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Âge et intersectionnalité

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Par suite du récent travail d’élaboration de politiques sur l’intersectionnalité mené par la Commission, il devient de plus en plus clair que le travail portant sur les droits de la personne doit se fonder sur la connaissance des réalités sociales dans lesquelles vivent les gens – des réalités qui prennent souvent de nouvelles dimensions quantitatives si l’on tient compte du chevauchement ou du recoupement des motifs de discrimination.

Une fois admis le fait que la discrimination s’exerce différemment pour chaque personne, il est difficile d’isoler des motifs ou des types particuliers de désavantages économiques. Cependant, les tendances démographiques et la littérature parlent de deux domaines qui méritent plus particulièrement notre attention ici : les deux groupes qui se distinguent parce qu’ils font face à des situations uniques créées par le recoupement de leur âge avec d’autres aspects de leur identité sont les femmes âgées et les personnes âgées qui sont handicapées. Évidemment, les femmes âgées et handicapées sont d’autant plus vulnérables compte tenu de l’effet conjugué de leur âge avancé, de la gravité et de la survenance de leur handicap et des probabilités que beaucoup d’entre elles n’ont pas passé leur vie sur le marché du travail et n’ont en conséquence qu’un revenu limité.

Femmes âgées

Pour plusieurs raisons, et notamment leur longévité et leur statut socio-économique, les femmes souffrent démesurément des effets du vieillissement.

Les femmes forment une proportion relativement importante de la population âgée. En 1998, 57 % de toutes les personnes de 65 ans et plus étaient des femmes, alors que les femmes ne constituaient que 51 % du groupe des 55 à 64 ans, et 50 % ou moins de la population dans les catégories d’âge inférieur à 55 ans. La proportion des femmes est encore plus élevée dans les catégories d’âge avancé. En 1998 par exemple, les femmes constituaient 70 % de toutes les personnes de 85 ans et plus, 60 % des personnes de 75 à 84 ans et 54 % du groupe des 65 à 74 ans. Comme l’illustrent ces statistiques, chez les personnes âgées, les femmes ont une espérance de vie sensiblement plus longue que les hommes[32]. Elles sont par conséquent plus susceptibles d’avoir accès à des biens sociaux comme les maisons de soins de santé et de soins infirmiers ou autres établissements du genre[33].

En ce qui concerne leur statut socio-économique, les niveaux de revenu et le taux de participation au marché du travail indiquent que les femmes plus âgées peuvent se retrouver devant des problèmes uniques en matière de droits de la personne. Par exemple, de nombreux programmes sociaux ayant vu le jour à une époque où la population active était principalement composée d’hommes, et qui sont donc neutres à leur égard, peuvent avoir une incidence néfaste sur les femmes. La Sécurité de la vieillesse (SV) verse une allocation universelle indexée à toute personne de plus de 65 ans et cette rente peut être complétée par le Supplément de revenu garanti (SRG). Le maximum des prestations de SV et du SRG peut aider un couple âgé à se rapprocher du seuil de pauvreté, mais dans le cas des personnes âgées seules, les prestations sont bien en dessous du seuil de pauvreté. Comme les personnes âgées seules sont en grande majorité des femmes, en particulier chez les aînés d’âge plus avancé, ces programmes n’ont pas réussi à sortir les femmes plus âgées de la pauvreté structurale engendrée par ces facteurs.[34]

Les prestations du Régime de pensions du Canada (RPC) sont calculées en fonction des contributions versées par les travailleuses et les travailleurs, ainsi que par les employeurs, selon un pourcentage du revenu moyen gagné. En conséquence, les femmes, qui ont tendance à occuper des emplois moins payants et à travailler moins longtemps, touchent des prestations du RPC sensiblement plus maigres que leurs homologues masculins[35]. En outre, des rapports ont indiqué que l’accent accru mis sur les régimes de retraite privés et l’épargne-retraite exonérée d’impôt, les régimes enregistrés d’épargne-retraite (REER) par exemple, a aussi une incidence négative sur les femmes. Les femmes ont tendance à travailler dans des secteurs où les employeurs n’offrent pas de régime de retraite. De plus, elles gagnent un salaire très inférieur aux hommes et disposent d’un revenu discrétionnaire moins élevé pour cotiser à un REER[36].

Bien que ces questions relèvent d’un domaine de compétence fédérale, elles ont des répercussions sur le secteur provincial puisqu’il faut mettre en place des services et mécanismes de soutien communautaires pour « combler la différence ». Par exemple, il y a fort à parier que l’accès à un logement à prix abordable préoccupe tout particulièrement les femmes âgées qui vivent seules.

Personnes âgées ayant un handicap

En 1991 au Canada, environ la moitié de toutes les personnes de 65 ans et plus avaient un handicap.[37] Chez les personnes qui ont vécu la plupart de leur vie sinon toute leur vie avec un handicap, le vieillissement aggrave les schémas chroniques de pauvreté et de discrimination sociale, tandis que les personnes dont le handicap survient plus tard au cours de l’existence risquent de voir un changement radical et dévastateur de leur mode de vie et de leur niveau de vie.[38]

Les handicaps les plus fréquents chez les personnes âgées sont ceux liés à la mobilité (74,2 %) et à l’agilité (65 %), la perte de l’ouïe (41,8 %), les déficiences visuelles (26,5 %) et les  troubles de la parole (8,7 %).[39]

Les données font état d’une corrélation très claire entre les taux d’invalidité et l’âge[40]. Avec le vieillissement progressif de la population, cette corrélation entre l’âge et l’invalidité signifie qu’en 2010, le nombre de Canadiennes et de Canadiens handicapés en âge de travailler aura considérablement augmenté[41]. On verra aussi une augmentation du nombre de personnes à la retraite qui sont atteintes d’un handicap[42].

L’augmentation projetée du nombre de personnes qui seront affligées d’une forme quelconque d’invalidité renforce l’importance du travail d’élaboration de politiques portant sur ce motif de discrimination. Ces chiffres ont de plus une incidence cruciale sur les travaux particuliers qu’a entrepris la Commission au sujet des personnes handicapées.

D’abord, le transport a été perçu comme le « passeport pour l’autonomie » d’un grand nombre de personnes âgées, tout particulièrement celles qui sont handicapées. L’examen de l’accessibilité aux transports en commun récemment mené par la Commission est donc tout à fait pertinent pour les personnes âgées, qui ont besoin d’un accès facile aux services de transport en commun et d’aménagements pour être capables de se tenir debout dans un autobus en mouvement, d’y monter et d’en descendre facilement.

On voit aussi des personnes âgées qui ont une incapacité liée à des troubles respiratoires et au manque d’endurance qu’entraîne ce genre de problèmes, mais qui se voient refuser l’accès aux services de transport adapté, qui ne tiennent pas compte de ces handicaps non apparents.[43]

En second lieu, les révisions qu’on prévoit d’apporter aux Directives pour l’évaluation des besoins en matière d’adaptation des personnes handicapées et autres documents d’orientation touchant les personnes handicapées auront une forte incidence sur les personnes âgées. Il est donc nécessaire de réaffirmer, dans toutes les déclarations de principe relatives à l’âge, l’importance de maintenir des normes élevées soutenues par la législation pour protéger les gens contre des préjudices injustifiés.

Troisièmement, la Commission devrait encourager le gouvernement à continuer de soutenir les soins en milieu communautaire, tout en reconnaissant que le besoin croissant de soins en établissement deviendra pressant dans l’avenir, une situation qui, à son tour, exigera qu’on accorde une plus grande attention aux soins de réadaptation, aux soins chroniques et aux soins prolongés complexes. 


[32] Statistiques no 5 : Une population en grande partie féminine, supra note 12.
[33] Par exemple, ce sont les femmes d’âge plus avancé qui affichent la durée moyenne de séjour à l’hôpital la plus longue; Statistiques no 47 : L’hospitalisation des aînés, site web de Santé Canada, supra note 12. Les femmes âgées sont plus susceptibles de vivre en établissement (voir la section Maisons de soins infirmiers et autres établissements).
[34] Voir F. Marzari, « Pensions, Policy and Power », Appeal: Review of Current Law and Law Reform, vol. 2, no 34, 1996, au par. 1, en ligne: QL (JOUR).
[35] En 1993, les femmes recevaient seulement 58,8 % de la valeur des prestations que touchaient les hommes en vertu du RPC/RRQ; renseignement tiré de C.F.L. Young, « Invisible Inequalities: Women, Tax & Poverty », (1995) 27 Ottawa L.R. 99, en ligne: QL (JOUR), citant un rapport du Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme intitulé Work in Progress: Tracking Women’s Equality in Canada (Ottawa, Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme, 1994), p. 44.
[36] En 1993, 42 % des travailleuses rémunérées étaient couvertes par un régime de retraite d’employeur, comparativement à 47 % des travailleurs. Seulement 21 % des femmes qui ont produit une déclaration de revenus ont contribué à un REER en 1992, comparativement à 30 % des hommes. Elles y ont versé en moyenne 2 444 $; les hommes, 3 399 $; «Le système de revenu de retraite du Canada : mythes et réalités », Expression : Bulletin du Conseil consultatif national sur le troisième âge, vol. 10, no 3, supra note 25.
[37] Statistique Canada, Enquête sur la santé et les limitations d’activités 1991 : tableaux complémentaires, Provinces et territoires, tableau 4 (Ottawa, 1992), en ligne: Statistics Canada <http://www.statcan.ca>.
[38] « Les aîné-e-s et les handicaps », Expression : Bulletin du Conseil consultatif national sur le troisième âge, (2000), vol. 11, no 1, p. 3, supra note 25.
[39] Statistique Canada. Enquête sur la santé et les limitations d’activités 1991 : Faits saillants, 12, Ottawa (1994), en ligne: Statistics Canada <http://www.statcan.ca>.
[40] J. McCallum et D. Holt, « Perspectives d’avenir des personnes handicapées… Saurons-nous relever ce défi pressant du XXIe siècle? », Conjonctures, Banque royale du Canada (avril 2000), p. 3. Cet énoncé s’appuie sur une analyse des données américaines, cependant les auteurs concluent que puisque l’évolution démographique du Canada est pratiquement identique à celle des États-Unis, on peut tirer des conclusions identiques pour les deux sociétés. Les données de Statistique Canada confirment que la proportion des aînés ayant une invalidité de longue durée augmente nettement avec l’âge; Statistiques no 43 : Les aînés handicapés, supra note 12.
[41] McCallum et Holt, ibid. Ce chiffre est estimé à 1,4 million dans le document.
[42] Ibid, p. 4.
[43] Centre de développement du transport (Transport Canada), Accessibilité des transports au Canada – Manuel de planification, cité dans Expression : Bulletin du Conseil consultatif national sur le troisième âge, vol. 13 (1999), supra note 25. 

 

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