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Autres affaires reliées à l’âge dans le contexte de l’emploi

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Recrutement

L’âge constitue un obstacle lorsque vient le temps de chercher un emploi. Ce problème a pris de telles dimensions que la Cour suprême en a pris connaissance d’office :

Il me semble qu'un tribunal peut, à bon droit, prendre connaissance d'office du fait que plus l'on vieillit, plus il est difficile de trouver et de conserver un emploi. En fait, notre Cour a souvent reconnu que l'âge était un facteur à considérer dans le contexte de la participation au marché du travail et du retrait de ce dernier.[93]

En Ontario, tout comme dans les autres provinces et territoires du pays, la législation interdit la discrimination fondée sur l’âge dans les annonces d’offres d’emploi et le recrutement de nouveaux employés. En outre, chaque compétence territoriale a établi que les candidats à un emploi ne peuvent être tenus de divulguer leur âge sur un formulaire d’emploi ou pendant une entrevue[94]. Si ces questions sont pertinentes aux fins du régime de retraite ou d’avantages sociaux de l’employeur, ce dernier ne peut les poser qu’après avoir fait une offre d’emploi.

En Saskatchewan, le service de police a demandé une exemption à cette règle, de façon à pouvoir obtenir la date de naissance des postulants et procéder à une vérification de leur casier judiciaire. La Commission des droits de la personne de la Saskatchewan[95] a refusé d’accorder cette exemption en faisant valoir que l’employeur peut poser des questions aux candidats relativement à leur casier judiciaire et qu’une offre d’emploi peut être faite sous réserve de la confirmation de l’inexistence d’un casier. Par conséquent, il n’était pas nécessaire de demander aux candidats d’indiquer leur âge sur les formulaires d’emploi.

Il n’est pas permis non plus de demander son âge à un candidat ou à une candidate lors d’une entrevue à moins que l’âge ne constitue une exigence professionnelle réelle.

Les tribunaux ont étudié plusieurs causes dans lesquelles la décision de ne pas engager le plaignant ou la plaignante était en partie motivée par l’âge. Par exemple, la décision Bradley c. Canada (AG)[96] prouve qu’il est très difficile de prouver une pratique discriminatoire fondée sur l’âge dans l’embauche (en effet, les employeurs déclarent rarement que l’âge constitue la raison pour laquelle ils n’ont pas offert un emploi à une personne). Dans l’affaire Bradley, les Forces canadiennes avaient engagé un officier plus jeune pour combler un poste vacant et quelqu’un avait inscrit l’âge du plaignant (43 ans) dans la marge de la feuille d’évaluation des candidats. La plainte a été rejetée en l’absence de preuves suffisantes de discrimination. Cependant, on peut se demander si la décision aurait été la même dans le cas d’une plainte déposée par une personne appartenant à une minorité raciale et dont la race aurait été indiquée dans la marge de la feuille d’évaluation.

Dans Winsor c. Provincial Demolition and Salvage Ltd.[97], le plaignant, un homme âgé de 55 ans qui avait postulé un emploi dans le domaine de la construction, s’est vu dire que son âge avait influé sur la décision de ne pas l’engager. La Commission d’enquête a conclu qu’il avait été victime de discrimination. Comme les intimés étaient absents, la défense fondée sur une exigence professionnelle réelle était inapplicable.

Dans O’Brien c. Ontario Hydro[98], un homme de 40 ans s’est vu refuser une place dans un programme d’apprentissage. L’employeur a engagé un certain nombre de personnes ayant entre 40 et 65 ans, mais non dans le cadre du programme d’apprentissage, car il estimait que l’âge avait une certaine pertinence pour ce qui est de décider si une personne pourrait s’adapter à certaines conditions de travail (métier inférieur, responsabilités minimes, faible rémunération, travail par postes, etc.). La Commission a conclu que les stéréotypes fondés sur l’âge étaient la cause immédiate du refus et a rendu un jugement en faveur du plaignant.

Âge en tant qu’exigence professionnelle justifiée

Quelques décisions ont été rendues relativement à l’âge en tant qu’exigence professionnelle réelle à l’extérieur du contexte de la retraite obligatoire. Ces décisions semblent indiquer que hors de ce contexte, il est très difficile de prouver que l’âge constitue une exigence professionnelle réelle. Dans Canada (Commission ontarienne des droits de la personne) c. Greyhound Lines of Canada Ltd.,[99] l’employeur n’a pas réussi à prouver que sa décision de ne pas engager de nouveaux conducteurs d’autobus ayant plus de 34 ans était fondée sur une exigence professionnelle réelle. La preuve d’un rapport entre l’âge et l’incapacité à faire face au stress a été rejetée. Dans le même ordre d’idées, Air Canada n’a pu prouver son affirmation selon laquelle tous les candidats au poste de pilotes de ligne de plus de 27 ans possédaient un plus grand nombre de qualités requises que les candidats plus jeunes.[100] Air Canada a cherché à appuyer sa politique sur des raisons liées à la sécurité publique et des facteurs économiques.

Dans Cranston c. Canada[101], la question en litige était de savoir si un groupe de pilotes et d’agents de bord avaient été victimes de discrimination par suite de la décision de ne pas les muter du ministère des Transports au ministère de la Défense nationale lors de la cession du service qu’ils fournissaient. À l’origine, le Tribunal avait conclu que le fait que la moyenne d’âge du groupe s’élève à 51 ans n’avait pas influé sur la décision. Toutefois, lors de la révision judiciaire, la Section de première instance de la Cour fédérale a convenu que même si l’âge des plaignants n’était pas la cause immédiate de la décision prise quant au transfert, les preuves fournies donnaient effectivement à penser que l’âge avait influencé la mise en oeuvre de la décision. La Cour d’appel fédérale a confirmé ce jugement. L’affaire a été renvoyée et le nouveau Tribunal[102] a statué que les plaignants avaient été victimes de discrimination directe et indirecte. Il a conclu que l’âge des plaignants avait bel et bien été un facteur dont avait tenu compte le ministère de la Défense nationale lors de la détermination du mode d’intégration du service de vol civil au service de vol militaire. Le ministère n’a pas établi que l’âge constituait une exigence professionnelle réelle, étant donné que l’élément objectif du critère défini dans Etobicoke n’a pas été prouvé.

Avantages au lieu de travail

Un régime de congés de maladie qui interdisait le versement de prestations aux personnes ayant plus de 55 ans a été reconnu discriminatoire dans Heidt c. Saskatoon (City)[103]. Le code des droits de la personne de la Saskatchewan comprenait une disposition stipulant que l’interdiction de discrimination fondée sur l’âge dans le domaine de l’emploi n’empêche pas l’application de toute modalité d’un régime réel d’assurance des employés ou d’assurance collective. La Cour d’appel a statué, d’une part, que la défense invoquée ne serait acceptée que si le régime répondait à l’élément objectif du critère d’exigence professionnelle réelle, tel qu’il a été défini dans Etobicoke, et, d’autre part, qu’aucun élément de preuve présenté dans cette affaire ne l’avait amenée à conclure que la pratique discriminatoire était raisonnablement nécessaire pour permettre aux intimés d’instaurer un régime de congés de maladie viable et rentable. Cette affaire illustre bien les rapports qui existent entre l’invalidité et l’âge.

Dans une affaire concernant des personnes qui, après avoir accepté de prendre une retraite anticipée (à 50 ans au lieu de 60), avaient reçu des prestations de retraite réduites, la pratique discriminatoire fondée sur l’âge n’a pas été prouvée[104]. La commission des droits de la personne de l’Alberta a accepté la preuve présentée par le surintendant des régimes de retraite selon laquelle la valeur actualisée des pensions réduites aux termes du régime de l’employeur était au moins égale à la valeur actualisée des prestations différées à l’âge de 60 ans.

Dans Gell c. Canadian Pacific Ltd.[105], la Cour d’appel fédérale a confirmé une décision selon laquelle une modification à un régime de retraite qui permettait à certains membres de racheter leurs prestations de retraite n’enfreignait pas la Loi canadienne sur les droits de la personne. Les plaignants estimaient qu’ils avaient été victimes de discrimination fondée sur l’âge parce que, jusqu’à 1980, il existait une règle stipulant que les personnes de plus de 40 ans qui entraient au service de la société ne pouvaient pas participer au régime de retraite. La Cour a statué que la limite d’âge était légale à l’époque où elle avait été imposée et que l’option de rachat n’établissait pas une discrimination fondée sur l’âge, mais plutôt sur la date à laquelle une personne adhérait au régime.

L’article 22 du Code ontarien stipule que des politiques d’assurance-automobile, d’assurance-vie, d’assurance-accident, d’assurance-maladie ou d’assurance-invalidité ou un contrat d’assurance-groupe ou une rente viagère qui se situent hors du contexte de l’emploi peuvent établir des distinctions entre des personnes pour des motifs fondés sur l’âge, le sexe, l’état matrimonial, l’état familial ou un handicap à la condition que ces motifs soient justifiés de façon raisonnable et de bonne foi.

Ancienneté

Il n’est pas permis d’utiliser la date de naissance pour déterminer l’ancienneté d’employés lorsque deux personnes ou plus sont engagées le même jour.[106]

Cessation d’emploi

Un examen des décisions du Tribunal et des plaintes qu’a reçues la Commission révèle qu’il est très difficile pour un employé de prouver à première vue un acte de discrimination fondée sur l’âge lorsqu’il est congédié. Les employeurs licencient souvent les employés plus âgés pour cause de rendement médiocre ou après la mise en place d’un programme de compression des effectifs ou de restructuration.

Dans le cas d’une restructuration par exemple, nombre des stéréotypes négatifs qui visent les travailleurs plus âgés entrent en jeu. Un employé plus âgé peut ainsi être déclaré excédentaire et ne pas se voir offrir un autre emploi chez son employeur, car celui-ci peut croire que ses compétences se limitent à l’emploi qu’il exerce (souvent depuis longtemps) et qu’il est incapable de s’adapter à un nouveau travail ou d’apprendre une nouvelle technologie. La Commission a été saisie dernièrement d’un autre cas, celui d’une nouvelle administration qui avait été mise en place et qui favorisait le renouvellement ou le rajeunissement[107] de la main-d’oeuvre.

Si le plaignant réussit à prouver un cas de discrimination à première vue, il est très difficile pour l’employeur d’établir que le licenciement est justifié pour le motif que l’âge constitue une exigence professionnelle réelle (voir la section antérieure sur l’âge en tant qu’exigence professionnelle réelle).

Les décisions rendues dans Adams c. Bata Retail[108] et Watchman c. Canada Safeway Ltd.[109] illustrent des causes typiques dans ce domaine. Dans la première affaire, la Commission d’enquête de l’Ontario n’a pas conclu à une pratique discriminatoire fondée sur l’âge. Elle a cependant statué que l’emploi du plaignant avait pris fin principalement en raison de son rendement médiocre et aussi parce que l’entreprise procédait à des changements en vue de surmonter ses difficultés financières. Dans la deuxième affaire, la rétrogradation du plaignant a été considérée comme attribuable à son rendement au travail.

Dans Kearns c. Dickson Trucking Ltd.[110], le plaignant a réussi à prouver une décision discriminatoire fondée sur l’âge. Cependant, les preuves présentées dans cette affaire étaient accablantes et aucun autre facteur raisonnable ne pouvait expliquer le licenciement de l’employé. Le plaignant, un vendeur de 69 ans, était le meilleur de l’entreprise et son rendement n’avait jamais prêté le flanc à la critique. M. Kearns a été licencié en raison de l’absence de possibilités qu’offrait son territoire. Cependant, ce motif n’a été soulevé pour la toute première fois que dans la lettre de licenciement. Le poste de M. Kearns n’a pas été déclaré excédentaire et a été comblé par une personne plus jeune. M. Kearns a eu droit à des dommages-intérêts pour salaire perdu et atteinte à son amour-propre et à sa dignité.

Bien entendu, les employeurs ont le droit de licencier des employés plus âgés en cas de préoccupations légitimes quant à leur rendement. Toutefois, il ne faudrait pas que les conclusions de discrimination fondée sur l’âge ne concernent que les employés qui sont les meilleurs au sein de leur entreprise ou qui excellent dans leur profession. Autrement dit, il faut trouver un moyen terme entre ces deux extrêmes, et c’est là justement l’objectif du processus d’élaboration, par la Commission, de politiques relativement à la discrimination fondée sur l’âge.

Une affaire illustre très bien le problème du ciblage des travailleurs plus âgés dans le but d’atteindre des objectifs de compression des effectifs. Dans McKee c. Hayes-Dana Inc.[111], la Commission d’enquête a conclu à une pratique discriminatoire fondée sur l’âge. L’employeur, dans le cadre de son programme de compression des effectifs, a rencontré un certain nombre d’employés, y compris le plaignant, et les a informés du besoin de réduire son personnel. Il leur a proposé deux programmes de départ : 1) mise à pied avec plein salaire et avantages pendant six mois, puis versement d’une prime de départ, ou 2) versement de prestations de retraite anticipée avec retraite rajustée de sorte qu’il n’y ait aucune réduction des prestations. Le plaignant a accepté ce deuxième programme. Lorsqu’est venu le temps de choisir les employés à mettre à pied, le vice-président a rédigé une note précisant que l’entreprise espérait garder les personnes ayant du potentiel sur le plan professionnel. Les licenciements antérieurs avaient cependant été effectués en fonction de l’ancienneté.

Se fondant sur cette preuve, la Commission a conclu que l’âge était un des facteurs qui avait poussé l’employeur à choisir le plaignant. La note de l’employeur précisait, en effet, que l’entreprise avait l’intention de garder les employés qui n’étaient pas au bord de la retraite et qui pouvaient lui donner encore bon nombre d’années de service. La Commission a estimé que cette expression était un euphémisme qui visait en réalité l’âge. Elle a conclu que le critère d’âge avait influé sur le licenciement de l’employé et que la discrimination à première vue était prouvée. Il convient aussi de signaler à propos de cette affaire que même si le plaignant s’est vu offrir un programme généreux de retraite anticipée, la Commission n’en a pas moins conclu qu’il avait été victime de discrimination et avait droit à des dommages-intérêts. Autrement dit, une offre de retraite anticipée qui n’est pas volontaire, même si elle est généreuse, peut donner lieu à une conclusion de discrimination fondée sur l’âge.


[93] Law  c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration),infra note 115 par. 101.
[94] L’article 23 du Code  traite des annonces en matière d’emploi, des demandes d’emploi et des questions à une entrevue qui sont discriminatoires. Consulter aussi la publication de la Commission intitulée Vous embauchez? Pensez aux droits de la personne, pour une discussion plus approfondie des questions relatives aux droits de la personne en matière de recrutement.
[95] Voir Saskatchewan (Police Commission) (Re) (1984), 5 C.H.R.R. D/2317 (Sask.H.R.Comm.).
[96] [1999] FCJ No. 370 (C.A.F.), en ligne: QL (CJ).
[97] [2000] NHRBID No. 1 (Nfld. Bd. Inq.), en ligne: QL (HRBD).
[98] (1981), 2 C.H.R.R. D/504 (Comm. d’enquête de l’Ont.).
[99] (1984), 6 C.H.R.R. D/2512 (Can. Trib.), conf. par 7 C.H.R.R. D/3250 (Can. Rev. Trib.), conf. par 8 C.H.R.R. D/4184 (C.A.F.).
[100] Air Canada c. Carson (1985), 6 C.H.R.R. D/2848 (C.A.F.).
[101] (1993), 22 C.H.R.R. D/22 (Can. Trib.), rév. par 22 C.H.R.R. D/40 (T.D.), conf. par 29 C.H.R.R. D/83 (C.A.).
[102] (1997), 30 C.H.R.R. D/456 (Can. Trib.).
[103] (1988), 9 C.H.R.R. D/5380 (Sask. Bd. Inq.), conf. par 10 C.H.R.R. D/5808 (Sask. Q.B.), rév. par 12 C.H.R.R. D/387 (C.A.), autorisation d’interjeter appel rejetée 74 D.L.R. (4th) viii (R.C.S.).
[104]Younger c. Gulf Canada Resources Ltd. (1988), 10 C.H.R.R. D/6114 (Alta. H.R. Comm.).
[105] (1986), 8 C.H.R.R. D/4169 (Can. Trib.), conf. par 10 C.H.R.R. D/5494 (C.A.F.).
[106] Dalton c. Commission canadienne des droits de la personne (1985), 15 D.L.R. (4th) 548 (T.D.), rév. en partie dans 25 D.L.R. (4th) 260 (C.A.), autorisation d’interjeter appel refusée 67 N.R. 158n (R.C.S.).
[107] Le Petit Robert définit le terme rajeunir comme « rendre la jeunesse à ».
[108] (1989), 10 C.H.R.R. D/5954 (Comm. d’enquête de l’Ont.). 
[109] (1992), 16 C.H.R.R. D/322 (B.C.C.H.R.).
[110] (1988), 10 C.H.R.R. D/5700 (Can. Trib.).
[111] (1992), 17 C.H.R.R. D/79, raisons supplémentaires 19 C.H.R.R. D/511 (Comm. d’enquête de l’Ont.).

 

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