail ou un logement. Les gens croient que votre état de mère célibataire signifie nécessairement que vous avez des problèmes. Ils ne vous font pas confiance. Parce que vous êtes célibataire, ils savent que vous devez faire deux fois plus d’efforts pour élever un enfant et, parce que vous êtes jeune, ils pensent que vous êtes simplement irresponsable et voulez vous amuser.
Particulier

Les jeunes parents sont beaucoup plus susceptibles d’être pauvres : en 2001, 48,1 p. 100 des familles dont le principal soutien économique avait moins de 25 ans étaient des familles à faible revenu[18]. Or, un revenu faible les désavantage considérablement sur le marché du logement[19]. Aux tables rondes, la Commission a appris que ces obstacles sont particulièrement prononcés pour les jeunes parents des communautés autochtones et des groupes racialisés.

4. L’état familial, l’orientation sexuelle et l’identité sexuelle

La Coalition pour les droits des lesbiennes et personnes gaies en Ontario a déclaré que les stéréotypes négatifs concernant l’aptitude des personnes gaies, lesbiennes ou bisexuelles à assumer le rôle de parents ou de modèles de comportement sont encore très courants en Ontario et la Commission a entendu dire que des stéréotypes semblables affectent les personnes transgenres[20]. Par conséquent, les parents qui appartiennent aux communautés lesbiennes, gaies, bisexuelles et transgenres sont confrontés à des difficultés distinctes en ce qui concerne l’état familial.

Les tribunaux ont reconnu le désavantage historique des mères lesbiennes et de leurs enfants et que ces familles continuent d’être confrontées à des obstacles juridiques et à une marginalisation sociale[21].

Les personnes consultées ont décrit les enjeux associés à l’acte de devenir parent, notamment les restrictions fédérales sur l’utilisation du sperme. Un autre enjeu portait sur la nécessité pour les parents qui sont lesbiennes de faire adopter l’enfant par l’une d’elles pour être reconnues comme parent.

Quand nous avons présenté une demande de certificat de naissance au registraire général, on nous a dit qu’un parent non biologique n’était pas reconnu sur le certificat de naissance et que nous devions prendre des mesures légales pour réaliser une adoption par un beau-parent. Ma partenaire n’est pas et ne sera jamais un beau-parent pour notre fils. Par contre, les couples hétérosexuels qui utilisent le sperme d’un donneur pour concevoir ne sont PAS tenus de procéder à une adoption par un beau-parent coûteuse et longue. Le père, en dépit du fait qu’il n’est pas un parent biologique, peut figurer sur le certificat de naissance original et n’est pas considéré comme le beau-parent de l’enfant.

L’effet discriminatoire de telles politiques a été reconnu dans une récente décision de la Cour supérieure de justice de l’Ontario rendue dans la cause M.D.R. c. Ontario (Deputy Registrar General)[22]. L’affaire concernait des parents qui sont lesbiennes, dont les enfants ont été conçus par l’insémination du sperme d’un donneur anonyme, qui cherchaient à inclure des précisions sur les deux parents sur la Déclaration de naissance vivante de chaque enfant. Le Tribunal a déterminé que les dispositions de la Loi sur les statistiques de l’état civil interdisant cette inclusion enfreignaient l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés portant sur le sexe et l’orientation sexuelle et a donné à l’Assemblée législative douze mois pour remédier aux vices sur le plan constitutionnel[23].

Un participant à une table ronde a appelé ces genres de questions des « dénis de l’état familial ».

À cause des attitudes négatives à l’égard de leurs aptitudes parentales, les parents qui sont des personnes lesbiennes, gaies et bisexuelles peuvent avoir de la difficulté à obtenir des services dans un environnement accueillant et inclusif. Même lorsque les services et soutiens sont disponibles, les familles lesbiennes, gaies et bisexuelles hésitent parfois à s’en prévaloir parce qu’elles ont peur des conséquences de la divulgation de leur orientation sexuelle.

La Commission a appris que la prévalence de la transphobie nuit à la reconnaissance publique des familles transsexuelles.

Parce que ma partenaire de même sexe est également transsexuelle, j’hésite sérieusement à l’emmener au pique-nique de ma compagnie – les liens familiaux sont importants dans mon environnement de travail actuel – mais cela me pose un problème parce que je sais que ce pique-nique vise à intégrer les employés davantage à la compagnie et à établir des liens entre eux.
Particulier

La Commission a également appris que les structures et les programmes élaborés en fonction de concepts hétérosexuels de la famille et du parentage ne répondent pas aux besoins des familles lesbiennes, gaies et bisexuelles. En fait, peu de services répondent aux besoins particuliers de ces communautés, surtout à l’extérieur des régions urbaines.

Les membres des communautés lesbiennes, gaies, bisexuelles et transgenres sont parfois harcelés parce qu’ils appartiennent à une famille non traditionnelle. Par exemple, Services à la famille-Canada a déclaré à la Commission que les enfants des parents appartenant aux communautés lesbiennes, gaies et bisexuelles sont parfois victimes d’intimidation, de tourments et de railleries à cause de l’orientation sexuelle de leurs parents.

5. L’état familial et matrimonial

Les mères seules (y compris les veuves, les mères célibataires et les divorcées) sont un des segments de la population qui augmentent le plus rapidement. En 2001, près d’un quart des familles avec enfants étaient des familles monoparentales et la majorité d’entre elles avaient un chef féminin[24]. Ces familles sont économiquement les plus vulnérables, affichent des taux de pauvreté élevés et tendent à rester pauvres pendant longtemps[25].

Il y a un ensemble puissant de stéréotypes négatifs à propos des mères seules. Quelques mémoires ont mentionné l’image persistante qui caractérise les familles monoparentales; on les considère comme des familles peu méritantes qui ont échoué. On présume que ces familles sont dysfonctionnelles et que ces femmes sont paresseuses, ne veulent pas vraiment travailler et préfèrent recevoir l’aide sociale[26].

Le stigmate qui frappe les parents seuls existe encore et on l’associe presque toujours à une famille dysfonctionnelle. Il est perpétué par les médias et, malheureusement, par les travailleurs sociaux et les chercheurs.
Services à la famille-Canada

L’Association des enseignantes et des enseignants catholiques anglo-ontariens a fait remarquer que le manque de soutien financier ou personnel aux parents seuls signifie que les problèmes qui affectent généralement les soignants ont des répercussions personnelles et financières plus importantes sur ces familles.

Les problèmes auxquels nos membres font face sont exacerbés dans le cas des parents seuls. Ils sont souvent appelés à prendre des décisions qui affectent leur travail et leur famille sans bénéficier du soutien de leur employeur ni de la famille. Les enseignantes chefs de familles monoparentales subissent des conséquences financières lorsqu’elles doivent prendre congé ou réduire leurs heures de travail parce qu’elles n’ont pas de soutien de l’extérieur.

Ce rapport met en évidence les nombreux obstacles pratiques que ces familles doivent surmonter pour trouver un emploi et un logement adéquat.

Un autre aspect du recoupement entre l’état familial et matrimonial concerne la situation des familles recomposées ou à garde partagée. Parce que ces familles entretiennent des relations complexes, elles ont des besoins uniques qui ne sont pas toujours pris en compte dans l’élaboration des services et des programmes. Ainsi, les règles d’admissibilité aux services de garde d’enfants subventionnés n’accommodent pas toujours les réalités de la garde partagée, notamment lorsque les modalités de la garde obligent les enfants à se déplacer d’une compétence à l’autre. De plus, deux parents qui vivent séparément et partagent la garde de leurs enfants sont forcés de payer des frais de logement et de garderie à deux endroits, ce qui leur impose un énorme fardeau financier.

6. L’état familial, la race et les motifs liés à la race

Le Code interdit la discrimination fondée sur la race et sur plusieurs motifs étroitement liés à la race : couleur, origine ethnique, ascendance, lieu d’origine et croyance. Le recoupement entre ces motifs et l’état familial est complexe.

Comme l’ont mentionné plusieurs personnes, les stéréotypes négatifs associés à la race se maintiennent.

Les stéréotypes concernant les groupes ethniques et le mythe des pratiques de parentage « différentes » restent courants et impliquent que certains groupes ethniques ne protègent pas adéquatement leurs enfants, s’attendent à ce que d’autres personnes s’occupent d’eux dans les endroits publics, etc.
Services aux familles-Canada

Ces stéréotypes ont des conséquences diverses. Ainsi, les écoles ou les agences de protection de l’enfance enquêtent parfois sur les parents appartenant à une communauté racialisée parce qu’elles présument que leurs familles sont dysfonctionnelles. Les attitudes racistes créent également des obstacles pour les familles racialisées qui cherchent un logement.

Les nouveaux immigrants et réfugiés ont des problèmes uniques en ce qui concerne l’accès au logement, à l’emploi et aux services. Par exemple, comme ils sont incapables de fournir des références, les propriétaires leur demandent souvent de verser des dépôts de garantie importants et/ou de fournir des garants. Le Conseil ontarien des organismes de service aux immigrants signale que les organismes d’établissement ont énormément de difficulté à trouver des logements locatifs adéquats pour les nouveaux réfugiés en provenance de pays où la famille moyenne est plus nombreuse. Ces familles sont forcées de vivre dans des logements surpeuplés ou inférieurs aux normes.

Le taux de pauvreté disproportionné au sein des communautés racialisées signifie que les stéréotypes, la discrimination et les obstacles systémiques ont un impact disproportionné sur ces communautés. Comme un participant à une table ronde l’a fait remarquer, les personnes racialisées étant souvent embauchées en dernier et licenciées en premier, elles sont moins portées à demander à leur employeur d’accommoder leurs besoins familiaux.

7. Autres problèmes

Les participants ont également parlé à la Commission des problèmes que rencontrent les familles formées par adoption. L’Adoption Council of Canada a exprimé des préoccupations concernant les obstacles que les personnes adoptées et leurs parents biologiques doivent surmonter pour avoir accès à des renseignements personnels, obstacles auxquels les autres familles ne sont pas confrontées[27]. L’Adoption Council a également soulevé le problème du traitement des enfants adoptés à l’étranger au regard de la citoyenneté et le problème des familles adoptives en vertu des dispositions relatives à la grossesse et au congé parental de la Loi sur l’assurance emploi[28].

La Foster Parents Society of Ontario a indiqué que les enfants élevés dans une famille d’accueil font face à un grand nombre d’enjeux et d’obstacles au sein du système d’éducation et du système judiciaire. Ces familles ont des problèmes d’accès au logement et aux services des sociétés d’assurance. L’Ontario Federation of Indian Friendship Centres (OFIFC) fait remarquer que les jeunes pris en charge par la Société d’aide à l’enfance en tant que pupilles de la Couronne font souvent l’objet de discrimination à cause de leurs circonstances.

Quelques participants aux tables rondes ont dit à la Commission que les problèmes associés à l’état familial sont exacerbés dans le cas des personnes du Nord de l’Ontario, parce que le niveau de service et d’emploi est inférieur. Ainsi, un participant a mentionné que dans les collectivités accessibles uniquement par avion, les personnes gravement malades sont transportées par air à l’hôpital le plus proche et leurs soignants doivent donc s’absenter de leur travail pendant longtemps, risquant ainsi de perdre leur emploi. En outre, dans le Nord, les emplois sont souvent à court terme et les employeurs sont moins disposés à aider les employés à assumer leurs obligations familiales.

Principales Conclusions

Le gouvernement, les employeurs et les fournisseurs de logements et de services devraient tenir compte des effets croisés qu’ont sur les personnes identifiées par l’état familial : le sexe, un handicap, l’âge, l’orientation sexuelle, l’état matrimonial, la race et les motifs liés à la race, quand ils élaborent et mettent en œuvre des programmes, des politiques et des services.


[2] Société Alzheimer du Canada, « Patterns of Caring for People with Dementia in Canada », en ligne : SAC, http://www.alzheimer.ca/english/disease/stats-caregiving.htm
[3] Mémoire du Centre de la défense des personnes handicapées, citant R. Traustadottir, « Mothers Who Care: Gender, Disability and Family Life » dans M. Nagler, éd., Perspectives on Disability (Hamilton: Health Markets Research, 1993) p. 173
[4] 18 décembre 1979, Résolution de l’Assemblée générale 34/180 (date d’entrée en vigueur : le 3 septembre 1981, date d’adhésion du Canada : le 9 janvier 1982)
[5] Nations Unies, Rapport de la quatrième conférence mondiale sur les femmes (17 octobre 1995) A/CONF.177/20
[6] Pour une discussion approfondie de l’expérience australienne, consulter Striking the Balance: Women, men, work and family, par la Sex Discrimination Unit de l’Australian Human Rights and Equal Opportunity Commission, septembre 2005, affiché en ligne à
http://www.humanrights.gov.au/sex_discrimination/index.html
[7] New South Wales Anti-Discrimination Board, Carer’s Responsibilities Discrimination, Your Rights, en ligne : http://www.lawlink.nsw.gov.au/adb
[8] Work Life Law: The New Glass Ceiling: Mothers and Fathers Sue for Discrimination, American University Washington College of Law, novembre 2002.
[9] Association canadienne pour l’intégration communautaire, Developing a Family Supportive Policy Agenda to Advance the Citizenship and Inclusion of People with Disabilities (2006), p. 8.
[10] La Commission a tenu des consultations publiques sur l’expérience des étudiants handicapés et a publié un rapport en 2003 intitulé Une chance de réussir (affiché en ligne à www.ohrc.on.ca) comprenant plusieurs recommandations visant à renforcer l’intégration des étudiants handicapés dans le système d’éducation. Elle a également tenu des consultations sur l’accessibilité des réseaux de transport en commun et a publié un rapport renfermant des recommandations en 2002. Les deux documents sont affichés en ligne à www.ohrc.on.ca
[11] Association canadienne pour l’intégration communautaire, Developing a Family Supportive Policy Agenda to Advance the Citizenship and Inclusion of People with Disabilities (2006), p. 11
[12] Syndicat canadien des travailleurs et travailleuses des postes, Un défi de taille : concilier travail, famille et enfants ayant des besoins spéciaux (novembre 2002) p. 21
[13] Association canadienne pour l’intégration communautaire, Developing a Family Supportive Policy Agenda to Advance the Citizenship and Inclusion of People with Disabilities (2006) p. 15
[14] Mémoire du Réseau des femmes handicapées de l’Ontario
[15] Mémoire de CANGRANDS
[16] Commission ontarienne des droits de la personne, 2001 (en ligne : www.ohrc.on.ca )
[17] Dans son rapport de consultation sur la discrimination exercée à l’égard des personnes âgées, la Commission a présenté des recommandations concernant le soutien aux personnes qui prennent soin des aînés en Ontario, notamment la suivante : « QUE tous les paliers de gouvernement et tous les employeurs songent à offrir diverses formes de soutien aux soignants. Parmi les options à examiner, on compte des programmes (p. ex. des programmes de relève pour les soignants), un soutien financier (p. ex. des crédits d'impôt) et des options souples quant à l'emploi. » Ibidem
[18] Institut Vanier de la famille, L’état actuel du budget de la famille canadienne (2005), en ligne : Institut Vanier de la famille : www.vifamily,ca
[19] Constatation de la Commission d’enquête dans la cause Kearney c. Bramalea (1998), 34 C.H.R.R. D/1 (Comm. d’enq. Ont.), confirmé (2001), 39 C.H.R.R. D/111 (Cour supérieure de justice de l’Ontario)
[20] Document de travail de la Commission ontarienne des droits de la personne : Vers une politique de la Commission sur l’identité sexuelle, octobre 1999.
[21] M.D.R. c. Ontario (Deputy Registrar General), 6 juin 2006, O.J. No. 2268, (Ont. S.C.J.)
[22] Ibidem
[23] Une loi antérieurement adoptée modifiant l’article 60 de la Loi sur les statistiques de l’état civil permettrait au gouvernement de prévenir l’exclusion future de ces familles et fournirait un recours à celles qui ont déjà été affectées; cependant, ces amendements ne sont pas en vigueur, faute d’avoir été proclamés. Les modifications non proclamées de 1994 (Lois de l’Ontario, 1994, chapitre 27, paragraphe 102 (30)) autoriseraient la reconnaissance des parents non biologiques qui sont des lesbiennes lors du processus d’enregistrement de la naissance, éliminant la nécessité d’utiliser le processus d’adoption pour être reconnus comme parents. Ces modifications permettraient d’élaborer des règlements prescrivant qui peut certifier un enregistrement de la naissance et autoriseraient le registraire général à enregistrer les naissances en fonction de renseignements qu’il ou elle considère appropriés. Les modifications non proclamées de 2005 (L.O. 2005, chap. 25, par. 13 (2)) permettraient d’élaborer des règlements autorisant les parents de même sexe ayant procédé à une adoption par le passé, faute d’avoir d’autres options, d’être reconnus comme étant des parents biologiques.
[24] Institut Vanier de la famille, Données sur la famille (2004), en ligne : Institut Vanier de la famille www.vifamily.ca
[25] R. Morisette, « Précarité : familles vulnérables sur le plan financier », Tendances sociales canadiennes, (Hiver 2002) 13
[26] Mémoire de la professeure Lea Caragata
[27] Depuis cette consultation, les lois ontariennes concernant la divulgation des renseignements sur les adoptions ont été substantiellement remaniées grâce à la Loi de 2005 sur la divulgation de renseignements sur les adoptions, L.O. 2005, chap. 25
[28] L.C. 1996, chap. 23

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