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Problèmes particuliers vécus par les personnes âgées

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Emploi

Il existe plusieurs faux raisonnements concernant l’âge qui sont propres au contexte de l’emploi. Une vision très répandue, qui a été qualifiée de « sophisme du bloc forfaitaire de travail », part de l’hypothèse que pour chaque emploi occupé par un travailleur âgé, il y a un emploi en moins pour un travailleur plus jeune[44]. En d’autres mots, on pense que les personnes âgées privent leurs cadets de possibilités d’emploi et, qu’en conséquence, certaines formes de discrimination fondée sur l’âge s’avèrent nécessaires pour favoriser l’accès des travailleurs plus jeunes aux emplois et aux promotions. Certaines personnes soutiennent que cette approche néglige la valeur des travailleurs plus âgés, qui possèdent de l’expérience ainsi que des connaissances spécifiques à l’organisation et des réseaux de contacts[45]. Ce genre de raisonnement en faveur de la discrimination exercée à l’endroit des travailleuses et des travailleurs âgés ne diffère nullement de l’ancienne croyance voulant que pour chaque emploi occupé par une femme, il y avait un emploi en moins pour un homme[46]. Alors que ce dernier exemple va nettement à l’encontre des notions d’égalité, il est étrange que l’application d’un raisonnement similaire pour justifier la discrimination fondée sur l’âge ne suscite pas le même genre de  préoccupations et de questionnements.

Les autres stéréotypes qui ont cours au sujet des personnes âgées incluent le fait qu’elles aient moins d’ambition, moins d’ardeur au travail et de dynamisme, et qu’elles résistent davantage aux changements technologiques, ou bien sont incapables de s’y adapter[47]. Ce genre d’attitudes et de présomptions exposent les travailleuses et travailleurs âgés à un risque accru de traitement discriminatoire fondé sur l’âge quand l’employeur entreprend une restructuration et introduit une nouvelle technologie ou de nouvelles méthodes de travail[48].

La compression des effectifs, phénomène très répandu ces dernières années sur les lieux de travail, a été associée avec la retraite anticipée comme mécanisme d’adaptation[49]. Autrement dit, les employeurs cherchent souvent à atteindre leurs objectifs de réduction d’effectif en encourageant les travailleuses et travailleurs plus âgés à quitter leur emploi en retour d’un incitatif financier, comme le versement d’une pension de retraite anticipée ou d’une prime de départ. Toutefois, beaucoup d’autres travailleurs âgés sont forcés par un congédiement ou le chômage de quitter la vie active[50]. Même si de généreuses indemnités de retraite anticipée peuvent s’avérer profitables pour les travailleuses et travailleurs âgés, le fait d’atteindre les objectifs de réduction du personnel grâce au départ de la main-d’oeuvre âgée demeure un phénomène qui a besoin d’être examiné de près. Il faut noter que le processus de réduction des effectifs, s’il n’est pas discriminatoire en soi, peut faire appel à des pratiques douteuses.

Il y a d’abord lieu de se demander si l’offre de retraite anticipée en situation de compression des effectifs représente une option totalement volontaire, ou s’il se cache un élément coercitif là-dessous. Devant la perspective de perdre tout simplement leur emploi, beaucoup de travailleuses et travailleurs se sentent obligés d’accepter l’offre de départ à la retraite. Le fait aussi qu’on aborde parfois les travailleuses et travailleurs plus âgés de manière à leur faire sentir subtilement qu’ils ont tout avantage à profiter de l’offre de retraite anticipée pour quitter l’entreprise, peut laisser croire que l’exercice de compression des effectifs cible les travailleurs âgés. En cas de refus de la retraite anticipée, leur poste sera éliminé. Si on ajoute à cela le fait que quelques travailleuses et travailleurs âgés peuvent être victimes des préjugés discutés précédemment, on peut conclure que, dans certains cas, la personne qui accepte un départ à la retraite anticipé ne part pas totalement de son plein gré.

Deuxièmement, comme les statistiques sur le revenu des personnes âgées l’indiquent, il existe un risque d’inégalité des revenus entre les personnes âgées de demain. Les personnes qui ont pris une retraite involontaire ont deux fois plus tendance que les retraités volontaires à dire que le revenu du ménage est insuffisant pour combler leurs besoins[51]. Les personnes qui acceptent une retraite anticipée dans l’espoir de pouvoir arrondir leur revenu avec un nouvel emploi risquent d’avoir beaucoup de difficulté à trouver du travail à cause de leur âge[52].

Il est important de pouvoir établir la distinction entre les offres de retraite anticipée qui sont véritablement laissées au libre choix de la personne visée et assorties d’aucune pénalité en cas de refus, et celles de nature coercitive. Les premières sont avantageuses pour les travailleuses et travailleurs âgés et ne doivent pas être découragées, tandis que les secondes peuvent susciter des inquiétudes par rapport aux droits de la personne. Les travaux d’élaboration de politiques relativement à l’âge pourraient permettre d’identifier des outils analytiques pour faire la distinction entre les deux types d’offres.

Logement[53]

Le logement est un aspect crucial pour la qualité de vie des personnes âgées. Pour préserver leur autonomie et leur bien-être, les personnes âgées ont besoin d’un logement à prix abordable, accessible et adaptable, où elles sont en sécurité et jouissent d’une liberté maximale tout en ayant la chance de conserver leur mode de vie. Les transformations physiques normales qui surviennent avec l’âge et les maladies et handicaps qui affligent certaines personnes âgées ont une incidence sur le logement. Dans la conception et la construction de logements pour les aînés, on doit se fixer comme objectif de créer un environnement sans obstacles, étant entendu que les obstacles peuvent être autant physiques que psychologiques. Ce faisant, on permet aux personnes ayant un handicap quelconque de continuer à vaquer à leurs occupations quotidiennes.

Le Conseil consultatif national sur le troisième âge ainsi que d’autres organismes ont formulé des recommandations concrètes sur la conception d’environnements sans obstacles.

Soins de santé

La question des soins de santé revêt une grande importance pour tous les membres de la société, mais plus particulièrement pour les personnes âgées. Deux aspects de cette question touchent les personnes âgées. D’abord, l’image de personnes âgées frêles et dépendantes qui porte la société à croire qu’elles sont un poids pour le système de soins de santé. Un auteur a même suggéré qu’on oblige les personnes âgées à payer des frais pour l’utilisation des soins de santé. Il disait, en conclusion, qu’à cause du coût de la gratuité des soins médicaux fournis à la population âgée, 

il est clair qu’il ne serait pas impossible pour un gouvernement de produire les preuves requises pour soutenir une loi discriminatoire en matière de frais d’utilisation des services, aux termes de l’article 1 de la Charte. Comme le démontre McKinney, la Cour suprême a maintenu par le passé des lois dont le caractère discriminatoire en fonction de l’âge avait été démontré. Ce résultat porte à croire qu’une loi discriminatoire en matière de frais d’utilisation pourrait tout aussi bien être maintenue dans l’avenir. [54]
[traduction]

L’auteur va même jusqu’à dire qu’avec le fardeau déjà trop lourd des contribuables, il faudra regarder du côté de ceux qui utilisent le système d’une façon disproportionnée, c’est-à-dire les personnes âgées, pour financer une partie de son utilisation.

Dans le contexte des soins de santé, ce genre de préjugés ont plus qu’une portée seulement théorique. Ils créent des obstacles pour les personnes âgées qui tentent d’avoir accès au système de soins de santé. Une enquête menée auprès de 115 médecins ontariens a permis de découvrir que de nombreux médecins de famille négligent de traiter les problèmes de dépression, les troubles anxieux et la démence chez leurs patientes et patients âgés[55]. L’enquête révèle que les patientes et patients plus jeunes ont beaucoup plus de chances d’être traités ou d’être envoyés à un psychiatre ou un psychologue que leurs homologues plus âgés. Cette constatation s’explique en partie par l’existence de préjugés :

Le non-traitement de la dépression, des troubles anxieux et de la démence chez les personnes âgées a beaucoup à voir avec l’attitude négative des médecins à l’égard de leurs patientes et patients âgés, déclarait le Dr  Nathan Herrmann, gérontopsychiatre au Sunnybrook and Women’s College Health Sciences Centre. 

De nombreux médecins n’aiment pas traiter les personnes âgées parce qu’elle exigent une évaluation plus longue et se plaignent d’un plus grand nombre de malaises, a dit le Dr Herrmann. En conséquence, les médecins ont tendance à normaliser les troubles mentaux dont souffrent les gens à un âge avancé, en supposant que leur état dépressif est dû à la douleur et aux souffrances engendrées par d’autres malaises[56]. [Traduction]

Une analyse de la facturation à l’Assurance-santé de l’Ontario à l’échelle de la province confirme qu’en dépit d’une augmentation des dépenses en soins de santé mentale, la population âgée continue d’être mal desservie en ne recevant que 15 % des soins de santé mentale donnés dans la province, alors que les personnes de 20 à 64 ans reçoivent plus de 80 % de ces services [57]. La tendance à juger que la maladie mentale des personnes âgées vaut moins la peine d’être traitée est tout simplement une forme directe de discrimination systémique.

L’hésitation des médecins à accepter des personnes âgées dans leur clientèle est aussi dénoncée par les médias.[58]

En plus d’avoir à faire face à des préjugés qui peuvent compliquer leur accès aux services médicaux dont elles ont besoin, de nombreuses personnes âgées ont réellement d’importants besoins en matière de soins de santé. Elles sont plus enclines à souffrir de problèmes de santé et de handicaps que les personnes des groupes d’âge plus jeunes[59], sans compter que leurs problèmes de santé ont plus tendance à être chroniques et à s’aggraver avec le temps[60]. Comme on le notait précédemment, les personnes âgées sont hospitalisées plus souvent et tendent à séjourner plus longtemps à l’hôpital que les autres. Pour toutes ces raisons, il est nécessaire d’avoir des établissements et des services médicaux qui, plutôt que d’être plus difficiles d’accès, sont conçus pour répondre aux besoins des personnes âgées.

Les domaines dans lesquels on ne répond pas toujours adéquatement aux besoins des personnes âgées en matière de santé comprennent les suivants :

  • Protection limitée offerte par le système de soins de santé : le régime d’assurance-santé ne couvre pas tous les services médicaux et dentaires, qui doivent donc être payés par le particulier ou un régime d’assurance privé (dont la protection peut aussi être assortie de restrictions). Cette situation est particulièrement difficile pour les femmes âgées.
  • Installations inadéquates pour les malades chroniques : le système tend à privilégier les hôpitaux de soins actifs. Le financement des soins de longue durée, des soins prolongés complexes et des soins de réadaptation est moins important et moins développé.
  • Un manque d’attention à l’égard de la santé mentale et du bien-être social, par opposition à la santé physique.
  • Des soins de santé inadéquats en milieu communautaire – l’accent est mis sur les services pour les malades hospitalisés, les services hospitaliers en consultation externe et les services fournis par les médecins dans la collectivité. Beaucoup de personnes âgées veulent rester chez elles, mais le soutien et les soins en milieu communautaire dont elles auraient besoin n’est pas disponible. En dépit du mouvement en faveur d’un système en milieu communautaire, certaines personnes ont fait remarqué que la transition est en train de s’effectuer sans qu’on investisse les ressources nécessaires dans les soins à domicile[61]

Certaines de ces questions ne relèvent pas d’une commission des droits de la personne dans la mesure où elles représentent des orientations choisies par les gouvernements. Par contre, si les besoins d’un nombre croissant de personnes âgées sont sous-estimés de façon chronique ou tout simplement négligés, il y a lieu de craindre réellement une détérioration radicale de la qualité de vie de ce groupe de citoyennes et citoyens, maintenant que la génération des baby-boomers commence à faire partie de ce groupe d’âge.

Maisons de soins infirmiers et autres établissements

La mise en place d’un système adéquat de maisons de soins infirmiers en milieu communautaire couvert par le régime d’assurance public est également d’une importance cruciale. Malgré l’utilisation accrue des soins de santé communautaires, on prévoit que le besoin de maisons de soins infirmiers va s’intensifier à mesure qu’augmente la proportion des personnes âgées dans la population, et en particulier la proportion des personnes d’un âge très avancé[62]. L’amélioration du système d’établissements d’hébergement serait surtout profitable aux femmes âgées, qui sont beaucoup plus susceptibles de vivre en établissement que leurs homologues masculins[63]

Le besoin d’établissements qui répondent aux besoins de clientèles particulières de personnes âgées est un autre élément d’importance. Les lesbiennes et les gais qui sont âgés ont de la difficulté à trouver un établissement où ils mèneront une vie confortable et seront en sécurité, sans craindre d’être isolés ou exclus à moins de cacher leur orientation sexuelle[64]. Certaines communautés religieuses et culturelles déplorent l’absence d’établissements en mesure de répondre aux besoins religieux, culturels ou linguistiques de leurs aînés[65].


[44] Flexible Retirement, supra note 11, p. 3.
[45] Ibid. p. 5.
[46] Ibid. p. 13.
[47] Par exemple, un auteur a critiqué l’usage du critère d’ancienneté en invoquant entre autres le fait qu’on se retrouve avec une main-d’oeuvre « plus âgée, moins dynamique et plus réticente au changement technologique »; L. Dulude, Seniority Systems and Employment Equity for Women (Kingston, Industrial Relations Centre Press, 1995), p. 22, tel que cité dans M.K. Joachim, « Seniority Rights and the Duty to Accommodate », (1998), 24 Queen’s L.J. 131, note de bas de page 23, en ligne: QL (JOUR).
[48] Dans une récente affaire entendue par la Commission, un employeur soutenait qu’après la restructuration de ses activités, il avait besoin d’employés plutôt « généralistes » que « spécialistes ». Le plaignant était un travailleur âgé qui était considéré comme un « spécialiste » et, de manière implicite, incapable de s’adapter.
[49] Flexible Retirement, note 11 ci-dessus, p. 5. De nombreux milieux syndiqués protègent les employés qui ont accumulé de l’ancienneté des conséquences d’une compression du personnel. Cependant, comme le fait remarquer un auteur, « la corrélation entre l’ancienneté et l’âge est tellement inexacte que l’ancienneté devient un moyen inefficace de protéger les travailleurs âgés ». [Traduction] (M.K. Joachim, supra note 47, au par. 32).
[50] G. Schellenberg, La Retraite : Changements démographiques et économiques des dernières années (Le Conseil canadien de développement social, 1994). Renseignement tiré des synthèses, en ligne: Le Conseil canadien de développement social <http://www.ccsd.ca/factret.html.>.
[51] Ibid.
[52] Chez les travailleuses et travailleurs de plus de 55 ans, les personnes congédiées sont deux fois plus susceptibles que leurs homologues plus jeunes d’être toujours à la recherche d’un emploi un an plus tard. Les travailleurs plus âgés qui sont au chômage touchent généralement de l’assurance-emploi pendant 33 semaines, soit deux fois plus longtemps que les travailleurs plus jeunes; tiré d’un article intitulé « Give older workers a break, employers urged », The Toronto Star (17 juillet 1999), citant Statistique Canada.
[53] La discussion sur le logement est tirée de « Un éventail d’options en matière d’habitation », Expression : Bulletin du Conseil consultatif national sur le troisième âge, vol. 10, no 4, supra note 25.
[54] B. Curtis, « User Fees for the Elderly: Medicare Solution or Dissolution? », Appeal: Review of Current Law and Law Reform, vol. 2, no 18, 1996, au par. 14, en ligne: QL (JOUR) .
[55] « Mentally ill seniors not treated: Survey », The Toronto Star (10 mai 1999).
[56] Ibid.
[57] Tel que rapporté dans l’article intitulé « Teens, elderly lag behind in mental health services », The Toronto Star (26 avril 2000).
[58] Voir par exemple la lettre publiée dans le courrier des lecteurs du Hamilton Spectator (29 novembre 1999), « Seniors Turned Away: Doctor won’t accept new patients over 65 ».
[59] Tiré de M. A. Shone, « Health, Poverty and the Elderly: Can the Courts Make a Difference? » (1991) 29 Alta. L. Rev. (No. 4) 839, en ligne: QL (JOUR). On mentionne dans cet article qu’environ 80 % des personnes de plus de 65 ans déclarent avoir au moins un problème de santé, comparativement à 54 % de l’ensemble de la population canadienne; renseignement provenant d’un rapport de Santé et Bien-être social Canada intitulé Rapport « Action-santé : les aînés » (Ottawa, ministre de la Santé nationale et du Bien-être social, 1989), p. 5 [ci-après “Rapport action-santé”].
[60] Rapport action-santé, ibid., p. 3.
[61] Renseignement tiré de l’article de Shone, note 59 ci-dessus.
[62] Ibid.
[63] Ibid. Voir aussi les données démographiques dans la section Les personnes âgées vivant en établissement.
[64] « Gay, lesbian seniors face discrimination », Peterborough Examiner  (4 avril 2000).
[65] « South Asian community wrestles with aging issue », The Toronto Star (29 avril 2000).

 

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