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Norme du préjudice injustifié

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En vertu du Code, tout élève, étudiante ou étudiant handicapé a le droit de recevoir des adaptations dans la mesure où elles ne causent pas de préjudice injustifié. Le Code ne prévoit que trois facteurs qui peuvent être envisagés pour déterminer si une adaptation pourrait causer un pareil préjudice :

  • le coût;
  • les sources extérieures de financement, s’il en est;
  • les exigences en matière de santé et de sécurité, le cas échéant.

La Commission est d’avis que seuls les facteurs relevant de ces trois éléments doivent être pris en considération[42].

Exemple : Un syndicat s’oppose à l’embauche d’un spécialiste en éducation pour fournir une adaptation à un élève ayant des difficultés d’apprentissage parce que ce spécialiste ne fait pas partie de l’unité de négociation. À moins que le syndicat ne puisse démontrer que l’embauche causera un préjudice injustifié fondé sur l’un des trois éléments énoncés plus haut, cette dérogation à la convention collective ne constituera pas en soi un préjudice injustifié.

Pour invoquer un préjudice injustifié, le fournisseur de services d’éducation doit assumer le fardeau de la preuve. Les élèves ou étudiants qui demandent une adaptation n’ont pas à prouver que celle-ci peut être fournie sans préjudice injustifié. La preuve requise pour prouver un préjudice injustifié doit être objective, réelle, directe et, dans le cas du coût, quantifiable. Le fournisseur de services d’éducation doit fournir des faits, des chiffres, des données ou opinions scientifiques pour étayer son allégation selon laquelle l’adaptation proposée cause effectivement un préjudice injustifié. Une simple déclaration non étayée de preuves affirmant que le coût ou le risque est « trop élevé » en fonction d’opinions subjectives ou de stéréotypes ne sera pas suffisante.

Les preuves objectives peuvent comprendre, sans s’y limiter :

  • les états financiers et les budgets;
  • les données scientifiques et les données tirées d’études empiriques;
  • les opinions d’experts;
  • des renseignements détaillés sur l’activité et sur l’adaptation proposée;
  • des renseignements sur les conditions liées à l’activité et leurs effets sur la personne ou le groupe de personnes ayant un handicap.

Éléments d’une défense fondée sur le préjudice injustifié

Coûts

Ce qu’en disent les tribunaux : La Cour suprême du Canada a statué : « [I]l faut se garder de ne pas accorder suffisamment d’importance à l’accommodement de la personne handicapée. Il est beaucoup trop facile d’invoquer l’augmentation des coûts pour justifier un refus d’accorder un traitement égal aux personnes handicapées[43] ».

La norme relative aux coûts est élevée. Autant que possible, le fournisseur de services d’éducation doit prendre des mesures pour recouvrer le coût de l’adaptation. Il peut le faire, par exemple, en obtenant des subventions et en faisant appel à des sources externes de financement[44] pour compenser une partie de ses dépenses en la matière. Les déductions fiscales et d’autres avantages gouvernementaux découlant de l’adaptation doivent également être pris en compte. Souvent, par ailleurs, le design inclusif et d’autres solutions créatives en matière de design peuvent permettre d’éviter de lourdes dépenses.

Pour déterminer si un coût risque de modifier la nature même de l’établissement d’enseignement ou de compromettre gravement sa viabilité, il faut tenir compte des facteurs suivants:

  • La taille de l’établissement : un coût qui entraîne un préjudice injustifié pour un petit établissement n’entraîne probablement pas un tel préjudice pour un établissement plus important.
  • Les coûts peuvent-ils être recouvrés dans le cadre des activités normales de l’établissement?
  • Les autres divisions, services, etc. de l’établissement peuvent-ils assumer une partie des coûts?
  • Les coûts peuvent-ils être échelonnés sur plusieurs années?
  • Le fournisseur de services d’éducation peut-il verser chaque année un pourcentage d’argent dans un fonds de réserve qui sera affecté aux adaptations[45] ?
  • Les programmes et services d’éducation offerts à tous les élèves subiront-ils des changements substantiels et permanents? Par exemple, un conseil scolaire sera-t-il contraint d’annuler ses programmes de musique pour financer une adaptation?

Le gouvernement doit s’assurer que les conseils scolaires ont accès à un financement suffisant pour assurer l’accès égal à l’éducation. Pour leur part, les conseils scolaires ont l’obligation de fournir aux écoles des fonds suffisants pour leur permettre d’offrir des adaptations. Le fournisseur de services d’éducation qui reçoit du financement du gouvernement pour favoriser l’accessibilité et répondre aux besoins des élèves et étudiants handicapés devrait faire le suivi des données sur les adaptations et signaler au gouvernement toute insuffisance de financement.

Les fournisseurs de services d’éducation ne peuvent invoquer le fait que leurs ressources soient limitées ou qu’ils éprouvent des contraintes budgétaires pour être soustraits à leur obligation d’accommodement s’ils n’ont pas déjà démontré qu’ils subissent un préjudice injustifié fondé sur les coûts. En outre, ils ne doivent pas décider des adaptations qui sont les plus appropriées pour les élèves ou étudiants en fonction de considérations financières ou de contraintes budgétaires. Le processus visant à déterminer si une adaptation est « appropriée » doit être absolument distinct et indépendant du processus visant à évaluer si cette adaptation risque de causer un « préjudice injustifié ». Si l’adaptation répond aux besoins de l’élève, de l’étudiante ou de l’étudiant d’une façon qui respecte le mieux sa dignité, alors il est possible de déterminer si cette adaptation « la plus appropriée » entraîne un préjudice injustifié.

Si l’adaptation la plus appropriée entraîne un préjudice injustifié, le fournisseur de services d’éducation devrait envisager les solutions de rechange les plus acceptables ou des mesures provisoires en attendant l’application progressive ou la mise en oeuvre ultérieure de l’adaptation la plus appropriée.

Si une adaptation dépasse le budget établi par le fournisseur pour l’éducation de l’enfance en difficulté, ce dernier doit tenter de la financer à même son budget global, à moins que cela ne lui cause un préjudice injustifié[46].

Exemple : Une école financée par les deniers publics informe les parents d’un élève ayant des difficultés d’apprentissage qu’elle ne peut fournir à leur fils les services d’un assistant en éducation spécialisée. La directrice d’école affirme qu’elle dispose de ressources limitées pour financer les adaptations destinées aux élèves handicapés et qu’elle a déjà affecté l’argent aux élèves « qui en ont le plus besoin ». Dans ce cas, le conseil scolaire serait tenu de passer en revue son budget global avant de conclure que l’adaptation ne peut être fournie sans causer de préjudice injustifié en raison des coûts.

Les coûts de l’adaptation doivent être répartis le plus largement possible au sein de l’établissement responsable afin qu’aucune école ou aucun service n’ait à supporter un fardeau disproportionné. L’évaluation des coûts doit être fondée sur le budget global du conseil ou de l’établissement, et non sur le budget de l’école ou du département qui a reçu la demande d’adaptation.

Exemple : Un étudiant de collège a besoin des services d’un interprète gestuel à ses cours. Le collège a reçu plusieurs demandes d’adaptation au cours de l’année et a épuisé son budget réservé aux adaptations. Cependant, avant de refuser la demande de l’étudiant, le collège examine son budget global et découvre un excédent dans le budget du département d’études commerciales qu’il utilise pour financer l’adaptation demandée.

Certains grands organismes, en particulier les gouvernements, sont mieux placés pour montrer l’exemple ou faire preuve de leadership en matière d’adaptations offertes aux personnes handicapées. Il est généralement plus facile pour ces grands organismes d’absorber le coût des adaptations.

Exigences en matière de santé et de sécurité

Maintenir un milieu d’apprentissage sûr pour les élèves et étudiants, le personnel des écoles et les éducateurs représente un objectif important. Des problèmes relatifs à la santé et à la sécurité peuvent survenir dans différents contextes éducatifs et pourraient avoir des conséquences pour les élèves handicapés, les autres élèves, les éducateurs et le reste du personnel de l’école. Selon la nature et le degré des risques en cause, les fournisseurs de services d’éducation pourraient soutenir que le fait de fournir une adaptation à un élève handicapé causerait un préjudice injustifié.

Lorsqu’une exigence en matière de santé et de sécurité crée un obstacle pour des élèves ou étudiants handicapés, le fournisseur de services d’éducation devrait déterminer si cette exigence peut être modifiée ou supprimée dans son cas. Cependant, cette mesure pourrait entraîner des risques qui devront être examinés en regard du droit à l’égalité de ces élèves ou étudiants.

En pratique : Une enseignante hésite à permettre à un élève qui utilise un fauteuil roulant d’accompagner la classe à une visite du jardin zoologique, pensant que cela serait trop dangereux. La directrice d’école décide de se renseigner, communique avec la direction du zoo et détermine que la plupart des installations sont accessibles et que des clients qui utilisent un fauteuil roulant ou d’autres types d’appareils motorisés fréquentent le zoo régulièrement sans incident. Il importe de quantifier le risque réel au lieu d’agir en fonction de perceptions inexactes ou stéréotypées qui ne sont pas nécessairement fondées sur les limites réelles de l’élève.

Un fournisseur de services d’éducation pourrait juger qu’une adaptation qui entraînerait la modification d’une exigence en matière de santé ou de sécurité ou la dérogation à cette exigence serait dangereuse pour l’élève, l’étudiante ou l’étudiant visé. Il est alors tenu d’expliquer ce risque à ce dernier, ou à ses parents ou tuteurs, s’il y a lieu, car ils sont les mieux placés pour l’évaluer. Cette règle s’applique uniquement si le risque en question ne concerne que sa propre santé ou sécurité. Lorsque le risque qui subsiste après avoir envisagé des solutions de rechange et des adaptations est grave au point où il l’emporte sur les avantages d’assurer l’égalité de l’élève, il y a préjudice injustifié.

Les élèves ou étudiants placés dans un milieu d’apprentissage hors d’une classe ordinaire en raison de risques pour la santé ou la sécurité ont droit à une réévaluation périodique pour déterminer, en tenant compte de l’évolution de leur situation, s’il y a lieu de les réintégrer dans un programme ordinaire.

En pratique : Un étudiant atteint du trouble bipolaire est incapable de fréquenter le collège en raison de crises violentes et incontrôlables associées à son handicap. Après un traitement médical et grâce à des médicaments, il est en mesure de gérer efficacement son handicap. Le collège décide alors de le rencontrer et d’évaluer à nouveau ses besoins en matière d’adaptation. L’obligation d’accommodement est dynamique et continue et les adaptations doivent correspondre à l’évolution du handicap de l’étudiant.

Lorsque l’on juge que la modification d’une exigence en matière de santé ou de sécurité ou la dérogation à cette exigence entraînerait un risque pour la santé ou la sécurité d’autres personnes, il faut évaluer le degré de risque. Le fournisseur de services d’éducation doit envisager d’autres types de risques encourus dans l’établissement. Tout risque potentiel d’une adaptation devrait être évalué à la lumière de ces autres sources courantes de risques dans l’établissement d’enseignement. La gravité du risque doit être jugée compte tenu des mesures prises pour le réduire.

Un fournisseur de services d’éducation peut déterminer si la modification d’une exigence en matière de santé ou de sécurité ou la dérogation à cette exigence entraînerait un risque important en se posant les questions suivantes :

  • L’élève, l’étudiante ou l’étudiant (ou ses parents ou tuteurs) est-il disposé à assumer ce risque dans la mesure où il touche uniquement sa propre santé et sécurité[47] ?
  • Le fait de modifier l’exigence ou d’y déroger entraînerait-il selon toute probabilité un risque grave pour la santé ou la sécurité des autres élèves, des éducateurs ou du reste du personnel de l’établissement[48] ?
  • Quels sont les autres types de risques que l’on assume dans l’établissement ou le secteur, et quels sont ceux qui sont tolérés dans la société en général?

On peut tenir compte des facteurs suivants pour déterminer la gravité ou l’importance du risque :

  • La nature du risque : Que pourrait-il se passer de préjudiciable?
  • La gravité du risque : Quelle serait la gravité du préjudice éventuel?
  • La probabilité du risque : Quelle est la probabilité du préjudice éventuel? S’agit-il d’un risque réel, ou simplement hypothétique? Le préjudice pourrait-il survenir souvent?
  • La portée du risque : Qui serait touché si un incident se produisait?

Si le préjudice éventuel est mineur et peu susceptible de se produire, le risque ne devrait pas être considéré comme étant grave. S’il y a un risque pour la sécurité publique, il faut tenir compte du nombre accru de personnes qui pourraient être touchées et de la probabilité qu’un incident survienne.

Lorsqu’un élève, une étudiante ou un étudiant handicapé se livre à un comportement qui nuit au bien-être de son entourage, le fournisseur de services d’éducation pourrait soutenir que le fait de lui fournir une adaptation lui causerait un préjudice injustifié fondé sur des questions touchant la santé et la sécurité, c’est-à-dire que l’adaptation entraînerait un risque pour la sécurité publique. Cependant, la gravité du risque doit être évaluée uniquement après que l’adaptation a été fournie, et après que des précautions ont été prises pour réduire le risque. Il reviendra au fournisseur de fournir une preuve objective et directe de ce risque. Les simples impressions ou les croyances subjectives sur le degré de risque que présente un élève, une étudiante ou un étudiant, en l’absence de preuves à l’appui, sont insuffisantes.

Le fait d’invoquer l’existence d’un préjudice injustifié doit découler de la volonté sincère de réserver à tous les élèves ou étudiants un milieu d’apprentissage sûr, et ne pas constituer une mesure punitive. Même lorsqu’un élève, une étudiante ou un étudiant présente un risque pour lui-même ou son entourage, le fournisseur de services d’éducation conserve l’obligation d’envisager d’autres adaptations possibles, y compris des services distincts, lorsque c’est possible et approprié.

En fin de compte, le fournisseur de services d’éducation doit établir un juste équilibre entre les droits de l’élève, de l’étudiante ou de l’étudiant handicapé et ceux des autres. Il peut arriver qu’un élève, une étudiante ou un étudiant présente un tel risque pour sa santé ou sa sécurité ou celles des autres que ce risque entraîne un préjudice injustifié; il peut aussi arriver qu’une adaptation qui serait appropriée est impossible à mettre en oeuvre dans les circonstances. Cependant, il est important que les fournisseurs de services d’éducation évitent de tirer hâtivement une pareille conclusion. Il pourrait être possible de régler le problème en offrant plus de formation au personnel ou d’autres mesures de soutien à l’élève, à l’étudiante ou à l’étudiant. Tout doit être mis en oeuvre pour offrir une adaptation appropriée, dans la mesure où cela n’entraîne pas de préjudice injustifié.


[42] Cette interprétation vaste et téléologique du Code et des droits de la personne en général signifie que les droits doivent être interprétés libéralement et que les motifs invoqués pour s’y soustraire doivent être interprétés étroitement. Un certain nombre de causes confirment ce mode d’interprétation des lois sur les droits de la personne. Plus récemment, dans Mercier, supra, note 8, la Cour suprême a résumé ces causes et a exposé les principes pertinents de l’interprétation des droits de la personne. De plus, le Code l’emporte sur les autres textes de loi [paragraphe 47 (2)].
[43] Colombie-Britannique (Superintendent of Motor Vehicles) c. Colombie-Britannique (Council of Human Rights), [1999] 3 R.C.S. 868 [« Grismer »], par. 41.
[44] Les sources externes de financement peuvent comprendre les suivantes :

  • Des fonds accessibles aux élèves ou étudiants uniquement, versés dans le cadre de programmes gouvernementaux et liés au handicap. Les élèves ou étudiants pourraient être tenus de se prévaloir de tels programmes lorsqu’ils présentent leurs demandes d’adaptations au fournisseur de services d’éducation. Cependant, il faut s’assurer que ces ressources répondent aux besoins des élèves ou des étudiants en matière d’adaptation, y compris le respect de leur dignité.
  • Des fonds qui aident les fournisseurs de services d’éducation à assumer les coûts des adaptations. Des ressources externes en matière d’adaptation pourraient être à la disposition des élèves et étudiants handicapés lorsque les sphères de responsabilité de plusieurs organismes relativement à l’obligation d’accommodement se chevauchent ou sont reliées.
  • Des programmes de financement pour améliorer l’accessibilité des personnes handicapées (une responsabilité interne ou organisationnelle).

[45] Soulignons que l’échelonnement des coûts et l’établissement d’un fonds de réserve ne peuvent être envisagés qu’une fois que le fournisseur d’adaptations a démontré que l’adaptation la plus appropriée ne pourrait être fournie immédiatement.
[46] Cette démarche est conforme à celle qu’a adoptée la Commission dans le contexte de l’emploi, où un employeur ou une autre entité ne peut refuser une adaptation à un membre de son personnel qui a un handicap en invoquant que cette adaptation épuiserait les fonds que l’employeur consacre au personnel handicapé.
[47] Le risque est évalué après que toutes les adaptations possibles pour le réduire ont été mises en oeuvre.
[48] Ibid.

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