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Commentaires préliminaires sur la réforme prévue du système des droits de la personne de l'Ontario

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Généralités

Le 20 février 2006, le procureur général Michael Bryant a annoncé des propositions pour réformer le système des droits de la personne de l’Ontario.  Dans ces propositions, il est demandé à la Commission ontarienne des droits de la personne (la « Commission ») de se concentrer sur « des mesures proactives, comme l'éducation publique, la recherche et la surveillance, pour enrayer la discrimination systémique » en Ontario. D’après les changements prévus, la Commission conservera le pouvoir de déposer directement en son nom une plainte devant le Tribunal ou d'intervenir dans d’autres plaintes, et abritera le nouveau secrétariat de la diversité raciale.  

En outre, les propositions prévoient l’établissement d’un accès direct au Tribunal des droits de la personne de l'Ontario (le « Tribunal ») en remplacement du système actuel, selon lequel la Commission filtre les plaintes à l’étape de l’accueil, de la médiation et de l’enquête avant de les renvoyer devant le Tribunal pour qu’il rende sa décision. On a aussi proposé une troisième « branche » qui s’occuperait d’assurer le soutien juridique, mais elle reste à définir.  

Le nouveau systéme: les exigences

Tout nouveau système doit s’en tenir aux prescriptions des Principes de Paris, que le Canada a adoptés. À l’appui des Principes, le Centre pour les droits de l’homme de l’Organisation des Nations Unies [1] a élaboré des lignes directrices qui dégagent sept « facteurs d’efficacité » pertinents, soit les normes par rapport auxquelles sera mesurée une réforme du système des droits de la personne de l’Ontario.

  1. Indépendance
  2. Compétence délimitée
  3. Coopération
  4. Pouvoirs suffisants
  5. Accessibilité
  6. Efficacité opérationnelle
  7. Responsabilité

Pour toute modification apportée au système existant des droits de la personne, il faut que tous les facteurs identifiés et leur somme soient maintenus.

1. Indépendance

Il existe maintes façons d’établir le degré voulu d’indépendance d’une commission des droits de la personne. Les lignes directrices internationales indiquent clairement qu’il vaut mieux que la Commission soit tenue de faire rapport à l’Assemblée législative pour éviter de donner l’impression que le gouvernement exerce un contrôle financier et administratif sur ses activités.

Selon ces lignes directrices, il faut que, dans les organismes des droits de la personne, les personnes nommées soient en mesure d’agir, individuellement et collectivement, de façon indépendante et impartiale.  Pour atteindre cet objectif, la nouvelle législation doit prévoir des méthodes de nomination et de congédiement transparentes, ainsi qu’un nombre suffisant de spécialistes et de personnes représentant la diversité et le pluralisme de la société. 

Cet élément est important, car les préoccupations que soulèvent les droits de la personne mettent souvent en cause le gouvernement et beaucoup de plaintes concernant les droits de la personne sont déposées contre lui. Par conséquent, un organisme des droits de la personne qu’administre un ministère du gouvernement se trouve dans une situation mal aisée et éventuellement compromettante quand il doit faire enquête sur un ministère et un gouvernement auxquels il fait directement ou indirectement rapport et qui le subventionnent.

2. Compétence délimitée

La loi applicable doit manifestement satisfaire aux obligations minimales internationales et préciser les fonctions particulières permettant de parvenir aux objectifs et priorités fixés. 

La compétence d’une commission des droits de la personne, prévue par la loi contrairement à celle d’un Tribunal, comprend au minimum le pouvoir : 

  • d’étudier la législation et les décisions administratives s’y rapportant ;
  • de se pencher sur toutes les allégations de violation des droits de la personne (formes et niveaux) ;
  • de préparer des rapports ;
  • d’émettre un avis sur les positions ou réactions du gouvernement face aux évaluations des droits de la personne ;
  • de mener des programmes de recherche, de surveillance, de vérification, d’éducation et de publicité ;
  • de promouvoir et d’assurer l’harmonisation de la législation, des règlements et des pratiques avec les instruments internationaux relatifs aux droits de la personne ;
  • de protéger et de promouvoir l’intérêt public.

Les changements prévoient que la Commission se concentrera sur « des mesures proactives, comme l'éducation publique, la recherche et la surveillance, pour enrayer la discrimination systémique » en Ontario.  Si, d’après cet énoncé, il existe un important chevauchement avec les fonctions obligatoires ci-dessus, il est essentiel que la nouvelle législation précise explicitement que les responsabilités de la Commission englobent toutes les fonctions indiquées plus haut. Par ailleurs, la législation doit clairement stipuler que la Commission peut déposer des plaintes pouvant avoir des retombées systémiques ou comprendre d’importants éléments liés à l'intérêt public(?), et peut choisir les plaintes devant le Tribunal pour lesquelles elle souhaite intervenir. 

La cohésion de la protection et de la promotion de l’intérêt public avec la conformité constitue l’un des points forts du système actuel. La Commission est partie à toutes les plaintes déposées et est en mesure de défendre l’intérêt public à chaque étape du processus. Par conséquent, le règlement de chaque plainte peut incorporer des conditions relatives à l’intérêt public et des avantages systémiques. Dans le système actuel, presque tous les règlements et toutes les décisions du Tribunal comprennent des recours visant l’intérêt public, qui vont jusqu’à l’élaboration d’importantes politiques et des initiatives pour changer le système.

Il faut que la promotion de l’intérêt public reste un élément clé du nouveau système.   Pour ce faire, on peut entre autres exiger que la promotion de l’intérêt public s’inscrive dans le mandat législatif du Tribunal pendant toute la procédure de plainte et dans le prononcé d'une décision. Le fait que la Commission puisse intervenir renforce aussi l’élément lié à l'intérêt public.

3. Coopération

La coordination entre les activités de promotion des droits de la personne et de conformité crée une synergie qu’il faut conserver dans le nouveau système. Ainsi, l’élaboration de politiques et des connaissances spécialisées servent les activités de conformité, comme l’accueil, le règlement, l’examen et l’arbitrage des plaintes concernant les droits de la personne. De plus, la formulation de politiques sert la procédure et le règlement des plaintes individuelles et leur permet d’encourager le perfectionnement d’un droit jurisprudentiel visant la promotion des droits de la personne. À leur tour, l’élaboration de politiques et les buts et stratégies visant la promotion des droits de la personne tirent parti des points de vue du secteur de la conformité et juridique.

Une réflexion axée sur la promotion des droits de la personne a mené à la poursuite de la procédure d’exécution de nombreux cas qui, au premier abord, ne semblaient pas relever de questions sur les droits de la personne traitées dans le Code. Ainsi, de récentes enquêtes et travaux d’élaboration de politiques sur la discrimination raciale ont permis de présenter des cas de profilage racial et de discrimination systémique qui auraient été auparavant rejetés.

Les changements prévoient que la Commission  continuera d’avoir le pouvoir de déposer des plaintes et d’intervenir dans les plaintes présentées au Tribunal.  Cela s’impose pour  intégrer le rôle que joue la Commission dans la promotion des droits de la personne et celui que remplit le Tribunal en ce qui concerne la conformité.  De surcroît, il faut inclure un certain nombre d’éléments pour assurer la bonne coordination de tout le système.

  • La Commission doit être correctement mise au courant de la nature des plaintes déposées.  Il faut que la législation s’assure que le Tribunal applique efficacement la politique en matière des droits de la personne qu’a élaborée la Commission.
  • La coordination de tout le système des droits de la personne doit être efficace. À l’heure actuelle, les instances de divers types relatives aux droits de la personne sont traitées dans le cadre du processus de règlement des griefs de relations de travail et par divers organes administratifs, comme la Commission de la sécurité professionnelle et de l'assurance contre les accidents du travail, les Tribunaux de l'enfance en difficulté, le Tribunal du logement de l'Ontario et bien d’autres encore. Ces organismes d'arbitrage doivent appliquer efficacement la politique en matière de droits de la personne et détenir le pouvoir d’accorder des réparations semblables à celles pouvant être obtenues au Tribunal. La Commission devrait aussi avoir le droit d’intervenir dans ces organismes.

4. Pouvoirs suffisants

La proposition préconisant un élargissement des travaux sur la discrimination systémique et une augmentation des subventions pour ce faire réjouit la Commission. D’après les propositions, la Commission sera en mesure d’intervenir dans les plaintes devant le tribunal et de déposer indépendamment des plaintes.  Pour s’acquitter convenablement de ces responsabilités, la Commission doit détenir au moins les mêmes pouvoirs que prévoit le Code pour faire enquête. La promotion de changements systémiques et le dépôt de plaintes systémiques concernant les droits de la personne, du même genre que celles que la Commission est susceptible de déposer, exigent beaucoup de préparation et de recherches. 

Il faut aussi inclure dans le système des moyens pour s’assurer et surveiller que les règlements et les décisions du Tribunal sont respectés. Il faudrait que la responsabilité et le pouvoir voulus pour s’acquitter de cette fonction soient consignés dans la loi.

5. Accessibilité

Le procureur général a confirmé lors de la conférence de presse du lundi 20 février qu’un soutien juridique sera offert à toutes les personnes qui en ont besoin dans le cadre du nouveau système de plaintes concernant les droits de la personne. 

Le maintien d’un accès adéquat aux mécanismes de protection des droits de la personne sera extrêmement difficile. Citons quelques sujets de préoccupation à ce propos : les personnes pauvres, les travailleurs économiquement faibles, les marginaux, les personnes handicapées, les personnes difficiles à joindre, et celles éloignées. Il faut mettre en place des mécanismes précis et efficaces et leur adjoindre des ressources pour répondre aux besoins uniques de chacun de ces groupes.  Il est donc de la plus haute importance d’offrir :

  • des services juridiques de soutien suffisamment financés et dotés de personnel spécialisé dans les droits de la personne ;
  • les services d’appui nécessaires pour bien préparer un cas devant le Tribunal ;
  • des activités de promotion du système satisfaisantes pour faire connaître les voies de recours disponibles ;
  • un éventail de services de soutien linguistiques et culturels ainsi que des services pour les personnes handicapées pendant toute la procédure de plainte relative aux droits de la personne ;
  • un accès approprié aux services du Tribunal pour les personnes qui habitent loin de celui-ci ;
  • un service de traitement des plaintes qui facilite l’accès au système, accepte les principes de la conception universelle relatifs à tous les motifs énumérés en vertu du Code. Le Tribunal doit reconnaître que le dépôt de plaintes peut se heurter à des difficultés en raison de ses propres procédures.  Ainsi, le manque de confidentialité constituera un obstacle pour certaines personnes déposant une plainte pour harcèlement sexuel ou orientation sexuelle. Par ailleurs, il se peut que des Autochtones ou des communautés racialisées soient dissuadés d’avoir recours à des processus judiciaires qui sont exclusivement accusatoires et ne tiennent pas compte de leurs réalités culturelles.

6. Efficacité opérationnelle

Le gouvernement vise à élaborer et à mettre en œuvre un système de traitement des demandes réellement efficient et efficace, qui s’appuie sur les buts et les principes s'appliquant à la conception d'un organisme administratif. Les principaux éléments en sont :

  1. le règlement en temps opportun des plaintes ;
  2. des procédures simples et équitables qui ne mettent plus autant l’accent sur une approche légaliste ;
  3. la souplesse pour que les cas simples soient traités de manière accélérée ;
  4. l’écoute, de façon que l’aspect « humain » du système des droits de la personne devienne la principale préoccupation et que les plaignants estiment que leur problème a été « entendu » et pas seulement « traité ».

7.  Responsabilité

Dans le nouveau système, la responsabilité de chaque partie doit être clairement établie et tous les organismes doivent être tenus de faire rapport publiquement de leurs activités. Ces principes sont importants, car la coordination de tous les éléments du nouveau système sera considérable.

Aller de l'avant en ce qui concerne la fonction touchant à la promotion des droits de la personne 

La Commission détient une vaste expérience dans les activités de promotion d’une culture des droits de la personne.  Parallèlement aux grands buts, soit la sensibilisation du public et les interventions systémiques, ces initiatives comprennent aussi des activités d’éducation du public et de communication, l’élaboration de politiques et une gamme de méthodes pour étudier et réagir aux nouveaux problèmes sur les droits de la personne qui se manifestent dans la société.

La Commission accueille avec plaisir toute participation active à la définition des améliorations à apporter à ses fonctions de promotion des droits de la personne. En s’appuyant sur les possibilités énoncées plus haut, elle travaillera de concert avec d’autres personnes et organismes pour trouver des moyens novateurs de promotion des droits de la personne.  Dans un nouveau système des droits de la personne, le langage de la loi doit donner à la Commission une infinie souplesse.

Plus de responsabilités pour prévenir la discrimination systémique et y réagir exigent aussi davantage de ressources.  Il faut en particulier disposer des ressources voulues pour surveiller, vérifier, enquêter et  régler les différends, car ce n’est qu’en connaissant ses responsabilités et les conséquences qu’on peut encourager des changements systémiques dans des institutions et chez des groupes récalcitrants. 


[1]  Centre pour les droits de l’homme, Organisation des Nations Unies, National Human Rights Institutions: A Handbook on the Establishment and Strengthening of National Institutions for the Promotion of Human Rights, Professional Training Series No. 4, (New York et Genève : ONU, 1995) ch. II (A), à la page 66.