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Lettre adressée à la solliciteure générale et mémoire relatif à l’examen de la Loi sur la réforme des vérifications de dossiers de police

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Mars 12, 2021

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L’honorable Sylvia Jones
Solliciteure générale
Édifice George Drew, 18e étage
25, rue Grosvenor
Toronto (Ontario)  M7A 1Y6

Objet : Projet du Registre de la réglementation numéro 21-SOLGEN001 Proposition d’exemptions à la Loi de 2015 sur la réforme des vérifications de dossiers de police

Madame la Solliciteure générale,

J’espère que vous vous portez bien. La Commission ontarienne des droits de la personne (CODP) soumet le présent mémoire dans le cadre de l’examen mené par votre ministère à l’égard du Règlement de l’Ontario 347/18 en application de la Loi de 2015 sur la réforme des vérifications de dossiers de police (LRVDP) en vue de déterminer si les exemptions temporaires prescrites devraient être maintenues, restreintes ou supprimées.

Comme constaté dans le cadre de votre examen, les bases de données de la police contiennent de nombreux renseignements, dont la communication peut entraîner, pour les personnes concernées, des obstacles inutiles à l’emploi, au bénévolat ou à l’accès aux études, à une profession, à des programmes ou à des services. La CODP se félicite de la volonté exprimée par le ministère de restreindre la portée des exemptions au régime de la LRVDP. Je vous remercie d’orchestrer cet examen important.

Compte tenu de l’incidence disproportionnée et injuste des vérifications de dossiers de police sur les groupes vulnérables, la CODP exhorte l’Ontario à adopter des règlements en vertu desquels la portée de toute exemption à la LRVDP est limitée aux seules circonstances qui s’avèrent manifestement nécessaires. La CODP prie également l’Ontario de maintenir les garanties procédurales de la Loi visant l’ensemble des vérifications de dossiers de police, y compris les exemptions visant les vérifications.

La CODP s’emploie, depuis de nombreuses années, à mettre en évidence les répercussions injustes des vérifications de dossiers de police sur les groupes vulnérables. Dans ses consultations, ses enquêtes publiques, ses travaux de recherche et ses litiges, la CODP a mis en exergue une série de préoccupations concernant les effets disproportionnés des vérifications de dossiers de police sur l’accès à l’emploi, au logement, à l’éducation, aux activités bénévoles et à d’autres services pour les personnes présentant des troubles mentaux ou des dépendances, les Autochtones, les Noirs, les autres communautés racialisées et d’autres groupes vulnérables. Ces groupes subissent une discrimination systémique qui contrevient au Code des droits de la personne (le Code) et qui entraîne un nombre démesuré d’interactions avec le système de justice pénale.

En 2011, la CODP a formulé des conseils à l’Association des chefs de police de l’Ontario, qui élaborait ses premières lignes directrices concernant les vérifications de dossiers de police, et a avalisé les lignes directrices publiées. En 2015, la CODP a présenté un mémoire, dans lequel elle appuyait la nouvelle proposition de loi sur les vérifications de dossiers de police, adoptée plus tard cette année-là. À cette époque, la CODP a également averti que d’autres modifications étaient nécessaires.

Compte tenu du potentiel de discrimination défavorable, la CODP maintient sa position de longue date selon laquelle les organismes qui demandent et utilisent des vérifications de dossiers de police et les organismes qui fournissent ces renseignements doivent agir sur la base d’un motif raisonnable et de bonne foi au sens du Code.

À la lumière de nos préoccupations persistantes et des préoccupations exprimées par de nombreux autres intervenants, la CODP formule les recommandations suivantes :

  1. Toute exemption à la LRVDP devrait être étroitement circonscrite, de telle sorte que les renseignements non criminels soient seulement communiqués lorsque l’accès à une catégorie spécifique de renseignements est manifestement nécessaire en raison de problèmes de sûreté ou de sécurité liés à une profession donnée. Les exemptions générales et sectorielles devraient être rejetées. Pour déterminer s’il existe un besoin véritable d’obtenir des renseignements au-delà du périmètre de la LRVDP, il convient de recenser et d’évaluer clairement les professions particulières et les renseignements non criminels précis devant faire l’objet d’une exemption.

    Par exemple, les documents de consultation ont beau souligner la nécessité de limiter la divulgation des renseignements concernant une interaction en lien avec un problème de santé mentale figurant dans les dossiers de police, bon nombre des exemptions sectorielles proposées ne limitent pas la disponibilité de tels renseignements. La divulgation de ces renseignements risque systématiquement de perpétuer la stigmatisation et la discrimination concernant les problèmes de santé mentale. Étant donné que les agents de police ne sont pas des professionnels de la santé mentale et ne consignent pas les renseignements sur la santé mentale à des fins cliniques, les circonstances dans lesquelles la valeur probante de ces renseignements l’emporte sur son incidence potentiellement discriminatoire seront extrêmement rares, et toute exemption devrait clairement définir pourquoi l’accès à ces renseignements est nécessaire pour une profession donnée.
     

  2. Comme le ministère a exprimé, dans les documents de consultation, la volonté de renforcer les protections relatives à l’utilisation des renseignements issus des contrôles de routine en vertu de la LRVDP, les renseignements issus des contrôles de routine obtenus avant l’entrée en vigueur du Règlement 58/16 ne devraient être utilisés ou communiqués dans aucune circonstance en lien avec la LRVDP. Il est largement reconnu qu’avant 2017, les contrôles de routine étaient effectués au hasard et visaient de manière disproportionnée les Autochtones, les Noirs, d’autres personnes racialisées et les membres appartenant à des groupes marginalisés. Le fait d’utiliser et de communiquer des renseignements recueillis dans le cadre d’un processus aussi peu fiable et largement condamné ne peut qu’en aggraver les effets discriminatoires.
     
  3. Même lorsqu’une exemption est prévue, les garanties procédurales permises par la LRVDP devraient s’appliquer. Elles devraient notamment porter sur la manière de demander, d’exécuter et de divulguer une vérification du dossier de police et les procédures connexes, le consentement, la rectification des renseignements figurant dans les dossiers et les processus de réexamen, ainsi que les restrictions visant l’utilisation des renseignements, des statistiques et des accords avec des tiers.

En raison de l’incidence disproportionnée des vérifications de dossiers de police sur les groupes vulnérables, la CODP demeure préoccupée par le fait qu’aucune disposition de la LRVDP[FW1]  ne garantit que les personnes ou organisations qui demandent, divulguent ou reçoivent des renseignements provenant d’une vérification du dossier de police prouvent ou confirment qu’elles agissent sur la base d’un motif raisonnable et de bonne foi. La CODP recommande à l’Ontario d’examiner de quelles façons il convient d’utiliser ou de modifier la LRVDP pour répondre à cette préoccupation.

La CODP réaffirme également son appel de longue date en vue de l’ajout, à la liste des motifs illicites de discrimination prévus au Code, de l’existence de « dossiers de police », qui s’entend notamment « d’accusations et de déclarations de culpabilité, avec ou sans suspension du casier, et de tout dossier de police, y compris l’historique des contacts d’une personne avec la police ». La CODP estime que cette modification du Code et les changements que nous avons recommandés ci-dessus permettraient de mieux équilibrer les objectifs de politique sociale dans les domaines de la sécurité publique, de la prévention du crime, de la réadaptation des délinquants, de la protection de la vie privée et des droits de la personne.

Je serais heureuse de pouvoir vous rencontrer pour discuter des recommandations de la CODP sur les dossiers de police et sur d’autres questions relatives aux droits de la personne qui revêtent un intérêt commun dans nos collectivités.

Je vous prie d’agréer, Madame la Solliciteure générale, mes salutations distinguées.

 

La commissaire en chef,
Ena Chadha, LL.B., LL.M.

c. c.             Michael Bryant, directeur exécutif et avocat général, Association canadienne des libertés civiles
                   Patricia Kosseim, commissaire, Commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de l’Ontario
                   L’honorable Doug Downey, procureur général
                   Commissaires de la CODP